SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Encouragement fiscal à la souscription de parts de copropriété de navires. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ; Jacques Oudin, rapporteur de la commission des finances ; René Régnault, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Charles Revet, Patrice Gélard, Alphonse Arzel, Mme Marie-Claude Beaudeau.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance (p. 2 )

Articles additionnels avant l'article 1er (p. 3 )

Amendement n° 1 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Réserve.
Amendement n° 39 de Mme Beaudeau. - Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 40 de Mme Beaudeau. - Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er (p. 4 )

Amendement n° 41 de Mme Beaudeau. - Mme Beaudeau, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Michaux-Chevry. - Rejet.

Article 238 bis HN du code général des impôts (p. 5 )

Amendements n°s 52 de M. Darniche, 2 rectifié, 3 rectifié de la commission, 32 rectifié, 33, 36 de M. Régnault, 42 et 48 de Mme Beaudeau. - MM. Darniche, le rapporteur, Mmes Dieulangard, Beaudeau, MM. Régnault, le ministre, Habert. - Retrait de l'amendement n° 3 rectifié ; rejet des amendements n°s 52, 33, 48 et 36 ; adoption des amendements identiques n°s 2 rectifié et 32 rectifié, l'amendement n° 42 devenant sans objet.
Amendements n°s 43 de Mme Beaudeau et 53 de M. Darniche. - MM. Minetti, Darniche, le rapporteur, le ministre, Mme Beaudeau, M. Régnault. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 43 ; rejet de l'amendement n° 53.

3. Modification de l'ordre du jour (p. 6 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

4. Encouragement fiscal à la souscription de parts de copropriété de navires. - Suite à la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 8 ).

Article 1er (suite) (p. 9 )

Article 238
bis HN du code général des impôts (suite) (p. 10 )

Amendement n° 44 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Oudin, rapporteur de la commission des finances ; Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. - Rejet.
Amendement n° 5 de la commission et sous-amendement n° 55 du Gouvernement ; amendements n°s 35 de M. Régnault et 45 de Mme Beaudeau. - MM. le rapporteur, le ministre, Mmes Dieulangard, Beaudeau, M. Habert. - Adoption du sous-amendement n° 55 et de l'amendement n° 5 modifié, les amendements n°s 35 et 45 devenant sans objet.
Amendements n°s 46 de Mme Beaudeau et 34 rectifié de M. Régnault. - M. Leyzour, Mme Dieulangard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendements n°s 8 rectifié, 4, 6, et 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des quatre amendements.
Amendement n° 47 de Mme Beaudeau. - Devenu sans objet.
Amendements n°s 9 et 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 37 de M. Régnault. - Mme Dieulangard, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 49 de Mme Beaudeau. - Devenu sans objet.
Amendements n°s 12 à 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 13 ; adoption des amendements n°s 12, 14 rectifié et 15.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles additionnels après l'article 238 bis HN du code précité (p. 11 )

Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.
Amendement n° 29 de M. Marini. - MM. Gélard, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 163 unvicies du code précité (p. 12 )

Amendements n°s 38 de M. Régnault, 17 à 20 de la commission, 30 de M. Marini et 50 de Mme Beaudeau. - Mme Dieulangard, MM. Leyzour, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 38 et 50 ; adoption des amendements n°s 18 à 20, les amendements n°s 17 et 30 étant devenus sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 217 nonies du code précité (p. 13 )

Amendements n°s 21 à 24 de la commission et 31 de M. Marini. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements n°s 21, 23 et 24, les amendements n°s 22 et 31 étant devenus sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption de l'article 1er modifié.

Articles addtionnels après l'article 1er (p. 14 )

Amendement n° 25 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 26 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.
Amendement n° 56 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 15 )

Amendements identiques n°s 27 de la commission et 51 de Mme Beaudeau. - MM. le rapporteur, le ministre, Mme Beaudeau. - Adoption des amendements supprimant l'article.

Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 16 )

Amendement n° 1 rectifié (précédemment réservé) de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.

Intitulé du projet de loi (p. 17 )

Amendement n° 28 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Vote sur l'ensemble (p. 18 )

MM. Félix Leyzour, Josselin de Rohan, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Doublet, Jacques Habert.
Adoption du projet de loi.

5. Entreprise nationale France Télécom. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 19 ).

Article 4 (suite) (p. 20 )

Amendements n°s 10 de Mme Pourtaud, 43 à 56 de M. Billard et 1 rectifié bis de la commission (suite) . - MM. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace ; Mme Danièle Pourtaud, MM. Gérard Delfau, Robert Pagès, Claude Billard, Mme Nicole Borvo. - Rejet des amendements n°s 10, 43 à 51 et 53 à 56 et, par scrutin public, de l'amendement n° 52 ; adoption de l'amendement n° 1 rectifié bis.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 21 )

M. Félix Leyzour.
Amendements n°s 11 de Mme Pourtaud et 57 à 76 de M. Billard. - Mme Pourtaud, M. Minetti. - Amendements n°s 58, 60, 62, 68 et 76 devenus sans objet.

Rappel au règlement (p. 22 )

Mme Hélène Luc, M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

Article 5 (suite) (p. 24 )

MM. Billard, Leyzour, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Mme Borvo, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mme Pourtaud. - Rejet des amendements n°s 11, 59, 61, 63 à 67, 69 à 75 et, par scrutin public, de l'amendement n° 57.
Adoption de l'article.

Article 6 (p. 25 )

M. Robert Pagès.
Amendements n°s 12 de Mme Pourtaud et 77 à 80 de M. Billard. - Mme Pourtaud, M. Minetti, Mme Borvo, M. Leyzour. - Amendement n° 79 devenu sans objet.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

6. Représentation du Sénat au sein d'un organisme extraparlementaire (p. 27 ).

7. Entreprise nationale France Télécom. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 28 ).

Article 6 (suite) (p. 29 )

Amendements n°s 12, 77, 78 et 80 (suite) . - MM. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace ; Jean-Luc Mélenchon. - Rejet des amendements identiques n°s 12 et 77 et des amendements n°s 78 et 80.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 6 (p. 30 )

Amendement n° 121 rectifié bis du Gouvernement et sous-amendement n° 126 de M. Billard. - MM. le ministre délégué, Pagès, le rapporteur, Mélenchon. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7 (p. 31 )

M. Claude Billard.
Amendements n°s 13 de Mme Pourtaud, 81 à 99 de M. Billard et 2 de la commission. - MM. Mélenchon, Leyzour, Pagès, Billard, Minetti, le rapporteur, le ministre délégué, Laffitte. - Rejet des amendements n°s 13 et 81 à 99 ; adoption de l'amendement n° 2.
MM. Jean-Luc Mélenchon, Louis Minetti, le ministre délégué.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 32 )

Amendements n°s 14 de Mme Pourtaud et 100 de M. Billard. - MM. Mélenchon, Billard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 9 (p. 33 )

Amendements n°s 15 de Mme Pourtaud et 101 de M. Billard. - MM. Mélenchon, Billard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 9 (p. 34 )

Amendement n° 122 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Mélenchon, Leyzour, Laffitte, Machet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10 (p. 35 )

Amendements n°s 16 de Mme Pourtaud et 102, 104, 107, 106 et 109 de de M. Billard. - MM. Mélenchon, Minetti, Billard, Leyzour.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Transmission de projets de loi (p. 36 ).

9. Dépôt d'une résolution (p. 37 ).

10. Dépôt de rapports (p. 38 ).

11. Ordre du jour (p. 39 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ENCOURAGEMENT FISCAL À LA SOUSCRIPTION
DE PARTS DE COPROPRIÉTÉ DE NAVIRES

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 348, 1995-1996) relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce. [Rapport (n° 410, 1995-1996).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la flotte de commerce française enregistre, depuis vingt ans, un déclin prononcé, alors même que le commerce maritime international connaît une croissance soutenue, de 6 p. 100 par an en moyenne. Depuis le premier choc pétrolier, la France est passée du huitième rang au vingt-cinquième rang mondial et sa marine marchande de 500 à 210 navires.
Les pouvoirs publics ont réaffirmé, au fil des temps, que la France ne pouvait abandonner sa vocation à disposer d'une marine marchande.
M. Lucien Neuwirth. C'est sûr !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Faut-il rappeler qu'à l'importance économique de ce secteur pour une nation qui dépend autant de ses importations et de ses exportations, il faut ajouter une dimension stratégique incontestée ?
Les appuis financiers de l'Etat à l'armement au commerce n'ont pas été ménagés au cours de ces dernières années. Ils ont fait preuve, dans le respect de nos engagements communautaires, d'inventivité dans la création de mécanismes de soutien tant juridiques que financiers. Pourtant, le résultat s'est révélé - malgré l'excellence des intentions - n'être que l'accompagnement du déclin.
Si l'on veut s'attaquer résolument à un problème, il faut en identifier les causes. En l'occurrence, elles sont au nombre de deux.
La première est liée aux coûts d'exploitation élevés en raison du prix du travail et de l'importance des charges sociales dans notre pays. Sans faire de comparaison avec les pays maritimes à bas salaires et à couverture sociale réduite, il faut remarquer que des pays de l'OCDE ont su répondre à des préoccupations de même nature. Ainsi, le Japon a fait le choix de la productivité et le Danemark a réduit, par le jeu croisé de la fiscalisation des charges sociales et de la défiscalisation des marins, le coût du travail maritime.
Dans ce domaine, l'effort de l'Etat s'est manifesté : ce sont les dispositions du plan « marine marchande » initié par M. Ambroise Guellec, à la demande de M. Jacques Chirac, en 1987, puis la réduction des charges sociales décidée par M. Bernard Bosson, avec l'appui de M. Edouard Balladur, en 1994. Elles ont été encore récemment améliorées, que ce soit par l'aide à la consolidation et à la modernisation de la flotte, dont la dotation a été considérablement augmentée dès 1995, ou que ce soit au titre de l'aide à l'investissement, dont les modalités d'attribution ont été élargies. Ces dispositions ne peuvent traiter qu'une partie du problème. Il faudra prochainement poursuivre notre effort avec imagination et détermination.
La seconde cause, c'est l'extrême importance du capital dont le transport maritime a besoin pour ses investissements en navires.
En France, l'armement est confronté à une faiblesse récurrente de ses fonds propres du fait de l'équilibre précaire des comptes d'exploitation. Il lui faut donc pouvoir accéder à l'épargne disponible dans notre pays.
Encore faut-il que cette épargne soit attirée vers le secteur maritime plutôt que de la laisser s'investir dans des placements divers et flottants. La copropriété de navires par le quirat constitue, je le crois, la réponse appropriée.
La loi du 26 juin 1987 du plan « marine marchande » avait, en conséquence, profondément aménagé le droit quirataire. Les copropriétaires non gérants peuvent depuis - je tiens à le rappeler - limiter par voie contractuelle leur responsabilité au montant de leurs apports.
Mais cela n'est pas suffisant, d'autant plus que la traditionnelle transparence fiscale au titre des bénéfices et des amortissements n'a plus lieu d'être aujourd'hui, en raison de la règle d'affectation des déficits à des bénéfices de même nature qui a été instituée par la loi de finances pour 1996.
La mobilisation de l'épargne disponible vers le secteur maritime a besoin d'un levier fiscal.
Cet objectif n'est pas nouveau. Son principe est largement pratiqué à l'étranger, notamment en Europe du Nord.
Au mois de juin 1988, un rapport de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, présenté par M. Josselin de Rohan, contenait une mesure d'encouragement fiscal à l'acquisition des quirats. Son principe a été repris dans les propositions formulées dans le rapport du député Jean-Yves Le Drian en mai 1989.
Mais, en France, les esprits n'étaient sans doute pas prêts ! Jusqu'au moment où le Président de la République a fixé le cap. J'ai alors pu, avec le soutien déterminé de M. le Premier ministre, engager la réflexion qui aboutit au projet de loi qui vous est soumis.
Ce projet de loi innove sensiblement par rapport au droit fiscal actuellement en vigueur. L'article 163 vicies du code général des impôts, voté dans la loi de finances pour 1991, n'a apporté qu'une ouverture trop limitée. En conséquence, il n'a pas connu d'application pour mobiliser l'épargne en faveur de l'investissement dans le transport maritime.
En second lieu, la loi portant aide fiscale à l'investissement productif dans les départements et territoires d'outre-mer ne bénéficie à un investissement qu'à condition que celui-ci soit réalisé et exploité dans un département ou un territoire d'outre-mer. Il ne peut donc, par définition, constituer une réponse adaptée à la nécessaire dispersion géographique des navires qui opèrent sur le marché mondial.
En conséquence, il convient - c'est l'objet du projet de loi - de mettre en oeuvre une fiscalité attractive pour l'épargne investie dans les navires de commerce, à l'instar des nations maritimes chez qui la réussite est probante.
Cet encouragement fiscal vise à favoriser le renforcement de la flotte de commerce sous pavillon français et le développement du transport maritime européen. Il s'inscrit pleinement dans les objectifs de la politique des transports de l'Union européenne et arrive à point nommé pour conforter la réorientation politique maritime communautaire. Celle-ci vient d'être annoncée en mars 1996 par la communication produite par la Commission au Conseil des ministres et intitulée : « Vers une nouvelle stratégie maritime ».
Le régime fiscal proposé incite les personnes physiques et morales dont l'armement n'est pas l'activité principale à placer leur épargne dans des parts de navires neufs ou de navires d'occasion récents.
Le dispositif envisagé permet aux personnes physiques de déduire, au titre de l'impôt sur le revenu afférent à l'année de versement, les sommes investies jusqu'au 31 décembre 2000, dans la limite annuelle de 500 000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 1 000 000 francs pour un couple marié.
En matière d'impôt sur les sociétés, les sommes investies par des personnes morales seront déduites du bénéfice imposable de l'exercice de versement.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, l'économie de ce projet de loi, conforme aux engagements pris par le Président de la République, qui est attentif à la situation de ce secteur vital pour notre pays et à ses conséquences sociales, économiques et stratégiques.
S'agissant des conséquences sociales, la mesure fiscale envisagée s'inscrit dans la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi, notamment de l'emploi maritime. Sont concernés ici non seulement les créations directes d'emplois liées à l'entrée en flotte de nouveaux navires - emplois de navigants et de personnels à terre - mais également tous les emplois indirects, en plus grand nombre, qui se situent en amont comme en aval, que ce soit dans les armements, au niveau des infrastructures portuaires ou, plus généralement, dans le secteur des transports. Faut-il ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, que la construction navale française saura trouver dans cette mesure des raisons de retrouver une clientèle nationale indispensable à son renouveau ?
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logements, des transports et du tourisme. Les conséquences économiques sont à souligner. Si la voie de la croissance s'ouvre devant les armements français, cette croissance profitera à l'ensemble de l'économie industrielle du pays, qui trouvera, à l'instar des industries allemande et japonaise, le vecteur national capable de porter ses produits directement chez sa clientèle, au-delà des mers.
Comme le Président de la République l'a rappelé le 10 juillet 1995, lors d'un discours prononcé à la Corderie royale de Rochefort : « Aucune grande nation économique ne peut se passer de la maîtrise du transport maritime. »
Il poursuivait en s'interrogeant : « Qu'adviendrait-il de notre capacité exportatrice, de notre compétitivité, si nous renoncions à notre marine marchande au moment même où le transport est une composante de plus en plus essentielle du prix de revient des produits ? » M. le Premier ministre a eu l'occasion de s'exprimer dans des termes à peu près identiques.
Enfin, les conséquences stratégiques ne sont pas moindres, au moment où la doctrine de projection devient pour les prochaines années la stratégie de notre pays. Quelle en serait la crédibilité s'il y manquait la composante de transport maritime ?
Le projet de loi que nous allons examiner montre qu'il n'y a pas de fatalité de l'option zéro si nous savons, comme je vous y engage, mettre en oeuvre les moyens juridiques et financiers du développement volontariste, mais ordonné, de la flotte française.
Ce projet s'inscrit dans le contexte international du commerce par voie maritime, dans lequel les conditions de compétition, en raison de l'existence de pavillons de complaisance installés dans des paradis fiscaux, ne sont pas équitables. Il y a là non pas, comme certains pourraient le penser, contradiction avec la politique de réforme fiscale engagée par le Gouvernement, mais volonté de lutter au profit des entreprises nationales d'armement au commerce contre un environnement social et fiscal hostile.
La plupart des grandes nations maritimes européennes ont déjà mis en place une fiscalité adaptée à cette situation internationale.
L'objectif du Gouvernement est de rompre radicalement et définitivement avec le déclin historique du pavillon français, pour permettre de nouveau son expansion. Il convient de restituer à notre flotte marchande une place significative dans le contrôle de notre transport maritime, au profit de notre commerce extérieur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis d'avoir aujourd'hui l'honneur de rapporter devant vous le projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce ou, pour parler de façon plus brève, au régime fiscal des quirats.
Ce projet de loi très attendu est l'aboutissement d'une longue réflexion - à laquelle le groupe de la Mer du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, et l'amicale interparlementaire de la Mer ont participé - sur les moyens de redynamiser notre flotte de commerce et de renouer avec l'ambition de la France.
J'avais, à cet effet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1995, déposé un amendement en vue de reconduire le régime antérieur des quirats et j'avais fait de même lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1996. Au cours de la discussion qui eut lieu dans cet hémicycle le 9 décembre, M. Arthuis, au nom du Gouvernement, m'avait demandé de retirer cet amendement au motif que le Gouvernement déposerait prochainement un projet de loi. Il a tenu ses promesses : merci, monsieur le ministre, de nous permettre de nous retrouver aujourd'hui pour débattre de ce projet de loi particulièrement important.
Le moment est en effet venu de retrouver une grande ambition maritime. Le Président de la République l'a réaffirmé à plusieurs reprises au cours de ces deux dernières années. Je me souviens d'un discours qu'il prononça salle Clemenceau, devant l'Institut de la mer, au printemps 1994.
En juillet dernier, dans son discours de Rochefort, auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, M. le Président de la République déclarait : « L'identité de la France est indissociable de la mer. Parce qu'elle est seule à s'ouvrir sur quatre mers, la France a depuis toujours le destin d'une grande puissance maritime, qui suppose une politique inspirée au plus haut niveau de l'Etat ». On reconnaît là l'esprit de Colbert.
Cette politique doit être affirmée dans tous les domaines d'activité liés à la mer : l'aménagement et la protection du littoral, la marine nationale, la surveillance de nos côtes et la lutte contre la pollution marine, la recherche océanographique - nous occupons une place importante dans ce domaine - le tourisme, la navigation et la plaisance, la pêche, les ports, la construction navale, mais aussi, et surtout, la marine marchande.
En effet, dans ce dernier domaine, vous l'avez dit, monsieur le ministre, la situation est grave, voire dramatique. Bien que nous soyons la quatrième puissance commerciale du monde, notre flotte a rétrogradé de la septième place mondiale à la vingt-huitième place en vingt ans. Déjà, en 1988, notre excellent collègue M. Josselin de Rohan relevait, dans un rapport d'information sur l'avenir de la flotte marchande, que « l'avenir de la flotte de commerce française pourrait sous peu se poser en termes de survie. A tel point que, faute d'agir, on peut raisonnablement se demander s'il y aura encore à un horizon de dix ans une marine marchande d'un tonnage significatif sous pavillon français et si les marins français retrouveront encore des emplois. » Cette phrase illustrait bien une évolution qui n'a pas cessé depuis.
A l'époque, la flotte de commerce française était composée de 240 navires. Il y a vingt ans, elle était composée de 500 navires. Elle n'en compte plus aujourd'hui que 209, dont près de la moitié sous pavillon des Kerguelen. Ainsi, notre flotte ne représente même pas 1 p. 100 de la flotte mondiale !
A la suite de ce déclin préoccupant, la France n'achemine désormais plus que 15 p. 100 de son commerce extérieur maritime sur des navires battant pavillon français. Notre marine marchande, qui était forte de 30 000 hommes voilà vingt ans, n'en compte plus que 4 500. Cette situation peut fragiliser les positions commerciales elles-mêmes, sans parler de notre indépendance stratégique qui se trouve compromise.
Or, au centre de toute politique maritime, il y a le navire. Sans les navires, les autres activités liées à la mer n'ont plus de raison d'être.
Le navire justifie les ports, les canaux, la construction navale ; il fait fonctionner de nombreuses activités et services annexes - chargements, équipements et surveillance des côtes - c'est le véhicule de nos mouvements commerciaux ; c'est l'instrument de travail de nos pêcheurs ; il attire sur notre littoral les amateurs de plaisance ; bref, le navire génère l'activité maritime et engendre de très nombreux emplois.
M. le Président de la République ajoutait, dans son discours de Rochefort : « Aucune grande nation économique ne peut se passer de la maîtrise du transport maritime. » Je ne poursuivrai pas la citation, vous l'avez lue dans son ensemble, monsieur le ministre.
Or le développement - ou la survie - de notre flotte, de toute notre flotte, pêche et plaisance comprises, se heurte à un problème majeur : celui de son financement. Le financement des flottes est au coeur de toute politique maritime. Car les armateurs en général, et les armateurs français en particulier, manquent de fonds propres. Ils n'ont pas la capacité financière suffisante pour renouveler, et a fortiori pour accroître leur parc de navires.
Certes, nos armateurs d'un certain nombre d'aides budgétaires, fiscales ou sociales qui compensent dans une certaine mesure le surcoût du pavillon français par rapport aux navires sous pavillon de complaisance.
Mais ils ne peuvent soutenir la concurrence d'armateurs européens qui disposent d'une épargne bon marché à travers des régimes quirataires adaptés.
Nos voisins allemands ont ainsi institué, voilà dix ans déjà, un dispositif fiscal attractif qui a permis, en 1995, de réunir plus de 7 milliards de francs en faveur des investissements dans les navires, entraînant plus de 20 milliards de francs de travaux. Ce sont 159 navires, dont 126 neufs, qui ont pu être financés grâce à ce système et alimenter les carnets de commandes des chantiers navals allemands, alors que les chantiers navals français n'ont construit que quelques unités en dix ans. La flotte française compte 200 bateaux, la flotte allemande 1 145 : ces chiffres parlent d'eux-mêmes !
Que dire des Danois et des Norvégiens, qui disposent de flottes bien plus importantes que la nôtre, notamment grâce à des dispositifs fiscaux adaptés.
En effet, ne l'oublions pas, l'investissement dans un navire requiert une capacité financière solide. Quand nous parlons de navires, il s'agit de montants supérieurs à 200 millions de francs, voire, parfois, à un milliard de francs pour les navires gaziers spécialisés ou pour les navires à passagers. Le ferry Napoléon Bonaparte , qui assure la liaison entre le continent et la Corse, a coûté 1 200 millions de francs - la dotation de continuité territoriale a bien facilité les choses !
Or la rentabilité d'investissements si importants n'est ni immédiate, ni systématique.
Un rapprochement peut être fait à cet égard avec la situation des compagnies aériennes : sans les subventions de l'Etat, Air France aurait disparu depuis longtemps. Il en est de même pour la CGM, la Compagnie générale maritime, dans le transport maritime. Rares sont les armateurs étrangers qui peuvent se payer le luxe de financer en quasi-fonds propres leurs investissements.
Pour des secteurs dont l'intérêt stratégique national est avéré - la marine marchande en fait partie - un coup de pouce à l'investissement est nécessaire afin de pallier la « myopie » du marché.
Or le secteur des transports maritimes est, nous l'avons vu, un secteur stratégique pour l'indépendance commerciale et militaire de la France. Je crois que l'on peut souligner ce dernier point car, dans une période d'ajustement des capacités de notre flotte militaire, la flotte civile peut être utile en cas de crise. C'est donc bien d'une incitation fiscale en faveur de l'épargne nous avons besoin dans ce domaine.
L'objet du présent projet de loi est précisément de rendre fiscalement plus attractif un régime séculaire, celui des « quirats » - un quirat désignant en fait un vingt-quatrième de la propriété d'un navire - pour orienter l'épargne vers l'investissement maritime. Et les difficultés de l'heure ne sauraient servir de prétexte au nouveau report d'une mesure nécessaire et différée depuis déjà trop longtemps : les chiffres décrivant notre flotte parlent d'eux-mêmes.
En effet, le régime actuel est insuffisamment attractif et n'a pas eu d'impact significatif sur l'investissement maritime.
Certes, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juin 1987, la responsabilité financière des copropriétaires non gérants des copropriétés maritimes, ou quirataires, peut être limitée à proportion de leur apport initial, ce qui sécurise les investisseurs.
Mais faute d'une incitation fiscale substantielle, l'investissement maritime est trop risqué et trop peu rentable pour mobiliser une épargne suffisante.
Or le régime quirataire actuel ne permet aux souscripteurs de parts de navires de déduire de leur revenu global que 25 p. 100 des sommes investies, avec un plafond de 25 000 francs pour une personne seule et de 50 000 francs pour un couple. De plus, cette mesure n'est ouverte qu'aux personnes physiques et non aux entreprises.
En raison de l'avantage fiscal limité qu'il apporte, ce dispositif n'a été employé qu'accessoirement dans quelques opérations de navires de pêche, qui auraient d'ailleurs probablement été réalisées sans son concours. En dehors du secteur de la pêche, il n'a permis de financer que six navires en cinq ans, ce qui prouve l'inefficacité du système.
Dès lors, seule une amélioration sensible de l'avantage fiscal lié au régime quirataire accordé, telle celle que prévoit le présent projet de loi, permettra d'attirer l'épargne vers le secteur maritime. Il s'agit donc d'une mesure d'orientation et d'attraction de l'épargne.
Le dispositif envisagé permet aux personnes physiques de déduire de leurs revenus l'intégralité de leurs investissements quirataires dans des navires civils de charge, dans la limite annuelle de 500 000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 1 million de francs pour les couples mariés. Je reviendrai dans quelques instants sur la notion de navires civils de charge, après avoir décrit l'économie du projet de loi.
Les sociétés pourront, quant à elles, déduire de leur bénéfice imposable la totalité des sommes investies dans des parts de copropriété de navires.
La souscription devra être effectuée avant le 31 décembre 2000 : il s'agit donc d'un régime temporaire ; cela permettra au Parlement de revenir sur une mesure qui aura fait ses preuves ou qui, au contraire, n'aura pas atteint son objectif.
La commission des finances proposera d'ailleurs que soit dressé un bilan quantitatif et qualitatif de la mesure deux ans seulement après son entrée en vigueur, afin d'en évaluer plus promptement l'impact.
Pour garantir le sérieux et la responsabilité de l'armateur, il est prévu que ce dernier doit détenir au moins un cinquième des parts de la copropriété du navire, pendant la même durée de détention minimale que les autres quirataires, c'est-à-dire cinq ans ; une telle disposition donne un fondement réel à la communauté d'intérêts entre l'armateur et les investisseurs.
Mais ce fondement serait plus concret encore si l'armateur s'engageait auprès des autres membres de la copropriété à conserver ses parts pendant cinq ans.
Cet engagement exprès est d'autant plus nécessaire que la vente de ses parts par l'armateur avant le délai prescrit fait perdre à l'ensemble de la copropriété le bénéfice de l'exonération fiscale, alors qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables du manquement de l'armateur. L'armateur fautif n'est pas sanctionné puisque, par définition, il n'a pas bénéficié de l'exonération fiscale.
En revanche, si l'engagement de l'armateur a un fondement contractuel, les copropriétaires lésés pourront obtenir de l'armateur fautif la réparation du préjudice subi. C'est l'objet d'un autre amendement de la commission des finances.
Quant à l'exclusion de l'armateur du bénéfice de l'exonération fiscale, elle est conforme à la philosophie du projet : il s'agit en effet d'orienter l'allocation de l'épargne des personnes ou des sociétés dont l'armement n'est pas l'activité principale vers les placements quirataires et de compléter ainsi les fonds propres insuffisants des armateurs. Au demeurant, ces derniers bénéficient d'aides budgétaires à l'investissement dans le cadre du plan marine marchande.
A cet égard, il convient d'interdire le cumul de l'exonération fiscale et des aides budgétaires. En effet, aux termes de la réglementation existante, tous les copropriétaires du navire bénéficient des aides budgétaires.
Nous voilà donc dans une situation où tous les quirataires, à l'exclusion de l'armateur, peuvent cumuler l'exonération fiscale et les aides budgétaires à la construction, tandis que l'armateur n'a droit qu'aux aides budgétaires.
Pour rétablir l'équité fiscale, il serait donc judicieux que le Gouvernement prévoie, dans la réglementation relative aux aides budgétaires à l'investissement maritime, l'interdiction du cumul des aides budgétaires et de l'exonération fiscale.
Les projets de copropriété quirataire seront soumis à un agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de la marine marchande. Il s'agit ici de garantir la normalité du coût financier de l'investissement ainsi que son intérêt économique au regard des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce et, bien entendu, de nos chantiers navals.
La commission propose cependant de lier l'octroi de l'agrément au respect des prix du marché, afin de prévenir une éventuelle inflation des prix des navires.
Une étude d'impact nous a été fournie à l'appui du projet du Gouvernement, étude fouillée, intéressante. Le Gouvernement estime, sur la base des flux d'investissement actuels, que cette mesure attirera vers l'investissement maritime environ la moitié des sommes nécessaires au renouvellement annuel de la flotte, soit un milliard de francs par an - chiffre à rapprocher des 7 milliards de francs investis chaque année par les Allemands - pour une moyenne de huit navires annuels. La dépense fiscale correspondante s'élèvera à 400 millions de francs environ.
Le Gouvernement évalue à cinq cents environ le nombre d'emplois créés par an, sur la base de trente emplois de navigants par bateau, auxquels il convient d'ajouter au moins autant d'emplois à terre. Ces chiffres me paraissent tout à fait réalistes. N'oublions pas l'impact indirect, mais non négligeable, qu'aura cette mesure sur le tissu social des régions littorales en y pérennisant des secteurs d'emplois hautement qualifiés, où la France a su faire valoir ses atouts.
Le projet de loi est donc très bien cadré : l'avantage fiscal proposé n'est accordé que sous de multiples conditions ; l'agrément préalable du ministre du budget, après avis de son collègue chargé de l'industrie, protégera les investisseurs ignorants des choses de la mer et garantira la viabilité économique des projets fiscalement aidés.
A ce propos, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l'administration devra veiller à répondre aux demandes d'agrément dans un délai raisonnable, de deux ou trois mois ; nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des articles.
Cet agrément marque, en outre, la supériorité du futur régime français sur le régime allemand. En effet, l'absence d'agrément en Allemagne a permis aux investisseurs de se concentrer sur le secteur le plus rentable de la flotte de commerce, celui des porte-conteneurs. Ce segment du marché se trouve aujourd'hui saturé sans que les autres segments, moins rentables mais tout aussi utiles, aient pleinement bénéficié de la mesure ; cette observation doit toutefois être relativisée, compte tenu des 1 145 navires que possède l'Allemagne, nombre considérable en regard des 209 bâtiments qui composent la flotte française.
Cela dit, il a semblé souhaitable à la commission des finances, au-delà des amendements déjà évoqués, d'améliorer le projet du Gouvernement sur quatre points.
Premièrement, il apparaît nécessaire d'introduire une « clause de pavillon français ».
Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne réserve pas expressément le bénéfice de l'incitation fiscale aux souscripteurs de navires battant pavillon français. La commission des finances propose d'introduire dans ce texte une clause de pavillon, assortie d'une obligation de maintien sous le pavillon français pendant la durée de l'opération fiscalement encouragée.
Deuxièmement, il semble opportun d'élargir le bénéfice de la mesure aux navires à passagers.
Le projet de loi prévoit que pourront bénéficier de l'exonération les investissements dans les « navires civils de charge ». Cette notion exclut non seulement les navires de pêche et de plaisance mais aussi les navires à passagers.
La commission des finances propose de substituer la notion de « navires armés au commerce », qui inclut tous les navires à passagers, et pas seulement ceux qui opèrent sur des lignes régulières, à la notion de « navires civils de charge ».
Troisièmement, le dispositif mériterait d'être étendu aux navires de pêche. En effet, les armateurs de navires de pêche subissent les mêmes contraintes de financement que les armateurs de navires de commerce et doivent se conformer, de surcroît, au plafonnement des aides à la construction imposé par Bruxelles.
Il convient cependant de distinguer les navires de pêche industrielle des navires de pêche artisanale. Si les premiers peuvent bénéficier des dispositions du projet de loi dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les navires armés au commerce, les seconds appellent un aménagement du dispositif afin que soient prises en compte certaines spécificités de la pêche artisanale, notamment le désir des patrons pêcheurs de rester propriétaires de leur outil de travail à 51 p. 100.
Quatrièmement, pour préserver l'activité de location de navires de plaisance, qui a pâti du nouveau régime des bénéfices industriels et commerciaux introduit par l'article 72 de la loi de finances initiale pour 1996, la commission des finances propose d'autoriser de nouveau l'imputation des déficits industriels et commerciaux non professionnels sur le revenu global pour les propriétaires de navires de plaisance donnés en location à des loueurs professionnels agréés pendant une période minimale de cinq ans, ce qui garantirait le sérieux de cet investissement.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est la première démarche significative tendant à mettre en conformité notre politique maritime avec l'ambition maritime affirmée et réaffirmée par le Président de la République.
En l'espèce, il s'agit non pas de créer une quelconque niche fiscale mais de rendre efficace et performant un dispositif d'orientation globale de l'épargne vers ce qui est le coeur de la politique maritime, c'est-à-dire le financement des navires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous soumet aujourd'hui un projet de loi dont l'objet affiché est de permettre le développement de notre flotte de commerce, en déclin depuis plusieurs années, par l'instauration d'un système quirataire nouveau.
Nous pouvons, une fois n'est pas coutume, nous entendre sur le constat à dresser de la situation dans ce secteur, sur l'importance de celui-ci dans notre économie, comme sur la nécessité de prendre des mesures fortes, propres à relancer la croissance de nos activités maritimes.
La crise que traverse le secteur de la construction navale en France est grave. Non seulement la flotte française a vieilli, l'âge moyen de nos navires étant maintenant supérieur à quinze ans, mais nos carnets de commandes ont chuté, alors que, dans le même temps, les pays de l'Union européenne, notamment l'Allemagne, ont vu leurs carnets de commandes se gonfler fortement.
Il importe de préserver le statut de puissance maritime de la France en raison de la participation accrue de ce secteur à notre commerce extérieur, de l'importance de notre littoral et de notre passé maritime prestigieux.
Il importe également de remobiliser nos concitoyens autour de la politique de la mer, de ses dimensions stratégique, économique et sociale.
Il va de soi que tout effort consenti dans ce domaine ne peut, ou ne devrait avoir que des retombées positives en termes de création d'emplois sur nos chantiers navals comme dans toutes les activités sous-traitantes, qui profiteront aussi de cette relance.
Il est d'autant plus indispensable de s'en préoccuper que la situation de la construction navale française risque d'être fortement secouée par la ratification de l'accord OCDE sur la construction navale qui devrait être bientôt signé par les Etats-Unis et, dans la foulée, par le Japon. Il me semble que nous n'en parlons pas assez.
Si les Etats-Unis ratifient, comme prévu, l'accord dès le 16 juillet prochain, tombera en désuétude la septième directive européenne autorisant les Etats à subventionner leurs chantiers à hauteur de 9 p. 100 du coût de la construction. Cette nouvelle configuration induira une hausse des prix des navires et, ipso facto, un fort risque de baisse des commandes.
Certains pays, dont la situation est déjà ô combien meilleure, s'en sortiront mieux que nous, en particulier l'Allemagne. D'une part, ce pays pratique également, via les Länder, des aides indirectes qui ne seront pas touchées par la ratification ; d'autre part, on le sait, d'importantes aides - pour 6 milliards de marks - ont été accordées par Bruxelles en faveur des chantiers de l'ex-RDA, aides dont une partie a été détournée au profit des chantiers de l'ouest.
En France, la situation risque d'être dramatique. En effet, d'une part, nos secteurs maritimes civils et militaires sont totalement déconnectés, ce qui empêche tout transfert d'aides, et, d'autre part, notre pays n'a pratiqué que des aides directes de l'Etat, qui disparaîtront en fumée dès la ratification. Nos chantiers navals ne pourront pas suivre, et des faillites seront à craindre.
Au cours de ces dernières années, nous avons enregistré la fermeture de nombreux chantiers, notamment ceux de la Normed, dont les effectifs sont malheureusement passés de 32 500 à 5 800 salariés.
Nous avons eu l'occasion, dans le passé, de nous insurger contre cet accord OCDE, qui, je vous le rappelle, avait d'ailleurs été rejeté à l'unanimité par l'Assemblée nationale voilà un an. Et la majorité n'a pas changé !
Aux premières critiques que je viens de brièvement rappeler s'en ajoute une autre : l'accord est un accord partiel, tant dans son champ d'application géographique que dans sa problématique, puisqu'il ne prend en compte ni les problèmes de dumping monétaire de la Corée, ni le problème des subventions croisées, inexistantes en France du fait de l'absence d'armateurs de taille suffisamment importante, ni le système protectionniste américain. Par ailleurs, la Chine comme les pays de l'Europe de l'Est ne sont pas concernés.
En dépit de nos avertissements, cet accord est sur le point d'entrer en application. Nous n'allons pas revenir sur le passé mais il est opportun de penser à l'avenir pour limiter les graves dangers que je viens de rappeler.
Ce projet de loi parvient-il à répondre aux nouveaux enjeux ? Je souhaiterais répondre par l'affirmative, mais, dans sa rédaction actuelle, je ne le puis, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, le Gouvernement met en place un nouveau système d'incitation à l'investissement qui ne vise que les navires de charge, ce qui, je le souligne au passage, ne correspond pas à l'espérance suscitée par le titre du projet de loi qui, lui, vise les navires de commerce.
Il ne s'agit pas ici de faire uniquement de la sémantique. Vous savez qu'en visant les navires de charge, monsieur le ministre, vous excluez notamment les navires de passagers. C'est une grossière erreur d'appréciation de votre part.
Nos deux zones portuaires qui comportent des chantiers navals - je veux parler de Saint-Nazaire et du Havre - construisent essentiellement des paquebots. Quelles seront, pour eux, les retombées positives du projet de loi ? Elles seront nulles ou fort peu nombreuses. C'est, selon nous, une première erreur, et elle est d'autant plus grave que les navires de passagers sont, nous le savons, tout particulièrement créateurs d'emplois.
Deuxièmement, alors que l'exposé des motifs prévoit que ce projet de loi doit contribuer « au renouvellement, à l'augmentation et au renforcement de la flotte de commerce sous pavillon français », cette mention ne figure nulle part dans le texte. Quel est l'objectif recherché, sachant que notre pays manque d'armateurs français ? S'agit-il de favoriser les armateurs étrangers, sous couvert d'une épargne de nos concitoyens ? J'ose à peine le croire mais, si tel était le cas, il s'agirait d'une deuxième erreur.
Troisièmement, vous encadrez le nouveau dispositif de défiscalisation dans un délai, que j'estime trop court, de cinq ans. Or, vous le savez, pour reprendre de l'allant, un secteur économique doit pouvoir compter sur la stabilité des fonds dont il peut disposer. Pourquoi, dans certains secteurs, incitez-vous à l'épargne longue alors qu'en l'espèce vous sollicitez une épargne de moyen terme ? Voilà qui constitue une troisième erreur.
Quatrièmement, vous encadrez le dispositif par un système d'agrément, ce qui est une très bonne chose, mais encore faut-il, et là je me place du côté des intéressés, que les procédures administratives ne prennent pas trop de temps. En effet, aucune date butoir par rapport au dépôt du projet n'est fixée. Mais, ce qui est plus grave, vous n'intégrez pas dans le processus d'agrément, ce qui est ennuyeux, le ministère chargé de la construction navale, et j'emploie à dessein cette expression générique, car il n'y a plus de ministre de la mer.
La septième directive européenne interdit, vous le savez, toute localisation spécifique sur le territoire français de la construction des navires. Or, il revient au ministre chargé de la construction navale de veiller aux emplois dans ce secteur. Il eût donc été judicieux de l'associer à l'agrément. Il s'agit, pour nous, d'une quatrième erreur.
Cinquièmement, le Gouvernement a choisi de mettre en place un système de déduction du revenu imposable pour les personnes physiques qui souhaitent investir dans ce secteur à concurrence de montants que je n'hésiterai pas à qualifier d'« exorbitants ».
Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, nous avions mis en place, dans la loi de finances pour 1991, un système quirataire équivalent dans son esprit puisqu'il s'agissait en effet d'accorder une déduction du revenu à des personnes physiques. Mais je rappelle que les montants en cause, à savoir 25 000 francs pour un célibataire et 50 000 francs pour un couple, étaient beaucoup moins élevés.
Un système de déduction du revenu peut s'envisager, comme nous l'avions fait en 1991, pour des sommes relativement modestes, mais tel n'est pas le cas en l'espèce. Qui pourra investir des sommes aussi importantes ? Ce ne seront certainement pas des contribuables ayant des revenus moyens.
Mais, au moment même où le Gouvernement nous annonce son intention de diminuer les dépenses publiques et de supprimer ce qu'il appelle lui-même des « niches fiscales », voilà qu'il se propose d'introduire dans la panoplie de l'impôt sur le revenu une nouvelle niche, dont je souhaiterais connaître le coût pour l'Etat en termes de dépenses fiscales.
Permettez-moi de dire que le chiffre de 400 millions de francs avancé par M. le rapporteur dans son rapport est audacieux. Une vérification s'impose. De toute façon, nous verrons de quelle manière il évoluera au fil des années.
A quoi sert de se lamenter, comme le fait le Gouvernement, sur la diminution des rentrées fiscales, qui est certes due en grande partie à une baisse de la croissance résultant de sa politique, si, par ailleurs, il persiste dans la voie qu'il dénonce lui-même ?
Je pense malheureusement que vos intentions ne sont nullement contradictoires. Elles sont le fruit d'une politique pernicieuse en matière fiscale, que je déplore une nouvelle fois, et qui consiste à supprimer les fameuses niches fiscales quand elles profitent à tous les contribuables, même les plus modestes, et à garder celles qui ne profitent qu'à ceux qui ont les moyens d'effectuer ce type d'investissement important.
J'en veux pour preuve les dernières déclarations du Gouvernement sur l'abattement dont bénéficient les salariés ou les non-salariés lorsqu'ils adhèrent à des organismes agréés ou les abattements supplémentaires dont bénéficient certaines professions. Pourtant, vous le savez très bien, la contrepartie en termes d'avantages pécuniers a influé au fil du temps sur la politique salariale dont ils ont fait les frais.
Il y a, de votre part, deux poids, deux mesures. Vous supprimez des avantages fiscaux pour le plus grand nombre et vous en multipliez d'autres au profit d'une petite catégorie de contribuables, ceux qui sont les plus fortunés. Voilà qui, de notre point de vue, constitue une cinquième erreur.
Nous aurons, lors de l'examen des articles, l'occasion de revenir sur tous ces points et, naturellement, notre position à l'égard de ce projet de loi dépendra de la volonté ou non du Gouvernement et de la majorité du Sénat de prendre en compte nos objections.
A tout le moins, et dans sa rédaction actuelle, ce texte profitera, me semble-t-il, plus aux armateurs, notamment étrangers, qu'à nos chantiers navals. Ces derniers devraient pourtant constituer, dans l'optique d'un tel projet de loi, la première des priorités.
N'oublions pas que le système quirataire peut entraîner des effets pervers. J'en veux pour preuve l'exemple de l'Allemagne où l'engouement du public pour ce type de financement a été exemplaire mais où le Gouvernement envisage de le supprimer, car il ne profite pas suffisamment à la construction navale locale.
Je n'ai donc pas l'impression, monsieur le ministre, que nous nous placions dans la même logique. Nous refusons celle qui consiste à créer un effet d'aubaine pour les contribuables dont les revenus sont suffisamment élevés pour avoir déjà fait le plein de tout l'arsenal d'avantages fiscaux que recèle notre impôt sur le revenu.
En revanche, nous voulons qu'un effort substantiel soit engagé en faveur d'un investissement maritime qui profite à nos concitoyens, même si cela ne peut pas figurer aussi explicitement dans le texte. Les différents amendements que nous aurons l'occasion de défendre lors de l'examen des articles ont tous le même objectif : ils tendent, d'une part, à favoriser l'investissement maritime, l'emploi et la politique maritime de la France et, d'autre part, à accroître la portée du projet de loi pour permettre au secteur de la construction navale d'en bénéficier pleinement sur le long terme.
Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler, au nom du groupe socialiste, à l'ouverture de ce débat. Notre position, je le répète, dépendra du sort qui sera réservé notamment à nos amendements.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention reprendra pour l'essentiel les points importants qui ont été évoqués par notre collègue René Régnault. Elle aura simplement une connotation un peu particulière, celle d'un sénateur de Loire-Atlantique, qui plus est élu local de Saint-Nazaire.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour principal objet de contribuer à relancer l'activité de notre secteur maritime, en ciblant plus précisément celle de nos armateurs.
Comment peut-on susciter l'enthousiasme d'investisseurs potentiels ? Le Gouvernement nous propose des mesures de déduction fiscale en contrepartie de l'achat de parts de copropriété de navires.
Il s'agit d'affirmer une volonté de restaurer la souveraineté de notre pays en matière de transport maritime et d'exploiter nos potentialités en ce domaine. Celles-ci sont nombreuses, puisque 50 p. 100 de notre commerce extérieur se fait par voie maritime, mais 15 p. 100 seulement de nos exportations s'effectuent sous pavillon français.
A l'heure où l'on commence à s'interroger sur la légitimité du « tout routier », la filière maritime me semble constituer une alternative plausible, à condition d'intensifier nos efforts afin de doter la flotte française d'une capacité suffisante et de renforcer les normes de sécurité. Je songe ici notamment à la construction de bâtiments à double coque et aux contrôles renforcés de vétusté des navires.
Il s'agit également, et peut-être surtout, de favoriser la création d'emplois directs et indirects dans toute la filière.
Selon toute vraisemblance, les conséquences pour le budget de l'Etat seront loin d'être minimes : le ministère les évalue à 400 millions de francs par an, ce qui est déjà beaucoup, et je souscris aux commentaires que faisait tout à l'heure mon collègue M. René Régnault sur ce chiffre.
Il est vrai que prévoir jusqu'à un million de francs de déduction fiscale pour des particuliers et ne fixer aucun plafond pour les entreprises, ce n'est pas mince. Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que le budget de 1996, que nombre d'entre vous ont approuvé, amputait la subvention versée aux ports autonomes pour le remboursement des frais de dragage permettant un meilleur accès à nos ports.
Monsieur le rapporteur, vous déploriez tout à l'heure les handicaps auxquels sont confrontés nos ports, en citant en référence les ports d'Europe du Nord. Mais savez-vous que le seul port d'Anvers a reçu une dotation pour le dragage qui est trois fois plus élevée que la dotation budgétaire française ?
Je vous rappelle également, mes chers collègues, que le budget que vous avez voté réduisait de 44 millions de francs les aides publiques à la construction navale, laquelle se situe pourtant bien au coeur de la filière maritime.
Il n'est pas inutile de mettre en perspective ces diverses données budgétaires avec le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
On nous promet à la clé de ces déductions fiscales un apport important de capitaux, à l'instar de ce qui s'est passé chez nos voisins européens, tels que l'Allemagne, la Norvège et le Danemark, qui ont instauré un système quirataire similaire. C'est en effet prévisible.
Monsieur le ministre, vous estimez que ce dispositif permettrait la construction de huit navires par an.
Je suis originaire et élue d'un département du littoral, la Loire-Atlantique, dont le développement économique est fondé essentiellement sur l'activité maritime. Je connais donc parfaitement le coût, très important, de tout investissement dans ce secteur : un porte-conteneurs coûte, en moyenne, 200 millions de francs, alors que le prix d'un portique de déchargement moderne et puissant varie entre 25 millions de francs et 30 millions de francs.
Nous en sommes tous conscients, il est nécessaire de solliciter des capitaux extérieurs. Je souhaitais cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur une industrie qui, bien que concernée au premier chef par la relance du transport maritime, risque de ne bénéficier que très peu des retombées de cette manne, je veux parler de la construction navale civile.
Les conséquences de la restructuration de cette industrie ont été particulièrement douloureuses. Ainsi, en vingt ans, les effectifs ont chuté de 68 p. 100 et atteignent désormais à peu près 5 000 personnes, sachant que, dans ce secteur, les emplois induits sont très nombreux.
Ainsi, pour prendre l'exemple de la construction d'un paquebot, près des trois quarts sont assurés par la sous-traitance. Dans un site comme les chantiers de Saint-Nazaire, les emplois directs sont au nombre de 4 300, les emplois indirects induits dans les Pays de la Loire sont au nombre de 3 000, alors que soixante-neuf départements en France travaillent pour le site nazairien.
Notre industrie déploie désormais l'essentiel de son activité sur le marché international. La majeure partie de ses commandes, notamment en matière de transport de passagers, provient d'armateurs norvégiens. Or les conditions de concurrence sont particulières dans ce secteur où dominent le dumping monétaire pratiqué, notamment par la Corée du Sud, les subventions publiques à géométrie variable selon les circuits de financement de chaque Etat, voire le protectionnisme le plus affiché, comme aux Etats-Unis.
Un accord a été signé au sein de l'OCDE en juillet 1994. Il concerne les Etats de l'Union européenne, les Etats-Unis, la Norvège, la Corée du Sud et le Japon. Il prévoit le démantèlement des aides directes à ce secteur. Je vous précise qu'en France notre soutien à ce secteur se fait au moyen d'aides directes, contrairement à ce qui se passe en Allemagne.
Nous nous sommes, à l'époque, élevés contre la signature de cet accord ; une résolution a même été déposée sur le bureau de chacune de nos deux assemblées dans laquelle nous dénoncions les disparités des circuits d'aides et où nous soulignions la difficulté d'établir des comparaisons équitables, comme nous dénoncions le fait que la Chine, désormais au troisième rang mondial, n'ait pas été concernée par cet accord.
Après s'être engagé à bloquer les négociations, le gouvernement d'Edouard Balladur a pris la responsabilité de signer ce texte négocié par son ministre des affaires étrangères... dont il est inutile de vous rappeler le nom, monsieur le ministre ! C'est donc aujourd'hui au gouvernement de M. Juppé d'assumer les conséquences de cet accord, qui place la France dans une situation particulièrement délicate sur le marché mondial.
A ce stade de mon intervention, je ne résiste pas à l'envie de vous rappeler les engagements pris, lors de sa campagne électorale, par le candidat Jacques Chirac qui avait fait connaître à la fois son refus de la logique de l'accord de l'OCDE et son attachement à la relance de l'outil national de production.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Il n'était pas au Gouvernement !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il était candidat !
M. Josselin de Rohan. Et alors, que voulez-vous démontrer, madame ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il me semble que les engagements d'un candidat doivent prévaloir lorsque celui-ci devient Président de la République.
M. Josselin de Rohan. Madame, savez-vous que nous avons des partenaires...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous les choisissez mal, vos partenaires !
M. Josselin de Rohan. ... et que nous ne faisons pas la loi ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. On nous dit que ce dispositif ne peut explicitement orienter les investisseurs vers des projets se réalisant dans des chantiers français sous peine, sinon, de sanctions qui seraient décidées précisément par nos partenaires au sein de la Commission européenne. Le risque existe pourtant de voir cet engagement important octroyé par l'Etat français profiter aux chantiers navals coréens et autres.
Ce qui se passe en Allemagne doit nous mettre en garde contre cette dérive possible. En effet, dans ce pays, on constate que les deux tiers du tonnage commandé ces dernières années grâce au système quirataire l'ont été dans des chantiers étrangers, coréens et polonais notamment. Un représentant du syndicat IG-Metall a fait une évaluation : par le biais de cette défiscalisation, le gouvernement allemand a subventionné, en quelque sorte, les chantiers polonais pour 950 millions de francs et les chantiers sud-coréens pour près d'un milliard de francs !
A l'heure où, dans notre pays, la mobilisation de tous, politiques et partenaires sociaux, doit se faire autour de la priorité à l'emploi, on ne pourrait tolérer que de tels engagements financiers de l'Etat soient totalement détournés de cet objectif.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement se donne pour ambition de redynamiser la flotte française ; c'est important. Nous avons la chance de posséder en France des chantiers hautement qualifiés sur lesquels repose la vie économique de plusieurs départements. Comment imaginer que ce dispositif ne profite pas à l'ensemble de la filière afin que nous disposions d'une flotte plus complète dotée de navires performants ?
Nous souhaitons donc que le bénéfice de ces mesures s'étende notamment aux navires à passagers. C'est ici un créneau sur lequel nos chantiers se sont spécialisés et ont acquis une excellente réputation avec l'aval des autorités gouvernementales.
J'insiste également sur le fait que, pour l'octroi de l'agrément ministériel, l'ensemble des paramètres devra être apprécié, évalué, y compris au regard du maintien des emplois en amont de la chaîne. De même, ces procédures d'agrément devront être l'occasion d'une sensibilisation des armateurs aux intérêts intelligemment compris de tous les acteurs de la filière maritime.
C'est dans ce sens que nous avons déposé des amendements. Nous souhaitons que la Haute Assemblée les adopte et notre vote final dépendra du sort qui leur aura été réservé. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Revet. On ne désespère pas !
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Je représente dans cet hémicycle, avec mon ami Patrice Gélard, qui va intervenir dans quelques instants, un grand département maritime, dans lequel vous étiez il y a peu, monsieur le ministre.
Pour nous, l'activité maritime est tout à fait essentielle. Elle conditionne notre développement. C'est pourquoi je me sens concerné au premier chef par le vote qui va intervenir sur le projet de loi que vous nous soumettez.
La première question que l'on doit se poser, monsieur le ministre, est la suivante : doit-on accepter comme inéluctable le déclin de notre flotte de commerce ?
M. Oudin, que je félicite de son rapport, a cité les chiffres, mais je vais les rappeller, car il faut voir les choses en face.
La France est passée du huitième au vingt-troisième rang mondial. Notre flotte, qui était composée de cinq cents navires, n'en compte plus aujourd'hui que deux cents environ. La France ne peut assurer, avec sa flotte, que 15 p. 100 de ses propres échanges. Ces données sont tout à fait éclairantes ; elles constituent un défi qu'il nous faut relever.
J'ai eu la chance, voilà quelque dix-sept ou dix-huit ans, de participer à la conférence internationale pour le droit de la mer. Il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine, mais j'en ai tiré un certain nombre de leçons. La France, autant qu'il me souvienne, est la troisième puissance mondiale par ses zones économiques liées à son implantation sur le globe. Elle est la quatrième puissance exportatrice. Peut-elle, dans ces conditions, accepter de dépendre autant de l'extérieur ? Peut-on considérer que l'orientation actuelle, qui est par ailleurs liée à nombre de paramètres sur lesquels je reviendrai, est inéluctable ? Je réponds : "Non".
Par ce projet de loi, monsieur le ministre, qui deviendra notre loi lorsque nous l'aurons voté vous entendez renverser la situation ; nous souhaitons vous y aider.
Permettez-moi quelques réflexions sur les conséquences de ce texte important.
Son premier effet sera d'augmenter le nombre des bâtiments de notre flotte de commerce ; cela va de soi. Il faudra qu'il ait aussi un effet bénéfique sur l'activité de nos chantiers navals.
Il est clair que, si nous parvenons à augmenter le nombre de nos navires grâce à l'engagement financier de nos concitoyens, il faut, autant que possible, que cette augmentation profite directement à nos chantiers navals, et donc aux emplois, aujourd'hui si précieux.
Le texte doit, en outre, nous permettre d'inverser la courbe de notre dépendance.
Il n'est pas acceptable que la France, qui doit au courage de ses femmes et de ses hommes son rang de quatrième puissance exportatrice mondiale, dépende autant de l'étranger. Il faut donc à tout prix que nous retrouvions, là encore, notre vraie place.
J'en reviens, monsieur le ministre, à mon propos liminaire.
Il est clair que l'activité des ports est liée à la propriété des navires. Tel ou tel armateur choisira tel ou tel port en fonction du pavillon. L'on peut espérer que, dès lors que davantage de navires battront pavillon français, nos ports ayant la préférence y trouveront une nouvelle dynamique.
Monsieur le ministre, je connais votre action et celle de vos services dans ce domaine. Elle est essentielle. Vous êtes venu à Rouen il y a quelques semaines et vous étiez au Havre il y a quelques jours, ce dont je vous remercie. Vous avez pu mesurer sur place combien les responsables du département étaient tous convaincus du rôle que peut jouer le complexe portuaire Rouen-Le Havre, qui, je dois le rappeler, est le premier complexe du nord de l'Europe ouvert sur l'Atlantique.
Si nous arrivons à renforcer et à développer notre flotte de commerce, c'est bien entendu l'activité portuaire qui en bénéficiera, ainsi que tout ce qu'elle induit dans cette région, puisque 40 p. 100 de l'activité économique, en amont et en avale dépendent de l'activité portuaire. Il, y a certes, d'autres facteurs, la domanialité, notamment, mais ils sont étrangers à l'objet du débat.
Monsieur le ministre, votre projet de loi va donc dans le bon sens. Je pense cependant qu'il faudra peut-être aller plus loin.
Plusieurs de mes collègues ont évoqué les chantiers navals. Il est vrai que nous souffrons de la concurrence déloyale de chantiers navals étrangers. Il faudra prendre les dispositions qui s'imposent.
Par ailleurs, s'il est bon d'avoir des navires, encore faut-il les faire fonctionner. Ils vont probablement transporter d'abord de la marchandise française, mais ils peuvent aussi être amenés à traiter avec l'extérieur. Il faut qu'ils soient compétitifs. Or, monsieur le ministre, dans ce domaine comme dans d'autres, nous devrons avoir un jour le courage de mettre les choses à plat et de ramener de l'ordre dans ce qui est, en fait, une véritable loi de la jungle et qui se traduit précisément par des phénomènes de concurrence déloyale. A défaut, nous aurons beau agir, ce sera en vain.
Monsieur le ministre, à deux reprises, en 1989 puis en 1994, ce grand département de Seine-Maritime a accueilli l'Armada de la liberté, qui devait rassembler, à Rouen et au Havre, une multitude de navires, du voilier au bâtiment de guerre. Dans quelques jours, d'anciens paquebots doivent, de même, revenir au Havre pour témoigner de l'importance qu'a eue l'activité maritime pour nos ports et pour la place de la France dans le monde.
A chacune de ces manifestations, nous sommes fiers. L'Armada de la liberté a rassemblé 7, 8, 10 millions de personnes. Cela signifie que, au fond d'eux-mêmes, nos concitoyens sont en lien direct avec tout ce qui concerne l'activité maritime.
Je souhaite que nos ports ne connaissent pas uniquement des flambées périodiques à travers des festivités, et que demain, et de plus en plus, des navires battant pavillon français viennent jeter l'ancre dans nos ports et participent à nos échanges.
Je voudrais souligner un autre aspect, qui a un lien direct avec le présent projet de loi.
Grâce aux incitations fiscales proposées, nos concitoyens pourront souscrire directement des parts de copropriété de navires. Autrement dit, nous allons accentuer le sentiment de propriété qui existe dans d'autres domaines, et cet aspect n'est pas le moins important. D'autres pays, notamment l'Allemagne et le Danemark, ont agi ainsi, et nous ne faisons, à la limite, que les imiter.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants soutient votre projet de loi et le votera. A travers cette démarche, nous souhaitons que la France retrouve progressivement la place qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'avoir dans l'activité maritime mondiale. De tout temps, la France a été une grande puissance maritime, mais, compte tenu des circonstances, un déclin s'est engagé. Vous nous proposez de renverser la vapeur, monsieur le ministre, nous vous y aiderons ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est également en tant qu'élu normand du Havre et de la Seine-Maritime que je vais m'exprimer sur un certain nombre de points, complétant ainsi les propos de M. Revet et de mes autres collègues élus de la frontière atlantique.
Ce projet de loi vient enfin en discussion : nous ne pouvons que nous en féliciter. En effet, il était temps de prendre des mesures pour éviter le déclin et le vieillissement constant de notre flotte battant pavillon national, alors même que - on le sait maintenant - les transformations affectant à court terme le transport international ne feront que valoriser le transport maritime et les activités portuaires dans les années à venir ; vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, au Havre, vendredi dernier.
En fait, ce texte répond à une attente du monde maritime : les armateurs, les constructeurs et tous les milieux intéressés, notamment portuaires, bien sûr. Il s'agit, je crois, d'un acte fort que vous nous présentez aujourd'hui, et nous sommes prêts à le défendre avec vous.
Toutefois, on ne peut que regretter que nous ayons mis aussi longtemps pour nous doter de cet instrument d'incitation et d'encouragement à investir dans le domaine naval.
Certains craignaient peut-être de voir se développer, grâce aux quirats, ce que d'aucuns ont appelé des « niches fiscales ». Or, en l'occurrence, tel n'est pas le cas. Il s'agit d'une simple mesure d'équité par rapport à d'autres investissements, immobiliers ou boursiers, et liés à l'épargne.
Ce texte répond à une nécessité économique puisque, sans celui-ci, notre flotte nationale serait à terme condamnée à disparaître, avec toutes les conséquences qui en résulteraient sur le plan tant économique que social.
Alors que l'on sait que, demain, des supertransporteurs seront capables d'accueillir 5 000 ou 6 000 conteneurs, à une époque où il convient de réaffirmer avec force la vocation maritime de la France, comme l'avait souligné le Président de la République, et où les grands ports français redécouvrent leur vocation à être la porte maritime de l'Europe, trop longtemps confisquée par les ports du Nord, nous devions nous doter des moyens juridiques nous permettant d'assurer cette ambition.
Je me félicite du travail qui a été accompli par la commission des finances et de l'excellent rapport de M. Jacques Oudin. Cela a permis, je crois, d'améliorer le projet de loi, je pense aux amendements visant à étendre le champ d'application du dispositif aux navires de passagers, aux navires de plaisance et aux navires de pêche.
Je me félicite également des propositions faites par la commission en ce qui concerne le pavillon. Sur ce point, un bon travail a été fait.
Par ailleurs, il était bon de réfléchir un peu à l'avenir de la flotte fluviale. Avec mon collègue M. Marini, nous avons déposé des amendements sur ce point.
Monsieur le ministre, permettez-moi, après les autres orateurs, d'attirer votre attention sur le fait que nos chantiers navals ne sont pas sûrs d'être gagnants dans l'opération. Nous connaissons tous la fragilité des carnets de commandes de nos chantiers navals, malgré le savoir-faire de ces derniers, la qualité des personnels et les technologies de pointe dans un certain nombre de secteurs. En tant que Havrais, je citerai les performances des ACH dans le domaine des voiliers et des navires de très haute technologie.
Il aurait peut-être été souhaitable que l'agrément prévu pour un projet de copropriété quirataire soit délivré non seulement après avis du ministre chargé de la marine marchande - ce que prévoit le texte en l'état actuel - mais aussi après avis du ministre chargé de la construction navale. Cela constituerait, selon moi, une mesure de sauvegarde à l'égard des préoccupations exprimées par les constructeurs.
On peut sans doute également regretter que les problèmes de la mer soient éclatés actuellement entre plusieurs ministères : les transports, l'industrie, l'agriculture et la pêche, ces deux dernières allant, bien sûr, ensemble. Intervient aussi le comité interministériel de la mer, qui pourrait être appelé à jouer un rôle dans cette opération.
En fait, le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui va créer un dynamisme et susciter un optimisme dont nous avions besoin.
Monsieur le ministre, au Havre, vendredi dernier, vous avez offert un ballon d'oxygène à l'ensemble de la communauté portuaire havraise. Vous nous avez ouvert des perspectives, que nous vous avions d'ailleurs suggérées et sur lesquelles nous insistions depuis de nombreuses années. Je dois rendre ici hommage à un travail de fond qui a été fait au sein de notre assemblée, par exemple depuis 1988, dans le cadre du groupe de travail que présidait M. Josselin de Rohan et auquel participait déjà M. Jacques Oudin. Ce travail trouve aujourd'hui non pas son aboutissement, mais le point de départ de ce qui sera une nouvelle aventure, car, nous qui sommes des maritimes, nous avons parfois l'impression que Paris a des préoccupations plus industrielles, plus terriennes, plus éloignées des problèmes de la mer.
Nous nous félicitons que le Gouvernement prenne enfin à bras le corps les problèmes maritimes. Nous avons l'impression qu'une nouvelle aventure maritime de la France va pouvoir commencer.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe du Rassemblement pour la République vous apportera son soutien lors de la discussion de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner aujourd'hui présente une importance majeure pour l'avenir maritime de notre pays. En effet, il illustre une forte volonté de reconquérir les positions commerciales de la France dans le monde.
La flotte de commerce de notre pays connaît depuis vingt ans un recul certain, alors même que le commerce maritime international croît de 6 p. 100 en moyenne par an.
Dois-je vous rappeler que, depuis le premier choc pétrolier, la France est passée du huitième au vingt-troisième rang mondial, et sa marine marchande de 500 à 210 navires ?
L'encouragement fiscal apparaît ici comme un levier formidable de soutien et de relance de l'activité.
Mettre en place en France, aujourd'hui, une fiscalité attractive pour l'épargne investie dans les navires civils de charge afin d'enrayer le déclin déjà très prononcé de la marine marchande nationale relève d'une véritable stratégie maritime que nous ne pouvons que soutenir.
Les problèmes du transport maritime sont identifiés depuis longtemps : surcoût de la main d'oeuvre par rapport à celle de pays maritimes à bas salaires et besoins très importants d'investissements en capital.
S'il n'est pas question de remettre en cause le régime social des marins, nous pouvons en revanche faire en sorte de résoudre le second problème en attirant des capitaux vers ce secteur stratégique.
La mobilisation de l'épargne disponible a cependant besoin d'un réel encouragement fiscal. Ce projet de loi y répond de manière satisfaisante.
La Commission européenne nous encourage dans cette voie à travers une communication qu'elle vient de présenter aux Etats membres et qui s'intitule : « Vers une nouvelle stratégie maritime ».
Je précise que l'encouragement de l'épargne investie dans les navires de commerce existe déjà en Allemagne, en Finlande et en Norvège. C'est un succès qui a permis d'enrayer un déclin que l'on considérait, avant ces mesures, comme inéluctable.
L'encouragement fiscal à l'orientation de l'épargne des personnes physiques et morales vers la souscription de parts de copropriété de navires civils de charge est un dispositif dont nous apprécions la grande simplicité.
La commission des finances a souhaité élargir le champ d'application de cette mesure à tous les navires armés au commerce et à la pêche, ce qui inclut les navires à passagers, les ferries ainsi que la flotte de pêche industrielle et artisanale.
Elu d'un département maritime durement frappé par les difficultés que connaît la pêche et qui n'est pas épargné non plus par les restructurations des constructions navales militaires ou civiles, je suis particulièrement attaché à cet élargissement.
Il est important aussi de réserver le bénéfice de l'exonération fiscale aux navires battant pavillon français.
Ce texte est primordial. Il apporte des éléments nouveaux dans le débat sur l'avenir du transport maritime français. Force est de constater que l'action passée des pouvoirs publics n'a pas suffi à enrayer le déclin global de la flotte sous pavillon national.
A cet égard, j'ouvrirai une parenthèse : mes collègues et moi-même regrettons que les propositions de la mission d'information du Sénat sur le transport maritime, présidée par M. Louis de Catuelan et M. Jean-François Le Grand étant rapporteur, n'aient pas été suivies de décisions concrètes.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
M. Alphonse Arzel. Heureusement, l'industrie maritime est devenue pour vous un sujet de préoccupation, monsieur le ministre.
Relever le défi de la compétitivité de la flotte française, lui donner les moyens de faire face à la compétition mondiale est la meilleure façon de préparer l'avenir de la France maritime.
Ce texte sert autant à redynamiser le tissu social du littoral, par exemple les chantiers navals, qu'à renforcer notre présence sur les marchés mondiaux.
La France est historiquement un Etat tourné vers le grand large. Il nous appartient de lui rendre une forte ambition maritime.
Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, répond à cet impératif de reconquête et de développement. C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste le votera, tout en restant vigilant pour son application et les résultats qu'il produira. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce est surprenant dans sa philosophie, mais il soulève des problèmes réels et appelle d'autres solutions.
La France est encore la quatrième puissance mondiale. Sa flotte et sa marine marchande, qui furent l'un des fleurons de cette puissance, déclinent. Les emplois dans ce secteur économique sont en chute constante. Le taux de couverture du pavillon français baisse inexorablement. Parallèlement, nous assistons à un effacement de la construction navale française et à un affaiblissement des sociétés françaises.
Vous ne le contestez pas, monsieur le ministre. Dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, vous affirmez, à juste titre, ceci : « Depuis le premier choc pétrolier, la France est passée du huitième au vingt-troisième rang mondial et sa marine marchande de 500 à 210 navires ».
M. Oudin, rapporteur de la commission, le confirme de façon plus sévère : « La flotte de commerce française ne représente plus que 0,95 p. 100 de la flotte mondiale avec un tonnage de 3,95 millions de jauge brute en 1996, contre 6,5 en 1970. En vingt ans, les effectifs de la marine marchande ont été divisés par sept. »
Le projet de loi qui nous est soumis est-il susceptible de modifier cette situation ?
J'en rappelle l'objet.
En fait, aux termes de l'article 1er, un propriétaire de parts de copropriété d'un navire de commerce pourra déduire de son revenu imposable la totalité de l'investissement dans la limite de 500 000 francs pour un contribuable célibataire et d'un million de francs pour un contribuable marié. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, aucune limite n'est prévue.
Mes chers collègues, une première remarque s'impose : au moment où le Gouvernement souhaite s'orienter vers plus de justice sociale, cette mesure n'est-elle pas en complète contradiction avec une telle intention ? L'exonération atteint un record absolu !
Je citerai un extrait du rapport de synthèse du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires du 31 mai 1996 établi sous la responsabilité de M. de La Martinière, inspecteur général des finances : « Des engagements ont été pris envers les personnes qui participent au financement des navires de commerce et aux investissements réalisés outre-mer. Ces engagements doivent être respectés. Dès l'instant où l'imposition des revenus serait normalisée, en revanche, il serait opportun que les dispositifs en cause ne soient pas prorogés et que cette orientation soit confirmée dès maintenant.
« Il ne serait pas inutile non plus de vérifier dans quelle mesure les déductions autorisées, qui intéressent principalement les titulaires de revenus élevés, bénéficient autant à notre marine et au développement de notre outre-mer qu'aux intermédiaires spécialisés dans l'exploitation de ces facilités. »
Personne à la commission des finances n'a contesté une telle analyse, réaliste, mais posant problème.
Monsieur le ministre, les exonérations et les nouvelles niches fiscales importantes que vous prévoyez sont en totale contradiction avec une réforme de justice fiscale, même si vous vous en défendez.
Plus la construction navale s'effondre et plus vous exonérez ceux qui bénéficient de cet effondrement ou qui l'organisent. Vous récompensez, vous encouragez. Ainsi, 15 p. 100 du commerce extérieur sont acheminés sur des navires battant pavillon français. Et M. Oudin note : « Outre les conséquences négatives pour l'emploi, cette situation peut fragiliser les positions commerciales de la France et menacer son indépendance stratégique ».
Monsieur le ministre, votre mesure d'exonération n'apparaît-elle pas inefficace et grave pour la justice fiscale et le devenir de notre marine ?
Mes chers collègues, une telle disposition est approuvée par la Commission européenne, qui affirme que le régime mis en place par le Gouvernement français contribuera à la modernisation de la flotte sous pavillon français, permettra de maintenir une capacité stratégique et d'encourager l'emploi des marins communautaires.
Autrement dit, cette disposition pourrait-elle favoriser l'emploi ? Nous pourrions alors devenir moins sévères pour votre projet de loi. Mais qu'en est-il réellement ?
Tout d'abord, la Communauté européenne estime condamnable ce qui est réalisé, pourtant de façon modeste, en faveur du développement de l'emploi : les aides françaises à la construction navale française, les conditions de nationalité exigées des armateurs pour accéder au pavillon national, en application de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1967 et de la loi du 26 février 1996, et ne permettant pas à certaines sociétés d'armement de la Communauté d'exploiter en France un navire financé par le système des quirats.
M. Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, n'a-t-il pas été contraint, ces jours derniers, de refuser toute nouvelle diminution de la flotte de pêche française et de laisser réduire le rôle des ports français ?
La diminution des capacités de la pêche que veut imposer la Communauté européenne pourrait atteindre 40 p. 100 pour certaines espèces de poissons. Le Comité européen veut bien admettre les exonérations, mais, en même temps, il exige de pouvoir continuer à réduire le nombre d'emplois.
Cette politique est d'autant plus préjudiciable à la France que celle-ci n'a pas atteint les quotas de capture de poissons. On veut porter de nouveaux mauvais coups à la pêche française.
Votre projet de loi coûtera 400 millions de francs au budget de la France, mais l'ensemble de la politique européenne aura un coût beaucoup plus important.
Pour un navire battant pavillon français, ayant entraîné un montant d'investissement de 50 millions de francs, l'aide se chiffrerait à 20 millions de francs.
Une question vient aussitôt à l'esprit : ces mesures permettront-elles de créer de nombreux emplois ? Bien entendu, dans l'affirmative, nous approuverions ce projet de loi. Mais qu'en est-il ?
En termes d'emplois, dans le monde de la mer, on doit se référer à trois secteurs : la construction navale, le personnel embarqué et le négoce.
Tout d'abord, nous observons que les navires de recherche, les navires scientifiques, les câbliers sont exclus du projet de loi. Or ce sont ces types de navires qui sont aujourd'hui construits dans les chantiers français.
Ensuite, il apparaît que, actuellement, la moitié des navires commandés auprès des chantiers navals nationaux sont des navires à passagers : 58 p. 100 de la capacité en jauge brute compensée. Ils sont également exclus du champ d'application de la loi.
Par conséquent, nous ne voyons pas l'influence de vos mesures sur la construction navale. En revanche, réouvrir les chantiers de la Ciotat, toujours prêts à cette réouverture, serait créateur d'emplois, tout comme le serait le renforcement des aides aux chantiers de l'Atlantique.
Sur le nombre de marins embarqués, je vous rappelle que la France ne compte guère plus de 5 000 marins navigants et 210 navires.
Je constate également que la modernisation des navires sur les lignes Continent-Corse se solde par de nombreuses suppressions d'emplois et, peut-être, de rotations.
J'observe, enfin, que la loi de 1996, si elle prévoit que, à bord des navires battant pavillon français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance doivent être français, elle prévoit également que les autres membres de l'équipage doivent être ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne dans une proportion minimale fixée par arrêté, ce qui laisse le champ libre à d'autres recrutements.
Autrement dit, l'équipage sera composé d'un maximum de marins du tiers-monde sans statut social. On fait travailler des Malgaches à 500 francs par mois, a-t-on déclaré dans cet hémicycle, voilà quelques mois. Comment pouvez-vous prétendre favoriser la création d'emplois pour la construction navale quand le personnel est embarqué dans de telles conditions ?
Pouvez-vous nous garantir, monsieur le ministre, que les lignes budgétaires d'aide à la construction navale, à la marine et à la pêche ne seront pas amputées à la suite du vote de votre projet de loi ? Ma question demande une réponse claire.
Votre projet de loi s'applique aux navires d'occasion. Par conséquent, nous craignons que les mises en chantier naval soient réduites d'autant et qu'il n'y ait donc pas de retombées en matière d'emplois.
Enfin, s'agissant des emplois de négoce, compte tenu de la libre circulation des capitaux et des hommes, nous n'avons aucune assurance de création d'emplois. D'ailleurs, le même problème se pose dans le domaine de l'aviation.
Seules une très forte production et une reconquête de la place de la France au sein du trafic maritime mondial permettraient de relancer l'ensemble de ces types d'emplois.
La dernière question que je souhaite évoquer concerne la possibilité d'une relance de la production navale.
Depuis dix ans, le chiffre d'affaires du transport maritime mondial croît de 5 p. 100 par an. Pour quelle raison notre pays, dont la culture maritime est l'une des plus anciennes et des plus riches au monde, demeure-t-il à l'écart de cette progression ? Peut-être n'existe-t-il pas une seule explication, mais, pour corriger une telle situation, il faut une volonté dont le Gouvernement français semble dépourvu.
Monsieur le ministre, ce contexte n'est pas dû à la fatalité ! Dès lors, il nous faut dénoncer les choix politiques des gouvernements qui se sont succédé, choix qui sont maintenant effectués à l'échelon européen.
En 1995, le chiffre global de l'armement français accusait un recul de 5 p. 100. Le journal de la marine marchande peut titrer : « Quirats, la grande espérance » ! Faut-il en déduire que c'est l'une des solutions possibles pour la relance ?
Vous notez à juste titre, monsieur le rapporteur, que les récents résultats financiers des armateurs font apparaître un redressement. Sans l'exonération proposée, on peut d'ores et déjà observer des efforts de productivité, la diminution de la dette, une perspective de renouvellement de la flotte. Par conséquent, les affaires ne vont pas si mal pour les armateurs ! Votre projet de loi ne prévoit pas moins une aide aux armateurs plutôt qu'à l'emploi !
Pour nous, la construction navale nécessite une aide gouvernementale pour des bateaux français, avec un pavillon français et des marins français. Or les quirats profitent en grande partie aux chantiers navals étrangers et aux armateurs.
L'exemple allemand a été cité par d'autres collègues : le marché quirataire est euphorique ; il a connu une progression de 33 p. 100 entre 1994 et 1995, ce qui représente 7,5 milliards de francs.
Si la construction navale allemande est toujours en tête, elle est néanmoins talonnée par la Corée et la Pologne, qui bénéficient des quirats allemands. D'ailleurs, gouvernement et syndicats s'en émeuvent. Des chantiers sont en faillite, comme le chantier Bremer-Vulkan. Les quirats allemands sont donc remis en question.
Le moment était-il bien choisi de les développer dans notre pays ? Ne va-t-on pas aussi favoriser la construction étrangère, les pavillons étrangers, l'embauche de personnels du monde entier, sans statuts et avec des degrés d'exploitation inimaginables ?
Nous sommes inquiets ! Nous ne sommes donc pas favorables à votre projet de loi dans sa rédaction actuelle. Si vous le modifiiez profondément au cours du débat, nous pourrions réexaminer notre position.
Notre volonté est simple, monsieur le ministre : rendre à la France son pavillon par un investissement important dans la construction navale nationale ; nous pensons, par exemple, à la réouverture du chantier de La Ciotat, à la modernisation de sa flotte, au rayonnement du pavillon français et au développement de la pêche française.
Alors, et alors seulement, les créations d'emplois réapparaîtraient dans une marine rénovée, modernisée et conquérante. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur pour le travail remarquable et approfondi qu'il a accompli, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs qui se sont exprimés sur toutes les travées de la Haute Assemblée.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est attentif aux problèmes de la pêche, de la plaisance et de la flotte fluviale. Mais ce projet de loi concerne la flotte de commerce ouverte aux vents de la concurrence qui naît de la liberté des mers.
Dans l'attente hypothétique d'une régulation par la voie d'un accord multinational, que malheureusement on ne voit pas venir, l'étalon de concurrence est la complaisance, et cette complaisance n'a lieu d'être ni dans la pêche, ni dans la flotte fluviale, ni dans la plaisance.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la question des navires à passagers. Je suis tout à fait d'accord avec votre analyse, et je peux d'ores et déjà vous confirmer que le Gouvernement sera ouvert à des propositions parlementaires étendant cette mesure aux navires à passagers. Faut-il rappeler, en effet, que les deux premiers employeurs de navigants sont des armements à passagers ? On compte 2 600 emplois à la BAI - Bretagne-Angleterre-Irlande - et 2 000 emplois à la société nationale Corse-Méditerranée, la SNCM.
Les navires à passagers sont, dans le secteur maritime, les principaux créateurs d'emplois, et nous ne pouvons les exclure, eux qui ont été le meilleur client français de notre construction navale au cours de ces dernières années.
Monsieur le rapporteur, je suis très attaché à ce que les agréments soient délivrés le plus rapidement possible. Vous souhaitez qu'un délai soit fixé à l'administration, mais cela pose une difficulté technique que je m'engage à résoudre après m'en être entretenu avec M. Arthuis. Je pense que nous pourrons trouver une solution lors de la lecture de ce texte devant l'Assemblée nationale.
Sur le pavillon français, monsieur le rapporteur, je partage tout à fait votre approche. Si le projet de loi ne vise pas spécifiquement ce pavillon, c'est parce qu'en droit fiscal, jusqu'à nos jours, cette condition n'avait pas été introduite. Mais la Commission de Bruxelles - qui, je le répète, a approuvé ce texte - a encouragé le Gouvernement français à développer son pavillon. Le texte qu'elle a adressé à M. le ministre des affaires étrangères contient ainsi la phrase suivante : « Ce régime encourage l'investissement pour promouvoir l'immatriculation des navires sous pavillon français et l'emploi. »
Monsieur Régnault, s'agissant des navires à passagers, de la défiscalisation et de l'agrément, je vous fais la même réponse qu'à M. le rapporteur.
Sur l'équité fiscale, vous avez cru pouvoir critiquer, avec Mme Beaudeau, le Gouvernement, parce que, selon vous, ce régime nouveau pourrait ne pas être utilisé par un très grand nombre de contribuables, mais seulement par les nantis.
Faut-il rappeler que, en 1987, M. Lang et vous-même avez institué un régime de déduction fiscale en faveur des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, qui profite à moins de 2 000 contribuables aisés ? La déduction fiscale que nous proposons, monsieur Régnault - 500 000 francs pour un célibataire et 1 million de francs pour un couple - constitue un plafond. Et vous savez très bien que l'article 163 vicies n'a eu aucun effet sur la flotte de commerce. En Allemagne, par exemple, il n'y a pas de plafond, et la moyenne des investissements s'établit entre 100 000 francs et 250 000 francs par foyer fiscal.
J'ajoute, monsieur Régnault, car je comprends et partage votre inquiétude, que les banques pourront mettre en place des systèmes en divisant les quirats pour permettre à la petite épargne de s'investir.
M. Régnault et Mme Dieulangard ont insisté, comme M. le rapporteur, sur les retombées du secteur de la construction navale.
Nous avons l'espoir commun - je l'ai dit dans mon propos initial - de voir les armateurs français orienter leurs commandes vers nos chantiers navals. Le respect de nos engagements communautaires nous oblige à faire en sorte que l'ensemble des chantiers européens soient placés sur un pied d'égalité. Mais nous comptons sur un élément réel et connu, à savoir l'excellence et la haute technologie de nos chantiers, pour gagner le plus grand nombre de parts de marchés.
S'agissant de l'accord OCDE, madame Dieulangard, je confirme ce que je vous ai dit tout à l'heure : M. Chirac n'était pas alors membre du Gouvernement, et l'accord n'est actuellement ratifié ni par les Etats-Unis ni par le Japon ; nous attendons de voir ce qu'il deviendra.
Vous avez exprimé des inquiétudes à propos des ports et vous craignez les effets des difficultés de nos finances publiques sur leur entretien.
Vous avez cité les ports de Nantes et de Saint-Nazaire. S'agissant des accès de la basse Loire, je vous confirme que j'ai affecté, au début de l'année 1996, une dotation exceptionnelle de 15 millions de francs pour le rétablissement des profondeurs. C'est le montant de la participation de l'Etat dans une opération d'un coût global de 35 millions de francs.
Monsieur Revet, selon vous, l'activité de notre armement dépend de la vigueur de nos exportations - c'est votre expression - et l'activité de nos ports de celle de nos navires. Je partage totalement votre opinion, l'activité maritime et portuaire est un tout indissociable. C'est pourquoi la politique maritime engagée par le Gouvernement, dont témoigne ce très important projet de loi, doit être un tout.
A cette fin, j'ai engagé, vous le savez - je l'ai évoqué au Havre voilà quelques jours - une réflexion sur l'avenir de nos ports, avec la ferme volonté, je vous le confirme, de déboucher sur un ensemble de mesures de modernisation. Vous avez vous-même participé à cette réflexion et j'espère vous présenter, lors de la prochaine session, un projet de loi d'orientation portuaire afin de donner à nos ports les moyens nouveaux dont ils ont besoin.
Monsieur Gélard, je vous remercie très vivement de votre analyse, et encore plus vivement du soutien que le groupe du RPR apporte à ce texte.
Vous avez déploré que cette mesure soit si tardive. Je partage votre sentiment. Pendant de trop nombreuses années, en effet, le déclin de notre flotte a été considéré comme un phénomène conjoncturel alors qu'il était dû à une cause structurelle : l'émergence de flottes armées dans des pays à bas salaire, sans couverture sociale et dotés d'une fiscalité symbolique. Aujourd'hui nous prenons enfin acte - et j'ai confiance, car il n'est pas trop tard - de cette situation économique.
Vous avez également considéré, avec d'autres orateurs - M. Régnault en particulier -, que l'agrément prévu par ce texte pourrait être subordonné à l'avis du ministère chargé de la construction navale.
Le Gouvernement n'a pas retenu cette idée, pour deux raisons. La première, c'est que l'on donnerait ainsi l'impression que nous mettons en place une aide à la construction navale, ce qui n'est pas le cas et ce que les règles internationales ne nous permettent d'ailleurs pas. La seconde, c'est qu'il faut simplifier les procédures et éviter la multiplication bureaucratique des avis ministériels.
Monsieur Arzel, je tiens à vous remercier du soutien que vous apportez à ce texte et j'apprécie beaucoup que vous partagiez la confiance que nous portons dans ses conséquences, en particulier dans ses conséquences sociales pour le littoral, qui souffre aujourd'hui particulièrement du chômage.
Non, madame Beaudeau, les navires de travail maritime ne sont pas exclus de la mesure proposée, je tiens à vous rassurer. A titre d'exemple, les câbliers sont armés au commerce et assimilés à des navires de charge. Par ailleurs, en ce qui concerne la critique que vous avez adressée au Gouvernement à propos de l'équité fiscale, permettez-moi de vous rappeler, comme je l'ai fait tout à l'heure pour M. Régnault, que le groupe communiste républicain et citoyen est vigoureusement intervenu à l'automne dernier, lors du débat budgétaire, pour que soit maintenue la déduction fiscale des achats de parts de SOFICA, qui profite à 2 000 producteurs et qui permet de défiscaliser sans plafond jusqu'à 25 p. 100 de son revenu. (M. Régnault et Mme Beaudeau protestent.)
Vous vous inquiétez des conséquences de la mesure proposée en matière d'emplois maritimes. Je suis, comme vous, très attentif à cette question et, pour vous démontrer la confiance que m'inspire le dispositif proposé, je vous indique que j'ai décidé d'augmenter de 20 p. 100 le nombre des élèves de première année des écoles nationales de la marine marchande, qui forment les capitaines de première classe. (M. Gélard applaudit.)
J'ai, par ailleurs, mis à l'étude un programme de croissance des effectifs et d'adaptation des brevets, pour que ceux-ci soient parfaitement en harmonie avec les règles internationales de qualité établies par l'Organisation maritime internationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Avant que nous abordions la discussion des articles, je souhaiterais, monsieur le président, une suspension de séance d'une vingtaine de minutes, pour que nous puissions, avec M. le ministre et M. le rapporteur, revoir la rédaction de certains amendements.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Par amendement n° 1 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'exception de ceux affectés à un service public, les navires civils sont armés au commerce, à la pêche, ou à la plaisance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, utile pour la bonne compréhension du projet de loi, compte tenu des différents amendements que la commission a déposés et qui visent à étendre le bénéfice de la mesure à l'ensemble des navires civils.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement ; on ne peut pas définir dans une loi fiscale les catégories d'armement de navires alors même que ces catégories sont déjà prévues dans le droit douanier.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de l'amendement n° 1 rectifié jusqu'à la fin de l'examen du texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 39, Mme Beaudeau, M. Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 de privatisation du 19 juillet 1993, la huitième ligne : "Compagnie générale maritime" est supprimée. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, nous soulevons un des problèmes fondamentaux posés par la situation nouvelle qui est faite à l'ensemble de la filière maritime.
En effet, le développement éventuel de la filière est aujourd'hui étroitement dépendant de la réalité juridique des entreprises habilitées à intervenir dans le secteur. La Compagnie générale maritime est l'un des derniers outils dont dispose l'Etat en matière de construction et d'exploitation navale ; il est donc, de notre point de vue, indispensable que cet outil soit préservé. Cela passe, en particulier, par la suppression, dans la liste des entreprises placées sous le régime de la loi de privatisation de juillet 1993, de la mention expresse de la Compagnie générale maritime.
Cet amendement vise donc tout simplement à maintenir, au-delà des dispositions relatives au développement de l'investissement privé en matière de filière maritime, un secteur public parfaitement habilité à permettre à nos chantiers navals et à l'emploi dans l'ensemble de la filière maritime de se maintenir et de se développer. Je vous invite à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement remet en cause la privatisation de la Compagnie générale maritime. Il est donc parfaitement contraire à la politique que souhaite mener le Gouvernement.
La privatisation prochaine de la CGM pourrait, d'ailleurs, être grandement facilitée par le dispositif d'incitation fiscale que nous examinons en ce moment, qui lui permettra de renouveler à moindre frais sa flotte et donc d'accroître sa rentabilité.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Défavorable, car ce n'est pas l'objet du projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement revient sur l'une des contraintes nouvelles posées par le développement du trafic maritime dans un contexte général de fuite en avant en matière de garanties et d'organisation générale des équipages embarqués.
En effet, le contexte international de développement de l'activité maritime est marqué par la progression constante du nombre des immatriculations de bateaux sous des pavillons dits de complaisance, où les règles en matière de droit du travail ou de fiscalité sont si limitées qu'elles en apparaissent tout à fait symboliques.
Il est en effet connu que les deux principales flottes, en termes de tonnage brut, de la planète sont les flottes battant pavillon panaméen et pavillon libérien, ce dernier pays se présentant comme celui dont la flotte marchande a le tonnage le plus important.
On sait de surcroît que ces deux pays - comme d'ailleurs les Bahamas, qui offrent également ces pavillons de complaisance - ont d'autres soucis que de constater et de vérifier les conditions sociales et l'encaissement des produits fiscaux propres à l'activité de leur flotte marchande.
Ces pays offrant des pavillons de complaisance ont la particularité d'ailleurs, au-delà de ces considérations, de constituer, chacun pour leur compte, une véritable colonie nord-américaine, une part importante de leur politique étrangère étant littéralement satellisée par les Etats-Unis.
Dans les faits, ces pavillons de complaisance offrent aussi l'opportunité pour certaines sociétés américaines - je pense notamment aux trusts pétroliers - de réduire au maximum leurs coûts de transport de matières premières.
D'une certaine façon, la déflation sociale et salariale pratiquée sur ces bateaux, alliée à la quasi-absence d'entretien et parfois de règles de sécurité, conduit naturellement à dégager une marge commerciale plus importante.
Quand la marchandise embarquée devient plus importante que les hommes présents sur un bateau, il y a certainement quelque chose qui ne va pas, vous le reconnaîtrez, mes chers collègues.
Or il s'est trouvé, dans les années 1986-1988, un ministre ou un secrétaire d'Etat pour penser que la constitution d'un pavillon de complaisance propre à la France pouvait constituer une solution admissible au règlement de la crise de la flotte marchande française : c'est le fameux pavillon des terres Australes et Antarctiques françaises - le « pavillon Kerguelen », dans le langage commun - où les seuls contrôleurs de l'inspection du travail et du fisc se trouvent être des pingouins ! L'archipel des Kerguelen, les îles de Saint-Paul et de la Nouvelle-Amsterdam, c'est un peu l'île aux pingouins chère à ce grand écrivain que fut Anatole France !
Un recours pendant devant le Conseil d'Etat quant à la mise en place de ce pavillon de complaisance, dont n'auraient sans doute profité que les armements dévolus au transit du pétrole de la zone du golfe Persique, a motivé, lors de la discussion de la dernière loi relative aux transports, le débat sur un article, devenu l'article 26 de la mouture définitive du texte, validant l'existence de ce pavillon.
Quels sont les effets de ce pavillon ? Celui-ci conduit essentiellement à réduire à sa plus simple expression le nombre des marins embarqués de nationalité française, puisque l'article 26 de la loi relative aux transports n'exige la nationalité française que pour le capitaine du bord et son second.
Pour le reste, la porte est ouverte aux marins comoriens, indiens, malgaches, indonésiens, qui ne protesteront pas auprès de l'inspection du travail des Kerguelen - qui d'ailleurs n'existe pas - pour faire valoir des droits sociaux correspondant à leur présence sur un bateau français.
A un moment où l'on nous parle, à l'occasion de l'examen du projet de loi qui nous est soumis, de créer les conditions de la relance de la filière maritime française, il importe de mettre un terme à cette « exceptionnalité » inacceptable offerte par le pavillon Kerguelen.
Et ne me répondez pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que cet amendement n'a rien à voir avec le projet de loi !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est exactement ce que j'allais vous dire !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement tend à abroger l'article 26 de la loi du 26 février 1996 relative aux transports, qui a donné une base légale au registre des terres Australes et Antarctiques. Ce registre TAAF a reçu l'aval du Conseil constitutionnel à l'occasion du vote de cette loi.
Ce registre est absolument indispensable à la compétitivité de la flotte de commerce française. Il permet d'abaisser le coût des équipages de 50 p. 100 par rapport au registre métropolitain. Toutefois, le coût de nos équipages reste encore 30 p. 100 plus élevé que celui d'un équipage sous pavillon de convenance.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et je n'ai rien à ajouter aux arguments développés excellemment par M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Sont insérés dans le code général des impôts trois articles ainsi rédigés :
« Art. 238 bis HN . - Sont admises en déduction du revenu ou du bénéfice mentionnés respectivement au 2 de l'article 13 et au premier alinéa du I de l'article 209, selon les modalités définies aux articles 163 unvicies ou 217 nonies , les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de navires civils de charge, lorsque les conditions ci-après définies sont remplies :
« a) La souscription est effectuée avant le 31 décembre 2000 ;
« b) Le navire est livré au plus tard trente mois après la souscription et sa durée d'utilisation, attestée par une société de classification agréée, est d'au moins huit ans ;
« c) Les parts de copropriété sont conservées par le souscripteur, qui prend un engagement en ce sens, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de la livraison du navire à la copropriété ;
« d) Le navire est, dès sa livraison et pendant la durée fixée au c, exploité ou frété par la copropriété dans les conditions prévues au titre premier de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;
« e) L'entreprise qui, pendant la période prévue au c, gère la copropriété, en cas d'utilisation directe du navire, ou, à défaut, l'affrète directement, est une société passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions du droit commun et son activité principale est l'utilisation ou l'affrètement direct de navires civils de charge ;
« f) L'entreprise visée au e détient pendant la période fixée au c , un cinquième au moins des parts de la copropriété ;
« g) L'acquisition n'est pas réalisée auprès d'un organisme ou d'une entreprise lié directement ou indirectement, au sens des dispositions du 1 bis de l'article 39 terdecies, à l'entreprise mentionnée au e.
« En outre, le projet de copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement à sa réalisation, l'objet d'un agrément délivré par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la marine marchande. Cet agrément est accordé lorsque l'investissement, effectué à un coût financier normal, permet de renforcer effectivement la flotte de l'entreprise mentionnée au e et présente, au regard notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce, un intérêt économique justifiant l'avantage fiscal demandé.
« Dans le cas où l'une des conditions fixées aux a et b d à g ci-dessus n'est pas remplie ou cesse de l'être, le montant des sommes qui avaient été déduites est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours duquel le manquement est intervenu. Lorsque le souscripteur ne respecte pas l'engagement prévu au c, ce montant est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours duquel les versements ont été opérés. »
« Art. 163 unvicies. - Le montant maximal des sommes déductibles annuellement en application des dispositions de l'article 238 bis HN, est de 500 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcées et de 1 000 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. Le déduction, pour un investissement déterminé, est opérée au titre de l'année du versement.
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas de souscription des parts de copropriété par l'intermédiaire de sociétés à responsabilité limitée mentionnées à l'article 239 bis AA et de sociétés à responsabilité limitée à associé unique qui n'ont pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.
« La déduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, des articles 238 bis HA et 163 vicies. »
« Art. 217 nonies. - Les sommes versées pour la souscription des parts de copropriété de navires civils de charge dans les conditions définies à l'article 238 bis HN viennent en déduction du bénéfice imposable au titre, selon le cas, de l'exercice ou des exercices de versement.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :
« 1° Aux entreprises ayant pour activité d'armer, exploiter ou affréter des navires ;
« 2° Aux sociétés appartenant à un groupe, au sens de l'article 223 A, dont l'un des membres a pour activité principale celle mentionnée au 1°.
« La déduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, de l'article 238 bis HA. »
Par amendement n° 41, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je conçois aisément que le débat que nous allons maintenant ouvrir risque fort de détonner quelque peu dans le concert ambiant.
Nous proposons en effet, avec cet amendement n° 41, de supprimer l'article 1er du projet de loi, ce qui revient, dans les faits, à ôter quasiment tout sens à ce projet de loi.
M. Jacques Habert. Charmant !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pourquoi avons-nous une telle attitude ? Ne peut-on pas concevoir qu'un effort puisse être accompli pour que la filière maritime française bénéficie de mesures susceptibles de lui permettre de se relancer et de partir sur de nouvelles bases ?
La situation est connue, il est néanmoins utile de la rappeler.
Notre flotte marchande est à la fois en phase de régression et de vieillissement.
Il importe de souligner que ce vieillissement est différent selon les types de bateaux. Il est notamment plus prononcé pour les bateaux porte-conteneurs et les grands vraquiers.
On constate d'ailleurs que les objectifs initiaux du projet de loi sont précisément de développer les investissements sur ce segment de notre flotte, les paquebots et autres navires transbordeurs de passagers étant plus récents, de deux ans en moyenne, que les navires civils de charge.
Cette réalité tient à une situation relativement simple. Elle tient, d'une part, au maintien de la commande publique dans ce secteur et, d'autre part, au fait que nos chantiers navals sont spécialisés dans la construction de tels navires.
Tel est d'ailleurs le premier écueil de ce projet de loi : sans politique convergente de relance de la construction navale, notamment en matière de navires de transport de marchandises, le dispositif que ce projet de loi tend à mettre en place aura, selon nous, de réels effets pervers, en particulier ceux que l'on a constatés avec le système des quirats allemands, au premier rang desquels figure la délocalisation des investissements par la construction de navires en dehors des chantiers navals allemands.
Je ne reprendrai pas ce que j'ai dit lors de la discussion générale. Je relève cependant que, au moment même où nous débattons de ce texte aux attendus pour le moins incertains, notre pays s'apprête à signer un accord avec les autres pays de l'OCDE consacrant la fin du dispositif d'aide budgétaire à la construction navale, sous la chaude recommandation des Etats-Unis et du Japon.
C'est là, je crois, un point crucial du débat.
Si un tel accord était adopté, nous limiterions strictement la portée du projet de loi à ce qu'il est en réalité : une superbe niche fiscale pour les revenus les plus élevés et les entreprises, qui leur permettrait de se dégager de leurs obligations au regard de la collectivité en faisant supporter une part du risque industriel à l'Etat !
Voilà ce qu'il fallait dire pour clarifier les termes du débat.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement conteste le principe même de la mesure d'incitation fiscale proposée. Vous comprendrez dans ces conditions, mes chers collègues, que la commission y soit défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement ne sait pas si ce texte porte la marque d'une certaine perversité ; en revanche, il perçoit une certaine incohérence dans l'attitude de Mme Beaudeau - je le lui dit tout à fait respectueusement - parce que son amendement n° 41 vise à supprimer l'article 1er alors que, par ailleurs, l'amendement n° 42 tend à en étendre l'application.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez été parlementaire, monsieur le ministre : c'est un amendement de repli !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Ou bien on supprime le texte, ou bien on l'étend, mais il faut rester cohérent !
En tout cas, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Lorsque M. Pons a présenté la loi de défiscalisation dans les départements d'outre-mer, nous avons entendu le même tollé. Force est cependant de constater que cette loi a été porteuse de développement pour l'outre-mer. (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.) Je sais ce dont je parle !
Or, la France, puissance maritime, permet à l'Europe, grâce à l'outre-mer, d'être aussi une puissance maritime.
Elue de l'outre-mer, j'ai beaucoup de peine de voir des navires battant pavillon étranger venir dans les ports français de la Caraïbe. Ce texte permettra à la France de se repositionner grâce à des encouragements fiscaux.
C'est la raison pour laquelle j'estime que cet amendement, qui est en totale contradiction avec la volonté du Gouvernement, doit être repoussé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 238 BIS HN DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS

