SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Travail et affaires sociales

I. - TRAVAIL (suite) (p. 3 )

Crédits du titre III (p. 4 )

MM. Guy Fischer, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement ; Gérard Delfau.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 5 )

M. Gérard Delfau.
Amendement n° II-9 rectifié bis de M. Carle. - MM. Jean Boyer, Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - Retrait.
Amendement n° II-12 de Mme Demessine. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. - Rejet.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 6 )

Article 94 (p. 7 )

Amendements identiques n°s II-6 de M. Huguet et II-13 de Mme Demessine ; amendements n°s II-24 rectifié de la commission des finances, II-10 de M. Joly ; amendements identiques n°s II-25 de la commission des finances et II-11 de M. Joly ; amendement n° II-26 de la commission des finances. - MM. Delfau, Fischer, le rapporteur spécial, Joly, le ministre, le président de la commission des affaires sociales. - Rejet des amendements n°s II-6 et II-13 ; adoption des amendements n°s II-24 rectifié, II-25, II-11 et II-26, l'amendement n° II-10 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Articles 95 et 96. - Adoption (p. 8 )

Article 97 (p. 9 )

Amendements identiques n°s II-7 de M. Mazars et II-14 de Mme Demessine. - MM. Delfau, Fischer, le rapporteur spécial, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Anciens combattants et victimes de guerre (p. 10 )

MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Guy Cabanel, Jacques Habert, Bernard Barbier, Mme Nelly Olin, MM. René Rouquet, Robert Pagès, Raymond Courrière.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre.

Crédits des titres III à V. - Adoption (p. 11 )

Articles 85 et 86. - Adoption (p. 12 )
Articles additionnels après l'article 86

Amendements n°s II-22 et II-23 de M. Pagès. - MM. Pagès, le rapporteur spécial, le ministre délégué, Moreigne. - Rejet des deux amendements.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

4. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 14 ).

5. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 15 ).

Services du Premier ministre

I. - SERVICES GÉNÉRAUX (p. 16 )

MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques Habert, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Vote des crédits réservé.

II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE (p. 17 )

MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Loridant, Lucien Lanier, Michel Rocard, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.

Crédits des titres III et V. - Adoption (p. 18 )

III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (p. 19 )

MM. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Luc Bécart, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.

Crédits des titres III et V. - Adoption (p. 20 )

IV. - PLAN (p. 21 )

MM. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification ; Jean-Luc Bécart, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.

Crédits des titres III, IV et VI. - Adoption (p. 22 )

Budget annexe des Journaux officiels
(p. 23 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ; Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Adoption des crédits figurant aux articles 40 et 41.

Environnement (p. 24 )

MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Christian Bonnet, Philippe Richert, Alain Vasselle, Claude Haut, Robert Pagès, Fernand Demilly, Pierre Hérisson, René Rouquet, Paul Raoult.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement.

Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 25 )

Intérieur et décentralisation
(suite) (p. 26 )

SÉCURITÉ (p. 27 )

MM. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police et la sécurité ; René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.

Suspension et reprise de la séance (p. 28 )

MM. Jean-Jacques Hyest, Jean Chérioux, René Rouquet, Robert Pagès, Bernard Plasait, Christian Demuynck, André Rouvière, Christian Bonnet, Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur.

Crédits du titre III (p. 29 )

MM. Robert Pagès, le ministre.
Amendement n° II-35 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 30 )

6. Transmission d'un projet de loi (p. 31 ).

7. Transmission d'une proposition de loi (p. 32 ).

8. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 33 ).

9. Ordre du jour (p. 34 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux même fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : alain juppé »

J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

3

LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]

Travail et affaires sociales

I. - TRAVAIL (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le travail et les affaires sociales : I. - Travail.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail et les affaires sociales.
Je vous rappelle que le Sénat a examiné hier les crédits affectés à la santé publique, aux services communs, à l'action sociale et à la solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 89 265 222 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. A l'occasion de la reprise de l'examen des crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur l'attitude du Gouvernement et du patronat à l'égard des justes revendications des chauffeurs routiers.
Dans l'intérêt du pays, de la population, des salariés en lutte et de leurs familles, ce conflit ne doit pas durer. Le Gouvernement ne doit pas jouer la carte du pourrissement. Il a les moyens d'inciter le patronat à conclure un accord. L'obtention de la retraite à cinquante-cinq ans constitue une avancée importante.
Mais ceux que l'on appelle, à juste titre, les « galériens de la route » doivent maintenant avoir satisfaction sur les salaires - le salaire mensuel moyen est, en général, inférieur à 7 000 francs - et sur les conditions de travail. Il faut notamment parvenir très rapidement à un accord sur les heures travaillées, sur les heures de chargement et sur la réduction du temps de travail. Dans l'intérêt général, ce dernier point est particulièrement important en matière de sécurité routière.
Monsieur le ministre, je vous prie de m'excuser de vous interpeller de la sorte, mais à la fin de la deuxième semaine de ce conflit, sur lequel toute la France a les yeux braqués, il conviendrait peut-être de nous faire le point de la situation à la veille de la signature des six conventions.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je suis un peu surpris par les termes que vous avez employés, monsieur Fischer. Vous ne pouvez pas affirmer, je vous le dis très calmement, que le Gouvernement joue la carte du « pourrissement » dans ce conflit qui a débuté voilà plusieurs jours.
Le Gouvernement s'est évertué à aider les partenaires sociaux à trouver un terrain d'entente et il a même formulé des propositions qui ont été appréciées par tous.
Dès lors, je suis persuadé que vous allez, vous aussi, monsieur le sénateur, comme vous semblez le souhaiter, participer à l'apaisement de ce conflit, qui porte préjudice non seulement à tous nos compatriotes dans l'exercice de leur profession, mais aussi aux entreprises et à l'économie française. Je suis persuadé que votre souhait est aussi fort que la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, en abordant le titre III, je souhaite, moi aussi, faire référence à l'actualité.
J'ai déclaré hier, à l'ouverture de ce débat, que « certes, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis une semaine pour sortir le conflit des chauffeurs routiers de l'impasse » ; mais j'ai aussitôt ajouté que « nous cherchions vainement les interlocuteurs patronaux ».
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. J'ai poursuivi en demandant aux pouvoirs publics, puisque l'un des deux partenaires sociaux n'endosse pas ses responsabilités, à un moment où ce conflit plonge notre pays dans une situation très dommageable, de faire un nouvel effort, car on ne peut pas laisser la situation s'enliser ainsi, et je réitère ce matin ma demande, au nom du groupe socialiste, monsieur le ministre.
S'agissant du titre III, les dotations des services attirent particulièrement notre attention, cette année, puisque toutes les lignes budgétaires sont en diminution, à l'exception d'un crédit de 250 millions de francs accordé à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce l'UNEDIC, d'un crédit exceptionnel de 173,60 millions de francs destiné à financer l'organisation des élections prud'homales et d'une hausse de 7 % des crédits déconcentrés.
Cinquante postes budgétaires sont supprimés, à savoir vingt postes dans l'administration centrale et trente postes dans les services déconcentrés, à quoi s'ajoute la suppression de vingt postes de coordonnateurs emploi-formation.
Cette situation fait suite, il faut bien le reconnaître, à la suppression progressive de 1 100 postes de 1985 à 1990 et à une stagnation, puis à une croissance du nombre des emplois précaires depuis trois ans. Un plan de résorption de la précarité serait en cours, mais il reste aujourd'hui encore, selon nos renseignements, plus de huit cents personnes en situation précaire dans vos services.
Il est pour le moins paradoxal, et en fait injustifiable, que le ministère chargé du travail et de l'emploi, et donc aussi de faire respecter le droit du travail, emploie dans ses propres services des personnels en situation précaire. Tel est pourtant le cas, et cette situation est préoccupante.
Nous avons ainsi appris que 323 personnes sont employées sous contrat emploi-solidarité dans les directions départementales du travail, au sein desquelles elles assurent des fonctions permanentes, ainsi que 1 700 personnes dans les antennes de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE. Cette situation a même donné lieu récemment à des décisions de justice rappelant fort à propos au ministère du travail que, lorsque des emplois permanents sont occupés, ils ont vocation à l'être par des agents publics.
Il semblerait, toutefois, que ces décisions n'aient, en pratique pas été suivies de beaucoup d'effet puisque l'on voit maintenant couramment quatre vacataires se succéder sur un même poste dans l'année. Je vous laisse deviner, mes chers collègues, quelle peut être alors l'efficacité d'un tel service public !
Par ailleurs, que devons-nous penser du fait que les secrétaires des commissaires pour l'emploi nommés à grand bruit dans les préfectures sont pour la plupart recrutés sous contrats précaires ? N'est-ce pas pousser un peu loin l'« impermanence » des choses en ce monde, monsieur le ministre ?
Nous souhaiterions également obtenir des précisions sur la situation des personnels qui seraient employés sur des fonds conventionnés provenant du fonds social européen attribués à des organismes privés de formation, lesquels enverraient ensuite ces personnels dans vos services. Cent vingt personnes seraient, dit-on, concernées. Comment cela serait-il possible ?
S'agissant des emplois supprimés, nous notons des pertes d'emploi concernant les inspecteurs du travail, pertes qui s'expliquent, certes, par le retour des inspections des transports et de l'agriculture à leurs ministères respectifs.
Toutefois, n'aurait-il pas été plus cohérent, dans la mesure où un projet de loi contre le travail clandestin nous sera présenté dans les prochaines semaines, de renforcer les corps des inspecteurs et des contrôleurs ?
Sur ce point, nous souhaiterions connaître les intentions du ministère au sujet de l'application du protocole « Durafour » aux contrôleurs du travail et de la formation professionnelle, qui n'ont pas obtenu les points d'indice qui auraient dû leur être attribués depuis 1994.
Ce problème sera-t-il bientôt résolu ? Les contrôleurs percevront-ils leurs points, accompagnés des rappels depuis l'origine de la mesure ?
Enfin, je dois évoquer, monsieur le ministre, les primes qui sont exclusivement destinées à vos administrateurs civils et qui sont très mal ressenties par les personnels. Certains s'interrogent à ce sujet, et nous partageons tout à fait leur préoccupation.
Les sommes destinées à ces primes pour 1997 et, rétroactivement, pour 1996 n'auraient-elles pas été employées plus utilement à la réduction de la fracture sociale au sein du ministère, et ce au profit de tous ceux qui sont employés sous des contrats précaires renouvelés tous les trois mois, de tous ceux qui travaillent 120 heures par mois et qui ne gagnent que 3 700 francs ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que nous souhaitions vous poser sur les moyens de vos services, et surtout de vos personnels pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Afin de ne pas allonger les débats, je vous précise, monsieur le président, que je ne prendrai pas la parole sur les crédits figurant au titre IV.
M. le président. Je vous en remercie, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Je souhaite également poser le problème des rémunérations accessoires que j'ai déjà longuement développé hier, et attirer l'attention de M. le ministre sur un problème important qui préoccupe les agents de son ministère.
Alors que l'austérité est imposée à l'ensemble des fonctionnaires, je devrais même dire à l'ensemble des salariés, une rallonge de 8 354 492 francs - j'ai l'extrait du Journal officiel sous les yeux - est inscrite au projet de budget pour 1997 afin de revaloriser les primes du ministère du travail et des affaires sociales et de procéder à un rappel au titre de l'année 1996.
Cette disposition pourrait réjouir les agents si le cabinet du ministre ne leur avait confirmé son intention de réserver cette revalorisation aux seuls administrateurs civils.
Dans mon esprit, comme dans celui des syndicats d'ailleurs, il ne s'agit pas de s'en prendre aux administrateurs civils, qui effectuent le plus souvent un travail remarquable et remarqué.
Mais, alors que des centaines d'agents, embauchés sur la base de 120 heures par mois, touchent, parfois depuis plusieurs années, 3 800 francs par mois, alors que les agents de catégorie C voient leur carrière bloquée au nom de la rigueur budgétaire, alors que les pertes de salaires sont chiffrées par les syndicats à 20 % depuis 1982, n'y a-t-il pas une sorte de provocation dans le fait que seuls cent cinquante administrateurs se partagent l'essentiel de l'augmentation ?
Je ne veux pas dire que de telles pratiques sont indécentes ou traduisent un mépris envers les autres agents, mais c'est pourtant ainsi que cette situation est vécue.
Ces 8,3 millions de francs ne seraient-ils pas mieux utilisés s'ils servaient à financer, comme le proposent les syndicats, une quarantaine d'emplois à 6 500 francs ou encore à verser un complément de salaire de 2 800 francs à une centaine d'agents précaires employés dans les services à temps partiel ?
Ces préoccupations des agents du ministère du travail, dont je me fais ici, comme M. Delfau, le porte-voix, ne peuvent rester sans réponse. On ne peut annoncer la volonté de réduire la fracture sociale et contribuer à l'élargir.
Il s'agit, en l'espèce, non pas de se faire le relais de revendications catégorielles, mais de soulever une question éminemment politique.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Il est malheureusement exact, monsieur Delfau, qu'il y a des emplois précaires au ministère du travail. C'est, vous en conviendrez, le fait d'un héritage... (Exclamations sur les travées socialistes.)
Attendez la suite ! Vous reconnaissez vous-même, monsieur Delfau, que cette situation dure depuis quatre ans ! C'est un legs auquel, nous le regrettons aussi, nous ne pouvons mettre fin immédiatement. Vous devriez donc faire preuve d'un peu plus de compréhension !
M. Jean Chérioux. Il n'aime pas entendre parler d'héritage et on comprend pourquoi !
M. René Rouquet C'est l'héritage de Balladur !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. En ce qui concerne la nouvelle bonification indiciaire, la NBI, il est vrai que le ministère l'a mise en oeuvre.
MM. Delfau et Fischer ont également évoqué les primes des administrateurs, dont le versement a été décidé par le Premier ministre en 1995. Leur paiement a subi quelque retard, c'est exact ; celui-ci interviendra à la fin de l'année 1996.
Quant aux augmentations de rémunération, il y en a eu dans le passé et il y en aura d'autres, mais il n'est pas possible de demander à un gouvernement de tout faire en même temps.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés par l'amendement n° II-17 de M. Neuwirth et par l'amendement n° II-20 du Gouvernement, précédemment adopté.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 6 072 125 390 francs. »

Sur les crédits figurant au titre IV, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je n'ai pas obtenu de réponses aux questions que j'ai posées.
A propos de la querelle de l'héritage, vous m'obligez à dire que ce legs provient essentiellement du gouvernement Balladur. (Protestation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Votre legs était nettement plus lourd !
M. Gérard Delfau. J'ai eu quelque élégance, mais, puisque vous souhaitez que je mette les choses au clair, je le fais ! De toute façon, la question n'est pas là.
M. Jean Chérioux. L'impudence a ses limites !
M. Gérard Delfau. N'abusez pas des mots, mon cher collègue !
Le problème reste entier ! Nous réitérons notre demande ferme, monsieur le ministre, pour qu'il soit mis fin à cette situation préjudiciable au code du travail et à l'image du ministère.
Si j'ai demandé à intervenir sur ce titre IV, c'est parce que, hier soir, à la suite de l'organisation de ce débat décidée par la conférence des présidents, je n'ai pas eu le temps d'exposer le second point de mon intervention, notamment l'élément le plus prospectif, le plus positif. Pour résumer, le débat d'hier soir a mis en évidence une grande insatisfaction sur l'ensemble des travées, même si quelques approbations de principe ont pu être relevées. Il s'agit donc d'une mise en cause assez largement partagée de ce que j'appelle le « tout entreprise », c'est-à-dire d'une concentration de plus en plus grande des crédits sur des subventions, des primes et des exonérations de charges aux entreprises.
Les conclusions de la commission Péricard-Novelli de l'Assemblée nationale ont montré à quel point l'efficacité de ces dispositions était sans commune mesure avec les sommes engagées.
Partant de ce constat qui, je le rappelle, n'est pas seulement le mien, je souhaiterais demander à M. le ministre et, au-delà lui, à M. Barrot, quelques précisions sur l'annonce qui a été faite par M. Juppé, Premier ministre, devant le congrès des maires : il a indiqué qu'une déconcentration des crédits d'intervention du ministère du travail pourrait intervenir de façon expérimentale auprès des préfets.
Quel serait le calendrier d'application de cette mesure ? Quels seraient le montant des crédits déconcentrés les modalités d'attribution et l'échelon territorial retenu ?
Pour être clair, s'agit-il de subsituer les services de la préfecture aux services départementaux du travail - dans ce cas, l'intérêt serait mince - ou bien s'agit-il de revenir à une politique massive de soutien du développement local, comme cela fut fait dans les années 1988-1992 ? Voyez que j'ai, moi aussi, quelques repères historiques ! Dans ce cas, allez-vous associer les acteurs de terrain et déconcentrer les crédits jusqu'au niveau du sous-préfet, c'est-à-dire du bassin d'emploi ?
Au passage, vous pourrez réinventer les sous-préfets développeurs, qui ont laissé plutôt un bon souvenir. Je sais qu'un certain nombre des membres de cette assemblée, qui ne partagent pas par ailleurs nos convictions politiques, ont la même opinion.
Les maires et les conseillers généraux sont las de se trouver en première ligne face au drame du chômage, sans avoir les moyens financiers pour intervenir efficacement.
Les chefs d'entreprise responsables - il en est, bien sûr ! - et les représentants des salariés accepteraient plus volontiers de se mobiliser s'ils avaient prise sur les aides publiques à l'emploi.
Cette évolution est, d'une certaine façon, inéluctable. Elle a d'ailleurs été réclamée, sous des formes diverses - mais l'esprit est le même - à la fois par notre collègue M. Jourdain et par M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
Au fond, ce que je demande au ministère du travail, c'est s'il a l'intention, sous des formes adaptées, de soutenir beaucoup plus fortement qu'il ne le fait aujourd'hui - je lui donne acte de l'action qu'il mène actuellement - la démarche des comités de bassin d'emploi, qui, localement, font travailler ensemble, en obtenant des résultats non négligeables, des élus, des chefs d'entreprise, des syndicalistes et, évidemment, des militants associatifs. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Par amendement n° II-9 rectifié bis, MM. Carle, Bordas et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de réduire les crédits du titre IV de 200 000 000 francs.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Comme l'a indiqué hier un collègue dans la discussion générale, cet amendement n'altère en rien l'effort de solidarité qui caractérise votre budget, monsieur le ministre. Au contraire, il tend à rendre plus préventive, plus durable votre action.
S'il diminue le nombre des CES, dont chacun reconnaît les effets positifs, mais dont on mesure aussi les effets pervers, il transfère les crédits y afférents vers des actions à destination des jeunes, en leur permettant d'accéder à une formation professionnelle et, pour nombre d'entre eux, de trouver un emploi.
En effet, vous connaissez, monsieur le ministre, les excellents résultats obtenus dans ce domaine par l'enseignement agricole. Cet enseignement est aujourd'hui victime de ses bons résultats : les contraintes budgétaires ont obligé le ministre de l'agriculture à limiter la croissance des effectifs à 2 % et M. Vasseur, par différentes notes, nous le rappelle depuis un certain nombre de semaines.
Certes, l'enseignement agricole est et doit demeurer un enseignement de filière. Mais, en plus de cette fonction, qu'il assume parfaitement, il joue aussi un rôle de rattrapage important : il constitue - le rapport Rémond en atteste - une seconde chance pour de nombreux jeunes qui sont en situation d'échec dans la voie classique. Combien de jeunes filles et de jeunes garçons lui doivent aujourd'hui, une qualification, un métier !
Or, la maîtrise brutale des effectifs ne laisse aujourd'hui à ces jeunes qu'une alternative : l'ANPE ou la rue !
Le coût social pour la collectivité sera infiniment supérieur aux quelque 200 millions de francs nécessaires pour faire face à l'accroissement des effectifs et donner ainsi une chance à de nombreux jeunes.
J'ajoute que nous ne comprendrions pas l'attitude du Gouvernement, qui, d'un côté, augmenterait de 6,5 milliards de francs le budget de l'éducation nationale et de la recherche - je m'en réjouis, tout en tenant à rappeler mes propos précédents : jamais la durée des études n'a été aussi longue et, par ailleurs, la part des surdiplômés atteint 23 % - et qui, de l'autre côté, refuserait 200 millions de francs à un enseignement dont le rôle dans l'insertion professionnelle est supérieur - je dis bien « supérieur » ! - à tout autre et dont la durée des études est sans commune mesure avec celle du cycle classique.
Tels sont l'objectif et la logique de cet amendement.
Je vous prie de m'excuser d'intervenir sur une ligne de votre budget, monsieur le ministre, dont je reconnais la nécessité et qui est gérée avec responsabilité et courage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mon cher collègue, je comprends la force avec laquelle vous soutenez l'amendement de notre collègue M. Carle, qui était parmi nous cette nuit. Nous connaissons tous, en effet, le rôle éminent que joue l'enseignement agricole, notamment pour l'insertion des jeunes en situation d'échec.
Cependant, faut-il financer le développement de l'enseignement agricole et répondre à son attente - on comprend qu'elle s'exprime par votre voix - par une réduction aussi importante des crédits du budget du ministère du travail ?
La commission des finances, si grands que soient son estime et son intérêt pour l'enseignement agricole, facteur d'insertion des jeunes qui sont en situation d'échec dans la voie « classique », pour reprendre votre expression, est opposée, et elle le regrette, à cet amendement qui tend à réduire de 200 millions de francs les crédits d'intervention du budget du ministère du travail.
En effet, ces crédits ne sont pas surdimensionnés, loin de là, notamment en ce qui concerne les contrats emploi-solidarité.
Je souhaite qu'à l'occasion, par exemple, de l'examen du projet de budget du ministère de l'agriculture, nous apprenions de M. Vasseur que, reconnaissant l'importance de l'enseignement agricole, il a pu répondre à son attente et développer ses moyens au service des jeunes en difficulté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur Jean Boyer, le ministre du travail et des affaires sociales, qui est en charge de la formation professionnelle, comprend très bien vos préoccupations, ainsi que celles de M. Carle.
A l'évidence, l'enseignement agricole est irremplaçable, aux yeux du Gouvernement. La formation vaut toujours mieux qu'un CES.
Malheureusement, les crédits affectés aux contrats emploi-solidarité ont été calculés au plus juste. L'estimation intègre, en effet, une diminution de 70 000 CES. Elle intègre aussi l'institution d'un ticket modérateur.
N'oubliez pas, monsieur le sénateur, que, voilà encore un an, 700 000 CES étaient conclus.
Nous avons accepté que leur nombre soit limité à 500 000 en 1997, mais, très sincèrement, nous ne pouvons aller plus loin.
Il ne faudrait pas - je suis persuadé que vous approuverez le Gouvernement - que les hôpitaux, mais aussi les établissements d'enseignement, auxquels vous êtes attaché, connaissent des difficultés de fonctionnement parce que nous aurions voulu aller trop vite dans la réduction du nombre de CES.
Je tiens par ailleurs à vous rappeler, monsieur le sénateur, que les crédits consacrés au seul enseignement agricole ont augmenté de 2,6 % en 1996.
Cette évolution confirme donc la priorité que le Gouvernement accorde à l'enseignement agricole puisque, dans le même temps, le budget de l'agriculture, hors subvention d'équilibre au BAPSA, baisse malheureusement de 3,9 % en 1997 par rapport à 1996.
Je tiens à rappeler devant la Haute Assemblée que l'enseignement public agricole bénéficie, dans le projet de budget pour 1997, de la création de 87 emplois budgétaires - 70 dans l'enseignement technique, 10 dans l'enseignement supérieur, 5 conseillers principaux d'éducation et 2 infirmières - alors que le total des effectifs du ministère de l'agriculture baisse de 60 emplois.
Cela signifie que M. Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, veille à supprimer des emplois dans ses services centraux pour gager des ouvertures dans l'enseignement public auquel vous tenez beaucoup.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, et sachant que M. Vasseur vous donnera des apaisements lors de la discussion du projet de budget de l'agriculture, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° II-9 rectifié bis.
M. le président. Monsieur Boyer, l'amendement n° II-9 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous avez bien voulu me donner.
J'ai noté que tout serait mis en oeuvre pour qu'il soit procédé à un nouveau rattrapage pour l'agriculture.
Je dis « nouveau » parce que nous ne ferons jamais assez pour les enfants de nos agriculteurs si nous voulons que la France continue d'avoir des racines et d'être nourrie dans tous les sens du terme.
Tenant compte de vos observations, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-9 rectifié bis est retiré.
Par l'amendement n° II-12, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de réduire les crédits du titre IV de 815 400 000 francs.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer les crédits affectés à la mise en place de loi de réduction du temps de travail dite « loi Robien ».
J'ai déjà évoqué les dangers de cette loi lors de mon intervention sur le budget du ministère du travail.
Cette loi offre aux employeurs des dispositions particulièrement généreuses puisque les entreprises qui réduisent de 10 % leur temps de travail en échange de l'embauche de 10 % d'effectif supplémentaires voient leurs charges réduites de 40 % la première année, puis de 30 % les six années suivantes.
Toutefois, si les exonérations courent bien sur sept ans, l'obligation de création nette d'emplois, elle, ne court que sur deux ans ! Si bien qu'au bout de deux ans l'employeur pourra licencier à nouveau tout en continuant à bénéficier de ces exonérations !
En outre, cette loi permet de nombreuses dérives puisqu'elle peut être utilisée non pas pour créer des emplois, mais pour éviter leur suppression.
C'est le cas très douloureux de l'entreprise Moulinex, qui annonce vouloir sauver sept cent cinquante emplois en ramenant le temps de travail à trente-trois heures.
Cette extension de la loi encourage les entreprises à gonfler leurs plans de réduction d'effectifs afin de bénéficier d'exonérations massives au titre de licenciements dits « évités ». Ainsi, l'employeur pourra bénéficier d'une exonération et licencier quand même au bout de deux ans.
Il faut mettre un terme à ces dérives et avancer vers un réel contrôle des fonds publics destinés à l'emploi.
Si nous ne sommes pas opposés à l'octroi de certaines aides aux entreprises - nous ne sommes pas pour la politique du tout ou rien - nous considérons cependant que ces aides doivent être contrôlées, en particulier par les salariés, et qu'elles doivent aboutir à de véritables créations d'emplois.
En outre, nous proposons d'aller rapidement vers une réduction du temps de travail hebdomadaire à trente-cinq heures sans diminution de salaire, ce qui permettrait de créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
C'est le sens de cet amendement que je vous demande d'approuver, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Monsieur le président, si la commission des finances comprend certes le souhait des membres du groupe communiste républicain et citoyen de voir augmenter les crédits des chapitres évoqués du ministère des affaires sociales, elle est cependant hostile à la réduction des crédits d'intervention du ministère du travail qui financent les aides à l'emploi, et donc défavorable à l'amendement n° II-12.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. L'amendement n° II-12 tend précisément à supprimer les crédits ouverts pour financer la loi Robien, qui résulte d'une initiative parlementaire et dont le Gouvernement et le Parlement ont estimé qu'elle permettrait de sauver ou de créer des emplois.
On ne peut juger ce texte avant son entrée en application. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-12, qui lui paraît inacceptable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-12.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais, par mon intervention, renforcer la position du Gouvernement.
Nous avons eu beaucoup de mal - souvenez-vous-en, mes chers collègues - lors de l'adoption de l'article 39 de la loi Giraud relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, à permettre l'expérimentation d'un certain nombre de mesures tendant à favoriser, en contrepartie de la réduction de la durée du travail, l'embauche de salariés supplémentaires.
Après quelques années d'application, nos collègues de l'Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi dont nous avons longuement débattu et sur laquelle le Sénat est parvenu à un accord.
Il serait à mon avis tout à fait absurde et inconvenant, alors que le système se met en place, de supprimer les crédits prévus cette année.
Je rappellerai à M. Fischer que cette loi, dite « loi Robien », comporte deux parties : d'une part, une incitation positive pour des entreprises dynamiques qui, en contrepartie de la réduction et de l'annualisation de la durée du travail, créent des emplois supplémentaires et, d'autre part, une partie défensive pour des entreprises en difficulté qui, pour éviter des licenciements, entrent dans ce mécanisme et réduisent la durée du travail, d'une façon un peu comparable à ce qui s'est passé en Allemagne dans le cadre de l'accord Volkswagen.
Par conséquent, nous mènerions à mon avis une « politique de gribouille » si, quelques mois après avoir mis en place un dispositif, nous supprimions le financement de ce dernier.
C'est une affaire dont tout le monde parle. Chacun sait que, au sein des organisations syndicales et des organismes professionnels, ce dispositif a des adeptes et des adversaires. Je suis, pour ma part, beaucoup plus pragmatique que tous ces intellectuels au rabais...
M. Guy Fischer. Ne soyez pas méprisant, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... ou que tous ces dirigeants syndicaux qui, en matière de travail, se réfèrent au mythe et non pas à la réalité. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Cela ne vous ressemble pas !
M. Robert Pagès. Ne soyez pas un président au rabais !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Laissons l'expérience se dérouler et, d'ici à un ou deux ans, nous en tirerons les conclusions !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-12, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifié par l'amendement n° II-21 du Gouvernement, précédemment adopté.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 135 920 000 francs ;
« Crédits de paiement, 70 590 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurants au titre V.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 880 839 000 francs ;
« Crédits de paiement, 324 871 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 94 à 97, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du travail.

