Depuis plusieurs années, le Sénat et l'Assemblée nationale ont entrepris de se doter d'une capacité d'expertise autonome par rapport au Gouvernement et indépendante du processus normatif. L'objectif du Parlement est de pouvoir prendre du recul face à un flux considérable et croissant de textes législatifs. Il est aussi de pouvoir anticiper certaines évolutions.

Ces délégations n'interviennent pas directement dans la procédure législative mais confortent et prolongent l'activité de contrôle des commissions permanentes. Leur mission est triple :

  • assurer une veille juridique et technique sur les secteurs dont elles sont chargées ;
  • informer les parlementaires et alimenter la réflexion prospective à moyen et long termes ;
  • évaluer les conséquences des décisions prises par les institutions compétentes dans ces secteurs.

Les délégations parlementaires : renforcer l'information du Sénat

À partir du milieu des années soixante-dix, les assemblées ont souhaité se doter de nouvelles instances stables d'information sur des sujets transversaux ne relevant pas, en tant que tels, des compétences d'une seule commission permanente. La création par la loi d'organes permanents d'un nouveau type, les « délégations parlementaires » (communes aux deux assemblées ou propres à chacune d'entre elles, selon le cas), a répondu à ce souci, sans contrevenir à la limitation constitutionnelle du nombre des commissions permanentes ni remettre en cause leur fonction naturelle de contrôle.

Si le système des délégations parlementaires a évolué au fil du temps (disparitions, créations ou modifications du champ de compétences de certaines délégations), il a su s’imposer durablement dans le paysage parlementaire français. 

On compte aujourd'hui six délégations.

1 - La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été instituée dans chaque assemblée par la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999. Chacune compte 36 membres, leur composition devant assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et, en principe, « une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes » et entre les commissions permanentes. La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci. Celle du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel. La délégation du Sénat a été officiellement mise en place le 13 octobre 1999.  La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.  Aux termes de la loi du 12 juillet 1999, le rôle des délégations aux droits des femmes est d’informer les assemblées des « conséquences de la politique suivie par le Gouvernement » sur les droits des femmes et sur l’égalité entre les femmes et les hommes, d’assurer dans ce domaine le suivi de l’application des lois et de « présenter des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation ».  Les travaux de la délégation prennent le plus souvent la forme de rapports d’information sur des sujets divers (les retraites des femmes, la situation des agricultrices, les inégalités professionnelles, la lutte contre les violences faites aux femmes, la situation des femmes dans les territoires ruraux, la pornographie, etc.). Ces rapports s’appuient sur des déplacements et des auditions (notamment de membres du Gouvernement) ainsi que sur des tables rondes auxquelles la délégation associe des spécialistes venant d’horizons très divers (universitaires et chercheurs, responsables d’associations, représentants des collectivités territoriales, etc.). Les recommandations qui concluent les réflexions de la délégation ne se limitent pas nécessairement au champ d’intervention du législateur.  Dans le domaine législatif, la délégation peut être saisie de projets ou de propositions de loi par :

  • le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe ;
  • une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.

Son travail peut alors se concrétiser par des amendements au texte en discussion, présentés à titre individuel par certains de ses membres. Depuis sa création, la délégation aux droits des femmes du Sénat s'est ainsi prononcée sur des textes tels que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la contraception d'urgence ou la loi sur la sécurité intérieure, la lutte contre les violences au sein du couple, etc.

La délégation procède également au bilan d’application de lois emblématiques dans le domaine de l’égalité et des droits des femmes (lutte contre le système prostitutionnel, loi Copé-Zimmermann instaurant des quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises, loi Sauvadet sur la place des femmes dans la haute fonction publique).

Par ailleurs, les colloques organisés par la délégation contribuent à mieux faire connaître la situation des femmes aujourd’hui (dans le monde de l’entreprise, dans le milieu associatif ou sportif par exemple…) et parfois à commémorer des événements historiques en lien avec l’histoire des droits des femmes. 