M. le président. Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 52, M. Darniche propose d'insérer dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, après les mots : « de navires civils de charge, » les mots : « de transports de passagers ou de pêche ».
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent :
A. - Dans le premier alinéa e du texte proposé par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, à remplacer les mots : « navires civils de charge » par les mots : « navires armés au commerce ».
B. - En conséquence, dans le sixième alinéa e du texte proposé par cet article pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, à remplacer les mots : « navires civils de charge » par les mots : « navires armés au commerce ».
C. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'extension du dispositif de l'article 238 bis HN du code général des impôts aux navires de passagers sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
D. - En conséquence à faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I ».
Par amendement n° 42, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « civils de charge » par les mots : « de commerce ».
Par amendement n° 3 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, avant les mots : « lorsque les conditions », d'insérer les mots : « ou de navires armés à la pêche longs de plus de trente mètres hors tout ».
B. - En conséquence, de compléter in fine le sixième alinéa du même texte par les mots : « ou de navires armés à la pêche. »
C. - En conséquence, dans la première phrase du neuvième alinéa du même texte, après les mots : « marine marchande » insérer les mots : « du ministre chargé de la pêche ».
D. - En conséquence, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du même texte, après le mot : « commerce » d'insérer les mots : « ou de la flotte de pêche ».
E. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'extension du dispositif de l'article 238 bis HN du code général des impôts aux navires armés à la pêche sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
F. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I ».
Par amendement n° 33, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés, proposent :
A. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, avant les mots : « lorsque les conditions », d'insérer les mots : « ou de navires armés à la pêche longs de plus de trente mètres hors tout ».
B. - En conséquence, de compléter in fine le sixième alinéa - e - du même texte par les mots : « ou de navires armés à la pêche ; ».
C. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'extension du dispositif de l'article 238 bis HN du code général des impôts aux navires armés à la pêche sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
D. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I. - ».
Par amendement n° 48, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent après les mots : « d'un agrément », de rédiger comme suit la fin de la première phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts : « interministériel délivré par les ministères chargés du budget, de l'industrie et de la marine marchande. »
Par amendement n° 36, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, après les mots : « du ministre chargé de la marine marchande », d'insérer les mots : « et du ministre chargé de la construction navale. »
La parole est à M. Darniche, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Philippe Darniche. Comme l'a dit M. le rapporteur, l'amendement que je soumets à votre réflexion, mes chers collègues, répond à la volonté d'élargir la mesure proposée, qui est limitée, selon le projet de la loi, aux navires civils de charge, d'une part à l'ensemble des bateaux de pêche et, d'autre part, aux bateaux de transports de passagers.
La situation actuelle de la pêche dans notre pays est suffisamment grave pour saisir l'occasion d'élargir un tel dispositif aux bateaux de pêche.
Il serait utile également d'étendre ce dispositif aux navires assurant le transport de passagers, qui, sur la Manche en particulier, doivent affronter la concurrence, d'une part du tunnel et, d'autre part, des navires anglais battant pavillon des Bahamas ou d'autres pays.
Le moment est venu d'élargir cette mesure, disais-je. Nous sommes un certain nombre à le penser, M. le rapporteur notamment.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement vise à étendre le champ d'application de la mesure aux navires à passagers. Il rejoint donc une préoccupation exprimée à l'instant par notre collègue M. Darniche.
Le projet de loi prévoit une exonération pour les investissements réalisés dans les navires civils de charge, ce qui exclut pout l'instant non seulement les bateaux de pêche et de plaisance, mais aussi les navires à passagers.
Toutefois, trois raisons plaident en faveur de l'extension du champ d'application de la mesure aux navires à passagers.
Tout d'abord, la flotte des transporteurs sur la Manche souffre de la concurrence du tunnel et doit être impérativement modernisée.
Ensuite, les chantiers navals français sont parmi les meilleurs au monde dans le domaine de la construction de navires à passagers, qui représentent une part notable des carnets de commandes.
Enfin, les navires à passagers n'ont pas accès au pavillon Kerguelen, et leur exploitation est particulièrement bénéfique en termes d'emplois maritimes.
Ces trois considérations ont conduit la commission des finances à préférer à la notion de « navires civils de charge », qui est trop restrictive, celle de « navires armés au commerce », qui inclut les navires à passagers.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 32.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Notre amendement, je le note avec satisfaction, est identique à l'amendement n° 2 que M. le rapporteur vient de défendre.
Il s'agit, pour nous, d'un texte très important bien qu'il ne vise qu'à apporter une modification de pure forme, puisque le libellé du projet de loi qui nous est soumis fait bien référence aux navires de commerce.
Pourquoi, dans ces conditions, dans le corps même du texte, avoir visé uniquement les navires civils de charge ? Cette restriction est grave, puisqu'elle exclut du champ d'application du projet de loi, les navires à passagers. Cet oubli, sans doute motivé par des raisons budgétaires, est regrettable.
Nous savons en effet que nos principaux chantiers navals français sont constructeurs de tels navires, et que ce secteur est particulièrement porteur de créations d'emplois.
J'ajoute que ces bateaux imposent des investissements importants. Il serait donc dommage qu'en les excluant du dispositif, on crée à leurs dépens des effets pervers qui feraient que les investisseurs se tourneraient vers d'autres segments du marché de la construction navale alors même que les navires à passagers manquent cruellement de fonds propres.
L'exemple allemand, dont le système quirataire s'est recentré sur les porte-conteneurs au point de créer une surcapacité dans cette branche, doit nous inciter à viser l'ensemble du secteur de la construction navale de commerce et non pas une de ses composantes seulement.
J'ajoute enfin que les lignes de passagers ont enregistré une concurrence accrue dans le trafic transManche, du fait de la concurrence du tunnel. Voilà une raison supplémentaire de leur donner la possibilité de pouvoir bénéficier du nouveau régime d'investissement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 42.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne ferai pas sur cet amendement de trop longs développements. On pourrait considérer qu'il est satisfait dès lors que la commission des finances, ainsi que des sénateurs appartenant à d'autres groupes, ont déposé des amendements qui reprennent sa rédaction.
Il importe - c'est le sens de notre démarche - que l'option que nous proposons soit associée à des contreparties claires en termes de localisation des investissements, d'attribution de l'agrément ou encore d'emploi du personnel embarqué sur les bateaux neufs.
C'est en mettant l'ensemble de ces questions en perspective que nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ d'application de l'exonération fiscale aux navires de pêche industrielle, c'est-à-dire à ceux qui sont supérieurs à trente mètres.
En effet, ces derniers doivent faire face aux mêmes contraintes de financement que les navires de commerce. Ils subissent en outre les règles communautaires de plafonnement des aides à la construction mises en place par les plans d'orientation pour la pêche, les POP successifs, le POP 4 étant actuellement en cours de négociation.
Il s'agit non pas de contrevenir à la politique européenne de réduction drastique des flottes de pêche, mais simplement de faciliter la modernisation de la flotte française restante.
Votre rapporteur et votre commission croient au demeurant qu'il n'est pas inutile que le Parlement français manifeste son intérêt pour la pêche au moment où le Gouvernement va engager de difficiles négociations avec la Commission européenne.
Telle était, monsieur le président, monsieur le ministre, la position de la commission des finances voilà quelques jours. Depuis, nous avons pris des contacts avec le ministre de l'agriculture, qui est responsable de la pêche, et celui-ci a adressé deux courriers au président de la commission des finances et à moi-même en tant que rapporteur.
Je me permettrai simplement de lire ces deux lettres, parce qu'elles expliquent les raisons qui fondent notre position.
Hier, 11 juin, une lettre a été adressée par M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation au président de la commission des finances. Je vous en donne lecture :
« Suite à notre conversation téléphonique, je vous confirme que, dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche que nous présenterons prochainement au Parlement, des dispositions fiscales sont actuellement examinées et soumises à l'arbitrage.
« Je crois que c'est dans le cadre de cette loi que pourraient être envisagées des dispositions favorables à l'investissement dans le secteur des pêches maritimes.
« J'espère que nous pourrons avancer sur ce point qui tient à coeur à toute la profession, et j'attache la plus grande importance au débat qui aura lieu à ce sujet au Sénat. »
Par ailleurs, j'ai reçu ce matin une lettre complémentaire de M. Philippe Vasseur. Je vous la lis également :
« Au moment où le Sénat s'apprête à examiner les dispositions fiscales en faveur de la marine marchande, je tenais à vous confirmer que des mesures analogues seront présentées à l'occasion de la loi d'orientation sur la pêche.
« Ce texte, qui sera prochainement soumis au Parlement, me paraît en effet être le cadre le plus approprié pour envisager un ensemble de dispositions favorables à l'investissement dans ce secteur.
« Celles-ci, vous le savez, sont particulièrement attendues par la profession, et j'y attache, pour ma part, la plus grande importance. »
Ces deux lettres permettent d'éclairer le débat et démontrent que nos amendements étaient tout à fait conformes aux désirs de la profession et à la philosophie générale de l'investissement dans le domaine de la pêche. Vous comprendrez, monsieur le président, que, compte tenu de ces informations, je retire, au nom de la commission, l'amendement n° 3 rectifié. En effet, il sera satisfait lors du prochain débat sur le projet de loi d'orientation de la pêche.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
La parole est à M. Régnault, pour présenter l'amendement n° 33.
M. René Régnault. Nous avons maintenant une raison supplémentaire de défendre cet amendement n° 33, qui a le même objet que celui que vient de présenter Mme Dieulangard, à savoir donner à ce projet une portée plus large et, ainsi, ne pas avoir d'effets pervers.
L'expression « les navires armés à la pêche longs de plus de trente mètres hors tout » concerne principalement les navires affectés à la grande pêche thonière.
S'agissant somme toute de pêche industrielle, il nous semble judicieux de leur permettre d'accéder au nouveau dispositif du projet de loi, car, dans ce domaine également, le coût de construction des navires est important et il serait bon de leur donner les moyens en fonds propres suffisants pour effectuer les travaux nécessaires à la sécurité des marins comme à l'amélioration des conditions de travail.
L'attachement au secteur maritime récemment affirmé par le Président de la République lors de son passage en Bretagne implique que l'on ne fasse pas l'impasse sur le secteur de la pêche industrielle, dont les caractéristiques se plient tout à fait au dispositif proposé dans le projet de loi.
Je rappellerai que, comme les navires de passagers, ces navires peuvent être construits sur des chantiers français, ce qui n'est pas le cas des pétroliers ou porte-conteneurs, dont nous savons qu'ils sont bien souvent construits dans le sud-est asiatique.
J'espère que cet amendement sera adopté. A défaut, je serais au regret de constater que les baisses d'impôt consenties par l'Etat, via la défiscalisation, serviront plutôt à financer les chantiers coréens ou japonais.
La décision que vient de prendre à l'instant M. le rapporteur m'inquiète beaucoup. En effet, nous examinons actuellement des dispositions d'ordre financier. Or la loi d'orientation sur la pêche portera, qu'on le veuille ou non, sur l'activité de la pêche et ne sera pas un texte financier. Les dispositions d'ordre financier devraient être examinées dans un texte de portée financière.
Monsieur le rapporteur, le fait d'abandonner votre action en faveur des navires de pêche me préoccupe beaucoup, et je crains que ce ne soit un mauvais coup porté par anticipation à ce secteur d'activité, secteur que nous pensons, vous comme moi, important de développer, au bénéfice de notre activité maritime côtière et de toute la population qui en vit.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 48.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement porte sur la procédure d'agrément de l'opération ouvrant droit à la mise en oeuvre du dispositif fiscal quirataire.
Il nous semble en effet quelque peu restrictif de limiter l'accord de l'administration à l'agrément dispensé par le seul ministère du budget ; il nous apparaît indispensable de prendre également en compte l'avis de deux autres ministères : le ministère chargé de l'industrie et le ministère chargé de la mer et des activités maritimes. Ils sont tous deux, pour certains aspects, en mesure de donner un avis sur une opération de ce type.
On nous fera évidemment observer qu'un agrément interministériel sera plus long à obtenir qu'un agrément ministériel, et que cela pourrait décourager quelques bonnes volontés.
Certes, mais eu égard à la défiscalisation offerte en échange de la mise en oeuvre du dispositif, cette obligation peut se justifier.
J'avoue d'ailleurs avoir quelque peine à comprendre que ce soit M. le ministre des transports qui défende ce projet de loi alors que seul le ministre du budget accordera l'agrément.
Ne serait-ce que pour remédier à cette anomalie, je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 48.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 36.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le projet de loi prévoit un système d'agrément, et c'est une très bonne chose étant donné l'importance des sommes qui seront susceptibles d'être défiscalisées.
Il nous semble nécessaire, toutefois, que le ministre chargé de la construction navale - je suis obligé d'utiliser ce terme générique puisque, à l'heure actuelle, il n'existe pas de ministre chargé de la mer - puisse donner un avis sur les projets voués à déclencher le nouveau processus quirataire.
En effet, celui-ci, bien plus que le ministre chargé de la marine marchande, par exemple, aurait dans ses attributions le domaine de l'emploi, et l'on peut espérer qu'il serait susceptible d'influer positivement sur des projets qui pourraient avoir des retombées positives sur les chantiers de construction navale français.
La septième directive du Conseil nous interdit toute incitation à une localisation sur le sol français des projets. Mais cet avis supplémentaire que nous demandons n'est en rien contraire à cette directive ni à l'accord OCDE sur les aides à la construction navale puisqu'il s'agit d'un avis consultatif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 52, 32, 42, 33, 48 et 36 ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. L'amendement n° 52 vise à étendre le bénéfice du régime du quirat aux navires de passagers et de pêche.
S'agissant des navires de passagers, il est satisfait par l'amendement de la commission.
En ce qui concerne les navires de pêche, la commission a eu la même préoccupation que M. Darniche, puisqu'elle avait elle-même déposé un amendement tendant à faire bénéficier du système des quirats les plus gros navires de pêche destinés à la pêche industrielle, qui souffrent des mêmes problèmes financiers que tous les autres bateaux.
Toutefois, compte tenu des engagements pris par M. le ministre de l'agriculture de faire en sorte que, dans le projet de loi d'orientation sur la pêche, figurent des dispositions financières et fiscales qui puissent répondre aux préoccupations des professionnels, je pense que M. Darniche pourrait retirer son amendement.
L'amendement n° 32 me semble également satisfait.
L'amendement n° 42 concernant également l'extension des dispositions aux navires de commerce, le groupe communiste républicain et citoyen a satisfaction.
L'amendement n° 33 concerne la pêche industrielle. J'ai expliqué, à propos de l'amendement n° 52, l'intérêt qui s'attache à ce que la pêche industrielle puisse trouver un système de financement proche du système quirataire du commerce mais, je le répète, des dispositions adéquates seront examinées dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche.
L'amendement n° 48 répond à une préoccupation tout à fait légitime. Mme Beaudeau souhaite que l'avis du ministre chargé de l'industrie soit requis lors de la procédure d'agrément. Actuellement, le projet de loi ne prévoit que l'avis du ministre chargé de la marine marchande. Sur ce point, avant de me prononcer, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement.
Je formule la même remarque à propos de l'amendement n° 36, qui est du même ordre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 52, 2, 32, 42, 33, 48 et 36 ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 52. La volonté de M. Darniche d'étendre le bénéfice de la disposition prévue conduit à la banaliser alors que l'objet du projet de loi est de la cibler sur le secteur de la flotte de commerce, ce qui répond aux intérêts stratégiques de la nation.
En effet, le déclin de notre flotte de commerce affecte la souveraineté nationale alors que ce secteur d'activité est en forte expansion dans d'autres parties du monde.
Monsieur le sénateur, les extensions que vous nous proposez s'inscrivent dans une autre logique. En particulier, l'extension du régime aux navires de pêche rendrait nécessaire une nouvelle notification aux instances communautaires. L'issue d'une telle procédure paraît très incertaine dès lors que, globalement, le secteur de la pêche dans la Communauté européenne traverse actuellement une forte crise de surcapacité.
En outre, M. le rapporteur l'a indiqué et a même lu une lettre du ministre concerné, un projet de loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines sera prochainement adopté en conseil des ministres. Je souhaite que ce problème soit évoqué à l'occasion de la discussion de ce projet de loi. Il existe en effet, comme vous l'avez dit, monsieur Darniche, ainsi que M. le rapporteur, un véritable problème.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques n°s 2 et 32. La disposition proposée aura un impact sur l'emploi dans l'armement, notamment sur l'emploi des personnels embarqués, et dans la construction navale. En conséquence, je lève le gage figurant dans ces deux amendements, dont les paragraphes C et D n'ont plus lieu d'être.
M. le président. Il s'agit donc des amendements n°s 2 rectifié et 32 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. L'amendement n° 42 me semble satisfait par l'amendement n° 2 rectifié.
Quant à l'amendement n° 33, le Gouvernement n'y est pas favorable. Conformément aux orientations qui ont été fixées par le Président de la République, la présente loi s'inscrit dans une logique d'aide au financement de la flotte de commerce française, dont le redressement présente un intérêt stratégique.
Le Gouvernement n'est pas favorable non plus à l'amendement n° 48 ni à l'amendement n° 36. En effet, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en réponse aux orateurs, il ne semble pas utile de multiplier le nombre des ministères concernés.
M. le président. Monsieur Darniche, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Darniche. La première partie de mon amendement relative au transport de passagers est tout à fait satisfaite.
S'agissant des navires de pêche, j'ai bien compris la portée des deux lettres qui ont été lues par M. le rapporteur. J'ai néanmoins une question à poser : quand aura lieu l'examen du projet de loi d'orientation sur la pêche ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je ne suis pas le ministre chargé des relations avec le Parlement : je ne connais donc pas l'ordre du jour des travaux du Parlement.
M. Philippe Darniche. Dans ces conditions, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Cette affaire prend un mauvais tour : on est en train de noyer le poisson, le poisson étant en l'occurrence le problème de la pêche. Les poissons, eux, savent nager sous l'eau, mais les personnes qui vivent de la pêche ne peuvent certainement pas le faire aussi bien et aussi longtemps !
Je voterai cet amendement, même s'il n'est pas tout à fait libellé comme le nôtre, car je ne me fais guère d'illusion sur le sort qui va, dans un instant, être réservé à ce dernier.
En vérité, le ballet auquel nous assistons a notamment pour origine l'éclatement de la responsabilité gouvernementale sur la mer entre plusieurs ministères. Ah ! comme il nous fait défaut, ce matin, ce ministre unique qui ne pourrait se renvoyer la balle qu'à lui-même et avec lequel on s'expliquerait...
Et c'est ainsi que cette disposition, qui vise à permettre à nos armements de disposer, eux aussi, d'outils modernes et compétitifs, conformes aux normes, pour mieux affronter la concurrence, n'a pas sa place, nous dit-on, dans le présent projet de loi.
L'argument de la surcapacité, ne me paraît pas solide, monsieur le ministre. En effet, les investisseurs potentiels ne s'intéresseront pas à une flotte condamnée à rester à quai ! Il va de soi qu'ils n'achèteront des quirats que s'ils ont la certitude d'en retirer une rémunération.
Par conséquent, le marché régulera la capacité, mais ce n'est pas cela qui m'inquiète. Ce qui me paraît, en revanche, inquiétant, c'est qu'on ne permette pas à ce secteur, là où c'est nécessaire, notamment pour la pêche hauturière, d'accéder au dispositif qui fait l'objet de cette discussion.
En fait, le ballet auquel je faisais allusion n'est rien d'autre qu'un enterrement de première classe pour ce secteur.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Il ne faut pas tout mélanger ! Le présent texte vise strictement la question très importante de notre marine marchande.
Le Gouvernement sait parfaitement que la pêche connaît des difficultés. Il se trouve que M. Vasseur est en charge de ce secteur, mais le problème a été évoqué lors d'un conseil interministériel.
Le texte sur la pêche est prêt. Pour des raisons de calendrier, il n'a pas encore pu être inscrit, à l'ordre du jour des travaux du Parlement, mais je crois savoir qu'il le sera dès l'automne. M. Vasseur a pris l'engagement que ce problème serait examiné, et je confirme cet engagement.
Le problème de la pêche n'est donc pas du tout enterré. Il sera traité en son temps dans le cadre qui convient.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je ferai d'abord observer que cet amendement avait, dans un premier temps, recueilli un avis favorable de la commission.
En introduisant le problème de la pêche, nous avons surtout voulu en souligner l'importance et l'urgence. C'est là une manière très générale de le soulever et je pense que la future loi d'orientation permettra de le traiter avec plus de précision.
M. le ministre nous dit que le projet de loi d'orientation sera présenté à l'automne. En vérité, cela me paraît bien tard. C'est pourquoi, à titre personnel, je voterai l'amendement de M. Darniche.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Comme l'a fort bien dit M. le ministre, les deux objectifs visés à travers cet amendement sont en fait satisfaits.
En ce qui concerne l'extension au commerce, la commission a présenté un amendement qui a été accepté par le Gouvernement. Il n'y a donc plus de problème.
En ce qui concerne la pêche industrielle, chacun est bien conscient des difficultés que rencontre ce secteur pour trouver des financements et de la nécessité d'y porter remède. Nous verrons tout à l'heure, avec un autre amendement, que les difficultés de la pêche artisanale ne sont pas moins aiguës.
Mais il se trouve que ces questions vont être traitées dans le projet de loi d'orientation de la pêche, qui comprendra des dispositions financières et fiscales.
Dans ces conditions, je regrette que M. Darniche maintienne son amendement, ce qui nous amène à en demander le rejet, tout en étant d'accord sur le fond.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 rectifié et 32 rectifié, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 42 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 43, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le deuxième alinéa (a) du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« ... la construction doit être réalisée dans un chantier naval français ; »
Par amendement n° 53, M. Darniche propose d'insérer, après le deuxième alinéa (a) du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le navire doit avoir été construit dans un chantier naval d'un Etat membre de l'Union européenne ; »
La parole est à M. Minetti, pour présenter l'amendement n° 43.
M. Louis Minetti. J'aurais tendance à dire : enfin, peut-être, des bateaux pour le chantier naval de La Ciotat !
En effet, le texte proposé par le Gouvernement met en place une véritable corne d'abondance pour ceux qui disposent de capitaux, en les rétribuant avec les impôts payés par les autres contribuables. Les financiers ont tout de suite compris ; ils comprennent d'ailleurs toujours très vite !
M. Poirier d'Orsay, président du comité central des armateurs de France, a expliqué au Gouvernement : « Si votre dispositif est mis en place rapidement, je vous promets que vous aurez, du côté des entreprises, du répondant. Beaucoup de dossiers d'investissement, y compris de haute technologie, sont prêts à éclore. »
La dizaine d'armateurs ayant leur siège à Marseille estiment, pour leur part, qu'ils « vont pouvoir être présents dans le maillage de la Méditerranée - avec des navires caboteurs de la nouvelle génération, et rapides - où l'on attend un fort développement des échanges. »
Fort bien ! Mais où seront construits ces navires ? En Corée, au Japon, en Suède, ou ailleurs ?
Je propose que ces commandes alimentent le travail des chantiers navals français. Il y en a un qui est prêt à travailler tout de suite, c'est celui de La Ciotat, qui occupe encore une centaine de salariés.
Ce chantier avait été frappé à mort par le plan Davignon, par le plan Fabius et, en 1986, par M. Madelin. Mais la population, à l'appel de la CGT, du parti communiste français et de diverses associations, a résisté et le chantier a été sauvé : les installations sont intactes, au contraire de ce que l'on a vu et que l'on peut encore voir à Dunkerque, à La Seyne, au Trait ou à Nantes. J'avais moi-même appelé à créer un courant de soutien au chantier naval de La Ciotat. C'est ainsi que s'est constitué, en 1986, le mouvement « La Ciotat veut vivre » suivi, quelques années après, par « La Ciotat au coeur ». Les meilleures volontés ont pu s'exprimer au sein de ces mouvements.
Depuis, mon amie Rosy Sanna est devenue maire de La Ciotat. Elle poursuit cette action avec une grande intelligence. Ainsi a-t-elle obtenu le maintien en état du site, ainsi que des sociétés d'investissement et d'aménagement, dont le président est d'ailleurs M. Gaudin, ministre de la ville et président du conseil régional.
Voilà donc l'outil prêt pour la relance. Encore faut-il que les ministères concernés, celui de l'industrie et celui des transports, ne fassent pas fuir les commandes - et je pèse mes mots - comme on le constate depuis dix ans. Au lieu d'éliminer les candidats, le Gouvernement doit les attirer et installer les investisseurs maritimes sur le site de La Ciotat, qui est prêt à travailler dans l'heure.
Cette remarque vaut d'ailleurs également pour la réparation navale marseillaise.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter notre amendement, qui prévoit que la construction doit être réalisée dans un chantier naval français.
M. le président. La parole est à M. Darniche, pour présenter l'amendement n° 53.
M. Philippe Darniche. Cet amendement vise à limiter le bénéfice de l'exonération fiscale non pas, comme le propose M. Minetti, aux seuls navires construits dans un chantier naval français, mais à ceux qui sortiront d'un chantier naval d'un Etat membre de l'Union européenne.
En effet, à mes yeux, l'avantage fiscal consenti par les contribuables français doit concerner le financement des navires de commerce construits dans l'Union européenne. Dans le silence de la loi, cette mesure pourrait profiter systématiquement à d'autres chantiers navals, et je pense notamment ici à ceux du Sud-Est asiatique.
Les Allemands, qui ont constaté que, dans leur pays, 70 p. 100 des investissements navals bénéficiant de l'exonération fiscale se traduisaient par des commandes passées auprès de chantiers navals étrangers, envisagent d'ailleurs de modifier leur législation à cet égard.
Dès lors, il serait illogique que, au moment où nous nous dotons de telles dispositions, nous ne précisions pas que le bénéfice de l'exonération fiscale sera limité à la construction de navires dans des chantiers navals de l'Union européenne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43 et 53 ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Nous sommes très sensibles aux observations formulées par les auteurs de ces amendements.
Bien entendu, en adoptant des dispositions fiscales en faveur du développement de la marine marchande et de la flotte de commerce, nous souhaitons tous qu'elles aient les retombées les plus favorables sur les chantiers navals français.
La différence essentielle que présente le régime proposé par le Gouvernement par rapport au régime fiscal allemand que vient d'évoquer M. Darniche réside dans la procédure d'agrément. Faute de cet agrément, en Allemagne, on a constaté, au fil des ans, un certain dérapage et, effectivement, une fuite vers des chantiers étrangers.
Pour parer à une telle dérive, le Gouvernement prévoit que « le projet de copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement à sa réalisation, l'objet d'un agrément délivré par le ministre chargé du budget... » Les pouvoirs publics délivreront donc cet agrément en fonction de l'intérêt économique global du projet, ainsi que, bien évidemment, de la localisation du chantier naval. Cela dit, la commission ne peut pas donner un avis favorable sur ces amendements, même si elle en comprend l'esprit.
L'amendement n° 43 est, en effet, contraire aux directives européennes.
Quant à l'amendement n° 53, qui précise que le navire doit avoir été construit dans un chantier naval d'un Etat membre, il est contraire aux accords existant au sein de l'OCDE et de l'Organisation mondiale du commerce.
En conséquence, la seule parade, le seul « parachute », si je puis dire, en la matière réside dans la procédure d'agrément, qui permettra aux pouvoirs publics d'apprécier l'intérêt de la mesure en fonction de l'ensemble des paramètres économiques, notamment des retombées sur les chantiers navals français.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement y est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être excellemment développées par M. le rapporteur.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous avons déjà indiqué que l'une des premières questions que soulève le présent projet de loi concerne les conditions de mise en oeuvre de la mesure fiscale qui nous est présentée, notamment en termes d'emplois directs dans les différentes entreprises de la filière maritime.
Permettez-moi de rappeler que la question cruciale posée par la mise en place du système quirataire, au-delà des dispositions fiscales qu'il recouvre, est bel et bien celle de la localisation effective des investissements, ce que le projet de loi appelle, de façon quelque peu vague et sujette à interprétations diverses, un « coût financier normal ».
Si, à l'instar de ce qui a pu se passer en Allemagne, les incitations fiscales qui sont contenues dans le présent texte consistent à favoriser le développement des commandes à l'étranger, sachez que nous jugerions inadmissible une telle orientation, notamment à un moment où le Gouvernement s'apprête à revenir sur la dépense budgétaire directe en faveur de la construction navale.
En matière de construction navale, nous disposons pourtant de solides atouts, qui vont de la technicité de nos équipements à la haute qualification des salariés du secteur dont il faut déplorer le sous-emploi.
Nous sommes pourtant, à y regarder de plus près, tout à fait en mesure de répondre à la demande dans d'excellents délais, et je me réfère ici à ceux qui sont prévus par le projet de loi en matière de livraison des bateaux ouvrant droit à la mise en oeuvre du dispositif quirataire.
Je ne reviendrai pas sur l'exemple de La Ciotat, que M. Louis Minetti a évoqué.
Le système quirataire doit, nous dit-on, permettre la construction ou la remise en état d'une douzaine de bâtiments par an.
C'est là une raison suffisante pour réserver à des chantiers navals situés sur notre sol le volume d'heures de travail correspondant à cette demande nouvelle.
La précision que nous apportons au texte du projet de loi n'y figure pas pour le moment. Voilà qui est tout à fait regrettable, d'autant que l'on comprendrait difficilement que l'impôt payé en France puisse servir à faire réaliser des travaux dans d'autres pays.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je souhaite que le Sénat se prononce, par scrutin public, sur cet amendement.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je me demande si notre débat n'illustre pas la maxime selon laquelle l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Tous les groupes du Sénat ont souhaité le redémarrage des chantiers navals ; M. le ministre l'a dit sous une certaine forme et M. le rapporteur a manifesté son intérêt à cette question. Dès lors, il faut essayer de concrétiser ! J'ai déposé un amendement tendant à permettre le redémarrage d'un chantier naval qui, je vous le redis, monsieur le ministre, est prêt à repartir dans l'heure, il suffit de prendre la décision.
Si mon amendement ne vous convient pas dans sa forme actuelle, vous pouvez proposer de le modifier. Mais dites-nous clairement que le Gouvernement relancera la construction navale, particulièrement le chantier naval de La Ciotat. Ne vous retranchez pas derrière les problèmes européens ou les engagements internationaux. Il faut en ce domaine affirmer clairement une volonté politique.
Je vous demande donc instamment, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
Par ailleurs, je souhaite qu'il soit précisé que les modalités de mise en oeuvre du dispositif seront à la charge du Gouvernement, lequel est tout à fait capable de trouver les crédits nécessaires.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, nous souhaitons que le monde de la mer de notre pays puisse bénéficier au maximum des retombées de ces dispositions. Mais la France fait partie de l'Europe, qui est non seulement un espace économique et diplomatique, mais aussi un espace politique, qu'il conviendra de construire, et un espace social, qu'il convient de promouvoir. C'est donc dans cet espace que nous plaçons notre action.
C'est la raison pour laquelle nous défendons non pas tel ou tel chantier en particulier, mais tous les chantiers et le monde de la mer de notre pays, et ce à l'intérieur de l'Europe.
Je n'insisterai pas davantage. J'indiquerai simplement que nous voterons contre l'amendement n° 43.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 106:

Nombre de votants 257
Nombre de suffrages exprimés 257
Majorité absolue des suffrages 129
Pour l'adoption 15
Contre 242

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53 repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

3

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour dont il résulte que l'ordre du jour de la suite de la séance d'aujourd'hui est ainsi modifié :
A quinze heures et le soir :
1° Suite du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.
2° Suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

ENCOURAGEMENT FISCAL À LA SOUSCRIPTION DE PARTS DE COPROPRIÉTÉ DE NAVIRES

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.

Article 1er (suite)

M. le président. Ce matin, le Sénat a entamé la discussion de l'article 1er.

ARTICLE 238 bis HN DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS (suite)

M. le président. Dans l'examen du texte proposé par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 44.
Présenté par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, il tend, dans le troisième alinéa, b, du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, à remplacer le nombre : « huit » par le nombre : « quinze ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement vise à faire en sorte que l'investissement réalisé par les différents quirataires soit marqué par un relatif attachement au produit de leur investissement.
En effet, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit de retenir pour les navires susceptibles d'être construits une durée d'utilisation de huit ans.
Cette durée est assez largement inférieure à l'ancienneté moyenne de notre flotte marchande, qui est aujourd'hui de quinze ans, et ne préjuge pas, dans les faits, du maintien en activité d'un nombre suffisamment élevé de bâtiments.
De surcroît, le dispositif que l'on nous propose d'avaliser n'a qu'une durée temporaire - il prend fin le 31 décembre 2000 - ce qui signifie que l'on ne sait pas, dans ce cadre, ce qui pourra continuer à être fait pour faciliter la relance de l'activité de construction navale.
En effet, passé le 31 décembre 2000, il n'y aurait plus de dépense fiscale ni de dépense budgétaire, dans la mesure où auront été abandonnés, en vertu des accords internationaux dont je parlais précédemment, tous les dispositifs de subventionnement direct de la construction navale.
Peut-être le dispositif quirataire ne sert-il, d'une certaine façon, qu'à régler définitivement le problème de la construction navale dans notre pays, en mettant un terme à l'existence de nos capacités de construction navale qui n'auront pas été mobilisées pour répondre aux commandes nouvelles.
Dans les faits, on nous dira également que rien ne sert d'engager les propriétaires de parts de copropriété navale sur le long terme ou le très long terme, l'essentiel étant de dégager, dans la période d'exploitation visée par cet article, de quoi valoriser l'investissement, au-delà de la forte incitation fiscale existante.
C'est ce que cet amendement tend à promouvoir et, sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission comprend parfaitement la préoccupation exprimée par Mme Beaudeau, qui souhaite porter de huit à quinze ans la durée d'utilisation minimale d'un navire.
Une durée de quinze ans est, certes, raisonnable pour un navire neuf. Toutefois, il faut savoir que le dispositif du Gouvernement est également ouvert aux navires d'occasion. Donc, la durée de vie restante peut être moindre, non pas obligatoirement, mais elle peut l'être.
Par conséquent, la durée de huit ans proposée dans le projet de loi paraissait cohérente pour garantir que cette mesure ne pourra pas bénéficier à tous les bateaux, notamment à ceux qui ont d'ores et déjà une vie passée assez longue et une espérance de vie relativement courte.
Cela étant, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer définitivement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, des problèmes de sécurité se posent et les organismes de certification ne peuvent pas certifier au-delà de huit ans. Il s'agit là d'une raison essentielle.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, après le cinquième alinéa d du texte proposé par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« ... le navire bat pavillon français pendant la période prévue au c ; ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 5, à remplacer les mots : « pendant la période prévue au c » par les mots : « dès sa livraison à la copropriété et jusqu'au 31 décembre de la septième année qui suit celle de cette livraison ».
Par amendement n° 35, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lisé, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le cinquième alinéa d du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« ...) le navire bat pavillon français pendant une période au moins égale à huit ans, à compter de la livraison ou de l'acquisition du navire. »
Par amendement n° 45, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le troisième alinéa b du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé ;
« ... le navire est immatriculé au registre d'un port de la France métropolitaine ; ».
Par amendement n° 54, M. Darniche propose d'insérer, après le cinquième alinéa d du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ... ) Le navire est immatriculé pendant toute la durée fixée au b en France métropolitaine ou dans le département d'outre-mer et exploité pendant cette même durée sous la réglementation de ce registre ; »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Jacques Oudin rapporteur. Cet amendement vise à introduire une clause de pavillon afin de réserver le bénéfice de l'exonération fiscale aux souscripteurs de quirats de navires battant effectivement pavillon français.
Contrairement à ce qui a été indiqué dans l'exposé des motifs et qui a été repris par la Commission européenne dans sa lettre d'autorisation, le projet de loi, en sa rédaction actuelle, ne réserve pas expressément le bénéfice de l'incitation fiscale aux navires qui battent pavillon français.
La commission a estimé qu'il y avait là une faille rédactionnelle et même conceptuelle qui pourrait aboutir à faire financer par le contribuable français des investissements dans des navires immatriculés sous registre étranger, ce qui serait tout à fait contraire à ce que nous souhaitons.
Une telle omission serait d'autant plus dommageable que, fidèle à sa doctrine sur les aides à la marine marchande, la Commission européenne exclut expressément tout dispositif d'incitation fiscale qui ne serait pas réservé au pavillon national.
La Commission européenne considère, en effet, qu'un dispositif d'exonération fiscale ne doit pas profiter à des navires placés sous pavillon étranger précisément parce que la fuite devant le pavillon national a pour objet d'échapper aux pressions fiscales et sociales nationales.
En revanche, l'accès au pavillon national auquel est lié l'avantage fiscal doit être tout à fait libre, notamment vis-à-vis des partenaires des autres pays de la Communauté.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose d'introduire dans le projet de loi une clause dite de « pavillon », assortie d'une obligation de maintien sous le pavillon français pendant la durée de l'opération fiscalement encouragée. Cette obligation devra être interprétée de façon stricte et devra, notamment, être exclusive de tout « gel de pavillon », technique employée par certains armateurs grâce à laquelle il est possible de placer un navire sous pavillon étranger le temps d'un voyage, tout en lui conservant le pavillon français.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 et pour présenter le sous-amendement n° 55.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Oudin, qui s'inscrit tout à fait dans sa propre démarche.
La Commission européenne n'a pas considéré que le fait de réserver l'aide aux navires portant pavillon français était incompatible avec les règles européennes dès lors que les dispositions législatives internes relatives à la francisation ont été mises en harmonie avec les directives européennes en la matière.
Aussi, monsieur le rapporteur, je suis non seulement favorable à votre amendement, mais je vais même plus loin que vous et je propose au Sénat, par voie de sous-amendement, de porter à huit ans le délai pendant lequel le navire doit battre pavillon français. Cela assurera dans la durée le renforcement de la flotte de commerce française, en évitant que des armateurs ne mettent un navire sous pavillon français à seule fin de bénéficier du nouveau dispositif et pendant une durée minimale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 55 ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 35.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Dans la lignée du précédent, cet amendement important a deux objectifs.
Il s'agit pour nous, tout d'abord, de restreindre la portée du dispositif aux navires battant pavillon français, prescription qui est conforme à l'exposé des motifs du texte, mais qui ne se retrouve pas, là encore, dans le corps même du projet de loi. Comment accepter l'idée que l'on va mettre en place un système de défiscalisation au profit d'armateurs étrangers ? Quel serait l'intérêt pour notre pays et pour notre secteur maritime ?
Quand on sait que la France ne dispose que d'un petit nombre d'armateurs français, il serait suicidaire d'offrir un avantage dont nos compatriotes ne pourraient bénéficier. Ce serait une erreur que de ne pas utiliser ce nouveau système justement pour susciter des vocations nouvelles.
Nous savons tous que les aides actuelles dont bénéficient les armateurs français ne suffisent pas à compenser le surcoût du pavillon français. Nous savons tous que l'armement français est surendetté et manque de fonds propres. Aussi, ne pas profiter de ce texte pour l'encourager relève d'une incompréhension totale de la situation.
Par ailleurs, alors même que les souscripteurs sont obligés de conserver leurs parts pendant un délai que nous souhaitons suffisamment long dans le souci d'aider durablement le secteur maritime, il nous semble fondamental que l'armateur supporte la même obligation. Or, le projet de loi introduit une inégalité entre copropriétaires non professionnels et armateurs, comme le souligne très justement M. Oudin dans son rapport écrit. Nous avons opté - et M. le ministre propose également de retenir cette solution - pour une période de conservation de huit ans, durée plus longue que celle qui est suggérée par M. le rapporteur. Ce délai est le même que celui qui est requis en matière de primes d'équipement. Il s'agit en effet ici d'être cohérent : ce qui vaut pour des aides publiques doit valoir pour un dispositif comportant une défiscalisation. Etant donné l'importance des sommes qui peuvent être déduites, nous souhaitons que le délai de huit ans s'applique quel que soit le projet, que le navire soit neuf ou d'occasion.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 45.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il s'agit de prendre en compte l'une des préoccupations essentielles exprimées par la communauté des travailleurs de la mer, qu'il s'agisse des marins, des ouvriers des chantiers navals ou des dockers.
Cet amendement prévoit en effet, un peu dans la ligne de notre amendement n° 40 qui tendait à insérer un article additionnel avant l'article 1er, de ne retenir comme éligibles au dispositif fiscal créé par le projet de loi que les navires régulièrement immatriculés au registre de nos ports métropolitains, Corse comprise.
Il s'agit, en particulier, de lever l'exclusive que pourrait constituer le recours à une immatriculation au registre des Kerguelen, voire au registre des ports des départements et territoires d'outre-mer. Or, ces derniers bénéficiant d'ores et déjà du dispositif de la loi Pons, relative à la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer, s'opérerait un chevauchement avec le présent dispositif concernant les quirats.
Sous le bénéfice de ces observations et parce qu'il est important que notre activité portuaire puisse pleinement tirer parti des dispositions de relance de l'activité de construction navale, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Permettez-moi de souligner que le fait d'élargir à l'ensemble des navires de commerce, et donc en particulier aux transbordeurs, la possibilité de demander l'agrément pour un projet de copropriété quirataire nous conduit naturellement à demander cette obligation d'immatriculation.
M. le président. L'amendement n° 54 est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 55, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 54 que notre collègue M. Philippe Darniche n'a malheureusement pas pu défendre car il a été rappelé en province, ce dont il s'excuse auprès de notre assemblée, était très proche de l'amendement n° 5 modifié par le sous-amendement n° 55 puisqu'il allait justement dans le sens de l'allongement du délai pendant lequel les bateaux devraient porter le pavillon français. Par conséquent, M. Darniche se serait rallié à cet amendement ainsi modifié.
Pour ce qui nous concerne, nous voterons cet amendement.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je crois que notre collègue a commis une légère erreur : l'amendement n° 54 est proche non pas de l'amendement n° 5, mais de l'amendement n° 45. Si la commission avait émis à l'encontre de ce dernier un avis défavorable, c'est parce qu'il excluait les navires immatriculés aux registres des TAAF et des TOM.
M. le président. Nous retiendrons seulement de l'interventions de M. Habert que lui-même et son groupe sont favorables à l'amendement n° 5 modifié par le sous-amendement n° 55.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 35 et 45 n'ont plus d'objet.
Je suis ainsi saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 46, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le quatrième alinéa c du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer le mot : « quatrième » par le mot : « huitième ».
Par amendement n° 34 rectifié, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - Dans le quatrième alinéa c du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « quatrième année » par les mots : « septième année » ;
B. - De compléter in fine le quatrième alinéa du même texte par les mots : « avec possibilité de cession par le souscripteur de ses parts, à compter du 31 décembre de la quatrième année suivant celle de la livraison dudit navire ; » ;
C. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des A et B ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant de la prolongation de la durée de conservation des parts de copropriété de navires dont la souscription ouvre droit à déduction fiscale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. » ;
D. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article par la mention : « I ».
La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement se situe clairement dans l'orientation dans laquelle nous avons inscrit notre amendement n° 44 qui fixait des exigences de durée d'utilisation des navires, s'agissant des investissements susceptibles de faire l'objet d'un agrément au titre du régime relatif aux quirats.
Il s'agit, là encore, de faire en sorte que le souscripteur de parts de copropriété se sente plus directement concerné par le choix d'investissement qu'il aura réalisé, eu égard à l'exceptionnel régime fiscal dont il bénéficie par ailleurs.
Il est en effet à craindre qu'une durée trop courte de détention des parts de copropriété ne finisse par encourager des comportements de « chasseur de primes » alléché par le haut niveau de déduction du revenu global, offert par le système relatif aux quirats.
En effet, si on prend en compte le plafond de la déduction et si on lui applique le taux de prélèvement moyen que l'on peut constater pour les revenus des contribuables imposables à la tranche marginale du barème, on aboutit à une réduction d'impôt qui peut atteindre quelque 410 000 francs, ou peu s'en faut.
Compte tenu de l'importance du « cadeau » - environ vingt fois l'impôt moyen acquitté par les contribuables au titre de l'impôt sur le revenu - il est au moins acceptable que la durée de détention des parts de copropriété soient à la hauteur.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 34 rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts vise à fixer un délai minimal pour la conservation des parts du souscripteur. Nous considérons que ce délai n'est pas suffisant.
Que voulons-nous ? Une défiscalisation pure et simple apportant un effet d'aubaine pour des contribuables qui manqueraient d'imagination pour placer leur patrimoine, ou une aide véritable en faveur du secteur de la mer ?
Pour notre part, la réponse est évidente. Les fonds engagés dans les quirats doivent être stabilisés pendant une période suffisamment longue. Afin de ne pas freiner le pouvoir incitatif de la mesure, nous avons introduit la possiblité, passé un délai de cinq ans, de céder les parts à d'autres souscripteurs personnes physiques, l'important étant que les parts elles-mêmes restent dans le navire. Un tel allongement de la période de « durée de vie » des parts incitera peut-être les investisseurs potentiels à engager véritablement leurs fonds propres, et non des fonds empruntés à des banques dont le coût, en termes d'intérêts, serait inévitablement plus lourd sur huit ans que sur cinq ans.
Il s'agit de savoir si nous souhaitons draîner l'épargne de nos concitoyens ou bien encourager un système de financement artificiel dont le système bancaire pourrait, au passage, tirer quelque avantage.
Nous souhaitons, pour notre part, opter pour la première solution. Il va de soi, enfin, que cet amendement a une cohérence avec celui que nous défendons et qui impose le même délai de conservation pour l'armateur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 46 et 34 rectifié ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Ces amendements visent à porter la durée pendant laquelle les sommes investies sont bloquées de cinq ans à huit ans.
J'attire l'attention de leurs auteurs sur le fait qu'une telle disposition risque d'aller à l'encontre de l'objectif que nous cherchons à atteindre, à savoir faciliter la collecte de l'épargne à investir dans les parts de copropriété des navires. Que le quirat soit souscrit à partir de fonds propres ou en partie par l'emprunt ne change rien à la nature de l'investissement. L'emprunt sera de toute façon remboursé par celui qui investit. La commission des finances craint simplement qu'une période aussi longue pendant laquelle les fonds seraient bloqués ne risque de dissuader les investisseurs. Le délai de cinq ans correspond à la durée d'un crédit à moyen terme et elle nous paraît raisonnable.
Certes, nous avons adopté, voilà un instant, un amendement tendant à prolonger la durée du maintien sous pavillon français de cinq ans à huit ans, mais il ne s'agit pas de la même chose. En l'occurrence, il est question du blocage des fonds. Selon nous, prolonger trop la durée de blocage pour la rendre visuellement conforme à l'amendement précédent irait à l'encontre de l'objectif que nous poursuivons. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 46 et n° 34 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, pour les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai bien entendu les remarques de M. le rapporteur.
Le dispositif de notre amendement n° 34 rectifié est double. Certes, le souscripteur doit conserver ses parts pendant huit ans, mais une cession des parts est possible à compter de la cinquième année. Cela est donc sans conséquence pour le navire. Les fonds ne seront donc pas bloqués pendant huit ans.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose :
A. - Dans le cinquième alinéa d du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « durée fixée » par les mots : « période prévue » ;
B. - En conséquence, dans le septième alinéa f du même texte, de remplacer le mot : « fixée » par le mot : « prévue ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement d'harmonisation de la rédaction, qui n'appelle aucun commentaire particulier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement remercie M. le rapporteur et émet un avis favorable sur l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « dans les conditions » par les mots : « selon les modalités ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, visant à définir les trois catégories de contrats d'affrètement proposés aux armateurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Oudin, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début du sixième alinéa e du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts : « l'entreprise qui, pendant la période prévue au c, exploite directement le navire soit en qualité de gérant de la copropriété, soit en qualité d'affréteur, est une société... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel. L'armateur devra être soit le gérant de la copropriété, soit, à défaut, le premier affréteur du navire. Nous pensons que cela clarifie le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le sixième alinéa e, du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « l'utilisation » par les mots : « l'exploitation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement rédactionnel : un armateur n'utilise pas un navire, mais l'exploite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 47, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du sixième alinéa e du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « navires civils de charge » par les mots : « navires de commerce ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 9, M. Oudin, au nom de la commission, propose de compléter in fine le septième alinéa f du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts par les mots : « et prend un engagement en ce sens envers les autres souscripteurs ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement vise à garantir la sécurité des investisseurs non professionnels, en posant le principe d'un engagement contractuel de l'armateur, qui possède 20 p. 100 des parts de copropriété, de conserver ces dernières pendant la durée de cinq ans conditionnant le bénéfice de l'avantage fiscal, afin que l'armateur soit, en quelque sorte, le responsable de l'opération.
C'est un amendement de précision, mais dont la portée est importante en termes de droit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement remercie M. le rapporteur pour cet amendement, qui vise à renforcer la garantie des investisseurs. Il émet donc un avis favorable sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10, M. Oudin, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début du huitième alinéa g du texte présenté par cet article pour l'article 238 bis HN du code général des impôts : « le navire n'est pas acquis auprès... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 37, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, après les mots : « Cet agrément est accordé », d'insérer les mots : « dans un délai ne pouvant excéder trois mois ».
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. En lisant le rapport de M. Oudin, nous avons compris que le Gouvernement n'a pas souhaité « enserrer les services fiscaux dans un délai de réponse qui leur serait opposable ». Cela explique qu'aucune date butoir ne soit fixée dans le texte quant à la réponse en matière d'agrément, de la part de l'administration fiscale.
Voilà qui me paraît préjudiciable pour la réussite du nouveau dispositif. En effet, il convient que les investisseurs potentiels, dans un souci évident d'arbitrage financier, puissent savoir rapidement si le projet auquel ils prétendent souscrire est accepté ou non. M. Oudin, dans son rapport écrit, confirme d'ailleurs cette idée en indiquant que les navires d'occasion « sont acquis sur un marché international organisé, où les décisions doivent être prises en quelques semaines... ». Quel que soit le cas - projet de navire neuf ou d'occasion - il convient que l'administration fasse son travail avec rapidité.
Voilà un exemple qui permet probablement de concrétiser nos divergences de vues quant à la modernisation du service public : vous, vous supprimez des emplois dans la fonction publique ; nous, nous souhaitons que l'administration puisse fonctionner de manière active et efficace, et dispose donc des moyens de le faire.
J'ajouterai que le délai de trois mois au-delà duquel le silence de l'administration vaut acceptation tacite s'applique dans les départements et territoires d'outre-mer. Pourquoi ce qui serait valable pour les DOM-TOM ne pourrait-il jouer sur le territoire national ? Rien n'empêche l'administration, si des zones d'ombre persistent, de rejeter alors le projet dans le cadre du délai ; cela ne pourra que contribuer à inciter les intéressés à un bouclage solide des projets présentés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Les préoccupations exprimées par notre collègue ont été examinées par la commission.
De même, nous avons eu ce matin un débat sur le problème des modalités de l'agrément et de la consultation des différents départements ministériels. Nous nous sommes attachés à dire que nous souhaiterions la consultation du ministre chargé de la construction navale, de même que celle du ministre de l'agriculture lorsqu'il y aura les quirats de pêche.
Là, nous nous situons dans un domaine un peu semblable : la réponse du ministre chargé du budget dans un certain délai est à l'évidence souhaitable. Cela peut garantir le droit des administrés et faciliter l'examen de l'ensemble des dossiers.
Toutefois, à l'évidence, un problème de sanction se pose. L'agrément tacite, à défaut d'une réponse dans les trois mois, est la solution retenue pour les investissements dans les DOM-TOM. Peut-on l'étendre ? Le Gouvernement ne l'a pas souhaité.
En fait, la transposition d'une telle solution dans le cas présent ne serait pas sans risque, compte tenu de l'importance des investissements - ils se chiffrent par centaines de millions de francs - et de la complexité des projets concernés. N'oubliez pas, en effet, qu'il existe plusieurs centaines de quirataires. Par conséquent, l'analyse des répercussions économiques pourrait peut être induire un délai légèrement différent.
Il n'en demeure pas moins que cette préoccupation est réelle, monsieur le ministre, et je crois nécessaire que le Gouvernement rassure un peu le Sénat sur la célérité avec laquelle les projets seront étudiés.
J'attire également votre attention sur le fait que la Commission des opérations de bourse considère qu'un agrément tacite de l'administration au-delà d'un délai de trois mois ne garantit pas une protection satisfaisante des investisseurs. La Commission des opérations de bourse refuse d'agréer tout projet qui n'aurait pas obtenu un accord exprès. C'est sur ce point précis que la commission des finances n'a pas voulu vous suivre, car il s'agit là d'un appel à l'épargne encouragé par les pouvoirs publics.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 37.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement comprend parfaitement les préoccupations des auteurs de cet amendement. Il ne saurait être question, en effet, de vider le dispositif de sa portée avec des délais d'octroi d'agrément incompatibles avec les arbitrages financiers nécessaires à la mise en place de l'ensemble des opérations.
Je tiens à remercier les membres du groupe socialiste de leur effort pour améliorer ce texte, effort qui illustre parfaitement leur accord de principe.
Il me paraît effectivement souhaitable d'éviter une procédure d'agrément trop longue. Il convient cependant de vérifier qu'un délai de trois mois n'est pas trop bref pour assurer une instruction sérieuse des dossiers, d'autant que l'avis du ministre chargé de la marine marchande sera également requis pour la délivrance de chaque agrément.
N'ayant pu recueillir l'avis de mon collègue M. Jean Arthuis sur ce point délicat qui concerne ses services comme les miens, je ne suis pas aujourd'hui en mesure d'affirmer qu'un délai de trois mois soit adéquat dans tous les cas.
En outre, j'observe que M. le rapporteur a fait un certain nombre d'observations dont il faut tenir compte. En conséquence, je suis plutôt défavorable à cet amendement. Je souhaiterais donc que Mme Dieulangard accepte de retirer cet amendement, que je suis prêt à réexaminer.
M. le. président. Mme Dieulangard, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je suis très ennuyée qu'aucun délai ne soit fixé dans ce projet de loi. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, et je ne demande qu'à vous faire confiance. Par conséquent, si vous m'assurez que vous allez examiner cette question et que vous allez fixer un délai qui ne soit pas trop long, j'accepterai de retirer cet amendement.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Madame le sénateur, je vous confirme que je vais me rapprocher de M. Jean Arthuis. Comme nous n'en sommes qu'à la première lecture de ce projet de loi, nous aurons sans doute l'occasion de reparler de cette question. En tout cas, je vous remercie d'accepter de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
Par amendement n° 11, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, après le mot : « effectué », d'insérer les mots : « au prix du marché et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je reviens un instant sur l'un des aspects de l'intervention de Mme Dieulangard, à savoir les navires d'occasion. Vous avez raison, madame : en cas d'acquisition d'un navire d'occasion, la réponse doit être effectivement très rapide. Je pense donc que M. le ministre examinera en même temps le problème pour les navires neufs et pour les navires d'occasion.
L'amendement n° 11 vise à préciser que l'investissement doit être effectué « au prix du marché ».
Peut-être pouvez-vous considérer, monsieur le ministre, qu'il s'agit là d'une notion un peu floue. Néanmoins, l'agrément est fait pour préciser les zones d'ombre. Cette condition d'agrément vise, vous l'avez compris, à prévenir un dérapage artificiel des prix des navires qui pourrait découler de l'exonération fiscale. La facilité accrue d'investissement pourrait en effet entraîner ce dérapage. Cet effet pervers a parfois été constaté à l'occasion de la loi sur les investissements en outre-mer, que l'on a l'habitude d'appeler la « loi Pons ».
Je souhaiterais à cette occasion, monsieur le ministre, que vous puissiez préciser à la commission si la notion de coût financier normal peut être incluse dans les conditions de l'agrément. J'attire votre attention sur la nécessité de prévoir éventuellement une procédure d'agrément spécifique plus rapide, comme le souhaite Mme Dieulangard, pour les navires d'occasion. Ces derniers doivent en effet être acquis très rapidement, lorsqu'ils sont mis sur le marché. Il faut souvent que la réponse soit donnée dans les quinze jours ou les trois semaines.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 49, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer le mot : « normal », par les mots : « répondant aux critères fixés par l'alinéa ci-dessus ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 12, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de supprimer le mot : « effectivement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. La flotte de l'armateur sera renforcée ou elle ne le sera pas, et le terme « effectivement » ne semble pas apporter quelque chose en l'espèce.
Mais le verbe « renforcer » doit être entendu aussi bien quantitativement que qualitativement. Un projet de remplacement d'un navire ancien par un navire neuf ou même par un navire d'occasion plus récent et plus performant doit pouvoir être éligible au dispositif d'encouragement fiscal. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite la suppression du mot « effectivement ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, de remplacer les mots : « , au regard notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce, » par les mots : « pour la flotte de commerce ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement rédactionnel.
Le mot « notamment » me paraît superfétatoire. L'investissement ne présentera en effet un intérêt économique pour la flotte de commerce que s'il a un intérêt économique au regard des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce. Néanmoins, ce point pouvant peut-être prêter à discussion, je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je ne suis pas favorable à cet amendement qui, contrairement à ce que pense M. le rapporteur, est loin d'être anodin.
En effet, le régime que nous examinons actuellement ne doit pas avoir pour conséquence de favoriser l'apparition d'une surcapacité dans un secteur donné de la flotte de commerce pour un type donné de navire.
C'est la raison pour laquelle il est important de pouvoir canaliser l'ensemble des investissements vers les secteurs qui en ont véritablement besoin, d'autant plus que, comme vous le savez, les ressources de l'Etat ne sont pas infinies.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 13.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
Par amendement n° 14 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose de remplacer le dixième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cas où l'une des conditions fixées aux a et b et d à g ci-dessus n'est pas remplie ou cesse de l'être, le montant total des sommes qui avaient été déduites est ajoutée, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours de laquelle ou duquel le manquement est intervenu.
« Lorsqu'un souscripteur autre que l'entreprise visée au e ne respecte pas l'engagement prévu au c, le montant des sommes déduites est ajouté, selon le cas, au revenu net global de chaque année ou au bénéfice de chaque exercice au cours de laquelle ou au titre duquel les versements ont été effectués. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Parfois, la forme recouvre des questions de fond ; en l'occurrence, néanmoins, il ne s'agit que d'un amendement purement rédactionnel dont l'adoption ne devrait pas entraîner de problèmes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement remercie M. le rapporteur d'avoir présenté un amendement qui, par la précision qu'il apporte, contribue à améliorer le texte. Il émet donc un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, M. Oudin, au nom de la commission, propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de codification. Le principe d'un décret d'application, qui figure actuellement à part dans l'article 2 du projet de loi, devrait plutôt être posé directement par le nouvel article qu'il est proposé d'insérer dans le code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, modifié.

(Ce texte est adopté.)

Articles additionnels après l'article 238 bis HN
du code général des impôts

M. le président. Par amendement n° 16, M. Oudin, au nom de la commission, propose :
A. - Après le texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, d'insérer un article additionnel, 238 bis HO, ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HO. - Sont admises en déduction du revenu ou du bénéfice mentionnés respectivement au 2 de l'article 13 et au premier alinéa du I de l'article 209, selon les modalités définies aux articles 163 unvicies ou 217 nonies, les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de navires armés à la pêche lorsque les conditions ci-après définies sont remplies :
« a) La souscription est effectuée avant le 31 décembre 2000 ;
« b) Le navire est livré au plus tard vingt-quatre mois après la souscription ;
« c) Les parts de copropriété sont conservées par le souscripteur, qui prend un engagement en ce sens, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit celle de la livraison du navire à la copropriété ;
« d) Le navire est, dès sa livraison et pendant la période prévue au c, armé à la pêche et exploité par la propriété dans les conditions prévues par la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;
« e) L'entreprise qui gère la copropriété est une société passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou une entreprise de pêche artisanale au sens de l'article 34, et son activité principale est l'armement et l'exploitation de navires de pêche maritime ;
« f) L'entreprise visée au e détient pendant la période prévue au c plus de la moitié des parts de la copropriété.
« En outre, le projet de copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement à sa réalisation, l'objet d'un agrément délivré par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la pêche. Cet agrément est accordé lorsque l'investissement, effectué au prix du marché et à un coût financier normal, présente un intérêt économique justifiant l'avantage fiscal demandé et apparaît compatible avec les règles encadrant l'activité de la flotte de pêche.
« Dans le cas où l'une des conditions fixées aux a et b et d à f ci-dessus n'est pas remplie ou cesse de l'être, le montant total des sommes qui avaient été déduites est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours de laquelle ou duquel le manquement est intervenu.
« Lorsqu'un souscripteur autre que l'entreprise visée au e ne respecte pas l'engagement prévu au c, les montants de ces sommes sont ajoutés, selon le cas, au revenu net global de chaque année ou au bénéfice imposable de chaque exercice au cours de laquelle ou au titre duquel les versements ont été effectués.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des dispositions du paragraphe A ci-dessus, de compléter l'article 1er par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant des dispositions de l'article 238 bis HO inséré dans le code général des impôts sont compensés, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de l'article 1er de la mention : « I ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Ce matin, traitant de la flotte de commerce, nous avons longuement débattu des navires de haute pêche, des navires de la pêche industrielle.
Cet amendement tend à étendre et à aménager le dispositif d'exonération fiscale pour les navires de pêche artisanale, c'est-à-dire ceux qui ont une taille inférieure à trente mètres.
La flotte de pêche est, en effet, confrontée aux mêmes contraintes de fonds propres que la flotte de commerce, pour des taux de rentabilité comparables. En outre, elle subit les règles communautaires de plafonnement des aides à la construction mises en place par les plans d'orientation pour la pêche, les POP, successifs ; ce matin, nous avons évoqué les discussions sur le POP 4, qui est actuellement en cours.
La commission de finances vous proposait, par cet amendement - vous verrez tout à l'heure pourquoi j'emploie le passé - d'étendre le bénéfice de la mesure fiscale aux souscripteurs de quirats de bateaux de pêche, en aménageant toutefois le dispositif afin de l'adapter aux spécificités d'une flotte composée essentiellement de patrons pêcheurs, c'est-à-dire d'armateurs ayant la propriété de leur outil de travail.
Deux adaptations du système général étaient prévues : d'une part, l'armateur de navire devait détenir plus de la moitié des parts de copropriété, d'autre part, l'agrément était délivré par le ministre chargé du budget, après avis du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Par les temps qui courent, il n'était pas inutile que le Parlement puisse manifester son intérêt pour la pêche.
Cela dit, nous avons longuement débattu aujourd'hui du problème de la pêche industrielle et artisanale, et nous avons pris acte de l'engagement du Gouvernement, à la fois par la voix du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et par les lettres du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, que j'ai lues ce matin en séance.
Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
Par amendement n° 29, MM. Marini, Oudin et Gélard proposent :
A. - D'insérer, après le texte présenté par l'article 1er pour l'article 238 bis HN du code général des impôts, un article 238 bis HP ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HP. Sont admises en déduction du revenu ou du bénéfice mentionnés au 2 de l'article 13 et au premier alinéa du I de l'article 209, selon les modalités définies aux articles 163 unvicies ou 217 nonies, les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de bateaux de navigation intérieure lorsque les conditions ci-après définies sont remplies :
« a) La souscription est effectuée avant le 31 décembre 2000 ;
« b) Le bateau est livré au plus tard trente mois après la souscription ;
« c) Les parts de copropriété sont conservées par le souscripteur, qui prend un engagement en ce sens, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit celle de la livraison du bateau à la copropriété ;
« d) Le bateau est, dès sa livraison et pendant la période prévue au c, utilisé pour la navigation intérieure et exploité par la copropriété dans les conditions prévues par la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;
« e) L'entreprise qui gère la copropriété est une société passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou une entreprise de batellerie artisanale, et son activité principale est l'armement de bateaux de navigation intérieure commerciale.
« f) L'entreprise visée au e détient pendant la période prévue au c, un cinquième au moins des parts de la copropriété.
« g) L'acquisition n'est pas réalisée auprès d'un organisme ou d'une entreprise lié directement ou indirectement, au sens des dispositions du 1 bis de l'article 39 terdecies, à l'entreprise mentionnée au e.
« En outre, le projet de copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement à sa réalisation, l'objet d'un agrément délivré par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé du transport fluvial. Cet agrément est accordé lorsque l'investissement, effectué au prix du marché et à un coût financier normal, présente un intérêt économique justifiant l'avantage fiscal demandé, apparaît compatible avec les règles encadrant l'activité de la flotte fluviale et correspondant au retrait simultané, par l'entreprise bénéficiaire, d'unités anciennes effectivement en exploitation, par application de la règle européenne dite du « vieux pour le neuf » instaurée par le règlement européen CEE n° 1101/89 modifié par le règlement CEE n° 2182/94.
« Dans le cas où l'une des conditions fixées au a et b et d à g ci-dessus n'est pas remplie ou cesse de l'être, le montant total des sommes qui avaient été déduites est ajouté, selon le cas, au revenu net global de l'année ou au bénéfice de l'exercice au cours de laquelle ou duquel le manquement est intervenu.
« Lorsqu'un souscripteur autre que l'entreprise visée au e ne respecte pas l'engagement prévu au c, les montants de ces sommes sont ajoutés, selon le cas, au revenu net global de chaque année ou au bénéfice imposable de chaque exercice au cours de laquelle ou au titre duquel les versements ont été effectués.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des dispositions du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de bateaux de navigation intérieure sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. M. Marini devait présenter cet amendement, mais, retenu par d'autres obligations, il m'a demandé de le remplacer.
Notre flotte fluviale est ancienne, peu productive, insuffisamment diversifiée et surtout inadaptée aux trafics actuels ou potentiels et aux nouvelles exigences exprimées dans les domaines de la sécurité et de l'environnement.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que, selon toute probabilité, la réglementation européenne tendra à s'aligner sur les normes rhénanes et que le réseau à grand gabarit va fort heureusement s'étendre dans les quinze prochaines années.
Ainsi, entreprendre des travaux de restauration et d'adaptation sur les unités en exploitation ne représente pas une solution réaliste pour répondre à l'évidente supériorité des flottes étrangères.
Il est donc apparu nécessaire et urgent de développer et d'encourager le recours à des constructions neuves. On peut d'ailleurs rappeler que le seuil d'obsolescence pour les embarcations fluviales est atteint au-delà de vingt-cinq à trente ans d'âge selon les catégories et que 56 p. 100 de la capacité de cale du parc français a plus de trente-cinq ans ; 5 p. 100 seulement de la capacité de cale de ce parc a moins de quinze ans et son tonnage moyen est de 1 267 tonnes, alors que la concurrence intermodale impose un tonnage minimal de l'ordre de 1 500 tonnes, ce qui est le cas de 86 p. 100 du parc allemand et de 84 p. 100 du parc néerlandais.
L'enjeu est considérable pour la France. Il est donc indispensable d'étendre le dispositif fiscal envisagé à la flotte fluviale. Il en va de l'existence même d'une flotte fluviale française dans les vingt ans à venir.
Le présent amendement vise à définir les conditions dans lesquelles le régime de l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce trouvera à s'appliquer aux unités de navigation intérieure. Ces conditions sont fixées par analogie avec celles qui sont prévues par le projet de loi pour les navires de commerce maritime.
Néanmoins, compte tenu des spécificités de la flotte commerciale intérieure et de la réglementation d'origine communautaire qui s'y applique, le dispositif proposé prévoit une condition supplémentaire : l'agrément public pour la mise en oeuvre du système quirataire sera notamment subordonné à l'application de la règle européenne dite « du vieux pour le neuf ». Cette règle prescrit le retrait simultané, de la part des bénéficiaires, d'unités anciennes effectivement en exploitation, dans la proportion d'une tonne et demie de cale retirée pour une tonne de cale neuve mise en service.
Cette condition permettra à la fois de moderniser notre flotte fluviale sans accroître le déséquilibre actuel entre l'offre et la demande, et d'éviter que l'extension du dispositif ne pèse trop lourdement sur les finances publiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. La commission a examiné très attentivement cet amendement, que personnellement j'ai cosigné.
Le problème du financement des flottes de navires se retrouve de façon identique, quelle que soit leur affectation, qu'il s'agisse de navires de pêche, de navires de commerce, de navires fluviaux ou de navires à passagers : l'investissement est lourd, risqué et nécessite la collecte d'une épargne extérieure au monde maritime ou fluvial. Comme l'a fort bien expliqué notre collègue, la flotte fluviale n'échappe pas à cette règle.
Alors même que cette flotte est soumise à une concurrence internationale importante - sur les fleuves européens circulent, en effet, des bateaux de toutes nationalités - alors même que la loi a prévu l'extension de notre réseau au gabarit européen - même si le canal Rhin-Rhône, par exemple, suscite quelques contestations - alors même que les flottes étrangères bénéficient de conditions de financement très favorables, la commission, qui a examiné cet amendement, a souhaité connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je souhaite reprendre les arguments que j'ai présentés ce matin devant votre assemblée sur un autre sujet.
La situation est grave pour notre marine marchande.
M. Félix Leyzour. C'est vrai !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Dans le climat actuel, le Gouvernement instaure une exception considérable, qui est déjà critiquée par un certain nombre d'observateurs. Elle tend, précisément, à sauver cette marine marchande qui en a vraiment besoin. Il faut mobiliser les efforts !
Ce matin, j'ai précisé que je ne méconnaissais pas les problèmes qui existent dans d'autres secteurs mais ils sont peut-être moins urgents à résoudre. Le secteur qui traverse une crise extrêmement grave et dont le redressement présente un intérêt stratégique pour la nation est celui de notre flotte de commerce.
Le dispositif d'exonération fiscale ne saurait donc être étendu à la flotte fluviale, même si sa situation est effectivement préoccupante.
Si nous voulons être clairs, efficaces et obtenir des résultats, il faut non pas disperser les efforts, mais les mobiliser sur un secteur.
C'est la raison pour laquelle j'invite le Sénat à repousser cet amendement.
M. le président. Mosieur Gélard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard. Je m'en remets à la décision de M. Oudin, qui l'a cosigné.
M. le président. La parole est donc à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Il était normal que nous sollicitions un débat sur ce point.
Monsieur le ministre, nous reconnaissons que l'objet, le fer de lance de ce projet de loi, c'est la flotte de commerce. Cependant, différents secteurs connaissent également des difficultés, notamment la flotte fluviale, qui se trouve dans une situation particulièrement délicate.
Je vous rappelle quelques chiffres : nous disposons de 200 bateaux de haute mer, les Allemands de 1145 ; nous avons 40 caboteurs, les Allemands de 440. En ce qui concerne, la flotte fluviale, 5 p. 100 de notre capacité de cale a un tonnage moyen inférieur à 1 267 tonnes. Vous devez savoir que, pour le parc allemand, ce pourcentage s'élève à 86 p. 100 ; pour le parc néerlandais, il atteint 84 p. 100, soit 1 500 tonnes.
Cela signifie que nous sommes dans une situation particulièrement défavorable. Néanmoins, je reconnais que tel n'est pas l'objet du présent texte, monsieur le ministre.
Vous qui êtes chargé des ports, convenez que ceux-ci sont généralement desservis par des voies fluviales à grand gabarit.
Vous devez, me semble-t-il, nous soumettre prochainement un projet de loi d'orientation relatif aux zones portuaires. Compte tenu du contexte, je suis tout disposé, avec l'accord de mes collègues MM. Gélard et Marini, à retirer cet amendement. Toutefois, je souhaite que vous puissiez nous indiquer que, dans le cadre de l'examen des problèmes portuaires et du développement des voies navigables en France, le Gouvernement apportera une attention particulière à la flotte fluviale.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je tiens à rassurer MM. Oudin et Gélard : les navires fluviaux maritimes sont éligibles dans le texte...
M. Jacques Oudin, rapporteur. C'est exact !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. ... mais les péniches ne le sont pas.
Comme l'a dit excellemment un grand médaillé olympique, aujourd'hui ministre délégué à la jeunesse et aux sports : « une haie après l'autre » !
M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.