Article 94

M. le président. « Art. 94. - I. - L'article L. 351-24 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-24. - Peuvent bénéficier des droits ouverts aux articles L. 161-1 et L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale les demandeurs d'emploi indemnisés, les demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum d'insertion qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'accès au bénéfice des droits mentionnés au premier alinéa du présent article, en fonction des caractéristiques du projet de création ou de reprise d'entreprise, notamment sa réalité, sa consistance et sa viabilité, compte tenu de l'environnement économique local.
« Dans le cas où l'intéressé est à nouveau inscrit à l'Agence nationale pour l'emploi, il retrouve le bénéfice des droits qu'il avait acquis en sa qualité de demandeur d'emploi, à la date de l'attribution des droits visés au premier alinéa du présent article.
« L'Etat peut participer par convention au financement des actions de conseil ou de formation à la gestion d'entreprise qui sont organisées avant la création ou la reprise d'entreprise et pendant une année après.
« Un décret fixe annuellement le nombre de bénéficiaires des droits visés au premier alinéa du présent article.
« Le présent article est applicable aux demandes déposées à compter du 1er janvier 1997. »
« II. - Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein.
« Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise.
« III. - Le deuxième alinéa de l'article premier de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est complété par les mots : " ainsi que ceux de l'aide visée au II de l'article 94 de la loi de finances pour 1997 (n° du ) ". »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-6, présenté par MM. Huguet, Delfau, Mazars et les membres du groupe socialiste et apparentés, et l'amendement n° II-13, déposé par Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-24 rectifié, M. Hamel, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail :
« L'Etat peut accorder les droits visés à l'article L.161-1 et L.161-1-1 du code de la sécurité sociale aux demandeurs d'emploi indemnisés, aux demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois et aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée. »
Par amendement n° II-10, M. Joly propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail, après les mots : « les demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits », de supprimer les mots : « plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois ».
L'amendement n° II-25, présenté par M. Hamel, au nom de la commission des finances, et l'amendement n° II-11, déposé par M. Joly, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par le I de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail.
Par amendement n° II-26, M. Hamel, au nom de la commission des finances, propose de compléter l'article 94 par deux paragraphes nouveaux ainsi rédigés :
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "au 1°" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "au 2°" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa". »
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-6.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste propose de supprimer l'article 94, car il est résolument hostile à la disparition de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise, je parle évidemment de la prime et non de l'exonération - qui subsistait encore.
Cette suppression de l'aide nous paraît un contresens économique et une faute politique. Nous savons de surcroît, monsieur le ministre, qu'elle a été non pas « demandée » - c'est un euphémisme ! - par le ministère du travail, mais imposée par Bercy, contrairement à l'avis de tous ceux qui ont une quelconque connaissance de ce dossier.
Cette aide - faut-il le rappeler ? - date de 1979. Elle a été mise en place par le gouvernement Barre. Elle a suscité alors bien des sarcasmes, et je dois à l'honnêteté intellectuelle de dire que je ne fus pas particulièrement convaincu de son bien-fondé à ce moment-là.
Or, depuis, elle a fait ses preuves ! Elle a passé les septennats, les gouvernements, et les résultats sont là : pour une aide modique de 32 000 francs, nous avons eu, en 1995 - je cite les chiffres de mémoire - quelque 80 000 chômeurs créateurs d'entreprise sur un total d'environ 220 000 créations d'entreprise. La somme est minime par rapport, par exemple, aux 39,18 milliards de francs que coûte, en 1996, la baisse des charges sur les bas salaires. Le quotidien Les Echos s'étonne d'ailleurs que l'on s'achemine vers ce type d'« économies ».
Comment peut-on argumenter cette suppression ? On dit parfois qu'il s'agit d'un traitement social du chômage. Tout d'abord, ce ne serait pas une tare et ce ne serait pas la seule procédure de ce type. Mais surtout, c'est faux. Quoi de commun, en effet, entre un contrat emploi-solidarité, financé exclusivement sur fonds publics, et une aide à un chômeur créateur d'entreprise ? Celui-ci, de surcroît, mobilisera à chaque fois ou presque un petit capital personnel ou familial.
J'indique au passage que j'ai vérifié moi-même, en tant que fondateur et président d'une pépinière d'entreprises, la pertinence de tous les chiffres ou faits que je cite, et que j'appuie ma démonstration sur des séries statistiques de l'INSEE et sur les études de l'Agence nationale de la création d'entreprise.
C'était du moins vrai jusqu'au mois de septembre 1996 qui a vu la funeste dispersion, en raison de restrictions budgétaires des chercheurs et statisticiens réunis sur ce sujet dans cette agence. J'ai alors tiré la sonnette d'alarme, mais nul n'a voulu m'entendre.
Je reviens au débat. Peut-on dire qu'il s'agit d'une économie pour les pouvoirs publics ? Même pas, puisque ce qui sera économisé sur le budget du ministère du travail sera évidemment payé sur les fonds de l'UNEDIC et, au total, le contribuable français aura exactement la même somme à débourser. Est-on sûr que, dans l'avalanche d'exonérations, de primes et de subventions qui viennent d'être votées, une petite partie n'ira pas compenser d'une certaine façon les crédits aujourd'hui amputés ?
Mais, finalement, la vraie question n'est pas là : il faut surtout bien rappeler...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Je conclus, monsieur le président.
Il faut surtout rappeler, dis-je, que les chômeurs qui ont créé leur entreprise l'ont fait avec à peu près autant de chances de succès que les autres créateurs d'entreprise.
Les 80 000 bénéficiaires de l'ACCRE en 1995 auraient créé - je donne, là aussi, des chiffres fondés sur des statistiques - quelque 40 000 emplois nets, qui eux-mêmes auraient entraîné le paiement de charges sociales. Par conséquent, cela viendra aussi en déduction des économies que vous nous proposez.
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau. J'en termine d'une phrase, monsieur le président.
Je répète que cette suppression ne se justifie pas économiquement et que, politiquement, elle est difficile à faire admettre à des gens qui ont perdu leur emploi et qui veulent à nouveau, avec courage, se lancer dans la création d'entreprise. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-13.
M. Guy Fischer. Cet amendement déposé par notre groupe porte sur la question de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, dont le régime d'attribution est profondément modifié par l'article 94 du projet de loi de finances.
C'est d'ailleurs un euphémisme que de parler d'une modification du régime d'attribution de l'aide puisque, dans les faits, c'est à une véritable liquidation du chapitre budgétaire que l'on assiste.
Lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 1996, la question de l'ACCRE était déjà venue sur le tapis, le Gouvernement souhaitant, en particulier, recalibrer cette aide à l'emploi auprès d'un public plus strictement défini.
Dans les faits, il s'agissait de faire en sorte que les projets de reprise et de création d'entreprise éligibles à l'aide aient une viabilité plus importante.
A l'examen, la réalité est un peu plus contrastée.
On a ainsi observé dans le passé que l'ACCRE avait été largement utilisée pour accompagner des plans de restructuration et qu'elle avait été, en particulier, assez largement servie pour mettre en place des modes de sous-traitance d'activités de production, de recherche ou de conception dans un certain nombre d'entreprises.
C'est ainsi que de nombreuses entreprises ont proposé à leurs cadres, à leurs ingénieurs, à leurs techniciens de reprendre sous la forme d'une petite entreprise une partie des fonctions qu'ils occupaient dans celles-ci et ce jusqu'à la mise en oeuvre du plan de restructuration.
On connaît les conséquences de cette orientation.
Ce procédé a servi notamment à réduire la masse salariale de l'entreprise, à transformer les salaires en TVA déductible, à organiser éventuellement un partage des gains de productivité plus favorable encore au capital et un peu au travail.
La viabilité de ces entreprises résidait donc dans leur capacité à répondre aux missions de recherche-développement, de production et de sous-traitance fixées par l'accord entre l'entreprise ancienne et la nouvelle entreprise.
Voilà qui montre bien le détournement de l'ACCRE, alors perçue comme un moyen de gestion d'une stratégie de restructuration, susceptible de régler le problème de la hantise du chômage tout en favorisant la rentabilité à court terme du capital.
Mais il est aussi une aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise qui peut et qui doit être maintenue pour un ensemble de raisons diverses.
Le premier cas, c'est celui du salarié disposant d'une formation technologique réelle, ayant des idées, susceptible de déposer le brevet d'invention de tel ou tel logiciel, de tel ou tel procédé de production, ou encore de répondre à tel ou tel besoin particulier des entreprises et qui, faute de capitaux et de la confiance d'un banquier, n'est pas en situation de mettre ses capacités en oeuvre.
Le second cas, c'est celui du chômeur qui, dans une zone urbaine ou rurale en difficulté, souhaite mettre en place un service qui n'existe pas ou qui n'existe plus dans des domaines divers, qu'il s'agisse de la gestion d'entreprise ou encore de services à caractère social.
On peut trouver des cas de figure divers et multiples de la faculté d'utilisation de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise.
Au-delà, en effet, de la querelle sur la nécessité de savoir s'il faut privilégier le conseil à la création ou l'aide directe, il convient de se poser la question suivante : faut-il réduire l'aide, comme semblerait nous y inviter la commission parlementaire ad hoc qui a réfléchi sur ce sujet ou faut-il la requalifier, examiner en particulier les aspects « déclencheurs » qu'elle peut recouvrer ?
Il s'agit d'un problème essentiel, et nous ne pouvons que nous opposer à la liquidation de l'ACCRE, car, à notre sens, elle est contraire à notre souci de valoriser l'initiative des futurs chômeurs, cadres ou non.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-24 rectifié.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Dans son rapport écrit, la commission des finances a analysé la réforme de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise. Cette réforme porte sur la nature de l'aide, mais l'exonération des charges et l'affiliation automatique de douze mois au régime de sécurité sociale sont maintenues.
La commission est contre la suppression de l'article 94, car elle est pour la réforme proposée, sous réserve des amendements qu'elle propose.
Elle est donc, je l'indique d'ores et déjà, contre les amendements n°s II-6 et II-13.
Quant à l'amendement n° II-24 rectifié, son objet est de préciser que l'aide n'a pas un caractère automatique, mais qu'elle est subordonnée à l'examen qualitatif d'un projet de création d'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-10.
M. Bernard Joly. L'inscription au chômage depuis plus de six mois s'est révélée une condition pénalisante pour des candidats dont le dossier était recevable sur le fond mais dont la durée d'inscription était inférieure de peu de jours parfois.
Le montage d'un dossier de création ou de reprise d'entreprise requiert un parcours long et difficile qui décourage les chasseurs d'aides.
La confiance doit remplacer la suspicion face à l'action potentielle ; certes, le risque est que la confiance soit parfois mal placée, mais il faut le prendre.
Il s'agit de permettre à des demandeurs d'emploi qui en ont le désir de retrouver une activité, afin de réaliser des économies et de rendre leur dignité aux intéressés. Dans un combat pour l'emploi, le seul choix est de savoir si l'entreprise est viable ou non.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-25.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous voulons éviter qu'un décret puisse fixer un plafond de dépenses différent de celui qui aura été voté par le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-11.
M. Bernard Joly. J'estime, comme M. le rapporteur, qu'il est inopportun de casser une synergie pour un créateur ou un repreneur d'entreprise qui, au terme d'un parcours difficile et long, attend de concrétiser son projet.
Le dépassement de quota n'est pas, à mon sens, un argument recevable. Sur le plan financier, le coût de l'aide se trouve équilibré par la sortie de la couverture du chômage ou du bénéfice du RMI.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-26.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de coordination entre le code de la sécurité sociale et le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-6, II-13, II-24 rectifié, II-10, II-25, II-11 et II-26 ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Les deux amendements n°s II-6 et II-13 ont pour objet de rétablir l'aide forfaitaire pour les bénéficiaires de l'ACCRE. Cette aide, cela a été rappelé, peut atteindre 32 000 francs au maximum ; elle est plafonnée à la moitié du besoin de financement et, dans certains cas, elle est limitée à 5 000 francs.
L'expérience prouve qu'elle génère des effets d'aubaine importants et il semble que l'incitation à la création provienne des exonérations et non de la prime.
M. Gérard Delfau. Mais non !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Si nous avons conservé une aide pour les bénéficiaires des minimaux sociaux, c'est parce que, sans protection, ils n'oseraient pas tenter l'aventure d'une création d'emploi et non parce que nous estimons qu'une aide généralisée était nécessaire.
Je demande donc à la Haute Assemblée de rejeter ces deux amendements.
Le Gouvernement ne s'oppose pas à l'amendement n° II-24 rectifié et s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous nous en félicitons !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. En présentant l'amendement n° II-10, M. Joly demande que les chômeurs non indemnisés puissent bénéficier de l'ACCRE dès le premier jour du chômage.
Le Gouvernement propose, pour sa part, de supprimer l'opposabilité du délai aux chômeurs indemnisés, mais nous ne pouvons pas faire de même pour les chômeurs non indemnisés. En effet, il suffirait de s'inscrire vingt-quatre heures à l'ANPE pour bénéficier de l'aide. Autant dire que toutes les créations d'entreprise dans notre pays se feraient dans le cadre de l'ACCRE !
J'ajoute que, si nous vous suivions, monsieur Joly, le coût de la mesure pour la sécurité sociale serait énorme puisque, je le signale à la Haute Assemblée, il est déjà de 1 milliard de francs par an.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est hostile à cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° II-25, le Gouvernement sait qu'il va être l'objet de pressions de la part et de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. Je vois d'ailleurs qu'elles affutent déjà leurs armes ! (Sourires.) Cependant, malgré ces pressions, le Gouvernement est sûr de son bon droit, si j'ose ainsi m'exprimer, et il demande donc à la Haute Assemblée de repousser un amendement - à moins que la commission des finances veuille bien le retirer après mes explications - dont l'objet est d'interdire au Gouvernement de contingenter par décret le nombre d'aides aux chômeurs créateurs d'entreprise.
La logique du contingentement du nombre d'aides accordées n'est pas nouvelle puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ACCRE était accordée jusqu'à présent dans le cadre d'enveloppes budgétaires et de primes limitatives et impératives, l'exonération des charges n'étant qu'accessoire, j'insiste sur ce point, à l'aide financière attribuée.
Aujourd'hui, la suppression de l'enveloppe budgétaire ne modifie pas l'esprit qui préside à l'attribution de l'aide de l'Etat. Le principe des enveloppes limitatives doit donc - j'insiste également sur ce point - être maintenu. Il s'applique à un nombre d'exonérations de charges sociales qui sera fixé annuellement pas décret puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne peut l'être par la loi de finances.
Le coût de l'exonération des charges, déjà estimé à plus de 1 milliard de francs, n'étant pas compensé, il ne saurait être envisagé de fonctionner, pardonnez-moi l'expression, « à guichets ouverts », sans limiter le nombre d'aides attribuées, le dispositif - je le redis et je suis persuadé que M. le président de la commission des affaires sociales va être très attentif à cet argument - pesant directement sur le budget de la sécurité sociale.
De plus, la fixation annuelle du nombre des exonérations accordées traduit, j'y insiste également, le respect de la volonté du Parlement d'inscrire ce dispositif dans le contexte de la maîtrise des dépenses publiques. Et permettez-moi de vous rappeler simplement avec quelles compétences et quel talent la Haute Assemblée a contribué hier à réduire les déficits publics !
L'amendement n° II-26 tend à opérer une coordination entre le code de la sécurité sociale et le code du travail ; le Gouvernement y est, bien entendu, favorable.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je voudrais faire entendre la voix de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis ayant, malheureusement, dû nous quitter.
La commission des affaires sociales est très attachée au fonctionnement de l'ACCRE et elle a considéré, après avoir examiné le dispositif de manière très approfondie, qu'il était utile non seulement pour favoriser la création d'entreprises, mais aussi, et surtout, pour redonner à des chômeurs, notamment à des chômeurs d'un certain âge, une perspective tout à fait nécessaire quand on sait les difficultés que connaissent ceux de nos concitoyens qui sont licenciés ou qui doivent interrompre une activité.
Il est vrai, et c'est à la décharge du Gouvernement, que, dans certains départements, le mécanisme de l'ACCRE a été utilisé, non pas pour favoriser la création d'entreprises viables, mais pour permettre à un certain nombre de personnes de sortir de la situation de demandeur d'emploi.
D'ailleurs, le taux de disparition des entreprises créées à partir de cette aide publique est le même que le taux de disparition des entreprises qui se créent spontanément, ce qui montre bien, monsieur le ministre, qu'en dépit d'un examen des dossiers par des commissions composées d'experts et de représentants du ministère du travail,...
M. Gérard Delfau. Ils n'y connaissent rien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... personne n'est capable de savoir a priori si l'entreprise va marcher ou non.
Toutefois, compte tenu des problèmes globaux de déficit des comptes sociaux et de déficit budgétaire, la commission a finalement admis le système que nous proposait le Gouvernement : on supprime la prime, mais on garde l'exonération automatique des charges sociales.
La commission des finances, dans sa sagesse, nous propose de supprimer aussi l'exonération automatique des charges sociales et de la remplacer par une exonération facultative décidée par la fameuse commission détachée auprès du préfet - on vient de voir les résulats merveilleux qu'elle a obtenus - qui est tout à fait capable, dit-on, de discerner ce qui est viable de ce qui ne l'est pas.
La commission des finances est bien consciente du fait que cet amendement n° II-24 rectifié constitue un retrait par rapport au système proposé : le Gouvernement supprime la prime et garde l'exonération automatique ; la commission des finances supprime la prime et rend l'exonération facultative. Nous avons donc l'impression d'un recul. Cependant, je dois lui rendre cet hommage, la commission des finances compense le caractère facultatif de l'exonération des droits par la suppression du contingentement.
En effet, on ne peut pas avoir un système facultatif d'exonération et, en plus, un contingentement budgétaire, car, à ce moment-là - je connais bien nos amis de Bercy - il n'y aura plus rien du tout !
A mon avis, nous avons, mes chers collègues, le choix entre deux attitudes.
Première solution, nous acceptons les deux amendements de la commission des finances, les amendements n°s II-24 rectifié et II-25, parce qu'ils sont cohérents et parce qu'ils visent tout à la fois à mettre en place un système d'exonération facultative et à supprimer le contingentement. Il reviendra, alors, au ministère de fixer les normes en matière de création d'emplois. Le système est, dans cette hypothèse, plus ouvert et s'adapte mieux aux réalités du terrain.
Seconde solution, nous nous en tenons à la situation actuelle de l'automaticité de l'exonération des charges sociales et, à ce moment-là, si le Gouvernement ne veut absolument pas accepter l'amendement n° II-25, il nous faut alors, mes chers collègues, et j'en suis navré pour mon ami Emmanuel Hamel, n'accepter ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n° II-25.
Nous n'avons, à mon sens, que ces deux solutions. La solution qui consisterait à reculer encore par rapport au texte du Gouvernement, et à conserver le contingentement en faisant disparaître l'automaticité de l'exonération des charges sociales me paraîtrait la plus mauvaise compte tenu de l'objectif qui est le nôtre, qui est d'inciter un certain nombre de demandeurs d'emploi à créer leur entreprise dans le cadre d'un système départemental.
Donc, mes chers collègues, la commission des affaires sociales souhaite la solution la meilleure : le vote des deux amendements de la commission des finances, n°s II-24 rectifié et II-25.
Si vraiment le Gouvernement s'oppose de manière absolue à l'amendement n° II-25, alors je vous demanderai de ne pas accepter l'amendement n° II-24 rectifié pour en rester au texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale et qui me paraît, pour les intérêts dont nous avons la charge, meilleur que le seul amendement n° II-24 rectifié, non complété par l'amendement n° II-25.
Je crois être ici l'interprète de la pensée de M. Joly, qui a eu la même idée que la commission des finances, puisqu'il souhaite, lui aussi, supprimer le contingentement.
Franchement, garder le contingentement et instituer, de surcroît, un système d'exonération facultative, c'est vider l'ACCRE de toute sa substance et c'est nous engager à revenir l'an prochain sur ce même dispositif pour trouver un autre !
En d'autres termes, monsieur le président, je préfère que la Haute Assemblée adopte les amendements n°s II-24 rectifié et II-25. Cependant, si vraiment le Gouvernement s'oppose à l'amendement n° II-25, je demande au Sénat de n'adopter ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n° II-25.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je savais que Machiavel était originaire de la péninsule italienne. Je découvre aujourd'hui qu'il a fait des adeptes à Boulogne-Billancourt ! (Sourires. - M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.)
C'est une plaisanterie, vous l'avez bien compris, monsieur Fourcade. Cela étant, le Gouvernement a été sensible à votre proposition.
Monsieur Delfau, il ne faut pas trop mettre en cause les experts. Vous avez défendu, tout à l'heure, les fonctionnaires du ministère des affaires sociales, respectez maintenant les experts !
Compte tenu du public concerné, qui, le plus souvent, il faut le reconnaître, n'est pas qualifié, le pourcentage de réussite montre que les commissions d'examen sont tout de même utiles.
Or, et vous en convenez vous-même, monsieur Fourcade, dès lors qu'il y a examen, l'aide a, me semble-t-il, un caractère facultatif. C'est pour cette raison que le Gouvernement n'était pas hostile à l'amendement n° II-24 rectifié.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, tout au long des débats consacrés à la loi de financement de la sécurité sociale, vous avez montré votre attachement à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. C'est précisément parce que les amendements n°s II-24 rectifié et II-25 menacent cet équilibre que le Gouvernement va s'y opposer. Dès lors, en effet, que les commissions ne sont plus tenues par des enveloppes de primes, elles n'ont aucun intérêt à bien étudier les dossiers. Je le répète, dans ce cas-là, la sécurité sociale est menacée.
Dans ces conditions, le Gouvernement, retenant la seconde des deux solutions proposées par M. le président de la commission des affaires sociales, s'oppose aux amendements n°s II-24 rectifié et II-25.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous sommes ici devant une disposition que je qualifierai de symbolique, puisqu'elle porte sur un milliard de francs.
Sur des sommes qui ne mettent pas en péril les finances de la France, Bercy peut-il imposer sa décision, alors qu'elle est fondée sur une méconnaissance totale des équilibres économiques et de la réalité sociale que nous vivons dans nos départements ?
Monsieur le ministre, cette procédure de l'ACCRE n'est défendue par aucun groupe politique particulier. La preuve en est que je pouvais totalement me retrouver dans bien des propos qui viennent d'être tenus par M. le président de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que cette question a été à maintes reprises évoquée devant la commission Péricard-Novelli et que, à l'exception d'un sous-directeur à la direction du budget, M. Morin, la totalité des intervenants, représentant de la CGT compris,...
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Gérard Delfau... ont conclu que c'était, finalement, dans une situation très détestable, le moins mauvais des dispositifs. C'était au printemps dernier.
Arrive le projet de loi de finances, et l'on propose sa suppression.
Mais, monsieur le ministre, nous avons une certaine pratique et la parole d'autorité que vous répercutez ici n'a aucune prise sur ce que nous pensons.
L'exonération, contrairement à ce que l'on vous a demandé de nous expliquer, monsieur le ministre, n'est pas l'essentiel. Je vais vous expliquer, moi, ce qui est l'essentiel : c'est la subvention, si faible soit-elle, parce qu'elle s'ajoute au petit apport personnel - il y a pratiquement toujours un apport personnel, ce qui montre bien l'engagement des gens - et, surtout, parce qu'elle débloque un petit financement des banques. C'est ainsi que cela se passe, désormais, pour les très petits dossiers. Les banques françaises ne donnent pas un centime si elles ne sont pas assurées d'obtenir un peu d'argent public et des cautions des collectivités territoriales.
Telle est la réalité, et aucun d'entre nous sur ces travées, quelles que soient, par ailleurs, ses convictions politiques, ne peut dire le contraire, parce que c'est ce que nous vivons.
Quant à l'effet d'aubaine, non ! il est inadmissible de dire des choses pareilles. D'ailleurs, le président de la commission des affaires sociales a fait justice de cette affirmation. Les chiffres sont là. Les taux de réussite ou d'échec sont analogues à ceux qui sont enregistrés pour l'ensemble des créateurs d'entreprise. En réalité - mais, la encore, ce budget ne va pas là où il devrait aller - il faut multiplier les occasions de conseil et d'appui aux entreprises. A cet égard, ce sont les services que je qualifie d'immatériels qui permettent d'éviter les échecs et non pas du tout le type de procédure dont nous parlons.
Un mot encore. J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires des directions déconcentrées du travail et des préfectures, mais enfin ! Peuvent-ils - et doit-on leur demander - de faire ce travail de dossier, qui coûtera trois fois plus aux contribuables que les économies escomptées par ce biais ?
Si vous me disiez, monsieur le ministre, que tout cela sera étudié à partir des pépinières d'entreprises, des boutiques de gestion et dans le bassin d'emploi, là où les gens connaissent non seulement ce qui est écrit, mais ce que représente, en réalité,...
M. le président. Monsieur Delfau, vous avez épuisé votre temps de parole ; je ne puis vous laisser continuer.
M. Gérard Delfau. C'est inélégant, monsieur le président !
M. le président. C'est vous qui êtes inélégant, mon cher collègue. Tout à l'heure déjà, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole.
Frustré de n'avoir pu parler autant que vous le souhaitiez, hier, du fait de la répartition du temps de parole au sein de votre groupe, vous essayez de vous rattraper aujourd'hui. Je ne peux vous laisser faire.
M. Gérard Delfau. Voilà deux fois que vous me coupez la parole aujourd'hui, monsieur le président. C'est la première fois en seize ans que l'on me traite ainsi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24 rectifié.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Il me semble très important que l'article 94 reste en discussion pour la commission mixte paritaire.
En effet, depuis tout à l'heure, je me suis aperçu que la phrase que vise à supprimer l'amendement n° II-25, à savoir : « Un décret fixe annuellement le nombre de bénéficiaires des droits visés au premier alinéa du présent texte », est tout à fait contraire à la philosophie des aides à l'emploi.
En fait, nous sommes en présence de deux thèses : celle du Gouvernement, qui souhaite l'adoption de l'amendement n° II-24 rectifié et le rejet de l'amendement n° II-25, et la thèse de la commission des finances, qui souhaite que le Sénat adopte les deux amendements.
Pour ma part, je trouve choquant que figurent dans l'article 94 et la notion du contrôle effectué sur la création d'entreprise et celle du contingentement par décret, décret dont personne n'aura connaissance. Je vois bien l'esprit qui préside à cette affaire, mais je pense que la position de la commission des finances est plus sage.
Je souhaite, par conséquent, que le Sénat adopte et l'amendement n° II-24 rectifié et l'amendement n° II-25, car le vote du seul amendement n° II-24 rectifié constituerait un recul.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous nous félicitons de l'analyse de M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je tiens à préciser la position du Gouvernement, qui s'était rallié à la deuxième solution présentée par M. le président de la commission des affaires sociales.
Finalement, pour tenir compte de ce qui lui semble positif dans l'amendement n° II-24 rectifié, il s'en remet, sur cet amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée. En revanche, s'agissant de l'amendement n° II-25, il ne peut qu'émettre un avis défavorable, pour les raisons que j'ai développées tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-10 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 94, modifié.

