Réunie le jeudi 21 juillet 2022, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de résolution européenne, adressée au Gouvernement, et un avis politique, destiné à la Commission européenne, pour les alerter sur la préservation des filières du patrimoine, menacées par l’interdiction du plomb ou la procédure d’autorisation envisagée par la révision du règlement européen "REACH", qui concerne l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques. L’Agence chimique européenne (ECHA) a en effet lancé au printemps une consultation sur l’inclusion du plomb à l’annexe XIV du règlement REACH, concernant les substances dites "particulièrement préoccupantes".

La procédure d’autorisation très lourde que cela impliquerait, puis l’interdiction qui suivrait au terme de quelques années, représenterait un coût prohibitif pour les entreprises (TPE et PME) françaises du secteur du patrimoine culturel. Leur survie même serait mise en cause à court terme. Les sénateurs ont été saisis par les maîtres verriers et la chambre syndicale nationale du vitrail, mobilisés pour la consultation européenne : "Ils sont légitimement inquiets, car la fabrication et la conservation du vitrail sont indissociables de l’usage du plomb", a déclaré Catherine Morin-Desailly, rapporteure, devant la commission des affaires européennes. La France concentre plus de 60 % du patrimoine de vitraux européens et abrite la plus grande surface de vitraux au monde.

Les facteurs d’orgue sont également concernés, ainsi que les organistes puisque cet instrument est en partie constitué de plomb. Malgré de nombreux essais de substitution depuis le XIXe siècle, la sonorité de l’orgue est indissociable de la part de plomb qui forme l’alliage de ses tuyaux, dans une proportion variant de 10% à 95 % environ. Sur près de 10 000 orgues recensés en France, près de 1600 sont classés au titre des monuments historiques.

Le risque est réél, pour les métiers concernés, de voir les activités de restauration péricliter ou se délocaliser en dehors de l’Union européenne.

La malléabilité et la durabilité du plomb concourent aussi à la conservation de long terme des bâtiments anciens. "L’impact le plus lourd porterait sur l’ensemble des professions liées à la restauration et à la conservation des monuments historiques" a ajouté Louis-Jean de Nicolaÿ, co-rapporteur, en soulignant que "la prévention du risque plomb est une préoccupation de longue date de tous les secteurs du patrimoine" et que « toutes les entreprises concernées y sont sensibilisées et ont pris les mesures de prévention indispensables."

Conscients de la toxicité du plomb, les rapporteurs constatent qu’aucune étude scientifique ne fait état de problèmes de santé caractérisés ou massifs liés au plomb chez les artisans et ouvriers du patrimoine et déplorent "qu’iln’existe aucune donnée épidémiologique fiable mettant en question en France et en Europe la santé des travailleurs exposés au plomb dans le domaine du patrimoine culturel." Ils appellent à la réalisation de telles études scientifiques sur crédits européens et à un Protocole national et européen de prévention du risque plomb sur les chantiers des monuments historiques. Pour les sénateurs, cette voie est bien préférable à une révision du règlement "REACH".

Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, a constaté que "des précédents d’exemptions relatives à l’interdiction de recourir au plomb pour un secteur déterminé ont déjà eu lieu dans certains domaines", notamment le cristal. Les sénateurs plaident en conséquence pour une exception patrimoniale en faveur des métiers concernés.

La proposition de résolution adoptée en commission des affaires européennes deviendra définitivement résolution européenne du Sénat à l’expiration du délai procédural de trois semaines. Un avis politique, reprenant les termes de cette proposition de résolution, est adressé dès à présent par le président Jean-François Rapin à la Commission européenne, dans le cadre du dialogue politique entre celle-ci et les parlements nationaux.

La commission des affaires européenne est présidée par
Jean-François Rapin (Les Républicains – Pas-de-Calais).
Catherine Morin-Desailly (Union centriste – Seine-Maritime) et Louis-Jean de Nicolaÿ (Les Républicains – Sarthe) sont membres de la commission des affaires européennes.

Chloé HUMPICH
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