Enfin, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa création, la délégation aux droits des femmes a instauré en 2019 un prix qui, chaque année, permet de marquer la considération du Sénat pour des personnalités et des structures engagées dans la défense des droits des femmes. 

2 - La délégation sénatoriale aux entreprises

Créée en novembre 2014 par arrêté du Bureau du Sénat, la délégation sénatoriale aux entreprises est chargée, sans préjudice des compétences des commissions permanentes et de la commission des affaires européennes, d’informer le Sénat sur la situation des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à favoriser l’esprit d’entreprise et à simplifier les normes applicables à l’activité économique, en vue d’encourager la croissance et l’emploi dans les territoires.

Elle est compétente pour examiner les dispositions des projets et des propositions de loi comportant des normes applicables aux entreprises.

La délégation est composée de 42 membres désignés de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

La délégation est déjà allée à la rencontre de plus de 400 entrepreneurs à l’occasion d’une quarantaine de déplacements dans 34 départements.

Sur le fondement de ces échanges et témoignages de terrain, la délégation aux entreprises porte la voix des entreprises du territoire et intervient dans l’examen des textes comportant des normes applicables aux entreprises, notamment par le dépôt d’amendements individuels par ses membres. Elle adopte aussi des rapports d’information sur les sujets de préoccupation principaux des entreprises -simplification administrative, numérisation et cybersécurité, responsabilité sociétale des entreprises, recrutement, transmission d’entreprise, difficultés en matière de commerce extérieur...-, dont les préconisations peuvent conduire au dépôt de propositions de loi ou de résolution signées par plusieurs de ses membres.

Elle a pris de nombreuses initiatives et conduit diverses études pour éclairer le vote du Sénat sur les dispositions qui touchent l’entreprise. Elle contribue aussi à une meilleure information de tous sur les défis que doivent relever les entreprises et les enjeux pour le dynamisme économique et social dans les territoires.
Enfin, afin de poursuivre une discussion directe avec les entrepreneurs, elle organise chaque année au Sénat, généralement en octobre, une Journée des Entreprises qui leur est dédiée.

3 - La délégation sénatoriale aux outre-mer

Créée en novembre 2011 par l’Instruction générale du Bureau du Sénat (IGB), la délégation dispose désormais d'un fondement législatif aux termes de l'article 99 de la loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique qui insère un article 6 dans l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Cette délégation est chargée d’informer le Sénat sur l’état de la situation des collectivités visées à l’article 72-3 de la Constitution et sur toutes questions relatives aux outre-mer.

Elle est composée des sénateurs élus dans les collectivités visées à l’article 72-3 de la Constitution ainsi que d’un nombre équivalent de membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

La délégation veille à la prise en compte des caractéristiques, des contraintes et des intérêts propres de ces collectivités et au respect de leurs compétences. Elle est également chargée d’évaluer les politiques publiques intéressant les collectivités visées à l’article 72-3 de la Constitution et les conditions de leur application locale.
 

4 - La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation est chargée d'informer le Sénat sur l'état de la décentralisation et sur toute question relative aux collectivités territoriales. Crée en 1999, la délégation veille au respect de la libre administration et de l'autonomie financière et fiscale de ces collectivités. Elle est également chargée d'évaluer les conditions de l'application locale des politiques publiques intéressant les collectivités territoriales et de contribuer à la simplification des normes qui leur sont applicables.

Alors que les commissions sont directement en lien avec la procédure législative, la délégation a vocation à travailler en amont, pour l’identification de sujets à enjeux pour les collectivités (cf. ses travaux sur les décharges sauvages ou sur le coût de l’énergie) ou en aval, pour mener des missions d’évaluation des politiques publiques (par exemple, l’évaluation de la défense extérieure contre l’incendie ou des programmes de revitalisation des centres-villes).