(L'article 94 est adopté.)

Articles 95 et 96

M. le président. « Art. 95. - Le 2° de l'article L. 322-4-1 du code du travail est ainsi rédigé:
« 2° En application de conventions conclues entre l'Etat et des organismes de formation pour l'organisation des stages individuels et collectifs d'insertion et de formation à l'emploi, les frais de formation ainsi que les dépenses afférentes à la rémunération et à la protection sociale de stagiaires. Les stages collectifs sont organisés pour les demandeurs d'emploi de longue durée, les handicapés et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation spécifique de solidarité. Ils prennent en compte les besoins du marché du travail ainsi que les caractéristiques spécifiques des demandeurs d'emploi et sont effectués, chaque fois que possible, pour tout ou partie en milieu de travail ; ». - (Adopté.)
« Art. 96. - I. - Le 1° de l'article L. 322-4-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« 1° A une aide de l'Etat pour les catégories de bénéficiaires rencontrant les difficultés d'accès à l'emploi les plus graves. Ces catégories ainsi que les conditions d'octroi et le montant de l'aide, qui peut être modulée en fonction de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi, sont fixés par décret ; ».
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux conventions prenant effet à compter du 1er septembre 1996. ». - (Adopté.)

Article 97

M. le président. « Art. 97. - L'article 34 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est ainsi rédigé :
« Art. 34. - L'Etat assure aux organismes gestionnaires des ateliers protégés, des centres de distribution de travail à domicile et des centres d'aide par le travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés visé à l'article L. 323-8-2 du code du travail assure aux employeurs du milieu ordinaire de travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Ces dispositions prennent effet à compter du 1er janvier 1997. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-7 est présenté par MM. Mazars, Huguet, Delfau, Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-14 est déposé par Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-7.
M. Gérard Delfau. L'article 97 prévoit de modifier la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Il ne s'agit, en fait, que de transférer la charge de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire à l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, ce qui représente, pour 1997 seulement, une somme de 245 millions de francs.
Cette affaire, dont il a déjà été beaucoup question, pose plusieurs problèmes graves. Tout d'abord, une telle ponction remet en cause le principe fondamental de solidarité qui avait présidé à l'élaboration de cette loi. Elle traduit en effet le désengagement de l'Etat à l'égard de personnes qui sont déjà victimes d'un handicap, ce qui ne laisse pas d'être choquant.
Au demeurant, ce désengagement survient après la modification, en 1994, dans un sens bien sûr restrictif, des conditions d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés après la cessation, en 1995, du versement de la participation patronale de formation sur les compléments de rémunération pour les travailleurs en atelier protégé et après le transfert à l'AGEFIPH, en 1996, d'une partie du financement des équipes de préparation et de suite du reclassement, les EPSR. Voilà qui fait décidément beaucoup au détriment des handicapés !
Comme dans d'autres cas, le Gouvernement prend prétexte de la trésorerie positive de l'AGEFIPH pour s'emparer d'une partie de celle-ci afin de boucler son budget. C'est une politique d'expédients que l'on nous présente, qui pénalise une association dont le montant total des fonds, engagements compris, n'est pas aussi élevé que le prétend le Gouvernement.
Sutout, cet argent n'existe que parce que les entreprises, en majorité, préfèrent payer des pénalités plutôt que d'embaucher des personnes handicapées, ce qui pose un problème de fond. En effet, nous sommes là assez loin du concept de l'« entreprise citoyenne » et de l'accomplissement du devoir de solidarité.
Ce qui est particulièrement regrettable, c'est que le désengagement financier de l'Etat se double d'un abandon de ses devoirs. En effet, le rôle de l'Etat, face à une telle situation, est de mobiliser les ressources pour faire appliquer la loi, pour inscrire dans les faits le principe de solidarité. Son rôle n'est pas de ponctionner des ressources inemployées parce que certains ne veulent pas appliquer la loi.
Or, c'est précisément ce à quoi nous assistons : l'Etat s'engage dans cette démarche, quitte à investir pour cela une association de prérogatives de puissance publique qui ne figurent en aucune façon dans ses statuts. Vous nous demandez de modifier les activités de l'AGEFIPH, donc son objet et in fine sa nature. Vous nous demandez de donner notre aval à l'affectation de ses fonds à une autre destination que celle qui est légalement prévue.
Il nous faudrait donc modifier la loi. A notre avis, cette modification va à l'encontre de ce qu'il aurait fallu faire dans l'intérêt, primordial à nos yeux, des personnes handicapées. La seule modification acceptable serait celle qui démontrerait la volonté du Gouvernement d'assumer ses responsabilités et de donner à l'AGEFIPH les moyens de remplir pleinement sa mission.
Nous ne cautionnons en aucun cas l'opération que vous nous proposez, car il s'agit d'une mauvaise action perpétrée à l'encontre des handicapés.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-14.
M. Guy Fischer. Cet amendement soulève un certain nombre de questions qui ne sont pas de simple économie budgétaire.
Il s'agit, tout d'abord, de bien préciser quel est le cadre de la mesure qui nous est proposée par l'article 97 et de s'interroger sur la cohérence de la politique gouvernementale en faveur de nos compatriotes qui souffrent d'un handicap.
La question du handicap est imparfaitement résolue, c'est le moins que l'on puisse dire.
Une partie des solutions réside aujourd'hui dans l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, qui est imputée sur le budget des affaires sociales et qui constitue d'ailleurs un élément significatif de ce dernier.
Rappelons-nous qu'un article rattaché de la loi de finances pour 1994 avait, de manière particulièrement discutable, modifié les conditions de versement de cette allocation à certaines catégories de personnes en longue maladie, ce qui avait été alors justifié par la volonté de réaliser des économies.
On constate donc que le discours actuel sur la maîtrise des dépenses publiques n'a rien de bien nouveau ni original puisqu'il se situe dans cette filiation.
Fiscalement parlant, le problème du handicap est également pris en compte en termes de majoration du quotient familial, d'abattements spécifiques ou encore d'exonérations de certains revenus de transfert, dont l'AAH, encore que, dans ce domaine, le présent projet de loi de finances contienne une incroyable mesure de remise en cause de l'exonération des rentes viagères d'incapacité de travail.
Quant au fonds pour le développement de l'insertion professionnelle des handicapés, il est organisé de manière relativement similaire au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Il repose, en effet, sur un prélèvement effectué à partir de l'entreprise sur la base d'un principe simple.
Les entreprises qui, dans leurs secteurs respectifs, ne respectent pas les obligations d'embauche de travailleurs handicapés sont soumises à une cotisation mutualisée, destinée à financer des actions de formation, de reclassement ou de réinsertion des travailleurs handicapés.
L'argent de l'AGEFIPH est donc celui des salariés. En ce sens, il est assimilable, toutes proportions gardées, à l'argent collecté au titre de la formation continue, de la participation des employeurs à l'effort de construction ou encore de la contribution au versement des allocations ASSEDIC.
Une entreprise qui ne développe pas de politique de formation est ainsi invitée à solder ses obligations auprès d'un collecteur tandis qu'une entreprise qui n'engage pas de dépense particulière pour le logement de son personnel est invitée à solder sa contribution forfaitaire auprès d'un collecteur ou du Trésor public.
L'alimentation des ressources de l'AGEFIPH est donc fondée sur le principe de la pénalisation du refus d'une entreprise à répondre aux besoins de formation et d'emploi des handicapés.
Dans les faits, on est bien obligé de revenir sur les termes du partage entre les missions qui sont confiées à l'AGEFIPH dans le cadre de la loi de 1975 et celles qui incombent à l'Etat.
Il importe de rappeler que cette loi prévoyait que les missions de l'Etat étaient de prendre en charge « l'extension des dépenses qui sont les siennes : l'éducation, la formation et le reclassement professionnels, la garantie de ressources aux handicapés qui travaillent ».
Pour autant, ces principes ont été, depuis, largement travestis et ils le seront encore si l'on en reste à la lettre de l'article 97 du présent projet de loi.
En effet, l'AGEFIHP s'est déjà vu imputer ces dernières années des dépenses liées au financement des équipes de préparation et de suite du reclassement privées, à l'aménagement des postes de travail et à l'encadrement des travailleurs handicapés.
Elle se voit donc dans l'obligation de faire des choix draconiens entre la suppression des dépenses d'investissement en nouveaux outils de travail pour les ateliers de formation ou la limitation des inscriptions dans les stages.
Peut-on, dans les faits, se permettre d'imposer de tels choix qui risquent, au nom du strict équilibre comptable, de créer de nouvelles souffrances et de nouvelles et intolérables discriminations ?
Les missions que l'on peut assigner à la dépense publique ne doivent pas être l'occasion d'affirmer la primauté d'une rigueur qui, sous prétexte d'économie, met en cause la satisfaction d'immenses besoins collectifs.
De plus, on est bien obligé de s'interroger sur le sens réellement donné à la doctrine budgétaire en vigueur lorsque le Gouvernement réduit ses dépenses en se contentant soit de les transférer sans compensation sur d'autres, soit comme l'a montré la discussion sur le 1 % logement, en se servant dans la caisse et en détournant l'argent qui devrait rester géré par les acteurs sociaux eux-mêmes.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l'article 97.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-7 et II-14 ?
M. Emmanuel Hamel, rapporteur général. Il est vrai que l'article 97 tend à augmenter les responsabilités de l'association gérant les fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, mais il ne diminue pas les moyens attribués à ces derniers.
La commission des finances estime donc que la réforme proposée dans cet article n'est pas inéquitable, la garantie de ressources des travailleurs handicapés étant maintenue.
Voilà pourquoi, sans hésitation, elle s'oppose aux amendements de suppression de l'article 97.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Même avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-7 et II-14, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 97.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'article 97 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère du travail et des affaires sociales : I. - Travail.

