Service des Commissions - Commission des Affaires étrangères et de la défense

M. PIERRE MOSCOVICI PRÉSENTE DEVANT LES SÉNATEURS LES PROCHAINES ÉCHÉANCES EUROPÉENNES


La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. Xavier de Villepin, président, a entendu le mercredi 29 octobre 1997, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

A la veille du sommet européen extraordinaire sur l'emploi (20-21 novembre 1997) et du Conseil européen du 12 décembre 1997, M. Pierre Moscovici a successivement commenté les enjeux de l'Union économique et monétaire, les acquis et les insuffisances du traité d'Amsterdam, ainsi que les perspectives d'élargissement et la réforme des politiques communes.

Abordant d'abord l'Union économique et monétaire, M. Pierre Moscovici a souligné que la volonté du Gouvernement était de la rééquilibrer dans un sens plus favorable à la promotion de la croissance et de l'emploi : tel était, notamment, l'objet du sommet sur l'emploi.

Par ailleurs, en ce qui concerne le passage à la monnaie unique, qui permettra à l'Europe de s'affirmer comme grande puissance et donnera toute sa dimension au marché unique, le ministre délégué chargé des affaires européennes a rappelé la volonté du gouvernement français d'honorer les engagements souscrits par la France en 1992 dans le cadre du traité de Maastricht, sans sacrifier toutefois la croissance et sans compromettre la lutte contre le chômage. M. Pierre Moscovici a estimé que les déficits publics observés en 1997 et prévus pour 1998 devraient permettre le respect par la France des critères de convergence. La France fera donc partie, a poursuivi le ministre délégué, des dix ou onze pays qui, les premiers, participeront à la monnaie unique.

M. Pierre Moscovici a fait observer que le principe de coordination des politiques économiques soutenu par la France était désormais admis par tous. Ainsi la création prochaine d'un conseil de coordination entre les pays participant à l'euro constituerait un progrès certain vers l'affirmation d'une Europe plus politique. Selon le ministre délégué chargé des affaires européennes, le récent krach boursier observé sur les places asiatiques et, dans une moindre mesure, américaines, montrait la pertinence de la politique de stabilité monétaire choisie par les Européens et, plus particulièrement, du mécanisme anti-spéculatif que constituerait l'Union économique et monétaire.

Le ministre délégué a également relevé le succès que représentait, pour la France, la convocation, en novembre 1997, d'une réunion extraordinaire des chefs d'Etat et de Gouvernement des Quinze, exclusivement consacrée à l'emploi. M. Pierre Moscovici a rappelé que la France appuyait la mise en oeuvre anticipée des mécanismes sur l'emploi retenus par le traité d'Amsterdam et la mise en place, dans ce cadre, de "critères de convergence sociaux". Il a estimé opportunes les récentes propositions de la Commission relatives à plusieurs indicateurs chiffrés, communs aux Etats-membres, concernant notamment le chômage des jeunes, le chômage de longue durée, le taux d'échec scolaire, et la formation des chômeurs. M. Pierre Moscovici a également appprouvé le principe d'échanges d'information entre Etats membres sur les mesures nationales les plus efficaces en faveur de l'emploi. Le ministre délégué a aussi fait observer que la France proposait une mobilisation plus intense des instruments financiers existants, et, plus particulièrement, des ressources de la Banque européenne d'investissements (BEI). Il a estimé que le dialogue social devrait se développer, au niveau européen et dans les Etats membres, et pouvoir aborder des thèmes tels que l'aménagement du temps de travail.

M. Pierre Moscovici a souhaité que les prochains Conseils européens abordent systématiquement les questions relatives à l'emploi. Il a néanmoins estimé que celles-ci ne devaient pas être débattues dans le cadre exclusif du Conseil. Ainsi la rencontre organisée le 30 octobre 1997 à Nantes, entre élus, responsables gouvernementaux et partenaires sociaux européens, devrait-elle permettre d'explorer des solutions nouvelles en matière de lutte contre le chômage et contribuer à la préparation du sommet pour l'emploi de novembre.