ARTICLE 163, UNVICIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS

M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 38, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 163 unvicies du code général des impôts :
« Art. 163 unvicies. - Les sommes versées en application des dispositions de l'article 238 bis HN ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu. La réduction est égale à 40 p. 100 du montant de l'investissement. Le montant de l'investissement ouvrant droit à réduction ne peut excéder annuellement 250 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 500 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. La réduction est opérée au titre de l'année de versement.
« La réduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, des articles 238 bis HA et 163 vicies. »
Par amendement n° 17, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « de l'article 238 bis HN » par les mots : « des articles 238 bis HN et 238 bis HO ».
Par amendement n° 30, MM. Marini, Oudin et Gélard proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, avant les mots : « , est de 500 000 F », d'insérer les mots : « et de l'article 238 bis HP ».
Par amendement n° 50, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer respectivement les chiffres : « 500 000 F et 1 000 000 F » par les chiffres : « 50 000 F et 100 000 F ».
Par amendement n° 18, M. Oudin, au nom de la commission, propose, à la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « de l'année du versement » par les mots : « de chaque année de versement ».
Par amendement n° 19 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose de compléter in fine le second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts par les mots : « , ou par l'intermédiaire de fonds de placement quirataire ».
Par amendement n° 20, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer le mot : « projet » par le mot : « navire ».
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 38.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il est clair que cet amendement illustre, à lui seul, nos divergences de point de vue sur la manière d'envisager l'aide à l'investissement en général et, dans le cas présent, l'aide au secteur de la filière maritime.
Je suis, encore une fois, surprise par le rapport de M. Oudin sur ce sujet. On y apprend que toute dépense fiscale est susceptible d'induire des effets pervers, notamment un effet de concurrence déloyale envers les investissements existants, qui n'ont pu bénéficier du nouveau dispositif, ou un effet d'aubaine pour des investisseurs qui seraient uniquement motivés par des considérations, comme on dit pudiquement, « d'optimisation fiscale », en clair d'évasion fiscale.
Vous considérez que le système d'agrément prévu représentera un verrou susceptible de résoudre ces problèmes. Je ne pense pas que dans les deux cas que je viens de citer, notamment le dernier, il y parvienne. D'ailleurs, je ne pense pas que la volonté du Gouvernement soit de freiner tout processus de défiscalisation puisque, depuis un an, comme plus généralement depuis 1993, les gouvernements qui se sont succédé ont tenu à ce sujet un double langage : tantôt on parle de niches fiscales pour s'en plaindre et annoncer que l'on veillera à l'avenir à les supprimer, tantôt on s'applique à élargir le dispositif, pourtant déjà fort riche, de ces niches fiscales.
Y aurait-il des niches fiscales légitimes et d'autres qui le seraient moins ? Pour ma part, je constate que celles que vous introduisez ne visent, en raison de leur montant exorbitant, que les contribuables les plus fortunés. Dans le cas présent, elles prennent la forme de déduction du revenu, c'est-à-dire qu'elles offrent des avantages qui augmentent en fonction du revenu.
Dans l'amendement n° 38, nous vous proposons, d'une part, de diminuer de moitié les investissements en cause, d'autre part, de transformer le système de la déduction en réduction d'impôt, ce qui permet d'offrir un avantage constant, quelle que soit la tranche d'imposition du contribuable.
Je ferai, sur ce sujet, deux remarques.
Tout d'abord, pour devancer une éventuelle remarque du Gouvernement ou de sa majorité, je rappellerai que notre système quirataire de 1991 instaurait bien un système de déduction du revenu, mais pour des montants vingt fois moins élevés.
Ensuite, je vous ferai observer que le groupe de travail présidé par M. de La Martinière a exprimé son plein accord pour la suppression des déductions sur le revenu.
Dans le même temps, vous persistez dans l'ancien système, qui, je le répète, favorise les revenus les plus élevés. Vous ne modifiez pas la tranche maximale la plus élevée du barème. En fait, l'ensemble des mesures fiscales qu'ont prises les gouvernements depuis 1993, que ce soit en matière d'investissement locatif, de DOM-TOM, de frais d'employés de maison, toujours sous le couvert de retombées économiques, vise à faire payer de moins en moins d'impôt à des contribuables qui devraient pourtant en payer plus étant donné leurs revenus. Vous considérez probablement que ces derniers paient trop d'impôts ! S'ils en paient beaucoup, c'est probablement parce que leurs revenus sont en rapport avec les impôts qu'ils acquittent. Ils doivent pour le moins participer concrètement, et par la voie fiscale, à la redistribution.
M. le président. Compte tenu du retrait des amendements n°s 16 et 29, les amendements n°s 17 et 30 n'ont plus d'objet.
La parole est à M. Leyzour, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Félix Leyzour. Quelle quotité de l'investissement peut-on imputer sur le revenu global du contribuable de l'impôt sur le revenu ? Pour pouvoir décider en toute connaissance de cause sur cette question essentielle qui est placée au coeur du dispositif quirataire, je serai dans l'obligation de vous citer plus complètement les observations que le dispositif existant - qui est une réduction d'impôt - appelle de la part des rapporteurs des deux derniers documents fondamentaux en matière de prélèvements fiscaux, à savoir M. Ducamin et, plus récemment, M. de La Martinière.
Dans le chapitre du rapport Ducamin intitulé « Des dispositifs incitatifs dont l'efficacité, délicate à mesurer, n'est pas démontrée à longue échéance, et qui paraissent parfois porteurs d'effets pervers », il est précisé, s'agissant des quirats, les points suivants : « Si certaines des mesures d'incitation étudiées représentent des économies d'impôt non négligeables pour les contribuables qui en bénéficient, elles ne contribuent à orienter vers les secteurs dont elles ont pour objet de soutenir l'activité que des flux limités. Ainsi, alors qu'à sa création, en 1991, la dépense fiscale pour la déduction des versements effectués pour l'acquisition de navires était estimée à 75 millions de francs, elle n'a, en fait, jamais représenté plus de 10 millions de francs. »
Quant au rapport La Martinière, il y est écrit, page 2, à propos des niches fiscales : « Le groupe de travail exprime son accord global avec les propositions de suppression des déductions du revenu global faites par la commission d'étude des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages - il s'agit de la commission Ducamin - et croit devoir insister sur les points suivants : des engagements ont été pris envers les personnes qui participent au financement des navires de commerce et des investissements réalisés outre-mer. Dès l'instant où l'imposition des revenus serait normalisée, en revanche, il serait opportun que les dispositifs en cause ne soient pas prorogés et que cette orientation soit confirmée. Il ne serait pas inutile non plus de vérifier dans quelle mesure les déductions autorisées, qui intéressent principalement les titulaires de revenus élevés - certes ! - profitent autant à notre marine et au développement de notre outre-mer qu'aux intermédiaires spécialisés dans l'exploitation de ces facilités. »
On ne saurait être plus clair : même les techniciens de la fiscalité, dont la compétence a été sollicitée par le Gouvernement, se posent des questions, fort justes au demeurant, sur le bien-fondé du système quirataire.
Le problème de la quotité de la mesure est réel, surtout lorsqu'on examine le rapport de notre collègue M. Oudin pour ce qui est de l'impact de la disposition sur l'emploi.
Il est en effet précisé que les 400 millions de francs de dépenses fiscales occasionnés par le projet de loi permettront la création de 500 emplois maritimes ; ainsi, chaque emploi créé dans la filière coûtera donc 800 000 francs à la collectivité publique.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons qu'il est particulièrement important de savoir jusqu'où va aller la défiscalisation proposée. En effet, il est à peu près avéré que plus l'on montera dans l'échelle du barème de l'impôt sur le revenu, plus l'impact de la mesure sera important. Nous l'avons dit, au maximum du plafond, ce sont 400 000 francs d'impôt sur le revenu qui vont disparaître.
Il importe d'ailleurs de souligner que la déduction sur le revenu global imputable à la souscription de parts de copropriété de navires marchands peut fort bien conduire à rendre un contribuable non imposable et aboutir, dans un deuxième temps, à plafonner sa taxe d'habitation, comme cela s'est déjà vu.
Compte tenu du standard de logement dont bénéficient de façon générale les personnes susceptibles d'investir sans difficultés majeures 1 million de francs, avouez que cet effet pervers serait tout de même pour le moins discutable !
Compte tenu de ces observations, nous proposons, avec cet amendement n° 50, de limiter autant que faire se peut les effets pervers induits par la mesure visée. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 18, 19 rectifié et 20 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 38 et 50.
M. Jacques Oudin, rapporteur. L'amendement n° 18 est un amendement rédactionnel. Le plafond d'exonération, comme nous le savons, est annuel, mais il peut parfaitement y avoir plusieurs versements étalés sur plusieurs exercices fiscaux.
L'amendement n° 19 rectifié n'est pas de même nature. Il s'agit d'un amendement extrêmement important qui tend à permettre l'acquisition de parts de copropriétés de navires par l'intermédiaire de fonds de placement quirataire. En effet, compte tenu de l'importance du ticket d'entrée minimal dans une copropriété de navire, les quirats ne sont accessibles qu'aux entreprises ou aux titulaires d'un certain revenu, même si, les sommes de 500 000 francs ou de 1 million de francs constituant des plafonds, une épargne plus modeste peut parfaitement être drainée.
Comme on l'a vu tout à l'heure, l'investissement moyen dans un quirat est de 300 000 francs à 400 000 francs. Il faut donc réunir entre 250 et 300 quirataires, en tenant compte de la part de 20 p. 100 de l'armateur, pour réunir l'ensemble de la copropriété. Or il est évident que celui qui monte le projet n'a pas intérêt à voir se multiplier le nombre des quirataires. Les épargnants moyens doivent donc, pour entrer dans une copropriété quirataire, disposer d'un système particulier.
La commission vous propose, dans ces conditions, de créer des fonds de placement quirataire spécifiques, différents des fonds communs de placement normaux, afin de drainer l'épargne moyenne, comme l'ont souhaité certains tout à l'heure : les fonds ainsi constitués seraient alors suffisants pour pouvoir souscrire un quirat de 500 000 francs ou 1 million de francs.
J'en viens à l'amendement n° 20.
L'aménagement fiscal créé par la loi sera exclusif de ceux qui sont relatifs aux investissements dans les départements et territoires d'outre-mer. Dans ces conditions, nous proposons d'interdire le cumul des avantages pour un même navire. En effet, si l'on se contente d'interdire le cumul pour un même projet de copropriété quirataire, un même navire pourrait être financé deux fois par les contribuables s'il change simplement de mains. L'amendement n° 20 nous paraît donc être un amendement de moralité.
Avec les amendements n°s 38 et 50, on nous suggère ni plus ni moins de revenir sur la totalité du système dont nous débattons depuis ce matin.
En fait, le Gouvernement nous propose une nouvelle politique de l'épargne en faveur d'un secteur bien ciblé et spécifique, la marine marchande, qui est dans une situation concurrentielle très difficile, qui a décliné considérablement et que nous avons le devoir de redresser.
Le système antérieur plafonnait les avantages fiscaux à 25 000 francs pour une personne seule et à 50 000 francs pour un couple, et il a fait la preuve de son inefficacité : nous n'avons réussi à financer, avec ce dispositif, que six bateaux en cinq ans. C'est vous dire que nous n'avons pas enrayé le déclin de notre flotte !
Par ailleurs, lorsque les auteurs des amendements n°s 38 et 50 affirment que le système proposé ne s'adresse qu'aux épargnants à revenus très élevés, ils font référence aux plafonds. Certes, pour investir 500 000 francs ou 1 million de francs, il faut avoir des revenus importants, mais il s'agit, je le répète, d'un plafond. Il est possible d'investir moins si on le souhaite, mais on se heurtera alors au système de montage des copropriétés, car on ne peut pas éparpiller les quirats entre de trop nombreux copropriétaires. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous proposons, avec notre amendement n° 19 rectifié, la création de fonds de placement quirataire pour contourner cette difficulté.
Avec l'amendement n° 38, le groupe socialiste propose de réduire l'avantage fiscal en substituant à l'exonération totale une réduction d'impôt limitée à 40 p. 100 du montant des sommes versées et, par ailleurs, de plafonner l'importance de l'avantage fiscal en fixant le montant maximal des sommes ouvrant droit à la réduction à 250 000 francs pour une personne seule et à 500 000 francs pour un couple. Ces restrictions rendraient le dispositif beaucoup moins efficace et la commission des affaires économiques ne peut y être favorable.
Quant à l'amendement n° 50, il tend à diviser par dix l'importance de l'avantage fiscal proposé et à revenir au système antérieur, dont nous avons précisément pu constater l'inefficacité. La commission est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 38, 50, 18, 19 rectifié et 20 ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 38. Il fait un effort budgétaire significatif en présentant ce texte, en raison - je l'ai répété à plusieurs reprises - de la situation extrêmement dégradée de notre flotte de commerce, secteur qui constitue un attribut essentiel de la souveraineté de notre pays. Je rappelle d'ailleurs à Mme Dieulangard que M. de La Martinière a indiqué de la façon la plus expresse dans son rapport que les engagements pris devaient être tenus, notamment en matière d'investissements maritimes.
Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'amendement n° 50, car le plafond de déduction proposé viderait de portée pratique le dispositif. A ce sujet, je voudrais dire à M. Leyzour qu'il ne s'agit ni d'une « niche » ni d'un avantage arbitraire : les bateaux doivent être amortis et la situation trop faiblement bénéficiaire des armateurs ne leur permet pas, en pratique, d'opérer cet amortissement. La disposition proposée a donc seulement pour effet d'autoriser l'investisseur à pratiquer un amortissement que l'armateur n'a pas pu pratiquer.
S'agissant de l'amendement n° 18, le Gouvernement y est favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 19 rectifié, je comprends parfaitement le souci qui anime M. le rapporteur et, plus généralement, l'ensemble des membres de la commission des finances, de faire en sorte que l'investissement dans les quirats soit accessible à des contribuables ayant des capacités d'épargne modeste - nous en avons déjà parlé ce matin - et leur intention de mettre en place à cet effet des moyens de placement collectif.
Je m'associe à ce souci et j'accepte la suggestion de M. le rapporteur. Cependant, je tiens à lui faire remarquer - mais il le sait bien -, que la réglementation de l'épargne est une matière complexe. Je n'exclus pas que, dans la suite de l'examen de ce projet de loi, il faille compléter ou aménager le texte que vous proposez d'insérer. Cela étant, compte tenu de son intérêt évident, je donne, dès à présent, mon accord à cette proposition.
Quant à l'amendement n° 20, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, modifié.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 217 NONIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS

M. le président. Par amendement n° 21, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 217 nonies du code général des impôts, de supprimer les mots : « civils de charge ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 2.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 217 nonies du code général des impôts, de remplacer les mots : « à l'article 238 bis HN » par les mots : « aux articles 238 bis HN et 238 bis HO ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 31, MM. Marini, Oudin et Gélard proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 217 nonies du code général des impôts, avant les mots : « viennent en déduction », d'insérer les mots : « et à l'article 238 bis HP ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 23, M. Oudin, au nom de la commission, propose, à la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour le premier alinéa de l'article 217 nonies du code général des impôts, de remplacer les mots : « au titre, selon le cas, de l'exercice ou des exercices de versement » par les mots : « au titre de chaque exercice de versement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Le plafond d'exonération est annuel et il peut parfaitement y avoir plusieurs versements étalés sur plusieurs exercices fiscaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 24, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 217 nonies du code général des impôts, de remplacer le mot : « projet » par le mot : « navire ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 20.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte présenté pour l'article 217 nonies du code général des impôts, modifié.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble de l'article 1er.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette explication de vote vaut pour l'ensemble des amendements relatifs à l'application du dispositif quirataire à l'impôt sur les sociétés.
Notre rapporteur nous a, en effet, proposé en particulier de faire en sorte que les conditions d'imputation de l'investissement quirataire sur le résultat imposable de l'entreprise concernée puisse être prolongées.
Cette orientation présente un réel danger. On crée, en fait, les conditions d'une sorte de crédit d'impôt permanent pour les entreprises de droit privé en matière d'impôt sur les sociétés, crédit d'impôt qui, j'ai le regret de le dire à nos collègues, tend à en appeler d'autres.
La fertile imagination des inventeurs de nouvelles libéralités fiscales en faveur des entreprises ne manquera pas, à notre sens, d'utiliser le dispositif quirataire ; cela aboutira à réduire encore le produit réel de l'impôt sur les sociétés, déjà profondément dénaturé par les nombreux ajustements dont il est aujourd'hui l'objet et qui s'élèvent, selon les documents officiels dont nous disposons, à quelque 60 milliards de francs.
Soyons clairs : le dispositif quirataire pour les entreprises vise des entreprises qui n'ont pas comme activité principale l'armement naval.
Mais cette interprétation - qui peut aboutir à ne pas faire se télescoper le dispositif quirataire et le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, défendu par application des règles de déductibilité - risque, à notre sens, de poser certains problèmes d'application. Par exemple, pour une entreprise de commercialisation de produits minéraux ou de matières premières fossiles, il pourra être intéressant de souscrire des parts de copropriété maritime pour amortir sur les coûts de transport l'effet de la mesure de défiscalisation.
Des montages pourront ainsi être constitués, aboutissant à remettre en cause la réalité de l'impôt sur les sociétés payé par ces entreprises, alors même qu'existent aujourd'hui de nombreuses possibilités d'évasion fiscale, par exemple le régime des groupes.
Or il est patent que l'impôt sur les sociétés est aujourd'hui une recette mineure de l'Etat, d'ailleurs largement consommée par l'avoir fiscal et les nombreuses dispositions incitatives dont bénéficient les ménages imposables au titre de l'impôt sur le revenu en matière de placements financiers.
Cet impôt ne représente plus que 2,5 p. 100 du produit intérieur brut marchand. Dans un contexte où le Gouvernement crée presque tous les jours un nouveau prélèvement sur les ménages, il est un peu indécent d'ouvrir une nouvelle porte susceptible de dévitaliser encore un peu plus l'impôt sur les sociétés.
C'est pour ces motifs que nous n'avons pas voulu suivre l'orientation imprimée par les amendements déposés à l'article 217 nonies du code général des impôts et que nous voterons contre l'article 1er.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. Par amendement n° 25 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° bis du paragraphe I de l'article 156 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas non plus applicables aux déficits provenant de l'exploitation d'un navire armé à la plaisance et frété neuf à un loueur professionnel agréé, au sens du sixième alinéa de l'article 151 septies, à la condition que le contribuable conserve la propriété ou ses parts de copropriété du navire jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle de leur acquisition et que le navire soit affrété et exploité de façon continue dans les conditions du marché par le loueur professionnel agréé pendant cette même période. »
« II. - Les pertes de recettes résultant des dispositions du paragraphe I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil de l'objectif que nous poursuivons : orienter l'investissement au profit de tous les navires qu'ils soient de commerce, de plaisance, de pêche ou fluviaux.
Au cours du débat, nous avons déjà recentré le dispositif ; cet amendement vise maintenant une partie des flottes de loueurs professionnels de bateaux de plaisance.
Il s'agit d'autoriser de nouveau l'imputation des déficits industriels et commerciaux non professionnels sur le revenu global pour les propriétaires de navires de plaisance donnés en location à des loueurs professionnels agréés pendant une période minimale de cinq ans.
L'article 72 de la loi de finances pour 1996 a en effet interdit aux non-professionnels d'imputer directement sur leur revenu global les déficits générés par leurs activités industrielles et commerciales accessoires. Cette mesure de principe vise à décourager certains comportements d'évasion fiscale, bien entendu répréhensibles.
Mais elle a eu un effet néfaste sur le secteur de la plaisance, dont l'équilibre économique repose sur la convergence d'intérêts entre des particuliers, désireux de rentabiliser leurs navires de plaisance, et des loueurs professionnels, soucieux de limiter leurs investissements propres. De fait, les trois quarts de la flotte de navires de plaisance des loueurs professionnels sont des bateaux de propriétaires.
Les professionnels de la plaisance font état d'une chute brutale des ventes de navires depuis l'entrée en vigueur de l'article 72. Ils estiment que, pour un gain d'impôt sur le revenu de 90 millions de francs, le nouveau régime des bénéfices industriels et commerciaux a fait perdre à l'Etat 185 millions de francs de recettes fiscales diverses à la suite de la baisse d'activité du secteur.
De surcroît, pour préserver les activités de construction et de location de navires de plaisance ; qui comptent près de 3 000 entreprises et assurent l'emploi de 10 000 personnes, qui sont par ailleurs un secteur d'avenir pour peu que l'on puisse permettre aux flottes de location de se développer, la commission des finances vous propose de revenir à la situation antérieure en autorisant, pour cette activité particulière des loueurs professionnels, l'imputation des déficits sectoriels sur le revenu global.
Bien entendu, cette dérogation est assortie de deux conditions : d'une part, le contribuable devra conserver le navire pendant cinq ans à compter de son acquisition, ce qui est un indice sérieux de son investissement ; d'autre part, le navire devra être frété de façon continue pendant ces cinq années à un loueur professionnel agréé par l'administration qui devra l'exploiter aux conditions du marché ; cela signifie que le propriétaire, s'il souhaite utiliser son propre navire, devra le prendre à bail auprès du loueur professionnel mais ne pourra pas en disposer gratuitement.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. M. le rapporteur propose une exception à l'article 72 de la loi de finances de 1996, s'agissant des déficits résultant de l'exploitation de navires de plaisance lorsque celle-ci est confiée à un tiers professionnel au sens de l'article 151 septies du code général des impôts et que le contribuable conserve la propriété du navire ou des parts de copropriété pendant cinq ans.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition, qui revient à défaire ce que le Parlement a fait voilà quelques mois seulement, après des débats approfondis.
Comme l'a alors indiqué mon collègue Jean Arthuis, les dispositions de l'article 72 de la loi de finances pour 1996 ont pour objet, en restreignant l'imputation sur le revenu global des déficits des activités exercées à titre non professionnel, de mettre fin à des montages d'optimisation fiscale abusifs, coûteux pour le Trésor et qui avaient en définitive des effets économiques contre-productifs pour les secteurs concernés.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, consiste à revenir au statu quo ante pour ce qui concerne le cas particulier des navires de plaisance. Elle serait de nature à motiver de nombreuses demandes reconventionnelles de la part de nombreux autres secteurs concernés par la réforme et aboutirait à priver cette dernière de toute portée avant même qu'elle ait pu faire ses preuves.
Laissons, monsieur le rapporteur, à ce dispositif le temps d'atteindre ses objectifs et nous apprécierons, sur la base d'analyses réelles et non de conjectures, les ajustements qu'il conviendrait d'y apporter si besoin était.
Dans ces conditions, je ne peux qu'être défavorable à l'amendement de la commission.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Nous avons évidemment entendu les arguments que vient de développer M. le ministre. Simplement, nous demandons au Gouvernement de rechercher avec précision s'il n'a pas, sur ce point très particulier, perdu plus d'argent qu'il n'en a gagné. C'est une question qui suscite notre intérêt au moment où nous venons de créer les offices parlementaires d'évaluation.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je veux indiquer à M. le rapporteur que, bien entendu, je vais m'entretenir avec M. Arthuis de cette question. La suggestion de M. le rapporteur est très intéressante : il est indispensable, en effet, d'étudier quel a été le résultat de la disposition en question.
M. le président. La réponse de M. le ministre vous rassure-t-elle, monsieur le rapporteur ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Elle permettra au moins d'y voir un peu plus clair dans cette affaire.
Nous comprenons parfaitement, je le répète, la position de M. le ministre. Nous souhaitons simplement qu'il prenne en considération notre préoccupation. Il s'agit, en effet, d'un secteur d'activité où nous occupons le premier rang mondial et nous avons le souci de le voir se développer.
Cela étant, nous retirons l'amendement, en souhaitant que l'on se préoccupe de la situation de ce secteur au cours de prochains débats.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié est retiré.
Par amendement n° 26, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du premier alinéa de l'article 22 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créance est complétée par les mots : "ou de parts de copropriété de navires mentionnées à l'article 238 bis HN du code général des impôts."
« II. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 163 quinquies BA ainsi rédigé :
« Art. 163 quinquies BA. - I. - Les personnes physiques qui prennent l'engagement de conserver, pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription, des parts d'un fonds commun de placement à risques dont l'actif est constitué de parts de copropriété de navires mentionnées à l'article 238 bis HN, sont exonérées de l'impôt sur le revenu, à raison des sommes versées pour la souscription des parts du fonds.
« II. - Les sommes qui ont été exonérées d'impôt sur le revenu en vertu du I sont ajoutées au revenu imposable de l'année au cours de laquelle le contribuable rompt son engagement ou au cours de laquelle les conditions fixées par l'article 238 bis HN cessent d'être remplies.
« Toutefois, l'exonération est maintenue en cas de cession des parts par le contribuable lorsque lui-même ou l'un des époux soumis à une imposition commune se trouve dans l'un des cas suivants : invalidité correspondant au classement dans la seconde ou troisième des catégories prévue à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, décès, départ à la retraite ou licenciement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Nous avons voté tout à l'heure l'amendement n° 19 rectifié, qui pose le principe des fonds de placement quirataire.
L'amendement n° 26 est complémentaire de l'amendement n° 19 avant sa rectification, c'est-à-dire qu'il s'intègre encore dans le dispositif normal et traditionnel des fonds communs de placement à risques.
Les fonds de placement quirataire nous agréent, mais ils méritent d'être examinés attentivement. M. le ministre a d'ores et déjà déclaré que, au cours de la navette, il allait étudier cette question avec son collègue chargé des finances.
Je ne lui demande pas de renouveler son engagement, il l'a déjà pris et il n'a qu'une parole.
Je retire donc l'amendement n° 26.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
Par amendement n° 56, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au plus tard le 30 juin 1998, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un premier bilan de l'application de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il est peut-être vrai que le Parlement a la manie de demander souvent au Gouvernement de déposer des rapports après l'écoulement d'un certain temps pour mesurer l'efficacité des dispositions votées.
Vous savez que la mesure dont nous débattons à l'heure actuelle est temporaire puisque, en 2001, elle devra faire l'objet d'un réexamen. La commission des finances a toutefois souhaité qu'après deux ans d'application, c'est-à-dire le 30 juin 1998, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un premier bilan de la présente loi.
Nous en avons suffisamment débattu au cours de nombreuses discussions pour connaître la difficulté d'appréhender parfaitement toutes les implications de ce dispositif, dont nous souhaitons pouvoir reparler dans deux ans, si le Gouvernement en est d'accord.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement remercie M. le rapporteur d'avoir déposé cet amendement, auquel il est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Article 2

M. le président. « Art. 2. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de l'article premier de la présente loi. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par M. Oudin, au nom de la commission.
L'amendement n° 51 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec des amendements votés précédemment.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 51.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous souhaitons, nous aussi, supprimer l'article 2, mais pour d'autres raisons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 27 et 51, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article additionnel avant l'article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° 1 rectifié, précédemment réservé.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'exception de ceux affectés à un service public, les navires civils sont armés au commerce, à la pêche, ou à la plaisance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Le Gouvernement s'était opposé à cet amendement au début du débat. J'en avais donc demandé le renvoi à la fin de l'examen des articles. Mais, en cet instant, il n'a plus d'objet, aussi, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Intitulé du projet de loi

M. le président. Par amendement n° 28 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi l'intitulé du projet de loi :
« Projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur des investissements dans les navires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Monsieur le président, il nous a semblé possible de simplifier l'intitulé du projet de loi qui pourrait être : « Projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur des investissements dans les navires » plutôt que : « Encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce ».
Mais je dois avouer que je m'en remets, sur ce point, à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je suis plutôt défavorable à la proposition de M. le rapporteur dès lors que l'intitulé proposé par le Gouvernement annonce de façon plus explicite et plus précise le contenu du texte.
Monsieur le rapporteur, compte tenu de la qualité de nos travaux, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Monsieur le ministre - et je vous en remercie - nous avons effectivement assisté à un débat particulièrement courtois.
Bien des mesures proposées par la commission des finances ont été acceptées par le Gouvernement. D'autres ont été retirées, sous certaines réserves.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Leyzour pour explication de vote.
M. Félix Leyzour. Monsieur le ministre, en préambule, vous avez précisé qu'il s'agissait d'une mise à la disposition de notre marine civile des moyens nécessaires à son développement. Vous avez précisé qu'il s'agissait d'une nouvelle statégie nationale permettant un apport financier nouveau, qu'il convient de distinguer d'un investissement nouveau.
Selon vous, le Gouvernement fait un effort considérable avec ce projet de loi. En réalité, ce sont les contribuables modestes qui supporteront les pertes occasionnées par les non-rentrées fiscales liées au dispositif mis en place.
Il fut un temps pas très lointain où, dans certains milieux aisés, on disait : « Si vous voulez doter votre fille, achetez-lui un wagon. » Désormais, on pourra dire : « Si vous voulez doter votre fille, achetez-lui une part de bateau. »
Monsieur le ministre, vous avez qualifié ce projet de loi de nouvelle stratégie nationale, grâce à ses conséquences sociales - créations directes et induites d'emplois - ses conséquences économiques - redressement de notre marine nationale - ses conséquences stratégiques - regain de force et présence du pavillon français.
L'avenir dira très bientôt si le dispositif quirataire a des effets positifs sur l'emploi dans la marine marchande et dans la construction navale.
Nous avons déposé des amendements tendant à subordonner la mise en place de ce dispositif d'aide, qui consiste en une défiscalisation, à la réouverture d'un certain nombre de chantiers navals, en particulier celui de La Ciotat, et à la relance d'autres chantiers navals, par exemple ceux de l'Atlantique.
Mais quand il s'agit de défiscaliser, on oublie une éventuelle opposition de la Commission européenne ; en revanche, quand il s'agit de relancer l'activité de nos chantiers navals, on nous rétorque que nos engagements européens nous interdisent toute action.
La discussion de ce projet de loi n'a pas permis d'apporter des améliorations notables au texte initial, dont nous avons vivement critiqué le contenu. Nous confirmons donc notre opposition au texte.
Nous tenons également à dénoncer vigoureusement le refus du Gouvernement et de la majorité d'envisager la réouverture de chantiers navals fermés, comme La Ciotat, ou la réactivation des chantiers de l'Atlantique.
Cette attitude démontre bien que nous n'avons pas tort de douter de la portée des mesures proposées.
Votre projet de loi sert les intérêts des armateurs et engendre l'injustice fiscale, monsieur le ministre, en revanche, il ne favorise pas le développement de l'emploi dans la construction navale, dans la marine marchande ou dans le négoce, dont la marine et la France auraient pourtant besoin.
Nous voterons donc contre le projet de loi qui nous est soumis.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que ce projet ait été débattu devant notre assemblée.
Je remercie M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme de la constance et de la ténacité dont il a fait preuve pour faire aboutir un projet qui était réclamé depuis très longtemps par la communauté maritime.
Je sais tout ce qu'il a fait pour franchir les divers obstacles qui nous séparaient de cet heureux aboutissement. Je tiens à lui dire aujourd'hui qu'il a très bien oeuvré pour le monde maritime.
Il l'a fait avec l'appui du Président de la République, lequel a voulu une politique maritime pour la France. Nous en avons aujourd'hui une illustration avec ce projet, comme nous en aurons une, demain, avec le projet de loi d'orientation portuaire que vous nous présenterez bientôt, monsieur le ministre, ainsi qu'avec le projet de loi d'orientation sur la pêche.
Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de discours ou de promesses vagues. On a assez dit que le Président de la République ne tenait pas ses promesses dans le domaine maritime pour reconnaître aujourd'hui la part prépondérante qu'il a prise dans l'établissement de cette politique. Je tenais à le dire devant le Sénat.
De même, je voudrais féliciter notre collègue M. Jacques Oudin, qui a beaucoup apporté à ce texte. Lui aussi a su persuader diverses instances de l'opportunité de ce projet de loi, de sa portée. Il y a mis tout son talent et toute son ardeur. Nous devons le féliciter très chaleureusement pour l'enrichissement qu'il a apporté à ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Enfin, je note qu'il s'agit d'un texte d'une grande portée parce qu'il vise à mobiliser des capitaux en faveur de l'armement naval français.
Je crois que M. le ministre et M. le rapporteur l'ont amplement démontré : bien sûr, ce n'est pas une condition suffisante pour redonner à notre marine marchande, sous pavillon français ou sous pavillon bis , le lustre qu'elle avait autrefois ; en tout cas, c'est une condition nécessaire parce que, si nous ne pouvons trouver d'investissements, nous ne trouverons jamais les moyens d'avoir des navires en flotte.
Les dispositions qui ont été prises ne constituent pas du tout des avantages exhorbitants accordés à tel ou tel. A ce propos, je voudrais répondre à mon collègue et compatriote M. Félix Leyzour, qui représente comme moi un département maritime.
Il a déclaré : « Autrefois, si vous vouliez doter votre fille, il fallait acheter un wagon. » Moi, je dirais : « Aujourd'hui, grâce à cette loi, si vous voulez assurer l'avenir de votre fille, trouvez-lui un gendre qui travaille dans la marine marchande. »
Dans les départements maritimes, cette loi apportera certainement un plus.
Selon moi, grâce à cette loi, nous allons créer des emplois nouveaux dans le secteur maritime.
Nous attendons beaucoup de cette loi. Nous espérons que, grâce à elle, la flotte française retrouvera une certaine consistance et sera à la hauteur de ses anciennes performances.
Nous souhaitons, bien qu'il n'y ait pas de lien d'automaticité entre un encouragement fiscal et des commandes aux chantiers navals, que cette loi puisse générer de nouvelles commandes profitables à nos chantiers navals.
Au total, c'est une loi dont nous pouvons nous féliciter parce qu'elle est « refondatrice ».
Dans quelque temps, nous pourrons dresser un bilan. Je suis convaincu, en raison des assurances qui ont été données, qu'on verra très vite les fruits de ces dispositions.
Je remercie encore le Gouvernement et tous ceux qui sont à l'origine de ce texte pour leur heureuse initiative. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout au long de ce débat, nous avons cherché à améliorer et aménager un texte difficile et d'une certaine technicité par des amendements qui, finalement, auraient pu nous permettre d'adopter ce projet, ce que nous souhaitions pour plusieurs raisons.
La première est le constat, maintes fois fait et refait au cours de ces débats, d'un secteur maritime sinistré sur pratiquement tous les maillons de la chaîne, depuis le volume et l'état de la flotte française jusqu'à, très en amont, la construction et la réparation navales.
La deuxième est la sous-utilisation évidente de nos potentialités maritimes, auxquelles on ne peut pas ne pas penser compte tenu de l'étendue de notre façade maritime.
La troisième tient à une autre évidence, celle des contraintes que nous posera avec de plus en plus d'acuité et d'urgence la préservation de notre environnement. En effet, dans le domaine du transport, nous avons déjà touché les limites du « tout routier », en termes aussi bien économiques que de pollution.
Pour toutes ces raisons, notamment celle-là, nous souhaitions donc effectivement parvenir à un accord sur ce texte. Mais si nous nous félicitons de l'extension du dispositif à l'ensemble des navires de commerce, notamment aux navires de transport de passagers, nous considérons que le texte issu de nos travaux est encore trop déséquilibré.
En effet, s'agissant des avantages fiscaux - payés par les contribuables, cela a déjà été dit - qui nous semblent d'autant plus injustes qu'ils ne concernent que les hauts revenus, n'en déplaise à M. le rapporteur - 500 000 francs ou un million de francs représentent tout de même des ressources disponibles importantes ! -...
M. Jacques Oudin, rapporteur. Ce sont des plafonds !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... vous avez refusé le mécanisme quelque peu différent que nous proposions. Ce projet de loi demeure donc disproportionné.
De plus, et surtout, nous n'avons obtenu aucune garantie quant aux retombées en matière d'emploi, sujet que les uns et les autres avons toujours en toile de fonds et pour lequel nous ne pouvons nous contenter d'espérance !
S'agissant de la construction navale, notre proposition d'agrément ne contrevenait en rien aux règles européennes, contrairement à ce que vous avez prétendu au cours du débat, monsieur le ministre. Il nous semble même qu'un travail de persuasion et de sensibilisation mené auprès des armateurs français aurait permis la prise en considération de ce secteur, qui est, on le sait bien, éminement pourvoyeur d'emplois.
Afin de justifier votre refus d'inclure dans le dispositif la flotte de pêche, vous nous avez promis, monsieur le ministre, une loi d'orientation sur la pêche. Cela revient, une fois encore, à différer la prise en compte des problèmes d'investissement auxquels sont confrontés les pêcheurs, ce qui est tout à fait dommageable. C'est même leur faire prendre un retard très préjudiciable dans leur modernisation.
Non, vraiment, ce projet de loi n'est pas acceptable en l'état, et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement pour la République se félicite de l'inscription à notre ordre du jour de ce projet de loi visant à encourager et à développer le système du quirat.
Dès 1988, dans son excellent rapport d'information sur l'avenir de la marine marchande, le président de notre groupe, Josselin de Rohan, proposait un encouragement fiscal à l'acquisition de parts de copropriété de navires comme une solution originale et efficace permettant d'attirer dans le secteur maritime les capitaux d'investisseurs extérieurs à ce domaine d'activité.
Face à la situation préoccupante de notre marine marchande, rappelée par de nombreux collègues lors de la discussion générale, il est temps de mettre fin au déclin de notre flotte grâce au système du quirat, qui devrait permettre à la France de participer au développement des transports européens, et surtout à notre construction navale de retrouver une clientèle nationale.
Comme l'a dit ce matin notre collègue Patrice Gélard, ce projet de loi n'est pas un aboutissement ; il est véritablement un nouveau départ pour le secteur de la marine marchande française.
Grâce au travail de notre commission des finances et de notre rapporteur, notre collègue Jacques Oudin, dont nous saluons le remarquable rapport, le texte qui résulte de nos travaux est équilibré, prévient d'éventuels dérapages, grâce à l'existence de l'agrément ministériel, et s'inscrit complètement dans le cadre de la future réforme fiscale annoncée par le Gouvernement.
Nous avons noté avec satisfaction la possibilité pour le Gouvernement d'accepter l'extension de ce dispositif aux navires de pêche industrielle à l'occasion du projet de loi d'orientation sur la pêche qui sera prochainement soumis à l'examen du Parlement.
L'amendement déposé par nos collègues Philippe Marini, Jacques Oudin et Patrice Gélard tendait à étendre le champ d'application de l'exonération à la flotte fluviale. Nous avons pris bonne note, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de prendre en compte les difficultés de ce secteur dans un cadre mieux approprié.
Le Président de la République a réaffirmé, voilà peu, la vocation maritime de la France. Le texte qui est soumis à notre vote met en place les dipositions juridiques et fiscales nécessaires à cette grande ambition particulièrement utile à notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte et vous apportera son soutien le plus absolu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. L'un des domaines les plus navrants de l'activité nationale, depuis quelques années, a été celui de la marine marchande. C'est vraiment avec une profonde tristesse que nous avons assisté à son dramatique déclin.
Est-il besoin de rappeler qu'au moment où le commerce maritime international connaît une croissance constante de 6 p. 100 par an en moyenne la marine marchande française a perdu 65 p. 100 de ses effectifs, ne gardant guère que 200 navires environ, ce qui l'a fait tomber du septième au vingt-huitième rang mondial ?
Il fallait bien évidemment remédier à cette situation et trouver les causes de ce mal. Pourquoi cette « fuite » du pavillon national ? L'une des raisons était la pression fiscale s'exerçant sur notre marine. L'objectif essentiel du projet de loi a donc été d'améliorer la réglementation dans ce domaine et d'établir des incitations, qui encourageraient nos armateurs à reprendre leurs activités, en permettant à notre flotte de se retrouver dans de bonnes conditions de concurrence.
Redonner vie à nos chantiers navals, telle est l'une des grandes oeuvres qu'il fallait entreprendre. C'est l'un des buts de ce projet de loi. Nous remercions le Gouvernement de l'avoir mise en chantier et nous espérons qu'elle pourra être menée à bien.
Il faut également remercier notre rapporteur Jacques Oudin et la commission des finances : leurs amendements, que vous avez approuvés monsieur le ministre, ont apporté au texte d'appréciables améliorations.
Nous regrettons - l'un de nos collègues, M. Darniche, y était attaché - que la pêche n'ait pas été d'ores et déjà incluse dans ce projet de loi. Mais nous avons pris bonne note des deux lettres de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, et de la promesse faite que le Gouvernement, dès la rentrée parlementaire d'octobre, prendra cette grande question en compte et qu'un nouveau texte de loi nous sera proposé à cet égard.
Dans ces conditions, c'est bien volontiers qu'avec la majorité de notre assemblée les non-inscrits voteront ce texte, avec l'espoir que les paroles prononcées par le Président de la République à Rochefort au mois de juillet dernier pourront s'accomplir et que la France retrouvera son destin de grande puissance maritime. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5

ENTREPRISE NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom [Rapport n° 406 (1995-1996).]
Dans la discussion des articles, le Sénat a commencé hier l'examen de l'article 4 et des amendements y afférents.

Article 4 (suite)

M. le président. « Art. 4. - Il est inséré dans la même loi un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. - Lorsqu'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications est nécessaire à la bonne exécution par France Télécom des obligations de son cahier des charges, et notamment à la continuité du service public, l'Etat s'oppose à sa cession ou à son apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas à la bonne exécution desdites obligations, compte tenu notamment des droits reconnus à France Télécom dans la convention passée avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport.
« Le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition mentionnée ci-dessus qui est prescrite à peine de nullité de la cession ou de l'apport. »
Sur cet article, j'ai été saisi de seize amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte et Saunier, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 43, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « des obligations de son cahier des charges, et notamment de la continuité du service public » par les mots : « de ses missions de service public ».
Par amendement n° 45, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'égalité ».
Par amendement n° 46, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'adaptabilité ».
Par amendement n° 47, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à la neutralité ».
Par amendement n° 44, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le mot : « apport » de supprimer la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
Par amendement n° 1 rectifié bis, M. Larcher, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas » par les mots : « la réalisation de la cession ou de l'apport à la condition qu'ils ne portent pas préjudice ».
Par amendement n° 48, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« La cession, l'apport en société et la location des cabines téléphoniques de France Télécom situées sur le domaine public sont interdits. »
Par amendement n° 49, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau filaire. »
Par amendement n° 50, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Le réseau filaire de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
Par amendement n° 51, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau RNIS. »
Par amendement n° 52, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Le Réseau numérique à intégration de services de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
Par amendement n° 53, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau hertzien de France Télécom. »
Par amendement n° 54, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Les réseaux hertziens de France Télécom ne peuvent être ni loués, ni concédés, ni apportés en société. »
Par amendement n° 55, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée.
Par amendement n° 56, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 précitée, après le mot : « fixe » les mots : « en tant que de besoin ».
Quel est l'avis de la commission sur ces seize amendements qui ont tous été présentés hier soir ?
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. L'article 4 vise le droit d'opposition de l'Etat à la cession ou à l'apport d'actifs.
La commission est défavorable à l'amendement n° 10, qui vise à supprimer cet article. Si cet amendement était adopté, l'Etat ne pourrait pas faire valoir son droit d'opposition à la cession ou à l'apport d'éléments d'infrastructure lorsque cette cession est susceptible de mettre en cause la continuité du service public. Compte tenu de l'attachement marqué de nos collègues du groupe socialiste au service public, nous ne comprenons pas bien le sens de cet amendement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 43, dont la rédaction nous paraît redondante puisque le cahier des charges de France Télécom contient déjà des dispositions relatives à ses missions de service public. C'est notamment l'article 3, non modifié, de la loi du 2 juillet 1990, qui dispose : « France Télécom a pour objet d'assurer tout service public de télécommunications, d'établir, de développer et d'exploiter les réseaux publics. »
L'amendement n° 45 est le premier d'une série d'amendements tendant à décliner les principes qui s'appliquent au service public.
Je rappelle que « l'égalité » des services publics est garantie par la loi de réglementation des télécommunications. Il s'agit de l'article L. 35 du code des postes et télécommunications, qui dispose : « Le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. »
Si l'article 4 du présent projet de loi ne reprend que le principe de continuité, c'est pour répondre aux observations émises par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 novembre 1993. Nous avons d'ailleurs repris ces exigences dans le tableau comparatif qui figure dans le rapport de la commission. Néanmoins, tous les principes du service public sont applicables aux activités de France Télécom, conformément à l'article L. 35. L'amendement n° 45 nous paraissant donc satisfait, la commission y est défavorable.
Il en est de même pour l'amendement n° 46, qui vise à remplacer le terme de « continuité » par celui d'« adaptabilité », et pour l'amendement n° 47, la « neutralité » étant un principe constitutif de l'égalité - c'est même un sous-principe de la notion constitutionnelle d'égalité.
La commission est défavorable à l'amendement n° 44, qui tend à ne prévoir aucun tempérament à l'interdiction de cession ou d'apport d'éléments d'infrastructures, sujet que nous avons déjà évoqué à l'occasion d'un amendement précédent. Le texte proposé par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction initiale, nous paraît satisfaire pleinement les dispositions requises par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 novembre 1993, dispositions propres à garantir que la nature de société anonyme de France Télécom ne pourra avoir pour conséquence qu'il puisse être porté atteinte au principe de continuité.
S'agissant de l'amendement n° 48, je rappelle que l'article L. 35-2 de la loi de réglementation dispose que France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel. L'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 fixe l'objet de France Télécom et lui impose d'assurer tout service public de télécommunications.
Ces dispositions nous paraissent suffisamment contraignantes pour que la sociétatisation ne remette pas en cause les missions de service public de France Télécom.
Je rappelle que, dans la loi de réglementation, l'établissement des cabines sur la voie publique est soumis à autorisation et que l'ensemble des cabines du domaine public est inclus dans le service universel. C'est un des apports du Sénat au texte. Par conséquent, nous sommes défavorables à l'amendement n° 48.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 49, pour les motivations que nous avons précédemment indiquées, mais aussi parce que, à l'article 35, alinéa 2, de la loi de réglementation, il est précisé que France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel. Or le service universel, selon les principes que nous avons retenus, doit couvrir l'ensemble du territoire et comprendre les cabines téléphoniques. France Télécom ne saurait donc céder les infrastructures globalement nécessaires au service universel sans être en opposition avec le texte de réglementation des télécommunications. C'est pourquoi nous sommes également défavorables aux amendements n°s 50, 51 et 52.
A propos de l'amendement n° 53, qui porte sur le réseau hertzien de France Télécom, je rappellerai le principe de la loi Tasca, selon lequel l'agence des fréquences ne cède pas les fréquences. Vous allez m'objecter que les fréquences hertziennes peuvent être concédées ; certes, mais elles ne peuvent être vendues.
Nous sommes défavorables à l'amendement n° 54 pour les mêmes raisons. Je rappelle que l'espace hertzien n'appartient pas à France Télécom mais qu'il fait partie du domaine public de l'Etat, qu'il y a déjà sur le réseau hertzien depuis 1991 un système concurrentiel et que, depuis le 29 mai, un troisième opérateur s'est installé sur le spectre des fréquences radioélectriques.
Par l'amendement n° 55, nos collègues veulent supprimer une garantie essentielle à la continuité du service public : le droit d'opposition de l'Etat à une cession. C'est l'objection que j'ai déjà opposée à nos collègues du groupe socialiste, qui voulaient supprimer l'ensemble de l'article.
L'amendement n° 56 est un amendement de cohérence. Nous ne pouvons donc qu'y être défavorables... par cohérence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces mêmes amendements, ainsi que sur l'amendement n° 1 rectifié bis .
M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace. Je rappelle, pour la bonne compréhension des débats, que l'article 4 vise à donner à l'Etat le droit de s'opposer à des cessions d'éléments d'infrastructures du réseau si cette cession risque d'empêcher France Télécom d'exécuter ses missions de service public telles qu'elles sont définies dans son cahier des charges.
S'agissant de l'amendement n° 10, présenté par le groupe socialiste, je rappelle que c'est la loi de 1990 qui a transféré à France Télécom la propriété du réseau. Adopter cet amendement reviendrait à priver l'Etat du moyen de contrôler les cessions d'actifs. J'y suis donc défavorable, comme je le suis à l'amendement n° 43, qui prévoit un dispositif assez proche de celui que propose le Gouvernement mais qui est moins précis.
C'est en effet la continuité du service public qu'il convient de garantir en donnant à l'Etat la possibilité de s'opposer à des cessions d'infrastructures de réseau.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 45. Cet amendement comme les suivants, en déclinant les principes du service public, s'écartent de l'objet qui est visé par le texte. En effet, c'est bien pour garantir la continuité du service public qu'il convient de donner à l'Etat ce droit d'opposition à la cession d'éléments d'infrastructure.
J'émets le même avis défavorable sur les amendements n°s 46 et 47.
L'amendement n° 44 vise à supprimer la possibilité de subordonner un apport ou une cession à certaines garanties.
Je rappellerai à ses auteurs que le droit d'opposition reconnu à l'Etat est très strict. Il ne s'agit pas d'une simple faculté, il s'agit d'une obligation.
Ce résultat peut être obtenu grâce aux conditions auxquelles peuvent être subordonnées de telles opérations. Une cession peut être conditionnelle ou encore effectuée au profit d'une entité entièrement contrôlée par France Télécom. L'amendement n° 44 prive sans nécessité France Télécom d'une marge de négociation et d'une autonomie de gestion. J'y suis donc défavorable.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 1 rectifié bis, qui améliore la rédaction du projet de loi.
Je suis défavorable à l'amendement n° 48, qui vise à isoler les cessions ou les locations de cabines téléphoniques de France Télécom situées sur le domaine public, alors que l'article 4 vise l'ensemble des éléments du réseau.
Je suis défavorable à l'amendement n° 49, qui tend à instaurer pour les biens de la future entreprise nationale un régime plus strict que celui qui résulte aujourd'hui de la domanialité publique.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 50, qui touche à la possibilité de location ou de concession du réseau filaire, car il n'apporte rien au texte dont nous discutons : si cette concession ou cette location fait obstacle à la continuité du service public, alors l'Etat s'y opposera ; mais il n'y a pas de raison de condamner de manière absolue cette possibilité.
Quant à l'amendement n° 51, qui vise à isoler le réseau numérique à intégration de services, le RNIS, du reste du réseau téléphonique, il n'a pas de portée pratique, puisque le RNIS fait appel, pour une très large part, aux infrastructures du réseau filaire qui sont visées par cet article.
Il en va de même pour l'amendement n° 52, qui concerne la location des RNIS.
Pour ce qui est du réseau hertzien, je suis doublement défavorable aux amendements n°s 53 et 54, puisque, comme l'a rappelé à l'instant votre rapporteur, ce sont tous les éléments du réseau qui sont visés par l'article 4 ; par ailleurs, et surtout, le spectre hertzien ne peut pas être vendu, car il reste propriété de l'Etat et demeure au sein du domaine public. Le spectre hertzien n'appartient pas, n'a jamais appartenu et n'appartiendra jamais à France Télécom.
Quant à l'amendement n° 55, il a pour objet de remplacer le décret en Conseil d'Etat qui organise la procédure d'opposition par un simple arrêté. Je n'en vois vraiment pas l'utilité. La procédure d'opposition constitue une forte garantie que l'Etat veillera à la continuité du service public. Elle est prescrite à peine de nullité. Il est donc logique, me semble-t-il, d'en prévoir l'organisation par un décret en Conseil d'Etat. C'est d'ailleurs ce qui se passe aujourd'hui s'agissant des modalités de gestion du domaine de France Télécom.
Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 56, qui tend à donner un caractère facultatif à la procédure d'opposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens à intervenir sur cet amendement à la suite des commentaires de M. le rapporteur. Je fais trop confiance à l'intelligence de ce dernier pour penser qu'il n'a pas compris que cet amendement était un amendement de principe. En fait, il correspond au choix que nous avons fait sur l'ensemble du texte, à savoir le statu quo, en l'occurrence, le maintien du statut de 1990. C'est dans cette logique que nous souhaitons supprimer cer article.
Il n'est pas question, pour nous, de donner notre accord à la cession d'infrastructures nécessaires à l'exécution du service public.
M. le président. Je pense, madame, que M. le rapporteur avait parfaitement compris votre intention.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci, monsieur le président.
M. Jean Chérioux. C'est de l'acrobatie juridique !
Mme Danièle Pourtaud. Si vous voulez, mon cher collègue, mais c'est pour moi l'occasion de réaffirmer notre position de principe pour la défense du service public.
M. le président. Veuillez poursuivre madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Sur le fond, l'article 4 vise à garantir la continuité du service public en évitant que les éléments d'infrastructures nécessaires à son exécution ne soient aliénés.
Mais il nous semble que la meilleure manière de garantir la continuité du service public, c'est d'abord de ne pas privatiser France Télécom !
Par ailleurs, rien ne nous dit que, malgré les garde-fous ainsi posés, il ne sera pas porté atteinte à l'intégrité du réseau de l'exploitant public et à la continuité du service public, notamment parce que France Télécom a l'obligation de mettre ses infrastructures à la disposition de ses concurrents, au titre de l'interconnexion, quand bien même ces derniers n'ont pas d'obligations de service public.
Comme nous l'avons dit lors de l'examen du projet de loi de réglementation des télécommunications, nous pouvons craindre, dès lors que l'Etat n'est plus maître des infrastructures de service universel, qu'il ne puisse plus s'opposer à une utilisation qui mettrait en cause la bonne marche du service public. M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je viens de comprendre qu'hier soir - mais c'était après une rude journée de travail - M. le rapporteur n'avait pas tout à fait perçu dans quel état d'esprit j'avais défendu cet amendement.
C'est la raison pour laquelle je voudrais rappeler, après ma collègue Mme Danièle Pourtaud, que cet amendement de suppression vise à réaffirmer notre totale hostilité au projet de loi et notre souhait de voir France Télécom poursuivre l'exercice de ses fonctions dans les limites de la loi de 1990.
Notre objectif n'est évidemment pas d'enlever à l'Etat la possibilité de préserver les infrastructures nécessaires à l'exercice du service public.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mon cher collègue, je vous ferai remarquer que c'est à l'instant que je viens de donner l'avis de la commission - mais peut-être n'étiez-vous pas entré dans l'hémicycle ou ne m'écoutiez-vous pas ! - et que, même si j'étais un peu fatigué hier soir, j'ai eu le temps de récupérer depuis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Les règles applicables à tout service public, quelles que soient les particularités de son régime juridique, et à toutes les personnes en relation avec lui sont au nombre de trois : le principe d'évolution, le principe de continuité et le principe d'égalité.
La règle d'évolution exprime le caractère contingent de la notion de service public. L'intérêt général n'étant pas figé, le service public doit pouvoir s'adapter aux transformations et répondre aux besoins nouveaux.
Le Conseil d'Etat a jugé que la nature d'organisme de droit privé de la société anonyme France Télécom pourrait avoir pour conséquence qu'il soit éventuellement porté atteinte au principe de continuité, celui-ci se fondant sur l'idée selon laquelle un besoin public ne peut être satisfait de manière intermittente.
Quant au principe d'égalité, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la Constitution, il signifie que le service public ne peut donner lieu à un traitement différencié des catégories de personnes en rapport avec lui.
Si le projet de loi, dans son article 4, consacre le principe de continuité en l'insérant formellement dans l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990, rien ne justifie le fait que les autres principes précédemment cités en soient exclus.
Nous avons eu l'occasion, au cours de la présentation de nos divers amendements, d'expliquer en quoi ces principes sont essentiels et doivent être respectés par la future société anonyme, détenue à 49 p. 100 par des opérateurs privés, dont les préoccupations ne sont pas, par essence, la satisfaction de l'intérêt général.
Nous avons également mis en valeur le fait que, malgré les déclarations émanant du banc du Gouvernement ou de celui de la commission, les principes et les missions de service public ne seront jamais obligatoirement respectés.
Le Gouvernement et la commission ont néanmoins émis un avis défavorable sur l'ensemble de nos amendements, avançant des arguments peu convaincants à nos yeux.
Notre amendement n° 43 peut encore éviter que le service public que vous nous préparez, limité à la seule notion - particulièrement réductrice - de service universel, ne soit un service public au rabais.
Si, comme vous le soutenez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, tel ne peu être le cas, rien ne justifie le rejet de notre amendement, qui tend à intégrer dans le corps de l'article 4 l'ensemble des principes qui gouvernent le service public, et non pas uniquement le principe de continuité.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Après des heures de controverse sur les trois premiers articles du projet de loi, après qu'ont été longuement pesés le pour et le contre quant aux conditions de la constitution de l'entreprise nationale France Télécom, après qu'on a commencé d'évoquer les contraintes nouvelles que le statut de société anonyme pouvait finir par imposer à notre opérateur public, nous voici parvenus à l'examen du premier amendement de la commission des affaires économiques.
Le nombre particulièrement réduit - quatre - d'amendements déposés par la commission saisie au fond et l'absence de dépôt de la moindre proposition émanant soit des sénateurs de la majorité parlementaire soit de leurs groupes constitués traduisent-ils un désintérêt pour les sujets abordés ou reflètent-ils un large accord, ne souffrant aucune contestation, aucune inflexion, sur le texte du projet de loi ?
Il est vrai que notre collègue Gérard Larcher, auteur d'un rapport sur le devenir de France Télécom, est un peu le père fondateur du présent projet de loi.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci !
M. Claude Billard. Une grande partie des recommandations exprimées dans ce rapport y ont en effet été retenues, dans la lettre et dans l'esprit, au point que l'on peut se demander si le travail de l'ancien député de Vélizy, devenu ministre, qui nous disait jadis qu'il fallait défendre coûte que coûte le service public à la française, n'a pas été occulté par celui du sénateur des Yvelines et maire de Rambouillet, dont le premier cité est, en principe, très proche sur le plan politique.
Cette attitude de la commission est d'ailleurs contradictoire avec l'orientation choisie lors du débat sur la réglementation des télécommunications, au cours duquel de nombreux amendements, traduisant d'ailleurs de légitimes préoccupations quant à la pérennité du service public des télécommunications, ont été déposés, et adoptés.
Par ailleurs, M. le rapporteur nous a expliqué que les conditions de la consultation des organisations syndicales de salariés avaient été remarquables.
Le projet de loi était à peine imprimé et la discussion du projet de loi sur la réglementation n'était même pas engagée que notre rapporteur avait, sans y associer un seul de ses collègues - et sûrement pas ceux des groupes de la minorité sénatoriale -, consulté les organisations syndicales.
Que de hâte à mettre en cause ce que des décennies et des décennies d'intervention publique ont pu construire ! Que de fièvre à livrer ainsi aux appétits gourmands de la Compagnie générale des eaux, de Bouygues et, bientôt, des trusts nord-américains de la téléphonie ce dont la nation a pu se doter en matière d'accomplissement des missions de service public !
C'est tellement évident que ce premier amendement de notre rapporteur porte précisément sur la continuité du service public, laquelle pourrait - même si cette notion est pour le moins imparfaite - être « distendue » par la menée prolongée et régulière d'opérations de cession d'actifs de l'entreprise France Télécom.
En clair, notre rapporteur semble nous recommander de faire en sorte que le solde de tout compte et la rentabilité de France Télécom ne puissent être assurés par d'obscures opérations tendant à dégager des plus-values.
Nous pourrions être tentés de voter un tel amendement, attentifs que nous sommes depuis le début de ce débat au maintien du service public. Mais il demeure un moyen encore plus simple de parer l'éventualité soulignée par cette proposition : maintenir l'intégrité publique de l'exploitant public.
C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos arguments ne nous ont pas convaincus. Nous persistons à penser qu'il y a une contradiction entre l'affirmation du maintien du service public et le refus de protéger le réseau filaire de France Télécom.
Aujourd'hui, notre pays bénéficie d'un maillage performant et, surtout, respectueux de l'égalité des citoyens. Celle-ci, je le rappelle, est à la base de notre système social et de notre régime constitutionnel.
Notre souci est de voir France Télécom continuer d'assurer l'égalité entre les citoyens.
Que l'on habite Mende ou Paris, c'est une des originalités de la France que de proposer à chaque citoyen un service au même prix.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Il en va de la téléphonie comme du gaz ou de l'électricité. Et c'est cela qui a fondé la réussite de nos services publics.
Or, avec le texte de réglementation des télécommunications et avec le projet de loi que nous discutons aujourd'hui, c'est ce principe d'égalité que l'on tente de mettre à mal.
L'expérience prouve qu'une concession ou, pis, la cession d'une partie des infrastructures mènent à terme à des disparités criantes et à une augmentation des tarifs pour les petits usagers.
Il est tout de même frappant que les entreprises qui briguent les télécommunications, à savoir Bouygues, la Générale des eaux, la Lyonnaise des eaux, soient toutes de grandes sociétés qui ont su faire des profits sur la ressource en eau !
Le maillage du territoire constitué par le réseau filaire de France Télécom doit être protégé. En refusant qu'il puisse être loué, concédé ou apporté en société, nous défendons les petits usagers.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Lors du débat relatif à la « réglementation des télécommunications », la semaine dernière, les explications que vous nous avez données, monsieur le ministre, concernant le RNIS, le réseau numérique à intégration de services, ne nous ont pas convaincus du bien-fondé de son absence au sein du service universel.
Sans revenir sur les raisons de notre refus de voir découper de manière arbitraire l'ensemble des services publics de télécommunications, je rappelle que, selon nous, il convient, ainsi que le suggérait notre collègue M. Trégouët par un amendement, d'intégrer le RNIS dans le service universel.
Notre pays a pris, en matière de réseaux à haut débit, un retard considérable, qu'il est nécessaire de combler au plus vite.
Le RNIS est une technologie coûteuse, que seule une volonté politique nationale est à même de mettre en place.
France Télécom a déjà très largement investi dans cette technologie, mais pas à la hauteur qu'exigerait l'équipement de notre territoire en la matière.
Peut-on croire que les entreprises privées auxquelles on concédera ce secteur seront à même de parer aux insuffisances et aux retards constatés dans le domaine des réseaux à haut débit ?
Ces nouvelles technologies sont pourtant indispensables à nos universités, à nombre d'établissements publics, ainsi qu'aux entreprises, qui peuvent faire transiter par ces réseaux de multiples informations.
C'est pourquoi nous avons déposé de nouveau cet amendement, qui vise à préciser que le RNIS de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société.
Cet amendement peut contribuer, à n'en pas douter, au maintien et au développement des moyens du service public des télécommunications. C'est pourquoi nous demandons qu'il fasse l'objet d'un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste, républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 315158
Pour l'adoption 93
Contre 222