Anciens combattants et victimes de guerre

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, si chacun fait preuve de célérité, nous devrions pouvoir achever l'examen de ces dispositions avant le déjeuner.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits proposés, en 1997, pour ce budget s'élèvent à 26,842 milliards de francs. Ils sont en diminution de 5,4 % par rapport à 1996.
Ce budget contribue ainsi pleinement à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Les économies portent sur les moyens des services, décrits dans le titre III, avec une diminution légère de 0,65 % des dépenses en personnel, et, il est vrai, une baisse de près de 11 % des dépenses en matériel et en fonctionnement des services.
Cette baisse marque une rupture par rapport aux fortes progressions enregistrées au cours des années précédentes ; elle concerne les dépenses liées à l'informatique, à la télématique et au plan de modernisation, que l'on ne recommence pas tous les ans.
Les interventions publiques retracées dans le titre IV sont aussi touchées par la rigueur budgétaire et les crédits mis à leur disposition sont réduits de 5,5 %. Pourtant, cette baisse doit être relativisée, car elle est en grande partie liée à la diminution du nombre des parties prenantes. Près de un milliard de francs seront, hélas ! économisés de la sorte, en 1997, sur les chapitres relatifs à la dette viagère, aux soins médicaux et aux prestations assurées aux invalides de guerre.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez su, malgré la rigueur imposée à votre budget, sauvegarder les missions essentielles de votre ministère, et même améliorer le dispositif de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Ainsi, vous avez préservé les services déconcentrés, qui voient leurs effectifs diminuer seulement de 1 %, contre près de 9 % pour l'administration centrale, et dont les crédits de fonctionnement augmentent même de 2,9 %. Le maintien du réseau d'accueil de proximité et de traitement des dossiers des pensionnés et des anciens combattants pourra donc être assuré, ce dont il faut se féliciter.
En outre, vous avez reconduit les crédits affectés à l'Institution nationale des invalides, l'INI, et augmenté légèrement ceux de l'Office national des anciens combattants, l'ONAC, montrant ainsi l'importance que revêt, aux yeux de l'Etat, le maintien de l'action sociale en faveur des anciens combattants.
Le projet de budget pour 1997 est aussi marqué par une amélioration considérable du dispositif de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord les plus démunis.
D'une part, le champ des bénéficiaires du fonds de solidarité est élargi. Désormais, les anciens combattants d'Indochine pourront en bénéficier, tandis que la condition d'âge est purement et simplement supprimée.
De plus, l'allocation différentielle voit son régime d'attribution assoupli puisque son bénéfice est non plus réservé aux seuls chômeurs de longue durée, mais étendu aux combattants en situation de travail précaire ou plutôt, comme l'a décidé l'Assemblée nationale, en activité professionnelle involontairement réduite.
D'autre part, les prestations du fonds de solidarité sont améliorées, notamment l'allocation de préparation à la retraite, l'APR. Il faut rappeler que la création de cette allocation avait constitué un échec relatif en raison des paramètres retenus pour son calcul, qui la rendaient beaucoup moins attractive que l'allocation différentielle. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a décidé de déterminer le plancher et le plafond de l'APR non plus en montant brut mais en montant net. Désormais, le montant maximal de l'allocation différentielle et le plancher de l'APR sont identiques, soit 4 500 francs nets.
C'est un progrès notable, mais cette réforme doit être complétée par la suppression de l'abattement de 22 % imposé par l'Association générale des institutions de retraite des cadres, l'AGIRC, et l'Association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO, sur les retraites complémentaires lorsqu'elles sont prises à l'âge de soixante ans.
J'aimerais d'ailleurs connaître, monsieur le ministre, sur ce point précis, l'état des négociations entre les caisses de retraite et le Gouvernement. Cela relève des fonctions de M. Barrot, mais sans doute me donnerez-vous quelques explications.
Même si le projet de budget me paraît globalement positif, je dois vous faire part de certaines inquiétudes que, je l'espère, monsieur le ministre, vous lèverez.
J'approuve votre décision de prolonger, pour l'année 1997, la levée de la forclusion opposable aux demandes d'attribution ou de révision d'une pension militaire d'invalidité ou d'une retraite de combattant formulées par les anciens combattants originaires des Etats de l'ex-Indochine française. Toutefois, cette mesure ne revalorise pas le point d'indice. Je comprends que, en raison de l'effort engagé par le Gouvernement pour réduire le déficit public, aucune disposition supplémentaire n'intervienne cette année. Cependant, j'aimerais que, dès l'année prochaine, vous nous proposiez un programme quinquennal visant à réduire les écarts considérables existant entre les différentes valeurs du point de pension.
Concernant la retraite anticipée en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord, la commission tripartite mise en place pour en évaluer le coût a rendu son rapport : 151 milliards de francs seront nécessaires.
Il est évident qu'un tel effort financier ne peut être demandé aux contribuables. Toutefois, je regrette que le Gouvernement ait argué de ces conclusions pour mettre fin à toute négociation avec les associations d'anciens combattants. Je souhaite rappeler que ces discussions avaient été ouvertes, à l'origine, pour améliorer la situation difficile qui affecte certains d'entre eux. Une reprise de la réflexion tripartite me paraît donc nécessaire afin de dégager une solution en faveur des plus démunis. (Murmures sur les travées socialistes.)
J'aimerais aussi connaître l'état des négociations sur l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant en Afrique du Nord et du titre de reconnaissance de la nation. En effet, votre ministère s'était engagé devant les associations d'anciens combattants à ce que les mesures décidées entrent en vigueur dès le 1er janvier 1997.
Quant à la retraite mutualiste, est-il opportun, comme le demandent certaines associations, d'en indexer le plafond sur la valeur du point de pension d'invalidité plutôt que sur l'indice des prix hors tabac ? La rente mutualiste est un placement individuel volontairement souscrit, alors que les pensions sont une réparation.
Je considère que les améliorations non négligeables votées dans la loi de finances de 1996 sont réelles et que l'on doit en tenir compte.
Je tiens également à faire part de mes craintes concernant les menaces qui pèsent sur l'entretien des nécropoles nationales en raison de l'insuffisance de crédits, d'autant que certaines dépenses sont indispensables.
Par ailleurs, les actions en faveur de la mémoire et de l'information historique me paraissent fortement compromises par la réduction considérable des sommes mises à leur disposition.
Certes, cette baisse doit être relativisée, car elle est en partie liée à la non-reconduction de crédits exceptionnels. Il reste que l'effort de maîtrise des dépenses publiques ampute ces crédits de 15 % pour la politique de la mémoire et de 32,4 % pour les interventions en faveur de l'information historique.
Certes, j'approuve le vote par l'Assemblée nationale de crédits exceptionnels en faveur des interventions dans le domaine des monuments et des musées commémoratifs, mais cela me paraît insuffisant. C'est pourquoi je demande une rapide remise à niveau des crédits, qui ne peut pas passer par un appel systématique à la « réserve parlementaire ».
Je conclurai, toutefois, sur deux remarques très positives, monsieur le ministre.
D'une part, je me réjouis que le Gouvernement ait retiré l'article 87, relatif au plafonnement à 50 % de la majoration des pensions militaires d'invalidité afférente au taux de grade. En effet, le vote de cet article aurait provoqué une réduction importante et brutale de certaines pensions, ce qui n'était pas acceptable. Je tiens d'ailleurs à souligner que j'avais fait voter un amendement de suppression par la commission des finances.
D'autre part, je me félicite du démenti apporté par M. le Premier ministre concernant un éventuel regroupement des services territoriaux de l'ONAC et du ministère des anciens combattants dans un pôle de compétence « affaires sociales », qui aurait laissé craindre, à terme, une remise en cause de l'existence même du ministère.
Il me paraît en effet essentiel que le ministère des anciens combattants conserve la place qu'il mérite au sein des institutions françaises, car il est le gardien de la mémoire collective et le défenseur de ceux qui se sont sacrifiés pour leur patrie.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de suivre l'avis de la commission des finances et de voter ce projet du budget, considérant que, dans un contexte difficile, il ne remet en question ni l'exercice du droit à réparation ni la mise en oeuvre de la solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L'année 1996 restera marquée, monsieur le ministre, par la décision prise par le Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, au vu de l'exercice très complet de chiffrage qui a été réalisé par une commission tripartite et dont les résultats ont été publiés au mois de mars dernier.
Le travail de la commission tripartite a été très sérieux et très objectif. Elle a abouti à un coût de 151 milliards de francs sur six ans. Même si des différences peuvent légitimement s'exprimer sur les hypothèses de calcul qui seraient choisies avant de mettre en oeuvre la retraite anticipée, ce chiffre paraît refléter globalement le coût de la mesure, entendue dans sa conception la plus large et la plus généreuse, si elle avait été mise en place au 1er janvier 1996.
M. Robert Pagès. Ce n'est pas le cas !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. Ce n'est pas du tout le cas, mais c'est une constatation.
M. Robert Pagès. De plus, le chiffrage est contestable !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales comprend les motifs qui ont malheureusement conduit le Gouvernement à renoncer à la retraite anticipée, dont le coût considérable est apparu incompatible avec les contraintes budgétaires et économiques auxquelles doit faire face le pays.
En contrepartie, ce projet de budget prévoit plusieurs mesures de solidarité en faveur des anciens combattants de la troisième génération du feu, dans un juste esprit de réparation.
La commission des affaires sociales s'est tout d'abord félicitée que le fonds de solidarité, qui avait été mis en place en 1992, à la suite du débat qu'elle avait ouvert, soit rendu encore plus consistant pour les anciens d'Afrique du Nord, qu'ils soient chômeurs de longue durée ou en situation d'activité professionnelle involontairement réduite.
La commission, toutefois, a fait une constatation et émis un voeu.
Tout d'abord, elle a constaté que la condition qui impose à l'ancien combattant de plus de cinquante-cinq ans d'avoir perçu pendant six mois l'allocation différentielle avant de pouvoir prétendre à l'allocation de préretraite est pénalisante. L'option pour la préretraite est une sorte « d'option en trompe-l'oeil ». En effet, elle ne procède pas vraiment d'un libre choix de l'ancien combattant, qui doit subir le point de passage obligé de l'allocation différentielle avant d'accéder à sa préretraite, et ce point ne nous paraît pas totalement satisfaisant.
Ensuite, nous avons souhaité que les négociations engagées avec les gestionnaires des régimes de retraite complémentaire aboutissent rapidement afin que soit levée l'irritante question des coefficients d'anticipation, qui réduisent parfois d'un cinquième la retraite complémentaire de l'ancien combattant qui demande à bénéficier de la préretraite.
C'est pourquoi nous demandons, monsieur le ministre, que vous soyez spécialement mandaté par M. le Premier ministre pour négocier seul et en priorité de cette question particulière avec les gestionnaires de l'ARRCO ou, à défaut, que le ministre des affaires sociales soit habilité à régler en priorité absolue ce dossier dans un délai de trois mois. Cela nous paraît à tous particulièrement important.
Parmi les mesures de contrepartie, nous avons relevé, avec satisfaction, que vous étiez en train de travailler en concertation avec le Front uni pour simplifier les règles d'attribution de la carte du combattant.
Cette mesure est d'autant plus souhaitée que le Gouvernement avait dû renoncer, ces dernières années, à l'introduction d'un véritable critère de territorialité.
Nous souhaitons que la réforme qui sera adoptée permette de rétablir une certaine équité entre les générations du feu quant au taux d'attribution de la carte par rapport aux demandes transmises.
Par ailleurs, nous vous soutenons totalement dans votre démarche tendant à décerner une distinction honorifique particulière à tous les titulaires du titre de reconnaissance de la nation.
Comme l'a rappelé M. le Président de la République, le 11 novembre dernier, « dix longues années d'épreuves ont montré le courage des forces régulières et des formations supplétives unies fraternellement dans les plis du drapeau français. De cette expérience-là, nul n'est revenu vraiment indemne : près de trois millions d'hommes l'ont vécue, 25 000 ont disparu ». La commission attend les actes qui doivent suivre de tels propos.
Monsieur le ministre, sensible qu'elle est aux efforts que vous avez entrepris en faveur de la troisième génération du feu,...
M. Raymond Courrière. Elle n'est pas difficile !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. ... la commission des affaires sociales est favorable à l'adoption de votre budget, ainsi que des articles 85 et 86 qui y sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 19 minutes ;
Groupe socialiste : 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 5 minutes.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des anciens combattants et victimes de guerre est l'occasion de témoigner de notre fidélité au souvenir des services rendus à la patrie et à la mémoire de ceux qui sont morts pour elle. C'est pourquoi il doit, chaque année, comporter des témoignages concrets de la reconnaissance de la nation.
Le projet de loi de finances pour 1997 a été élaboré dans un contexte de limitation du déficit, fondée sur la réduction des dépenses publiques.
Naturellement, à ce choix stratégique, indispensable au redressement de notre pays, le budget des anciens combattants ne pouvait échapper. C'est la raison pour laquelle il enregistre une diminution de 5,37 %, pour s'établir à 26,8 milliards de francs.
Je constate, monsieur le ministre, qu'il est tout de même porteur de quelques espérances. Chacun sait que, pour l'ancien combattant que vous êtes, l'essentiel des actions que vous entreprenez repose sur le principe de la reconnaissance du monde combattant.
D'emblée, je dois tout de même évoquer le dossier du douloureux contentieux né de la revendication par les anciens combattants d'Afrique du Nord d'une retraite anticipée en réparation des sacrifices consentis et des souffrances endurées entre 1952 et 1962.
A cet égard, je tiens à souligner que vous avez toujours été à l'écoute de leurs associations, regroupées au sein du Front uni. Faut-il rappeler que vous vous êtes personnellement engagé en les recevant, le 23 juillet, à votre ministère, puis en les accompagnant, d'abord, chez M. le Premier ministre, le 1er août, et, ensuite, chez M. le Président de la République, le 18 septembre ?
Je souligne également la neutralité que vous avez observée à l'égard de la commission tripartite chargée du problème des retraites anticipées puisque vous lui avez laissé toute liberté pour procéder à un examen au fond.
La commission tripartite, dans son rapport, a évalué le coût de cette mesure à 151 milliards de francs sur neuf ans. A l'issue des travaux de cette commission, les associations regroupées au sein du Front uni ont présenté une nouvelle mesure plus restrictive dont le coût s'éleverait, selon elles, à 36,5 milliards de francs, mais, selon le rapporteur de la commission, à 80 milliards de francs, malheureusement, sur sept ans et demi.
A l'évidence, mes chers collègues, face à l'importance de tels chiffres et quelles que soient les marges d'incertitude, il faut tenir compte en priorité de l'effort de redressement des finances publiques entrepris par le Gouvernement.
Le coût de la retraite anticipée paraît, dans la conjoncture actuelle, incompatible avec la situation économique et financière de notre pays. C'est pourquoi nous serons conduits à approuver, pour l'heure, les mesures partielles arrêtées par le Gouvernement.
Afin d'atténuer les divergences qui sont apparues entre le Gouvernement et le Front uni, je tiens à souligner tout le mérite de M. le Président de la République, qui a su marquer ce 11 novembre 1996 d'un événement assez exceptionnel. Il a en effet rendu, au nom de la nation, un hommage particulier aux victimes civiles et militaires des événements douloureux d'Afrique du Nord en inaugurant un monument à leur mémoire.
Il l'a fait dans des conditions telles - je tiens à le souligner devant notre assemblée - qu'il a pu rassembler tous ceux qui restent fidèles à l'armée d'Afrique, tous ceux qui tenaient à rendre hommage au rôle joué par les appelés et les rappelés venus de métropole, mais aussi tous ceux qui étaient intéressés par le passé des Français d'Algérie, des harkis et de leurs descendants qui résident sur notre sol.
Nous sommes particulièrement reconnaissants à M. le Président de la République d'avoir su prendre l'initiative de ce grand rassemblement national, auquel nous avons, les uns et les autres, participé. Nous vous chargeons, monsieur le ministre, de le lui faire savoir.
Revenons-en à la réalité des chiffres.
Il nous faut donc nous contenter, cette année, des mesures arrêtées par le Gouvernement et tendant à privilégier les actions de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord les plus modestes, qui connaissent le plus de difficultés ou qui ont été blessés.
Quant au problème de l'abattement de 22 % sur les retraites complémentaires qui est appliqué aux anciens combattants d'Afrique du Nord partant à la retraite à soixante ans sans totaliser le nombre de points nécessaires, il n'est malheureusement pas encore résolu. La décision dépend du ministère des affaires sociales, en charge des négociations avec l'ARRCO, organisme de tutelle des régimes de retraites complémentaires. Monsieur le ministre, ce problème est capital.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre. Absolument !
M. Guy Cabanel. Il faut le faire aboutir d'une façon ou d'une autre. C'est notre souhait le plus cher, car cette injustice ne peut perdurer plus longtemps.
Certaines mesures décidées par le Premier ministre et par le Président de la République, en liaison avec vous, monsieur le ministre, devraient donner satisfaction au monde combattant d'Afrique du Nord.
L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant constitue un exercice difficile, mais il faut en venir à bout une bonne fois pour toutes. Comme l'a très bien souligné M. le rapporteur pour avis, notre collègue et ami Marcel Lesbros, il faut respecter un certain équilibre entre les différentes générations du feu. Nous vous confions donc cet exercice difficile, avec l'espoir que, grâce à votre diplomatie, vous pourrez trouver une solution acceptable pour tous.
J'ai accueilli favorablement l'annonce d'un contingent spécial de nominations et de promotions dans l'Ordre de la Légion d'honneur et dans l'Ordre national du Mérite pour les anciens combattants d'Afrique du Nord en 1997, à l'occasion du trente-cinquième anniversaire de la fin des hostilités. Il est également question, ce qui me paraît une bonne mesure, de transformer en décoration le titre de Reconnaissance de la nation.
L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant, les promotions spéciales à l'Ordre de la Légion d'honneur et à l'Ordre national du Mérite, la transformation en décoration du titre de Reconnaissance de la nation et les mesures concernant le fonds de solidarité devraient témoigner aux anciens combattants l'intérêt que leur porte le Gouvernement.
Je me réjouis, enfin, de la clarification que le Premier ministre a apportée à propos de la pérennité des structures administratives de votre ministère, clarification à laquelle, je n'en doute pas, vous avez pris une grande part.
M. Robert Pagès. Quatre-vingts postes sont supprimés !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Pagès, vous n'avez pas la parole.
M. Guy Cabanel. J'en viens à un tournant dangereux de mon intervention, ne m'interrompez pas, monsieur Pagès.
Je vous sais attaché, monsieur le ministre, aux structures actuelles des services déconcentrés de votre ministère et de l'Office national des anciens combattants. La polémique doit cesser sur ce point, d'autant que le Président de la République lui-même s'est solennellement engagé à maintenir dans leur intégrité ces structures. Nous sommes donc satisfaits sur ce point.
J'aurais voulu, mes chers collègues, évoquer la politique de la mémoire. En dépit des amputations de crédits, je crois que votre action sera bénéfique. Cette défense de la mémoire doit prendre sa source dans les écoles, et je pense - ce n'est plus une question de crédits - qu'il faut largement y faire participer les associations d'anciens combattants.
Monsieur le ministre, en dépit des contraintes financières qui pèsent sur le projet de budget pour 1997, et tout en regrettant l'impossibilité qu'il y a à résoudre dès maintenant le difficile problème de la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Algérie, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen émettront un vote favorable sur le projet de budget de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, d'exprimer tout le plaisir que j'ai eu à être à vos côtés voilà quelques semaines, en Virginie, pour célébrer le 215e anniversaire de la victoire de Yorktown, par laquelle l'armée de Washington, avec l'appui de la flotte de l'amiral de Grasse et des troupes de Rochambeau et de La Fayette, assura l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique.
Vous vous êtes également rendu à Arlington, à Washington et à New York, à bord du porte-avions l' Intrépide. Les anciens combattants français et américains ont particulièrement apprécié les discours que vous avez prononcés, parfois même en anglais.
Nous étions fiers de vous là-bas, comme nous l'avons été ici en France, lors des célébrations du 80e anniversaire des batailles de la Somme et de Verdun.
M. Hubert Durand-Chastel. Très bien !
M. Jacques Habert. Ce préambule m'amène à évoquer d'emblée les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au titre de la délégation à la mémoire et à l'information historique.
Dans le climat de rigueur générale que nous connaissons, ces crédits passeront de 35 millions de francs à 25 millions de francs, mais nous ne nous inquiétons pas particulièrement de cette réduction.
En effet, pour ce qui concerne 1917, excepté l'entrée en guerre des Etats-Unis, le 4 avril, et l'arrivée en France du général Pershing, il n'y a pas grand-chose dont on puisse se souvenir avec plaisir, qu'il s'agisse de la révolution bolchévique (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), de l'abandon en pleine guerre des alliés par les Soviets, de la défaite de Caporetto, de l'échec des sanglantes attaques du Chemin-des-Dames ou des mutineries dans nos propres rangs.
En revanche, nous pourrions songer au bicentenaire de la fulgurante campagne menée par Bonaparte en Italie en 1796, qui a été complètement occultée. Il reste cependant encore la victoire de Rivoli, le 14 janvier 1797, et le traité de Campoformio. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous y ferez référence dans l'excellente publication intitulée Les chemins de la mémoire .
Naturellement, il existe, dans le budget de votre ministère, des masses budgétaires beaucoup plus importantes. Mais, dans les cinq minutes qui me sont imparties, je ne pourrai en dire que quelques mots.
La grande question de cette année a été la revendication présentée par le Front uni des anciens combattants d'Afrique du Nord, à savoir la retraite anticipée à cinquante-cinq ans. Vous avez demandé que soit chiffré le coût de cette mesure. La commission tripartite, présidée par M. Chadelat, a accompli un travail que notre collègue Marcel Lesbros a estimé, à juste titre, dans son excellent rapport, « très complet et très objectif ».
Le coût de cette mesure a été estimé à 151 milliards de francs sur neuf ans. Il est évident que l'Etat ne peut se permettre d'inscrire, dans ce budget, une telle dépense, même si d'autres modalités de calcul et quelques incidences compensatrices, comme l'embauche de chômeurs ou de jeunes pour remplacer les préretraités, abaissent sensiblement ce chiffre. De toute façon, il faut convenir qu'il est au-dessus de nos moyens.
Le Gouvernement a recherché d'autres façons d'aider les anciens d'AFN. Des mesures de solidarité nouvelles ont été annoncées. Nous sommes heureux de les voir figurer dans le projet de budget que nous examinons.
Le fonds de solidarité des anciens combattants a été autorisé à verser deux allocations supplémentaires aux anciens ayant servi en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 : une allocation différentielle, qui complète à hauteur de 4 500 francs par mois le montant total des ressources des intéressés, et, après six mois, une allocation de préparation à la retraite, l'APR, assurant une compensation mensuelle de 4 500 francs à 7 000 francs.
Le Front uni demande que le plafond de l'APR soit élevé à 7 500 francs. Il demande aussi que la période d'allocation différentielle soit réduite de six à trois mois. Vous avez fait remarquer à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que cette mesure entraînerait un surcoût de dépenses « qui n'est pas loin de 10 milliards de francs ». De nouveau, nous sommes bloqués par les douloureuses obligations des équilibres budgétaires !
Le représentant des Français de l'étranger que je suis observe en passant que, pour percevoir ces allocations, il faut « résider habituellement en France », ce qui provoque, à bon droit, les protestations de nos camarades de Belgique ou de Suisse, notamment, où les anciens d'AFN sont nombreux.
En revanche, le bénéfice du fonds a été ouvert aux anciens d'Indochine, ce que nous approuvons tous. Il serait injuste d'octroyer aux seuls anciens d'AFN des avantages dont n'ont jamais bénéficié des combattants des guerres précédentes - celles de 1939-1945, d'Indochine, de Corée -, ou d'autres théâtres de conflits, comme Suez.
Il faut noter, par exemple, qu'il n'avait jamais été question précédemment d'accorder des compensations pour « troubles psychiques de guerre ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Habert !
M. Jacques Habert. On peut relever aussi que les taux de délivrance des cartes de combattant à ceux qui ont pensé fort naturellement y avoir droit n'a été que de 51 % pour la guerre de 1939-1945 et de 55 % pour 1914-1918. Il atteint déjà 63 % pour les anciens d'Algérie, ce qui montre que ceux-ci ne sont nullement défavorisés.
Aujourd'hui, le fonds enregistre près de 40 000 titulaires de l'allocation différentielle et l'APR compte déjà plus de 3 500 bénéficiaires. Pour tenir compte de ces nouvelles mesures de solidarité, le montant du fonds, d'abord prévu à 1,4 milliard de francs pour 1997, a été porté à 1,5 milliard de francs dans l'article 86 du projet de loi de finances.
Je ne parle pas de l'article 87 ; nous sommes heureux, monsieur le ministre, qu'il ait été retiré.
M. le président. Je vous prie, encore une fois, de conclure, monsieur Habert !
M. Jacques Habert. Monsieur le ministre, vous avez été reçu au mois de septembre dernier par le Conseil supérieur des Français de l'étranger et, à cette occasion, les voeux exprimés par les anciens combattants français résidant hors de France vous ont été remis ; nous savons que vous saurez leur donner suite.
Pour toutes ces raisons, et surtout pour les nouvelles mesures de solidarité que contient le projet de budget de votre ministère, les sénateurs non inscrits, comme la majorité de notre assemblée, voteront les crédits prévus pour les anciens combattants dans le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Barbier.
M. Bernard Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'examen du budget des anciens combattants et victimes de guerre nous donne l'occasion de témoigner de notre fidélité à leur mémoire et d'essayer de mettre en oeuvre le droit à réparation envers ceux qui ont beaucoup donné pour la nation.
Je ne reviens pas sur le montant du budget, mes prédécesseurs l'ont rappelé, toutefois ce n'est pas un mauvais budget, bien au contraire. Il ne signifie pas que vous ayez renoncé à une politique volontariste pour votre administration.
Si les effectifs de l'administration centrale diminuent - mais ni plus ni moins que ne l'imposaient les normes fixées par le Premier ministre pour la préparation de ce budget - il est frappant de constater que vous avez réussi à obtenir une augmentation de la subvention de l'ONAC. Cela permettra à cet organisme de faire face à ses engagements et de stabiliser la situation de personnels employés à titre temporaire dans les maisons de retraite de l'office.
Les services de l'ONAC connaissent souvent un accroissement de leurs tâches du fait de l'instruction des demandes d'allocation de préparation à la retraite. Il est important que les services départementaux situés dans des régions où les anciens d'Afrique de Nord sont nombreux obtiennent les ouvertures de poste qui leur permettent d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, un service de qualité auprès des anciens combattants en difficulté.
Les dépenses nouvelles permettront également de financer des transformations d'emploi pour stopper la réduction d'effectifs des ouvriers d'entretien des nécropoles nationales. Il est important d'améliorer l'accueil et l'entretien du paysage dans les hauts lieux de la mémoire nationale. La mémoire s'entretient aussi de la reconnaissance que l'on doit à ceux qui sont morts pour la France.
C'est pourquoi, chaque année, une délégation du groupe d'études des sénateurs anciens combattants, que j'ai l'honneur de présider, succédant ainsi à notre ancien collègue M. Miroudot, se rend sous l'Arc de Triomphe pour raviver la flamme du Soldat inconnu sous la présidence d'honneur du président du Sénat. Cette année, comme toujours, notre émotion était grande, et le président Fourcade, qui a conduit notre délégation, pourrait en témoigner. J'en profite pour vous remercier à nouveau, monsieur le ministre, car vous y étiez représenté par l'un de vos conseillers.
Ce sont par ces gestes simples et humbles que l'on maintient une certaine idée de la reconnaissance de la nation envers ceux qui se sont battus pour elle.
Cette réflexion me conduit à dire que nous ne partageons pas les critiques que nous avons parfois entendues sur la baisse des crédits de la mémoire historique.
Beaucoup a été fait ces dernières années ; l'éclat des cérémonies organisées pour la commémoration du cinquantenaire de la Libération est là pour rappeler aux jeunes générations que l'histoire est aussi faite de combats.
La mémoire historique ne se défend pas uniquement par des crédits supplémentaires ; vous nous en avez vous-même fourni la preuve, monsieur le ministre. Car votre décision de décorer de la Légion d'honneur tous les anciens poilus de 1914 a eu un grand retentissement. Nous savons que nous pouvons compter sur votre imagination et votre détermination pour faire bouger les mentalités.
Avant d'aborder les mesures de solidarité prises en faveur des anciens d'Afrique du Nord, je veux évoquer la question de la décristallisation des pensions des anciens combattants des anciens pays de la France d'outre-mer, qui ont été gelées au niveau qu'elles avaient atteint au moment où ces pays ont accédé à l'indépendance.
Le droit à pension des victimes de guerre est un droit à réparation propre à la nation et il convient de rappeler que les pensions n'ont pas été cristallisées pour les ressortissants de ces Etats qui ont opté pour la nationalité française ou qui résidaient en France.
Pour autant, la France ne doit pas faillir à son image de générosité. Dans la mesure où cette générosité s'exprime aussi à travers les crédits de coopération versés aux pays africains d'où sont originaires les anciens combattants en question, il serait sans doute utile de voir si une partie de ces sommes ne pourrait pas être préaffectée aux anciens combattants dans ces pays en tenant compte de l'avis des responsables de ces Etats sur des niveaux de rattrapage qui ne doivent pas être excessifs eu égard au faible niveau des salaires dans ces pays.
Le débat sur la cristallisation est le fruit du cours des relations internationales dans les années soixante. Sa solution dépasse sans doute aujourd'hui le seul cadre du ministère des anciens combattants. Mais celui-ci peut jouer un rôle d'impulsion sous votre autorité, monsieur le ministre.
La question de la retraite anticipée aura connu un développement nouveau et important avec la conclusion des travaux de la commission d'évaluation tripartite présidée par M. Jean-François Chadelat, autorité avisée et compétente.
Dès que ces chiffres ont été connus, nous avons été saisis de divergences non pas sur la méthode de travail de la commission, dont chacun a reconnu le sérieux, l'objectivité et la diligence, mais sur les hypothèses de travail sur lesquelles était fondé le chiffrage.
Nous vous avions demandé, monsieur le ministre, au nom des sénateurs anciens combattants, de tout faire pour que soient levés les doutes qui surgissaient et éclairer les anciens combattants sur les mesures que vous comptiez prendre.
Nous avons été entendus puisque, comme l'ont rappelé mes prédécesseurs, les anciens combattants, représentés par le Front uni, ont été reçus successivement par vous-même, par le Premier ministre et par le Président de la République.
Nous avons bien noté que le chef de l'Etat, lors de l'audience qu'il a accordée aux représentants de la troisième génération du feu, dont il fait lui-même partie, a précisé que « le débat ne devait pas être clos en raison notamment des avantages qui pourraient découler en matière d'emploi ».
Il nous semble, monsieur le ministre, que cette phrase importante devrait vous habiliter à conduire une mission interministérielle pour préparer un dispositif qui permettrait aux anciens d'Afrique du Nord de prendre une retraite anticipée à taux plein à chaque fois que leur employeur garantit que leur départ est compensé par l'embauche d'un demandeur d'emploi ou d'un jeune n'ayant jamais travaillé.
Une convention passée entre l'entreprise et l'Etat concrétiserait l'engagement pris et autoriserait le versement d'une prime aux régimes d'assurance vieillesse, une fois le remplacement de l'ancien d'Afrique du Nord intervenu. Quelle que soit la solution retenue, elle devra être mise en place rapidement, car le temps presse pour les ancien d'Afrique du Nord.
Vous avez tenu, monsieur le ministre, à améliorer les solutions offertes en priorité aux anciens d'Afrique du Nord qui rencontrent le plus de difficulté, et nous vous en félicitons.
M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, rapportant, en 1991, une proposition de loi sur la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs, avait soulevé un débat qui avait conduit le Gouvernement de l'époque à mettre en place le fonds de solidarité pour les anciens d'Afrique du Nord. Depuis, l'idée a fait son chemin puisque vous avez choisi de renforcer encore ce fonds.
Qu'il me soit permis, cependant, de formuler une remarque.
Il faut que le fonds soit encore plus simple qu'aujourd'hui dans son fonctionnement : tout ancien d'Afrique du Nord dans le dénuement et dont les ressources ne dépassent pas 4 500 francs par mois doit pouvoir se rendre à l'ONAC et obtenir une allocation, après une vérification personnalisée de la réalité de ses revenus, sans être astreint à des formalités excessives ou à la production de preuves multiples.
Nous nous félicitons que les projets de réorganisation des services de l'Etat qui portaient atteinte aux structures du monde combattant aient finalement été écartés.
Maintenir le ministère des anciens combattants est, en effet, le minimum que doit l'Etat à ceux qui ont servi la France sans compter et avec courage aux moments difficiles de son histoire.
Je dois également vous saisir d'une question qui me paraît grave par ses implications, monsieur le ministre. Dans le texte adopté par nos collègues de l'Assemblée nationale, hier soir, sur la prestation spécifique dépendance, il est prévu de tenir compte, pour le calcul des ressources des personnes âgées, du montant de la retraite du combattant de l'intéressé ou de son conjoint.
La retraite du combattant constitue non pas une prestation sociale ou une réparation, mais une récompense personnelle pour tous les titulaires de la carte du combattant, et pour eux exclusivement, en vertu des services rendus à la nation.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Absolument !
M. Bernard Barbier. Elle n'est pas réversible, même si cela est parfois critiqué. Il s'agit, au demeurant, d'une somme minime qui n'excède pas 2 700 francs par an, me semble-t-il.
Cette décision est quelque peu choquante, car elle procède, au fond, d'une forme d'oubli de l'histoire et de l'origine réelle de la retraite du combattant.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Tout à fait !
M. Bernard Barbier. Je vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir solennellement auprès des ministères concernés mais ma demande, j'en suis convaincu, est superfétatoire ! (M. le ministre fait un signe d'approbation.)
Parce qu'ils sont sensibles à votre souci d'apporter rapidement des réponses concrètes aux préoccupations du monde combattant, les membres du groupe des Républicains et Indépendants voteront votre projet du budget pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Le budget qui nous est soumis aujourd'hui marque votre volonté, monsieur le ministre, de concilier les exigences budgétaires et les intérêts des anciens combattants.
En effet, ce budget qui avoisine 26,84 milliards de francs, se trouve en diminution de 5,37 % par rapport à l'année précédente.
Si cet effort se répartit sur différents chapitres, les missions essentielles de votre ministère sont cependant préservées.
En effet, en raison de la décroissance démographique des ayants droit, le budget aurait dû être ramené à 26,725 milliards de francs. Or, pour l'année 1997, il est supérieur de 241 millions de francs à ce montant.
Cette marge de manoeuvre témoigne, en cette période de réduction des déficits publics, d'une véritable solidarité avec les anciens combattants au travers du maintien des structures d'accueil du monde combattant, du respect du devoir de mémoire et de l'application du rapport constant.
Ainsi, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de l'engagement que vous avez pris de maintenir intactes les institutions du monde combattant. En effet, les anciens combattants et leurs représentants se sont émus du projet de réorganisation des services déconcentrés de l'Etat, qui semblait aboutir au transfert de certains de ces services sous une autre autorité que celle de votre ministère. Or, ils sont très attachés à ces institutions qui contribuent, par leurs actions, à assurer la réparation de la nation à leur égard et le respect que notre pays leur doit.
Je note avec satisfaction que cet engagement s'accompagne d'un effort de préservation des effectifs des directions interdépartementales et du maintien du réseau d'accueil de proximité et de traitement des dossiers des pensionnés et anciens combattants.
Par ailleurs, nous avons pris bonne note de votre volonté de renoncer au plafonnement à 50 % de la majoration de pensions militaires d'invalidité afférente au taux du grade. Nous nous réjouissons de cette décision, car cette mesure ne représente qu'une faible économie et doit s'inscrire dans une réflexion plus large.
Je me réjouis également de l'application de l'indexation automatique sur l'indice des prix du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant. L'année dernière, grâce au vote presque unanime du Parlement, nous avons institué ce système de revalorisation régulière, bien plus satisfaisant que les augmentations au coup par coup qui étaient pratiquées auparavant.
Malgré la rigueur budgétaire, le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est marqué par votre volonté de concertation avec les associations du monde combattant, ce qui constitue, pour nous, un autre motif de satisfaction.
Il en est ainsi, par exemple, pour les différentes mesures que vous proposez pour résoudre le douloureux contentieux né de la revendication des anciens combattants d'Afrique du Nord concernant la retraite anticipée.
Le Président de la République lui-même a manifesté l'hommage de la nation, au travers de l'inauguration, le 11 novembre dernier, d'un monument, à la mémoire des victimes civiles et militaires en Afrique du Nord.
Les résultats des travaux de la commission tripartite présidée par M. Chadelat, que vous aviez mise en place, ne sont contestés par personne. Il est apparu que la mise en oeuvre de la retraite anticipée en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord représentait un coût extrêmement élevé, même en prenant les hypothèses de calcul les plus restrictives.
Elle est donc incompatible avec notre situation économique et financière actuelle. C'est pourquoi nous apprécions le contenu des mesures proposées pour parvenir à une plus grande solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord qui rencontrent des situations difficiles.
Il s'agit, notamment, de la suppression de l'âge minimum d'éligibilité au fonds de solidarité, de la fixation en net et non plus en brut du plancher et du plafond de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, de l'exclusion intégrale des pensions militaires d'invalidité de l'assiette des ressources prises en compte pour l'accès du fonds, du versement d'un capital-décès au conjoint survivant, de l'ouverture du fonds non seulement aux chômeurs de longue durée mais également aux personnes ayant une activité professionnelle involontairement réduite et de l'ouverture du fonds aux anciens d'Indochine. Ce sont autant de mesures qui visent à une amélioration significative du régime du fonds de solidarité.
Le financement de ces mesures est assuré puisqu'un crédit de 135,40 millions de francs viendra augmenter la dotation du fonds de solidarité.
