M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Plusieurs sénateurs socialistes. Il n'est pas là !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je regrette, en effet, son absence, mais j'étais prévenue.
Depuis plus de vingt ans, les progrès scientifiques ont permis de mieux connaître les caractéristiques de la trisomie 21. On sait ainsi que le risque d'avoir un enfant atteint de cette malformation chromosomique augmente avec l'âge de la mère. Nous disposons également de tests nous permettant d'identifier précocement ce handicap, le plus connu et le plus fiable d'entre eux étant l'amniocentèse.
Cet examen permet aux couples, avec l'aide d'un gynécologue, de décider de poursuivre ou non la grossesse en cas de résultat positif. Il est donc précieux pour guider ce choix douloureux.
L'amniocentèse a également un coût - 2 500 francs - que la collectivité nationale a estimé devoir prendre en charge. En 1973, le remboursement par la sécurité sociale fut proposé aux femmes de plus de quarante ans. Depuis, la décision a été prise qu'il interviendrait également pour les femmes âgées de plus de trente-huit ans.
Malgré l'augmentation du nombre des amniocentèses, les naissances d'enfants trisomiques n'enregistrent pourtant pas de baisse significative.
Aujourd'hui, 75 % des enfants qui naissent avec cette malformation ont des mères de moins de trente-huit ans. Des tests sanguins viennent désormais compléter l'éventail des moyens de détection.
C'est dans ce contexte qu'un collège de spécialistes en gynécologie et en biologie a proposé que toute femme âgée de trente-cinq ans dont l'analyse sanguine révèlerait un risque de mettre au monde un enfant trisomique se voie proposer une amniocentèse prise en charge par la sécurité sociale.
Cette proposition répond à un double souci : lever un terrible doute pour toute femme chez qui le test sanguin aura révélé une suspicion ; garantir pour toutes ces femmes un traitement égal, qu'elles aient plus ou moins de trente-huit ans.
Pouvez-vous nous indiquer, madame le ministre, quelles sont les raisons véritables qui ont poussé le ministère de la santé à différer sa décision sur le remboursement de ces amniocentèses ?
Ses hésitations, ses doutes signifient ni plus ni moins que les couples qui auront les moyens financiers d'assumer cette dépense recourront à une amniocentèse tandis que les autres devront vivre dans l'angoisse l'essentiel de la grossesse.
M. le président. Quelle est votre question, madame le sénateur ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. M. le ministre de la santé a dit vouloir conditionner sa décision aux conclusions du rapport qu'il a confié au professeur Mattei, lequel ne cache pas son opposition a priori à ces remboursements. Les recommandations claires et précises des plus éminents spécialistes ne vous suffisent-elles pas ? Ou alors ne devons-nous pas plutôt penser qu'elles ne vous satisfont pas ? (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
M. Claude Estier. Il n'y a qu'une femme dans ce Gouvernement !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, je souhaiterais tout d'abord excuser mon collègue M. Hervé Gaymard, qui est retenu en ce moment même à l'Assemblée nationale.
MM. Hervé Gaymard et Jacques Barrot on déjà eu l'occasion de s'exprimer très précisément sur ce sujet. Je ne peux que confirmer leurs propos.
Concernant la première partie de votre question, madame Dieulangard, qui porte sur le diagnostic prénatal, je pense que nous pouvons éliminer, d'entrée, toute discussion polémique ou idéologique.
Ce sujet suscite de véritables et légitimes préoccupations pour le Gouvernement.
Il y a deux ans, le Parlement avait débattu avec sérénité, clarté et équilibre en vue d'élaborer notre législation sur la bioéthique, qui sert aujourd'hui d'exemple dans le monde entier.
S'agissant du diagnostic prénatal, en 1992, le ministre de la santé de l'époque avait saisi le comité consultatif national d'éthique, lequel a rendu un avis au mois de juin 1993.
Aux termes de cet avis, le diagnostic prénatal devait répondre à trois conditions : premièrement, l'agrément des laboratoires habilités à effectuer le dosage des marqueurs sériques ; deuxièmement, la mise en place d'une information médicale préalable sur le test proposé auprès des femmes qui décident d'y recourir ; troisièmement, l'association de la pratique des tests à une consultation dans un centre agréé de diagnostic prénatal « comportant au moins un généticien ».
Les deux premières conditions sont remplies grâce aux décisions prises précisément par MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard. D'abord, au mois de mai 1996, les quarante-trois laboratoires nécessaires ont été agréés. Le Gouvernement vient, par ailleurs, de décider de diffuser une brochure à l'ensemble des médecins afin de faciliter leur tâche en matière d'information des femmes.
Quant au conseil génétique, chacun sait que ce dispositif est insuffisamment développé dans notre pays. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de créer dans le projet de budget pour 1997 des postes hospitaliers de médecins généticiens.
Depuis 1991, l'amniocentèse est remboursée pour les femmes de plus de trente-huit ans parce qu'à l'époque le critère discriminant était l'âge. Nous savons que ce n'est plus le cas depuis l'apparition des marqueurs sériques. Il faut donc, en matière de prise en charge, une évolution. Nous en sommes d'accord. MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard ont d'ailleurs toujours affirmé que la question était ouverte.
Concernant le second terme de votre question, madame Dieulangard, comme vous le savez, voilà quelques années, seule l'amniocentèse permettait d'avoir accès au patrimoine génétique du foetus. Dans quelques années, on pourra procéder à l'analyse des cellules foetales à partir du sang de la mère, ce qui soulèvera des problèmes nouveaux.
Il nous faut donc, sur ce sujet, continuer à consulter car nous devons à la fois concilier l'égalité devant la prise en charge pour les femmes et le respect des principes bioéthiques.
C'est la raison pour laquelle il a été demandé au professeur Mattei, que d'aucuns connaissent très bien, de travailler sur ce dossier. Quand, dans quelques mois, M. Mattei aura remis ses propositions et que les consultations auront été poursuivies, la décision qui s'impose sera prise.
C'est un sujet qui ne doit pas être traité à la légère et à propos duquel il faut retrouver l'esprit et le souffle des débats qui ont animé le Parlement en 1994, ce qui est tout à son honneur.
Il n'est, une fois de plus, pas question de polémique ou de simplification sur ce sujet-là, qui est trop important et trop grave, reconnaissons-le tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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