M. le président. « Art. 2 bis _ A la fin du premier alinéa de l'article 163 septdecies du code général des impôts, les mots : "25 % de ce revenu" sont remplacés par la somme : "50 000 F". »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-2 est présenté par MM. Lambert et Cluzel, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-89 est déposé par M. Vidal, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° I-127 rectifié est présenté par Mme Beaudeau, M. Loridant, Mme Luc, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° I-30, MM. Laffitte, Cabanel et Joly proposent de rédiger comme suit l'article 2 bis :
« A la fin du premier alinéa de l'article 163 septdecies du code général des impôts, avant les mots : "25 % de ce revenu", sont ajoutés les mots : "200 000 francs et". »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-2
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souligne que notre excellent collègue M. Cluzel, dont chacun sait qu'il a une parfaite connaissance du sujet, est spécifiquement associé au dépôt de cet amendement.
Cette question des SOFICA, sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, a fait l'objet de débats nourris hors même du Parlement.
L'Assemblée nationale a plafonné à 50 000 francs le montant de la déduction - actuellement, 25 % du revenu net global - applicable aux souscriptions à des SOFICA.
Si l'idée de revoir ce dispositif fiscal peut être approuvée, il faut bien admettre que ce plafonnement à 50 000 francs pourrait le condamner et tarir ainsi une source importante de financement des oeuvres cinématographiques. Cela pourrait en effet conduire les détenteurs ou les gestionnaires de portefeuilles à de nouveaux arbitrages et orienter l'épargne vers d'autres dispositifs, fiscalement plus avantageux.
Je vous proposerai d'aller dans le sens d'un plafonnement, comme l'a souhaité l'Assemblée nationale, mais je le ferai en deuxième partie du projet de loi de finances.
Une déductibilité limitée à 25 % du revenu net global, avec un plafond de 200 000 francs, permettra sans doute d'assurer la pérennité de ce système tout en encadrant l'avantage fiscal.
Pourquoi vous proposé-je de ne traiter de cette question qu'en deuxième partie ? Tout simplement parce que le Centre national de la cinématographie nous a fait valoir qu'une disposition figurant en première partie risquerait de tarir les ressources collectées pour 1996, la perspective du plafonnement à 50 000 francs ayant pour effet de « geler » les souscriptions aux SOFICA.
Dans cette logique, je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer l'article 2 bis tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale en première partie et de déplacer la disposition relative aux SOFICA, avec un plafonnement porté à 200 000 francs, en deuxième partie du projet de loi de finances. Cela aura l'avantage de « dégeler » les souscriptions au titre de l'année 1996 et d'éviter une incertitude pour les souscripteurs.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter l'amendement n° I-89.
Mme Danièle Pourtaud, au nom de la commission des affaires culturelles. Cet amendement de suppression, voté à l'unanimité par la commisssion des affaires culturelles, part du constat suivant : le plafond institué par l'Assemblée nationale reviendra, dans les faits, à supprimer progressivement les SOFICA.
Ce plafond de 50 000 francs touchera en effet plus de 40 % des souscripteurs mais aussi et surtout 75 % des montants ainsi investis dans le cinéma à travers les SOFICA.
La question qui nous est posée aujourd'hui est donc de savoir s'il est souhaitable ou non de maintenir ce dispositif.
Je vous rappelle que l'objet qui avait été fixé lors de la création des SOFICA était double : drainer vers la production cinématographique et audiovisuelle des capitaux longs ; assurer la diversité des financements nécessaires à une création pluraliste.
Or, dix ans après leur création, que constate-t-on ?
Les SOFICA ont consacré, en moyenne, 260 millions de francs par an à la production française. Elles participent ainsi, chaque année, au financement d'une partie de la production audiovisuelle et à la création de trente à cinquante films. Plus important encore, elles consacrent 61 % de leurs investissements à la production indépendante.
C'est dire le rôle décisif que jouent les SOFICA pour le pluralisme du cinéma français.
Certes, la commission des affaires culturelles considère que le mécanisme des SOFICA mériterait sans doute quelques aménagements techniques qui relèvent essentiellement de la compétence réglementaire.
Toutefois, supprimer aujourd'hui les SOFICA au nom de l'équité fiscale, ce qui, par ailleurs, est un souci tout à fait légitime, reviendrait en l'état à empêcher chaque année la création de 30 % à 40 % des films français.
Alors que nous avons soutenu la spécificité du modèle culturel français lors des négociations du GATT, alors que la multiplication des services audiovisuels engendrera des besoins considérables en matière de fiction, on ne peut ainsi supprimer l'un des dispositifs les plus favorables au cinéma indépendant français.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles vous propose de maintenir le système en vigueur, et donc de supprimer le plafond institué par l'Assemblée nationale.
Elle souhaiterait obtenir, en contrepartie, l'engagement du Gouvernement de réformer les modalités de fonctionnement des SOFICA pour renforcer leurs obligations en matière de financement de la production indépendante.
La commission des finances - M. le rapporteur général vient de le rappeler - proposera, lors du débat sur la seconde partie du projet de loi de finances, de relever le plafond de la déduction fiscale à 200 000 francs. Nous en discuterons en temps voulu. C'est un niveau qui, au dire des professionnels, permettrait de préserver la viabilité financière des SOFICA. Mais, pour l'instant, il importe de préserver un dispositif qui a fait les preuves de son efficacité au service du cinéma français.
M. Emmanuel Hamel. Excellente intervention !
M. le président. Comme vous pouvez le constater, madame le sénateur, vous avez un admirateur dans les rangs de la majorité ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Je ne suis pas le seul !
