Loi Handicap : la commission des affaires sociales du Sénat dresse un bilan en demi-teinte

Après avoir pris une part active à sa conception, la commission des affaires sociales du Sénat présidée par Nicolas About (Yvelines - UC-UDF) a fait le point sur deux ans d'application de la loi Handicap du 11 février 2005.

Le bilan établi par son rapporteur, Paul Blanc (Pyrénées orientales - UMP), est mitigé. La publication rapide des décrets d'application de la loi et la mise en place effective des maisons départementales des personnes handicapées doivent être mises au crédit de l'Etat et des conseils généraux. Mais certains aspects de la loi restent peu ou mal appliqués.

            · Maisons départementales des personnes handicapées : un fonctionnement perfectible

Ces structures peinent à trouver leur juste place par rapport aux services des conseils généraux : seule la moitié d'entre elles disposent d'un directeur propre et de locaux distincts et l'on déplore une faible mobilisation des autres partenaires de la politique du handicap.

Une difficulté tient à l'instabilité des personnels mis à disposition par l'Etat pour assurer leur fonctionnement : ils ont en effet la possibilité de demander leur retour dans leur administration d'origine à tout moment et ces mouvements, sans être massifs, sont inquiétants, car ils nuisent à la capacité d'expertise des maisons. C'est la raison pour laquelle la commission plaide pour l'instauration d'un droit d'option définitif.

L'objectif principal doit dorénavant être d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers : trop souvent, les personnes handicapées sont confrontées à des agents d'accueil incapables de les renseigner, les équipes pluridisciplinaires sont débordées et les commissions des droits et de l'autonomie peinent à écluser le passif des 600 000 dossiers transmis par les anciennes Cotorep et CDES. Pour encourager les départements à investir en personnel apte à régler ces dysfonctionnements, la commission place un grand espoir dans l'exploitation des questionnaires de satisfaction qu'ils ont mis en place à la demande de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

            · Prestation de compensation du handicap : elle reste mal connue et mal comprise des usagers

La nouvelle prestation de compensation du handicap connaît un démarrage nettement plus lent que prévu : au 31 décembre 2006, seules 11 500 prestations étaient attribuées, dont 7 700 effectivement versées.

En réalité, faute d'informations précises sur le montant qu'elles sont susceptibles d'obtenir, beaucoup de personnes handicapées préfèrent user du droit que leur reconnaît la loi de conserver le bénéfice de l'ancienne allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Pourtant, leurs craintes sont largement infondées car la nouvelle prestation s'élève en moyenne à 1 000 euros par mois, là où l'ACTP n'atteignait que 450 euros.

Les personnes handicapées redoutent aussi la lourdeur des contrôles opérés par les départements sur la nature des dépenses auxquelles elles affectent leur prestation, car ces contrôles n'existaient pas sous le régime de l'ACTP. Pour les rassurer, la commission propose de verser la prestation sous la forme de chèques emploi service (Cesu) préfinancés, qui ne peuvent être employés que pour rémunérer un salarié à domicile.

Enfin, un élément important du dispositif de compensation du handicap est en panne : les fonds départementaux de compensation. Ils sont pénalisés non seulement par la très faible mobilisation des financeurs mais aussi par une malfaçon législative, portant sur le calcul du « reste à charge » pour les personnes handicapées, qui doit impérativement être corrigée, faute de quoi les garanties prévues par la loi resteront lettre morte.

    · Mise en place d'un cinquième risque : des pistes de réflexions

La loi du 11 février 2005 impose une convergence entre la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées d'ici 2011. Pour la commission, cette convergence ne peut pas être totale : si la dépendance liée à l'âge est une perspective pour tous, ce qui fait d'elle un risque assurable, le handicap reste un malheur rare et imprévisible, qui justifie une compensation par la solidarité nationale. Au total, la convergence pourrait s'opérer sur les méthodes d'évaluation des besoins et sur la nature des aides prises en charge, mais ne pas s'étendre aux tarifs de prise en charge.

Pour le financement de ce cinquième risque, la commission retient un préalable indispensable : mieux distinguer ce qui relève des soins, de l'entretien et de la perte d'autonomie, afin d'identifier l'ampleur des besoins à financer. Concrètement, une piste de financement pourrait être de mettre en place une forme de prévoyance, individuelle ou collective, pour prendre en charge la perte d'autonomie liée à l'âge.

S'agissant enfin de la gouvernance de cette cinquième branche, la commission plaide pour une préservation de l'architecture actuelle qui s'appuie sur la CNSA et les maisons du handicap. Elle permet en effet de concilier pilotage national du risque et régulation des dépenses grâce à la mobilisation de l'échelon local.

            · Intégration des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie sociale : poursuivre les efforts

Dans le domaine de la scolarisation, les progrès sont très nets, puisque le nombre d'enfants handicapés scolarisés à l'école ordinaire a progressé de 80 % en cinq ans. Il convient cependant de mettre à la disposition de ces enfants des auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant et formés aux spécificités de l'accompagnement en milieu scolaire. Vaincre les réticences encore importantes des enseignants suppose également un effort de formation dans leur direction, ainsi que le développement du réseau des enseignants référents qui leur apporte informations et conseils.

L'emploi des personnes handicapées doit rester une priorité de l'action des pouvoirs publics. La commission dénonce tout particulièrement le mauvais fonctionnement du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique : manquant de moyens humains et matériels, entravé par des querelles de personnes et des dysfonctionnements administratifs et informatiques, il n'a pu traiter que onze dossiers en 2006, alors qu'il a collecté cette même année plus de 52 millions d'euros. Inquiète de ce démarrage laborieux, la commission a décidé de demander à la Cour des Comptes de se pencher sur le fonctionnement de ce fonds.

La commission s'inquiète également du désengagement de l'Etat vis-à-vis du pilotage des actions de placement, de suivi et de maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés : il est indispensable qu'il assume la responsabilité que lui a confiée le législateur de conventionner les opérateurs qui mettent en œuvre ces actions, à savoir les Cap Emploi, au lieu de laisser l'Agefiph choisir seule ses prestataires à travers un appel d'offre qui met ces structures en concurrence avec des opérateurs privés peu au fait de la problématique du handicap.

Enfin, en matière d'accessibilité, la commission appelle à la plus grande vigilance pour que les principes posés par la loi, applicables dans leur intégralité en 2015, ne soient pas contournés. Sa plus grande inquiétude porte sur les délais autorisés pour établir le simple diagnostic de l'existant, soit six ans. Ce délai lui paraît excessif : si les propriétaires attendent cette date pour procéder au diagnostic, il ne leur restera que quatre ans pour se mettre ensuite en conformité et ils risquent fort de se trouver en situation financière difficile. Il faut donc impérativement les inciter à anticiper ces butoirs et à planifier le calendrier de réalisation des travaux.

Contact presse : Pierre-Michel Vauthelin 01 42 34 25 93 pm.vauthelin@senat.fr