Départementalisation de Mayotte : la commission des lois du Sénat examine les conséquences de l'évolution statutaire pour les Mahorais

Le rapport fait au nom de la commission des lois par M. Jean-Jacques Hyest, président (UMP - Seine-et-Marne), Mme Michèle André, présidente de la délégation  aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (SOC - Puy-de-Dôme), MM. Christian Cointat (UMP - Français établis hors de France) et Yves Détraigne (UC - Marne), membres de la délégation de la commission qui s'est rendue du 1er au 6 septembre 2008 à Mayotte, dresse un bilan de la situation et des perspectives d'évolution statutaire de cette collectivité.

La population de Mayotte sera en effet consultée en mars 2009 sur la transformation de la collectivité en département et région d'outre-mer. Le rapport considère que l'accès à ce statut, si la population de Mayotte en fait le choix, constituera l'aboutissement d'une revendication historique et mettra un terme à ce que les Mahorais pouvaient percevoir comme une ambiguïté.

Toutefois, cette évolution statutaire interviendra alors que la situation de Mayotte apparaît porteuse de risques et d'inquiétudes. Elle demandera donc d'importants efforts aux habitants, aux élus et à l'État. L'avenir de l'archipel repose sur un équilibre fragile, que l'accès au statut de département et région d'outre-mer ne doit pas compromettre mais renforcer.

Le rapport souligne que Mayotte doit relever les défis d'une forte pression migratoire et d'une explosion démographique qui paraissent annihiler les efforts de développement. L'archipel doit à la fois éduquer et former une population jeune, lui assurer un avenir professionnel et entrer pleinement dans la modernité en assimilant l'ensemble des principes républicains.

La commission des lois juge que Mayotte a accompli des progrès tangibles et que les retards s'expliquent par le poids de certaines traditions (place des cadis et incompatibilités du statut personnel avec les droits fondamentaux), par la mise en œuvre de moyens insuffisants de la part de l'État (révision de l'état civil) et par l'inertie de la collectivité (action insuffisante en matière d'aide sociale à l'enfance).

Elle considère que si la population de Mayotte, informée des efforts qu'une telle évolution implique, fait le choix de la départementalisation, le nouveau statut de l'archipel devra en faire un département et une région d'outre-mer.

Les conséquences de cette évolution statutaire devront toutefois être progressives, pour être assimilées sans heurts par la société et par l'économie mahoraises.

Le rapport souligne que l'accès au statut de département et région d'outre-mer impliquera :
la modification du statut personnel pour le rendre entièrement compatible avec les principes et les droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne l'égalité des femmes et des hommes : interdiction de toute nouvelle union polygame, élévation à 18 ans de l'âge légal du mariage des femmes relevant du statut personnel ;
- la suppression des fonctions judiciaires et notariales des cadis ;
- l'achèvement rapide de la révision de l'état civil, ce qui suppose le renforcement des effectifs de la commission de révision de l'état civil par un vice-président et une équipe de fonctionnaires spécialisés, chargés d'encadrer les rapporteurs ;
- la mise en place d'une fiscalité locale, qui nécessite d'abord l'évaluation de la valeur locative des parcelles ;
- le maintien d'une seule assemblée exerçant les compétences du département et de la région ;
- le plein exercice, par le conseil général, de ses compétences en matière d'aide sociale à l'enfance.

La commission insiste sur la nécessité d'expliquer à la population de Mayotte, avant la consultation de mars 2009, les conséquences de la départementalisation.

Le rapport relève cependant que l'alignement sur le droit commun ne sera jamais complet à Mayotte, pas plus qu'il ne l'est actuellement dans les DOM. Les normes applicables comporteront nécessairement des adaptations, que ce soit dans le domaine de l'entrée et du séjour des étrangers, dans celui de la protection sociale, ou encore du droit foncier.

Ainsi, l'application immédiate à Mayotte des prestations sociales en vigueur dans les départements de métropole risquerait de bouleverser les équilibres économiques et sociaux de l'archipel. Le rapport recommande par conséquent la création, à titre transitoire, d'un fonds de développement économique et social qui apporterait le même montant d'aides qu'à un département, mais le répartirait différemment, afin d'assurer la construction des infrastructures indispensables : crèches, maisons de retraite...

Le rapport souligne qu'il appartiendra à l'État :
- de poursuivre ses efforts d'investissement en matière de constructions scolaires, d'infrastructures et de lutte contre l'immigration irrégulière ;
- d'obtenir de l'Union européenne l'accès de Mayotte au statut de région ultrapériphérique, ce qui permettra à la collectivité de bénéficier des fonds structurels ;
- d'engager avec l'Union des Comores une coopération bilatérale massive, seul moyen de réduire la pression migratoire que subit Mayotte.

 Contact presse : Ali Si Mohamed   01 42 34 25 11   a.si-mohamed@senat.fr
Ce rapport est consultable sur le site du Sénat : http://www.sen at.fr/noticerap/2008/r08-115-notice.html