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement I-127 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Bien que favorables à un régime de subvention directe de la culture plutôt qu'à celui de la dépense fiscale, il nous faut reconnaître que les SOFICA participent très largement au financement du cinéma. Il s'agit d'un système qui fonctionne et qui présente l'avantage, par son effet incitatif, de démultiplier l'aide que l'Etat consent au travers de l'avantage fiscal.
Le dispositif relatif aux SOFICA est condamné faute de fonds suffisants si le montant des souscriptions déductibles du revenu imposable est plafonné à 50 000 francs.
Le système français de soutien à la production n'a pas besoin d'être fragilisé à un moment où le seul cinéma européen est le seul à reconquérir des parts de marché, face à la concurrence des productions américaines et où il faudrait répondre à la demande croissante des nouvelles technologies.
L'industrie cinématographique n'est pas seulement un secteur culturel important ; c'est également un secteur créateur d'emplois au sein des révolutions que connaît l'audiovisuel.
Les SOFICA investissent chaque année, en moyenne, 160 millions de francs dans quarante longs métrages, c'est-à-dire près de la moitié du nombre de films français produits par an.
En retirant 3 ou 4 millions de francs par film du financement d'une quarantaine de films, soit près de 15 % du coût d'un film, l'équilibrage financier de la production serait extrêmement difficile à réaliser.
La disparition des SOFICA condamnerait, à terme, nombre des films français produits. Les conséquences culturelles et économiques sur la création seraient considérables.
La raréfaction des sources de financement, déjà constatée aujourd'hui, jointe à l'augmentation des budgets des films pour faire face à la concurrence des films à gros budgets, voilà autant d'éléments qui imposent de maintenir l'apport des SOFICA, même si ces dernières devraient pouvoir faire l'objet d'un contrôle plus grand permettant de s'assurer que l'argent ainsi récolté est réinvesti en totalité dans la création cinématographique.
Compte tenu de ces observations et dans l'intérêt de notre création cinématographique, je vous propose moi aussi, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement tendant à supprimer l'article 2 bis.
M. le président. L'amendement n° I-30 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-89 et I-127 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je me réjouis de cette unanimité ! Une telle unanimité ne manque pas de nous interpeller sur l'état de nos incertitudes en matière de dépenses fiscales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-2, I-89 et I-127 rectifié ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, ce sujet a donné lieu à un très long débat à l'Assemblée nationale.
Dans le projet de réforme de l'impôt sur le revenu, le Gouvernement n'a pas proposé de modifier le régime fiscal des SOFICA. En effet, l'expérience a montré que ce régime était nécessaire au maintien d'une production cinématographique française, en particulier d'une production indépendante, comme l'a dit excellemment Mme Pourtaud.
Cela étant, dans le cadre d'une négociation plus vaste avec sa propre majorité, le Gouvernement a été conduit, sur ce sujet, à s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée nationale, laquelle a adopté un amendement qui réduit fortement l'avantage consenti aux souscripteurs de parts de SOFICA. Par conséquent, la part de financement de la production cinématographique provenant des SOFICA diminuera problement à l'avenir.
La suppression de l'article 2 bis proposée par les auteurs de ces amendements présente le mérite incontestable d'éviter qu'une éventuelle réforme n'aille à l'encontre de décisions qui auraient pu être prises en 1996 par des souscripteurs de parts de SOFICA. Cette proposition s'inscrit donc dans une certaine logique.
Toutefois, m'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat,...
M. Emmanuel Hamel. Qui est plus grande encore ! (Sourires.)
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... d'un Sénat qui, à vous entendre les uns et les autres, est unanime sur ce sujet.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-2, I-89 et I-127 rectifié.
M. Jean Cluzel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. M. le rapporteur général et Mme Pourtaud viennent de lancer un débat extrêmement important. Nous pouvons nous féliciter d'une double continuité : continuité, d'abord, au sein de notre assemblée, puisque les différentes commissions et, semble-t-il, tous les groupes sont d'accord ; continuité, ensuite, au niveau des gouvernements successifs, puisque cette initiative a été prise par un gouvernement de gauche et qu'elle semble devoir être maintenue - tout au moins nous le souhaitons - par le Gouvernement actuel, si ces amendements sont adoptés.
Ce dispositif date du milieu des années quatre-vingt, alors que notre production cinématographique et, par conséquent, nos programmes audiovisuels connaissaient déjà des problèmes de financement. Il s'agissait, pour reprendre une expression célèbre dans le milieu professionnel, de « réussir le mariage du banquier et de la danseuse ».
Au-delà de ce qui constitue sans doute un excès d'humour, il n'empêche que les SOFICA représentent, avec les recettes en salles et les obligations d'investissement des diffuseurs télévisuels, la principale source de financement de notre production cinématographique.
Leur participation est nécessaire, j'y insiste, non seulement sur le plan cinématographique, mais également en matière de programmes audiovisuels. Il s'agit de la « production française d'images » - je souligne ces trois termes - et, par conséquent, de la défense de ce qu'il faut bien appeler notre identité culturelle française. (M. Genton applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-2, I-89 et I-127 rectifié, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 2 bis

M. le président. Par amendement n° I-31, MM. Laffitte, Cabanel et Joly proposent d'insérérer, après l'article 2 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 163 septdecies du code général des impôts est complété par la phrase suivante : "Les SOFICA sont autorisés à investir dans des produits multimédia". »
L'amendement est-il soutenu ?...

Article 3