Le ministre délégué a ensuite abordé la mise en oeuvre du traité d'Amsterdam dont il a relevé les acquis avant de souligner l'insuffisance des dispositions en matière de réforme des institutions. M. Pierre Moscovici, convenant que le traité d'Amsterdam ne saurait être considéré comme un progrès "historique", a néanmoins souligné les avancées autorisées par ce texte :

-la possibilité de coopérations renforcées à la majorité qualifiée,

- la nomination d'un Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune,

- le rapprochement entre l'Union européenne et les citoyens, grâce notamment à l'adjonction d'un chapitre social au traité européen et à la reconnaissance de principes fondamentaux tels que l'égalité entre hommes et femmes,

- l'intégration des acquis de Schengen dans le traité.

Le ministre délégué a ensuite relevé que la France avait obtenu satisfaction sur des points spécifiques :

- la confirmation de Strasbourg comme siège du Parlement européen,

- la reconnaissance de la situation particulière des départements et territoires d'outre-mer,

- une meilleure association des parlements nationaux à l'activité de l'Union européenne.

Tout en soulignant que ces avancées devraient être favorables à l'évolution de l'Union européenne, M. Pierre Moscovici a estimé que les réformes institutionnelles acquises à Amsterdam n'étaient pas suffisantes et devraient nécessairement être renforcées avant tout nouvel élargissement. A cet égard, le ministre délégué a rappelé la déclaration solennelle, annexée au traité, signée par la France, l'Italie et la Belgique, posant pour condition indispensable à la conclusion d'un prochain élargissement une profonde réforme institutionnelle.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes a ensuite évoqué la réforme des politiques communes prévue, dans la perspective de l'élargissement, par le rapport "Agenda 2000" présenté en juillet dernier par la Commission. Il a rappelé les trois principes sur lesquels devrait s'appuyer, selon le gouvernement français, le processus d'élargissement :

- la mise en oeuvre préalable des réformes institutionnelles nécessaires,

- la reprise de l'acquis communautaire par les pays adhérents,

- l'organisation d'un cadre multilatéral, sous la forme d'une "Conférence européenne" réunissant les Quinze et les Etats candidats.

M. Pierre Moscovici a estimé que la réforme des politiques communes et de leur financement devrait respecter trois priorités : le maintien des ressources communautaires ; la réforme des fonds structurels dans la perspective d'une simplification des procédures en vigueur, la France étant particulièrement attentive à une réallocation des fonds au profit des zones rurales et des zones urbaines fragiles ; enfin, la réforme de la politique agricole commune dans un triple souci de compétitivité, de protection de l'environnement et de l'espace rural, et de maintien des revenus des agriculteurs européens.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes a estimé que l'approche française des enjeux de l'élargissement progressait au sein de l'Union européenne. Ainsi le lien nécessaire entre les aspects financiers de la construction européenne et l'élargissement n'était désormais réfuté par personne. De même, l'approche globale des enjeux de l'élargissement -réforme institutionnelle, réforme financière et réforme des politiques communes- faisait aujourd'hui, a estimé M. Pierre Moscovici, l'objet d'un consensus entre les Quinze.

A la suite de l'exposé du ministre, un débat s'est instauré avec les commissaires.

M. Jean Clouet s'est demandé si la reconnaissance de Strasbourg comme siège du Parlement européen pourrait s'inscrire dans la durée, si un effort suffisant n'était pas accompli pour améliorer le réseau de communications aérien, ferroviaire et routier permettant la desserte de cette ville.

M. Guy Penne a souhaité connaître la position du gouvernement français sur les demandes d'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne et à l'OTAN.

M. André Rouvière a interrogé le ministre délégué sur les conditions d'adhésion de Chypre à l'Union européenne, compte tenu du partage de l'île. Il a également souhaité savoir si le problème chypriote constituait un obstacle pour une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est interrogée sur les mesures et les objectifs que défendrait le gouvernement français lors du prochain sommet européen sur l'emploi.