J'émets néanmoins une réserve ; il s'agit du problème de l'abattement de 22 % sur la retraite complémentaire appliqué aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui sont titulaires de l'APR, mais qui ne totalisent pas le nombre de points nécessaires au moment de leur départ à la retraite à soixante ans.
Vous me permettrez d'insister, monsieur le ministre, sur la nécessité d'un aboutissement rapide des négociations que M. Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, chargé en conséquence de la tutelle des caisses de retraites complémentaires, a engagé sur le sujet ; en effet, les perspectives de développement de l'APR sont conditionnées par cet accord.
Je souhaite à présent aborder quelques points sensibles sur lesquels je désirerais que vous m'apportiez des réponses ou des apaisements.
Je voudrais tout d'abord évoquer le douloureux problème de la cristallisation des pensions figées à la date de l'indépendance des anciens pays de l'Empire. Il y a là une injustice de plus en plus mal ressentie par ceux qui n'ont pas hésité à risquer leur vie et qui ont pu être blessés dans leur chair.
Monsieur le ministre, quelles peuvent être les solutions envisageables en faveur de ces combattants qui ont montré leur attachement et leur fidélité à notre pays ?
Le groupe de travail sur la révision du rapport constant s'est réuni plusieurs fois pour réfléchir à une simplification du mode de calcul. Il est nécessaire, aujourd'hui, de savoir quand cette simplification pourra être applicable. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement de cette réflexion ?
Je voudrais également insister sur l'importance de la reconnaissance des souffrances endurées par les « malgré-nous » capturés par l'armée soviétique et sur la nécessité de leur accorder un statut. Il faut que chaque Français connaisse le drame qui a été le leur sous l'occupation nazie. Cette question rejoint celle de la politique de la mémoire.
Je me suis en effet inquiétée de la diminution des crédits consacrés à cette politique. Certes, elle tient pour l'essentiel à la suppression des crédits ouverts à titre non reconductible pour les fêtes nationales et cérémonies publiques exceptionnelles de cette année.
Cependant, cette politique doit conserver son caractère prioritaire. Il est essentiel que la délégation à la mémoire et à l'information historique ait les moyens financiers de ses missions, qui sont nombreuses et diversifiées.
Même si je ne considère pas ces missions comme prioritaires, deux d'entre elles me paraissent cependant absolument essentielles : d'une part, l'entretien de toutes nos nécropoles nationales en France et à l'étranger, symbole de la reconnaissance de la nation pour ceux qui se sont battus en son nom et pour elle ; d'autre part, la préservation de notre avenir en mettant absolument tout en oeuvre pour que jamais les horreurs des guerres ne se reproduisent, en informant et en soutenant toutes les initiatives pédagogiques, notamment en direction de nos enfants.
J'espère, monsieur le ministre, que ce budget se donne les moyens d'accomplir cette indispensable mission.
Mes collègues du groupe du RPR et moi-même voterons ce projet de budget, qui, au-delà de l'effort de rigueur budgétaire auquel il contribue, améliore et renforce les interventions en faveur des anciens combattants et participe au devoir de solidarité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre, le vote du budget est l'une des occasions données à la nation et à ses élus de manifester à l'ensemble du monde combattant la reconnaissance et l'affection qu'ils leur portent.
Ceux qui ont risqué leur vie pour notre pays attendent en effet de retrouver, au travers des moyens budgétaires qui sont consentis en leur faveur, la traduction concrète du droit à réparation qu'ils revendiquent.
Or, cette année, vous nous présentez un budget en diminution : alors que le budget des anciens combattants était déjà en baisse de 1 % en 1996, vous nous proposez pour 1997 un projet de budget en réduction de plus de 5 %, ce qui représente un chiffre considérable au regard des attentes des anciens combattants.
La diminution progressive des ayants droit doit raisonnablement permettre au Gouvernement de dégager les moyens financiers suffisants pour satisfaire les revendications les plus urgentes.
On ne peut s'empêcher d'associer cette diminution du budget à la tentative avortée de transférer les attributions des services départementaux de l'ONAC à des directions départementales de la santé, de la population et de la solidarité.
L'émotion considérable soulevée à cette occasion au sein des associations au niveau tant national que local n'est pas encore apaisée, monsieur le ministre. Il est clair que nous nous opposons et continuerons à nous opposer avec force à toute atteinte à l'existence du ministère, de même qu'à la substitution d'une inadmissible notion d'assistance à celle de droit à réparation proclamée par la loi du 31 mars 1919.
Ce projet de budget ne répond pas aux revendications essentielles du monde des anciens combattants. Vous avez en effet définitivement clos le dossier de la retraite anticipée pour les anciens combattants de la guerre d'Algérie, vous appuyant sur le coût de cette mesure et sur ses répercussions sur d'autres budgets à caractère social, monsieur le ministre. C'est faire peu de cas de la dimension humaine de ce dossier, de la situation non seulement des anciens combattants concernés, mais aussi des jeunes et des chômeurs qui auraient pu bénéficier des 150 000 emplois que cette mesure permettait de libérer, sans oublier les économies réalisées à cette occasion, car le chômage, lui aussi, a un prix.
En acceptant de reconsidérer ce dossier sur le chiffrage proposé par les associations d'anciens combattants, soit 36 milliards de francs en sept ans, il vous était possible de réserver une réponse plus favorable aux anciens combattants d'Afrique du Nord.
Les associations d'anciens combattants, dans leur ensemble, mettent l'accent sur la nécessité de réformes rapides. Elles réagissent en cela à une certaine lenteur dans la mise en oeuvre des décisions dont elles font l'objet.
Chaque jour qui passe voit le nombre de bénéficiaires diminuer ; c'est autant d'injustices envers ceux qui ne pourront profiter des mesures prises tardivement en leur faveur.
Les anciens combattants ont bien trop longtemps attendu la constitution de la commission tripartite sur la retraite anticipée et l'aboutissement de ses travaux, avec le résultat décevant que l'on sait.
C'est avec retard, également, qu'ont commencé les travaux de la commission chargée de la lisibilité du rapport constant ; les espoirs d'aboutir dans les délais prévus sont d'ailleurs assez minces, vu les divergences existant entre les représentants du ministère des finances et ceux des anciens combattants.
Il faut également citer la carte du combattant, dont les conditions d'attribution ont été revues ; mais seules 35 000 cartes ont été décernées sur les 120 000 à remettre.
Quant à l'allocation de préparation à la retraite, cette mesure reste pratiquement inopérante, puisqu'elle ne compte que 4000 allocataires sur les 40 000 bénéficiaires potentiels.
Je souhaite également évoquer l'action en faveur de la mémoire et la nécessité, pour le ministère, de veiller à ce que les efforts, en ce domaine, ne connaissent aucun relâchement.
En effet, le révisionnisme continue de s'afficher sous les formes les plus diverses. Le nombre des témoins des conflits de ce siècle va en diminuant, et le flambeau de la mémoire va devoir passer progressivement dans les mains de nouvelles générations.
Il est dès lors tout a fait regrettable que les crédits affectés aux commémorations des fêtes nationales baissent de 54 %, et que les crédits inscrits pour les interventions en faveur de l'information historique diminuent de 57 %.
Il y a, pour le moins, une contradiction flagrante entre la volonté que vous affichez de préserver la mémoire et les moyens consentis pour y parvenir, monsieur le ministre.
Il est aussi regrettable que ce budget ne prévoie pas de répondre à l'aspiration légitime des déportés et internés d'origine étrangère à bénéficier d'un droit de pension. Il ne s'agit pourtant là que d'une mesure de simple équité.
Il aurait été également souhaitable que ce budget se préoccupe des milliers de soldats africains ayant participé aux guerres mondiales et à la guerre d'Indochine, et connaissant actuellement des conditions de vie dramatiques.
Enfin, ce budget ne prévoit rien en faveur des patriotes résistant à l'occupation et des patriotes réfractaires à l'annexion de fait, dont l'indemnisation aurait pu légitimement être relevée à 11 000 francs.
Monsieur le ministre, votre projet de budget est manifestement dominé par le souci d'économie. Alors que les anciens combattants ont de graves inquiétudes sur les orientations gouvernementales qui les concernent, ils sont impatients de voir enfin satisfaites les revendications qu'ils estiment légitimes au regard des services rendus à la nation.
Or, le projet de budget que vous nous proposez pour 1997 ne nous permet pas de leur répondre favorablement ; c'est pourquoi le groupe socialiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques minutes qui me sont imparties ne me permettront pas une analyse exhaustive du projet du budget ni de l'ensemble des problèmes posés au monde ancien combattant. Je limiterai donc mon propos à quelques éléments.
Vous n'en serez pas surpris, monsieur le ministre, je reviendrai d'abord - et une fois de plus - sur la retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord entre 1952 à 1962, à concurrence du temps qu'ils ont passé sous les drapeaux.
Votre refus, réaffirmé malgré les engagements pris par l'ensemble des groupes politiques - y compris, bien entendu, par ceux de votre majorité - s'appuie sur un chiffrage vivement contesté par les associations regroupées au sein du Front uni, dont je partage l'analyse.
Il n'est pas juste, par exemple, de comptabiliser les effets de 1996 - et même de 1997, compte tenu des délais de mise en place - des mesures proposées.
Il n'est pas juste non plus de mélanger les appelés, les engagés et les harkis ; même si ces derniers doivent, bien entendu, bénéficier de toute notre attention, ils représentent des catégories différentes de celles dont il est question dans le document du Front uni.
Outre votre refus d'assumer les engagements pris, vous vous opposez à l'un des arguments essentiels du Front uni, à savoir l'ouverture à l'embauche de 150 000 à 200 000 emplois. J'avais pourtant cru comprendre que la lutte pour l'emploi était une priorité du Gouvernement !
Certes, les mesures mises en place ne sont pas totalement négligeables, et nous prenons acte des quelques améliorations apportées sous la pression des associations d'anciens combattants, encore que certaines puissent prêter à sourire. Je pense ici à l'ouverture des droits aux anciens combattants d'Indochine, qui ne doivent plus être très nombreux à être âgés de moins de soixante ans.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Pas du tout !
M. Jacques Habert. Détrompez-vous !
M. Robert Pagès. Encore faudrait-il que ces mesures soient rapidement mises en oeuvre.
Il faudrait ainsi que soit en urgence levée l'hypothèque des abattements sur retraites complémentaires - beaucoup d'orateurs sont intervenus sur ce point - car bon nombre de ceux qui auraient pu prétendre à l'allocation de préparation à la retraite ne l'ont pas demandée en raison de la pénalité subie en l'absence de règlement de ce problème.
Nous ne renoncerons pas à soutenir ces demandes justifiées. En effet, il est grand temps qu'elles soient satisfaites, car déjà six ou sept générations auront été privées des bénéfices escomptés dans le cas de leur adoption. Nous n'acceptons pas que l'on joue le pourrissement de la situation !
Je présenterai une deuxième série de remarques concernant le département que vous avez en charge, monsieur le ministre.
Vous savez l'émotion qu'a suscitée la circulaire du Premier ministre établissant un schéma de réorganisation des services déconcentrés de l'Etat. Il était prévu le transfert des attributions du service de l'ONAC à une « direction départementale de la santé, de la population et de la solidarité » et le transfert des attributions des directions interdépartementales des anciens combattants à une direction régionale du même ministère précité.
Les divers courriers ministériels sur ce sujet n'ont pas rassuré, et surtout pas l'annonce de l'étude de faisabilité ! En effet, les anciens combattants ont vu ainsi se confirmer une orientation politique qu'ils rejettent, c'est-à-dire la transformation du concept de droits à réparation en une pratique de solidarité, voire de bienfaisance.
Cette orientation, ce « fil rouge » expliquerait la perspective d'un affaiblissement programmé du ministère des anciens combattants, avec la suppression prévue dans votre budget de quatre-vingts emplois. On peut toujours affirmer que le ministère sera maintenu et prévoir de n'en garder que la façade !
Serait-ce pour s'aligner sur une Europe maastrichtienne, où, en effet, la plupart des pays n'ont pas de ministère des anciens combattants ?
Ce « fil rouge », on le retrouve dans votre refus de réévaluer le plafonds majorable de la retraite mutualiste du combattant et de l'indexer sur le point de pension militaire d'invalidité. Nous avons déposé une amendement à ce sujet, et nous pourrons juger de votre attitude lorsqu'il sera examiné.
On retrouve le même « fil rouge » encore dans la volonté exprimée par les représentants des différents ministères d'abandonner la référence au traitement des fonctionnaires au bénéfice de l'indexation sur « le coût de la vie moins le prix du tabac ». A cet égard, nous défendrons tout à l'heure un deuxième amendement.
Votre budget, monsieur le ministre, est en baisse de 5,4 %. Certes, la disparition de certaines parties prenantes peut expliquer en partie cette importante diminution, mais n'aurait-il pas fallu, depuis plusieurs années, utiliser une part de ces crédits, hélas rendus disponibles pour satisfaire quelques-unes des demandes justifiées des associations d'anciens combattants et victimes de guerre ?
Il aurait fallu, par exemple, mettre en place au taux de 54 % la réversion de la retraite de combattant à la veuve. N'aurait-il pas fallu aussi définitivement rectifier les effets de la loi plafonnant les plus hautes pensions d'invalidité, ou encore poursuivre la décristallisation des pensions étrangères ?
Les anciens combattants et victimes de guerre n'approuvent pas le projet de budget de votre ministère. En demandant une autre orientation, leurs associations veulent rappeler que la France leur a reconnu des droits à réparation.
Les associations, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen les ont entendues. Ils se prononceront donc contre le projet de budget du ministère des anciens combattants et victimes de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cette année, le projet de budget du ministère des anciens combattants présente une physionomie particulière. Il est, en effet, placé sous le signe de la décision prise par le Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
Après de nombreuses tergiversations, voilà une façon de clore le débat et d'enterrer les espoirs de bon nombre de combattants. Le droit à réparation existe, mais il est vrai que vous préférez régler le mal-vivre des redevables de l'impôt sur la fortune plutôt que celui des anciens combattants chômeurs en fin de droit ! (Murmures sur diverses travées.)
Ainsi, par cette décision, vous donnez le ton, en annonçant une baisse générale notoire par rapport au budget précédent.
Ce projet de budget ne prévoit aucune disposition positive relative, notamment, aux droits des internés, des patriotes résistants à l'occupation, les PRO, et des veuves.
Ce projet de budget ne prend pas en considération les demandes réitérées de la fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes concernant l'amélioration des droits à pension des internés ainsi que des veuves de guerre et des ayants cause des PRO disparus.
Ce projet de budget ne laisse présager aucune mesure d'indemnisation des étrangers titulaires du titre de déporté arrêtés sur le sol français, ce qui est contraire aux propos tenus par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors des cérémonies commémoratives des rafles du Vel d'Hiv. Mais il est vrai qu'il n'est pas à une contradiction près, comme nous le voyons chaque jour !
Ce projet de budget enregistre une baisse des crédits consacrés à la mémoire et à l'information historique. Or, nous considérons que l'une des missions premières du ministre des anciens combattants et victimes de guerre, en dehors du paiement de la dette viagère, réside dans la poursuite et le développement de la préservation comme de la transmission de la mémoire.
Il convient d'être extrêmement attentif à toute résurgence des thèses révisionnistes et négationnistes et, se fondant sur l'expérience du passé, d'être vigilant pour que les droits de l'homme, la liberté et la démocratie ne soient pas bafoués et pour que la paix soit préservée.
A ce propos, il serait souhaitable que les archives d'Arolsen puissent être ouvertes aux chercheurs et que le statut du service international de recherches de cette ville soit modifié en conséquence.
Enfin, reste encore présent à mon esprit - et dans l'esprit de certains - le démantèlement de l'ONAC.
Comme vous le savez, l'émotion a été grande dans le milieu des anciens combattants. Vous démentez cette rumeur, mais les craintes, monsieur le ministre, sont toujours présentes : la diminution des effectifs du ministère comme de ceux de l'ONAC se poursuit inexorablement puisque les crédits généraux alloués au ministère comme à l'ONAC sont encore en baisse. Il ne saurait échapper à personne que ces changements en douceur sont destinés à frapper ce département ministériel à la base afin de mieux le supprimer ensuite.
Tout ce qui précède est contraire aux propos qu'avait tenus le Président de la République actuel, alors candidat, propos réitérés à plusieurs reprises et indiquant qu'il n'entendait pas voir le ministère des anciens combattants et l'ONAC disparaître.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe socialiste ne vote pas les crédits que vous nous proposez aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre. Monsieur le président, je vais m'efforcer de respecter les impératifs horaires que vous nous avez rappelés et de « résumer », en quelque sorte, les grandes lignes d'un budget qu'approuvent, je l'ai enregistré avec beaucoup d'intérêt et de plaisir, aussi bien vos deux rapporteurs que les orateurs qui se sont exprimés au nom des groupes de la majorité.
Même si nous ne sommes pas très nombreux en séance ce matin, je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous partagez tous la même préoccupation vis-à-vis du monde combattant et j'éprouve le sentiment que le ministre que je suis n'est pas seul en charge de tous les intérêts en cause : la grande majorité, sinon la totalité, des sénateurs partagent cette préoccupation.
Le combattant, c'est un patrimoine commun - j'exprime très souvent cette idée - et c'est la fibre essentielle de la nation ; c'est sur lui que repose la préservation des concepts moraux, du moins, ce qu'il en reste, c'est-à-dire pas grand-chose. Mais je sais que la défense de ce patrimoine qui m'est cher est parfaitement assurée au Sénat. Je remercie donc MM. Baudot, Lesbros, Barbier, Cabanel et Habert - dont j'ai pu apprécier l'action à l'étranger - ainsi que Mme Olin.
Oui, monsieur Barbier, vous êtes dans le vrai en exprimant une idée que je défends depuis seize mois : comme je le disais tout à l'heure à M. Fourcade, si nous voulions bien considérer de temps en temps que la défense des combattants ne doit pas être l'apanage de certains groupes politiques contre d'autres, nous pourrions unir tous ensemble nos efforts pour essayer d'agir. Alors, nous parviendrions à des résultats.
Vous avez « tapé dans le mille » - veuillez excusez la trivialité de l'expression - lorsque vous avez évoqué tout à l'heure la cristallisation. Sur ce point, je répondrai dès à présent à un certain nombre d'entre vous : quelle injustice, et comme il est désagréable pour un ministre des combattants de se rendre, comme je l'ai fait, en Tunisie et au Maroc - pour ne parler que de ces pays - d'y voir des djellabas couvertes de Légions d'honneur ou de croix de guerre et de se rendre compte qu'il a affaire à des gens qui, considérés comme des citoyens français au moment où il leur a fallu verser leur sang, ne le sont plus dès lors qu'il s'agit de rémunérer la perte d'une ou de deux jambes, d'un ou de deux bras ou d'une cécité...
Il existe cependant une façon de régler le problème. Il y a une piste, et c'est la vôtre, monsieur Barbier. Je suis d'ailleurs heureux que nous ayons eu la même idée.
Ainsi, puisque l'Etat français est généreux au point d'aider les pays en voie de développement à sortir de leur misère, eh bien ! que l'on continue - c'est la politique de l'Etat, une politique intéressante que nul ne peut désavouer - mais, chaque fois qu'il nous appartiendra de prêter à un Etat étranger, que l'on prévoie une réserve sur une partie des crédits prêtés pour que soit rémunéré aujourd'hui ce que l'on appelle à l'heure actuelle la cristallisation. De la sorte, nous parviendrons, lentement mais sûrement, à régler cette affaire.
Pour ma part, je m'y emploie, et je vous appellerai à l'aide, monsieur Barbier, comme j'appellerai à l'aide le Sénat tout entier pour régler des affaires de ce genre.
Je vous remercie donc, monsieur Barbier, comme je remercie Mme Olin, MM. Lesbros, Baudot et Habert, car je sais la connaissance qu'il ont de tous ces problèmes et des grandes lignes de ce projet de budget.
Bien sûr, vous avez tous remarqué que celui-ci est en diminution. Cela tient à deux raisons : d'abord, parce qu'il participe de la politique de réduction et de rationalisation des dépenses ; ensuite, parce qu'un certain nombre de parties prenantes décèdent. En effet, il y a de moins en moins d'anciens combattants.
Ce projet de budget est donc affecté d'une diminution de quelque 2 milliards de francs, qui procède de ces deux considérations.
Le ministère n'est pas démantelé pour autant et, pour l'essentiel, ses tâches et ses missions sont maintenues. Nous avons engagé un processus de règlement - il n'est pas forcément terminé - d'un engagement que l'Etat et tous les parlementaires avaient contracté vis-à-vis des combattants d'Afrique du Nord.
Si donc le nombre des parties prenantes diminue, par ailleurs la rationalisation des méthodes de gestion a fait de grands progrès. M. Pagès disait à l'instant que l'on avait supprimé quatre-vingts emplois. On ne les a pas supprimés, ils étaient vacants. (M. Pagès semble dubitatif.) Ce n'est pas tout à fait la même chose, monsieur Pagès.
Mon seul rôle, dans cette affaire, a été de ne pas pourvoir les postes devenus vacants. Il s'agissait donc de départs à la retraite. Je n'ai touché à l'emploi de personne. En revanche, vous oubliez singulièrement de dire que les nécropoles ont permis de créer trente emplois supplémentaires.
Ce ministère, nous le défendons bec et ongles, et celui qui se trouve pour l'heure à sa tête - mais d'autres viendront après lui - s'implique totalement dans sa tâche.
Le corps des directeurs régionaux a été repyramidé, ainsi d'ailleurs que le corps des ouvriers professionnels. Trente-deux emplois administratifs ont été transformés en emplois professionnels. Je passe rapidement ; mais, croyez-moi, nous faisons le nécessaire !
Sur l'ONAC, je vous en supplie, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a rien à dire ! Cela marche très bien. N'essayons pas de dire que ceci ou cela fonctionne mal. J'assistais avant-hier au conseil d'administration de l'ONAC.
Je peux témoigner du fait que son budget a été voté à l'unanimité, il y avait alors plus d'une centaine de présents ! J'ajoute que le budget de l'ONAC est passé de 604 millions de francs à plus de 623 millions de francs. Donc, rien à dire de ce côté-là non plus.
Sur l'INI, monsieur Barbier puisque vous disiez que vous étiez allé à l'Arc de Triomphe, je vous invite à venir visiter les bâtiments qui accueillent l'Institution. Vous serez vous-même surpris de voir à quel point tout cela a changé. Le bloc chirurgical est nouveau ; les salles, les chambres sont belles ; les cuisines fonctionnent ; le bloc opératoire a fait l'objet de transformations considérables et l'informatique a été mis en oeuvre. Les grognards de l'Empire n'en reviendraient pas ! M. le Président de la République, qui a visité l'institution, le 11 novembre dernier, n'a ménagé ni son étonnement ni sa satisfaction.
J'en viens aux anciens d'Afrique du Nord et à la retraite anticipée.
Il faut quelqu'un pour dire que l'on s'est trompé et qu'une erreur a été commise ? Je le fais : oui ! une erreur a été commise. Tous les partis, quels qu'ils soient, ont milité pour la retraite anticipée des combattants d'Afrique du Nord. Et tout le monde a signé sans savoir quel serait le coût de la mesure.
A mon arrivée au ministère, les évaluations les plus contradictoires circulaient : 100 milliards de francs, 120 milliards de francs, 150 milliards de francs. Le Front uni déclarait que cela ne coûterait rien.
Vous me disiez, monsieur Pagès, que l'on avait négligé l'arrivée sur le marché du travail de 150 000 à 160 000 emplois nouveaux. C'est une erreur considérable. Les emplois induits par les départs à la retraite avaient déjà été pris en compte par le rapporteur de la commission tripartite.
La retraite anticipée, on en parle depuis trente ans, mais c'est la première fois que l'on en évalue le coût. Nous arrivons à un chiffre de 151 milliards de francs.
Les associations du Front uni proposent une autre solution, qui aboutirait à un coût moindre, moyennant des bases de calcul différentes et en écartant du bénéfice du dispositif les harkis et les engagés. De toute manière, même cette solution du Front uni, qui coûterait - cette évaluation fait encore l'objet de discussions - plus de 36 milliards de francs, n'est pas possible. En l'état, compte tenu de la situation financière du pays, ce n'est pas possible pour le budget, ce n'est pas possible pour le chef du Gouvernement.
Il faut donc un bouc émissaire, et il n'a pas été mis à mort, à la différence des porteurs de mauvaises nouvelles dans l'Antiquité ! (Sourires.)
Cela ne veut d'ailleurs pas dire que, pour l'avenir, dans le cadre des négociations avec l'UNEDIC, une autre solution ne sera peut-être pas possible.
Il fallait parer au plus pressé et prendre des mesures pour les anciens combattants d'Afrique du Nord dont la situation est la plus difficile.
Une douzaine de mesures ont donc été prises. Je n'y reviens pas, vous les connaissez. Elles ont reçu l'agrément des représentants du Front uni. Une seule d'entre elles est encore en cours d'examen ; je veux parler de l'abattement de 22 % imposé par les caisses complémentaires de l'AGIRC et de l'ARRCO. Effectivement, ces caisses complémentaires tiennent compte de la retraite anticipée et opèrent un abattement de 22 %. M. Barrot discute avec ces caisses ; je discute aussi, mais plus timidement - je ne suis pas le ministre de tutelle, monsieur Lesbros. Vous me dites : « Prenez le dossier en charge ! » Je veux bien : j'annoncerai dès demain au chef du Gouvernement que vous me donnez blanc-seing pour aller discuter avec les caisses complémentaires ! (Sourires.)
Le dernier état de la question, c'est une lettre du 15 novembre dernier qui m'a été adressée par le CNPF. Je vous en livre la primeur : « Monsieur le ministre, vous nous rappelez le souhait du Gouvernement de permettre aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui bénéficient de l'allocation de préparation à la retraite de percevoir leur retraite complémentaire au taux plein dès soixante ans. Cette question relève de la compétence des partenaires sociaux, qui négocient actuellement le renouvellement des accords ASF, négociation qui doit aboutir, en toute hypothèse, avant le 31 décembre 1996. S'agissant » - voilà la phrase clé, encore que ce ne soit pas une promesse formelle, mais enfin, on y veille - « S'agissant, dis-je, de la position du CNPF, je vous confirme que nous proposerons à nos partenaires syndicaux d'adopter la disposition permettant d'intégrer les anciens combattants d'Afrique du Nord, bénéficiaires de l'allocation de préparation à la retraite, dans les catégories des bénéficiaires non visés par les abattements normalement pratiqués entre soixante et soixante-cinq ans sur les pensions de retraite AGIRC et ARRCO. »
Voilà où nous en sommes. Il y a donc une espérance. M. Barrot et moi-même, car je m'en préoccupe déjà, allons faire le nécessaire pour aboutir dans les moindres délais, peut-être avant la fin de l'année, et ce à la grande satisfaction de nos camarades combattants d'Afrique du Nord.
Vous m'avez parlé de la carte du combattant. M. le Président de la République a envisagé, ainsi que M. le Premier ministre, d'octroyer aux combattants d'Afrique du Nord un certain nombre d'avantages qui « compenseraient » ceux qu'ils n'ont pas eus sur un autre plan. C'est ainsi que la carte du combattant sera octroyée à un plus grand nombre d'anciens combattants d'Afrique du Nord.
Un groupe de travail est réuni sur ce dossier. On ne lui met pas l'épée dans les reins pour qu'il aboutisse le plus rapidement possible, mais il travaille. Je peux vous citer des chiffres : l'effectif mobilisé en Afrique du Nord a été de 1 747 927 ; 1 483 000 anciens combattants ont sollicité la carte ; 1 115 000 demandeurs l'ont déjà reçue.
Si l'on compare les différents conflits, 55,5 % des mobilisés entre 1914 et 1918 avaient reçu la carte, contre 51,6 % pour le conflit 1939-1945. En ce qui concerne l'Afrique du Nord, 63 % des demandeurs l'ont reçue, et l'on va en attribuer davantage. La commission déterminera des critères nouveaux.
Mais, comme le disait M. Cabanel, pour garder à cette carte une certaine valeur, il ne faudrait tout de même pas l'attribuer à des militaires qui n'ont jamais entendu un coup de feu ! Nous naviguerons donc entre les récifs, entre ce que nous devons faire, ce que nous pouvons faire et ce que nous ne devrions pas faire.
J'ajoute que M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont décidé l'attribution d'un contingent spécial de décorations à l'occasion du trente-cinquième anniversaire de la fin du conflit en Afrique du Nord.
De la même façon, mais à ma demande, cette fois, la quasi-totalité des poilus de 1914-1918 encore en vie ont reçu la Légion d'honneur. Cela a eu, dans la nation, des échos dont vous savez qu'ils ont été profonds. En outre, les membres des Forces françaises libres, les FFL, qui ont rallié le général de Gaulle ont eu droit à une promotion, ainsi d'ailleurs que les déportés et les internés. Cela a été bien vu.
M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont donné leur accord pour une promotion spéciale dans les ordres de la Légion d'honneur et du Mérite, promotion qui devrait intervenir en début d'année et qui récompensera les plus méritants de la troisième génération du feu. J'ajoute qu'un timbre sera émis pour commémorer les combats d'Afrique du Nord à l'occasion du trente-cinquième anniversaire.
Le rapport constant a été évoqué par Mme Olin et par MM. Lesbros et Baudot. Il convient de le retoucher avec précaution parce qu'il manque de lisibilité. Personne ne peut comprendre, pas même d'excellents mathématiciens, ce qui a été voulu à l'époque. Pour autant, le prix du point alloué par le rapport constant est favorable aux anciens combattants. Il ne faudrait pas que, pour lui ajouter quelque lisibilité supplémentaire, on prive les anciens combattants d'un avantage qui est incontestablement le leur.
Il existe une commission du rapport constant. J'ai indiqué à mes services hier, et ce matin encore, que j'entendais qu'elle termine ses travaux pour la fin de l'année ou, si elle ne peut y parvenir, qu'elle le dise. La dernière réunion aura lieu avant la fin de l'année.
La réforme des services déconcentrés a été évoquée par MM. Cabanel, Barbier, Lesbros et Baudot. Il ne faut pas dramatiser. Y avait-il un danger ? Je me le demande.
Il est certain que le commissariat à la réforme de l'Etat a envisagé une étude de faisabilité qui aurait visé non pas à déposséder l'ONAC, comme cela a été dit, mais à utiliser au mieux les services. Par exemple, il était envisagé de recourir aux préfectures pour assurer les cérémonies aux monuments aux morts. De la même façon, on aurait pu rattacher l'action sociale des services départementaux aux directions départementales des affaires sociales.
Cette étude de faisabilité a été soumise à quelques préfets. Cela n'est pas allé loin ; nous avons été obligés de démentir, compte tenu de l'émoi qui s'était emparé de certaines associations d'anciens combattants.
Si certains ont semé la panique involontairement, d'autres, toutefois, l'ont fait volontairement. C'est si facile, quand on s'oppose à l'Etat, de profiter de ce qui n'est qu'une maladresse ou une imprudence ! Certains journaux d'anciens combattants ont titré, à la une, que le ministère était démantelé, et même qu'il disparaissait. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre m'a fait parvenir la lettre dont j'extrais ces lignes : « Dans la droite ligne de ce que le Président de la République a toujours défendu, je vous indique que le Gouvernement n'envisage pas de remettre en cause l'autonomie des services existants. Je vous demande de bien vouloir informer les associations d'anciens combattants le plus rapidement possible du maintien en l'état des structures actuelles. »
Voilà ! Le Président de la République s'est engagé quand il était candidat ; il s'est engagé aussi plus tard. Le ministre des anciens combattants s'y engage également, et de la façon la plus totale. Il vaudrait donc mieux qu'on en parlât moins, voire qu'on n'en parlât plus.
M. René Rouquet. Il ne fallait pas provoquer !
M. Bernard Barbier. Il ne fallait pas exploiter !
M. René Rouquet. Si les associations n'avaient pas réagi, ces mesures auraient peut-être été prises.
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez parler M. le ministre !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Je vous réponds tout de suite, monsieur Rouquet.
Vous avez essayé de me démontrer, rapidement certes, que ce budget était en trop grande diminution, qu'il y avait eu une tentative avortée - j'ai relevé vos propres termes au fil de la plume tellement ils m'ont paru exagérés - de transférer certaines des attributions de l'ONAC à d'autres organismes.
Ce n'est pas vrai ; cela étant, vous ne pouvez pas empêcher des technocrates d'être ce qu'ils sont, et je ne pense pas que vous en soyez un. Vous ne pouvez pas empêcher des spécialistes d'essayer de travailler à l'amélioration des services de l'Etat.
M. René Rouquet. Ne nous donnez pas de leçons !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Ne m'interrompez plus, s'il vous plaît ; sinon, vous irez déjeuner très tard ! (Sourires.)
J'ajoute, monsieur Rouquet, que vous avez énoncé une série de contre-vérités, notamment quand vous avez parlé des 150 000 emplois et lorsque vous avez indiqué que trop longue avait été l'attente pour la constitution de la commission tripartite.
En effet, la commission a été constituée quelque deux ou trois mois après ma nomination, elle s'est immédiatement mise au travail et elle s'est déjà réunie neuf fois.
Vous avez encore énoncé une contre-vérité quand vous avez parlé du retard quant au rapport constant. Dès mon entrée en fonctions, je me suis occupé de cette question.
D'ailleurs, cette commission tripartite, il y a trente-quatre ans que l'on aurait pu la réunir, et quatorze ans pour ce qui vous concerne...
M. René Rouquet. Ne nous agacez pas sur ce sujet, nous pouvons en parler !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. J'en arrive aux crédits affectés à la politique de la mémoire, sur lesquels vous avez proféré une autre contre-vérité, en prétendant qu'ils avaient baissé de 57 %. Il s'agit d'une affirmation absolument erronée.
Des crédits considérables étaient affectés à des actions qui ont disparu. Il en va ainsi des crédits consacrés aux commémorations du débarquement de Normandie et de la bataille de Verdun ou du massacre d'Oradour-sur-Glane.
Pour ce qui est du mur de Fréjus, je vais l'inaugurer le 19 décembre...
M. René Rouquet. Le mur de Fréjus ? (Rires sur les travées socialistes.)
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Le monument de Fréjus, si vous préférez !
M. René-Georges Laurin. Ne nous attaquez pas sur ce sujet, vous n'avez pas qualité pour le faire !
M. René Rouquet. On peut comparer !
M. le président. Un peu de calme, messieurs ! Je vous en prie.
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Ce mot, je l'ai prononcé en toute bonne foi. Je vais bien sûr le retirer, mais je veux vous expliquer pourquoi je l'ai employé. Je l'ai fait parce qu'il s'agit d'un monument somptueux et imposant sur lequel sont inscrits les noms de 38 000 morts. C'est impressionnant !
J'enverrai d'ailleurs à M. le président du Sénat une invitation pour qu'une délégation puisse assister à la cérémonie du 19 décembre.
On ne peut donc pas dire que les crédits diminuent.
A ce propos, je tiens à faire une remarque : si l'on ne peut pas mener une politique de la mémoire sans crédits, on peut cependant organiser beaucoup d'opérations sans crédits.
Ainsi, si tous les instituteurs de France, sur lesquels, avec vos amis, vous avez quelque influence, monsieur Rouquet, amenaient leurs élèves devant les monuments aux morts, le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, ce serait une bonne chose ! (Très bien ! et applaudissement sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
C'est en s'y refusant qu'on fait s'éteindre la mémoire d'un pays !
Cette observation est le fruit de mon expérience personnelle. Ainsi, en tant que ministre, je refuse d'aller devant un monument aux morts si je ne tiens pas des enfants par la main. Cette attitude à un effet considérable sur les populations.
Si les instituteurs de France, disais-je, voulaient non pas se donner la main, mais nous la donner et s'ils accompagnaient les enfants dont ils s'occupent devant nos monuments aux morts, nous pourrions apporter la preuve que la mémoire, on peut la cultiver sans crédits.
Par ailleurs, élever au grade de chevalier de la Légion d'honneur les 2 292 poilus de 1914 qui sont encore en vie, cela n'occasionne pas de dépenses non plus, mais c'est une opération en faveur de la mémoire.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Je peux citer une autre opération, dont je n'ai jamais parlé.
J'ai eu l'honneur de servir dans l'armée anglaise et dans l'armée américaine, et je me suis aperçu que l'on n'avait pas encore pensé à délivrer aux GI's ou aux Tommies qui avaient débarqué sur notre sol une modeste feuille de papier, un titre de reconnaissance de la nation. C'est chose faite, désormais, puisque, avec le délégué à la mémoire, nous avons rédigé une sorte de diplôme : « La population française vous est reconnaissante d'avoir contribué à libérer son sol ».
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Je me suis donc rendu aux Etats-Unis, où j'ai remis ce diplôme, par exemple à M. Lomel, qui, avec son grapin, est arrivé le premier à la pointe du Hoc. Jusqu'à présent, personne n'avait pensé à lui dire merci !
Croyez-moi, de telles opérations ne coûtent pas cher et. pourtant, elles comptent beaucoup ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Sans vouloir énumérer toutes les actions que j'ai lancées, je tiens cependant à signaler que je suis aussi allé au Mexique pour la Légion étrangère. Cela ne coûtait pas tellement d'argent, seulement le prix du voyage, mais à la Légion ils s'en souviennent tous parce que j'avais emmené des sous-officiers.
Je suis également allé à Cherchell. En outre, au moment de la commémoration de Verdun, 3 000 garçons et filles ont été rassemblés autour du Président de la République. Il y a eu aussi l'hommage rendu à l'armée d'Afrique.
Enfin - cette affaire traîne depuis plus d'un an - le Conseil supérieur de la mémoire combattante va être constitué.
Quels sont les adversaires de la mémoire ? Ce sont sans conteste les médias. Reconnaissons-le ! Ne nous dissimulons pas derrière notre petit doigt : nous n'intéressons pas les médias.
Avec le franc-parler qui caractérise mes propos, je dis d'ailleurs très souvent aux anciens combattants : comment peut-on admettre que, le 8 mai, pour l'anniversaire de ce qui fut quand même, pour les gens de ma génération, une victoire arrachée, le Président de la République, se rendant sous le soleil à l'Arc de Triomphe, devant tous les officiers, les gardes républicains et la musique, ne se voie accorder par les chaînes publiques de télévision, le soir, que trente secondes, alors que, le lendemain, lorsqu'il s'agit d'une manifestation d'homosexuels, de « gays », on en parle pendant un jour ou deux ? C'est inadmissible !
M. René Rouquet. Certains ont participé au Débarquement !
M. René-Georges Laurin. Pas beaucoup ! Ils étaient réformés !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. J'estime qu'il y a beaucoup à faire sur le plan de la mémoire.
Je vous indique également que « La mémoire combattante du ministère des anciens combattants » peut être consultée sur Internet. Depuis huit jours, à New York, à Yokohama ou à Vladivostok, on peut entendre La Marseillaise et La Sonnerie aux morts. C'est une façon comme une autre de défendre la mémoire, et tout mon cabinet a participé à cette opération.
Je pense avoir évoqué tous les problèmes. Je m'en tiendrai-là donc, non sans avoir repris cet adage : « Une nation qui n'a pas de mémoire n'a pas d'avenir ».
Nous allons y travailler et, à cet égard, je vous répète, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que j'ai dit en montant à cette tribune : j'ai l'impression que vous êtes tous d'accord pour aider le ministre des anciens combattants et victimes de guerre dans sa tâche.
M. Emmanuel Hamel. Ça, c'est sûr !
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Il n'y a pas d'adversaires, sur ce plan, je ne veux pas en avoir, je ne veux pas considérer que j'en ai, et vous ne considérez sûrement pas, pour votre part, que je suis en face de vous : je suis à vos côtés, pour travailler à la défense du patrimoine national. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et victimes de guerre et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 9 151 510 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, moins 566 264 143 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 11 250 000 francs ;
« Crédits de paiement, 4 825 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 85 et 86, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des anciens combattants et victimes de guerre.