Le Sénat n'a pas adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. « Art. 5. - Il est inséré dans la même loi un article 29-1 ainsi rédigé :
« Art. 29-1. - 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi.
« L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité.
« L'entreprise nationale France Télécom emploie librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives.
« 2. En vue d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel, il est créé auprès du président de France Télécom, par dérogation à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, un comité paritaire. Ce comité est informé et consulté notamment sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ainsi que sur les questions relatives au recrutement des personnels et les projets de statuts particuliers. Ce comité est présidé par le président de France Télécom ou son représentant. Outre des représentants de l'entreprise, il comprend un collège représentant les agents fonctionnaires et un collège représentant les agents relevant de la convention collective ainsi que les agents non titulaires de droit public mentionnés à l'article 44 de la présente loi.
« Ces deux collèges se répartissent les sièges réservés aux représentants des personnels en tenant compte de la proportion de chacune des deux catégories dans l'effectif global de l'entreprise nationale. Un décret en Conseil d'Etat précise les attributions et les modalités de fonctionnement de ce comité ainsi que sa composition. Il précise également les cas dans lesquels le comité siège en formation plénière ou en formation paritaire limitée à l'un des deux collèges. »
Sur l'article, la parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Attaché au service public des télécommunications, je ne reviendrai pas sur les raisons profondes qui nous ont amenés à refuser que la nouvelle société France Télécom soit désormais qualifiée d'« entreprise nationale ».
A notre avis, il est incohérent de vouloir faire effectuer les missions inhérentes au service public, a fortiori celles qui sont regroupées sous les vocables de « service universel » ou de « missions d'intérêt général », par des personnes qui n'ont que le statut de contractuel.
Si le Gouvernement ne voit pas d'objection à cette situation, c'est bien qu'il ne conçoit ce projet de loi que comme l'ultime étape avant la privatisation totale de toutes les activités rentables de France Télécom.
Comment peut-on prétendre créer une « entreprise nationale » tout en limitant son champ d'activité par une loi de « déréglementation » qui la prive de son monopole d'activité et de l'influence prépondérante que l'Etat devrait exercer sur elle pour la satisfaction de l'intérêt général ?
Avec cette notion d'« entreprise nationale », nous sommes face à la contradiction majeure qui est au coeur de ce texte.
En demandant de nouveau la suppression de cette notion, nous ne nous opposons bien évidemment pas au principe de l'existence d'entreprises nationales.
Nous avons même, je vous le rappelle, toujours refusé qu'il soit porté atteinte au secteur public et nationalisé qui est essentiel pour le développement économique et social de la nation.
Nous restons fidèles aux engagements pris par le Conseil national de la Résistance et par le général de Gaulle à la Libération, engagements qui ont été tenus et qui ont permis le redressement et la reconstruction du pays.
M. Robert Pagès. Eh oui !
M. Alain Gournac. Belle époque !
M. Félix Leyzour. Le rôle moteur du service public et des entreprises publiques dans le progrès et l'essor économique et social n'est plus à démontrer.
France Télécom en est elle-même l'exemple concret par sa réussite technologique et sa capacité à répondre aux besoins de nos entreprises comme de l'ensemble de la population et même à anticiper ceux-ci.
Or, en affirmant, comme vous le faites, votre volonté de livrer l'entreprise publique aux appétits du privé, vous montrez le peu de cas que vous faites de l'intérêt général et vous préparez de surcroît une chute brutale et importante des ressources de l'Etat.
Pour toutes ces raisons, nous insistons donc pour qu'on ne masque pas la réalité de vos intentions en qualifiant « d'entreprise nationale » une entreprise que vous voulez avant tout assujettir aux lois d'un marché qui est aujourd'hui rendu artificiel par la réalité du monopole dont jouit, à juste raison, France Télécom.
Mme Hélène Luc et M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Sur l'article 5, je suis saisi de vingt et un amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 11, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte et Saunier, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Les vingt amendements suivants sont présentés par MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 57 tend à remplacer les quatre premiers alinéas du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut des personnels fonctionnaires de France Télécom est régi par les dispositions du titre II du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales. »
L'amendement n° 58 vise, dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à supprimer les mots : « l'entreprise nationale ».
L'amendement n° 59 a pour objet, dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de supprimer les mots : « de nomination et ».
L'amendement n° 60 tend, dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à supprimer les mots : « l'entreprise nationale ».
L'amendement n° 61 vise à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
L'amendement n° 62 a pour objet, au début du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de supprimer les mots : « L'entreprise nationale ».
L'amendement n° 63 vise, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à remplacer le mot : « peut » par le mot : « doit ».
L'amendement n° 64, tend, dans le second alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à supprimer les mots : « jusqu'au 1er janvier 2002 ».
L'amendement n° 65 a pour objet de compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par une phrase rédigée comme suit : « Elle est tenue de respecter le droit des fonctionnaires qu'elle emploie, d'opter pour le maintien intégral de leur statut de fonctionnaire et ne peut s'opposer à leur reclassement à un poste équivalent dans une autre administration. »
L'amendement n° 66 vise à rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 :
« En application des dispositions de l'article 4 de la loi n° 94-16 du 11 janvier 1984 portant sur les dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, France Télécom... »
L'amendement n° 67 tend à rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 :
« Dans la mesure où elle ne parvient pas à pourvoir les postes de travail créés ou existants par des fonctionnaires, France Télécom... »
L'amendement n° 68 a pour objet, au début du troisième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de supprimer les mots : « L'entreprise nationale ».
L'amendement n° 69 vise, à la fin du troisième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à remplacer les mots : « des conventions collectives » par les mots : « d'un accord d'entreprise plus favorable que les conventions collectives applicables ».
L'amendement n° 70 a pour objet, dans le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de supprimer les mots : « par dérogation à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ».
L'amendement n° 71 tend, dans la deuxième phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « gestion », à insérer les mots : « , les orientations économiques ».
L'amendement n° 72 vise, après le mot : « personnels », à supprimer la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
L'amendement n° 73 tend, dans la dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « représentants », à insérer les mots : « de la direction ».
L'amendement n° 75 a pour objet de compléter in fine le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'il siège en formation plénière, il peut alerter le ministre chargé des postes et télécommunications et le Parlement de toute situation propre à mettre en cause la pérennité de l'entreprise, l'exercice de ses missions de service public et les intérêts généraux de ses personnels. »
L'amendement n° 74 vise, dans la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « collèges », à insérer le mot : « élus ».
L'amendement n° 76 tend, dans la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à supprimer les mots : « de l'entreprise nationale ».
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 11.
Mme Danièle Pourtaud. Avec l'article 5, nous abordons un point crucial du projet de loi puisqu'il traite de l'emploi au sein de France Télécom. Que prévoit le Gouvernement en ce domaine ?
Il organise, dans un premier temps, la coexistence dans une même entreprise de personnels ayant un statut différent et, dans une second temps, la disparition, il faut bien le dire, d'une catégorie de personnels, à savoir les fonctionnaires.
Outre les difficultés de management, comme on dit aujourd'hui, qui ne doivent pas être sous-estimées, le projet de loi met en place sans aucune justification la coexistence de personnels ayant deux statuts différents mais exerçant des métiers semblables.
Ainsi, des agents fonctionnaires qui occupent, par exemple, des postes à responsabilité bénéficieront de la garantie de l'emploi mais ils percevront un salaire inférieur à celui de leurs collègues contractuels de droit privé, qui, eux, auront été embauchés sous le régime de la convention collective mais qui pourront être licenciés du jour au lendemain.
Pourquoi cette différence de traitement ? Nul ne le sait. Le fonctionnement de l'entreprise en sera-t-il modifié ? Nullement. Pis, cette différence ne pourra que démobiliser le personnel de France Télécom, qui, contrairement à ce que vous croyez, monsieur le ministre, n'adhère pas à votre réforme mais est tout bonnement démoralisé.
Qu'est-ce qui vous incite à organiser désormais le recrutement d'un personnel de droit privé ? C'est, encore une fois, l'introduction de l'actionnariat privé. En effet, peut-on imaginer un actionnaire privé admettre que France Télécom n'embauche pas dans les mêmes conditions que la concurrence ? C'est inimaginable !
Il est vrai qu'il est difficile de se débarrasser des agents fonctionnaires qui, par définition, ne peuvent être licenciés. Qu'à cela ne tienne, on généralise l'emploi sous le régime des conventions collectives. Toute restriction à l'embauche de non-fonctionnaire est désormais levée. Vous programmez l'extinction d'un corps de fonctionnaires parmi les plus dynamiques, les plus qualifiés et les plus compétents dont notre pays dispose.
Certes, vous accordez une largesse : France Télécom pourrait, si son président le veut bien, continuer à embaucher des fonctionnaires jusqu'en 2002. La belle affaire ! Ce même président ne déclarait-il pas voilà peu dans un quotidien de province - vous l'avez lu comme moi - qu'il fallait savoir « tourner la page » ? S'il a quelques hésitations, les nouveaux actionnaires les lui feront vite lever.
En fait, votre projet de loi prépare purement et simplement l'abrogation de ce corps de fonctionnaires. Il en est désormais terminé du déroulement de carrière des fonctionnaires de France Télécom. Ceux-ci vont se retrouver dans des grades en voie d'extinction, sans possibilité de promotion. Pour hâter leur sortie, vous organisez même, à l'article 7, un système généralisé de départ à la retraite anticipé des fonctionnaires.
Vous vous êtes même livré à de savants calculs : d'ici à l'an 2015, dans l'hypothèse basse, 20 p. 100 du personnel embauché ne sera plus fonctionnaire. Mais il n'est nul besoin de se propulser si loin dans l'avenir car si votre majorité reste au pouvoir, ce que nous ne souhaitons pas, vous aurez déjà modifié par la loi le statut de France Télécom pour privatiser cette entreprise. Il n'y aura donc plus de fonctionnaires, comme certains orateurs l'ont longuement démontré dans la discussion générale.
Là encore, nous ne pouvons vous suivre. En effet, implicitement, derrière votre discours, se cache un présupposé intolérable : les fonctionnaires ne peuvent être des salariés performants ; il faut donc s'en débarrasser. Pourtant, ce sont eux qui ont fait de France Télécom le quatrième opérateur mondial des télécommunications. Je vous rappelle, par ailleurs, qu'ils représentent 97 p. 100 du personnel de l'opérateur public.
Ce sont donc des motivations de circonstances et des motivations idéologiques que nous réprouvons qui vous amènent à prendre des dispositions visant à supprimer ce corps de fonctionnaires. Mais dois-je encore vous rappeler que les télécommunications ne sont pas un secteur marchand comme un autre ? Il s'agit d'un service public. Or qui est mieux à même de servir les missions d'intérêt général que les fonctionnaires ? N'est-ce pas la raison même de leur existence ?
Le service public n'est rien sans le respect le plus scrupuleux des principes d'égalité et de neutralité. Planifier la mort d'un corps de fonctionnaires, c'est planifier la mort d'un service public. Nous ne le voulons pas. C'est pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 57.
M. Louis Minetti. Cet amendement tend à faire directement référence à l'applicabilité du statut général des fonctionnaires de l'Etat aux fonctionnaires de France Télécom. Cette question nous semble importante à plus d'un titre.
Tout d'abord, ce projet de loi laisse planer de lourdes menaces sur l'emploi à France Télécom. Tout le monde sait que des milliers d'emplois sont menacés dans les toutes prochaines années, à cause du changement de statut qu'organise le présent projet de loi et du projet de loi de réglementation des télécommunications dont nous avons débattu la semaine dernière.
On nous a même indiqué que, sur deux départs à la retraite, un seul serait véritablement compensé et encore le serait-il, dans l'immense majorité des cas, par l'embauche de contractuels, voire - pourquoi pas ? - de personnels sous contrat à durée déterminée.
Le résultat final de toute cette opération tiendra en deux points : d'une part, un affaiblissement des capacités de développement de l'entreprise publique et, d'autre part, un déclassement global des conditions d'embauche, de travail, de salaire, de protection sociale et d'avancement dans l'ensemble du secteur des services et réseaux de télécommunication.
Je rappelle que France Télécom recrute actuellement par concours ou sur titre, ce qui signifie que cette entreprise ne recrute que des personnels potentiellement compétents, à qui elle assure un complément de formation adapté aux besoins de développement du service public et aux capacités des personnes recrutées.
Avec le système de la contractualisation maximale des emplois, l'entreprise ne pourra évoluer que vers des emplois moins qualifiés, perpétuellement soumis aux aléas de la conjoncture économique, voire vers un recrutement impliquant plus ou moins une certaine dose d'appréciations subjectives ou de favoritisme, ce que certains appellent « à la tête du client ».
Il nous semble également important de faire référence au statut général des fonctionnaires dans le corps même de ce texte, précisément pour protéger les fonctionnaires travaillant actuellement à France Télécom.
Il convient en effet de considérer que ceux-ci ont souvent mis leurs compétences et leur dévouement au service du développement du service public des télécommunications, à une époque où ils auraient pu prétendre à des salaires plus importants dans l'industrie.
Il serait donc particulièrement injuste de les priver aujourd'hui ou demain d'une quelconque manière du statut de la fonction publique auquel ils ont droit.
Notre amendement tend donc à répondre à un souci de justice et d'équité autant que d'efficacité économique.
Mme Hélène Luc et M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Compte tenu du vote émis par le Sénat sur l'amendement n° 35 à l'article 1er, l'amendement n° 58, ainsi d'ailleurs que les amendements n°s 60, 62, 68 et 76 n'ont plus d'objet.
Mme Hélène Luc. Ah non !
M. le président. Madame Luc, ces six amendements tendent à supprimer les mots « l'entreprise nationale ». L'amendement n° 35 ayant été repoussé hier, les autres amendements deviennent sans objet. Imaginez que l'un d'entre eux soit adopté : le Sénat serait alors en contradiction avec la décision qu'il a prise hier.

Rappel au règlement

Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, l'article 48, alinéa 3, du règlement dispose : « Les amendements ne sont recevables que s'ils s'appliquent effectivement au texte qu'ils visent ou, s'agissant d'articles additionnels, s'ils ne sont pas dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion. »
En déclarant sans objet nos amendements, en les retirant ainsi de la discussion, en accord sans doute avec M. le rapporteur, au motif qu'un vote est déjà intervenu sur un amendement similaire, vous ne respectez pas l'article 48, alinéa 3, du règlement ni l'article 44 de la Constitution, qui affirme le droit d'amendement.
Défendre à plusieurs reprises le même point de vue, à l'occasion de l'examen des dispositions de ce projet de loi, tenter de convaincre le Sénat, alerter l'opinion publique, est un droit qui ne doit pas être aujourd'hui contesté alors que nous examinons ce projet de loi dans une grande précipitation. Est-ce là le rôle plus grand que le Président de la République disait vouloir accorder au Parlement ?
En fait, vous traitez par le mépris les différentes propositions que nous faisons en ne les discutant même pas, en ne votant pas un seul de nos amendements.
Qui pourrait croire, dans cette assemblée ou parmi les personnels de France Télécom, que pas une seule proposition, pas un seul amendement du groupe communiste républicain et citoyen, n'est valable ? Est-ce cela la discussion démocratique ?
Je constate que, plus que jamais, le Parlement est réduit au rôle de chambre d'enregistrement ; nous aurons l'occasion d'y revenir quand nous ferons le bilan de la session unique.
Je vous demande, monsieur le président, de mettre en discussion tous les amendements qui ont été déposés sur cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Madame Luc, vous avez présenté plusieurs observations dans le cadre de votre rappel au règlement, mais je voudrais ramener le Sénat à ce dont il est question.
Le Sénat a, hier, examiné l'amendement n° 35 à l'article 1er, qui portait sur la dénomination : « l'entreprise nationale France Télécom » et tendait à supprimer les mots : « l'entreprise nationale » au profit de l'appellation exclusive : « France Télécom ». Cet amendement a été présenté, vous ne pouvez donc pas dire qu'il n'y a pas eu débat démocratique.
Mme Hélène Luc. Mais personne ne discute !
M. le président. Un membre de votre groupe s'est exprimé en explication de vote.
Finalement, le Sénat a rejeté cet amendement.
Or les amendements n°s 58, 60, 62, 68 et 76, ont strictement le même objet que l'amendement n° 35, sans apporter quoi que ce soit de nouveau. Il serait, dès lors, difficilement concevable de reprendre un débat que le Sénat a d'ores et déjà tranché.
Je rappelle les termes de l'article 43, alinéa 7, de notre règlement : « Avant que le vote sur l'ensemble ne soit intervenu, aucun vote acquis ne peut être remis en question sans renvoi préalable à la commission soit pour coordination, soit pour seconde délibération. »
Le vote étant acquis, je confirme, madame Luc, que les amendements n°s 58, 60, 62, 68 et 76 n'ont plus d'objet. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, nous protestons !
Je vous demande une suspension de séance.
M. Robert Pagès. Oui, nous voulons une suspension de séance !
M. le président. De quelle durée, madame ?
Mme Hélène Luc. Cinq minutes.
M. le président. Le Sénat va accéder à votre demande, madame.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 5 (suite)

M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Claude Billard. Cet amendement tend à supprimer le pouvoir du président de France Télécom de nommer les fonctionnaires de l'entreprise.
Nous pensons que l'on doit réserver, comme il se doit, au ministère chargé des postes et des télécommunications le droit de nommer les fonctionnaires en poste à France Télécom.
Dans son rapport, M. Gérard Larcher affirme en quelque sorte que rien ne change pour les personnels, puisqu'ils conservent leur statut de fonctionnaire et « sont placés sous l'autorité du président de l'entreprise nationale, comme ils étaient placés sous celle du président de l'exploitant public. Le président nomme et recrute donc ceux qui sont employés dans ses services. »
Pourtant, contrairement à ce qu'écrit M. Larcher, avec le nouveau statut de France Télécom, ce qui pouvait être accepté du président d'une entreprise nationale devient, selon nous, inacceptable de la part d'un président d'une société anonyme de droit privé. Et il ne s'agit pas de n'importe quel président, en l'occurrence ; il s'agit de celui qui affirmait, dans la presse, il y a peu, qu'il ne voyait pas l'intérêt pour lui de recruter des fonctionnaires.
En outre, les arguments du rapporteur, se référant à l'avis du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993, qui exige en particulier que le président soit une « autorité subordonnée », ne m'ont pas convaincu.
En effet, comme le rappelle notre rapporteur pour justifier sa position, si le président est bien nommé et renvoyé par décret, c'est sur proposition du conseil d'administration. Cela veut-il dire, puisque M. Larcher, dans son propos liminaire, souhaitait sa présence au sein du conseil d'administration de France Télécom, que le président de Deutsche Telekom, par exemple, pourra peser sur cette proposition ? Peut-on, dans ce cas, parler encore d'autorité subordonnée ?
C'est pourquoi, compte tenu de ces questions et de l'ensemble des arguments que je viens de développer, je vous invite, mes chers collègues, à voter notre amendement.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Félix Leyzour. Par l'amendement n° 61, nous proposons de supprimer le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 29-1 par l'article 5, aux termes duquel « l'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité ».
Il s'agit là, certes, d'une concession du Gouvernement face aux craintes des agents, mais, par ailleurs, il s'agit bien aussi d'aller plus facilement jusqu'au bout de la logique de privatisation.
D'ailleurs, le président de France Télécom, qui parle beaucoup à la presse, note lui-même qu'« avoir quelques fonctionnaires de plus ne changera pas fondamentalement les choses. Si c'est cela le prix à payer pour le compromis, cela me paraît raisonnable. »
A travers la généralisation progressive de l'embauche sous convention collective, le Gouvernement veut mettre en place un double statut au sein de France Télécom. C'est ce qu'avaient déjà refusé les traminots de Marseille, l'automne dernier.
Mais, plus largement, ce sont non pas seulement les agents de France Télécom, mais les salariés dans leur ensemble qui se trouvent concernés.
En effet, depuis la Deuxième Guerre mondiale, le statut du personnel des services publics a servi de point d'appui ou de modèle à nombre de conventions collectives. Ces statuts ont constitué une sorte de référence au progrès social. Leur remise en cause permettra de tirer encore plus vers le bas la situation des travailleurs soumis au seul code du travail.
Défendre leur statut comme le font les agents de France Télécom n'est donc en rien un réflexe corporatiste.
Le personnel des services publics joue un rôle décisif pour enrayer l'extension de la « loi de la jungle » en France.
En votant cet amendement, vous permettrez le recrutement externe de fonctionnaires en position d'activité au-delà de 2002 et vous voterez contre la casse du statut du personnel de France Télécom.
Avec cet amendement, mes chers collègues, nous plaçons le service public, les services publics, au centre du débat.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour présenter l'amendement n° 63.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à transformer le statut de France Télécom et pourrait ainsi laisser dans l'expectative des milliers de fonctionnaires.
Ce secteur public emploie en effet 150 000 salariés auquel il convient d'ajouter les 17 000 employés des quelque 150 filiales.
L'article 5 prévoit que « les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard ».
Quelle sera la réalité de l'appartenance à la fonction publique s'agissant d'une entreprise nationale sous statut de société anonyme ?
La seule jurisprudence repose sur un avis du Conseil d'Etat en date du 18 novembre 1993, dont la fragilité a très largement été débattue ici même ces derniers jours ; que l'Etat cesse d'être l'actionnaire majoritaire et c'en serait fini du statut des personnels.
L'ouverture à la concurrence, que les tenants d'un libéralisme prônent comme le remède à tous les maux, se construit, et on ne le sait que trop aujourd'hui, sur la mise à l'écart de millions de salariés, sur une politique salariale au rabais et sur une précarisation du travail accrue.
L'existence d'un grand service public en France constitue un ultime rempart contre les tentatives visant à porter atteinte de manière définitive au droit du travail dans notre pays.
Le service public fait chaque jour la preuve de son efficacité au service de l'ensemble de nos compatriotes.
Dès lors, il nous semble que le Gouvernement veut aller bien vite dans la liquidation de ce secteur. Après la déréglementation, il nous faudrait accepter le changement de statut du personnel de France Télécom ?
Le personnel jugera très vite, monsieur le ministre, des intentions réelles du Gouvernement à son égard.
Notre amendement tend à renforcer l'obligation de recrutement de fonctionnaires par France Télécom.
Ainsi, il convient non seulement de procéder à un recrutement de fonctionnaires durant une période beaucoup plus longue - nous avons proposé de modifier le texte sur ce point - mais aussi de faire en sorte que ce recrutement ne soit pas laissé au seul bon vouloir de la direction de France Télécom.
A cette fin, nous proposons de remplacer le mot « peut » par le mot « doit » dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 5 du projet de loi pour l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de cet amendement n° 63, que je vous demande d'adopter. Vous n'êtes pas nombreux, mais vous ne devriez pas rester insensibles à notre argumentation.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour présenter l'amendement n° 64.
M. Louis Minetti. Cet amendement vise à supprimer, dans le texte de l'article 5, le passage aux termes duquel France Télécom pourra procéder, jusqu'au 1er janvier 2002, à des recrutements externes de fonctionnaires.
En effet, l'adoption en l'état du texte aurait pour conséquence que, à partir de 2002, il ne serait plus possible de procéder à des recrutements externes de fonctionnaires.
Dans ce cas, les agents de France Télécom qui bénéficient du statut de la fonction publique se retrouvaient alors placés dans des positions hiérarchiques en voie d'extinction, sans possibilité de promotion.
D'ailleurs, le recrutement de fonctionnaires d'ici au 1er janvier 2002 dépendra du seul bon vouloir de la direction de France Télécom. M. Michel Bon a déclaré récemment qu'il ne serait pas « raisonnable de continuer à embaucher des fonctionnaires, en ajoutant que « quand on tourne la page, on la tourne ». Ne doutons pas que les actionnaires privés auront un avis encore plus tranché !
En voie d'extinction à partir de 2002 - c'est-à-dire dans six ans ! - le corps des fonctionnaires verra son poids diminuer dans l'entreprise, et plus rien n'empêchera alors la privatisation totale de France Télécom.
En effet, à partir de cette date, il ne sera plus nécessaire que la présidence soit une « autorité subordonnée », comme l'exige l'avis du Conseil d'Etat en date du 18 novembre 1993, puisqu'il n'y aura plus de nomination de fonctionnaires.
Qu'est-ce qui empêchera alors, comme cela s'est passé dans l'industrie de l'armement, de mettre les agents de France Télécom dans l'obligation de choisir entre rester dans l'entreprise en perdant leur statut, ou rester dans le corps des fonctionnaires, mais en quittant France Télécom.
L'adoption de cet amendement permettrait le maintien du recrutement externe de fonctionnaires en position d'activité au-delà du 1er janvier 2002 ; ce serait un garde-fou, bien qu'indéniablement trop limité, à une privatisation totale de France Télécom, offrant les moyens d'assurer aux agents le maintien à long terme de leur statut de fonctionnaire.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Robert Pagès. Cet amendement vise à garantir aux fonctionnaires de France Télécom le droit d'opter pour le maintien intégral de leur statut de fonctionnaire. Ils tiennent en effet au statut général de la fonction publique d'Etat, qui leur garantit une évolution de carrière relativement correcte.
Il convient également de considérer que les fonctionnaires recrutés dans les années soixante-dix ont accepté des conditions de salaire et de travail moins favorables que celles qui étaient alors en vigueur dans le privé. Leur souci du service public et d'une certaine conception de leur travail au service de la population les a en outre souvent conduits à accepter de débuter leur carrière très loin de leur région d'origine, dans des conditions qui ne leur étaient pas toujours favorables.
Ils ont ainsi montré leur abnégation au service public des télécommunications. Nous leur sommes d'ailleurs redevables d'une bonne part du développement considérable que ce service a pris dans un pays où l'époque du « 22 à Asnières » n'est pas encore si lointaine.
Ils ont su se former en permanence pour appréhender et anticiper les évolutions de la technologie de leur époque ; nous leur devons aujourd'hui le maintien de leur statut de fonctionnaire.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Robert Pagès. Par cet amendement, nous proposons de leur garantir les conditions de ce droit d'opter pour le maintien de leur statut.
Nous savons que cette question pose problème du fait de la politique du Gouvernement vis-à-vis de la fonction publique d'Etat, mais les solutions doivent être pensées et trouvées pour faire droit à ces fonctionnaires qui exigent que l'Etat tienne ses engagements envers eux.
Il ne serait pas convenable que France Télécom puisse exercer sur eux des pressions pour qu'ils renoncent à leur statut de fonctionnaire, qui comporte, je le rappelle, la garantie de l'emploi dans une période où nous connaissons plus de trois millions de chômeurs et tant d'emplois précaires.
Accepter cet amendement reviendrait à prendre un engagement important au-delà de la seule date limite du 1er janvier 2002, ce qui serait pour eux un encouragement incontestable dans leur travail et renforcerait leur attachement et leur esprit d'entreprise.
Cela permettrait d'entériner un certain nombre de promesses qui ont été faites à ces catégories de personnels dans les dernières semaines, ce qui n'est pas superflu quand on sait que si l'Etat demeure, les gouvernements ne font que passer.
Aussi, nous vous proposons d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 66.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à revenir sur une disposition de la loi du 2 juillet 1990.
Certes, la clause des 3 p. 100 offrait une garantie pour le personnel. Cependant, quand le mécanisme est enclenché, tous les excès sont possibles.
N'oublions pas également que cette loi assurait que France Télécom ne sortirait pas du giron de l'Etat et même que cette entreprise appartiendrait à 100 p. 100 à l'Etat. Bien naïfs ont été ceux qui y ont cru !
La question qui se pose est l'existence, au sein de la même entreprise, de deux statuts différents du personnel, les uns guidés par l'esprit de service public, les autres à qui l'on demandera la recherche de la rentabilité immédiate. Comment peut-on penser que l'entreprise n'en sera pas affaiblie ?
L'histoire des postes et télécommunications le montre : c'est sur des valeurs du service public, de l'accès au plus grand nombre que se sont formées des générations de salariés.
C'est sur des valeurs de diffusion des nouvelles technologies à toute la population que se sont forgées des générations de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens.
C'est cela que nous souhaitons préserver, non pas par je ne sais quel conservatisme dont vous aimez nous accuser, mais parce que nous sommes persuadés qu'il s'agit d'une condition indispensable pour relever le défi des télécommunications au service de toute la nation, le contraire n'a pas été démontré.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Robert Pagès. Cet amendement est, bien entendu, dans le même esprit que le précédent. Vous l'avez compris, nous souhaitons que les agents de France Télécom soient fonctionnaires. Je ne répète pas ce qui motive notre volonté dans ce domaine.
Pour autant, il est évident que certains postes, souvent spécialisés, ne sont pas prévus dans la grille de la fonction publique. Aussi, nous prévoyons une clause qui permettrait l'embauche d'agents contractuels « dans la mesure où France Télécom ne parviendrait pas à pourvoir les postes de travail par des fonctionnaires ». C'est une restriction importante au recours au recrutement d'agents contractuels.
Notre souci tient également dans l'absence d'égalité entre les fonctionnaires et les contractuels. On peut même se demander si les principes de la Constitution sont respectés.
Aujourd'hui, dans une même entreprise, le principe reconnu partout et pour tous : « à travail égal, salaire égal » ne serait pas respecté. Les propos du président de France Télécom ne sont pas faits pour rassurer.
Une autre question se pose : chacun sait que l'abandon de 49 p. 100 du capital au privé est bien souvent, même si vous le contestez fortement, le prélude à une privatisation totale. L'exemple de Renault - nous en avons déjà parlé - est à cet égard significatif.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je suis déçu, monsieur Pagès, vous ne m'avez pas écouté !
M. Robert Pagès. Et si le privé est majoritaire, que deviennent les fonctionnaires de France Télécom ? On les forcerait à abandonner leur statut, comme à GIAT Industries ! Ceux qui auraient choisi librement, et en toute conscience, de servir l'Etat seraient alors spoliés.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le troisième alinéa du texte proposé par l'article 5 par l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 dispose que l'entreprise nationale France Télécom emploie librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives. Notre amendement tend à prévoir que lesdits agents sont employés sous le régime non pas des conventions collectives, mais « d'un accord d'entreprise plus favorable que les conventions collectives applicables ».
Par cet amendement, nous souhaitons contribuer au développement des droits des agents contractuels de France Télécom.
Ce problème va devenir crucial puisque, comme l'a indiqué le rapporteur M. Gérard Larcher, « un accroissement graduel des effectifs de droit privé semble l'hypothèse la plus probable ».
Pour les nouveaux recrutés, la règle générale serait celle qui est appliquée aux emplois de statut privé.
Si, pour une large part, les conventions collectives dans le secteur des télécommunications restent à créer, une question se pose : en tout état de cause, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, la ou les conventions collectives auxquelles vous avez pensé en rédigeant le présent texte ?
Ce dont je peux vous assurer, par ailleurs, c'est que les salariés de France Télécom refuseront l'abandon du contrat à durée indéterminée qui institutionnalise l'annualisation du temps de travail, le temps partiel, la flexibilité dans la profession et génère l'inégalité professionnelle. Ils s'opposeront de même aux CDI annualisés.
En effet, depuis 1992, le nombre de contractuels a augmenté de 41 p. 100. Le nombre de contrats à durée déterminée à crû de 150 p. 100, passant de 1 111 à 2 780.
Nous pensons que les droits et avantages acquis aux titulaires doivent être octroyés également aux contractuels et aux salariés de droit privé. Cela nous paraît d'autant plus nécessaire que les salariés de statut privé doivent faire face à des missions de service public.
C'est pour ces raisons que nous pensons nécessaire que soit inscrite dans la loi, dont, par ailleurs, nous n'approuvons pas la logique, l'obligation d'un accord d'entreprise qui permette d'offrir aux salariés de droit privé des droits plus favorables.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 70.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 70 porte sur la question particulière de la mise en place, au sein de l'entreprise France Télécom, d'un comité technique paritaire.
Dans les faits, il s'agit, dans l'esprit du législateur, de maintenir l'existence d'un comité technique paritaire par dérogation au statut de la fonction publique tel qu'il est défini par la loi du 11 janvier 1984.
Dans quel cas de figure nous retrouvons-nous ?
France Télécom, de par ce projet de loi, n'est plus, à proprement parler, une administration ou un établissement public de l'Etat.
Elle devient en effet, si l'on en croit les dispositions des articles initiaux du projet de loi, une société nationale dont le capital est d'ailleurs appelé à ne pas être augmenté mais plutôt à être distribué auprès de nouveaux actionnaires.
Dès lors, peu de choses justifieraient que soient appliquées les dispositions propres définies par l'article 15 de la loi Le Pors.
Cet article est ainsi rédigé : « Dans toutes les administrations de l'Etat » - c'était le cas de France Télécom et de La Poste à l'époque puisque demeurait la synergie postes et télécommunications dans l'administration des PTT - « et dans tous les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques paritaires. Ces comités connaissent des problèmes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des services et des projets de statuts particuliers. Ils comprennent, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires. »
Dans les faits, il s'agit ni plus ni moins de maintenir l'existence du comité technique paritaire de France Télécom, attendu que la nature juridique de l'opérateur public est nettement banalisée.
Dans les faits, cet article du projet de loi nous est présenté comme la démonstration de la volonté politique du Gouvernement de maintenir une instance de discussion de la politique contractuelle tout en élargissant sensiblement le champ des collèges électoraux.
Dans l'état actuel des choses, pour garantir la représentation des agents contractuels de France Télécom, il conviendrait de désigner quelque vingt-cinq représentants du personnel dans le comité technique paritaire...
Mais l'un des objectifs fondamentaux du projet de loi est peut-être de favoriser plutôt, par le jeu d'une subtile politique de gestion des carrières - départ massif de fonctionnaires en préretraite, recrutement exclusif de contractuels, etc. - la montée en charge d'une double situation statutaire parmi les personnels de France Télécom, avec les conséquences que l'on a déjà pu observer dans d'autres administrations - je pense notamment, à cet égard, à l'administration de l'équipement, dans laquelle grossit sans arrêt le nombre des personnels débudgétisés et payés sur les comptes de commerce - ou établissements publics.
Le double statut, c'est la porte ouverte à toutes les politiques de gestion de personnel à courte vue et la destruction progressive des garanties statutaires des fonctionnaires. A l'évidence, ces derniers ne se laisseront pas faire, comme ils l'ont déjà démontré.
L'amendement n° 70 se fixe un objectif clair : celui de maintenir en l'état l'existence du comité technique paritaire de France Télécom, quel que soit le devenir de l'entreprise.
Il convient d'ailleurs de noter ici un point relativement important : l'article 10 du projet de loi vise à ajouter à la loi du 2 juillet 1990, dite « loi Quilès », un article 49 dont je ne peux manquer de citer l'alinéa 1) :
« Les statuts initiaux de l'entreprise France Télécom sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. Ils pourront être modifiés dans les conditions prévues pour les sociétés anonymes par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dès lors que l'Etat ne détiendra plus la totalité du capital. »
Dans les faits, cela revient à dire que le conseil d'administration de France Télécom serait quasiment fondé à revenir sur l'existence même du comité technique paritaire, dès lors que des décisions d'assemblée générale d'actionnaires le demanderaient.
Assurer la pérennité de l'existence du comité technique paritaire passe donc clairement par le fait d'affirmer, dans la loi, l'existence de ce comité et de lever, ainsi que nous vous y invitons, mes chers collègues, l'exclusive créée par la rédaction actuelle de l'article 5. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 71.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement n° 71 vise à accroître les prérogatives du comité paritaire. En effet, dans la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, nous proposons d'insérer les mots : « orientations économiques » après le terme : « gestion ». Nous pensons en effet que le comité paritaire devrait être consulté et informé des orientations économiques de France Télécom. C'est une question importante à laquelle je vous demande de bien vouloir répondre, monsieur le ministre.
Bien entendu, cet amendement n'est pas anodin, car il tend à donner aux salariés des pouvoirs que leur dénient les conseils d'administration, ces lieux où se trament et se décident les stratégies d'entreprise. L'expérience montre qu'il vaudrait d'ailleurs mieux en finir avec ces pratiques.
Le débat et la confrontation feraient-ils peur au point d'écarter les premiers intéressés, ceux qui font la richesse de l'entreprise, des choix stratégiques de cette dernière ?
Cette volonté du secret est telle, monsieur le ministre, que vous réussissez le tour de force de transformer le statut de France Télécom sans prévoir la création d'un comité d'entreprise. Par là même, vous refusez tous les droits des salariés qui y sont afférents : le droit d'alerter et le recours à des experts en tout premier lieu !
Où sont les droits des salariés dans cette affaire ? Selon nous, ils sont bel et bien enfouis sous les certitudes des promoteurs de la pensée unique. Et pourtant, mes chers collègues, les résultats en termes d'emplois ne sont pas probants au point que le Gouvernement et le patronat puissent se permettre une telle attitude !
La démocratie doit être réelle et vivante dans l'entreprise. Nous sommes persuadés qu'elle est non pas seulement un parti pris moral, mais aussi un gage d'efficacité.
C'est pourquoi, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent de le démontrer en adoptant cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 72.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement prolonge la réflexion engagée à partir de nos derniers amendements déposés sur l'article 5, s'agissant du devenir du statut des personnels de France Télécom.
Il est clair, dans l'esprit du législateur et dans l'optique choisie par la direction même de l'entreprise, que le recours à la procédure d'embauche contractuelle va se trouver privilégié.
Aujourd'hui, quelque 5 p. 100 des effectifs de France Télécom ne sont pas fonctionnaires. Dans les faits, l'élection d'un comité technique paritaire induirait donc, si l'on suit la logique du texte de loi, que l'on procède à l'élection de dix-neuf représentants des personnels fonctionnaires et d'un représentant des personnels contractuels pour assurer la représentation des salariés de chaque statut. Il faudrait donc mettre en face vingt représentants de l'administration.
L'un des objectifs du projet de loi est clair : en délimitant strictement les collèges représentatifs des salariés entre fonctionnaires et contractuels, on tend dans les faits à créer les conditions de la progression de l'une des catégories - devinez laquelle ! - par rapport à l'autre.
On sait que l'un des objectifs de la politique de personnel que le projet de loi tend à développer est l'encouragement au départ massif en préretraite de nombreux agents titulaires.
Cela porte, dans les faits, sur des effectifs de plus de 41 000 salariés au titre des départs naturels, étant entendu que ces départs seraient compensés par des embauches de jeunes salariés sous statut non fonctionnaire.
Cette mesure devrait se traduire, si les effectifs restent stables - ce n'est pas certain - par une répartition des agents de France Télécom entre près de 50 000 contractuels et un peu plus de 100 000 fonctionnaires ; voilà qui permettrait d'ailleurs d'envisager de réduire le nombre d'élus du personnel dans le comité technique paritaire.
Dans l'hypothèse plus vraisemblable où le nombre des salariés de l'ensemble de l'entreprise France Télécom se réduirait aux alentours de 125 000 - c'est une hypothèse pour le moins contradictoire avec ce que nous laissait entendre le débat sur la réglementation - nous aurions un volant de quelque 20 000 contractuels et de 100 000 fonctionnaires.
Cette situation appelle plusieurs observations.
La première découle du fait que soit privilégiée l'embauche de personnels non fonctionnaires, singulièrement de jeunes. Il y a là une contradiction lorsque l'on sait que la plupart des enquêtes d'opinion soulignent l'attachement des jeunes à la notion d'emploi public.
Par ailleurs, les conditions prévisibles d'accomplissement des missions de service public, fût-il réduit à la dimension tronquée d'un service universel qui n'a d'universel que le nom, dans une période de réduction des effectifs, mènent tout à fait naturellement à s'interroger sur l'utilisation des gains de productivité, attendu que l'entreprise France Télécom devra produire autant de service rendu qu'auparavant pour faire face à ses missions.
Y aura-t-il une valorisation du travail des salariés qui seront de plus en plus « exploités » ?
N'y a-t-il pas, en réalité, derrière la logique du plan du Gouvernement, la volonté de modifier la culture de service public à laquelle sont attachés les fonctionnaires au profit d'une culture d'entreprise qui, en général, ne fait le bonheur que des actionnaires ? On en a fait malheureusement l'expérience ailleurs !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. L'amendement n° 72 vise à ce qu'un terme soit mis à l'existence de deux catégories de salariés de France Télécom et que, par voie de conséquence, le comité technique paritaire comprenne un nombre de représentants des salariés dans un collège unique, quel que soit leur statut, et sous réserve de conditions éventuelles d'ancienneté de présence pour être placé en position d'électeur. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 73.
M. Louis Minetti. Le texte proposé par l'article 5 pour le quatrième alinéa de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 prévoit que le comité paritaire créé est composé de représentants de l'entreprise et de représentants des personnels.
Cette formulation est éclairante sur la conception qu'a le Gouvernement de l'entreprise et du monde du travail.
Est-ce à dire que les représentants des salariés n'ont en aucune façon les capacités nécessaires pour représenter l'entreprise France Télécom ? Est-ce à dire encore que l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt des personnels ne sont pas liés ? C'est très différent lorsqu'il s'agit des intérêts du patronat, qui, aujourd'hui, fait du licenciement un mode de gestion à court terme de leur entreprise.
Nous sommes loin, par cette formulation, d'une conception démocratique de l'entreprise.
Aussi, l'amendement n° 73, qui est un texte de clarification, tend à préciser que les représentants de l'entreprise auxquels le texte fait référence sont, en fait, les représentants de la direction de l'entreprise.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande d'adopter, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendra l'amendement n° 75.
M. Robert Pagès. Cet amendement a pour objet de contribuer à faire d'une simple déclaration d'intention, qui a tenu en son temps le haut de l'affiche, une réalité. Il s'agit du concept de l'« entreprise citoyenne ».
Certains des amendements présentés par notre groupe sur l'article 5 nous ont permis de rappeler l'importance de cette notion, au regard non seulement de la démocratie, mais également d'une meilleure efficacité économique et sociale.
Afin de compléter les possibilités d'intervention offertes au comité paritaire, notre amendement prévoit la possibilité de permettre à ce dernier d'alerter, lorsqu'il siège en formation plénière, le ministre de l'industrie, de La Poste et des télécommunications et le Parlement à propos de toute situation susceptible de mettre en cause la pérennité de l'entreprise, l'accomplissement de ses missions de service public et les intérêts généraux de ses personnels.
Je rappellerai, à ce sujet, que l'article L. 432-5 du code du travail concernant les comités d'entreprise prévoit explicitement un droit d'alerte, puisqu'il dispose : « Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications.
« Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise ».
Nous souhaitons que le comité paritaire, dont l'article 5 prévoit la création, puisse alerter, de la même manière, celui qui demeure encore - du moins nous l'espérons ! - le principal actionnaire de France Télécom, à savoir l'Etat, par l'intermédiaire du ministre, ainsi que le Parlement, qui représente le peuple souverain.
Dans la mesure où France Télécom continuera de remplir certaines missions d'intérêt général, il est en effet important que le Parlement puisse intervenir et prévenir l'apparition de toute situation délicate.
Afin de promouvoir la démocratie, que ce soit au sein du Parlement ou dans l'entreprise, ainsi qu'une véritable citoyenneté dans l'entreprise, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement. La mise en oeuvre des dispositions qu'il prévoit ne devrait d'ailleurs pas présenter de grandes difficultés.
Nous espérons que M. le rapporteur et M. le ministre seront sensibles à cette préoccupation démocratique.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 74.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 5 crée auprès du président de France Télécom un comité paritaire en vue « d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel ».
Ce comité serait composé de deux collèges tenant compte de la proportion des personnels fonctionnaires et de celle des personnels sous statut de droit privé, mais il n'est pas indiqué de quelle manière seraient désignés les représentants du personnel.
Faudra-t-il attendre que le futur président de France Télécom désigne ceux qu'il souhaite voir siéger au sein de ce comité ?
Le comité paritaire doit être une instance démocratique élue.
Seules des élections au sein de l'entreprise France Télécom peuvent permettre de faire de ce comité autre chose qu'une « parlote », si j'ose m'exprimer ainsi, composée de membres sans rapport avec les volontés du personnel.
Dans les comités techniques paritaires de la fonction publique, les représentants des personnels sont élus. Il nous semble donc de bon sens que ce principe soit repris pour le comité créé par l'article 5 du projet de loi.
Redonner toute sa place à un grand service public des télécommunications nécessite que le personnel conserve toute sa place au sein de l'entreprise.
Cela impose également une véritable concertation entre la direction et l'ensemble des personnels par l'intermédiaire de leurs représentants.
Les 150 000 salariés de France Télécom exigent une grande ambition pour le secteur public des télécommunications. Nous faisons, en quelque sorte, entendre leur voix dans notre hémicycle, monsieur le ministre.
Ils ont participé à faire de l'entreprise ce qu'elle est devenue, à savoir un grand service public national aux savoir-faire unanimement reconnus.
Aussi l'amendement n° 74 vise-t-il à combler cette lacune du texte, en précisant que les représentants du personnel au comité paritaire seront non pas désignés, mais élus. Cet article 5 est décidément très important.
Mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet amendement, pour lequel j'en appelle à la sagesse de la Haute Assemblée. Peut-être finira-t-elle par triompher !
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. En présentant l'amendement n° 11, Mme Pourtaud a exprimé l'opposition du groupe socialiste à l'ensemble du projet de loi. Logiquement, cette opposition s'applique donc à l'intégralité de l'article 5. Je tiens à rappeler qu'il s'agit notamment, du maintien du statut de fonctionnaire et de la possibilité de recruter des fonctionnaires !
J'ai également relevé dans les propos de Mme Pourtaud une opposition sur un autre aspect du texte, que nous examinerons lors de la discussion de l'article 7 : il s'agit de la possibilité offerte à ceux qui le souhaitent d'opter pour un départ anticipé à la retraite - la terminologie sera un peu différente - ce qui favorise l'emploi des jeunes.
S'opposer à cette mesure, c'est prendre position contre l'ouverture d'emplois aux jeunes. (Mme Pourtaud proteste.)
Mme Hélène Luc. Vous vous moquez de nous !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Bref, je suis défavorable à l'amendement n° 11. S'agissant de l'amendement n° 57 dans la même logique, nous y sommes défavorables, pour deux raisons de fond.
Tout d'abord, en ce qui concerne le rattachement de fonctionnaires à l'entreprise nationale France Télécom, l'amendement tend à supprimer la date du 1er janvier 2002. Nous y reviendrons lors de l'examen d'amendements de repli, que j'ai qualifiés en commission, en hommage à la Bretagne et à ses élus, d' « amendements artichauts » puisqu'on pratique en retirant progressivement les feuilles. (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Vous essayez de fléchir M. Leyzour !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui ! ainsi que l'ensemble des élus bretons ! (Nouveaux sourires.)
Ensuite, cet amendement nie la possibilité pour l'entreprise nationale France Télécom d'employer des agents contractuels.
Pour ce qui est de l'amendement n° 59, je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu convaincre ses auteurs en commission.
Mme Hélène Luc. C'est nous qui sommes désolés !
M. Robert Pagès. L'histoire tranchera !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous y sommes défavorables.
Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 28 novembre 1958, le président de France Télécom est une autorité subordonnée. On a beaucoup évoqué le retour du général de Gaulle, par deux fois, aux affaires de ce pays ! Par référence à l'ordonnance, le président de France Télécom peut légitimement disposer du pouvoir de nomination des fonctionnaires.
Par ailleurs, l'article 3 du projet de loi dispose : « Les articles 5 à 13 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public sont applicables au conseil d'administration de France Télécom... » Vous avez voté cette disposition. Je rappelle que le président de France Télécom est nommé par décret, sur proposition du conseil d'administration. Le conseil d'administration sera majoritairement composé de représentants nommés par l'Etat, puisque l'Etat restera majoritaire.
Par conséquent, nous ne pouvons qu'être défavorables à l'amendement n° 59.
Nous aimerions pouvoir vous convaincre par cet ensemble d'arguments. L'ordonnance du 28 novembre 1958 et la loi du 26 juillet 1983 constituent, me semble-t-il, des références importantes et répondent à vos préoccupations.
Mme Hélène Luc. Pas du tout !
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission est également défavorable à l'amendement n° 61, qui reprend, sous une forme atténuée, des dispositions qui ont déjà été repoussées par la commission.
S'agissant de l'amendement n° 63, la commission a précisé, je le rappelle, qu'elle souhaitait un recrutement régulier de fonctionnaires sur la durée prévue ; cela figure dans son rapport.
Les assurances données par le ministre et par le président de France Télécom lors des auditions nous paraissent de nature à apaiser les inquiétudes des auteurs de l'amendement. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 64 est également un amendement de repli, un garde-fou, avez-vous dit en l'exposant. La date de 2002 a fait l'objet d'un accord dans le cadre des négociations avec les partenaires sociaux.
Pour ce qui est de la promotion, vous avez émis le souhait qu'il n'y ait pas de disparité entre les personnels. C'est un sujet que nous aborderons notamment lors de l'examen de l'article 7 du présent projet de loi. En effet, il est prévu qu'un accord interviendra avant le 31 décembre 1996 sur la gestion des carrières des personnels, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels. Nous sommes donc défavorables à cet amendement n° 64.
En ce qui concerne l'amendement n° 65, nous ne comprenons pas la motivation de ses auteurs. En effet, le projet de loi prévoit déjà le maintien du statut des fonctionnaires pour tous les agents concernés. Ce statut permet aux fonctionnaires, dans la mesure où un poste est offert, de demander leur reclassement. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 66, car il s'oppose à l'évolution de l'opérateur public en limitant le recours à l'emploi d'agents contractuels. Cela fait partie des options de fond qui figurent dans le projet de loi.
Pour ce qui est de l'amendement n° 67, je regrette que, s'agissant des 51 p. 100 détenus par l'Etat, M. Pagès ait établi un parallèle avec Renault. Je rappelle que Renault n'a pas de salariés fonctionnaires...
M. Robert Pagès. C'est la même logique !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... qui bénéficient du statut de la fonction publique. Nous nous sommes déjà expliqués sur le sujet.
Mme Hélène Luc. Vous ne voulez pas entendre ! C'est la même logique !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Renault n'est pas un service public !
M. Robert Pagès. Cela, on le sait !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nos collègues s'acharnenent à vouloir handicaper notre opérateur public.
Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 67.
En ce qui concerne l'amendement n° 69, nous y sommes également défavorables. A défaut d'avoir réussi à supprimer tout recrutement d'agents contractuels, il est proposé d'introduire une limitation. Il s'agit de la stratégie évoquée antérieurement.
J'en viens à l'amendement n° 70. L'article 5 du projet de loi prévoit, je le rappelle, la création d'un comité paritaire à même de permettre l'expression des salariés contractuels, contrairement au comité technique paritaire où leurs voix ne sont pas prises en compte, même s'ils sont éligibles.
La commission est défavorable à cet amendement pour des raisons de fond...
Mme Hélène Luc. C'est grave !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... relatives à la protection et à la représentation de ces personnels contractuels : ils doivent être pris en compte et non pas éliminés.
Mme Hélène Luc. C'est un aveu !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Par ailleurs, l'amendement n° 71 est satisfait, nous semble-t-il, puisque ; aux termes de l'article 5, les compétences du comité paritaire sont les mêmes que celles qui sont prévues pour les comités techniques paritaires.
Parmi ces compétences figure, je le rappelle, « la marche générale de l'entreprise », qui inclut les orientations économiques.
Peut-être les auteurs de cet amendement le retireront-ils. (M. Pagès fait un signe de négation.) La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 72, il s'agit, par replis successifs, de parvenir, si j'ose dire, au coeur de l'artichaut. (Sourires.) La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 73, quant à lui, ne nous paraît pas apporter de clarification : la direction de l'entreprise a pour fonction de représenter la société aux côtés des représentants des salariés. A moins qu'il ne s'agisse d'utiliser un mot à consonance d'affrontement entre les uns et les autres !
M. Robert Pagès. Pas du tout !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ce n'est pas dans l'esprit de la commission. Nous y sommes donc défavorables.
A propos de l'amendement n° 75, j'indique que l'article 5 prévoit que le comité paritaire est informé et consulté notamment sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise. Nous pensons, comme précédemment, que les préoccupations des auteurs de l'amendement sont satisfaites. Peut-il être le retireront-ils.
M. Robert Pagès. C'était pour bien clarifier !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Si tel n'était pas le cas, nous y serions défavorables.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 74, je voudrais d'abord dire à Mme Luc que tous, sur toutes les travées de cette assemblée, nous sommes unanimes à reconnaître la qualité des personnels qui ont mis en oeuvre, depuis trente ans, l'équipement de notre pays. Au demeurant, les rapports que j'ai eu l'honneur de présenter devant notre commission ou ces derniers jours en séance publique montrent bien que cette aventure des télécommunications a toujours été un grand succès à mettre à l'actif de l'entreprise, qu'elle ait été administration, opérateur public ou qu'elle soit entreprise nationale demain.
Mme Hélène Luc. C'est bien pourquoi il faut continuer cette aventure avec eux, monsieur le rapporteur !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il convient de rendre hommage à tous les personnels concernés, depuis les chercheurs, dont nous avons parlé la semaine dernière, jusqu'à ceux qui ont installé des milliers de kilomètres de lignes à travers notre pays et permis l'équipement des endroits les plus reculés.
Mme Hélène Luc. Il faut continuer cette belle aventure !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Enfin, madame Luc, un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités de fonctionnement des collèges dans des conditions permettant d'organiser de manière harmonieuse la représentation des différentes catégories de personnel.
Nous sommes donc aussi défavorables à l'amendement n° 74.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. L'amendement n° 11 vise à supprimer la possibilité offerte à l'entreprise de recruter à l'avenir des personnels contractuels alors que, précisément, l'objectif de ce projet de loi, nous l'avons rappelé tout au long de ce débat, est de donner à France Télécom les mêmes règles de gestion qu'aux entreprises du secteur des télécommunications, que ce soient de grands opérateurs mondiaux ou des opérateurs européens. Chacun comprendra donc que le Gouvernement soit opposé à l'adoption de l'amendement n° 11.
Si la plupart des raisons que Mme Pourtaud a évoquées, souvent pour la énième fois, pour justifier son opposition à ce texte sont des raisons d'ordre idéologique - et j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'y répondre - il y en a tout de même deux sur lesquelles je voudrais donner une réponse plus précise pour éviter tout contresens ou toute confusion.
La première repose sur l'idée que nous créerions une cohabitation entre deux statuts, un statut de fonctionnaire et un statut contractuel. Il n'a pas échappé à Mme Pourtaud que c'est la loi de 1990 qui a créé cette cohabitation ! Elle l'a d'abord créée à France Télécom, mais elle l'a créée aussi à La Poste, et c'est parce que la loi de 1990 y a permis l'embauche de contractuels que cette entreprise compte aujourd'hui 70 000 contractuels.
Sur la seconde idée, selon laquelle les possibilités de promotion seraient totalement bloquées pour les personnels fonctionnaires à partir de 2002, je veux m'inscrire en faux : les possibilités de promotion sont intégralement préservées, seuls les recrutements externes deviendront impossibles à partir de cette date.
L'amendement n° 57 du groupe communiste républicain et citoyen a pour objet de maintenir les personnels de France Télécom sous le régime du statut général de la fonction publique. Or le présent projet de loi laisse inchangées les dispositions de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, dont le premier alinéa prévoit que les statuts particuliers régissant les personnels fonctionnaires de France Télécom relèvent des titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'Etat.
L'amendement n° 59 tend à conférer au ministre le pouvoir de nommer des fonctionnaires à France Télécom. Outre le fait que cet amendement va à l'encontre de l'objectif recherché par le Gouvernement d'accorder plus d'autonomie et de souplesse de gestion à l'entreprise, objectif que vous avez combattu à plusieurs reprises, le texte qui vous est proposé est parfaitement conforme à l'avis du Conseil d'Etat, que vous avez vous-même cité à plusieurs reprises.
Sur l'amendement n° 61, le Gouvernement émet un avis défavorable, puisque cet amendement vise à maintennir le recrutement des fonctionnaires au-delà du 1er janvier 2002. C'est à la suite de négociations avec les partenaires sociaux, comme vous l'avez dit, que nous avons choisi cette date de 2002, qui correspond grosse modo à la durée du contrat de plan.
Sur l'amendement n° 63, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable, car cet amendement tend à renforcer l'obligation de recrutement de fonctionnaires par France Télécom alors que, je vous l'ai indiqué, le souhait du Gouvernement est inverse. J'ajoute que nous avons prévu, dans l'article 7 du projet de loi, que cette question du nombre de recrutements et des modalités de recrutement de fonctionnaires jusqu'en 2002 sera soumise à une négociation interne à l'entreprise. Ce point fera donc l'objet de l'accord qui devra intervenir entre le président de France Télécom et l'ensemble des partenaires sociaux.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 64, qui vise à maintenir le recrutement de fonctionnaires au-delà du 1er janvier 2002.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 65, qui tend au maintien intégral du statut de fonctionnaire avec possibilité de reclassement dans une autre administration. Comme je l'ai indiqué, les agents fonctionnaires de France Télécom conservent intégralement leur statut. Il n'y a donc pas lieu de le rappeler. La question du reclassement de ces fonctionnaires ne se pose pas, puisqu'ils sont maintenus de droit dans le statut de la fonction publique.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 66, qui vise à limiter l'emploi d'agents contractuels à certaines fonctions et aux exigences de l'organisation de certains services. Cette proposition est tout à fait contraire aux intentions du Gouvernement, qui souhaite que le recrutement d'agents contractuels devienne la règle à partir de 2002.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 67, qui a le même objet que le précédent.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 69, qui vise à ce que les conditions d'emploi des agents contractuels à France Télécom soient plus favorables que celles qui sont prévues par les conventions collectives applicables. Je veux tout d'abord rappeler à l'auteur de l'amendement, qui me l'a demandé, que la convention collective de La Poste et de France Télécom s'appliquera. De la sorte, les négociations de l'accord d'entreprise institué par l'article 7 permettront à l'évidence d'atteindre cet objectif par la concertation avec les partenaires sociaux sans qu'il soit nécessaire de légiférer sur ce point.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 70, qui vise à garantir l'existence du comité technique paritaire de France Télécom. La nouvelle structure proposée, le comité paritaire, présente sur le comité technique paritaire l'avantage de permettre la représentation de tous les personnels de l'entreprise et je n'imagine pas que vous souhaitiez un dispositif au sein duquel une catégorie de personnel ne serait pas représentée. Non seulement ce projet maintient les domaines de compétence des comités techniques paritaires prévus à l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 - organisation de l'entreprise, questions relatives aux intérêts des personnels et projets de statut particulier - mais encore il les élargit, puisque ce comité sera également informé de la gestion et de la marche générale de l'entreprise, ce qui répond d'ailleurs à une préoccupation largement évoquée par les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Maintenir le comité technique paritaire en plus du comité paritaire me semble donc tout à fait inutile.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 71, dont les auteurs souhaitent que le comité paritaire puisse être également informé sur les orientations économiques de l'entreprise. C'est un amendement qui, comme l'a indiqué M. le rapporteur, ne se justifie pas, puisque le comité paritaire sera informé « de la gestion et de la marche générale de l'entreprise », ce qui, à l'évidence, recouvre les orientations économiques. Ce n'est d'ailleurs pas une innovation, puisque ce sont, mot pour mot, les termes employés pour décrire l'objet des comités d'entreprise dans la loi.
M. Claude Billard. La loi de 1966 est beaucoup plus claire sur les comités d'entreprise !
M. François Fillon, ministre délégué. Je ne fais que reprendre les termes de la loi ! J'ajoute que l'article 10 de la loi du 2 juillet 1990 prévoit que les attributions du conseil d'administration sont régies par les articles 7 à 13 de la loi de démocratisation du secteur public du 26 juillet 1983. Or, vous ne l'ignorez pas, les salariés sont représentés au conseil d'administration. Votre amendement est donc, de mon point de vue, tout à fait inutile.
Mme Hélène Luc. C'est grave !
M. François Fillon, ministre délégué. Même avis défavorable sur l'amendement n° 72, qui vise à supprimer l'examen des projets de statut particulier par le comité paritaire. L'adoption de cet amendement remettrait en cause les droits des fonctionnaires de France Télécom, puisque les compétences des comités techniques paritaires prévues dans la loi de 1984 sont maintenues dans le cadre du comité paritaire institué par cet article, la consultation obligatoire en matière de règles statutaires étant une garantie fondamentale des fonctionnaires.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 73, qui tend à préciser que les représentants de l'entreprise sont ceux de la direction, les représentants du personnel pouvant également être considérés comme représentants de l'entreprise. Cet amendement ne me paraît pas opportun : il introduit une notion de direction qui est plus restrictive que celle d'entreprise et qui poserait des problèmes d'interprétation. De quelle direction s'agirait-il ? La phrase que vous incriminez ne souffre, en droit, d'aucune ambiguïté, puisque sa deuxième partie énumère les différentes catégories de représentants du personnel qui composent le comité paritaire avec les représentants de l'entreprise.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 75. Le comité que vous visez a vocation à assurer l'expression collective des intérêts de l'ensemble des personnels, fonctionnaires et contractuels. De plus, il appartient notamment au conseil d'administration et, au sein du conseil d'administration, aux représentants de l'Etat - qui, je vous le rappelle, seront majoritaires - d'alerter les pouvoirs publics sur d'éventuelles difficultés.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 74, qui vise à ce que les représentants des salariés au comité paritaire soient élus et non simplement désignés. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de fonctionnement de ce comité, mais je rappelle, en tout état de cause, que les représentants des organisations professionnelles dans les comités techniques paritaires - et c'est également actuellement le cas pour le comité technique paritaire de France Télécom - sont désignés librement par les organisations syndicales de fonctionnaires remplissant les conditions fixées par les articles L. 411-3, L. 411-4 et L. 411-22 du code du travail et considérées comme représentatives du personnel au moment où se fait la désignation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Lors de l'examen de l'article précédent, je disais faire confiance à l'intelligence de M. le rapporteur. Je ne voudrais pas avoir à le regretter !
Non, monsieur le rapporteur, le groupe socialiste n'est pas contre les garanties données aux salariés fonctionnaires ni contre les garanties données à des salariés que l'on pousse à la préretraite. Nous sommes, faut-il le répéter, pour le maintien du statut de 1990, mais dans sa totalité.
Non, monsieur le ministre, le statut de 1990 n'organisait pas la disparition des fonctionnaires de France Télécom, comme le fait votre projet de loi : j'en veux pour preuve qu'il en reste aujourd'hui 150 000.
J'en reviens à l'article 5.
J'ai souhaité, en défendant l'amendement n° 11, expliquer pourquoi le groupe socialiste était fondamentalement opposé aux nouvelles modalités d'embauche prévues par ce projet de loi.
Je souhaiterais maintenant dénoncer l'ensemble des garanties que votre projet de loi est censé apporter et qu'en fait il n'apporte pas.
Tout d'abord, vous nous dites que la représentativité des personnels est assurée ; mais qu'est-ce donc que ce comité paritaire que vous instituez ?
Il ne s'agit pas tout à fait d'un comité technique paritaire, et il ne s'agit même pas du tout d'un comité d'entreprise.
Certes, ce comité exerce les attributions confiées aux organismes paritaires de la fonction publique. Les prérogatives des fonctionnaires sont donc préservées en apparence.
Par ailleurs, vous nous dites que le personnel de droit privé sera enfin représenté et se verra reconnaître les mêmes droits que tout salarié du privé dans une grande entreprise. Or c'est faux : vous dérogez complètement au droit commun du travail, puisque vous ne prévoyez même pas la création d'un comité d'entreprise ou, au moins, l'attribution à ce comité paritaire des missions et, surtout, des moyens dévolus aux comités d'entreprise.
Vous prévoyez simplement que ce « comité paritaire » ad hoc sera « informé et consulté sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ». Ce n'est là que la reprise très partielle des attributions traditionnelles des comités d'entreprise. En droit du travail, le comité d'entreprise est également compétent en ce qui concerne les modifications de l'organisation juridique ou économique de l'entreprise. A ce titre, il a la possibilité de nommer un expert-comptable, notamment dans le cadre de la procédure d'alerte, lorsqu'il a connaissance de faits pouvant affecter la situation économique de l'entreprise. Priver de ce dispositif l'ensemble du personnel, qu'il s'agisse ou non de fonctionnaires, n'est pas acceptable dès lors que France Télécom décidera d'ouvrir son capital aux actionnaires privés.
Par ailleurs, vous n'avez pas prévu dans le projet de loi une égale répartition entre, d'une part, les représentants de l'entreprise et, d'autre part, les représentants du personnel. Pourquoi donc ? Est-ce un oubli ou s'agit-il de la manifestation de votre volonté de ne pas vouloir une juste représentation du personnel ?
En fait, par ce texte, vous faites fi du respect de la démocratie au sein de l'entreprise et vous bafouez les droits du personnel.
La crainte que j'exprimais dans ma question préalable, à savoir la précarisation générale des salariés de France Télécom par le recrutement uniquement de salariés en contrat à durée déterminée ou à temps partiel, se trouve confortée, me semble-t-il.
Enfin, vous nous dites que le maintien du statut de fonctionnaire est incompatible avec la transformation de France Télécom en société anonyme. Pour cela, vous vous réfugiez derrière l'avis du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993.
Mais dois-je vous rappelez que la jurisprudence du Conseil d'Etat n'est pas celle du Conseil constitutionnel ? Et, en admettant que l'argumentation du Conseil d'Etat soit recevable, dois-je aussi vous rappeler que le Conseil d'Etat, sollicité sur un projet de loi comparable, puisqu'il transformait l'Imprimerie nationale en société anonyme, a développé, selon un article du quotidien Le Monde datant d'octobre 1993, deux argumentations divergentes ?
Ainsi en assemblée plénière, les conseillers d'Etat auraient estimé qu'un président d'entreprise publique ne peut pas, même partiellement, gérer directement des fonctionnaires, au motif que cela porte atteinte aux pouvoirs constitutionnels du Président de la République en matière de nomination dans les emplois civils.
La section des finances, pour sa part, aurait émis un avis plus nuancé.
Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur cet avis auquel se réfère le journal Le Monde ?
En tout état de cause, s'il y a le moindre doute sur la compatibilité de la transformation de France Télécom en société anonyme et le maintien du statut de fonctionnaire, nous vous demandons, monsieur le ministre, de retirer votre projet de loi.
Pour nous, les interrogations sont trop nombreuses pour que nous ne repoussions pas votre projet de loi ainsi que, pour l'heure, cet article.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Moi, je ne doute pas de l'intelligence de M. le rapporteur...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci, monsieur le ministre ! J'étais inquiet !
M. François Fillon, ministre délégué... mais j'ai en revanche l'impression, madame le sénateur, que vous, vous me prenez pour un imbécile !
Mme Danièle Pourtaud. Alors, c'est réciproque !
M. François Fillon, ministre délégué. Ah non, madame ! J'ai trop de respect pour les membres du Sénat, tous les membres du Sénat !
Premièrement, j'ai dit tout à l'heure que la loi de 1990 organisait la cohabitation entre les fonctionnaires et les contractuels. Vous me répondez qu'elle n'organisait pas la disparition des fonctionnaires.
Je vous ai dit, je le répète, que la loi de 1990 organisait la cohabitation entre les fonctionnaires et les contractuels, et, de ce point de vue-là, il n'y a donc pas d'innovation juridique dans le présent projet de loi.
Deuxièmement, vous nous dites que le comité paritaire ne sera pas paritaire. Je ne sais pas où vous êtes allé chercher cela ! Il est clair qu'un comité paritaire est paritaire, ce qui signifie qu'il y a autant de représentants des personnels que des représentants de l'entreprise.
Troisièmement, enfin, comme j'ai eu l'occasion de le dire, hier, dans ma réponse à l'issue de la discussion générale, je veux rappeler que ce dispositif n'est pas né de l'imagination du Gouvernement : il est né d'une négociation avec les partenaires sociaux. Il ne s'agit pas d'un texte qui lèserait leurs intérêts, puisqu'il a fait l'objet d'une très large négociation avec les partenaires sociaux.
Mme Danièle Pourtaud. Entre la peste et le choléra...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Dans son explication de vote, Mme Pourtaud a demandé de façon pressante que les dispositions du code du travail relatives au comité d'entreprise s'appliquent. Or la loi de 1990 prévoyait expressément dans son article 31 que l'emploi des agents contractuels « n'a pas pour effet de rendre applicables à La Poste et à France Télécom les dispositions du code du travail relatives au comité d'entreprise ».
Cela signifie, madame le sénateur, que vous proposeriez de revenir à un dispositif antérieur à la loi de 1990 !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. Je suis désolé, madame le sénateur, mais vous êtes déjà intervenue pour expliquer votre vote. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 57.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Compte tenu de l'importance du sujet, nous demandons un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 93
Contre 222