M. Jacques Habert a demandé des précisions sur le contenu des réformes institutionnelles souhaitées par le gouvernement français avant les prochains élargissements. En outre, il s'est étonné des choix auxquels avait procédé la Commission pour désigner les pays avec lesquels s'ouvriraient les négociations d'adhésion. Il a interrogé en particulier le ministre délégué sur le cas de l'Estonie en soulignant que la France avait noué des liens économiques et culturels plus denses avec la Lettonie et la Lituanie.

M. Jacques Genton s'est interrogé sur les pays qui seraient admis à la Conférence européenne proposée par le gouvernement français pour préparer les prochains élargissements ainsi que sur le rôle respectif de la Commission et du Conseil dans l'organisation de cette initiative.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé au ministre délégué des éclaircissemens sur l'éventuelle saisine du Conseil constitutionnel pour juger de la conformité du traité d'Amsterdam à la Constitution. Il s'est également interrogé sur le calendrier de la ratification.

En réponse aux questions des commissaires, le ministre délégué a apporté les précisions suivantes :

- la reconnaissance de Strasbourg comme siège du Parlement européen avait été consacrée par le traité d'Amsterdam ainsi que par un arrêt de la Cour de justice du 1er octobre 1997 ; l'amélioration de la desserte ferroviaire de Strasbourg constituait une priorité gouvernementale ; de nouveaux bâtiments destinés au Parlement européen et financés en partie par le budget communautaire seraient inaugurés dans les prochains mois ; la desserte aérienne, aujourd'hui peu satisfaisante, ferait l'objet d'un appel d'offres pour généraliser les vols réguliers entre les capitales européennes et Strasbourg ;

- l'avis de la Commission sur les prochains élargissements tenait compte de plusieurs critères objectifs d'ordre politique et économique qui avait conduit à retenir cinq Etats : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, l'Estonie et la Slovénie -l'ouverture de négociations avec Chypre ayant fait l'objet d'un engagement précédent ; la France souhaitait que d'autres Etats puissent, à terme, adhérer à l'Union européenne, notamment la Bulgarie et la Roumanie, sans toutefois que leur soit imposé dans l'immédiat un choc qu'ils ne seraient pas en mesure de supporter ; c'est pourquoi notre pays défendait une double approche, bilatérale et multilatérale -dans le cadre de la conférence européenne-, et préconisait l'intégration de l'ensemble des pays concernés par l'élargissement à travers un processus flexible ;

- l'adhésion de Chypre à l'Union européenne ne posait pas de problèmes économiques majeurs mais essentiellement des difficultés d'ordre politique ; les deux communautés devraient être représentées au sein de la délégation chypriote pour des négociations d'adhésion ;

- lors du prochain sommet européen sur l'emploi, le Gouvernement souhaitait défendre trois objectifs principaux : d'une part, la mise en oeuvre d'une coordination des politiques de l'emploi, à travers des objectifs quantifiés qui pourraient être concrétisés par les politiques conduites au niveau national ; d'autre part, une mobilisation des ressources financières de la BEI au service des grands travaux décidés au Conseil européen d'Essen et des PME-PMI ; enfin, le développement d'un dialogue social à l'échelle européenne ;

- les modifications institutionnelles souhaitées par le Gouvernement français avant l'élargissement de l'Union européenne reposaient sur l'extension du vote à majorité qualifiée, la repondération des voix au Conseil et le resserrement de la Commission ;

- la conférence européenne consacrée aux prochains élargissements regrouperait 27 pays : les quinze Etats membres, les dix pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion et liés à l'Union européenne par un accord d'association, ainsi que Chypre et la Turquie ;

- la saisine éventuelle du Conseil constitutionnel pour juger de la conformité à notre Constitution du traité d'Amsterdam devrait intervenir dans un délai raisonnable, après la signature de ce texte le 2 octobre dernier ; le calendrier de ratification ne pourrait être précisé, le cas échéant, qu'à la suite de la décision du Conseil ; en tout état de cause, le traité n'avait pas fixé de délai particulier pour l'achèvement des procédures de ratification, dont on peut penser qu'elles ne seront pas terminées avant le milieu de l'année 1999.