« Taxe carbone » : la commission des finances
du Sénat définit les conditions du succès

La commission des finances du Sénat, présidée par M. Jean Arthuis (UC, Mayenne), a adopté, mercredi 8 juillet 2009, le rapport de son groupe de travail sur la fiscalité environnementale, dont Mme Fabienne Keller (UMP, Bas-Rhin) assure la présidence.

Après un rappel des enjeux écologiques et économiques du changement climatique et du contexte international marqué, en particulier, par la préparation de la conférence de Copenhague de décembre 2009, ce document analyse trois aspects complémentaires de « l’économie du carbone » : l’éventualité de l’instauration d’une « contribution climat-énergie » en France ; l’avenir des marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre en Europe ; et les conditions dans lesquelles un mécanisme d’inclusion du prix du carbone pourrait être mis en place aux frontières de l’Union européenne.

Contribution climat-énergie

La commission soutient, dans son principe, la création d’une contribution climat-énergie, dont elle souligne que le « signal-prix » doit être le plus clair possible. Elle exprime donc sa préférence pour une taxe additionnelle à la fiscalité énergétique existante, dont le tarif devra permettre d’atteindre les objectifs français de réduction d’émissions de CO2.

S’agissant de l’impact de la taxe sur les entreprises et sur leur compétitivité, la commission appelle à en effectuer un suivi attentif et à prévoir des mesures d’accompagnement pour les secteurs d’activité les plus exposés. Ces mesures d’accompagnement devront être précédées d’une évaluation de l’efficacité des « niches fiscales » existantes en matière de fiscalité énergétique et devront privilégier les accords contractuels, par lesquels les entreprises s’engageront à renforcer leur efficacité énergétique. S’agissant des ménages, la commission préconise d’être attentif à l’impact potentiellement pénalisant sur les plus modestes d’entre eux. Un « chèque vert » modulé en fonction du niveau de vie doit donc être mis à l’étude.

La contribution climat-énergie n’est pas une taxe de rendement ayant vocation à équilibrer le budget général et son instauration doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’architecture de nos prélèvements obligatoires. Sur ce point, la commission estime que le remplacement de la taxe professionnelle par une telle contribution doit faire l’objet d’une étude approfondie, certaines caractéristiques de cette dernière pouvant sembler inadaptées à une transposition au niveau local.

S’agissant enfin de la « méthode », la commission a jugé que le succès de la contribution climat-énergie et son acceptation par les citoyens reposeraient sur la capacité des pouvoirs publics à bâtir un consensus durable autour de ce prélèvement, consensus garanti par une bonne information sur les gains économiques et environnementaux qui en résulteront, mais aussi et surtout par la visibilité des contreparties qui accompagneront sa création.

L’avenir des marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre

Le rapport fait valoir que la généralisation de l’attribution des quotas d’émission au travers d’enchères (hormis pour les secteurs les plus exposés) est une étape décisive de la vie du marché européen. Pour franchir ce cap avec succès, il plaide pour :

- une harmonisation de la définition et du traitement fiscal des quotas en Europe ;

- la mise en place d’une plate-forme européenne d’enchères unique afin d’éviter toute distorsion de concurrence ;

- la limitation de l’accès à ces enchères aux industriels devant restituer ces quotas et, éventuellement, à des « courtiers agréés » tenus d’assurer la liquidité du marché ;

- l’organisation d’enchères à un rythme régulier. Chaque vente ne devrait concerner que des quantités de quotas non susceptibles de déséquilibrer le marché.

De plus, le rapport appelle à un renforcement sensible de l’encadrement d’un marché qui apparaît, pour l’heure, totalement dérégulé. Il convient d’édicter des règles ayant notamment pour objet d’en assurer le fonctionnement sain, clair et transparent, de limiter le pouvoir de marché et le risque de contrepartie et d’interdire la fraude et les manipulations du marché. En outre, une autorité européenne disposant d’un pouvoir de sanction dissuasif devrait être habilitée à surveiller les marchés et à assurer le respect de ces règles.

La création d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières

Le groupe de travail estime indispensable, d’une part, d’assurer la cohérence du « signal-prix » du carbone envoyé aux consommateurs, quelle que soit l’origine des produits et, d’autre part, d’éviter des « fuites de carbone » hors d’Europe (c’est-à-dire des délocalisations provoquées par la contrainte carbone européenne).

A cette fin, l’instauration d’un mécanisme d’inclusion du prix du carbone aux frontières de l’Union européenne peut être un bon outil. De plus, l’analyse de la jurisprudence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne semble pas proscrire la mise en place d’un tel mécanisme, sous réserve du respect de certaines conditions.

Le rapport en conclut que l’Europe devrait envisager une solution de ce type si de forts déséquilibres en matière de contrainte carbone devaient subsister après la conférence de Copenhague et si les mesures actuellement prévues (comme l’attribution de quotas gratuits aux secteurs les plus menacés) se révélaient inefficaces. Dans cette hypothèse, le mécanisme le plus simple consisterait à imposer aux importateurs d’acquérir des quotas dans les mêmes conditions que les industriels européens.

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