Lors de sa réunion du mercredi 29 novembre 2017, la commission des lois du Sénat a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission "Justice", à l’exception des crédits du programme "Protection judiciaire de la jeunesse".

Pour M. Philippe Bas (LR - Manche), président de la commission, "avec seulement 19 % d’augmentation des crédits entre 2018 et 2022, la trajectoire d’augmentation engagée par le Gouvernement n’est pas à la hauteur des efforts nécessaires au redressement de la justice dans une situation qui est aujourd’hui critique du point de vue de ses délais et de ses moyens . La proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat au mois d’octobre 2017 prévoit une augmentation de 28,9 %, bien plus ambitieuse, sur la même période. Il est urgent de rendre effective cette programmation".

Par ailleurs, M. Philippe Bas a relevé que les crédits d’investissement pour les prisons étaient en fort recul et il a "déploré que l’objectif du Président de la République de construire 15 000 places de prison pendant son mandat soit officiellement abandonné".

Malgré l’augmentation des moyens de l’autorité judiciaire inscrite dans le projet de loi de finances, M. Yves Détraigne (UC - Marne), rapporteur pour avis des programmes "Justice judiciaire", "Accès au droit et à la justice", "Conduite et pilotage de la politique de la justice" et "Conseil supérieur de la magistrature", a estimé que le budget de 2018 présentait de nombreuses lacunes, comme la faiblesse des créations d’emplois dans les juridictions et la persistance de la sous-dotation des frais de justice : "148 créations nettes de postes seulement sont prévues en 2018, contre 600 en 2017, et près de 122,65 millions d’euros de dettes et charges à payer ne sont pas budgétés en matière de frais de justice, alors que certaines juridictions sont en cessation de paiement depuis le mois d’août et ne peuvent payer des auxiliaires de justice (informaticiens, psychiatres, experts-comptables, traducteurs…) indispensables à la manifestation de la vérité".

M. Yves Détraigne a également dénoncé une "progression des crédits de fonctionnement et d’investissement des juridictions en trompe-l’œil, puisque cette augmentation sera pour l’essentiel absorbée par l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris, alors que le piètre état de l’immobilier de certaines juridictions tout comme l’insuffisance de leurs moyens de fonctionnement sont régulièrement dénoncés".

M. Alain Marc (Les Indépendants - Aveyron), rapporteur pour avis du programme "Administration pénitentiaire", a déploré l’insuffisance des crédits dédiés à l’administration pénitentiaire : à périmètre constant et hors dépenses de personnel, les crédits de paiement diminuent de plus de 1,3 % et les autorisations d’engagement concernant l’immobilier pénitentiaire de 77,26 % par rapport à 2017.

Il a souligné qu’"en raison de lafaiblesse de l’effort budgétaire en faveur de l’immobilier pénitentiaire, du retard constaté pour acquérir les terrains et de l’absence de loi de programmation permettant de sécuriser les financements, il ne sera pas possible de construire 15 000 places de prison avant la fin du quinquennat, contrairement à l’engagement présidentiel", ce qu’a confirmé Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition par la commission des lois, le mardi 28 novembre.

M. Alain Marc a également dénoncé la forte baisse des crédits consacrés à la maintenance des établissements, de plus de 29,3 % par rapport à 2017, alors même que plus d’un tiers des cellules du parc immobilier carcéral sont considérées comme vétustes : "Le sous-investissement dans l’entretien du parc immobilier de l’administration pénitentiaire entraîne une dégradation précoce des établissements existants et conduit soit à une augmentation des coûts des rénovations futures, soit à une fermeture forcée et non anticipée de places d’établissements pénitentiaires."

Mme Josiane Costes (RDSE - Cantal), rapporteure pour avis du programme "Protection judiciaire de la jeunesse", a relevé l’augmentation des crédits (+ 3,4 %) alloués à ce programme. Elle a appelé de ses vœux une évaluation plus fine du fonctionnement des centres éducatifs fermés, dans la perspective de la création de vingt nouveaux centres, et souligné la nécessité de porter une attention toute particulière à la prise en charge des jeunes filles par la protection judiciaire de la jeunesse.

Selon la rapporteure pour avis, "la situation spécifique des jeunes filles délinquantes, dont le nombre augmente, nécessite le développement de la formation des personnels ainsi qu’une adaptation des structures de prise en charge de la protection judiciaire de la jeunesse, au besoin en remettant en cause le principe de mixité qui a jusqu’à présent prévalu".

En conséquence, la commission des lois n’a pas été en mesure de donner un avis favorable, en l’état, à ce budget et incite vivement le Gouvernement à revoir ses choix budgétaires concernant la justice judiciaire et l’administration pénitentiaire.

Les crédits de la mission "Justice" seront examinés par le Sénat en séance publique le mardi 5 décembre 2017.

Mathilde DUBOURG
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