Article 85

M. le président. « Art. 85. - Les dispositions du V de l'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, modifié par l'article 100 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), sont prorogées pour l'année 1997. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 85.

(L'article 85 est adopté.)

Article 86

M. le président. « Art. 86. - L'article 125 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991) est ainsi modifié :
« I. - Au premier alinéa, les mots : "d'Indochine et", sont ajoutés avant les mots : "d'Afrique du Nord", et les mots : "âgés de plus de cinquante-cinq ans" sont remplacés par les mots : "ou d'activité professionnelle involontairement réduite".
« II. - Au deuxième alinéa, les mots : "pour 1995" sont supprimés.
« III. - Au quatrième alinéa, les mots : "de la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle des douze derniers mois" sont remplacés par les mots : "des revenus mensuels d'activité professionnelle" ; les mots : "plafond mensuel brut" par les mots : "plafond mensuel net", et les mots : "plancher mensuel brut", par les mots : "plancher mensuel net".
« IV. - Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de décès de l'allocataire, le conjoint survivant a droit à un capital décès dont le montant est fixé par arrêté interministériel. »
« V. - Au huitième alinéa, les mots : "à l'allocation de solidarité spécifique visée à l'article L. 351-10 du code du travail" sont remplacés par les mots : "aux revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 351-2 du code du travail".
« VI. - Au neuvième alinéa, après les mots : "activité professionnelle", sont insérés les mots : "non précaire".
« VII. - Le dixième alinéa est ainsi rédigé :
« La situation d'activité professionnelle involontairement réduite visée au premier alinéa, les revenus d'activité visés au quatrième alinéa et, d'une manière générale, les modalités d'attribution de ces allocations sont fixés par arrêté interministériel. » - (Adopté.)
M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion les amendements n°s II-22 et II-23, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 86.