Mme Hélène Luc. La sagesse n'a pas triomphé !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Danièle Pourtaud. Le groupe socialiste également.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. « Art. 6. - A l'article 30 de la même loi, il est inséré, après le b, un c et un d ainsi rédigés :
« c) s'agissant de l'entreprise nationale France Télécom, une contribution employeur à caractère libératoire, due à compter du 1er janvier 1997, en proportion des sommes payées à titre de traitement soumis à retenue pour pension. Le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat. Ce taux peut faire l'objet d'une révision en cas de modification desdites charges. Les modalités de la détermination et du versement à l'Etat de la contribution employeur sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
« d) à la charge de l'entreprise nationale France Télécom, une contribution forfaitaire exceptionnelle, dont le montant et les modalités de versement seront fixés en loi de finances avant le 31 décembre 1996. »
Sur l'article, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de l'article 6 du projet de loi soulève quelques-unes des questions fondamentales posées par la modification statutaire occasionnée par le projet de loi pour l'exploitant public France Télécom.
En effet, il préconise, du fait de l'ouverture au secteur privé d'une partie significative du capital de France Télécom et de la « sociétisation » de l'exploitant public, la mise en place d'un dispositif nouveau de financement du régime de retraite de France Télécom.
La particularité de France Télécom est de dégager suffisamment de marge commerciale et de valeur ajoutée pour pouvoir rapidement autofinancer autant ses investissements - nous avons vu ce qu'il en était en termes de marge brute d'autofinancement, celle de France Télécom n'ayant rien à envier à celle des plus importantes entreprises privées - que les conditions générales de sa politique de ressources humaines.
Parmi ces conditions, figure, en particulier, le régime de retraite, qui est actuellement excédentaire, d'importantes provisions - 50 milliards de francs - ayant été constituées pour prendre en charge le financement de la retraite des agents de l'exploitant public.
Le devenir du régime de retraite de France Télécom dépend étroitement, en fait, de la politique de recrutement qui va être menée pour ces prochaines années par l'entreprise publique.
Or, que constatons-nous à ce propos ?
Contrairement à la tendance que semblait vouloir imprimer le développement de l'emploi dans le secteur des télécommunications, avec la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation, le groupe France Télécom, qui sera progressivement privé de ses compétences au profit des opérateurs privés, va voir le nombre de ses emplois sensiblement baisser.
On parle en effet - je cite les perspectives fixées par le rapport de notre collègue M. Gérard Larcher lui-même - de quelque 30 000 suppressions d'emplois.
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'est exact.
M. Robert Pagès. Quant aux emplois qui seraient créés, force est de constater que le projet de loi recommande chaudement de recourir massivement à l'embauche de salariés contractuels de droit privé, qui sont, par nature, assujettis au régime général de sécurité sociale.
Il est une dernière variable : à quelles conditions « incitatives » les actuels fonctionnaires demanderont-ils l'application du régime des salariés de droit privé ?
On ne peut en effet oublier que le mouvement général des rémunérations dans la fonction publique est aujourd'hui profondément marqué par la volonté du pouvoir de réduire les dépenses publiques. Cela se traduit par un gel des rémunérations qui peut, en soi, constituer un puissant moteur pour tenter l'aventure du second statut.
Il est donc patent que le régime de retraite des salariés de France Télécom risque de connaître, malgré les assurances réitérées du Gouvernement et du rapporteur, des difficultés majeures.
Il est donc mis en place un dispositif, celui de la soulte, qui consiste à mettre France Télécom en situation de rembourser à l'Etat les sommes qui correspondront a priori à la prise en charge par le budget général du déficit structurel du régime de retraite que le projet de loi aura lui-même contribué à créer.
Nous reviendrons sur la question et la problématique posées par ce nouveau prélèvement, d'ailleurs imprécis - on parle de 40 milliards de francs de versement, dont on ne sait comment il sera fractionné effectué - par l'Etat sur la richesse créée par le travail des agents de France Télécom.
Nous poserons trois questions.
N'eût-il pas mieux valu, au lieu de mettre en place un montage financier complexe et qui ne manquera pas d'être, en son temps, au gré des circonstances, détourné de son objet, ne toucher à rien et maintenir l'existant, c'est-à-dire le statut d'exploitant public ?
Ne vaut-il pas mieux, s'agissant du financement des retraites des salariés de France Télécom et au regard de la situation des personnels des autres opérateurs, s'interroger sur le relèvement des garanties accordées à ceux-ci, afin de faire du statut des salariés de droit public l'élément de référence ?
Une grande entreprise nationale comme France Télécom - l'expression « entreprise nationale » étant bien sûr comprise ici en termes de comptabilité nationale - a-t-elle vocation à servir de vache à lait, comme jadis l'administration des PTT ou, aujourd'hui, Electricité de France quand il s'agit de financer la liaison Rhin-Rhône, à un Etat en mal de ressources ?
Sur ce dernier point, il nous semble utile de rappeler deux chiffres simples : d'une part, depuis 1982, sous des formes diverses - d'ailleurs non réévaluées en francs constants -, France Télécom a contribué au budget général avec 160 milliards de francs ; d'autre part, la dette de l'opérateur public est de 95 milliards de francs.
France Télécom ne serait donc pas endetté si l'autonomie de gestion avait effectivement eu un sens.
L'absence de dette aurait d'ailleurs eu comme conséquence de rendre moins chère la taxe de base portant sur les communications. Elle est de cinq centimes, soit quelque 7 p. 100 du prix actuel !
Bien entendu, pour l'ensemble de ces raisons, je confirme l'opposition résolue du groupe communiste républicain et citoyen à l'adoption de l'article 6.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte et Saunier, et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 77 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 78 tend à rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par l'article 6 pour le c de l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 : « Le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à assurer le versement des prestations du régime des retraites des personnels de France Télécom. »
L'amendement n° 79 vise, dans le texte proposé par l'article 6 pour le d de l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à supprimer les mots : « l'entreprise nationale ».
L'amendement n° 80 a pour objet, à la fin du texte proposé par l'article 6 pour le d de l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « en loi de finances avant le 31 décembre 1996 » par les mots : « après examen des créances croisées entre France Télécom et l'Etat, par une commission paritaire d'évaluation composée, d'une part, des représentants du ministère des finances et, d'autre part, des commissaires aux comptes d'exploitant public et de représentants des syndicats les plus représentatifs de son personnel ».
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 12.
Mme Danièle Pourtaud. L'article 6 modifie le financement des retraites des fonctionnaires de France Télécom, non pour leur propre bénéfice, mais pour permettre la présentation de France Télécom sur le marché financier, bref pour plaire aux actionnaires privés. Le Gouvernement considère en effet que, dans un environnement qu'il qualifie de concurrentiel, le niveau des charges sociales sera un élément de compétitivité pour la nouvelle entreprise. Il faut donc que la société anonyme France Télécom soit soumise aux mêmes règles que les opérateurs privés.
C'est pourquoi le Gouvernement a inventé un dispositif qui vise à remplacer la contribution que paie actuellement France Télécom par une contribution « employeur » à caractère libératoire, « calculée de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires, entre France Télécom et les autres entreprises de ce secteur ».
Cette modification est d'autant plus urgente aux yeux du Gouvernement que l'étude de la pyramide des âges de France Télécom fait apparaître que les charges de pensions ne vont cesser de croître jusqu'en 2005 pour augmenter de manière exponentielle au-delà de cette date. Le taux de contribution patronale passerait de 29 p. 100 aujourd'hui à 47 p. 100 en 2005 et 77 p. 100 en 2010. C'est ce que M. le rapporteur appelle élégamment « le boulet de la dette des retraites ».
Pour équilibrer cela, deux solutions se présentent.
La première consisterait à recruter un nombre important de fonctionnaires, mais ce n'est pas le choix du Gouvernement puisqu'il entend interdire le recrutement de fonctionnaires au-delà de 2002, se privant ainsi d'une ressource, celle qui provient de la part retenue sur leurs traitements.
L'objectif du Gouvernement est, comme on l'a dit à plusieurs reprises, de privatiser France Télécom, d'où le mécanisme complexe et peu fiable envisagé dans le projet de loi pour payer la charge des retraites des fonctionnaires jusqu'à la disparition du dernier d'entre eux, charge évaluée à 250 milliards de francs. Ces chiffres figurent dans le document du Gouvernement soumis à consultation publique.
France Télécom verserait à l'Etat ce qu'elle doit au titre de la nouvelle contribution, soit 100 milliards de francs. Elle verserait aussi les provisions qu'elle a inscrites à son budget en vue du paiement de ces retraites, soit 22,5 milliards de francs en 1996.
Une autre solution pourrait résider dans la vente de France Télécom. La vente de 25 p. 100 des actions de la nouvelle société anonyme pourrait rapporter quelque 50 milliards de francs.
Pour solde de tout compte, selon ce que M. le Premier ministre a indiqué, France Télécom verserait une soulte de 40 milliards de francs.
En tout état de cause, on aboutit à environ 210 milliards ou 212 milliards de francs et non à 250 milliards. Par ailleurs, et c'est là où le bât blesse, rien ne nous assure que la vente d'actifs ou encore que la soulte soient exclusivement utilisée au paiement des pensions des fonctionnaires. Il n'est pas prévu de créer un fonds qui serait chargé de collecter ces sommes et qui serait expressément affecté au paiement des retraites. Tout est suspendu à la loi de finances : monsieur le ministre, vous nous demandez en quelque sorte de signer un chèque en blanc.
Comment pourrions-nous accorder quelque crédit à vos engagements ? Le Gouvernement n'a-t-il pas annoncé qu'il voulait réduire les impôts ? Ne sera-t-il tenté de financer cette réduction d'impôts en détournant la manne des retraites de leur objet ? Il est difficile de lui faire confiance. Ne nous avait-il déjà pas dit qu'il baisserait les impôts, alors qu'il les a augmentés de 130 milliards de francs en un an ?
Que risque-t-il de se passer à terme ? Tout bonnement, le Gouvernement nous refera le coup de décembre 1995 et annoncera une réforme du système de retraite des fonctionnaires de France Télécom. M. Juppé montrera alors du doigt les fonctionnaires de France Télécom, ces « nantis » qui grèvent le budget de l'Etat ! Il présentera un projet de loi réformant les retraites des agents de France Télécom.
Ce scénario, nous n'en voulons pas. C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l'article 6.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Louis Minetti. Cet amendement vise à la suppression de l'article 6.
Nous avons déjà indiqué que cet article découlait de la modification statutaire de France Télécom et, sous prétexte de permettre l'harmonisation des conditions de la concurrence entre France Télécom et nos opérateurs privés de télécommunications, de la nécessité de modifier les conditions de financement et notamment la base de calcul des recettes du régime de retraite des agents fonctionnaires de l'exploitant public.
Un système complexe prend donc la place de celui qui existait. Il consiste, d'après les informations que nous détenons, à faire en sorte que France Télécom soit en mesure, sans difficulté majeure, de faire face au financement intégral de la retraite de ses agents.
Le problème vient de ce que la logique malthusienne qui préside aujourd'hui à la politique des ressources humaines au sein de l'exploitant public France Télécom induit, à l'horizon 2005, une dégradation progressive du ratio actifs-retraités et fait donc planer une menace sur le devenir du régime de retraite.
La solution envisagée dans le projet de loi qui nous est soumis est-elle plus favorable ?
En toute objectivité, elle ressemble un peu, pour ne pas dire beaucoup, aux mésaventures des compagnons d'Ulysse tombés de Charybde en Scylla.
En effet, quand on y regarde de plus près, peut-on qualifier France Télécom d'entreprise peu compétitive en terme d'emploi et de coût du travail, pour reprendre un concept à la mode du côté de la Bourse ?
Que constate-t-on ?
Les frais de personnel de l'exploitant public représentent aujourd'hui quelque 20 p. 100 des produits d'activité, ce qui n'est pas le propre d'une situation dramatique au regard de nombreuses autres entreprises.
Dois-je rappeler que la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand privé est de 60 p. 100, ce qui fait que la masse salariale représente environ 30 p. 100 du chiffre d'affaires d'une entreprise privée moyenne ?
En réalité, il n'y a aucun surcoût en matière de personnel à France Télécom.
Il y aurait même plutôt, en la matière, du grain à moudre pour embaucher et revaloriser les rémunérations des personnels actifs de l'entreprise.
Il y en aurait par exemple pour réduire les coûts de fonctionnement liés à la sous-traitance.
Il y en a aussi pour créer les conditions d'une véritable coopération avec les industriels de la téléphonie, qui fasse un peu oublier la fameuse affaire de la surfacturation d'Alcatel d'un montant de 2 milliards de francs, laquelle n'a, dans les faits, servi qu'à mettre en place un juteux dispositif de stock options pour les cadres dirigeants d'Alcatel et de ses filiales.
Au-delà, se pose la question de savoir à quoi va servir la soulte pavée par France Télécom en échange de la prise en charge des coûts de financement du régime de retraite par l'Etat.
Il s'agit en réalité de créer, comme cela a eu lieu dans le passé, un nouveau prélèvement sur une grande entreprise publique.
Je ne manquerai pas de rappeler que c'est l'opérateur public lui-même, sur sa propre capacité financière, qui a assumé la charge de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de France Télécom.
M. le ministre nous a assuré que les prélèvements au titre de la soulte représenteraient au pire 40 milliards de francs. A quoi vont effectivement servir ces sommes ?
Nous craignons en effet que, peut-être de façon indirecte, France Télécom ne soit bientôt, par le biais d'une affectation différenciée du produit de la soulte - cette contribution exceptionnelle appelée à devenir régulière - mise en situation de participer soit à la réduction des déficits des régimes de retraite déficitaires, soit encore à la réduction du déficit des comptes sociaux.
C'est pour parer à ce qu'il faut bien appeler une perversion de l'utilisation de l'argent public que nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 78.
Mme Nicole Borvo. Nous venons d'exprimer notre totale opposition au système qui nous est proposé pour préparer la privatisation du régime de retraite des agents de France Télécom. Cela ne peut de toute évidence que se traduire par un amoindrissement de leurs garanties sociales.
Le système de retraite de France Télécom, fondé sur la continuité de l'Etat, a autant le mérite de l'efficacité que celui de la simplicité.
Monsieur le rapporteur, vous nous assurez que le nouveau système « n'aura pas d'effet sur le niveau des prestations perçues par les agents de France Télécom ».
En vérité, ici comme ailleurs, il serait plus judicieux de l'inscrire directement dans la loi.
En effet, la deuxième phrase du texte proposé pour le c de l'article 30 de la loi de 1990 n'est pas suffisamment explicite à cet égard.
Elle indique que « le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat. »
Ni cette phrase ni le reste de cet alinéa c ne garantissent le maintien du niveau des prestations perçues par les agents de France Télécom.
Dans la phrase que nous voulons remplacer, la question n'est considérée que du point de vue de l'égalisation des conditions de concurrence entre opérateurs public et privés.
Cette phrase affirme que France Télécom et ses concurrents doivent payer des « charges » sociales équivalentes.
Je signale au passage que nous récusons ce terme de « charges » au profit de celui, plus juste, de « cotisations ».
M. Robert Pagès. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Pour en revenir à notre sujet de préoccupation, nous souhaiterions que le taux de la contribution libératoire définie par cet article soit calculé de manière à assurer le versement effectif des prestations du régime des retraites des personnels de France Télécom.
C'est tout le sens de l'amendement n° 78, que nous vous proposons d'adopter, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 79 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 80.
M. Félix Leyzour. L'objet de cet amendement, vous l'avez bien compris, est de faire la clarté dans les relations financières entre l'Etat et France Télécom.
L'article 6 de ce projet de loi met en place un nouveau système de financement des retraites des agents de France Télécom.
Bien entendu, il faut que les salariés parvenant à l'âge de la retraite après une vie de travail perçoivent une retraite. Cependant, nous ne sommes pas d'accord avec le système qui est mis en place et qui est en retrait par rapport à celui qui est actuellement en vigueur.
Le dispositif retenu se traduira par le versement d'une soulte de 40 milliards de francs de l'entreprise à l'Etat pour compenser le versement par ce dernier des pensions de retraites aux derniers fonctionnaires en poste à France Télécom. Or 40 milliards de francs, ce n'est pas rien, même pour une entreprise aussi efficace que France Télécom !
Je rappelle que l'entreprise publique réalise entre 9 milliards et 10 milliards de francs de bénéfice par an ; cette soulte représente donc quatre années de bénéfices pour l'entreprise publique.
En conservant l'actuel système de retraite, l'entreprise publique pourrait donc, aujourd'hui, consacrer 40 milliards de francs à son développement, à celui du service public des télécommunications et à celui de la recherche. Quel gâchis financier !
Quand on compare ces 40 milliards de francs aux 160 milliards de francs que France Télécom a rapportés à l'Etat depuis 1982, on se demande pourquoi l'entreprise publique devrait verser 40 milliards de francs de plus.
Notre amendement n° 80 pose donc un vrai problème : celui de la juste évaluation de ce que l'Etat doit à France Télécom et de ce que France Télécom doit à l'Etat.
Nous souhaitons qu'une commission paritaire soit mise en place pour réaliser cette évaluation.
Elle pourra constater l'étendue du gâchis que constitue le dispositif proposé par le Gouvernement dans cet article 6.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter l'amendement n° 80.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, certains d'entre nous ayant contracté des engagements, l'heure nous impose d'interrompre maintenant nos travaux ; nous entendrons les avis de la commission et du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements à la reprise de la séance, à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod, vice-président.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

REPRÉSENTATION DU SÉNAT
AU SEIN D'UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de son représentant dans un organisme extraparlementaire.
J'invite la commission des affaires sociales à présenter un candidat pour siéger au sein du Conseil national du bruit.
La nomination au sein de cet organisme aura lieu ultérieurement.

7

ENTREPRISE NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

Article 6 (suite)

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Je rappelle que les amendements n°s 12, 77, 78 et 80, ont été présentés.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. L'article 6, je le rappelle, traite du financement des retraites des agents de France Télécom.
S'agissant des amendements n°s 12 et 77, la suppression de cet article reviendrait à maintenir l'actuel système de paiement des pensions des anciens « télécommunicants » et donc, en vertu de la loi de 1990, à en faire supporter la charge, pour l'essentiel, à France Télécom, c'est-à-dire à condamner à terme l'entreprise à l'asphyxie financière.
Le taux de contribution de l'entreprise au titre des retraites, qui est aujourd'hui de 29 p. 100, soit déjà neuf points de plus que la concurrence, sera, toutes choses égales par ailleurs, de 38 p. 100 en l'an 2000, de 47 p. 100 en 2005 et de 77 p. 100 en 2010, sous le simple effet de l'évolution démographique. Ces chiffres le démontrent, le mécanisme institué par la loi de 1990 constitue une erreur, qu'il convient de reconnaître. Persévérer dans cette erreur serait effectivement diabolique pour France Télécom ! (Sourires.)
Je précise que 62 p. 100 du personnel de France Télécom a aujourd'hui entre trente-six et quarante-neuf ans, ce qui explique cette croissance exponentielle des charges de retraite d'ici à 2010.
Mme Pourtaud ayant évoqué le nombre d'emplois à France Télécom, je rappelle que, entre 1984 et 1992, c'est plus de 18 000 suppressions nettes d'emplois qui ont été conduites à France Télécom et que, au début de 1993, il y avait dans les tiroirs des prévisions faisant état de plus de 30 000 suppressions d'emplois pour la décennie à venir.
Dans un tel contexte, issu de la loi de 1990, il est impératif d'agir. Maintenir le système actuellement en vigueur, ce serait vouer France Télécom à une mort certaine ; il ne resterait plus qu'à faire la « chronique d'une mort annoncée » !
Il revient aujourd'hui à notre assemblée de modifier le financement des retraites, d'assurer le paiement des retraites au titre du code des pensions civiles et militaires - quelle meilleure garantie pour ces fonctionnaires ? - et, en même temps, de faire de France Télécom une entreprise qui supporte, au titre des retraites, des charges comparables à celles qui pèsent sur les entreprises concurrentes.
Voilà pourquoi nous sommes tout à fait défavorables aux amendements n°s 12 et 77.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 78, car la rédaction proposée par le Gouvernement nous paraît plus à même de garantir la loyauté de la concurrence entre France Télécom et les autres opérateurs puisqu'elle prévoit une égalisation des charges entre France Télécom et ses concurrents, ce qui donne en même temps au personnel de France Télécom une garantie quant au paiement des retraites.
En ce qui concerne l'amendement n° 80, les précisions données par M. le ministre sur le montant de la soulte me semblent de nature à apaiser les inquiétudes que nous avions exprimées tous ensemble, notamment au sein de la commission, quand nous avions eu connaissance de chiffres qui circulaient ici ou là.
En conséquence, nous demandons le rejet de l'amendement n° 80.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace. Je suis bien entendu défavorable aux amendements n°s 12 et 77, qui visent à supprimer le dispositif que le Gouvernement propose de mettre en place en ce qui concerne le financement des pensions de retraite des agents de France Télécom.
Je peux comprendre que le groupe communiste soit opposé, parce qu'il se situe dans une autre logique économique, à l'ouverture au capital de France Télécom. En revanche, je comprends moins l'attaque portée contre une mesure qui, indépendamment du changement de statut de France Télécom, vise à assurer, à long terme, la pérennité de l'entreprise.
Personne ne peut imaginer que France Télécom, qu'elle soit en situation de monopole ou en situation de concurrence, puisse un jour supporter une charge de retraites qui représenterait 77 p. 100 de la masse salariale, sauf à augmenter le coût des communications téléphoniques de manière exorbitante, ce qui reviendrait à nous isoler un peu plus de cette société de l'information dont on a beaucoup parlé pendant ce débat.
Les organisations syndicales elles-mêmes reconnaissent que cette situation n'est pas viable et ont souhaité qu'une solution soit apportée.
On aurait pu imaginer - j'ai cru comprendre tout à l'heure que Mme Portaud avançait une telle hypothèse - la création d'un fonds de pension pour les agents de France Télécom. Le Gouvernement s'y est cependant refusé, sachant que cette solution se heurte à une assez large hostilité, notamment de la part des partenaires sociaux qui souhaitent conserver le système de répartition qui est aujourd'hui le nôtre.
Dans ces conditions, les critiques dont ce dispositif fait l'objet m'étonnent vraiment, car il prévoit que l'Etat prend directement à sa charge le paiement des retraites des agents de France Télécom et soulage, du même coup, les comptes de l'entreprise, ce qui ne peut manquer de mieux assurer son avenir.
L'amendement n° 78, qui tend à garantir les prestations servies par les régimes de retraite au personnel de France Télécom, constitue pour moi un non-sens puisque, d'une part, le taux de contribution que nous proposons est égal au taux actuel et que, d'autre part, il correspond, de par sa définition même, à un régime qui n'est pas libératoire.
Cet amendement ferait donc peser, dans le futur, une charge insupportable pour l'entreprise.
J'émets également un avis défavorable sur l'amendement n° 80.
J'ai eu l'occasion d'expliquer à plusieurs reprises quel raisonnement permettait d'arriver au calcul d'une contribution exceptionnelle de l'ordre de 40 milliards de francs.
Je rappelle que France Télécom a déjà provisionné 22,5 milliards de francs, précisément en vue de l'augmentation de la charge des retraites. Ces 22,5 milliards de francs constitueront une partie du paiement de cette contribution exceptionnelle. D'une manière étalée, France Télécom acquittera l'autre partie, de sorte que la différence entre la charge que l'Etat reprend et les contributions que France Télécom apportera à l'Etat, à travers les charges sociales, la contribution exceptionnelle et la mise sur le marché du prix du capital, vienne équilibrer à peu près les 250 milliards de francs que représente l'ensemble des charges de retraite.
J'ajoute que le Gouvernement a veillé à ce que l'avenir de l'entreprise soit préservé : non seulement le montant de cette soulte a été calculé au plus juste, mais l'entreprise n'aura pas à verser de cotisations chômage pour ses employés qui resteront sous le statut de fonctionnaire.
Il est normal, me dira-t-on, que l'entreprise ne paie pas de cotisations chômage pour des fonctionnaires. C'est vrai, mais le choix qui est inscrit dans le texte et qui consiste à aligner les cotisations sociales de France-Télécom sur celles des entreprises du même secteur aurait pu conduire l'Etat - et le débat a eu lieu - à ajouter les cotisations chômage.
Nous avons pensé qu'il valait mieux permettre à France Télécom, par exemple, de mettre en oeuvre un système ambitieux de préretraite ou de congés de fin de carrière et de l'exonérer de cette charge correspondant aux cotisations chômage, qui auraient représenté, sur la période que nous avons évoquée, environ 20 milliards de francs.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n° 12 et 77.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le ministre, je ne vous ferai certainement pas, sur ce sujet, le reproche de l'incohérence : je reconnais bien volontiers que vos explications forment un tout, qu'on approuve ou qu'on désapprouve, et, en l'occurrence, nous désapprouvons.
Je n'hésite pas à le dire, s'il n'était question que d'un débat sur des retraites, le ton serait sans doute différent, parce que le problème ne se poserait pas dans les mêmes termes. Mais nous traitons là des retraites à travers la modification du statut de France Télécom. C'est la raison pour laquelle, en cohérence avec l'ensemble des amendements de suppression que nous avons déposés, qui ne font que prolonger notre opposition de fond à ce projet de loi, nous proposons de supprimer également l'article 6.
Par conséquent, je vous demande de ne pas avoir une lecture tronçonnée de ces amendements de suppression, qui laisserait croire que, sur ce sujet, et sur ce sujet seulement, nous serions favorables au retour au statu quo ante .
S'il fallait engager une discussion globale sur les retraites, les données du problème seraient complètement différentes puisqu'il s'agirait de traiter celui-ci d'une manière générale - nous savons bien que nous allons vers une crise du système des retraites et qu'il faudra y apporter des réponses globales - et nous nous opposerions sans doute sur la manière d'y répondre.
Mais permettez-moi de rappeler pour mémoire, et à sa mémoire, que Pierre Bérégovoy avait envisagé, pour garantir le niveau des retraites sans être obligé de procéder constamment à des ponctions nouvelles, de créer un fonds de garantie alimenté par les actifs des entreprises nationalisées. C'était une idée. Elle avait provoqué bien des débats à l'époque, y compris, je n'hésite pas à le dire, parmi les socialistes, qui voyaient dans ce système une trouvaille efficace, mais qui craignaient que ce ne soit la porte ouverte au système de retraite par capitalisation.
Vous voyez que le diable se loge toujours dans les détails, et que ces questions extrêmement importantes sont l'occasion de confrontations très larges qui atteignent chaque formation politique !
Mais, monsieur le ministre, ce n'est pas de cela qu'il est question en cet instant. Il s'agit simplement ici de s'opposer à un projet de loi dont l'économie, nous en avons déjà fait la démonstration, me semble-t-il, ne nous convient aucunement.
Au demeurant, je vous l'ai déjà dit, quelle que soit la solution que vous trouverez, elle sera toujours insatisfaisante : soit que vous mettiez France Télécom à forte contribution, ce qui serait légitime, puisque, jusqu'à présent, elle assumait ses responsabilités, car, alors, j'en suis tout à fait d'accord, on tuerait l'entreprise ; soit que vous n'en demandiez pas trop parce que vous ne voulez pas tuer l'entreprise, mais lui laisser ses chances, car vous reporteriez alors la charge sur la collectivité ; or celle-ci est en droit de trouver que c'est un procédé qui ne lui convient pas puisqu'il s'agirait en définitive de soulager une société dont les actifs seront progressivement privatisés. Le problème est donc insoluble !
C'est pourquoi j'avais dit, lors de la discussion générale, qu'il me semblait que la question de la soulte et des retraites était en quelque sorte le coeur du cyclone, le coeur des contradictions de l'économie générale de ce texte. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression, que bien évidemment je maintiens, nonosbstant les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur. J'ai d'ailleurs bon espoir de rassembler une majorité sur cette question.
M. Jean Chérioux. On peut rêver !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 77, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean Chérioux. Le rêve passe !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 6.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe socialiste également.
(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel après l'article 6

M. le président. Par amendement n° 121 rectifié bis, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans la même loi un article 30-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1. - Jusqu'au 31 décembre 2006, les agents fonctionnaires affectés à France Télécom à la date de promulgation de la présente loi et âgés d'au moins 55 ans, à l'exception des agents pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate au titre de l'article L. 24-I-1) et 2) du code des pensions civiles et militaires de retraite, peuvent, sur leur demande et sous réserve de l'intérêt du service, bénéficier d'un congé de fin de carrière, s'ils ont accompli au moins 25 ans de services, à France Télécom ou dans un service relevant de l'administration des postes et télécommunications, pouvant être pris en compte pour la constitution du droit à pension en application de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
« Dans ce cas, les intéressés ne peuvent revenir sur le choix qu'ils ont fait. Ils sont mis à la retraite et radiés des cadres à la fin du mois de leur soixantième anniversaire.
« Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière. Cette rémunération est assujettie aux cotisations prévues par les dispositions relatives aux assurances sociales et prestations familiales du code de la sécurité sociale.
« La période de congé de fin de carrière est prise en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension. France Télécom verse à l'Etat, au titre des agents en congé de fin de carrière, une contribution d'un montant égal à celui qui aurait résulté de l'application des dispositions des a) et c) de l'article 30 de la présente loi si ces agents étaient demeurés en activité à temps plein.
« Un décret fixe, le cas échéant, les modalités du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 126, présenté par MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen ; ce sous-amendement vise, dans le texte proposé par l'amendement n° 121 rectifié bis pour l'article 30-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à insérer, après le deuxième alinéa, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Tout poste statutaire libéré par un agent bénéficiant des dispositions prévues par cet article est compensé par un nouveau recrutement. »
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. François Fillon, ministre délégué. Comme j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de le dire au Sénat, nous avons négocié cette réforme avec les partenaires sociaux qui l'ont souhaité. Cette négociation qui a été conduite notamment au sein de l'entreprise s'est poursuivie jusqu'à ces derniers jours, et a abouti au dispositif du congé de fin de carrière que cet amendement vise à mettre en place.
Ce dispositif tend à permettre le recrutement de jeunes dans une entreprise qui, M. le rapporteur l'a souligné à l'instant, a vieilli. Ce vieillissement est dû, comme je l'ai indiqué à la fin de la discussion générale, à la réduction très régulière des effectifs depuis 1984 : ceux-ci sont passés de quelque 170 000 agents en 1984 à quelque 150 000 agents aujourd'hui.
Cette diminution des effectifs, rendue nécessaire par les progrès technologiques et par la recherche d'une meilleure productivité, entraîne un rétrécissement de la base de la pyramide des âges du personnel de France Télécom. Afin de lutter contre ce vieillissement, le président de l'entreprise a négocié avec les partenaires sociaux ce dispositif, qui sera applicable pendant une période de dix ans et qui permettra aux fonctionnaires qui le souhaitent, et bien entendu à ceux-là seulement, de bénéficier d'un congé de fin de carrière à partir de cinquante-cinq ans en disposant d'un salaire qui s'élèvera à 70 p. 100 de leur rémunération globale.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour présenter le sous-amendement n° 126.
M. Robert Pagès. L'amendement n° 121 rectifié bis a pour objet de permettre à France Télécom « de développer une gestion dynamique de son personnel à l'heure où la pyramide des âges de l'entreprise affiche un vieillissement marqué et où le besoin de nouvelles compétences, dans de nombreux domaines émergents, se fait ressentir. »
Le Gouvernement a demandé au président de France Télécom de négocier une politique d'incitation au départ volontaire des personnels en fin de carrière, et, en compensation, d'augmenter de façon sensible le rythme des recrutements, en particulier au profit des jeunes.
L'amendement proposé vise à mettre en place ce dispositif. M. le ministre vient de préciser la durée et les conditions dans lesquelles pourrait s'appliquer ce congé de fin de carrière.
Une telle politique paraît effectivement intéressante dès lors que les agents ont tout loisir de refuser ou d'accepter les propositions de la direction de France Télécom.
A ce propos, monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous précisiez si la « rémunération d'activité complète » dont il est question pour calculer la rémunération du congé de fin de carrière comprend ou non les primes. Bien évidemment, nous sommes favorables à la prise en compte de ces dernières.
Si l'amendement présenté par le Gouvernement apparaît comme une avancée, il nous semble toutefois nécessaire de préciser que tout poste statutaire libéré par un agent souhaitant bénéficier d'un congé de fin de carrière est compensé par une embauche.
Dans la mesure où le Gouvernement, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, se dit soucieux de favoriser une politique de recrutement des jeunes, il sera sans doute favorable à ce sous-amendement, et ce d'autant plus que les jeunes sont particulièrement frappés par le chômage et que leur entrée sur le marché du travail se fait de plus en plus tard et dans des conditions de plus en plus précaires tant sur le plan de leur salaire que sur le plan de leur contrat.
Favoriser leur embauche dans une entreprise qui, grâce à son appartenance au secteur public, est à la pointe du secteur des télécommunications ne peut être que positif.
Tels sont les motifs qui nous ont conduits à présenter ce sous-amendement n° 126, qui prévoit que « tout poste statutaire libéré par un agent bénéficiant des dispositions prévues par cet article est compensé par un nouveau recrutement ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 121 rectifié bis et sur le sous-amendement n° 126 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 121 rectifié bis, qui est important, répond très précisément aux préoccupations de la commission et prend en compte les propositions qu'elle avait formulées au mois de mars dernier.
En effet, il faut tenir compte, d'une part, de la pyramide des âges - l'âge moyen à France Télécom est de quarante-trois ans et 62 p. 100 des personnels sont âgés de trente-six à quarante-neuf ans - et, d'autre part, de la nécessité d'embaucher des jeunes pour répondre aux nouveaux besoins de l'entreprise.
Le Gouvernement a répondu à notre préoccupation en proposant de mettre en oeuvre ce dispositif. Néanmoins, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si un départ volontaire en préretraite sera compensé par l'embauche d'un jeune. En effet, ce dispositif doit tendre non pas à ajuster les effectifs mais bien à dynamiser l'entreprise.
Aussi souhaiterais-je entendre la réponse de M. le ministre avant de me prononcer définitivement sur l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Si le Sénat adopte l'amendement n° 121 rectifié bis, 25 000 à 30 000 fonctionnaires de France Télécom pourront, s'ils le souhaitent, bénéficier, pendant la période concernée, d'un congé de fin de carrière.
Le président de l'entreprise prend parallèlement l'engagement - et c'est l'un des points qui fera l'objet de la négociation avec les partenaires sociaux - de recruter 3 000 jeunes par an pendant dix ans, soit 30 000 jeunes.
Ma réponse est donc claire : l'objectif est bien de compenser un départ en congé de fin de carrière par l'embauche d'un jeune.
M. Pagès m'a demandé pourquoi ce dispositif ne figurait pas dans la loi. Tout d'abord, personne ne peut affirmer aujourd'hui avec certitude que cette mesure concernera autant de personnes que je l'ai indiqué. Il n'est en effet pas certain que tous les agents de France Télécom concernés par cette mesure souhaitent en bénéficier.
Il est donc nécessaire de laisser un minimum de souplesse pour permettre au président de l'entreprise de recruter, en moyenne, 3 000 jeunes par an, quel que soit, par ailleurs, le rythme des départs en congé de fin de carrière. Ainsi, on peut estimer que 25 000 à 30 000 congés de fin de carrière devraient être compensés par 30 000 embauches.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission sur l'amendement n° 121 rectifié bis ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La réponse de M. le ministre répond aux préoccupations que nous avions exprimées. Nous avons, en outre, noté qu'il sera nécessaire de recruter quelque 3 000 jeunes par an ; on peut envisager, à l'issue d'un certain nombre de consultations, que 25 000 à 30 000 agents de France Télécom demanderont à bénéficier de ce dispositif.
Voilà pourquoi la commission est favorable à l'amendement n° 121 rectifié bis , qui, selon nous, répond à la préoccupation de M. Pagès. Elle est donc défavorable au sous-amendement n° 126, qui est inutile, et demande à M. Pagès de le retirer.
M. le président. Monsieur Pagès, le sous-amendement n° 126 est-il maintenu ?
M. Robert Pagès. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 126 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement, est défavorable à ce sous-amendement.
M. Pagès devrait lire dans le détail l'amendement n° 121 rectifié bis , notamment son troisième alinéa, qui dispose : « Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière. » Il a donc, sur ce point, pleinement satisfaction.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 126.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec attention, bien sûr, votre réponse et je prends acte d'un certain nombre d'engagements.
Cela étant dit, vous le comprenez, nous aurions préféré, et de loin, inscrire cette disposition dans le projet de loi, même s'il avait été nécessaire de modifier quelque peu les termes de façon à laisser une certaine souplesse en matière de remplacement. Là, trop d'incertitudes demeurent.
Je crois volontiers ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, et je ne vous ferai pas l'offense de mettre en doute votre bonne foi. Cependant, comme nous l'avons précisé tout à l'heure, vous ne serez pas toujours ministre, même si vous souhaitez le rester longtemps, car les gouvernements passent.
L'inscription d'une telle disposition aurait donné beaucoup plus de force au texte. C'est pourquoi nous maintenons notre sous-amendement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai bien entendu M. le ministre et je n'ai pas de raison, moi non plus, de douter de sa bonne foi. Cependant, les relations politiques et l'écriture de la loi ne sont pas faites de relations personnelles. Par conséquent, nous sommes obligés de traiter au fond, et, à cet égard, j'admire la litote de mon collègue communiste,...
M. Robert Pagès. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Mélenchon. ... selon laquelle nous n'avons pas de certitude. En l'occurrence, nous en avons une, et c'est pourquoi je parlais de litote. En effet, quelles que soient les intentions du ministre aujourd'hui, nous traitons d'une période qui s'étendra sur dix ans. La nature même du nouveau statut de la société nationale fait que sa direction conserve toute latitude d'apprécier ce qu'il y a lieu de faire. Alors, ou bien on l'inscrit dans la loi et on considère que ce système de remplacement de fonctionnaires par d'autres fonctionnaires plus jeunes est un impératif lié à la mutation que va subir la société nationale - on le prend dans le tout et peut-être même comme une garantie que, en définitive, les fonctionnaires demeureraient les plus nombreux dans l'avenir - ou on ne le fait pas, et alors nous connaissons au moins la contradiction qui éclate entre ce que nous dit le ministre - et nous le croyons bien volontiers - et les propos du président actuel de France Télécom, que nous devons également croire, aux termes desquels le recrutement de fonctionnaires n'est pas le sujet car lorsqu'on tourne la page il faut la tourner pour de bon - et on le comprend du point de vue de la logique qui va être dorénavant celle de la nouvelle société France Télécom.
Aussi, deux questions sont soulevées en cet instant et demeureront pendantes nonobstant les garanties qui sont données ce soir et qui, j'en suis sûr, seront répercutées dès demain sur les lieux de travail par les syndicalistes qui suivent de très près notre débat en ces termes : le ministre en charge a pris l'engagement, sur dix ans.
Première question qu'ils auront à se poser : que vaut cet engagement quand le ministre n'est plus le même ? Il arrive d'ailleurs qu'un ministre de bonne foi soit conduit à dire le lendemain, avec une égale bonne foi, le contraire de ce qu'il avait dit la veille, simplement parce que les conditions ont évolué. Sur ce plan, nous sommes aux frontières de l'incertitude.
La seconde question, c'est évidemment celle du comportement de l'entreprise, qui peut parfaitement choisir de prendre appui sur ce dispositif, dont l'amendement n° 121 rectifié bis constitue le coeur, et considérer que l'Etat fait ce qu'il veut. Il donne une possibilité à ses fonctionnaires de s'en aller, soit ; mais si l'entreprise, elle n'a pas envie de fonctionnaires et préfère recruter des travailleurs sous statut privé, notamment parce que c'est plus souple... Je ne ferai pas l'injure à notre assemblée de répéter les arguments qui, de nos jours, plaident d'une manière générale en faveur de la flexibilité.
Voilà pourquoi, tant qu'à faire, je souhaite que le sous-amendement du groupe communiste républicain et citoyen soit adopté. M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Je ne demande pas au Sénat de voter sur la seule foi de mes déclarations. Le texte que nous allons examiner dans quelques instants...
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... est clair !
M. François Fillon, ministre délégué. ... prévoit la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux avant le 31 décembre 1996. Monsieur Mélenchon, je rappelle que le président de France Télécom reste nommé par le Gouvernement et que l'Etat demeure majoritaire dans cette entreprise. Les indications que je viens de donner sont le résultat des négociations qui ont été conduites dans l'entreprise par le président de France Télécom. Elles feront l'objet d'un accord qui permettrra à l'ensemble des partenaires sociaux de se faire entendre et qui aboutira, avant la fin de l'année, je le souhaite, à la signature d'un accord allant dans le sens de ce que je viens d'indiquer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 126, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est évidemment assez délicat de voter contre l'amendement. Je le ferai cependant, par souci de cohérence avec mon opposition à l'ensemble du texte, tout en reconnaissant que ce n'est pas facile. Nous savons en effet tous très bien que cet amendement résulte d'une négociation dont vous inscrivez le fruit dans la loi.
En France, un régime particulier régit les rapports entre les partis de gauche et les syndicats. Nous sommes une exception européenne et, en particulier, le mouvement socialiste. Dans tous les pays de l'Europe du Nord, soit le parti a créé le syndicat, soit le syndicat a créé le parti, sauf en France. Nous entretenons donc des rapports d'indépendance, d'autant plus nécessaires que, sur des matières aussi importantes que celles-ci, les syndicats en viennent à avoir des appréciations différentes parce que, autre spécificité française, le pluralisme syndical permet chez nous une richesse d'expression qui, parfois, aboutit à un appauvrissement collectif.
Je note, monsieur le ministre, qu'il vous est arrivé la même mésaventure qu'avec un certain communiqué de l'AFP, puisque nous sommes passés de l'amendement n° 121 à l'amendement n° 121 rectifié puis à l'amendement n° 121 rectifié bis. Vous voyez qu'une rédaction peut être modifiée sans que le fond soit changé substantiellement. Voilà ce que j'ai essayé de vous expliquer à propos des communiqués de mon parti à l'AFP.
Cet amendement est le fruit d'un accord, qui ne fait pas l'unanimité. Pour nous, porte-parole de la gauche politique, c'est une situation extrêmement embarrassante car, de facto, une partie du mouvement syndical, en entrant dans cette logique à cet instant, c'est-à-dire au moment où le projet de loi est examiné au Parlement, nous signifie que le combat doit cesser. Et vous êtes en situation de me faire cette objection.
C'est pourquoi je dis qu'il est difficile de ne pas voir que cet amendement contient un certain nombre de dispositions extrêmement favorables pour les travailleurs qui sont actuellement en activité à France Télécom. Il est impossible de le contester.
Mais le fond du problème pour un parlementaire, pour un élu politique, ce n'est pas uniquement l'intérêt catégoriel de cet accord, c'est la logique d'ensemble. Or, je le redis, cet amendement prépare et organise la sortie progressive de nombre des fonctionnaires qui constituent aujourd'hui le corps de France Télécom.
M. le ministre nous a répondu précédemment qu'il n'y avait pas que sa parole qui était engagée, mais que c'était sur cette base - et avec quelle garantie pour vos partenaires syndicaux, monsieur le ministre, personne ne peut le contester, cela figure dans la loi, donc c'est fort ! - que l'on allait négocier la mise en oeuvre de cette disposition. Mais vous savez que cette mise en oeuvre peut donner lieu à toutes sortes d'interprétations. M. Larcher, tant dans son rapport n° 260 que dans son intervention dans la discussion générale, ne précise-t-il pas avec force qu'il ne faudrait pas embaucher d'un seul coup et pour solde de tout compte ? Il imagine que le processus doit s'étaler et, dans cet étalement, on retrouvera les aléas de la conjoncture.
C'est pourquoi l'idée que cette affaire soit scellée par une négociation ne me paraît pas être une garantie suffisante au sens où nous l'entendons nous, en cet instant, qui est le point de vue non pas des syndicalistes, mais des politiques. Pour les syndicalistes, cela peut paraître satisfaisant. Pour nous, qui combattons ce projet de loi, cela ne l'est pas.
Au demeurant, le président de France Télécom demeurera nommé par le Gouvernement, dites-vous. Mais encore faut-il que la convention aboutisse, encore faut-il que des syndicats acceptent de la signer et, si tel est le cas, encore faut-il que ceux-ci soient représentatifs - ils le sont - et que leur position particulière par rapport aux votes des salariés de cette entreprise soit suffisamment significative pour que l'on puisse conclure qu'il s'agit bien d'une majorité des salariés qui, à travers ces syndicats, aura donné son accord à cette convention. Vous le voyez, il y a là un point d'interrogation de plus.
Enfin, monsieur le ministre, je terminerai par une petite pique, qui ne vous est pas destinée.
Puisque vous nous dites que telles sont vos intentions, que telle est votre ferme volonté et que le président de France Télécom est nommé par le Gouvernement et doit le rester, je me permets d'attirer l'attention de notre assemblée sur le fait que, tandis que le ministre prend de courageux engagements en faveur des salariés fonctionnaires de France Télécom, il est tout à fait déplorable que le président nommé par le Gouvernement raconte l'inverse. Il me semble - et peut-être cela participerait-il au climat des garanties à donner - que ce président-là ne devrait pas le rester trop longtemps. (M. le rapporteur sourit.)
En effet, quelle confiance peut-on avoir dans un président qui a l'audace, alors même qu'il est une autorité subordonné, de dire l'inverse de ce que déclare le ministre ? Je pense que ce point mérite réflexion. Quant à nous, nous n'aurions aucun chagrin à ce changement de responsable.
M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'était ma chute. Je reprendrai la parole pour expliquer mon vote.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu me confirmer qu'il s'agissait de l'ensemble des primes et indemnités. Le mot « correspondantes » m'avait quelque peu troublé, mais vous m'avez pleinement rassuré, et je vous en remercie.
Je reprends ce que j'ai dit sur le sous-amendement n° 126. La disposition qui consisterait seulement à permettre le départ à la retraite d'agents selon les conditions que vous avez émises serait certainement une chose correcte et intéressante. Cependant, si ces départs n'étaient pas remplacés nombre pour nombre par de nouveaux agents, nous ne pourrions pas être satisfaits.
Je l'ai dit tout à l'heure, je ne mets pas en doute votre parole ; mais je mets en doute l'évolution, que nous jugeons probable, de la politique de privatisation qui a été commencée avec ce projet de loi.
C'est pourquoi, malgré les avancées de ce texte, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote sur l'amendement n° 121 rectifié bis .
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai conclu mon intervention précédente en montrant qu'il existait une contradiction entre les propos du ministre et ceux du président de France Télécom. Il faudra bien que quelqu'un finisse par partir, ou le ministre ou le président. L'histoire tranchera et nous verrons bien.
J'en viens à mon explication de vote.
J'ai évoqué tout à l'heure, mes chers collègues, la difficulté à laquelle, sur ce point, un orateur socialiste se trouve confronté. Il s'agit incontestablement d'un accord conclu avec les syndicats. Cet accord conduit incontestablement les syndicats qui l'ont négocié à regarder d'un oeil peut-être moins défavorable le projet de loi dont nous débattons et, incontestablement aussi - et ce fait est très important à mes yeux - ce document comporte de véritables avancées au bénéfice des fonctionnaires aujourd'hui employés par France Télécom. Personne ne peut le nier, et c'est même un beau cadeau que de leur ouvrir la possibilité de partir après vingt-cinq ans d'activité avec 80 p. 100 de leur salaire. Il s'agit d'une belle opportunité, et l'on peut penser qu'un certain nombre de salariés de l'entreprise la saisiront.
Reste que, comme je l'ai dit tout à l'heure, mon point de vue ne peut pas être celui des syndicalistes. A l'opposé, on n'imagine pas non plus que, engageant l'ensemble de mon groupe et même mes convictions les plus profondes en la matière, je vote contre une disposition qui, au sein d'un processus que je considère globalement comme une déroute - ce jugement concerne non seulement le projet de loi, mais également l'accord - profitera à certains salariés.
C'est la raison pour laquelle, confronté à ce dilemme, je choisis de m'abstenir, laissant la responsabilité de cette situation à ceux qui l'ont créée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié bis, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Article 7

