LE SENAT REAGIT A L’ANNONCE PAR EADS D’UN RETARD DU PROGRAMME D’AVION DE TRANSPORT MILITAIRE AIRBUS A400M

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des finances ont adopté un rapport conjoint, à la suite de l’annonce par EADS, le 9 janvier 2009, d’un retard de plus de 3 ans du programme d’avion de transport militaire Airbus A400M, dont les premiers exemplaires ne devraient désormais être livrés que fin 2012 (au lieu de fin 2009). Les rapporteurs sont MM. Jacques Gautier (UMP, Hauts-de-Seine), membre de la commission des affaires étrangères, et Jean-Pierre Masseret (Soc, Moselle), membre de la commission des finances, rapporteur spécial de la mission « Défense ». Ils ont auditionné les principaux responsables politiques, industriels et militaires concernés, et ont eu accès aux principaux documents relatifs au programme.

Le rapport souligne le pari risqué que constituait ce programme : il s’agissait de réaliser en 6 ans et demi ce que les autres industriels faisaient habituellement en 15 ans, avec un avion, un moteur entièrement nouveaux, une avionique innovante, à un prix contraint, et sans programme de réduction des risques.

EADS et les Etats ne se sont pas donné les moyens de remporter ce pari. EADS n’a pas réalisé à temps qu’un avion de transport tactique n’était pas un « avion de transport civil peint en vert » et la répartition des responsabilités entre Airbus et Airbus Military a été peu efficiente. Le contrat, de type civil, dissuadait tout dialogue entre l’industriel et ses clients – alors qu’un dialogue permanent est inévitable pour un programme d’avion militaire –, et prévoyait de fait une application du principe de « juste retour », consistant à répartir le travail entre Etats en fonction du nombre de leurs commandes. Le suivi a été défaillant, à cause de l’absence de véritable interlocuteur du côté des Etats, du manque de dialogue entre EADS et ses sous-traitants et des problèmes de coordination du consortium de motoristes. Il n’est pas établi que la préférence des Etats pour un moteur européen et l’exigence d’une certification civile aient joué un rôle déterminant.

Les rapporteurs estiment malgré tout nécessaire de mener à bien ce programme. Ils espèrent qu’EADS sera en mesure de respecter les nouveaux délais annoncés. Ils sont conscients du grave impact de ce retard sur les capacités de projection de l’armée française. Il n’existe cependant pas de « solution de rechange » satisfaisante, et un abandon du programme serait catastrophique à la fois l’Europe de la défense et pour l’industriel. L’application rigide du contrat reviendrait à « punir » EADS, sans l’inciter à reprendre en main le programme. Sans exonérer EADS de sa responsabilité dans ce retard, il paraît donc nécessaire de renégocier le contrat, afin de parvenir, enfin, à une relation mature entre l’industriel et les Etats.

Les rapporteurs s’efforcent de tirer les enseignements des difficultés rencontrées sur ce programme pour les prochains programmes d’armement européens. Il leur paraît nécessaire de renoncer à la règle du « juste retour », de créer les conditions d’un dialogue responsable entre les Etats et l’industriel, et de respecter certains principes simples afin de mieux gérer le risque. Il faut partager les objectifs, rassembler les meilleures compétences et se donner les moyens de réussir.

Lancé en 2003, le programme A400M, dont la responsabilité a été confiée à Airbus Military SL (filiale d’Airbus), prévoit la livraison de 180 avions de transport tactique à 7 Etats européens, dont la France (qui en a commandé 50), pour un prix de l’ordre de 20 milliards d’euros. Le premier vol devait avoir lieu en janvier 2008 et les premières livraisons étaient prévues pour octobre 2009. Le 9 janvier 2009, EADS a annoncé qu’en raison des problèmes de certification du système de contrôle des moteurs (le FADEC) le premier vol était prévu vers la fin de 2009, et que la première livraison serait décalée d’environ 3 ans.

La commission des affaires étrangères est présidée par M. Josselin de Rohan (UMP, Morbihan), et la commission des finances par M. Jean Arthuis (UC, Mayenne).

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