Articles additionnels après l'article 86

M. le président. Par amendement n° II-22, M. Pagès, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 86, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Le quatrième alinéa (3°) du B de l'article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est complété par la phrase suivante : "Cet indice prendra également en compte l'évolution des mesures catégorielles prises en faveur des agents de la fonction publique, celles des nouvelles bonifications indiciaires et l'évolution de la prime de rendement, de productivité ou pour services rendus".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes consécutives à l'application des dispositions de cet article, celles du sixième alinéa du II de l'article 125 O-A du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque le montant des primes d'assurance-vie capitalisées excède le seuil d'imposition défini à l'article 885 U relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n°s II-22 et II-23.
M. le président. J'appelle donc l'amendement n° II-23, présenté par M. Pagès, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à insérer, après l'article 86, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article L. 321-9 du code de la mutualité est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la rente qui peut être constituée au profit des bénéficiaires visés par les dispositions du présent article est revalorisé au 1er janvier de chaque année, en fonction de l'évolution du point de pension militaire d'invalidité.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, le montant maximal de cette rente, y compris la majoration, est fixé à 10 000 francs à compter du 1er janvier 1997. »
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes consécutives à l'application des dispositions de cet article, celles du sixième alinéa du II de l'article 125 O-A du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque le montant des primes d'assurance vie capitalisées excède le seuil d'imposition défini à l'article 885 U relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
Veuillez poursuivre, monsieur Pagès.
M. Robert Pagès. L'objet de ces amendements est très simple.
Le groupe communiste républicain et citoyen constate que les débats sur le rapport constant s'enlisent. Nous avons donc déposé un amendement n° II-22 permettant de dégager rapidement une solution peu coûteuse et visant à introduire, dans la détermination de l'indice, les bonifications indiciaires, l'évolution de la prime de rendement de productivité ou pour services rendus. Il s'agirait d'indexer réellement le point militaire d'invalidité sur les traitements bruts de la fonction publique.
Nous avons par ailleurs déposé un amendement n° II-23 qui vise à tenir compte des difficultés qui se font jour, compte tenu du plafonnement de la rente mutualiste.
Certes, les débats sont très longs, mais nous avons apprécié que le ministère des anciens combattants et victimes de guerre soit maintenant chargé de gérer cette question. Cependant, force est de constater que le plafond de droits à réparation - car la rente mutualiste est un droit à réparation - a été minoré au fil des années par rapport à ce qu'aurait dû être son évolution. Je ne rejette pas les responsabilités sur tel ou tel, mais c'est un fait, et ce depuis de nombreuses années.
Nous proposons donc que ce plafond soit porté à 10 000 francs et qu'il soit indexé sur la valeur du point de pension d'invalidité.
Ces deux amendements témoignent de notre souci de répondre à la demande du monde des anciens combattants, qui affirme son attachement à la notion de droits à réparation et veut la faire respecter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. S'agissant de l'amendement n° II-22, il est clair qu'une commission est en place, qu'elle travaille et qu'il serait inopportun d'en perturber le déroulement en adoptant un amendement qui, de plus, alourdirait de manière considérable les dépenses de l'Etat. Laissons donc la commission travailler !
Il est vrai que les dispositifs sont quelquefois incompréhensibles. En commission des finances, nous avons demandé des éclaircissements à M. Charasse, qui en est l'auteur. Il avait du mal à les expliquer ; lui-même se perdait dans les formules mathématiques.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° II-22.
En ce qui concerne l'amendement n° II-23, c'est la même chose : le montant du plafond a été porté à 7 000 francs ; il sera de 7 140 francs, en 1997, grâce au mécanisme d'indexation. Porter le plafond à 10 000 francs alourdirait de manière considérable les dépenses de l'Etat.
C'est pourquoi la commission a émis, là encore, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques n°s II-22 et II-23 ?
M. Pierre Pasquini, ministre délégué. Je suis la commission, qui émet deux avis défavorables sur le rapport constant et sur la retraite mutualiste.
En ce qui concerne le rapport constant, je confirme que la commission ad hoc va se réunir avant la fin du mois. Il convient de la laisser poursuivre les travaux pour lesquels elle a été constituée.
S'agissant de la retraite mutualiste, je rappelle qu'elle dépendait auparavant du ministère des affaires sociales. Je l'ai prise en charge et j'en ai indexé le montant sur le coût de la vie hors tabac. Elle est passée à 7 000 francs l'année dernière grâce à la réserve parlementaire du Sénat - à qui j'ai déjà exprimé ma reconnaissance - et elle passera, cette année, à 7 140 francs.
Au demeurant, il est faux de prétendre, monsieur Pagès, que la retraite mutualiste est un droit à réparation. C'est un produit de l'épargne, ce qui est différent, et votre amendement pourrait se voir appliquer l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-22.
M. Michel Moreigne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Le groupe socialiste tient à exprimer son accord tant avec l'esprit qu'avec la rédaction de l'amendement défendu par M. Pagès.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-23, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des anciens combattants et victimes de guerre.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures vingt, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE de M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Fourcade, Alain Vasselle, Henri de Raincourt, Michel Mercier, Paul Girod, Jean Chérioux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Suppléants : MM. Guy Fischer, Alain Gournac, Roland Huguet, Marcel Lesbros, René Marquès, Lucien Neuwirth, Bernard Seillier.

5

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.

Services du Premier ministre

I. - SERVICES GÉNÉRAUX

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la presse, à l'audiovisuel, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la fonction publique).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne disposant que de dix minutes pour rapporter devant vous le projet de budget des services généraux du Premier ministre, j'évoquerai essentiellement, au cours de cette présentation orale, quelques thèmes, renvoyant à mon rapport écrit ceux qui souhaiteraient prendre connaissance d'une analyse plus exhaustive.
Ces thèmes sont au nombre de quatre : l'évolution du projet de Mémorial de la France d'outre-mer, qui vous tient à coeur, monsieur le ministre des relations avec le Parlement ; la nécessaire rationalisation des organismes gravitant autour du Premier ministre ; l'activité du commissariat à la réforme de l'Etat ; enfin, l'évolution du montant des fonds spéciaux.
Les crédits des services généraux du Premier ministre demandés pour 1997 s'élèvent à 4 milliards de francs, en diminution de 8,8 % par rapport aux crédits votés pour 1996.
Toutefois, comme chaque année, la structure du budget des services généraux est modifiée, dans le projet de loi de finances pour 1997, ce qui explique en grande partie les évolutions de crédits constatées.
Ainsi, les transferts opérés, qui concernent principalement les moyens du secrétariat général de la mer et ceux de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, majorent de 238,6 millions de francs le plafond initial du projet de budget des services généraux du Premier ministre pour 1997.
A structure constante, le montant des crédits prévus pour 1997 s'établit donc à 3,667 milliards de francs.
Globalement, les dépenses ordinaires sont réduites de 10 %, en 1997. Toutefois, cette évolution recouvre deux mouvements contrastés : d'une part, les moyens des services augmentent, la principale hausse concernant la réforme de l'Etat, car le fonds créé à cette fin se voit doté de 100 millions de francs ; d'autre part, les dépenses d'intervention diminuent fortement.
En réalité, cette nette réduction des crédits résulte, pour l'essentiel, de la chute de la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations de redevance de télévision, qui passe de 805 millions de francs à 684 millions de francs.
Par ailleurs, la forte augmentation des dépenses en capital - il est vrai qu'elle porte sur des chiffres assez modestes - est surtout liée à la création de deux chapitres, à savoir le fonds pour la réforme de l'Etat et la préservation et le développement du patrimoine culturel des Français rapatriés d'outre-mer.
Je me félicite de cette dernière mesure, car elle devrait mettre fin à l'enlisement du projet de construction du Mémorial de la France d'outre-mer.
Onze ans - c'est bien long, onze ans ! - après le lancement de cette idée, les travaux n'ont toujours pas commencé. J'espère donc que le tranfert des crédits de l'Etat du titre VI, à savoir les subventions d'investissement accordées par l'Etat, au titre V, c'est-à-dire les investissements exécutés par l'Etat, affirme la volonté de l'Etat de reprendre ce dossier en main et se traduira rapidement par le démarrage des travaux de construction.
Résumant le problème, je dirai que le financement est maintenant simplifié du fait que l'on compte moins sur les collectivités territoriales de première importance, qui ne semblaient pas s'entendre, et que l'on confie la maîtrise d'ouvrage à l'Etat, dont la rapidité en ce domaine n'est toutefois pas exemplaire.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter quelques informations à ce sujet.
J'aimerais maintenant rappeler, pour le déplorer, l'imbroglio qui caractérise la nébuleuse des organismes extrêmement divers rattachés aux services du Premier ministre. J'en ai relevé pas moins de cinquante-neuf cette année, dont trois nouveaux : le secrétariat général de la mer, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui constitue en réalité un simple transfert en provenance du ministère des affaires sociales, la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie.
Je tiens toutefois à faire remarquer que, après que j'eus insisté l'année passée sur la nécessité d'une véritable remise en ordre de ces organismes pour assurer une gestion plus rigoureuse de la dépense publique, le Parlement avait adopté, sur mon initiative, un article additionnel qui obligeait le Gouvernement à présenter chaque année la liste de toutes les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres.
Je me félicite que le Gouvernement ait respecté la volonté du Parlement en publiant la liste des organismes gravitant autour de chaque ministère et en précisant leurs missions. Mais, après tout, la loi lui en faisait obligation !
Il faudrait maintenant, monsieur le ministre, qu'une étape supplémentaire soit franchie et qu'un examen attentif des activités de ces organismes soit entrepris pour vérifier leur réelle utilité, déceler les éventuels doubles emplois et favoriser une certaine rationalisation de toutes ces instances.
Concernant le commissariat à la réforme de l'Etat, je souhaite, un an après sa création, dresser un premier bilan.
A l'automne de 1995, le commissariat s'est attaché, en liaison avec l'ensemble des départements ministériels, à identifier les principaux chantiers de réforme et à préparer les propositions correspondantes.
Quatre axes principaux ont été définis au printemps de 1996 : placer les citoyens au coeur du service public ; rénover la gestion des ressources humaines ; déléguer les responsabilités ; enfin, mieux décider et mieux gérer.
Afin de mettre en pratique ces projets de réforme, un « fonds de réforme de l'Etat » a été créé en cours d'année et doté de 50 millions de francs, 20 millions de francs étant destinés à financer les opérations à caractère national et 30 millions de francs, les opérations à caractère local.
Je me félicite de l'utilisation effective et pertinente de ces crédits, qui avaient été ouverts par décret d'avances. En effet, la liste des opérations bénéficiant d'un financement du commissariat à la réforme de l'Etat montre que plus de 85 % des crédits ont été consommés. En outre, les actions privilégiées sont en rapport avec les quatre axes de réforme que j'ai mentionnés il y a quelques instants.
Ainsi, les administrations centrales concernées se sont attachées à développer la qualité de leurs prestations en introduisant le paiement par carte bancaire, en accélérant le traitement des demandes et en modernisant leurs services.
Quant aux services déconcentrés, ils se sont engagés dans la voie du regroupement au sein de « maisons de service public » pour faciliter les démarches des usagers vis-à-vis des administrations dans les quartiers urbains comme dans les zones rurales.
Le bilan de l'action du commissariat à la réforme de l'Etat s'avère donc positif.
Toutefois, je me montrerai plus prudent sur la poursuite de la réforme. En effet, il est prévu qu'entre 1996 et 1998 les effectifs des administrations centrales soient réduits de 10 %, tandis que le nombre de directions chuterait de 30 %. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, pour estimer ces mesures nécessaires. Cependant, leur entrée en vigueur me paraît délicate compte tenu des résistances que les services concernés ne manqueront pas d'y opposer.
Je tiens à vous faire part de ma satisfaction de voir diminuer le montant des fonds spéciaux de 30 millions de francs, bien que je regrette que la part destinée au Premier ministre baisse relativement moins que celle qui est affectée à la direction générale de la sécurité extérieure. Il ne faut pas oublier que, même si l'existence de tels fonds est entrée dans les moeurs, elle constitue une exception au contrôle parlementaire et à la transparence de l'utilisation des deniers publics.
S'agissant des fonds affectés à la DGSE, je demande au Gouvernement d'étudier la possibilité de budgétiser une part significative de ces crédits sans, bien évidemment, porter atteinte à une nécessaire confidentialité.
Les fonds mis à la disposition du Premier ministre - je le souligne parce que c'est important - diminuent de près de 2 millions de francs. Il n'est pas d'usage, j'en conviens parfaitement, de discuter de l'utilisation de ces crédits. J'indiquerai simplement que l'on s'éloignerait quelque peu d'une utilisation normale de ces fonds s'il s'avérait qu'ils aient pu financer une opération héliportée sans rapport avec la sécurité extérieure et l'action humanitaire.
Ces observations étant faites, je vous propose, mes chers collègues, de suivre la commission des finances et d'adopter les crédits consacrés aux services généraux du Premier ministre.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, traditionnellement, les crédits des services généraux du Premier ministre ne suscitent pas un intérêt dévorant. Pourtant, ils me semblent importants, à un double titre : d'abord, du point de vue moral, puisque ces services dépendent directement du chef du Gouvernement et qu'il est bon de les connaître ; ensuite, du point de vue matériel, financier, puisque plus de 4 milliards de francs y sont affectés cette année.
Dans le projet de budget que nous examinons, ces crédits baissent de 8,8 %, contre 13 % l'an passé. Nous nous réjouissons de ces deux diminutions successives. En effet, plus ces dépenses administratives seront réduites, mieux cela vaudra.
Pour réussir une politique de rigueur, qui entraîne des contraintes considérables, et pour que nos compatriotes puissent accepter les sacrifices qui leur sont demandés, il faut d'abord que cette rigueur et ces sacrifices soient justes et répartis équitablement entre tous. Mais il faut surtout que l'exemple soit donné au plus haut niveau de l'Etat. C'est cette démarche exemplaire que nous souhaiterions voir apparaître clairement dans le projet de budget qui nous est proposé.
Un souhait exprimé par nous l'année dernière a été exaucé. En effet, M. Henri Torre, que je remercie de son excellent rapport, avait fait adopter un amendement tendant à faire communiquer au Parlement la liste des organismes rattachés aux services du Premier ministre. C'est une chose acquise aujourd'hui puisque cette liste figure dans le rapport.
Cette liste, fort intéressante, mérite d'être étudiée en détail. Elle ne comporte pas moins de cinquante-neuf comités, hauts comités, commissions, conseils, conseils supérieurs, instituts, missions interministérielles, observatoires, etc., couvrant toutes sortes de domaines.
De prime abord, on peut se demander pour quelles raisons ces organismes n'ont pas été rattachés aux ministères traitant des questions qui les concernent. Sans doute a-t-on voulu leur donner plus d'importance en les plaçant sous l'autorité du Premier ministre !
Leur nombre varie peu d'une année à l'autre. Deux organismes - le collège de prévention des risques technologiques et l'observatoire juridique des technologies de l'information - ont disparu de cette liste dans laquelle, d'ailleurs, ils n'avaient rien à faire.
En revanche, trois organismes ont été créés, dont un secrétariat général de la mer. Permettez-moi, à ce propos de vous féliciter, monsieur le ministre. Nous avons suffisamment déploré la disparition du ministère de la mer ou, à tout le moins, du secrétariat d'Etat chargé de la mer, pour nous réjouir de l'apparition de ce secrétariat général, en attendant qu'il prenne rang gouvernemental.
Les deux autres organismes créés sont la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, et la mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie. Nous ne comprenons d'ailleurs pas très bien pour quelles raisons cette dernière n'est pas rattachée au ministère délégué à l'outre-mer.
En tant que représentant des Français établis hors de France, je suis intéressé par certains de ces organismes, tel le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger. Quelle est exactement sa fonction ? Dans quel domaine intervient-il ? Qui aide-t-il ? De quels crédits dispose-t-il ? Quels ministères peuvent être éventuellement abondés par lui ? Nous souhaiterions le savoir.
Le conseil de l'audiovisuel extérieur de la France nous intéresse aussi particulièrement. Il faut espérer qu'il sera doté de moyens importants ; il y a tant à faire dans ce domaine !
En ce qui concerne la langue française et les organismes traitant de la francophonie, il avait été dit, l'année dernière, qu'il serait mis un peu d'ordre dans ce que le rapporteur appelait un « imbroglio ». Eh bien, cet imbroglio ne paraît pas particulièrement éclairci !
La délégation générale de la langue française est rattachée au ministère de la culture le haut conseil de la francophonie dépend du ministère des affaires étrangères. Mais voici que réapparaît sur la liste du Premier ministre le conseil supérieur de la langue française, qui en avait été rayé l'année dernière et qui avait rejoint le ministère de la culture !
Pourquoi ces va-et-vient et cette dispersion ? Ne serait-il pas plus simple et plus logique que Mme le secrétaire d'Etat chargé de la francophonie contrôle ou, au moins, coordonne elle-même les principaux organismes qui en sont chargés de cette question ?
M. le président. Je suis obligé de vous demander de conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Habert. J'en termine, monsieur le président.
M. Raymond Courrière. Parlez-nous des hélicoptères !
M. le président. Je vous en prie mes chers collègues, pas d'interpellation dans l'hémicycle !
M. Jacques Habert. S'agissant des sident, crédits inscrits dans le projet de loi 400 000 francs sont prévus pour financer l'accélération du traitement des demandes d'état civil des Français de l'étranger. Il s'agit d'une excellente mesure.J'espère que cette somme sera vite transférée au service spécialisé du ministère des affaires étrangères, à Nantes.
Enfin, puisque M. le ministre des relations avec le Parlement a été également en charge des rapatriés, je lui poserai deux rapides questions.
M. le président. Vous devez vraiment conclure, mon cher collègue.
M. Jacques Habert. La première concerne la réduction de 33 % des crédits destinés au financement des actions culturelles en faveur des rapatriés et la seconde, la construction du Mémorial de la France d'outre-mer, prévu à Marseille depuis longtemps déjà et auquel s'intéressent tous ceux qui, comme nous, sont attachés au rayonnement de notre pays dans le monde.
Ces renseignements une fois donnés, je suis sûr, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous pourrons voter le budget des services généraux du Premier ministre dans le projet de loi de finances pour 1997.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord, de féliciter M. le rapporteur spécial, M. Henri Torre, de son excellent rapport, qui nous permet, une fois de plus, d'apprécier sa grande compétence et sa profonde connaissance de ce budget un peu disparate, qui regroupe les crédits de services très divers et dont une partie a fait ou fera l'objet d'une discussion séparée.
De manière globale, le projet de budget des services généraux du Premier ministre s'établit à 4,015 milliards de francs, contre 4,403 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1996.
La comparaison brute des crédits prévus pour 1997 et des crédits votés pour 1996 fait apparaître une diminution de 388 millions de francs, soit 8,8 %. Il s'agit déjà, me semble-t-il, monsieur le rapporteur spécial, d'une diminution considérable.
Mais, si l'on raisonnait à structure constante, c'est-à-dire sans intégrer les transferts de crédits en provenance ou à destination d'autres ministères ni la création du fonds pour la réforme de l'Etat, le projet de budget des services généraux du Premier ministre s'établirait à 3 657 millions de francs, en diminution de 17,7 % par rapport à la loi de finances de 1996.
Les crédits de ce budget portent sur cinq domaines bien différents.
Les crédits relatifs à l'administration générale des services du Premier ministre s'élèvent à 1 539 millions de francs, soit une augmentation de 15,5 %.
Les crédits relevant de la fonction publique s'élèvent à 1 178 millions de francs, soit une progression de 14,2 %.
Les crédits en faveur de la politique de communication s'élèvent à 914 millions de francs, soit une progression de 44,6 %.
Les crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel s'élèvent à 208 millions de francs, soit une hausse de 1,2 %.
Enfin, les crédits relatifs aux actions en faveur des rapatriés s'élèvent globalement à 175 millions de francs, dont 150 millions de francs pour l'action sociale en faveur des harkis et 25 millions de francs de crédits de paiement pour la construction du Mémorial de la France d'outre-mer.
Je voudrais souligner ici que 5,87 milliards de francs sont inscrits dans différents budgets au titre des rapatriés. Nous en reparlerons prochainement.
La politique en faveur des Français musulmans rapatriés et de leurs familles constitue l'une des trois priorités d'action dans ce domaine ; 756 millions de francs y seront consacrés en 1997.
Les crédits inscrits au chapitre 46-03 des services du Premier ministre permettront, en 1997, la mise en oeuvre dans de bonnes conditions du plan d'action sur cinq ans, prévu par la loi du 11 juin 1994, en faveur des harkis et de leurs familles.
Je puis également assurer à M. le rapporteur spécial et à M. Habert que le Gouvernement se préoccupe de préserver la mémoire de l'oeuvre accomplie outre-mer par de nombreuses générations de nos compatriotes.
M. le rapporteur spécial et M. Habert m'ont interrogé à propos de la construction du Mémorial de la France d'outre-mer sur le site du fort Saint-Jean, à Marseille. Des difficultés dues à la gestion de ce dossier en matière de définition du projet et, disons-le, de respect de certaines procédures nous ont conduits à prendre directement en charge la maîtrise d'ouvrage de l'opération et à lancer un nouveau concours, en complet accord d'ailleurs avec l'actuel maire, M. Jean-Claude Gaudin.
Je puis, en outre, vous assurer que M. Guy Forzy, délégué aux rapatriés, suit très attentivement ce dossier, auquel il attache une importance toute particulière. Les travaux préliminaires pourront débuter dans les prochains mois.
Quant aux crédits relatifs à l'administration générale des services du Premier ministre, ils s'élèvent à 1,539 milliard de francs, contre 1,301 milliard de francs en 1996. A structure constante, le montant des crédits a été ramené à 1,301 milliard de francs.
Cette diminution est le résultat d'un important effort d'économies, qui est nettement supérieur au volume des mesures nouvelles.
Cet effort s'est traduit en termes d'emplois et de crédits. Ainsi, vingt-cinq emplois, représentant 2 % des effectifs budgétaires, sont supprimés dans les services généraux du Premier ministre.
Les crédits de fonctionnement enregistrent une réduction de 34,5 millions de francs au titre de l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
En dépit de cette rigueur, les crédits consacrés à l'administration générale marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre ses efforts en faveur des personnels, puisqu'ils progressent de 1,8 million de francs.
Par ailleurs, le chapitre 37-10, « action d'information à caractère interministériel », est abondé de 20 millions de francs en mesures nouvelles. Il s'agit de poursuivre le mouvement engagé l'année dernière et visant à renforcer le rôle de coordination dévolu au service d'information du Gouvernement dans le domaine des campagnes de communication.
L'augmentation apparente du volume des crédits d'administration générale s'explique principalement par le transfert en provenance du budget du ministère des affaires sociales d'une dotation de 230 millions de francs destinée, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, à financer des actions dans le domaine de la lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Ce transfert résulte du rattachement aux services du Premier ministre de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je souhaitais porter à votre connaissance.
M. le rapporteur spécial a évoqué une liste de cinquante-neuf « organismes gravitant autour du Premier ministre ».
Cette liste est extraite de l'annexe jaune au projet de loi de finances, intitulée « liste des commissions et instances consultatives et délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ».
En réalité, monsieur le rapporteur spécial, dans cette liste, dix-neuf organismes seulement sont effectivement rattachés au budget des services généraux du Premier ministre. Les autres sont, pour la plupart, des instances consultatives ou délibératives dépourvues de moyens permanents ou de services, ou bien des instances dont le fonctionnement est assuré par d'autres ministères.
Aux dix-neuf organismes qui relèvent bien, dans cette liste, des services du Premier ministre, il faudrait d'ailleurs ajouter huit services administratifs permanents qui ont été omis.
Vous avez également évoqué les fonds spéciaux. L'article 20 du chapitre 37-91, intitulé « fonds spéciaux », qui diminue de 7,5 %, concerne non seulement la DGSE mais aussi les services du Premier ministre.
Enfin, M. le rapporteur spécial et M. Habert ont insisté sur les organismes rattachés au Premier ministre.
Depuis le début de 1995, huit organismes ont été supprimés. En revanche, un nouveau service a été créé, que vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur spécial : il s'agit du commissariat à la réforme de l'Etat.
En outre, deux services ont été transférés au Premier ministre en provenance d'autres ministères : le secrétariat général de la mer et la mission de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Enfin, un service est transféré vers le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat : la délégation aux professions libérales.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à M. le rapporteur spécial, dont je loue encore l'excellent rapport, ainsi qu'à M. Habert. (Applaudissement sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que :
- les crédits relatifs à la fonction publique inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ont été examinés hier, jeudi 28 novembre ;
- les crédits d'aides à la presse et à l'audiovisuel et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui sont compris dans les crédits des services généraux du Premier ministre, seront examinés le samedi 7 décembre avec les crédits relatifs à la communication.
En conséquence, le vote sur les crédits des services généraux du Premier ministre doit être réservé jusqu'à l'examen, le samedi 7 décembre, des crédits relatifs à la communication.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 106 709 070 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, moins 524 669 554 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 62 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 54 850 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux du Premier ministre.