M. le président. « Art. 7. - Il est inséré dans la même loi un article 31-1 ainsi rédigé :

« Art. 31-1. - 1. France Télécom recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales, tout particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée de travail. A cette fin, après avis des organisations syndicales représentatives, France Télécom établit, au niveau national et au niveau local, des instances de concertation et de négociation qui suivent également l'application des accords signés. En cas de différend sur l'interprétation de ces derniers, une commission paritaire de conciliation, dont la composition est fixée par décret, est saisie afin de favoriser le règlement amiable du différend.
« 2. Avant le 31 décembre 1996, le président de France Télécom négociera avec les organisations syndicales représentatives un accord sur l'emploi à France Télécom, portant notamment sur :
« - le temps de travail ;
« - les conditions de recrutement de personnels fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002 ;
« - la gestion des carrières des personnels fonctionnaires et contractuels ;
« - les départs anticipés de personnels ;
« - l'emploi des jeunes ;
« - l'évolution des métiers. »
Sur l'article, la parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 7 prévoit que, « avant le 31 décembre 1996, le président de France Télécom négociera avec les organisations syndicales représentatives un accord sur l'emploi ».
Les thèmes de cette négociation collective, dont l'importance est capitale pour l'avenir des agents au sein de la nouvelle entreprise France Télécom, sont fixés dans le projet de loi. Il s'agit du temps de travail, des conditions de recrutement du personnel fonctionnaire jusqu'au 1er janvier 2002, de la gestion des carrières des personnels fonctionnaires et contractuels, des départs anticipés de personnels, de l'emploi des jeunes et, enfin, de l'évolution des métiers.
Que les syndicats représentatifs négocient avec le président de France Télécom un accord sur l'emploi est effectivement essentiel pour la défense des droits des salariés de l'entreprise.
Cependant, la liste des thèmes soumis à la négociation collective nous semble par trop limitée.
Or une telle limitation est, à notre avis, extrêmement dommageable pour l'ensemble des agents de France Télécom, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels.
Les domaines ainsi exclus de la négociation seront donc laissés au bon vouloir de la direction, et les salariés, quant à eux, resteront dans l'incertitude et seront privés de garanties sérieuses.
Ainsi, comment se fait-il que la question de l'évolution des rémunérations ne soit évoquée nulle part ? N'est-ce pas là un sujet important qu'il convient de négocier avec les organisations syndicales ?
Il en va de même, hélas ! concernant le régime de prévoyance, l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail de l'ensemble du personnel. Pas un mot n'est dit sur ces sujets ! Faut-il en conclure qu'ils ne feront pas partie de l'ordre du jour de la négociation entre la direction et le personnel de France Télécom ?
Une telle restriction de l'objet de la négociation collective future ne serait, selon nous, ni normale ni logique.
Le Gouvernement veut nous faire croire que le changement de statut de France Télécom est une chance pour les salariés de l'entreprise. La lecture de cet article 7 tend, selon nous, à prouver le contraire.
M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi de vingt et un amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 13, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 81, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, d'insérer la phrase suivante : « Pour être valables et applicables à l'entreprise, ces accords doivent être signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs d'au moins la moitié du personnel votant lors des dernières élections professionnelles. »
Par amendement n° 93, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « en vue d'optimiser l'accomplissement des missions du service public des télécommunications. »
Par amendement n° 82, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le troisième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « en vue de la réduction progressive de sa durée hebdomadaire à trente-deux heures sans diminution de salaire avant le 31 décembre 1998. »
Par amendement n° 83, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le début du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 : « - l'emploi et les conditions de recrutement... »
Par amendement n° 84, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de supprimer les mots : « jusqu'au 1er janvier 2002. »
Par amendement n° 85, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « en vue notamment d'assurer l'intégration des personnels contractuels dans le corps des fonctionnaires ; ».
Par amendement n° 87, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le sixième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer le mot : « anticipés » par les mots : « en retraite anticipée ».
Par amendement n° 88, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le sixième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « prévoyant une compensation intégrale des postes libérés ; ».
Par amendement n° 90, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le septième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après les mots : « l'emploi », d'insérer les mots : « et les conditions d'évolution de carrière ».
Par amendement n° 86, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le septième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « qui doivent sous réserve de l'ancienneté bénéficier de droits et d'avantages sociaux équivalents à ceux des salariés de même qualification ; ».
Par amendement n° 91, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicains et citoyen proposent de compléter l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par les mots : « , leur intégration au sein du corps des fonctionnaires de France Télécom ; ».
Par amendement n° 92, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 d'insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - le régime de prévoyance ; ». Par amendement n° 2, M. Larcher, au nom de la commission, propose de compléter in fine le 2 du texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par l'alinéa suivant :
« - les conditions particulières accordées au personnel pour l'attribution des actions qui lui sont proposées. »
Par amendement n° 89, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - l'évolution des rémunérations ».
Par amendement n° 94, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail de l'ensemble du personnel. »
Par amendement n° 95, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - la médecine du travail à France Télécom. »
Par amendement n° 96, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - l'amélioration de l'exercice des droits syndicaux. »
Par amendement n° 97, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - l'augmentation des moyens matériels et financiers accordés par France Télécom aux oeuvres sociales du personnel. »
Par amendement n° 98, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - Les conditions d'attribution et le nombre de jours de congés pour événements familiaux. »
Par amendement n° 99, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - l'amélioration des conditions de mutation des personnels qui en font la demande. »
La parole est à M. Mélenchon, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Jean-Luc Mélenchon. L'amendement n° 13 est un texte de suppression. Il me paraît inutile de répéter la raison pour laquelle le groupe socialiste a présenté onze amendements de cette sorte. Il s'agit, dirais-je, d'un amendement de cohérence avec l'ensemble des explications que nous avons données tant dans la discussion générale qu'à propos des six articles traités jusqu'à cet instant.
L'article 7 prévoit une négociation dont le terme est fixé à la fin de l'année 1996. Disons franchement que cela a des liens étroits avec l'amendement n° 121 rectifié bis . Il s'agit d'une des clauses de l'accord - je ne sais si on doit le qualifier de tacite, d'officieux ou d'officiel - passé entre un certain nombre d'organisations syndicales, la direction de l'entreprise et M. le ministre, qui, à sa manière, comme il l'a rappelé tout à l'heure, en est naturellement partie prenante dès lors qu'il s'engage personnellement. On comprend d'ailleurs que ses partenaires aient voulu que la négociation - monsieur le ministre, n'y voyez aucune espèce d'allusion personnelle - se situe à un horizon politiquement jouable de stabilité des interlocuteurs !
Cet article est extrêmement ambitieux. Il l'est tellement que l'on peut se demander s'il est crédible !
En effet, on entend, d'ici à la fin de l'année 1996, planifier ce que seront les évolutions des besoins de main-d'oeuvre de la société France Télécom jusqu'à l'an 2002, du moins s'agissant des fonctionnaires. C'est là un exercice de prévoyance et de prescience auquel personne ne nous a jamais habitués, ni en économie ni en gestion !
On dit que, dans le domaine de la météorologie, les prévisions crédibles ne peuvent dépasser quarante-huit heures, pour des raisons qui sont liées aux mécanismes mêmes du déterminisme tel qu'on le lit à notre époque. Mais quel exploit que la lecture des dynamiques d'une société sur six ans !
Au demeurant, il est à peu près certain que, si cette négociation permettait d'aboutir à des dispositions relativement précises - je le souhaite pour les salariés de France Télécom - personne ne saurait s'illusionner et croire qu'elles seraient écrites dans le marbre. En effet, des évolutions, notamment dans la composition du capital de la société nationale, se produiront, et on ne voit pas au nom de quoi elles ne devraient pas éventuellement conduire, à d'autres moments, à de nouvelles négociations ; je n'irai pas jusqu'à dire que cela se passera en fonction du rapport de force, mais chacun d'entre vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aura bien compris que tel était le sens de mon propos.
Au demeurant, il règne, semble-t-il, parmi les partenaires syndicaux, un certain scepticisme sur ce que valent ces négociations, et, d'une façon générale, sur la manière dont la direction de France Télécom est habituée à respecter la parole donnée.
J'ai sous les yeux un document commentant la situation, qui émane, sauf erreur de ma part, du syndicat SUD : « D'un seul coup, le Gouvernement semble saisi d'une frénésie de négociation. Il serait plus crédible s'il avait utilisé plus tôt son pouvoir pour obliger la direction de France Télécom à se comporter différemment ces dernières années : en effet, soit les négociations annoncées sont en panne depuis des mois, voire des années, soit la direction générale ne respecte pas la parole donnée. »
Sur ce point, nous sommes rassurés : il aura en effet fallu faire figurer la négociation dans la loi pour être certain qu'elle aura lieu. C'est dire qu'il y a, semble-t-il, une longue tradition de contournement des engagements pris par cette direction !
Le syndicat SUD poursuit : « Dernier exemple en date : un accord a été signé le 30 novembre 1995 entre la direction générale, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC concernant un dispositif d'aménagement des fins de carrière. »
Je note qu'il n'y a ni la CGT ni le syndicat SUD, qui représentent - je ne pense pas me tromper de beaucoup - une majorité du personnel.
« Cet accord prévoyait que, pour dix départs, il y aurait un recrutement externe de sept agents » - voyez, mon cher collègue Pagès, qu'il y avait déjà des engagements ! - « selon les règles en vigueur à France Télécom. Celles-ci prévoient le recrutement de fonctionnaires par concours. Or la direction régionale de Rennes, sur ordre de la direction générale, vient de recruter dans ce cadre sept personnes de niveau II-1 sous statut privé » - c'est la préfiguration exacte de ce que nous avons annoncé pour l'avenir - « au mépris de l'accord signé ».
« Seule nouveauté dans le dispositif annoncé, la création d'une commission de conciliation, pour régler les différents sur les accords signés avec la direction. On ne saurait mieux indiquer que la direction va essayer de détourner les accords qu'elle signe. »
Je redis que c'est dans sa logique de management et non par perversité qu'elle sera conduite automatiquement et continuellement à devoir le faire.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 81.
M. Félix Leyzour. Cet amendement est particulièrement important, car il tend à apporter une garantie essentielle au personnel de l'entreprise France Télécom.
Nous proposons en effet que les accords définis au premier alinéa du texte proposé pour l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990 doivent être signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs d'au moins la moitié du personnel votant lors des dernières élections professionnelles pour être valables et applicables à l'entreprise.
Ces accords - je le rappelle - concerneront les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée du travail.
Mes chers collègues, vous comprendrez la portée de notre amendement à l'heure ou le Gouvernement tente de remettre en cause la notion de syndicats représentatifs, qui résulte pourtant des grandes luttes du Front populaire, dont nous fêtons cette année l'anniversaire. Quelle curieuse façon de célébrer ce qui marquait une avancée considérable dans le droit du travail !
Pour le moment, le Gouvernement n'a pu faire passer à la sauvette ce texte au Sénat après l'avoir inscrit en dernière minute à l'Assemblée nationale en utilisant la procédure de la lettre rectificative. Le débat est repoussé à l'automne.
Sachez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposeront de manière déterminée, le moment venu, à ce projet de loi.
Pour l'heure, nous vous proposons d'inscrire dans le texte notre proposition protectrice des droits des salariés en votant l'amendement n° 81.
Sans doute avez-vous observé, monsieur le ministre, mes chers collègues, que notre préoccupation dans ce débat est double : d'une part, l'avenir économique du pays à travers un secteur de pointe de notre économie ; d'autre part, les salariés de France Télécom.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous défendons pied à pied nos positions. Monsieur le ministre, nous essayons, sur un fond d'opposition irréductible à votre démarche, à votre projet de loi, d'obtenir les conditions les plus favorables possible pour permettre aux salariés de défendre leurs droits.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Robert Pagès. Cet amendement vise à permettre au service public des télécommunications de renforcer ses missions. C'est tout l'objectif de la bataille que nous menons depuis le début de ce débat !
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 82.
M. Claude Billard. L'article 7 du projet de loi prévoit, notamment, qu'avant la fin de l'année le président de France Télécom doit négocier avec les syndicats un accord portant sur divers sujets, en particulier sur le temps de travail.
Au lieu d'en rester à cette formulation vague, nous proposons, par notre amendement n° 82, de préciser que l'on avancera vers une réduction progressive de la durée hebdomadaire à trente-deux heures sans diminution de salaire avant le 31 décembre 1998.
En cette fin du xxe siècle, les salariés, hommes et femmes, aspirent à mieux vivre dans le travail et hors du travail : travailler moins longtemps sans perte de salaire, afin de concilier vie familiale et vie professionnelle, est une aspiration forte des salariés.
Ainsi les salariés de France Télécom souhaitent-ils aujourd'hui que, compte tenu des servitudes du service public pour les salariés, la durée hebdomadaire du temps de travail soit ramenée à 32 heures avec embauche corrélative d'agent titulaire. Ce serait un moyen efficace de combattre le chômage.
De plus, l'embauche de titulaire permettrait de dégager plus de recettes pour la sécurité sociale, la mutuelle, les retraites.
Il s'agit donc d'une mesure de justice et d'efficacité économique.
Elle affirmerait la volonté de l'Etat, par l'intermédiaire d'une entreprise qu'il contrôle, d'avancer vers une réduction du temps de travail qui n'aille ni vers l'annualisation du temps de travail, qui subordonne la vie des salariés à celle des rythmes de la production, ni vers un partage du chômage par une diminution des salaires.
En agissant dans ce sens, France Télécom renouerait avec le rôle social qu'a su jouer le service public dans le passé.
Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 83.
M. Félix Leyzour. Cet amendement vise à faire prendre en compte dans les futures négociations collectives entre les partenaires sociaux non seulement les conditions de recrutement des personnels fonctionnaires, mais également la nature et le nombre des emplois qui leur seront confiés.
Que les conditions de recrutement des fonctionnaires soient soumises à la négociation collective, soit ! Encore faudrait-il s'assurer que des fonctionnaires seront effectivement recrutés !
Le rapport de M. Gérard Larcher indique que la nouvelle entreprise aura la faculté de continuer à recruter des fonctionnaires. Autrement dit, l'emploi de salariés de droit privé deviendra la norme et le recrutement de fonctionnaires l'exception. C'est d'ailleurs le sens des dernières déclarations de M. Bon.
Nous savons tous qu'il est prévu de mettre fin, dans les années à venir, au recrutement de fonctionnaires.
M. Gérard Larcher ne s'en cache d'ailleurs pas, puisqu'il est précisé, dans l'étude d'impact annexé au rapport, que « le projet de loi a pour objet d'arrêter à terme les recrutements de fonctionnaires, afin de placer France Télécom dans une situation comparable à celle de ses concurrents ».
France Télécom compte aujourd'hui parmi son personnel 97 p. 100 de fonctionnaires. Le changement de cap opéré par le Gouvernement est donc radical.
L'étude d'impact annéxée au rapport de M. Larcher ose parler, à propos de ce changement, « d'incidence qualitative sur l'emploi à France Télécom ».
Il faudrait nous expliquer comment cette incidence soi-disant « qualitative » pourrait avoir un effet positif sur les futurs agents de France Télécom, qui ne pourront plus bénéficier de la sécurité de l'emploi et des autres avantages attachés au statut de fonctionnaire.
Si nous ne voulons pas que la faculté laissée à France Télécom de recruter des fonctionnaires reste lettre morte, il est indispensable que la négociation sur l'emploi entre les organisations syndicales représentatives et le président de France Télécom porte expressément sur la nature et le nombre des emplois qui seront confiés aux fonctionnaires dans les années à venir.
Tel est le sens de notre amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 84.
M. Robert Pagès. Cet amendement constitue un rappel de nos précédents arguments sur la nécessité de faire disparaître la date butoir du 1er janvier 2002.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 85.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de compléter le deuxième paragraphe du texte proposé pour l'article 31-1 qui dispose : « Avant le 31 décembre 1996, le président de France Télécom négociera avec les organisations syndicales représentatives un accord sur l'emploi à France Télécom... »
Nous suggérons, par notre amendement, que l'un des objectifs de cet accord soit d'assurer l'intégration des personnels contratuels dans le corps des fonctionnaires.
Cette question de la dualité future du corps des salariés de France Télécom a déjà été évoquée plusieurs fois dans ce débat. Nous estimons qu'il y a là une source de conflit dans les prochaines années, qui n'est pas saine pour l'entreprise.
Nous avons, d'entrée, dénoncé les conséquences sur le droit du travail des privatisations partielles ou totales.
L'éclatement futur du statut des salariés, le développement de la précarité seront, sans nul doute - c'est inscrit dans le texte même de votre projet de loi - les toutes premières conséquences dramatiques pour des milliers de salariés.
La contractualisation à outrance, c'est la précarisation de l'emploi.
Or, monsieur le ministre, notre conception de la lutte contre la terrible crise économique qui mine notre pays se fonde, notamment, sur la mise en valeur d'un socle solide du secteur public pour tirer vers le haut notre économie et, avec elle, les conditions de travail et le pouvoir d'achat.
Ce projet de loi fait partie de l'éclatement du droit du travail, déjà largement entamé dans notre pays sous la poussée néo-libérale. Ce n'est certainement pas la voie pour le redressement de notre pays.
C'est méconnaître l'inquiétude, l'angoisse que la situation de précarité génère chez les salariés.
Nous vous proposons donc, par notre amendement, de fixer dans le projet de loi des objectifs clairs de lutte contre la précarité.
Nous sommes certains que tous les partisans de la lutte contre la fracture sociale pourraient voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 87.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à préciser que les départs anticipés qui devront être négociés dans le cadre de l'accord sur l'emploi soient des départs en retraite anticipée.
Cette précision est, selon nous, importante, car elle évite que la direction de France Télécom fasse pression sur l'ensemble de son personnel afin de réduire ses effectifs.
En effet, dans la société anonyme France Télécom, les règles du privé vont s'appliquer, c'est-à-dire celles qui considèrent l'emploi comme un coût à réduire.
Après la privatisation, le cours de l'action dépendrait alors largement de la diminution des effectifs qui serait mise en oeuvre.
Le président de Deutsche Telekom n'a-t-il pas d'ailleurs déclaré, à propos de la suppression de 43 000, puis 70 000 emplois prévus d'ici à 1993 : « C'est nécessaire pour que nous puissions travailler de manière concurrentielle ».
Pour sa part, le président de France Télécom, M. Michel Bon, a précisé au conseil d'administration qu'il ne garantissait pas les emplois pour l'après l'an 2000, c'est-à-dire dans quatre ans seulement.
Des milliers d'agents de France Télécom, en particulier ceux qui ne sont pas protégés par le statut de fonctionnaire, risquent de se voir forcés de quitter l'entreprise et de rejoindre ainsi les rangs des chômeurs.
En réservant les possibilités de départs anticipés aux seuls départs en retraite, on lèverait l'angoisse ressentie par les salariés de France Télécom qui craignent pour leur emploi.
Bien entendu, dans notre optique, il faudrait que ces départs en retraite anticipée soient compensés par des embauches de nouveaux salariés.
A notre sens, le développement d'un service public plus humain, plus efficace, capable de donner naissance à de nouveaux services et à de nouvelles techniques, passe par une politique de fort recrutement de jeunes sur des emplois publics stables de titulaires.
C'est pour permettre à l'entreprise France Télécom d'aller dans ce sens que je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 88.
M. Félix Leyzour. Le sixième alinéa du texte proposé par l'article 7 du projet de loi pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 porte sur les départs anticipés de personnels.
Comme l'indique M. Gérard Larcher, dans son rapport, « au cours des dix dernières années, 33 000 agents de France Télécom sont partis en retraite et 15 800 ont été recrutés. Les effectifs employés par l'opérateur public de télécommunications sont donc passés de 172 200 à 155 000 ».
Il poursuit : « Il est actuellement prévu par France Télécom que, dans les dix ans qui viennent, toutes choses égales par ailleurs, ses effectifs globaux devraient continuer de baisser pour atteindre environ 125 000 en 2005, soit une baisse de 30 000 en dix ans ».
D'ici à 2005, est-il précisé, 41 000 agents vont partir en retraite.
Alors que le chômage et l'exclusion frappent des millions de Français, qu'une frange de plus en plus importante de la population vit en marge de la société, que la fracture sociale continue de se creuser, il apparaît indispensable que les départs anticipés de personnels soient compensés intégralement par des recrutements.
Comment justifier le fait qu'une entreprise qui, aujourd'hui, dégage un bénéfice de 9 milliards de francs ne puisse créer des emplois ?
A une certaine époque, le Gouvernement, Premier ministre en tête, ne cessait de répéter à qui voulait l'entendre que les entreprises avaient une responsabilité quant à la situation économique et sociale de la France. Il insistait sur le respect d'un nécessaire « donnant donnant » entre l'Etat et les entreprises.
Malheureusement, là encore, les paroles n'ont eu que peu d'effet sur les décisions prises, et l'on peut dire qu'a perduré une situation où les termes de « chèque en blanc » signé aux entreprises conviennent mieux que l'expression « donnant donnant ».
Dans un tel climat de crise économique et sociale, où les jeunes sont les premiers touchés par le fléau du chômage, il est essentiel que France Télécom, qui opère dans un secteur économique appelé à connaître de profonds développements sur le plan technologique, compense tout départ anticipé par l'embauche d'un jeune.
Vous ne cessez de répéter à qui veut l'entendre que votre projet de loi sera bénéfique pour France Télécom et permettra à la France de disposer d'une grande entreprise qui occupera une place de premier plan sur le marché mondial des télécommunications.
Quoi de plus naturel que, à un tel objectif, si louable, soit associée la préoccupation de l'emploi ? « Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous » clame une publicité en faveur d'une grande entreprise nationale soumise, elle aussi, aux assauts du libéralisme maastrichtien, dont on parle beaucoup ces jours-ci. Nous en sommes d'accord !
C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Robert Pagès. Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui met un terme au recrutement des fonctionnaires à l'horizon 2002, soit dans six ans.
Nous ne sommes pas crédules au point de penser que, d'ici à cette date, rien ne sera fait pour accélérer le processus de déréglementation et mettre fin, de façon anticipée, au recrutement des fonctionnaires.
La gestion des carrières de la fonction publique s'effectue selon des règles et des grilles précises. Il en va autrement dans le texte qui nous est soumis, puisque rien n'est prévu en ce qui concerne le déroulement des conditions d'évolution de carrière. Notre amendement tend à pallier cette absence de dispositions.
L'évolution des carrières doit, en effet, faire l'objet de négociations, qu'il s'agisse des carrières effectuées dans un cadre d'emploi de fonctionnaire ou de celles qui relèvent des conventions collectives.
C'est bien la moindre des choses pour 155 000 personnes qui verront transformé, sans avoir été consultées, le statut de l'entreprise dans laquelle elles travaillent.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 86.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la précarisation du travail est un mal qui ronge notre société moderne et qui met à mal l'ensemble de notre droit du travail, fruit, pourtant, de luttes âpres pour de nouvelles conquêtes sociales.
Au premier rang de cette précarité, les jeunes souffrent de contrats précaires sans issue, de formations en entreprise qui, souvent, trop souvent, ne sont que le prétexte à fournir une main-d'oeuvre à bon marché.
Ce phénomène n'épargne personne : des jeunes cadres aux jeunes employés et ouvriers, tous tentent de survivre au sein d'une société qui leur laisse de moins en moins de place.
L'Etat employeur montre un bien triste exemple en ce domaine : après les travaux d'utilité collective, les TUC, les stages d'initiation à la vie professionnelle, les SIVP, les contrats aux rabais, de nouveaux dispositifs ont vu le jour, lesquels ont tous en commun de comprimer au maximum le coût de la main-d'oeuvre dans notre pays.
France Télécom, future entreprise publique mais sous statut de société anonyme, pourrait être tentée, dans le cadre d'un marché concurrentiel, de faire appel à de nombreux jeunes aux salaires dérisoires.
Certes, ce serait là une manière possible de redonner au service public les moyens de gagner une bonne place dans le nouvel espace de concurrence des télécommunications qui s'annonce. Pour autant, ce n'est pas là la logique que nous préconisons, et vous le savez bien.
A l'inverse, notre amendement vise à préciser que, dans le cadre des négociations sur l'emploi des jeunes, ceux-ci devront bénéficier de droits et avantages sociaux équivalents à ceux des salariés de même qualification.
Tel est le sens de notre amendement, que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de l'article 7, « France Télécom recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales... »
La coexistence au sein d'une même entreprise de personnels sous statut privé et de personnels sous statut public ne doit pas, selon nous, conduire à diviser ces personnels.
Pour cela, il importe que les personnels sous statut conventionnel puissent se voir offrir un certain nombre de possibilités d'intégration dans le corps des fonctionnaires.
Le texte que nous examinons n'offre aucune garantie réelle de maintien de leur statut pour les quelque 155 000 personnes qui, chaque jour, participent au rayonnement du service public des télécommunications.
L'exigence libérale impose d'abord le commerce, le sort des hommes et des femmes qui oeuvrent dans les entreprises, dans les services publics, n'est abordé qu'en dernière instance, comme une sorte de parure, pourrait-on dire.
Cette conception conduit aujourd'hui des millions de salariés, partout en Europe, vers les portes de la précarité et vers la perte d'emploi.
La logique de régression sociale développe l'exclusion et la misère.
Les milliards de francs de cadeaux offerts aux entreprises pour la création d'emplois qui ne sont jamais au rendez-vous pourraient oeuvrer à la mise en oeuvre d'un grand service public efficace, moderne, au service de tous.
Une nouvelle fois, monsieur le ministre, avec le Gouvernement, vous vous acheminez vers une conception inverse, inverse parce qu'elle obère toute possibilité de croissance, inverse encore parce qu'elle concède au meilleur prix la richesse de notre pays.
Quelle sera la portée de cet article, quels seront les recours possibles pour les milliers de personnes du secteur de France Télécom lorsqu'ils seront privés d'emploi ?
Notre amendement vise une tout autre logique et prévoit que les négociations mises en oeuvre à France Télécom porteront également sur l'intégration des personnels au sein du corps des fonctionnaires de France Télécom.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande d'adopter.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 92.
M. Robert Pagès. L'amendement que nous vous proposons maintenant vise à inclure le régime de prévoyance dans les futures négociations entre la direction et les syndicats représentatifs de France Télécom.
L'extinction programmée des corps de fonctionnaires de France Télécom va entraîner de profonds changements pour les futurs agents de l'entreprise.
Ces changements, hélas ! se traduiront par la perte des avantages sociaux attachés au statut de fonctionnaire.
Pour remédier à cette vaste opération de déclassement social, le Gouvernement prévoit d'ouvrir une négociation collective sur l'emploi. La compensation est bien faible ! Elle apparaît d'autant plus faible lorsque l'on sait que la liste des thèmes soumis à la négociation collective sur l'emploi ne comprend que six points limitativement énumérés à l'article 7 du projet de loi.
Une telle restriction, il faut le répéter, n'est pas acceptable.
Comment peut-on prétendre organiser une large concertation sociale quand on omet parallèlement d'inscrire à l'ordre du jour de cette concertation des thèmes essentiels, notamment celui qui nous occupe ici, à savoir la protection sociale complémentaire ?
Si le véritable souci du Gouvernement était d'apporter des garanties sérieuses aux personnels de France Télécom, il n'hésiterait pas à inclure cette question de la prévoyance complémentaire dans la liste des sujets soumis à la future négociation sociale.
Je me permets de vous rappeller, monsieur le ministre, que l'institution de ces garanties collectives complémentaires est expressément prévue par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de la sécurité sociale.
Mais encore faut-il, pour qu'elles s'appliquent, qu'une convention collective soit signée. Il est donc essentiel que la négociation sociale envisagée dans le projet de loi porte sur ce thème, afin de faire bénéficier les futurs agents de France Télécom de ces garanties complémentaires, qui ont pour objet, comme l'indique le code de la sécurité sociale, de prévoir au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit, d'une part, la couverture de toute une série de risques, notamment le risque décès, les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, et, d'autre part, la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite, d'indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière.
Tel est le sens de l'amendement n° 92. M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission des affaires économiques est attachée à la réservation d'une part significative du capital de l'entreprise aux membres du personnel. Elle considère donc que cet amendement est important.
J'ai déjà cité l'exemple allemand, qui est de nature à permettre un réel développement de l'actionnariat salarié. Je rappelle que, à Deutsche Telekom, les salariés pourront verser 300 marks - cela correspond à soixante actions - à une société participative, qui achètera des actions pour un montant égal à 1 500 marks par salarié. La différence sera financée par un prêt sans risque et par une participation de l'entreprise, pour 300 marks.
Nous souhaitons que la négociation sociale prévoie l'étude de conditions particulières en faveur du personnel pour l'attribution d'actions gratuites, notamment pour la réfraction, qui peut aller légalement jusqu'à 20 p. 100, et pour certains prêts ou abondements.
Je rappelle que 10 p. 100 du capital est réservé, et nous souhaitons que cette clause soit assortie de conditions de durée. J'insiste sur ce point parce que, aujourd'hui, 10 p. 100 représentent une somme qui correspond à 40 p. 100 de la masse salariée distribuée dans l'entreprise. Si nous limitions cette période à une seule année, l'objectif sera donc impossible à atteindre.
Nous souhaitons, monsieur le ministre - et je souhaite entendre votre sentiment, le moment venu, sur ce sujet - que les moyens permettant d'atteindre cet objectif soient mis en oeuvre, car ce n'est pas un objectif transitoire ou temporaire, mais il correspond, pour un certain nombre d'entre nous, à la conception que nous avons de la participation et du rôle des salariés dans l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 89.
M. Louis Minetti. Cet amendement tend à élargir le champ de la négociation sociale au sein de l'entreprise France Télécom.
Tous, nous avons présente à l'esprit la phrase de M. le président de la République durant la campagne électorale, affirmant que « la feuille de paie n'est pas l'ennemi de l'emploi ».
Bien sûr, les faits ont, hélas ! rendu plus que caduques ces bonnes résolutions de campagne, que ce soit le gel des salaires des fonctionnaires, que ce soient les ponctions administrées à tous les salariés par le biais du RDS, de la hausse de la TVA... et je ne citerai pas tout, car ce serait trop long.
Oui, quand on baisse le pouvoir d'achat, c'est mauvais pour l'emploi.
Notre confiance va plutôt à celles et à ceux qui créent les richesses. Les salariés de l'entreprise France Télécom ont toujours su allier la réussite de l'entreprise et leur réussite sociale.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'évolution des rémunérations soit une question intégrée à la négociation sociale de l'entreprise. Il est d'ailleurs révélateur que le projet de loi ne le prévoie pas.
Nous sommes soucieux des droits et prérogatives des représentants du personnel comme de la bonne marche de l'entreprise, et c'est ce qui nous conduit à vous proposer d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 94.
M. Félix Leyzour. Cet amendement vise à élargir une fois encore le champ des négociations prévues par l'article 7 du projet de loi qui nous examinons.
En effet, si les statistiques font état d'un nombre assez peu élevé d'accidents du travail pour ce qui relève des activités prises en charge par France Télécom, il en va autrement des activités menées par les sociétés privées qui travaillent, par exemple, à l'installation du réseau filaire.
Qu'en sera-t-il dès lors que, du fait du changement de statut de ce secteur, se multipliera, à n'en pas douter, le nombre des sous-traitants pour de multiples activités jusqu'alors confiées à France Télécom ?
Les gains de productivité s'opéreront-ils sur les conditions de travail, sur les conditions d'hygiène, sur les conditions de sécurité ?
La compétivité aura-t-elle pour corollaire un accroissement du nombre des accidents du travail ? Verra-t-on encore les conditions de travail se dégrader ? Qu'en sera-t-il, enfin, de la sécurité ?
Notre amendement vise à combler l'absence de garanties, mais ce n'est pas le seul vide à combler dans ce texte, qui consacre bien peu de place au volet social et à la vie dans l'entreprise.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter la disposition que nous intégrons dans cet article 7 et qui prévoit que « l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail de l'ensemble du personnel » entrent dans le champ des négociations devant avoir lieu avant la fin de cette année.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande d'adopter.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 95.
M. Robert Pagès. France Télécom enregistrait, en 1995, 3 087 accidents du travail, dont quatorze mortels, hélas ! Ce chiffre seul justifie, dans ce secteur, l'existence d'une médecine du travail efficace.
Les manques sont criants en infirmières, en médecins du travail, en secrétaires médicales. L'amiante et bien d'autres produits dangereux sont le lot quotidien des personnels de France Télécom, notamment de ceux qui sont affectés à la mise en place des réseaux, des commutateurs, etc.
La rentabilité, le souci du meilleur gain et de la concurrence ne doivent pas, ne peuvent pas conduire à sacrifier ce secteur de la médecine du travail. Des moyens doivent être débloqués en personnel et en locaux, permettant d'oeuvrer à une amélioration sensible des conditions de travail de l'ensemble des personnels.
Aussi notre amendement prévoit-il de faire porter la négociation collective sur l'amélioration de la médecine du travail à France Télécom.
M. le président. la parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 96.
M. Claude Billard. La fonction publique offre un cadre précis à l'exercice du droit syndical dans notre pays, alors que ce cadre est bien fragilisé dans le secteur privé, où l'existence des droits syndicaux fondamentaux est souvent mise en cause.
Est-ce à dire que la fonction publique serait un cadre rêvé pour l'expression des salariés ? Non, et de nombreuses atteintes au droit syndical s'y font jour, y compris à France Télécom.
Ainsi, après les mouvements d'octobre et de novembre l'an passé, trois employés du comité de coordination local de Nîmes sont menacés d'un conseil de discipline. Là encore, les droit syndicaux sont mis en cause au simple motif d'une participation à des mouvements de grève.
Les dispositifs permettant l'exercice du droit syndical à France Télécom doivent non seulement être maintenus, mais également renforcés.
Ainsi, le droit de grève, droit de contester une décision de la direction, ne doit pas se voir assorti systématiquement d'une sanction.
Le respect du droit syndical impose également des moyens : d'une part, des moyens humains et donc des décharges de services ; d'autre part, des moyens financiers, afin de permettre l'expression des salariés de l'entreprise.
Or le texte que nous examinons ne prend pas en compte cet aspect, pourtant fondamendal, de la vie de France Télécom. Qu'aviendra-t-il du droit syndical existant ? Quel sera à l'avenir le droit syndical ? Qu'en sera-t-il de l'expression des salariés ?
Ce sont là des questions auxquelles notre amendement permettrait de répondre si vous l'adoptiez, mes chers collègues.
En effet, il vise à prévoir que les négociations prévues à l'article 7 du projet de loi que nous examinons porteront également sur l'amélioration de l'exercice des droits syndicaux.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 97.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement n° 97 déposé par notre groupe tend à inscrire à l'ordre du jour de la négociation contractuelle entre la direction de France Télécom et les organisations syndicales représentatives du personnel la question particulièrement importante du maintien des oeuvres sociales.
Il n'y a pas, à France Télécom, de comité d'entreprise comme dans une entreprise privée ou dans certaines de nos entreprises nationales. Il existe toutefois des instances de concertation dont les attributions sont relativement comparables. Ainsi, les restaurants administratifs du personnel ont des conseils de gestion élus sur des listes syndicales.
Les oeuvres sociales dans le secteur des postes et télécommunications ont des caractéristiques propres. Il s'agit des restaurants administratifs - ils sont communs à La Poste et à France Télécom, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes par la suite, si le statut de France Télécom est modifié - des centres de vacances « PTT », des foyers d'accueil et d'hébergement des « télépostiers », des structures d'accueil des enfants du personnel - les colonies de vacances - et des clubs à vocation culturelle ou sportive. Je souligne à ce propos que de nombreux sportifs olympiques sont licenciés dans les clubs de l'ASPTT.
Le problème est que le changement de statut intervenu en 1990 et la séparation entre les activités postales et les activités de télécommunications - qui se complétaient utilement - ont déjà commencé à peser sur le fonctionnement des oeuvres sociales existantes.
Aussi a-t-on constaté une réduction non négligeable du nombre des centres de vacances offerts aux enfants du personnel.
Dans un autre ordre d'idées, il est patent qu'un effort particulier doit être accompli en ce qui concerne les foyers PTT accueillant les salariés dès lors que ces derniers ne sont pas détenteurs d'un autre contrat de location.
Il importe de souligner que, pour de nombreux jeunes salariés de France Télécom originaires de province - tout le monde connaît, au départ de la gare d'Austerlitz, le « train des postiers », qui partent, en fin de semaine, vers le sud-ouest de la France - le foyer PTT en région parisienne est souvent leur premier point de chute au début de leur carrière.
De façon générale, le développement de l'activité sociale et culturelle chez France Télécom n'est pas qu'une vue de l'esprit ou une revendication syndicale stricto sensu.
Il est de notre point de vue important, notamment au moment où France Télécom s'apprête à embaucher de nombreux jeunes salariés, de faire en sorte que leur expérience au sein de l'entreprise publique puisse aussi concourir à un certain bien-être, que le maintien et les développement des services sociaux et culturels pourront sans doute aider à rendre palpable.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter notre amendement.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 98.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ah !
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, je constate que M. le rapporteur prête beaucoup d'attention à nos amendements, ce qui montre que nous avons travaillé avec ardeur sur un sujet qui nous tient à coeur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. A moi aussi !
M. Félix Leyzour. Cet amendement vise à faire porter les négociations collectives à venir entre la direction et les syndicats représentatifs de France Télécom sur les congés pour événements familiaux.
Ces congés, prévus par le code du travail, permettent aux salariés de s'absenter quelques jours, sans réduction de leur rémunération mensuelle, à l'occasion de certains événements familiaux particulièrement importants tels que le mariage d'un enfant ou le décès du conjoint.
Le nombre de jours de congé accordé lors de ces absences exceptionnelles est souvent considéré comme insuffisant par les salariés.
En donnant « une consécration législative au principe de négociation sociale au sein de la nouvelle entreprise France Télécom », selon les termes mêmes du rapport de M. Gérard Larcher, le Gouvernement entend, paraît-il, favoriser la concertation entre les syndicats et le président de France Télécom afin d'apporter des garanties sérieuses au personnel de l'entreprise.
Si telle est vraiment l'intention du Gouvernement, il nous semblerait judicieux que celui-ci inscrive la question des congés pour événements familiaux à l'ordre du jour des futures négociations.
Tel est le sens de l'amendement que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour présenter l'amendement n° 99.
M. Félix Leyzour. Je rappelle que, par cet amendement, nous proposons de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour l'article 31-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 par un nouvel alinéa ainsi rédigé : « l'amélioration des conditions de mutation des personnels qui en font la demande ».
L'objet de cet amendement est analogue à celui des amendements que nous venons de défendre. Je dirai donc non pas « même motif, même punition », mais plutôt « même objectif, même ambition » ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements, à l'exception, bien sûr, de l'amendement n° 2 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'orateur qui a défendu l'amendement n° 13 a déclaré que sa volonté de supprimer l'article 7 traduisait l'attitude de son groupe sur l'ensemble du projet de loi. Je ne reviendrai donc pas sur cet aspect des choses.
Je voudrais simplement rappeler non seulement aux auteurs de cet amendement, mais aussi à l'ensemble de nos collègues que s'il y a un secteur où, depuis 1990, France Télécom, a globalement peu réussi, c'est bien celui du dialogue social.
A l'occasion des auditions que nous avons menées depuis le mois de novembre dernier avec l'ensemble des associations et des organisations syndicales représentatives, ainsi que lors des dialogues directs que nous avons instaurés avec le personnel sur ce sujet, nous n'avons pas eu le sentiment qu'à cet égard cela fonctionnait aussi bien que dans le domaine technique.
Je livre trois observations.
La première a trait à l'échec ressenti par le personnel à l'égard de la procédure « classement-classification ».
La loi de 1990 avait un objectif ambitieux : la reclassification des personnels. Le classement effectué en 1991-1992, puis la reclassification au 1er janvier 1993 ont été un échec, un échec ressenti par toutes celles et tous ceux qui ont conduit et voulu cette réforme.
La deuxième observation concerne le mépris dans lequel sont tenus les contractuels à France Télécom.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. En effet, les contractuels sont considérés comme quantité le plus souvent négligeable. Le dialogue avec leurs organisations, soit représentatives, soit associatives, n'est pas aujourd'hui à la hauteur de ce qu'il doit être et de ce qu'il est dans une entreprise de droit privé habituelle.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est un peu exagéré !
M. Gérard Larcher, rapporteur. La troisième observation porte sur l'ésotérisme : il n'est que de parler aux personnels pour constater que le langage binaire n'a pas une très grande signification pour une grande partie des 150 000 agents de France Télécom.
Aussi, je félicite le Gouvernement d'avoir inscrit la négociation sociale dans ce texte et de lui avoir fixé un certain nombre d'objectifs, sans les définir de manière limitative. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues que l'article 7 dispose que l'accord sur l'emploi portera « notamment » sur six questions.
La commission propose seulement d'y ajouter la participation des salariés à l'actionnariat au sein de la société nationale France Télécom.
Je ne cherche pas un responsable. Je dis simplement qu'il faut profiter de la chance que l'évolution statutaire de France Télécom nous donne pour nouer au sein de cette entreprise des relations sociales et des rapports sociaux différents. Il ne faut plus que certains soient considérés comme des quantités négligeables avec lesquelles on ne négocie pas. Il faut instaurer un dialogue compréhensible avec les personnels.
Cette entreprise a beaucoup d'atouts. Elle ne réussira que grâce aux hommes et aux femmes qui la composent. Voilà pourquoi l'article 7 me paraît particulièrement important. Il se borne à tracer six pistes, auxquelles nous proposons d'en ajouter une septième, et de fixer une date butoir. Un tel dispositif nous fournit l'occasion de concevoir la société nationale différemment.
Voilà l'ensemble des raisons pour lesquelles la commission est naturellement défavorable à l'amendement n° 13 du groupe socialiste.
La commission est également défavorable à tous les amendements qui diluent le grand objectif fixé par l'article 7. Cela n'implique pas que les événements familiaux, par exemple, n'aient pas d'importance. Mais ils font partie des négociations qui peuvent être ouvertes grâce à l'adverbe « notamment ».
M. Félix Leyzour. Autant le dire !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous sommes défavorables à l'amendement n° 81, qui aurait pour effet de bloquer largement les accords susceptibles d'être conclus.
A propos de l'amendement n° 93, je rappelle que l'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 et l'article L. 35 du code des postes et télécommunications prévoient que France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 82, je précise que l'article 7, dans sa rédaction actuelle, n'empêche pas la conclusion d'un accord sur la durée du travail. Ses auteurs veulent fixer un butoir. Or il convient de laisser jouer la négociation sociale. La commission a donc émis un avis défavorable.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 83, pour le motif général que j'ai déjà indiqué.
Par ailleurs, par coordination, elle a aussi émis un avis défavorable sur l'amendement n° 84. Tout d'abord, nous avons déjà opté pour la date du 1er janvier 2002 en ce qui concerne le recrutement des personnels fonctionnaires. Ensuite, la gestion des carrières des personnels fonctionnaires et contractuels ainsi que leurs conditions de recrutement sont prévues par l'article 7.
La commission est aussi défavorable à l'amendement n° 85.
Elle est défavorable également à l'amendement n° 87 pour des raisons que nous avons clairement exposées lors de l'examen de l'article 6.
En ce qui concerne l'amendement n° 88, comme M. le ministre l'a déjà indiqué, nous lui préférons l'amendement n° 121 rectifié bis .
S'agissant de l'amendement n° 90, il nous paraît redondant et nous y sommes défavorables.
Quant à l'amendement n° 86, sa rédaction nous paraît un peu floue. Elle semble en outre démotivante car fondée sur un égalitarisme absolu. La commission y est donc défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 91, je rappelle que le recrutement des personnels fonctionnaires est prévu dans le texte du Gouvernement. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 92. Je rappelle, une fois de plus, que la liste de ce qui peut être laissé ouvert à la négociation entre les partenaires n'est pas exhaustive.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 89. En effet, l'évolution des rémunérations fait partie de la gestion des carrières et le mot « notamment » ouvre la possibilité d'aborder l'ensemble de ces sujets au cours de la négociation sociale.
L'amendement n° 94 concerne l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail de l'ensemble du personnel, sujets qui ressortissent naturellement à la négociation sociale. Il en est de même de la médecine du travail, de l'amélioration de l'exercice des droits syndicaux, qui font l'objet des amendements n°s 95 et 96.
L'augmentation des moyens matériels et humains accordés par France Télécom aux oeuvres sociales du personnel, qui est visée à l'amendement n° 97, nous renvoie à un amendement que le Gouvernement a déposé sur la gestion des oeuvres sociales. Nous sommes défavorables à sa mention en cet endroit du texte. Nous nous exprimerons à ce sujet au moment où il sera question de la gestion des oeuvres sociales.
S'agissant de l'amendement n° 98, j'ai déjà répondu : ouvert à la négociation.
Il en est de même pour l'amendement n° 99, car l'amélioration des conditions de mutation fait partie de la gestion des carrières des personnels, notamment des fonctionnaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements, ainsi que sur l'amendement n° 2 de la commission ?
M. François Fillon, ministre délégué. Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, il est peu courant qu'une loi prévoie et organise les modalités d'un accord social.
Si nous avons voulu introduire dans ce texte les modalités d'organisation de cet accord et la date avant laquelle il doit être conclu, c'est d'abord pour tenir compte du résultat de la négociation menée avec les partenaires sociaux ; c'est ensuite, comme l'a rappelé à l'instant avec talent M. le rapporteur, parce que le dialogue social à France Télécom n'a pas été suffisant depuis 1990. C'est d'ailleurs cette insuffisance qui a conduit le Gouvernement, à la fin de l'été dernier, à renouveler la direction de France Télécom.
L'article 7 fournira un cadre approprié à la fois à la direction de France Télécom et aux organisations sociales pour engager un dialogue qui doit permettre d'aboutir à un résultat, non seulement sur les sujets qui sont évoqués, mais également sur tous ceux que les deux partenaires voudront aborder.
Dans ces conditions, le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement de suppression n° 13, déposé par le groupe socialiste.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 81, qui vise à subordonner la conclusion des accords négociés par une ou plusieurs organisations représentatives à la signature d'au moins la moitié du personnel, pour une raison toute simple, et que les membres du groupe communiste comprendront certainement : l'adoption de cet amendement porte atteinte à la capacité de négocier qui est reconnue légalement à chaque organisation représentative.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 93, qui vise à introduire l'optimisation de l'accomplissement des missions de service public dans l'objectif de l'accord sur l'emploi.
En réalité, cet accord doit avoir pour objectif d'optimiser l'accomplissement de l'ensemble des activités de France Télécom, celles qui ont trait au service public, mais aussi toutes les autres.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 82, qui vise à réduire à trente-deux heures la durée du temps de travail à France Télécom. Pourquoi trente-deux heures ? Nous souhaitons que le dialogue s'engage sur ce sujet. Le Gouvernement est favorable à une réduction de la durée du travail, il est prêt à encourager les discussions sur ce sujet mais il ne souhaite pas rompre les équilibres de l'entreprise en imposant des conditions qui ne correspondraient pas à la situation économique et aux éléments de la négociation.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 83, qui tend à ajouter la nature et le nombre des emplois des personnels fonctionnaires dans les négociations prévues à l'article 7. Cette négociation porte sur l'emploi : il nous semble inutile de le rappeler à chaque alinéa.
Le Gouvernement est également opposé à l'amendement n° 84, qui vise à maintenir le recrutement des fonctionnaires au-delà du 1er janvier 2002. Le Sénat s'est d'ailleurs déjà prononcé sur ce point.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 85, qui a pour objet d'assurer l'intégration des personnels contractuels dans le corps des fonctionnaires, alors que tout l'objet de ce projet de loi est précisément d'aller progressivement vers le recrutement d'agents contractuels pour placer l'entreprise France Télécom dans les mêmes conditions de concurrence que les autres opérateurs en Europe et dans le monde.
Le Gouvernement est opposé à l'amendement n° 87, qui vise, comme nombre d'amendements suivants, à ajouter des thèmes supplémentaires à l'accord.
La question des retraites anticipées a déjà été traitée par un amendement du Gouvernement. Je note que le mécanisme que nous avons proposé est non pas un mécanisme de préretraite, mais un mécanisme de congé volontaire de fin de carrière qui présente un avantage par rapport au mécanisme de préretraite, avantage qui n'a sûrement pas échappé aux membres du groupe communiste. En effet, les salariés qui sont en congé de fin de carrière continuent d'acquérir des droits alors que ceux qui sont en préretraite n'en acquièrent plus. Je pense que cet amendement est donc moins favorable au personnel que celui qui est proposé par le Gouvernement.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 88, pour des raisons invoquées lors de l'examen de l'article précédent.
J'en viens à l'amendement n° 90. Les conditions d'évolution des carrières des jeunes sont comprises dans les conditions d'évolution des carrières en général. Les jeunes sont régis par les mêmes conventions collectives que les autres salariés de France Télécom. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Il en est de même pour l'amendement n° 86, qui vise à assurer aux jeunes salariés de France Télécom les mêmes droits et les mêmes avantages qu'à leurs aînés. Ce sont les mêmes conventions collectives qui régissent les uns et les autres.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 91, qui tend à assurer l'intégration des personnels contractuels dans les corps de fonctionnaires.
Nous rejetons également l'amendement n° 92, qui vise à inclure le régime de prévoyance dans la négociation syndicale.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2, présenté par la commission.
A propos de cet amendement, je suis conduit à préciser l'esprit dans lequel nous avons imaginé l'actionnariat pour les salariés de l'entreprise. Le cadre qui est offert par le projet du Gouvernement permet à l'entreprise de proposer à ses personnels des schémas très originaux.
Le montage qui a été évoqué par votre rapporteur et qui a été mis en oeuvre par Deutsche Telekom est tout à fait imaginable dans le cadre de dispositions prévues par la loi de 1986. De telles formules, appelées formules à effet de levier, ont été mises en place précédemment pour les privatisations d'Elf, d'Usinor ou des AGF. Un prêt bancaire permettrait, par exemple, de multiplier par dix l'apport personnel, ce qui donnerait un effet de levier qui pourrait être supérieur à celui du schéma retenu par l'opérateur allemand.
De manière générale, lors d'opérations de marché avec une tranche réservée aux salariés, les dispositifs prévus pour les salariés feront l'objet de discussions entre le personnel, l'entreprise et l'Etat, puis devront faire l'objet d'une approbation de la commission de la privatisation. Je compte sur la négociation préalable au sein de l'entreprise pour développer chez le personnel de France Télécom la perception et la compréhension de ce genre de schémas d'épargne, qui sont nouveaux pour la grande majorité.
M. le rapporteur a insisté sur la nécessité d'inscrire ce dispositif dans la durée. Il est clair que le Gouvernement n'imagine pas que 10 p. 100 du capital de France Télécom puisse être acquis par les personnels en une seule fois. Mais le Gouvernement n'envisage pas non plus - j'ai eu l'occasion de le dire - de mettre sur le marché l'ensemble des 49 p. 100 du capital de France Télécom en une seule fois. Il procédera par tranche, et à chaque tranche correspondra une offre faite au personnel.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 89 portant sur l'évolution des rémunérations. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen savent bien que la rémunération d'un fonctionnaire est déterminée par les dispositifs salariaux qui ont successivement été négociés par le Gouvernement avec les organisations professionnelles de la fonction publique. Les mesures issues de ce dispositif sont donc et continueront d'être applicables aux fonctionnaires de France Télécom.
Par ailleurs, la convention commune à La Poste et à France Télécom a choisi de rémunérer les personnels qui lui sont soumis sur la base de la fonction exercée. C'est dans le respect des règles de cette convention que doit être traitée cette question.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 94. En effet, si j'ai dit tout à l'heure que le dialogue à France Télécom pouvait être amélioré, il n'en reste pas moins que les sujets tels que l'hygiène, la sécurité, les conditions de travail ont fait, comme dans les autres entreprises, notamment dans les entreprises du secteur public, l'objet de procédures de négociation.
Le Gouvernement est opposé à l'amendement n° 95 pour les mêmes raisons.
Il est également opposé à l'amendement n° 96, qui traite de l'amélioration de l'exercice des droits syndicaux. En effet, il existe un accord spécifique à France Télécom en matière de droit syndical qui peut soutenir une comparaison favorable avec ce qui existe dans d'autres entreprises, y compris les entreprises du secteur public.
Cette contractualisation du droit syndical permet d'assurer aux partenaires syndicaux de l'entreprise des moyens qui vont très au-delà de ceux qui sont prévus en application des textes relatifs à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 97, qui concerne les oeuvres sociales, car il a déposé un amendement, qui sera examiné ultérieurement, sur la gestion des activités sociales, amendement qui vise à mieux associer les représentants du personnel à cette gestion.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 98, qui traite des conditions d'attribution et des congés pour les événements familiaux, parce que ce sont des sujets qui doivent être discutés selon les procédures existantes.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 99, qui suggère la prise en compte des conditions de mutation dans la discussion prévue à l'article 7. Ce sujet pourra être examiné au sein de cette négociation. Je ne dis pas que ce sujet ne mérite pas un examen approfondi, mais je ne pense pas opportun de fixer une liste limitative des sujets qui pourront être abordés par les partenaires sociaux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, complétant et résumant ce que j'ai dit tout à l'heure en m'expliquant sur le contenu de cet amendement, je répète qu'il s'inscrit dans la continuité de notre opposition globale à ce texte et qu'il doit donc être jugé dans ce contexte.
Je précise, après ce que j'ai dit tout à l'heure concernant la négociation qui a conduit à cet article, que les socialistes ne jugent ni ne préjugent ; ce n'est pas leur rôle. Ils constatent une situation de fait qui répond à une évaluation des rapports de forces. Je ne serais pas complet si j'omettais de dire en cet instant que nombre des nôtres apprécient avec une certaine amertume la forme de mansuétude dont semble avoir bénéficié le Gouvernement au moment d'une entreprise de privatisation, mansuétude dont les gouvernements socialistes n'avaient pas bénéficié au moment où ils proposaient, eux, de s'assurer que ces privatisations ne seraient pas possibles.
Cela étant dit, en toute hypothèse, le contenu même des points mis à l'ordre du jour et la fixation d'une limite dans le temps - le 1er janvier 2002 - concernant la question du recrutement des fonctionnaires suffiraient à nous conforter dans la méfiance que cet article nous inspire.
C'est la raison pour laquelle, pour notre part, nous n'étions pas entrés dans une logique d'amendements sur ce point.
Le rapporteur a souligné l'importance de la négociation. J'imagine qu'aucun élu de gauche ne saurait dire moins que lui ; à la limite, nous en dirions plus. Cela est à mettre à la charge des directions de France Télécom et d'elles seules.
Les remarques du rapporteur relatives au personnel contractuel m'inspirent deux commentaires.
Tout d'abord, me souvenant des divers métiers que j'ai exercés dans ma vie professionnelle, je peux dire que, dans une entreprise où coexistent des travailleurs à statut fixé par une convention collective, ou ressortissant au statut de fonctionnaire, et des travailleurs qui ont un statut moins favorable, ces derniers se trouvent le plus souvent, du fait même du fonctionnement de l'entreprise et parce que les salariés qui ont un statut favorable n'entendent pas, par leur comportement, avaliser l'existence d'un certain nombre d'employés sans statut, les moins bien défendus, notamment parce que leur situation est plus précaire et que, dès lors, les directions n'hésitent jamais à les traiter plus mal que les autres.
Ma seconde remarque sur ce sujet sera pour rappeler que, dans le cadre de la réforme de 1990 - et j'en profite pour faire écho à l'intervention de M. le rapporteur sur l'article 5 - nous avions prévu de limiter le nombre maximal des contractuels à 3 p. 100 du total des salariés. Or cette barrière de 3 p. 100 a volé en éclats.
Je ne crois pas, hélas ! monsieur le rapporteur, que ce que vous décrivez à juste titre comme un blocage du dialogue soit imputable uniquement aux situations héritées du passé.
Aujourd'hui, comme tous les autres jours, j'ai ouvert mon journal et j'ai appris qu'aux centres de Massy et de Viry-Châtillon, dans mon département, trois agents fonctionnaires ont dû recourir à la grève de la faim pour se faire entendre à la suite d'une décision autoritaire de mutation. Selon ce quotidien, l'un d'entre eux, au centre de Viry-Châtillon, poursuit encore sa grève de la faim.
J'attends de ce débat, monsieur le ministre, qu'il vous conduise au moins à vous pencher sur cette affaire - et je suis sûr que vous y serez sensible - et, le cas échéant, à inviter les directions concernées à un peu de modération dans la manière de traiter les gens. Vous le voyez, cela n'est pas du passé : c'est, hélas ! du présent, et une certaine mentalité d'entreprise ne peut conduire qu'à aggraver encore la situation.
J'ai entendu votre réponse sur l'ensemble des amendements concernant le contenu de la négociation. M. le rapporteur nous a expliqué que, au demeurant, ils étaient inutiles puisqu'un « notamment » permettait, dans le mouvement même de la négociation, d'en étendre l'objet.
Si ce raisonnement s'applique aux amendements déposés par mes collègues communistes, pourquoi ne s'applique-t-il pas « notamment » à l'amendement n° 2 de la commission ? Considérez-vous comme plus dignes d'intérêt les conditions dans lesquelles des actions seront attribuées à des fonctionnaires que les questions qui concernent le recrutement et les conditions de vie quotidienne au travail ? N'est-ce pas déjà une philosophie ?
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Dès lors que nous avons voté l'article 1er, qui est l'essentiel du contenu de ce projet de loi, il me paraît évident que l'ensemble des autres articles résulte, pour une grande part, de négociations préalables entre le Gouvernement et les personnels intéressés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Préalables, dites-vous ?...
M. Pierre Laffitte. Préalables, en effet, à l'élaboration du projet de loi !
Il est certain que la plupart de ces conditions sont éminemment favorables. Comme l'ont expliqué aussi bien M. le rapporteur que M. le ministre, il s'agit de concessions exorbitantes du droit commun de la fonction publique.
M. Félix Leyzour. Exorbitantes, c'est vraiment beaucoup dire !
M. Pierre Laffitte. A partir du moment où l'on s'installe dans un système de société nationale, on doit admettre que celle-ci peut avoir soit du personnel fonctionnaire mis à sa disposition, soit du personnel fonctionnaire mis en détachement. Cela permettrait probablement de résoudre plus facilement les problèmes de financement des retraites et quelques questions de structures...
M. Jean-Luc Mélenchon. On pourrait aussi les foutre dehors ! Ce serait beaucoup plus simple !
M. Pierre Laffitte. Il n'est pas question de les « foutre dehors » ! Un fonctionnaire a son emploi garanti par le statut de la fonction publique, et il n'est pas question de changer cela.
Ce que nous voulons, nous, c'est une structure qui soit compétitive sur le plan international.
M. Félix Leyzour. Elle l'est déjà !
M. Pierre Laffitte. Elle l'est déjà, mais dans un contexte de monopole qui ne peut subsister du fait de l'évolution technologique.
M. Félix Leyzour. Mais si !
M. Pierre Laffitte. Vous savez très bien que les conditions actuelles correspondent à un prix excessif des communications téléphoniques en France. C'est uniquement pour cela que France Télécom dégage actuellement des bénéfices ! Tous ceux qui sont allés un peu à l'étranger le savent !
Avec l'ouverture à la concurrence, France Télécom va certainement devoir affronter des difficultés, mais elle aura aussi des potentialités beaucoup plus grandes par le fait qu'elle sera privatisée ... (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Billard. C'est l'inverse !
M. Pierre Laffitte. ... et par le fait qu'elle pourra conquérir les marchés qui se développent dans le monde entier à une vitesse beaucoup plus grande qu'en Europe.
M. Félix Leyzour. C'est la pensée unique !
M. Pierre Laffitte. Ce n'est pas la pensée unique ! C'est ma pensée à moi !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, laissez M. Laffitte s'exprimer !
M. Pierre Laffitte. Au fond de vous-mêmes, vous devriez être heureux qu'on fasse en sorte que notre opérateur national, qui sera, par la force des choses, grâce à sa qualité et à son ancienneté, dans une situation quasi monopolistique en France, puisse désormais conquérir quantité de marchés étrangers.
Plus vous compliquez son fonctionnement, moins vous lui donnez les moyens de conquérir ces marchés étrangers. Il suffit d'aller voir ce qui se passe de par le monde. Nous sommes en présence d'une évolution extrêmement rapide, à laquelle il faut prendre notre part. C'est l'intérêt de ce projet. Moins on compliquera les choses, mieux les personnels de France Télécom se porteront, mieux ils seront rémunérés et plus ils seront heureux, ce que nous souhaitons tous. (M. Jacques Machet applaudit.)
M. Robert Pagès. En tout cas, nous retenons que vous avez parlé de privatisation !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ...?
Je mets aux voix l'amendement n° 84, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 85, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux l'amendement n° 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 96.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je n'ai pas bien compris les raisons qui, compte tenu de l'emploi du mot « notamment », s'opposent à ce qu'on inclue parmi les points à négocier une question qui me paraît au moins aussi décisive pour l'avenir des relations dans l'entreprise que celle qui est visée par l'amendement n° 2, lequel vient d'être adopté. Le rapporteur bénéficie, de la part du Gouvernement, d'une compréhension tout à fait remarquable !
Qu'est-ce qui interdit que l'amélioration de l'exercice des droits syndicaux soit à l'ordre du jour de la négociation ? Certainement pas l'adverbe « notamment » puisque celui-ci n'empêche pas que cet ordre du jour soit complété par la disposition proposée par M. Larcher !
D'ailleurs, tout à l'heure, celui-ci nous a lui-même dit combien le dialogue social dans l'entreprise s'était dégradé. Dès lors, il est plus que jamais nécessaire que les syndicats puissent se faire entendre et se faire respecter.
J'avais bien compris, au début, pourquoi le ministre s'opposait à des précisions : il lui semblait que le mot « notamment » ouvrait toutes les possibilités. Mais il a accepté l'amendement n° 2, qui traite d'un point qui n'est pas du tout fondamental puisque, de toute façon, il est prévu dans le projet de loi que 10 p. 100 du capital seront mis à la disposition du personnel. Quel besoin, alors, de préciser que l'on discutera de la manière dont ces 10 p. 100 seront répartis ?
Bref, comment accepter l'amendement n° 2 quand, par ailleurs, on récuse l'amendement n° 96 ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 97, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 98, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 7, modifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Peut-être est-ce le moment de solliciter des éclaircissements sur les raisons qui ont conduit le ministre à trouver plus important que l'on fasse figurer dans le texte, parmi les points de la négociation, en dépit de la présence de l'adverbe « notamment », les conditions de répartition des actions plutôt que les questions de déroulement de carrière, l'hygiène et la sécurité ou les oeuvres sociales de l'entreprise France Télécom.
Le Sénat comprendra que, ayant déposé un amendement de suppression, je vote contre cet article.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Nous aurions pu nous contenter de dire que nous votons contre l'article, mais je voudrais m'adresser à M. le ministre, à M. le rapporteur ainsi qu'à mes collègues de la majorité, car je suis gêné par leur attitude.
Ils sont parfaits ! M. le ministre fait partie du club des parfaits : il sait tout, il connaît tout, il refuse tout. Il semble, à l'entendre, que nous soyons incapables de réfléchir. Il me fait penser à la réponse stupéfiante que, dans ce chef-d'oeuvre qu'est Le Guépard , fait le comte quand on lui propose d'être sénateur du nouveau royaume d'Italie : « Pourquoi ? Les Siciliens sont parfaits ! » Chacun connaît l'évolution qu'a connue la Sicile grâce à ses habitants parfaits !
Je tiens à exprimer ma gêne face à une telle attitude. Ce n'est pas un débat parlementaire ; c'est un écrasement, c'est la prétention d'avoir raison en tout. L'avenir dira qui a raison en tout !
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Oui, monsieur Minetti, l'avenir dit toujours qui a raison.
J'ajouterai à l'intention de M. Mélenchon que, lorsque j'ai parlé tout à l'heure du droit syndical, il n'a pas dû m'écouter. J'ai précisé que les règles du droit syndical ont déjà été négociées au sein de l'entreprise et qu'elles sont nettement plus favorables que dans tout le reste de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle il ne m'a pas paru nécessaire d'en rajouter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président. « Art. 8. - L'article 32 de la même loi est complété par un quatrième alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du chapitre 2 et du chapitre 3 du titre IV du livre IV du code du travail sont applicables à l'ensemble des personnels de France Télécom, y compris ceux visés aux articles 29 et 44 de la présente loi, à compter de l'exercice 1997. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 14, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 100, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 8 :
« L'article 32 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 32. - En accord avec les organisations syndicales représentatives de ses agents, France Télécom consacre chaque année une partie des bénéfices réalisés l'année précédente à une réévaluation des indices de carrière et des salaires de l'ensemble de ses salariés.
« Cette part des bénéfices est au moins équivalente à celle que France Télécom a versée en 1995 à ses salariés au titre de l'application du régime prévu par les dispositions du chapitre 1er de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. »
La parole est à M. Mélenchon, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous abordons un sujet que nous avons déjà évoqué par la bande, si j'ose dire, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 2 à l'article 7, puisqu'il s'agit de l'intéressement du personnel.
Vous avez bien sûr compris que mon amendement de suppression est en cohérence avec la logique globale d'opposition au texte que j'ai déjà eu l'occasion de défendre devant le Sénat. Je n'y reviendrai donc pas.
La Haute Assemblée comprendra que celui qui s'exprime ait un attachement particulier au sujet qu'il évoque en cet instant, se souvenant du débat passionnant et passionné que nous avions eu à l'occasion d'une loi qui visait à élargir les conditions de la participation - le rapporteur en était Jean Chérioux - et qui nous avait offert l'occasion d'un débat assez approfondi.
Vous savez que je suis par principe opposé, comme nombre de socialistes d'ailleurs, au concept de la participation.
En cet instant, il me semble nécessaire de rappeler que si, dans le cadre de l'ouverture d'un capital d'une entreprise nationale, ceux qui ne partagent pas mes convictions peuvent, tout en en étant salariés, acquérir, à titre individuel, des actions, cela relève du domaine de la liberté individuelle et du comportement des citoyens.
Mais ès qualités de salariés d'une entreprise, j'estime que le procédé est quelque peu choquants surtout lorsqu'il s'agit de la propriété sociale de la nation. Les travailleurs, me dit-on, ont concouru à l'amélioration et à l'enrichissement de l'entreprise. Je n'en disconviens pas, mais la nation tout entière y a concouru.
En de tels domaines, et pour me résumer, sachez que je ne suis pas partisan de slogans tels que : « La mine aux mineurs ! », « L'électricité aux électriciens ! » et - pourquoi pas ? - « Le courrier aux facteurs ! ».
Par conséquent, je ne vois pas de raison particulière conduirait à ce que les agents de France Télécom soient ès qualites intéressés au dépeçage de la propriété sociale de la nation. Voilà mon point de vue.
Je conclurai en disant qu'en l'espèce le procédé paraît d'autant plus choquant qu'il s'agit de fonctionnaires qui, par définition et de par leur statut, ne doivent pas être intéressés personnellement aux bénéfices et au résultat de l'entreprise à laquelle ils participent.
Je trouve choquant que des fonctionnaires puissent, d'une part, participer au bradage d'un patrimoine qu'ils ont contribué à constituer et, d'autre part, intervenir dans la discussion sur l'avenir de leur entreprise non en tant que salariés, mais en tant que cogérants d'objectifs qui n'ont rien à voir avec la logique de la fonction publique. Ils seront des fonctionnaires travaillant à côté de travailleurs qui n'auront pas le même statut. Ils auront un statut privé. Dans leurs revendications syndicales, seront continuellement conduits à se réclamer des objectifs de la fonction publique pour protéger leur propre situation corporatiste.
Je trouve choquant qu'ils soient associés de cette manière à cette entreprise.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Claude Billard. Par cet amendement, nous proposons une rédaction différente de l'article 8 du projet de loi.
Je ne reviendrai bien évidemment pas sur les raisons qui nous amènent à rejeter de façon globale les dispositions que l'article 8 prévoit de mettre en oeuvre. Mais je poserai, à l'occasion de l'examen de cet amendement, un certain nombre de questions précises.
En effet, le dispositif d'intéressement du personnel n'est pas sans soulever quelques problèmes dès lors que l'on se trouve en présence de fonctionnaires.
Mais, au-delà de cette particularité, force est de constater que la volonté du législateur, dans le cas qui nous préoccupe, est sans aucun doute de permettre l'émergence de ce qu'il est convenu d'appeler la « carotte » de l'intéressement pour faire oublier le « bâton » que représente le reste des conditions générales d'exercice des missions et des tâches professionnelles.
Tout le monde se doute bien que les garanties offertes par la convention collective qui régira les conditions de travail des agents contractuels ou de droit privé de France Télécom n'offriront pas les mêmes garanties que les statut actuel des fonctionnaires.
On risque fort, comme cela a d'ailleurs pu être observé dans d'autres cas - je pense, par exemple, au récent conflit social de la Régie des transports marseillais - d'aboutir à une dévalorisation du statut des salariés de droit privé, pourtant de plus en plus nombreux, par rapport au statut des agents sous statut public.
Il faut dès lors mettre en oeuvre quelques palliatifs. Parmi les outils existants, figurent les accords d'intéressement. Ces accords et ces outils posent plusieurs problèmes.
Premier problème et non le moindre, l'intéressement des personnels d'une entreprise, quelle qu'elle soit, est étroitement dépendant de la réalité du résultat d'exploitation de ladite entreprise.
Nous avons souligné, lors de la discussion du projet de loi sur la nouvelle réglementation des télécommunications et du présent projet de loi, que la limitation organisée des missions de service public et, partant, la réduction de la valeur ajoutée produite par l'activité de France Télécom, auraient des conséquences sur le résultat d'exploitation de l'entreprise nationale.
La direction de l'entreprise sera alors tentée, afin de redresser ce résultat d'exploitation, de prendre des mesures d'économies diverses, allant de la maîtrise de la masse salariale à la réduction des investissements, en passant par la limitation du nombre des créations d'emploi ou la chasse aux dépenses de fonctionnement courant.
En clair, pour assurer une relative pérennité à l'accord d'intéressement, il faudra peser sur les salaires, l'emploi et l'investissement faute de quoi la carotte de l'intéressement sera de plus en plus rabougrie et de moins en moins attractive.
Nous avons souligné dans le débat que France Télécom était loin, très loin même, de ne disposer d'aucune marge en matière salariale.
La part de la masse salariale est faible dans les comptes de l'entreprise nationale, plus faible que dans le secteur public de façon générale et dans le secteur marchand.
Il reste du grain à moudre pour faire droit aux revendications du personnel en matière de rémunération, de garanties collectives, de statut, de prestations et d'éléments annexes de rémunération.
Tel est l'objet de l'amendement n° 100 par lequel nous vous invitons, mes chers collègues, à consacrer dans la loi cette exigence permanente de revalorisation salariale.
Il permettra accessoirement d'assurer, sur la durée, le financement du régime de retraite de France Télécom, que nous avons évoqué tout à l'heure.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 14 et 100 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission est très attachée au principe de la participation. Puisque les mots « intéressement » et « participation » ont été prononcés tant par M. Mélenchon que par M. Billard, je rappelerai que l'intéressement a été créé par la loi de 1990, votée par la majorité de l'époque pour les personnels de La Poste et de France Télécom. De tels dispositifs ne sont pas envisagés aujourd'hui, mais il était important, à ce point du débat, de rappeler que l'intéressement résulte de la loi de 1990. Ce n'est pas cette majorité-là qui l'a créé, mais nous nous en félicitons.
Quant à la participation, les dispositions du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 s'appliquent à tous les salariés de France Télécom, société nationale.
M. Mélenchon a raison de dire que les choix de la commission sont, d'un point de vue philosophique et politique, différents des siens. En effet, nous croyons qu'il est légitime, en vertu du code du travail, non pas que les salariés détournent la « propriété sociale de la nation », selon l'expression de M. Mélenchon, mais qu'ils participent aux résultats de l'entreprise.
Dès lors, vous le comprendrez, la commission est défavorable à ces deux amendements pour des raisons de fond. Elle souhaite conserver l'intéressement créé par la loi de 1990, ce qui démontre, une fois de plus, que nous n'entendons pas gommer cette loi qui constitue un cadre et une référence. Mais comme le rapporteur M. Jean Faure le disait à l'époque nous pensions qu'il ne s'agissait que d'une étape et qu'il fallait dire la vérité, notamment aux agents de France Télécom. En effet, compte tenu de l'évolution des techniques, l'ouverture évoquée voilà un instant par M. Pierre Laffitte est une réalité, mais nous voulons que France Télécom reste une société nationale, possédée majoritairement par l'Etat, et que les personnels y conservent leur statut. (MM. Laffitte et Machet applaudissent.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 et 100 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est attaché à la notion de participation, qu'il a souhaité voir ici renforcée par rapport au dispositif de la loi de 1990. Il souhaite donc bien évidemment le rejet de l'amendement n° 14.
Quant à l'amendement n° 100, qui vise à intégrer dans le salaire les fruits de la participation et de l'intéressement, il vide de leur sens ces dispositions.
Il est certes difficile, au cours d'un long débat, de ne pas se contredire, mais je voudrais faire remarquer aux membres du groupe communiste républicain et citoyen qu'ils ne peuvent pas à la fois affirmer que les sociétés privées vont se jeter sur France Télécom tant sa rentabilité paraît assurée et nous expliquer que les conséquences de la loi de réglementation pèseront sur les résultats de l'entreprise de telle sorte qu'il n'y aura plus de bénéfice à distribuer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je dois faire au Sénat l'aveu d'une défaillance.
Mes collègues auront remarqué les conditions particulières dans lesquelles j'accomplis ma mission, et les plus attentifs d'entre eux se seront aperçus que les explications que je viens de fournir à propos de cet amendement de suppression s'appliqueraient bien plus opportunément à l'amendement n° 15, puisque celui-ci tend à supprimer l'article 9, qui traite de la participation.
Quoi qu'il en soit, chacun aura compris l'état d'esprit qui m'anime ; il est inutile que j'y revienne. Je me suis expliqué, cela suffit pour l'instant, et je persiste dans mon attitude d'opposition.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen votre contre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe socialiste également.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. « Art. 9 - Il est inséré dans la même loi un article 32-1 ainsi rédigé :
« Art. 32-1. - Les dispositions des articles 208-1 à 208-19 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales, des articles 11 à 14 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative à l'actionnariat des salariés et du chapitre 3 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création de fonds communs de créances s'appliquent également aux agents ou anciens agents mentionnés aux articles 29 et 44 de la présente loi, affectés à France Télécom ou ayant été affectés pendant au moins cinq ans à la personne morale de droit public France Télécom ou à l'entreprise nationale France Télécom.
« Dans ce cadre, 10 p. 100 du capital de France Télécom seront proposés au personnel de l'entreprise. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 15, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 101, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article 32-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer le mot : « proposés » par les mots « attribués gratuitement ».
La parole est à M. Mélenchon, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cette fois-ci, nous y sommes ! Je crois avoir tout à l'heure expliqué assez complètement mon opposition à l'idée de l'actionnariat, mais je vais en dire quelques mots de plus.
Dans la logique de la discussion que nous avons déjà eue avec M. Chérioux, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de relever une opposition de conception dans la philosophie des relations sociales. C'est vrai, et tel est le fond de l'affaire. Elle revêt, sur ce sujet, un caractère un peu abstrait, mais elle n'en est pas moins significative selon moi, de l'idée que nous nous faisons des rapports à la propriété, en particulier à la propriété sociale.
J'ai noté que vous aviez bien voulu relever l'expression. Elle est, à nos yeux, tout à fait fondamentale. Nous faisons une distinction entre les formes de propriété et nous attachons à la propriété sociale peut-être cette importance extraordinaire que, de votre côté, vous accordez d'habitude plutôt à la propriété privée.
Telle est la raison de fond.
J'ai dit tout à l'heure ce que j'avais à dire. Je ne porte pas de jugement sur celles et ceux qui, parmi les salariés de France Télécom, pourraient trouver normal, en conscience, de participer à cette opération. Je dis que, en principe, par principe et sur le fond, nous sommes en désaccord philosophique et politique complet avec ce type d'attitude.
Je demande que l'on comprenne bien qu'il y a et qu'il reste pour l'avenir une certaine contradiction à être à la fois fonctionnaire et actionnaire ès qualités de l'entreprise, dans laquelle on se trouvera donc en quelque sorte représenté et intéressé deux fois, et d'une manière contradictoire : d'un côté, en tant que fonctionnaire se réclamant d'une certaine conception de l'intérêt général et du service public, avec des logiques et des dynamiques qui, nous l'avons assez démontré, ne peuvent pas correspondre point par point avec celles qui viennent de la partie privée ; de l'autre, en étant intéressé et représenté du point de vue de cette partie privée.
Peut-être verra-t-on, par exemple, tel syndicaliste assis à la table du conseil d'administration - ce que je ne pense pas possible - ...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mais si ! Il y en aura sept.
M. Jean-Luc Mélenchon. ... en tant que syndicaliste et face à lui tel membre de son syndicat, et peut-être même un membre éminent, qui, lui, représenterait les salariés actionnaires.
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'est cela les rapports modernes !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une contradiction qui, pour vous, n'en est pas une, mais qui, pour nous, occupe cent ans de notre histoire !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui ! Mais c'est le passé !
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Claude Billard. En 1994, en France, l'entreprise téléphonique est celle qui a réalisé le plus gros bénéfice : 9,2 milliards de francs. Elle est aussi le plus gros investisseur, la deuxième entreprise de services avec un chiffre d'affaires de 130 milliards de francs et le cinquième employeur.
Comme le précise dans son rapport consacré à l'avenir de France Télécom - rapport datant du 12 mars 1996 - notre collègue M. Gérard Larcher, « ce poids, propre à l'entreprise France Télécom stricto sensu ne reflète qu'une partie de sa puissance. Elle est, en effet, à la tête d'un groupe totalisant quelque 150 filiales, qui ajoutent 20 milliards de francs de chiffre d'affaires à celui qui provient du téléphone et environ 17 000 salariés aux effectifs de la maison mère ».
France Télécom occupe le quatrième rang mondial par le chiffre d'affaires réalisé - 25,6 milliards de dollars en 1994 - dans le secteur des télécommunications, derrière le japonais NTT, l'américain AT&T et Deutsche Telekom, et se situe devant le britannique BT et l'italien Telecom Italia.
De tels résultats ont été possibles en grande partie par l'investissement de l'ensemble des personnels de France Télécom dans leur entreprise, par leur attachement et leur dévouement au service public.
Un tel esprit d'entreprise, lié à leur statut d'agent de la fonction publique, a permis, grâce notamment à son pôle de recherche-développement, des innovations technologiques essentielles, comme la création du Minitel, qui demeure incontestablement une réussite industrielle importante, très appréciée des usagers. Elle a permis le développement d'un réseau filaire couvrant l'ensemble du territoire.
Un seul chiffre, déjà évoqué, suffit pour résumer ce bilan d'activité de France Télécom : 92 p. 100 des usagers se déclarent satisfaits ou très satisfaits des services rendus par cette grande entreprise.
Conscients du fait que ces résultats sont le « fruit des efforts et du talent de la communauté d'hommes et de femmes », selon les termes reproduits par notre collègue M. Larcher à la page 51 du rapport écrit, il est proposé, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article 32-1 de la loi du 2 juillet 1990, que 10 p. 100 du capital de France Télécom soient proposés au personnel de l'entreprise.
Nous estimons, pour notre part, nécessaire de favoriser l'actionnariat salarié en permettant aux agents de France Télécom d'acquérir à titre gratuit des actions.
En commission, on nous a objecté, s'agissant de cet amendement, qu'une telle cession ne saurait s'effectuer à titre gratuit.
Cela étant, je tiens à faire remarquer que, à l'article 1er de ce projet de loi, il est indiqué que les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom seront transférés de plein droit à l'entreprise nationale France Télécom, et ce gratuitement.
Toutefois, si effectivement cet amendement s'avérait impossible à mettre en oeuvre - j'attends sur ce point les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur - nous accepterions de le modifier afin de préciser que le personnel de France Télécom pourraient disposer de 10 p. 100 du capital de l'entreprise à un tarif préférentiel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 15 et 101 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 15, nous nous sommes déjà largement exprimés sur le sujet ; nous avons des approches fort différentes de la question. La commission émet donc un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 101. C'est effectivement au personnel de France Télecom, dans sa globalité - je l'ai dit - qu'il convient d'attribuer une très large part du succès de l'opérateur public, qui était auparavant une administration, à partir d'une décision engagée politiquement en 1967 par le gouvernement du général de Gaulle. N'oublions pas que cette décision a été prise à ce moment-là car le niveau du service public était tel que ce dernier n'avait pas pris en compte l'évolution des besoins en matière de télécommunications.
Par ailleurs, je voudrais convertir immédiatement le chiffre donné en dollars par notre collègue M. Billard, car je ne suis pas encore atteint par la « dollarisation » générale. Le chiffre d'affaires de France Télécom est de l'ordre de 130 milliards à 135 milliards de francs, soit quelque 20 milliards d'écus.
S'agissant de la cession gratuite - nous l'avons dit en commission et vous l'avez rappelé, monsieur Billard - le problème se pose par rapport à la jurisprudence constitutionnelle des 25 et 26 juin 1986.
Aux termes de celle-ci, les intérêts de l'Etat font partie d'un droit de propriété. Voilà pourquoi nous avons voulu - cela figure à l'article 7 - que soient prévues les conditions de cession d'actions au personnel.
Je remercie le Gouvernement de l'avoir inscrit, malgré l'adverbe « notamment ». En effet, cela permet de répondre à la préoccupation que vous avez exprimée et que nous partageons. Cela permet aussi de ne pas courir le risque d'inconstitutionnalité que comporte la rédaction de l'amendement n° 101. La commission émet donc un avis défavorable sur celui-ci.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 15. La neutralité est un des principes qui constituent le service public. Elle est garantie par la loi de réglementation des télécommunications. C'est le Gouvernement qui devra veiller à son respect. Je considère donc que l'actionnariat salarié ne constitue en aucun cas une entrave au principe de neutralité.
S'agissant de l'amendement n° 101, il est, comme vient de le démontrer M. le rapporteur, contraire aux principes de la Constitution. En effet, aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'est pas possible de brader le patrimoine national.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 101, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article additionnel après l'article 9