Elle assure une relation constante et dense avec les différentes associations d’élus locaux ainsi qu’avec le CNEN.

Elle organise régulièrement des auditions de ministres, d’administrations et d’acteurs de la vie des collectivités, le plus souvent filmées et diffusées sur le site et les réseaux sociaux du Sénat, et publie de nombreux rapport, dont les derniers portent, par exemple, sur la hausse du coût des énergies et son impact pour les collectivités territoriales, les décharges sauvages ou les moyens d’impulser une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires.

Pour être au plus près du terrain, elle se rend régulièrement dans les territoires lors de réunions « hors Sénat ». La dernière a eu lieu en juin 2022 à Livry dans la Nièvre.

La délégation comprend quarante-six membres désignés à la proportionnelle des groupes politiques du Sénat.

5 - La délégation sénatoriale à la prospective

Créée par le Bureau du Sénat en avril 2009, la délégation à la prospective a pour mission d’observer et de réfléchir aux transformations de la société et de l’économie et d’en informer le Sénat. Ce faisant, elle s’inscrit dans l’une des particularités du Sénat, celle d’être « l’assemblée du temps long ».
Dans ce but, la délégation, qui dispose d’une complète autonomie pour le choix de ses sujets d’études, procède à des auditions de personnalités variées, établit des rapports et élabore des scénarios pour contribuer à la définition des politiques et stratégies publiques. Elle organise régulièrement des ateliers de réflexion prospective. 

La délégation comprend trente-six membres désignés à la proportionnelle des groupes politiques du Sénat.

6 - La délégation parlementaire au renseignement

Dernière-née des délégations parlementaires, la délégation au renseignement a été créée par la loi du 9 octobre 2007, issue d’un projet de loi qui reprenait lui-même plusieurs idées exprimées dans différentes propositions d’origine parlementaire déposées depuis quelques années, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale. Commune aux deux assemblées, elle est composée de huit membres issus pour moitié de chaque assemblée, dont quatre membres de droit (les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense). La délégation a pour mission de suivre l’activité et les moyens de fonctionnement des services de renseignement. Ses travaux ont la particularité d’être couverts par le secret de la Défense nationale. La délégation s’est toutefois réunie le 12 décembre 2007 et a procédé en sa séance à la désignation de son Bureau, composé d’un président (pour le cas, le président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale) et de deux vice-présidents (le président de la commission des Lois du Sénat et un député).

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a été créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 qui lui a confié la mission « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions ». À cet effet, l’Office « recueille des informations, met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations ». 

C’est un organe parlementaire original du fait de deux particularités :

  • un organe bicaméral 

Commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, l’Office fonctionne selon un principe d’équilibre entre ces deux assemblées. D’une part, l’OPECST est composé de 18 députés et 18 sénateurs, qui sont désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. D’autre part, la présidence de l’OPECST est assurée alternativement par un membre de l’Assemblée nationale ou du Sénat, pour une durée de trois ans, et la loi prévoit l’existence d’un premier vice-président, qui doit appartenir à l’autre assemblée. 

  •  un organe épaulé par un conseil scientifique  

L’OPECST est assisté d’un conseil scientifique dont la composition reflète la diversité des champs scientifiques et technologiques. Ce conseil est constitué de 24 personnalités de haut niveau désignées par l’Office en raison de leurs compétences. Il peut être convoqué par le président de l’OPECST chaque fois qu’il l’estime nécessaire ; ces réunions plénières permettent d’échanger sur des sujets d’actualité ou prospectifs. Par ailleurs, les rapporteurs de l’Office font souvent appel à l’expertise des membres du conseil scientifique les plus directement concernés par leurs travaux. 

