Rapport sur le contenu en importations de la consommation des ménages

Quelle est la proportion de biens importés dans la consommation des Français ? Cette proportion varie-t-elle avec le revenu ? Ces questions sont centrales dans le contexte :
- du choix affiché d’une politique d’augmentation du pouvoir d’achat ;
- du creusement du déficit extérieur français au cours des dix dernières années ;
- d’une crise mondiale du crédit justifiant des politiques budgétaires contra-récessives.

Les précisions techniques qu’apporte le rapport, avec le concours de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), s’intègrent à la réflexion menée par le Sénateur Bernard Angels (Soc, Val-d’Oise), dans le cadre de la délégation du Sénat pour la planification, présidée par M. Joël Bourdin (UMP, Eure), sur l’opportunité et les caractéristiques souhaitables d’une relance économique.

1. Premier constat : le taux de pénétration des importations dans la consommation est très inférieur au taux d’ouverture de l’économie française, de l’ordre de 28 %. Les mesures soutenant le pouvoir d’achat sont régulièrement soupçonnées de ne favoriser que nos partenaires commerciaux (selon certaines représentations, les aides sociales ou fiscales ne contribueraient qu’à l’acquisition d’« écrans plats » fabriqués en Chine ou en Corée), au vu de la dégradation quasi-continue du solde extérieur de la France depuis 1998. Quelle réalité économique attribuer à ce soupçon ? En fait, la comptabilité nationale ne permet pas d’isoler directement le contenu en importation de la consommation. Le rapport remédie à cette lacune. En procédant par type de biens et en évaluant la quotité qu’ils représentent dans la consommation des ménages (distinguée des exportations, de l’investissement et des consommations publiques), on calcule un contenu en importation de la consommation des ménages relativement faible (14 %).
Bien qu’à nuancer en raison d’incontournables hypothèses simplificatrices, ce résultat est significativement inférieur aux évaluations souvent citées et à celles concernant le contenu en importations des exportations et, à un moindre degré, l’investissement. Par ailleurs, l’activité domestique directement induite par les consommations importées est non négligeable, puisque les marges commerciales et les activités de transport représentent 9 % du montant de ces importations.
Certes, une relance unilatérale de la consommation des ménages déboucherait nécessairement sur une dégradation du solde extérieur. Mais ce point, qui caractérise au fond toute économie ouverte, ne manifeste aucunement une quelconque spécificité française. Plus généralement, la contrainte extérieure ne saurait être déduite de la considération des seules importations. Comme le suggère le modèle allemand, le rétablissement du déséquilibre commercial de la France pourrait passer par une inscription accrue dans la mondialisation, avec une accélération des importations gageant une accélération plus forte des exportations, grâce aux gains de compétitivité acquis par le recours à des consommations intermédiaires à bas prix.

2. Deuxième constat : la sensibilité des importations à la consommation diffère selon le niveau des revenus. Avec le concours de l’OFCE, le rapport établit que le contenu moyen en importation de la dépense pour les 10 % des ménages ayant les plus bas revenus est inférieur de 2,4 points à celui de la moitié des ménages ayant les plus hauts revenus. Il établit encore que le contenu marginal en importations de la consommation de ménages excède de près de 2 points le contenu moyen. Ainsi, la propension à consommer des biens importés croit avec le revenu, aussi bien en moyenne qu’à la marge.
Ces informations inédites sont fondamentales et de nature à alimenter une réflexion mieux argumentée sur les caractéristiques souhaitables d’une relance économique.

3. Dès lors, le rapport souligne que :
- une coordination des politiques économiques s’impose, notamment pour instaurer des politiques européennes coopératives, car il faut éviter que les économies prêtes à opérer une relance budgétaire assument, seules et au risque de s’en trouver découragées, le coût d’une impulsion économique dont le profit en termes de croissance devrait être partagé avec des économies plus attentistes ou adoptant un comportement de « passager clandestin ». Le creusement du déficit et l’altération de l’efficacité économique de la relance seraient d’autant plus sensibles que la propension marginale à consommer des biens importés est susceptible d’excéder la propension moyenne ;
- de nombreux arguments, aux premiers rangs desquels l’urgence à briser les anticipations déflationnistes qui précipitent la récession et la simultanéité des politiques de relances initiées de par le monde, conduisent à avancer que le dosage entre soutien à l’investissement et à la consommation pourrait utilement évoluer dans un sens plus favorable à cette dernière sans risque majeur de dégradation significative du solde extérieur. Toutefois, les termes très généraux du plan de 200 milliards d’euros de la Commission européenne adopté par le Conseil européen en décembre 2008 doivent être précisés et, idéalement, la zone euro devrait devenir le lieu privilégié d’un « policy mix » associant étroitement politique monétaire unique, et politiques économiques et budgétaires coordonnées ;
- le nécessaire traitement social de la crise converge, au moins en France où la propension moyenne à consommer des biens importés croît avec le revenu, avec la recherche d’une plus grande efficacité économique pour privilégier une injection de pouvoir d’achat en direction des ménages rencontrant les plus grandes difficultés. Par exemple, une politique ciblée pourrait tendre à maintenir le pouvoir d’achat de ménages fragilisés par la crise en élargissant les droits à indemnités des demandeurs d’emploi. Une telle mesure, parce qu’elle n’engendrerait que des revenus de substitution, favoriserait d’autant moins les importations que c’est la propension moyenne à consommer des biens importés qui serait en jeu, et non la propension marginale.

4. Enfin, le rapport relève que la gouvernance économique française, quelquefois critiquée pour avoir sous-estimé la contrainte extérieure doit s’efforcer, dans un cadre international qui le rendrait possible, de ne pas encourir aujourd’hui le reproche inverse.
Parce que, précisément, la plupart des plans de relance mis en place dans les principales économies du monde ne sont pas suffisamment orientés vers une stimulation rapide de la demande des ménages, une « seconde vague » de plans de relance apparaît aujourd’hui plausible. Dans cette occurrence, le rapport juge prévisible et réaliste un plan ultérieur de soutien, davantage axé sur la demande des ménages au terme d’une véritable coordination européenne garantissant que la demande adressée à la France ne progresse pas moins vite que la demande de la France au Reste du monde.

Le rapport est en ligne : http://www.senat.fr/noticerap/2008/r08-169-notice.html
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