M. le président. Par amendement n° 122 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 33 de la même loi est ainsi modifié :
« 1. Au premier alinéa, les mots : "et notamment de leurs activités sociales" sont remplacés par les mots : "et notamment des activités associatives communes".

« 2. Au troisième alinéa, après les mots : "intérêt public", sont insérés les mots : "ne concernant pas des activités sociales".
« 3. Après le troisième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :
« Le conseil de gestion de chaque groupement d'intérêt public concernant des activités sociales est constitué d'un représentant de chacun des deux exploitants publics qui en assure alternativement la présidence et, pour chaque exploitant public, d'un représentant des organisations syndicales. Celui-ci est désigné par les représentants au conseil d'orientation et de gestion mentionné à l'article 33-1 des organisations syndicales et des associations de personnel à caractère national selon les mêmes règles de vote qu'au sein dudit conseil. »
« II. - Il est inséré dans la même loi un article 33-1 ainsi rédigé :
« Art. 33-1. - Il est créé au sein de France Télécom et au sein de La Poste un conseil d'orientation et de gestion des activités sociales en charge de définir la politique et d'assurer la gestion et le contrôle des activités sociales relevant de chaque exploitant public.
« Chaque conseil d'orientation et de gestion des activités sociales comprend 8 représentants désignés respectivement par France Télécom ou La Poste, 8 représentants désignés par les organisations syndicales représentatives, 8 représentants désignés par les associations de personnel à caractère national.
« Les représentants des associations de personnel à caractère national sont désignés par les associations du secteur auquel elles appartiennent à raison de deux associations pour chacun des quatre secteurs suivants : prévoyance et solidarité, activités sportives et de loisirs, activités culturelles, activités économiques et restauration. En cas de vote, chaque secteur dispose d'une seule voix.
« Les présidents de France Télécom et de La Poste ou leurs représentants sont de droit présidents des conseils d'orientation et de gestion des activités sociales de France Télécom ou de La Poste. Ils sont chacun assistés de deux vice-présidents désignés parmi les représentants des organisations syndicales par les représentants au conseil d'orientation et de gestion des organisations syndicales et des associations de personnel à caractère national selon les mêmes règles de vote qu'au sein dudit conseil.
« Les conventions constitutives des conseils d'orientation et de gestion sont soumises à l'approbation du ministre chargé des postes et télécommunications et fixent les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. J'ai dit que les négociations s'étaient poursuivies avec les personnels de France Télécom et nous avaient conduits à introduire deux amendements rectifiés à plusieurs reprises, monsieur Mélenchon, car les négociations sont les négociations. Le présent amendement, à savoir le second, concerne les oeuvres sociales.
Le groupement d'intérêt public créé en 1990 entre La Poste et France Télécom pour gérer ces activités sociales doit évoluer pour tenir compte de l'évolution des opérateurs et tirer les leçons de cinq ans de fonctionnement.
La concertation que nous avons engagée avec les employeurs et les salariés a permis d'élaborer un nouveau mécanisme qui est fondé sur les principes suivants : assurer une représentation des personnels dans l'orientation et la gestion des activités sociales, respecter l'unité du monde associatif des PTT en maintenant le groupement d'intérêt public pour les activités associatives et créer un cadre de gestion des activités sociales plus économique - je pense à la restauration, à tout ce qui a trait aux vacances et au logement - propre à chaque opérateur. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission avait appelé de ses voeux un tel amendement et une telle réflexion sur la gestion des oeuvres sociales. Nous l'avions dit à plusieurs reprises et notamment lors de la discussion générale. Nous savions que des négociations étaient engagées entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et nous étions d'ailleurs informés par ces derniers de l'évolution desdites négociations.
Voilà pourquoi, s'agissant du groupement d'intérêt public concernant les activités sociales, un nouveau mécanisme a été élaboré et, M. le ministre vient de le dire, est détaillé dans l'amendement n° 122 rectifié.
Il préserve l'unité du monde associatif des postes et télécommunications en maintenant le groupement d'intérêt public pour les activités associatives. Nous pensons que c'est important, car il y a là un héritage très fort qui appartient aux deux opérateurs. Il crée un cadre de gestion des activités sociales propre à chaque opérateur. De toute façon, nous paraissait indispensable - nous l'avions écrit - une clause de rendez-vous après cinq ans d'application de la loi de 1990. Voilà pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui répond à nos voeux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 122 rectifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour éclairer mon vote, je souhaiterais poser une question à M. le ministre.
Cet amendement résulte d'une négociation avec les partenaires sociaux, a-t-il dit. Je ne suis pas assez informé de ces négociations, je vous prie de m'en excuser. Aussi, je souhaiterais, sur ce point, savoir qui a négocié quoi et, le cas échéant, qui a signé, pour que nous sachions à peu près à quoi nous en tenir.
Après quoi je serai contraint d'avouer que je suis dans le plus grand embarras. En effet, ces questions concernent en définitive très directement le personnel lui-même, puisqu'il s'agit de ses oeuvres.
M. le ministre, j'en suis sûr, voudra bien me faire la grâce d'une explication, en m'apportant les précisions que je viens de lui demander.
L'élu politique que je suis doit-il opiner du côté de ceux qui auraient signé ou de ceux qui ne l'auraient pas fait ? En cet instant, je l'avoue, j'hésite.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. L'amendement 122 rectifié, présenté par le Gouvernement, comporte en fait plusieurs aspects pour le moins préoccupants.
En effet, même en l'absence de comité d'entreprise, on est bien obligé de constater aujourd'hui que les services socioculturels existants pour les agents de La Poste et de France Télécom participent d'une certaine façon du statut des fonctionnaires des deux exploitants publics. C'est un aspect très important de la vie des salariés.
Les aspects sociaux et culturels sont l'objet de conquêtes qu'il ne faut pas remettre en cause. Ces deux aspects sont imbriqués l'un dans l'autre pour les salariés. Ils valent par leur contenu et par leurs conditions d'accès.
L'amendement n° 122 rectifié, en visant à réduire l'activité du groupement d'intérêt public aux seules activités de caractère associatif - sports, culture, cinéma, etc. - et à procéder, concernant les autres activités, tels les restaurants, centres de vacances ou les logements, à une plus stricte séparation entre les deux opérateurs, comporte un réel danger.
L'une des conséquences de la banalisation de France Télécom, contenue dans l'esprit et la lettre du présent projet de loi, va être une sorte de divorce à l'amiable et la répartition du patrimoine social existant entre les deux opérateurs.
L'une des conséquences de ce dispositif est la disparition d'une partie de la synergie de gestion qui permettait aux agents de la Poste et de France Télécom de bénéficier indistinctement des prestations sociales accordées au personnel.
Les économies d'échelle résultant de services communs à plus de 450 000 fonctionnaires et à leurs familles vont donc être remises en question.
Il est en effet patent que les structures existantes accueillent indifféremment les agents de l'un et l'autre des deux exploitants publics.
Demain, à qui sera attribuée la gestion de tel ou tel restaurant administratif, selon que la proportion des agents de La Poste venant s'y restaurer y sera plus élevée que celle des agents de France Télécom, ou inversement ? Selon quelles modalités décidera-t-on d'affecter à La Poste ou à France Télécom la gestion de tel ou tel équipement ?
Toute une cohérence dans l'activité sociale et culturelle en direction des personnels de La Poste et de France Télécom va être brisée par la loi dont nous débattons, d'autant plus que le nombre des embauches de droit privé va se généraliser à France Télécom.
Cette situation risque, selon toute vraisemblance, d'aboutir à la remise en cause progressive des activités existantes, remise en cause qui présentera les caractéristiques bien connues de la cession de patrimoine, de la spéculation immobilière, de la banalisation des activités touristiques, de la mise en sous-traitance des activités de restauration.
Ainsi, peut-être, la Compagnie générale des eaux qui investit aujourd'hui avec la SFR, la Société française du radiotéléphone, le marché des télécommunications pourra-t-elle également envisager de se faire, par ses filiales de restauration collective, prestataire de services envers France Télécom, alors que, actuellement, des agents sont mis à disposition pour effectuer les tâches de gestion de ces restaurants.
Ces observations faites, je vous invite, mes chers collègues, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à rejeter l'amendement n° 122 rectifié.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je dirai, après M. le rapporteur, à quel point je suis favorable à cet amendement du Gouvernement et à la percée significative d'un esprit de concertation, qui, seul, permet d'avancer.
Je crois, pour ma part, que l'ASPTT est une grande réalisation qu'il ne convenait pas de faire disparaître purement et simplement. La continuation de cette participation commune des personnels de La Poste et des télécommunications me paraît garantie par l'amendement n° 122 rectifié.
S'agissant des préoccupations de nos collègues communistes, je dirai que rien n'empêche les centres gérés soit par France Télécom, soit par La Poste d'accueillir les partenaires et amis de l'autre organisation. Toutefois, il faut bien constater que les évolutions techniques existent. Pardonnez-moi de le dire, mais il est évident que les localisations des personnels sont différentes et le seront probablement de plus en plus, parce que, précisément, les télécommunications facilitent les migrations et les localisations particulières. Par conséquent, cela me paraît tout à fait dans la nature des choses.
Je trouve que cette concertation a très bien abouti, et je ne souhaite pas remettre en cause des contacts avec les syndicats qui l'ont négociée. Sur ce point, je comprends parfaitement les interrogations de M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je crains de vous décevoir, mon cher collègue, car je vois que nous partons de la même préoccupation.
J'aurais souhaité que M. le ministre me donne des éclaircissements.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, j'ai indiqué plusieurs fois au cours de ce débat que nous avions négocié avec les organisations qui l'avaient souhaité, mais pas avec toutes les organisations. Il est clair que je ne viens pas devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, avec un accord que je vous demanderais d'entériner. C'est en effet vous qui êtes chargés de légiférer.
Je dis simplement que le Gouvernement a négocié avec les partenaires sociaux et qu'il est arrivé au texte qu'il vous propose.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je tiens à remercier M. le ministre de ses explications.
Vous avez raison de dire, monsieur le ministre, que nous ne saurions être une chambre d'enregistrement d'accords syndicaux. Quel que soit son accord à tel ou tel moment de la négociation sociale, le législateur garde le point de vue qui est le sien.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais le fait de savoir qu'un accord existe constitue une indication très importante.
Votre intervention, monsieur le ministre, me permet de comprendre que cet accord n'engage qu'une partie des syndicats représentatifs, si bien que, sur ce vote, je me trouverais dans la situation de leur donner raison contre le point de vue de ceux qui n'ont pas signé cet accord ; tel n'est pas le choix que peuvent faire à ce moment le parti socialiste et ses parlementaires. Les arguments présentés par mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen me semblent se situer dans une certaine continuité avec ceux que j'ai moi-même développés contre la dislocation du système de France Télécom.
Par conséquent, je croirais commettre une faute en m'écartant de l'argumentation de mes amis communistes.
Si certains syndicalistes ne sont pas d'accord, ils souffriront très facilement, j'en suis sûr, que les élus politiques de la gauche, eux, le soient.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je m'associe pleinement aux propos de notre collègue M. Pierre Laffitte et de M. le rapporteur. C'est avec conviction, monsieur le ministre, que je voterai l'amendement n° 122 rectifié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.

Article 10

M. le président. « Art. 10. - Il est ajouté à la même loi un article 49 ainsi rédigé :
« Art. 49. - 1. Les statuts initiaux de l'entreprise nationale France Télécom sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. Ils pourront être modifiés dans les conditions prévues pour les sociétés anonymes par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dès lors que l'Etat ne détiendra plus la totalité du capital.
« 2. Le capital social au 31 décembre 1996 de l'entreprise nationale est, dans sa totalité, détenu directement par l'Etat. Son montant est établi à partir des fonds propres figurant au bilan de l'exploitant public au 31 décembre 1995 et en tenant compte des dispositions de la présente loi.
« 3. Le bilan au 31 décembre 1996 de l'entreprise nationale France Télécom est constitué à partir du bilan au 1er janvier 1996 de l'exploitant public et du compte de résultat de celui-ci pour l'exercice 1996.
« Le bilan de l'exploitant public au 1er janvier 1996 pourra prévoir l'imputation sur la situation nette des charges exceptionnelles prévues par la présente loi.
« 4. Le capital social de l'entreprise nationale au 31 décembre 1996 et le bilan de l'exploitant public au 1er janvier 1996 sont fixés par arrêté conjoint des ministres de l'économie, du budget et des télécommunications.
« 5. Les membres du conseil d'administration de France Télécom en fonction le 30 décembre 1996 constituent le conseil d'administration de l'entreprise nationale France Télécom jusqu'à la date d'expiration de leur mandat, sous réserve de l'application des articles 12 et 13 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 modifiée relative à la démocratisation du secteur public. »
Sur les dix amendements déposés sur cet article, quatre n'ont plus d'objet.
Il nous reste donc à examiner six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Je propose à leurs auteurs de les exposer maintenant, puis, compte tenu de l'heure tardive, nous reporterons à la prochaine séance les avis de la commission et du Gouvernement et leur mise aux voix.
Je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 102 est déposé par MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 10.
Par amendement n° 104, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la seconde phrase du premier alinéa (1) du texte présenté par l'article 10 pour l'article 49 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
Par amendement n° 107, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 10 pour l'article 49 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
Par amendement n° 106, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa (4) du texte présenté par l'article 10 pour l'article 49 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 :
« 4. Le capital social de l'entreprise nationale au 31 décembre 1996 et son bilan au 1er janvier 1997 sont fixés par arrêté conjoint des ministres de l'économie, du budget et des télécommunications, au vu des conclusions d'une commission paritaire d'évaluation. »
Par amendement n° 109, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa (5) du texte présenté par l'article 10 pour l'article 49 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
La parole est à M. Mélenchon, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 10 me semble être, pour l'avenir de la société France Télécom, d'une importance comparable, de par les modifications qu'il introduit, à celle de l'article 1er.
L'article 1er crée cette société nationale, prévoit son évolution en société à participation à capitaux privés ; quant à l'article 10, il contient, à notre avis, une disposition centrale, une mesure de transition, une sorte de passerelle entre le présent de France Télécom, tel que nous le connaissons, et l'avenir que vous lui préparez. Vous nous avez dit à maintes reprises que cet avenir était assuré par la lettre même du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui garantirait à tout jamais que France Télécom serait un service public et une entreprise nationale dans laquelle l'Etat demeurerait majoritaire.
Nous avons maintes fois dit dans ce débat que cet avenir préparait la privatisation : soit la privatisation que j'avais qualifiée de tendancielle et sur laquelle je vais revenir, soit la privatisation que j'ai appelée organique, c'est-à-dire le fait que les entreprises privées se trouveraient en situation d'exercer à leur tour des fonctions que l'entreprise France Télécom serait empêchée d'accomplir du fait des conditions qui lui sont créées aujourd'hui.
Le point crucial, c'est évidemment le fait que, si la totalité du capital social de l'entreprise nationale est détenue, au 31 décembre 1996, directement par l'Etat, dès lors que cela ne sera plus le cas, l'entreprise décidera d'elle-même, comme cela va de soi pour une société anonyme, de ce que seront ses statuts.
C'est évidemment par ce biais que, de cession de parts de capital en cession de parts de capital jusqu'à concurrence de 49 p. 100 et à chacune de ses modifications, la société pourra s'adapter à devenir ce que vous avez appelé « une société comme les autres », c'est-à-dire quelque chose qui ne sera plus le service public mais qui deviendra progressivement une entreprise, laquelle, par ses objectifs comme par ses modes d'organisation, procédera des logiques du secteur privé.
C'est pourquoi nous avons déposé sur l'article 7, comme sur les autres articles, un amendement de suppression ; mais ce dernier prend une force particulière et singulière, car nous touchons ici au coeur de la logique du système que vous mettez en place et que nous réprouvons, ainsi que je l'ai démontré depuis le début du débat.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 102.
M. Louis Minetti. Cet amendement vise à la suppression de l'article 10, qui institue des dispositions transitoires contestables.
En effet, il prévoit que les statuts initiaux de l'entreprise seront déterminés par décret en Conseil d'Etat et que leur modification interviendra conformément au droit des sociétés commerciales, c'est-à-dire, dès que l'Etat ne détiendra plus la totalité du capital, par décision du conseil d'administration.
On peut imaginer que les premiers opérateurs privés entrant dans le capital de l'entreprise publique pourront ainsi avoir une influence non négligeable sur les modalités de privatisation du reste du capital.
Une telle situation n'est bien évidemment pas acceptable. Elle participe au bradage du patrimoine de la nation.
Cet article 10 prévoit également les modalités d'évaluation du prix de France Télécom dans des conditions douteuses qui, me semble-t-il, ne correspondent pas à l'usage reconnu en la matière par le Conseil constitutionnel.
Nous pouvons donc craindre que le coût de l'entreprise publique ne soit sous-évalué par rapport à sa réalité. Les précédentes privatisations se sont faites au rabais, et nous pouvons craindre que celles-ci ne le soient encore davantage.
Nous savons, en effet, que l'Etat croule sous un déficit public considérable qu'il se révèle incapable de juguler tant il consacre de milliards de francs à des subventions déguisées en soutien à l'emploi et, dans la plupart des cas, non contrôlées, au bénéfice du patronat.
L'évaluation de l'entreprise se passera donc en petit comité dans les salons feutrés de quelques ministères où quelques hommes politiques, quelques technocrates ou financiers décideront des modalités du changement de propriété de l'entreprise.
Nous refusons absolument une telle perspective. Nous proposons donc au Sénat d'adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 104.
M. Claude Billard. Cet amendement concerne une disposition qui nous paraît inacceptable. En fait, le premier alinéa de cet article 49 nouveau de la loi de 1990 nous semble inconstitutionnel.
Le fait de donner le pouvoir discrétionnaire à l'assemblée générale des actionnaires pose également un problème démocratique à l'égard de la nation.
En ce qui concerne la constitutionnalité de cette disposition, je souhaite m'appuyer sur les décisions du Conseil constitutionnel et les commentaires de constitutionnalistes, dont chacun reconnaît la compétence.
M. le rapporteur ne consacre que trois lignes à cette question, par une simple paraphrase. Je sais bien que c'est le meilleur moyen de ne pas soulever de lièvre !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je suis pourtant un chasseur !
M. Claude Billard. Regardons ce qu'en dit le professeur Rivero, citant et commentant la décision des 25 et 26 juin 1986 du Conseil constitutionnel sur les ordonnances de privatisations : « La décision du Conseil constitutionnel précise que les règles de nationalisations ou de transferts de propriété d'entreprises du secteur public au service privé n'en seraient pas si elles attribuaient aux seuls organes des entreprises concernées un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de décision soustrait à tout contrôle et d'une étendue excessive. »
Vous voyez bien, mes chers collègues, que l'assemblée générale des actionnaires ne peut être compétente pour décider une modification de statut.
Pour confirmer mon propos, je tiens à évoquer les professeurs Favoreu et Philip, qui, dans leur ouvrage Les grandes décisions du Conseil constitutionnel , précisent, à propos de cet arrêt des 25 et 26 juin : « Cette démarche est exactement celle suivie par le Conseil constitutionnel pour apprécier la constitutionnalité de la législation sur les nationalisations ; la différence tient à ce que, en matière de nationalisations, le Conseil avait invalidé une disposition législative laissant trop de liberté d'appréciation aux organes des sociétés nationales, alors qu'en l'espèce il constate que le législateur a correctement utilisé sa compétence ».
Nul doute qu'avec la disposition prévue au dernier alinéa de cet article 49 nouveau, le Conseil constitutionnel devra rendre un arrêt du même type qu'en 1982.
Mais cette disposition pose une autre question : une question démocratique.
L'assemblée générale des actionnaires, entérinera, chacun le sait, les propositions du conseil d'administration. L'expérience prouve que les petits actionnaires, salariés ou petits porteurs, n'ont jamais voix au chapitre. Ainsi, ce seront les actionnaires de poids qui décideront de l'ouverture encore plus grande du capital de France Télécom.
Or vous comprendrez qu'on ne peut guère compter sur Bouygues, la Lyonnaise ou la Générale des Eaux pour soutenir que l'Etat devra rester majoritaire !
Donner à l'assemblée générale des actionnaires le droit de changer de statut n'est pas une bonne disposition. Bien entendu, M. le ministre ne cesse de répéter que l'Etat conservera jusqu'au bout 51 p. 100 du capital. On sait ce que valent les promesses !
En 1990, lorsque des organisations syndicales avaient exprimé leur crainte d'ouverture du capital, à l'occasion du changement de statut, le ministre et le P-DG d'alors avaient affirmé qu'il n'était question d'aucune privatisation, même partielle !
Malgré toutes les dénégations de M. le ministre, la deuxième phrase de l'article 49 nouveau organise la privatisation totale de France Télécom. C'est pourquoi nous proposons de la supprimer. Nous demandons que, sur ce point, le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Louis Minetti. Cet amendement vise à supprimer le quatrième alinéa de l'article 49 nouveau de la loi de 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
M. le rapporteur nous a expliqué qu'il était normal, pour France Télécom, d'inscrire dans le bilan les charges prévues par la loi, à savoir le transfert de l'enseignement supérieur, la contribution forfaitaire exceptionnelle et les provisions pour retraites, mais, ce qu'il oublie, ce sont toutes les opérations d'alourdissement du bilan qui n'ont rien à voir avec ce projet de loi.
La première décision consiste à alourdir le bilan de 1996 par une provision de 20 milliards de francs.
La seconde décision aboutit à plomber le bilan par la dépréciation des actifs immobiliers de plus de 10 p. 100, ce qui se traduit par une baisse d'environ 23 milliards de francs des actifs !
Ainsi, pour les opérateurs privés qui entreront dans le capital, ce sera une aubaine. On ne peut pas accepter que l'on déprécie France Télécom et que 1996, comme par enchantement, soit une mauvaise année, en termes financiers, au bénéfice des gros porteurs.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement.
M. le président. La parole est M. Leyzour, pour présenter l'amendement n° 106.
M. Félix Leyzour. Cet amendement est directement inspiré du précédent, puisqu'il vise à contrecarrer la dépréciation des actifs organisée par la direction de France Télécom, avec la bénédiction du Gouvernement. C'est ce qui explique le changement d'année pour établir le bilan.
J'ajoute que cette proposition émane de plusieurs syndicats représentatifs qui n'apprécient pas ce tour de passe-passe. Ils l'apprécient d'autant moins que le personnel est exclu de toute évaluation de l'actif.
Aussi, nous souhaitons qu'une commission paritaire d'évaluation puisse donner un avis avant que le ministre de l'économie et des finances, le ministre délégué au budget et le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications fixent le capital social de l'entreprise et son bilan par arrêté.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour présenter l'amendement n° 109.
M. Claude Billard. Il s'agit, bien entendu, d'un amendement de cohérence.
Nous avons expliqué précédemment les raisons pour lesquelles le nouveau conseil d'administration ne nous convenait pas. Je n'y reviendrai donc pas.
M. le président. Mes chers collègues, ainsi que je vous l'ai indiqué tout à l'heure, le vote sur ces amendements interviendra demain.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

8

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 425, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 426, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu, en application de l'article 73 bis , alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de décision du Conseil portant révision à mi-parcours de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (n° E-594).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro n° 424 et distribuée.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanier un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 277, 1994-1995) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par MM. Pierre Lagourgue et Lucien Lanier sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise (n° E-405).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 420 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Hérisson un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (n° 381, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 421 et distribué.
J'ai reçu de M. Bernard Joly un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 332, 1995-1996) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Nicolas About sur la communication de la commission sur le développement des chemins de fer communautaires. - Application de la directive 91/440/CEE. - Nouvelles mesures pour le développement des chemins de fer et sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires (n° E-510).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 422 et distribué.
J'ai reçu de M. Luc Dejoie un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et l'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'adoption (n° 396, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 423 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (n° 415, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 427 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 1994 (n° 404, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 428 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 13 juin 1996 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. - Discussion de la proposition de loi organique (n° 270, 1994-1995) de MM. Charles de Cuttoli, Jacques Habert, Pierre Croze, Paul d'Ornano, Jean-Pierre Cantegrit, Xavier de Villepin, Mme Paulette Brisepierre, MM. Hubert Durand-Chastel et André Maman tendant à compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
- et de la proposition de loi organique (n° 271, 1994-1995) de MM. Charles de Cuttoli, Jacques Habert, Pierre Croze, Paul d'Ornano, Jean-Pierre Cantegrit, Xavier de Villepin, Mme Paulette Brisepierre, MM. Hubert Durand-Chastel et André Maman tendant à modifier et compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.
Rapport (n° 412, 1995-1996) de M. Charles de Cuttoli, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux propositions de loi organique.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Rapport (n° 406, 1995-1996) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
3. Discussion de la proposition de loi (n° 249, 1995-1996), adoptée par l'Assemblé nationale, modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme.
Rapport (n° 350, 1995-1996) de M. Jacques Machet, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
4. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 340, 1995-1996), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures en faveur des associations.
Rapport (n° 409, 1995-1996) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délai limite général pour le dépôt des amendements

Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (n° 381, 1995-1996) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 juin 1996, à douze heures.
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 juin 1996, à douze heures.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (n° 415, 1995-1996) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 juin 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ? ...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 13 juin 1996, à zéro heure quarante.

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Louis-Ferdinand de Rocca Serra pour siéger au sein du Conseil national des services publics départementaux et communaux en remplacement de M. Jean-Pierre Tizon.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des lois a fixé au lundi 17 juin 1996 à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution n° 277 (1994-1995) qu'elle a adoptée sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise (n° E-405).
Le rapport n° 420 (1995-1996) de M. Lucien Lanier sera mis en distribution le jeudi 13 juin 1996.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des lois et seront examinés par la commission lors de sa réunion du mardi 18 juin 1996 à 10 heures.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT D'AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan a fixé au mardi 18 juin 1996, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la communication de la commission sur le développement des chemins de fer communautaires. Application de la directive 91/440/CEE. Nouvelles mesures pour le développement des chemins de fer et sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires (n° E-510).
Le rapport n° 422 (1995-1996) de M. Bernard Joly sera mis en distribution le jeudi 20 juin 1996.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des affaires économiques et du Plan et seront examinés par la commission lors de sa réunion du mercredi 19 juin 1996 à 9 h 30.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mercredi 12 juin 1996


SCRUTIN (n° 106)



sur l'amendement n° 43, présenté par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article premier du projet de loi, déclaré d'urgence, relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce (opposition à la délocalisation éventuelle des investissements réalisés sous le régime de l'article 238 bis HN).

Nombre de votants : 256
Nombre de suffrages exprimés : 256
Pour : 15
Contre : 241

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (24) :

Contre : 23.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. François Abadie.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :

Contre : 92.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Yves Guéna, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (74) :

Contre : 73.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

N'ont pas pris part au vote : 59.
dont M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 44.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour




Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Nicole Borvo



Michelle Demessine
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Félix Leyzour
Paul Loridant



Hélène Luc
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Honoré Bailet
José Balarello
Bernard Barbier
Janine Bardou
Jean-Michel Baylet
Henri Belcour
Monique ben Guiga
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Paul Blanc
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Gérard Gaud
Philippe de Gaulle
Patrice Gelard
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Roger Husson
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lacour
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Charles Metzinger
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Guy Poirieux
Christian Poncelet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Jean Puech
Roger Quilliot
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Regnault
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Alain Richard
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Michel Rocard
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Jacques Sourdille
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Serge Vinçon
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


François Abadie
Jean-Paul Amoudry
Alphonse Arzel
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
François Blaizot
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Didier Borotra
Jean-Pierre Cantegrit
Jean Cluzel
Marcel Daunay
Marcel Deneux
Georges Dessaigne
André Diligent
André Dulait
André Egu
Pierre Fauchon
Jean Faure
Serge Franchis
Jacques Genton
Francis Grignon
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Henri Le Breton
Edouard Le Jeune
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
René Marquès
François Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Daniel Millaud
Louis Moinard
Jean-Marie Poirier
Jean Pourchet
Claude Pradille
Philippe Richert
Guy Robert
Jacques Rocca Serra
Michel Souplet
Albert Vecten
Paul Vergès
Xavier de Villepin

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Yves Guéna, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 257
Nombre de suffrages exprimés : 257
Majorité absolue des suffrages exprimés : 129
Pour l'adoption : 15
Contre : 242

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 107)



sur l'amendement n° 52, présenté par M. Claude Billard et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article 4 du projet de loi, déclaré d'urgence, relatif à l'entreprise nationale France Télécom (conditions d'utilisation du Réseau numérique à intégration de services de France Télécom).

Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 93
Contre : 222

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (24) :

Pour : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.
Contre : 19.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :

Contre : 92.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (74) :

Pour : 73.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Contre : 58.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 44.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Gérard Gaud
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Charles Metzinger
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Danièle Pourtaud
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Regnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet


André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gelard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Yves Guéna
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lacour
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Jacques Sourdille
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 108)



sur l'amendement n° 57, présenté par M. Claude Billard et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article 5 du projet de loi, déclaré d'urgence, relatif à l'entreprise nationale France Télécom (réintroduction dans le statut général de la fonction publique des personnels de France Télécom).

Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 93
Contre : 222

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (24) :

Pour : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Mme Joëlle Dusseau.
Contre : 19.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :

Contre : 92.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (74) :

Pour : 73.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Contre : 58.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 44.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Gérard Gaud
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Charles Metzinger
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Danièle Pourtaud
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Regnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet


André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gelard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Yves Guéna
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lacour
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Jacques Sourdille
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.