Les travaux de l’Office prennent des formes diverses :

  • des études sur saisine 

Réalisées à la demande du Bureau ou d’une commission de l’une des deux assemblées, ces études approfondies sont conduites pendant plusieurs mois par des rapporteurs désignés par l’Office ; elles se concluent par des rapports qui font référence.
des évaluations prévues par la loi 

Ponctuellement sur des sujets déterminés (sur la stratégie de recherche, en matière de bioéthique, etc.) ou de manière régulière, par exemple sur des documents programmatiques (comme le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs), les évaluations sont réalisées, comme les études, pendant plusieurs mois par des rapporteurs désignés par l’Office en son sein.

  • des auditions publiques d’actualité 

Les auditions publiques d’actualité visent à faire le point sur un sujet scientifique ou technologique en débat dans la société, ou pour effectuer un bilan des évolutions intervenues depuis un précédent travail de l’Office. Elles donnent lieu à l’adoption de conclusions publiées, avec le compte rendu des débats, sous forme de rapport parlementaire. 

  • des notes scientifiques 

Les notes scientifiques présentent dans un format plus court (4 pages auxquelles peuvent s’ajouter des pages de notes et références) une synthèse de l’état de l’art sur un sujet scientifique ou technologique d’actualité : son contexte, les enjeux, les mesures mises en œuvre, le bilan des résultats déjà obtenus, les pistes de recherche. Elles sont élaborées par des rapporteurs désignés par l’Office. 
 
Depuis la création de l’OPECST, 240 rapports ont été publiés, abordant des sujets extrêmement variés, qui peuvent être rattachés à six grands champs thématiques : l’énergie (notamment l’énergie nucléaire) ; l’environnement ; la santé, les sciences de la vie et l’éthique ; la recherche ; les technologies de l’information et de la communication ; les autres technologies de pointe. S’y ajoutent, depuis leur introduction en mars 2018, plus de 30 notes scientifiques. Les notes scientifiques et les synthèses des rapports sont traduites en anglais et mises en ligne, avec la totalité des travaux de l’Office, sur les sites internet de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’Office joue un rôle reconnu de passerelle entre le monde politique et le monde scientifique. 

Dans le cadre des travaux qu’il mène, l’OPECST a été conduit à développer des relations étroites avec les acteurs de la communauté scientifique et technologique, dont il est devenu un interlocuteur privilégié. Certains de ces échanges réguliers sont prévus par la loi, comme lors de la présentation des rapports annuels de l’Autorité de sûreté nucléaire (loi du 13 juin 2006), de l’Agence de la biomédecine (loi du 7 juillet 2011), ou du Centre scientifique et technique du bâtiment (loi du 17 août 2015). D’autres interviennent de façon moins formelle, par exemple avec les représentants des grands organismes de recherche. 
L’OPECST a développé depuis 2005 un partenariat avec l’Académie des sciences. Ce partenariat a été élargi en 2018 à l’Académie nationale de médecine et transformé de façon à permettre plusieurs fois par an des rencontres thématiques sur des sujets scientifiques d’intérêt commun. Des entretiens réguliers ont également lieu avec les membres de l’Académie des technologies.

Chaque année, l’INSERM organise la remise d’un prix OPECST-INSERM à un chercheur qui s’est distingué dans le domaine de la valorisation de la recherche. 
L’OPECST contribue également à la démarche d’ouverture du Parlement aux savoirs et aux bonnes pratiques des pays étrangers. Les déplacements de rapporteurs dans des pays étrangers sont souvent l’occasion d’établir ou de renforcer des liens avec des organes parlementaires actifs dans le champ de la science et de la technique. L’OPECST est un membre actif de l’European Parliamentary Technology Assessment (EPTA), club informel des organismes européens chargés de conduire les évaluations scientifiques et technologiques pour les parlements nationaux et le Parlement européen ; le Parlement français en a accueilli les travaux à plusieurs reprises. Les partenaires européens de l’EPTA sont souvent sollicités pour recueillir l’éclairage national de leur pays sur les sujets traités dans le cadre des travaux de l’OPECST. Enfin, l’Office reçoit des délégations étrangères venues échanger sur l’expérience française dans son champ de compétences.