RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 73 bis du règlement du Sénat relatif aux résolutions sur les propositions d'actes communautaires.
Cet article de notre règlement a été introduit en application de l'article 88-4 de la Constitution, qui prévoit que « le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.
« Pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. »
C'est donc dans ces conditions qu'a été introduit dans notre règlement l'article 73 bis, qui dispose : « La proposition de résolution de la commission compétente, modifiée le cas échéant par les amendements qu'elle a adoptés, est transmise au président du Sénat, imprimée et distribuée. Cette résolution de la commission devient la résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours francs suivant la date de sa distribution sauf si, dans ce délai, le président du Sénat, le président d'un groupe, le président de la commission compétente ou d'une commission saisie pour avis, le président de la délégation pour l'Union européenne ou le Gouvernement demande qu'elle soit examinée par le Sénat. »
En fait, dans la pratique, le Gouvernement a, à plusieurs reprises, inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Sénat l'examen de propositions de résolution.
Hier encore, le Sénat a examiné deux propositions de résolution qui avaient été inscrites d'office par le Gouvernement à l'ordre du jour prioritaire, sans que la conférence des présidents ait été consultée en tant que telle. Bien entendu, elle a enregistré l'ordre du jour prioritaire, mais, à la vérité, il lui revenait de décider si le Sénat serait ou non saisi de ces textes.
D'un autre côté, il se trouve que la commission des lois vient d'adopter une résolution sur les avocats.
En application de l'article 73 bis du règlement, le président du groupe socialiste a demandé à M. le président du Sénat, dès que cette résolution a été distribuée, c'est-à-dire le 20 juin dernier - alors qu'il avait dix jours pour le faire - qu'elle vienne en discussion devant le Sénat.
M. le président du Sénat aurait donc dû, en application de ce même article, saisir la conférence des présidents.
Or, ce matin, M. le président du Sénat a répondu au président du groupe socialiste, M. Estier, qu'aucune conférence des présidents n'ayant été prévue cette semaine, celle-ci n'avait pas pu être saisie.
Cela me paraît une sorte de déni de justice.
Puisque nous sommes en session, il suffit de convoquer la conférence des présidents pour qu'elle soit saisie et, à mon avis, elle devait l'être. Elle peut même être saisie, me semble-t-il, si nous ne sommes pas en session. Et elle doit l'être, dès lors que la demande d'examen par le Sénat d'une proposition de résolution a été formulée dans les délais réglementaires.
Certes, M. le président du Sénat nous répond que la résolution devient définitive si la conférence des présidents ne propose pas ou si le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre du jour dans un délai de vingt jours, et cela, notamment, en dehors des sessions.
Je me permets de rappeler que l'article 88-4 de la Constitution prévoit la possibilité de voter des résolutions pendant ou en dehors des sessions. Même si le Conseil constitutionnel a cru devoir, en examinant notre règlement, indiquer que cette formulation de l'article 88-4 était contraire à la Constitution - je ne vois pas que la Constitution puisse être anticonstitutionnelle ! - je continue de penser que le président du Sénat peut parfaitement saisir la conférence des présidents, et la conférence des présidents saisir le Sénat lui-même en dehors des sessions, sans recours possible en la matière devant le Conseil constitutionnel, qui n'aurait donc pas à en connaître.
Tel est, monsieur le président, le rappel au règlement que je tenais à faire.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez évoqué la correspondance que M. le président du Sénat a adressée à M. Estier, président du groupe socialiste.
Je rendrai compte, naturellement, à M. le président du Sénat de votre intervention. Mais je vous confirme ce qui est indiqué dans le dernier paragraphe de cette correspondance, si vous m'autorisez, monsieur Estier, à en donner lecture : « Dans ces conditions, la question pourra être revue par le Sénat au cours de la prochaine session, notamment par le biais du dépôt éventuel d'une nouvelle proposition de résolution. »
C'est donc vous qui avez le choix des armes, si vous me permettez l'expression. Vous venez, en effet, de rappeler les termes de la Constitution et le fait que la procédure s'appliquait pendant et en dehors des sessions.
Par ailleurs, vous avez parlé de « déni de justice ». L'expression me paraît quelque peu excessive, car il ne peut être question, surtout entre le président du Sénat et vous-même, et a fortiori M. Estier, d'un déni de justice.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un déni de justice peut ne pas être volontaire !
M. le président. Je souhaitais attirer votre attention sur l'expression utilisée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai effectivement fait une comparaison afin de bien montrer l'importance de cette question.
Je voudrais également...
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous connaissez le règlement du Sénat aussi bien que moi : je vous ai donné la parole pour un rappel au règlement ; théoriquement, je ne devrais pas vous la redonner pour poursuivre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite simplement répondre à ce que vous m'avez dit, monsieur le président.
M. le président. Je vous redonne donc la parole, pour quelques minutes seulement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le dernier paragraphe de la lettre adressée par M. le président du Sénat à M. Estier évoque, en effet, le dépôt éventuel d'une nouvelle proposition de résolution. Encore faut-il que cette proposition de résolution soit votée par la commission compétente, à défaut de quoi le Sénat ne peut plus en être saisi.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

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