À quelques jours du début de l’examen du projet de loi "Climat et Résilience", la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques ont adopté, mercredi 19 mai, un rapport d’information commun afin de dessiner les grandes lignes d’un modèle alimentaire français encore plus durable et encore plus local.

Comme l’a rappelé Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, "si la France est reconnue, depuis plusieurs années, comme le “modèle alimentaire le plus durable du monde” selon un classement international, des progrès doivent encore être menés afin de consolider ses forces et de faire disparaître ses faiblesses. C’est un impératif stratégique, qui permet, en même temps, de porter un vrai discours opérationnel pour améliorer l’empreinte environnementale de notre alimentation".

Le rapport appelle à la mise en œuvre de 25 recommandations concernant à la fois l’offre agricole et la demande des consommateurs. Renforcer notre souveraineté alimentaire, consolider les initiatives locales en matière alimentaire, maîtriser l’empreinte environnementale de notre agriculture et de notre alimentation, renforcer les transitions dans un laps de temps compatible avec le temps des cultures et mettre en œuvre une réelle transparence sur l’étiquetage de l’origine des produits, tels sont les objectifs poursuivis.

Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, estime que "ce rapport démontre que l’impératif de souveraineté alimentaire ne s’oppose pas à celui de durabilité ; au contraire, les deux objectifs sont liés : la reconquête de nos parts de marché perdues dans le bol alimentaire des Français, c’est de l’alimentation plus locale donc plus durable".

Les rapporteurs alertent sur la part de plus en plus importante des produits importés dans la consommation alimentaire des ménages, en rayons frais, dans les produits transformés ou dans les menus de la restauration hors foyer. "Il faut accepter que le secteur alimentaire, secteur stratégique fournissant des milliards de repas de qualité chaque jour aux Français, ait une certaine empreinte environnementale. Mais nous ne pouvons accepter que ce bilan soit dégradé par des produits importés qui ne respectent pas nos normes de production" rappelle l’un des rapporteurs, Laurent Duplomb. Le document appelle à la mise en œuvre d’une stratégie alimentaire ambitieuse permettant aux produits français de reconquérir les parts de marché perdues, en prenant conscience de l’impératif de compétitivité et en luttant plus efficacement contre les importations déloyales.

La durabilité du modèle alimentaire est, en outre, indissociable de celle de notre modèle agricole. Pour Kristina Pluchet, "le problème est que les agriculteurs sont aujourd’hui face à des défis essentiels, comme celui de leur revenu ou de l’adaptation au changement climatique, face auxquels ils doivent être accompagnés. J’ajoute qu’un neuvième des agriculteurs pourrait disparaître avec le “papy-boom” agricole sous dix ans et nous ne proposons rien : notre Ferme France brûle et nous regardons ailleurs. Il faut opposer à une logique prescriptive une logique d’accompagnement dans la transition car à trop opposer souveraineté et durabilité, nous ne serons ni l’un ni l’autre".

Pour atteindre cet objectif, il importe également de se doter d’une véritable ambition en matière de lutte contre la déforestation importée, en mobilisant l’ensemble des acteurs. "Les entreprises concernées doivent faire toute la transparence sur les produits qu’elles importent et qui contribuent à la déforestation importée en France. Le projet de loi Climat et résilience n’est pas assez ambitieux en la matière : il en va de notre souveraineté, de l’empreinte environnementale appréciée au niveau global et d’une certaine exigence éthique" a regretté Anne-Catherine Loisier, également co-rapporteure.

Les rapporteurs proposent de compléter cette vision nationale par une dimension territoriale valorisant des approvisionnements locaux. Frédéric Marchand estime, à cet égard, que : "les notions de “durabilité” et de “localisme” sont des opportunités à saisir pour retisser du lien social dans tous les territoires, redynamiser le tissu commercial des petites et moyennes villes et relancer un cycle d’aménagement du territoire au service de nos besoins primaires. Les projets alimentaires territoriaux sont un premier pas pour renforcer la dimension territoriale de notre politique alimentaire, mais il faut donner davantage de leviers d’actions aux collectivités territoriales pour leur permettre de concrétiser leurs projets". Le rapport propose de mieux étudier les interactions entre les demandes et les offres locales afin d’optimiser l’appariement et de permettre aux collectivités territoriales de jouer un rôle accru en matière alimentaire, notamment en actant le transfert de l’autorité sur les adjoints gestionnaires en charge de la restauration collective.

À cet égard, les rapporteurs, derrière Hervé Gillé, ont appelé à donner un vrai coup d’accélérateur aux projets alimentaires territoriaux comme support de cette nouvelle ambition territoriale. "Les projets alimentaires territoriaux sont des outils essentiels pour mieux structurer des filières d’approvisionnement locales. Parallèlement, il faut avancer vite au niveau européen pour obtenir une évolution des règles de la commande publique afin de favoriser des approvisionnements plus locaux dans la restauration collective".

Enfin, les consommateurs doivent aussi pouvoir être les acteurs de ce modèle alimentaire plus souverain et à l’empreinte environnementale mieux maîtrisée. Daniel Gremillet estime que "le législateur ne peut se résigner à laisser les ménages les plus démunis consommer uniquement des denrées importées et n’ayant pas accès à certains produits, notamment ceux sous signes de qualité. Le chèque alimentaire est une piste à creuser. Il faut également engager une évolution de la réglementation européenne et française sur les étiquetages alimentaires car l’affichage de l’origine des matières premières est un prérequis à toute volonté de reconquête par les produits nationaux et locaux du panier alimentaire des ménages français".

Le groupe de travail Alimentation durable et locale est composé de Laurent Duplomb (Les Républicains - Haute-Loire), Hervé Gillé (Socialiste, Écologiste et Républicain - Gironde), Daniel Gremillet (Les Républicains - Vosges), Anne-Catherine Loisier (Ratt. Union Centriste - Côte-d’Or), Frédéric Marchand (Rassemblement des démocrates,  progressistes et indépendants – Nord), Kristina Pluchet (Les Républicains - Eure).

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est présidée par Jean-François Longeot (Union centriste - Doubs).

Marta de Cidrac (Les Républicains - Yvelines), Philippe Tabarot (Les Républicains - Alpes-Maritimes) et Pascal Martin (Union Centriste - Seine-Maritime) sont rapporteurs pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains - Yvelines).

Jean-Baptiste Blanc (Les Républicains - Vaucluse), Daniel Gremillet (Les Républicains – Vosges), Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains - Alpes-Maritimes) et Anne-Catherine Loisier (Ratt. Union Centriste - Côte-d’Or) sont rapporteurs pour la commission des affaires économiques du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Juliette ÉLIE Philippe PÉJO
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