II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1997 sera, pour le secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, la première année prenant totalement en compte les conséquences financières de la réforme entreprise en 1995 et entrée en application cette année. Ainsi, les crédits demandés pour 1997, qui se chiffrent à 140,502 millions de francs, subissent une baisse légitime de 30 % par rapport aux crédits votés pour 1996, qui s'élevaient à 201 millions de francs.
La réforme ayant entraîné une forte réduction des effectifs ainsi qu'une diminution sensible des besoins de fonctionnement, l'évolution du budget du secrétariat général de la défense nationale se traduit par une forte diminution tant des dépenses ordinaires que des dépenses d'investissement.
Les dépenses ordinaires, qui se limitent aux moyens des services du titre III, diminuent de 31,4 %. Cette évolution résulte du recentrage des activités du SGDN et de la réduction de ses effectifs, dont le nombre passe de 503 à 236.
Les crédits de rémunération passent ainsi de 91,3 millions de francs à 49,2 millions de francs ; ils sont en diminution de 46,2 %, mais seulement de 18,5 % si l'on tient compte du transfert de 180 emplois du centre de transmissions gouvernemental, le CTG, au ministère de la défense. Les charges sociales diminuent en conséquence.
La charge budgétaire du fonctionnement du CTG reste cependant affectée au SGDN. La régression des moyens destinés au matériel et au fonctionnement des services est donc moins importante : ces moyens s'élèvent à 53,1 millions de francs, soit une diminution de 5,8 %.
Compte tenu de la diminution des effectifs, le niveau des crédits informatiques devrait permettre de poursuivre l'amélioration de l'équipement des services, notamment en direction de l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN. Quant au CTG, il bénéficie d'un doublement de ses moyens de fonctionnement.
Les crédits demandés pour les dépenses en capital atteignent 30,6 millions de francs, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme, ce qui représente une diminution d'environ 25 %. Cette baisse des crédits concerne uniquement le programme civil de défense.
Le fascicule budgétaire du secrétariat général de la défense nationale se compose de deux agrégats.
Le premier, « administration générale », regroupe les crédits du SGDN, de l'IHEDN et du CTG.
Pour le SGDN, les économies réalisées se traduisent par un montant de crédits de 95 millions de francs pour 1997, après 114 millions de francs en 1996, soit une diminution de près de 17 %.
L'évolution des crédits du CTG devrait lui permettre la poursuite du plan quinquennal de modernisation des moyens informatiques.
Enfin, malgré l'intégration de la mission pour l'enseignement et les études de défense dans ses attributions et dépenses, l'IHEDN voit ses crédits, uniquement, destinés à des dépenses ordinaires, diminuer de 7 %.
Certes, l'institut sera transformé en établissement public administratif, en 1997, et disposera ainsi d'une autonomie de gestion. Toutefois, les moyens qui lui sont attribués pour 1997 lui permettront difficilement d'assurer la transition et de poursuivre son développement. Cette ouverture a pourtant permis de toucher 534 auditeurs supplémentaires, pour un total annuel de 12 569 journées-auditeurs.
Il convient cependant de souligner que les moyens de fonctionnement en provenance du SGDN ne couvrent qu'une part minimale des dépenses de l'institut. En effet, le ministère de la défense met à la disposition de l'IHEDN quatre-vingt-deux militaires ou fonctionnaires civils et assure sur ses crédits un grand nombre de déplacements. Le coût budgétaire réel de l'institut est ainsi estimé à 35 millions de francs.
Les moyens du second agrégat « actions de coordination interministérielles de défense », afférents au programme civil de défense, recouvrent, pour les dépenses ordinaires, les moyens nécessaires à la formation et à l'information dans les domaines de défense et de protection civile pour 1,41 milliard de francs, en 1997, soit une diminution de 16,6 %.
Pour les dépenses en capital, la diminution résulte de la concentration des interventions sur cinq opérations majeures : la rénovation du réseau d'alerte des populations ; la poursuite de l'installation du réseau téléphonique protégé Rimbaud ; l'informatisation des données économiques nécessaires à la défense par le réseau DEMETER ; les moyens d'intervention contre les actes terroristes ; enfin, le financement de postes sanitaires mobiles.
Par ailleurs, si je me suis abstenu de faire intervenir dans mes commentaires les annulations de crédits en cours d'exercice, votre rapporteur spécial ne peut que s'inquiéter de leur application stricte à un budget aussi modeste. Il serait ainsi regrettable que le SGDN, après avoir innové en matière de réforme de l'Etat, soit, en fin de compte, victime de la discipline financière qu'il s'est imposée.
L'effort budgétaire destiné, en 1997, à la défense civile de la nation comprend non seulement les crédits affectés au SGDN, mais également ceux que les ministères civils lui consacrent et qui sont récapitulés dans le « jaune ».
Dans ce document, deux types de dépenses sont distinguées : d'une part, celles qui permettent d'assurer la continuité de l'action gouvernementale et le maintien de l'ordre public, qui représentent les deux tiers de l'ensemble, et, d'autre part, celles qui concourent à la protection des populations et à la défense économique.
Compte tenu de l'importance de ces crédits, qui s'élèveront, en 1997, à 8 212 millions de francs, une redéfinition tant des missions que des responsabilités en la matière serait peut-être opportune.
Je terminerai mon propos en évoquant la réforme du SGDN, aujourd'hui quasiment achevée sous l'impulsion de son secrétaire général M. Jean Picq et qui, je vous le rappelle, avait comme objectif majeur le recentrage de la mission d'assistance du Premier ministre dans les responsabilités de direction générale de la défense et de secrétariat interministériel.
Au terme de cette réforme, dont l'exemplarité mérite d'être soulignée, les effectifs ne seront plus que de cent quarante-six personnes. Le SGDN possède, d'ores et déjà, une organisation en cinq pôles majeurs plus légère et plus souple. Il travaille en équipes moins hiérarchisées et très décloisonnées, composées de personnels de cultures différentes.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Enfin, son activité est également marquée par la relance, depuis plus d'un an, des conseils de défense, dont il assure le secrétariat.
En conclusion, compte tenu du recul nécessaire pour juger des résultats de la pleine application de cette réforme, qui n'est entrée en vigueur que cette année, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, l'adoption des crédits du SGDN. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5 novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la fin de la confrontation des blocs et dans un monde largement internationalisé où la vitesse de circulation des informations constitue un facteur essentiel pour l'indépendance et la souveraineté des nations, je souhaite vous parler cette année d'« intelligence économique » telle que les derniers entretiens « Armement et sécurité », organisés par l'association des auditeurs du Centre des hautes études de l'armement, ont pu l'évoquer au cours de leurs travaux. J'évoquerai également l'Institut des hautes études de la défense nationale.
Comprendre le monde qui nous entoure devient peu aisé, aussi bien pour les Etats que pour les entreprises, confrontées à la concurrence internationale. C'est pourquoi l'information constitue aujourd'hui un nouvel enjeu stratégique. Abondamment disponible, son acquisition n'est pas un obstacle. En revanche, son traitement et son utilisation à des fins stratégiques relèvent d'un art nouveau avec lequel la France semble encore peu familiarisée.
Selon le rapport du délégué général de l'armement, l'intelligence économique doit être entendue comme « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût ».
Mes chers collègues, la guerre existe, mais elle est avant tout de nature économique. Comme en temps de guerre, la recherche du renseignement, sa collecte, sa centralisation et sa redistribution coordonnées sont absolument capitales pour la survie économique d'une nation ou d'un groupe de nations. Il en va de même pour la protection de notre outil industriel de haute technologie à caractère stratégique.
Or, monsieur le ministre, mes chers collègues, des transferts de technologie hautement stratégique se font chaque jour à notre insu parce que l'Europe est devenue une véritable passoire et que des intérêts contradictoires s'y développent, au grand bonheur de nos principaux rivaux ou adversaires commerciaux, non seulement les Américains et les Japonais, mais également les Chinois et les Coréens.
Je citerai, à titre d'exemple, la vente récemment projetée de Thomson Multimédia à l'entreprise Daewoo : elle est inquiétante parce que des pans entiers de la recherche française dans ce domaine seraient ainsi transférés aux Coréens, qui sont déjà - ils le seront plus encore demain - des rivaux économiques.
Il est donc « urgentissime », pour les pays qui veulent préserver leur potentiel économique, de venir en aide à leurs entreprises afin de rétablir l'égalité des chances entre celles-ci et la concurrence internationale.
Les Américains ne s'y sont pas trompés, qui ont su, sous l'administration Clinton, mettre en place le National Economical Council , le NEC, pour coordonner l'ensemble des actions de tous les départements ministériels dans le domaine économique à caractère stratégique.
De ce point de vue, il me semble que le renseignement français n'occupe pas la place qui conviendrait au contexte actuel. Les entreprises françaises comme les pouvoirs publics ne sont pas encore assez sensibilisés aux enjeux de l'intelligence économique, même si certaines initiatives ont récemment vu le jour.
C'est pourquoi il me paraîtrait extrêmement opportun que le secrétariat général de la défense nationale devienne le pivot national pour mener à bien une réflexion globale sur l'intelligence économique, quitte à ce que, par la suite, il revienne à d'autres organismes la charge d'exercer un suivi de ce qui pourrait devenir une sorte de conseil national du renseignement, que le Président de la République pourrait lui-même présider.
Le pays doit prendre conscience que la défense de la compétitivité et de l'emploi passe nécessairement, aujourd'hui, par une gestion stratégique de l'information. C'est aussi une question de volonté politique. Puisse ce message être entendu, monsieur le ministre !
Enfin, je conclurai sur le devenir de l'Institut des hautes études de la défense nationale, qui, l'année prochaine, sera doté d'un statut d'établissement public. J'ai pu noter, non sans inquiétude, le ton particulièrement sévère de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui a mis en cause les modalités de fonctionnement de cet organisme. Tel n'est pas le cas - et c'est heureux - dans le rapport de notre collègue M. Sergent.
Que cache cette offensive, monsieur le ministre ?
Si, selon toute vraisemblance, l'option de suppression du service national de conscription était confirmée, il faudra se souvenir que l'IHEDN est aujourd'hui l'une de nos rares institutions à cultiver l'esprit de défense et un lieu de rencontre entre les armées et la société civile. Je souhaite vivement que cela demeure et soit même renforcé.
A ce titre, il conviendra non pas de mettre en cause l'IHEDN, mais d'amplifier ses missions, notamment envers les organismes de jeunesse et nos jeunes concitoyens, et de lui attribuer les crédits nécessaires, à commencer par le maintien des dotations parlementaires. Veillons à ne pas casser une institution hautement utile pour la nation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que les travées du groupe socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. L'examen du projet de budget pour 1997 du secrétariat général de la défense nationale s'inscrit dans le cadre de réformes profondes, qui sont en cours pour l'organisation et les missions du secrétariat général et qui sont actuellement à l'étude, s'agissant de l'Institut des hautes études de la défense nationale, organisme qui lui est rattaché.
La défense nationale, telle que la définissait le général de Gaulle, c'est d'abord un état d'esprit de la nation, mais c'est aussi une organisation.
En la modernisant, on a voulu que cette organisation réponde à son temps, aux besoins réels que l'on peut en attendre.
La réforme du SGDN est aujourd'hui accomplie. Son objet était de recentrer sa mission première, à savoir assister le Premier ministre dans la coordination interministérielle des problèmes de défense, relayer l'information à cet égard et assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Ainsi que l'indique clairement l'excellent rapport de notre collègue Michel Sergent, le SGDN est désormais en mesure d'assurer trois fonctions essentielles auprès du Premier ministre : d'abord, permettre la cohérence de l'action « défense » du Gouvernement en préparant des synthèses préludant aux arbitrages ; ensuite, contribuer à la sécurité et à la protection des intérêts essentiels de la nation ; enfin, apporter, par des études prospectives, une vision d'avenir.
Doté d'une organisation plus légère et plus souple, le SGDN s'est engagé dans un loyal programme d'économies en présentant un budget particulièrement resserré. Les crédits demandés pour 1997 s'élèvent à 140 502 000 francs, soit une baisse de 30,16 % par rapport à 1996. Cette diminution, nous l'avons vu, est logique, mais elle est spectaculaire. Cependant, la loyauté ne devrait en aucun cas être victime d'elle-même et brider les aspects indispensables de la mission du SGDN, qu'il s'agisse de la sécurité et du renseignement, mais aussi de la compétitivité économique, où le rôle moteur du secrétariat général mérite d'être renforcé afin d'améliorer son efficacité dans la coordination de l'« intelligence économique ».
L'Institut des hautes études de la défense nationale, dont une part des crédits figurent sur les chapitres budgétaires du SGDN, fait également l'objet d'une réforme qui doit, en 1997, le transformer en établissement public administratif, ce que l'excellent rapporteur spécial de la commission des finances considère comme une transformation plus compatible avec la vocation de cet institut. Cependant, les crédits qui le concernent pour 1997 s'élèvent à 7,1 millions de francs, soit une diminution de près de 7 % par rapport à l'an dernier.
On doit sans doute considérer qu'il s'agit là d'un budget de transition en attendant que soit défini par les textes qui sont actuellement à l'étude le visage du futur établissement public.
Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur spécial se déclare lui-même perplexe quant à la capacité laissée à l'Institut de poursuivre la mise en oeuvre du programme d'ouverture et de développement que lui recommandent les plus hautes autorités de l'Etat.
Soulignons en effet le rôle essentiel joué par l'Institut dans la sensibilisation du plus large public, notamment les jeunes, à l'esprit de défense.
L'IHEDN doit, surtout après sa prochaine transformation, demeurer un laboratoire de réflexion prospective autant qu'un outil d'information indispensable à la défense nationale.
Certes, les crédits consacrés au secrétariat général de la défense nationale sont en forte diminution. Attendons cependant des réformes engagées qu'elles apparaissent salutaires et bénéfiques. Toute notre confiance va donc à ceux qui ont la lourde responsabilité de les appliquer et de les mener à bien.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera le projet de budget du secrétariat général de la défense nationale tel que le présente le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Monsieur le ministre, l'examen du projet de budget du secrétariat général de la défense nationale a fait naître en moi une inquiétude lourde sur les conditions dans lesquelles est actuellement remplie une mission indispensable à la République, celle de la coordination des services de renseignement.
Je comprends, monsieur le ministre, l'esprit de la réforme de 1995, et j'en approuve assez largement l'intention, qui était d'éviter la dérive vers une administration classique ayant vocation à proliférer dans l'exécution de ses missions propres, loi de Parkinson aidant, pour ramener le SGDN à sa vraie vocation qui est une vocation de coordination interministérielle.
Au sens strict, c'est sûr, cette mission appelle plutôt, en fonction de leur importance, le renforcement des divers services qu'il coordonne, plutôt que celui des siens propres. Il reste que nous consacrons au renseignement quatre fois moins d'argent que nos voisins britanniques, trois fois moins que les Allemands et quinze fois moins que les Américains, ce qui ne correspond pas au rapport de population et souligne une faiblesse permanente de la République. Toutefois, ce n'est pas l'enjeu du seul budget du SGDN. Je n'en parle, hélas ! pas plus, bien que cela soit décisif.
Je n'ai donc pas d'objection de principe, vous l'avez compris, monsieur le ministre, au mouvement budgétaire que ce service subit cette année, sauf à attirer votre attention sur une de ses conséquences.
Le résultat de la réforme est en effet - M. Lanier vient de le dire, citant même le chiffre - une réduction des crédits de 1997 par rapport à 1996 d'à peu près 30 %. C'est beaucoup !
Nous savons tous l'importance qui s'attache à une meilleure gestion des deniers publics et à une réduction des déficits publics. J'ai moi-même serré les boulons, partout où je pouvais. Vous avez dû être heureux, monsieur le ministre, d'enregistrer une telle baisse, qui vous donnait quelques maigres marges de liberté dont vous aviez sûrement l'ample usage par ailleurs.
Cependant, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une baisse de cette ampleur, si elle est mal ou insuffisamment justifiée, a de quoi convaincre le service en cause qu'il ne sert à rien et qu'il a perdu le respect conjoint du Gouvernement, qui évalue ses besoins, et du Parlement qui les vote. Convenez avec moi que ce risque est grand puisque, à ma connaissance, peu de services de la puissance publique subissent, dans le projet de budget pour 1997, une amputation aussi importante, amputation dont, encore une fois, je n' ai pas contesté le principe.
La réponse est, à l'évidence, dans l'accent que le Gouvernement saura mettre sur l'importance des missions du service telles qu'elles seront redéfinies au terme de la réforme.
Les intitulés des cinq pôles autour desquels s'organise dorénavant l'activité du service peuvent vous y aider. Défense et nation, affaires internationales et stratégiques, affaires juridiques et européennes, économie et défense, technologie et transferts sensibles définissent chacun, par leur intitulé même, des responsabilités de première importance autour desquelles on peut mobiliser l'enthousiasme d'agents dévoués - et vous n'en manquez pas dans votre entourage !
Je suis cependant quelque peu surpris, monsieur le ministre, de ne pas retrouver dans l'intitulé plus détaillé des missions des cinq pôles la tâche de coordination des services de renseignement, qui incombe au SGDN et demeure fort importante à mes yeux.
M. Lanier, à l'instant, vient d'y faire allusion dans son intervention à la tribune, mais cette allusion doit beaucoup à son sens de l'Etat et à sa connaissance des rouages, et peu au texte, vous en conviendrez sans doute avec moi. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Je note un hochement de tête approbateur.
Tout à l'heure M. Loridant évoquait l'une de ces tâches, avec juste raison : elle n'est pas non plus mentionnée dans les textes principaux.
S'agissant de celle-là, je comprends fort bien qu'il convient de ne pas trop y insister et j'accepte que l'on se soit finalement arrêté à ne point la mentionner explicitement dans les missions du service. Nous sommes dans le délicat. Je ne vous fais donc pas grief, monsieur le ministre, de cette omission.
Mais alors de deux choses l'une : ou bien la mission a disparu, ou bien elle continue d'exister et d'être exécutée. Et si elle continue d'exister et d'être exécutée, elle n'en relève pas moins du contrôle parlementaire.
Pour des raisons que je n'ai pas le temps de rappeler ici - je le regrette, car elles sont porteuses d'enseignement en ce qui concerne le sens de l'Etat -, il m'a été donné, monsieur le ministre, de saisir le Président de la République de l'époque, d'obtenir son accord et de décider par décret, le 20 avril 1989, du réveil, en fait : du renouvellement, du comité interministériel du renseignement. Ce décret charge le secrétariat général de la défense nationale d'assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Vous avez sûrement, monsieur le ministre, et tout le Gouvernement à vos côtés, M. le Premier ministre en tête, entendu parler de la guerre des polices. Elle sévissait, là aussi. Trop longtemps, nos services, faute de volonté gouvernementale claire et de procédures correctes, avaient été conduits à protéger, chacun, leur territoire, dans une parfaite méconnaissance de l'existence et des missions des autres, voire dans une franche hostilité. Nous étions devenus ridicules devant la communauté internationale du renseignement.
Une coordination permanente, la responsabilité donnée au secrétariat général de la défense nationale de faire en sorte que l'autorité gouvernementale soit saisie non pas de faits bruts non analysés, mais, au contraire, de synthèses élaborées à la lumière des sources différentes de chacun des services et d'un traitement adéquat de leurs éventuelles contradictions, tout cela a radicalement changé les conditions de travail de tous ces services et la qualité de leur coopération, en même temps, vous le comprenez, que la qualité de l'information de l'Etat.
Il s'agit ici explicitement de la direction de la sûreté du territoire, de la direction générale de la sûreté extérieure et de la direction de la protection du secret défense, l'ancienne sûreté militaire, rassemblées dans un groupe permanent qui fonctionne auprès du comité interministériel du renseignement sous l'autorité coordinatrice du secrétariat général de la défense nationale. Cher collègue Loridant, le conseil du renseignement dont vous rêviez à l'instant à la tribune a son amorce là.
M. le président. Monsieur Rocard, je vous prie de conclure.
M. Michel Rocard. Monsieur le président, j'ai presque terminé.
Qui plus est, après l'élaboration, sous l'impulsion du général de Gaulle, du plan de renseignement de 1963, la République est restée sans définition claire de ses priorités en matière de recherche de renseignement jusqu'en 1989. Chaque service collectait au petit bonheur la chance les informations qui lui paraissaient dignes d'intérêt.
Monsieur le ministre, le deuxième plan de renseignement lancé en 1989 a introduit l'intelligence économique dans les responsabilités de la République. Il a érigé le principe selon lequel chaque ministère compétent, fût-ce ceux qui n'avaient jamais entendu parlé de ces tâches - l'industrie, la recherche et même les finances - dirigeait la coordination interservices pour la mission qui le concernait.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, dans le silence des textes, silence que nous comprenons, mais dans la responsabilité parlementaire, que vous nous disiez si le SGDN, appauvri en crédits, continue d'assumer cette mission, si le troisième plan de renseignement de la République a bien été élaboré et suivi d'exécution, si le quatrième est en cours d'élaboration et, enfin, si, devant ces situations, la pérennité de la mission de coordination des services de renseignement continue d'être assurée, comme cela est indispensable. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Peut-on répondre publiquement sur le renseignement ? (Sourires.)
M. le président. Vous n'êtes pas encore au banc du Gouvernement, monsieur Hamel ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier très vivement M. Sergent, rapporteur spécial, pour son excellent travail, que nous avons tous apprécié.
Le SGDN a connu, en 1996, une année exceptionnelle qui a vu l'achèvement de l'importante réforme engagée à la fin de 1995, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial.
Ainsi que l'avait souhaité M. le Premier ministre, la réforme devait fortement modifier les structures et le fonctionnement du SGDN pour en faire une instance d'impulsion et de préparation d'arbitrage gouvernemental.
Les effectifs du secrétariat général de la défense nationale ont donc été resserrés. Avec un effectif de 150 permanents, le SGDN rénové a réduit ses effectifs de moitié et il a par ailleurs revu son organisation interne avec la création de deux nouveaux pôles de compétence concernant l'économie de défense et les questions juridiques.
Les activités annexes, qui, au fil du temps, s'étaient développées et avaient érigé le SGDN en un centre autonome de compétence, ont été transférées à d'autres ministères, notamment aux ministères de la défense et de l'intérieur. Ainsi, cent quatre-vingts emplois du centre de transmissions gouvernemental ont été transférés au budget du ministère de la défense. C'est ce qui explique la baisse des crédits de ce centre.
Près de soixante-dix militaires ont été remis à la disposition du ministère de la défense ; une vingtaine de contractuels ont poursuivi leur activité dans cette matière.
Cette réforme, enfin, a été réalisée dans des délais très courts : lancée en juillet 1995, adoptée en septembre, elle a été effective au 1er janvier 1996.
Au cours de cette période, le SGDN a cependant connu une activité soutenue, tant dans ses fonctions de secrétariat interministériel, c'est-à-dire comme médiateur, que dans celles qui sont liées à l'anticipation des événements, c'est-à-dire comme veilleur.
En tant que médiateur, le SGDN a accompagné les grandes réformes qui ont concerné la défense en France.
A travers six conseils de défense et, notamment, l'élaboration d'une loi de programmation, il a permis à la concertation interministérielle de bien fonctionner malgré de lourdes contraintes de calendrier. La réforme du service national a été, elle-même, précédée de nombreux travaux de réflexion, puis de concertation, menés au SGDN.
Le SGDN a aussi innové dans deux domaines fondamentaux. Sur la question des relations internationales et particulièrement la place de la France au sein de l'OTAN, il a, sur mandat donné par le Premier ministre, assuré une longue coopération interministérielle prenant des formes variées, qui a contribué à éclairer les décisions devant être prises par les plus hautes autorités de l'Etat. Il a ainsi retrouvé un rôle que le texte de 1978 lui donnait dans cette matière.
MM. Loridant, Lanier et Rocard ont souligné l'importance de l'« intelligence économique ». Je puis vous indiquer qu'à la demande de Jean Arthuis le SGDN anime un groupe de travail d'une quinzaine de directeurs d'administration centrale sur ce thème. Il participera à la mise en oeuvre, notamment dans leur aspect interministériel, des actions concrètes qui découlent des orientations arrêtées par le Premier ministre.
La suppression de la délégation à la sécurité des systèmes d'information et le rattachement du service central de la sécurité des systèmes d'information, le SCSSI, au SGDN ont ouvert, en outre, un nouveau domaine de compétence dans un secteur qui est à la fois très complexe et essentiel pour la sécurité du pays et la protection des informations sensibles.
Avec un effectif réduit de moitié et une structure profondément remaniée, le SGDN est ainsi mieux en mesure de jouer le rôle de secrétariat interministériel qu'on attend de lui.
Le projet de budget pour 1997 enregistre les conséquences de la réforme.
C'est tout d'abord un budget en forte réduction : il sera de 140 millions de francs, en 1997, alors qu'il s'élevait à 228 millions de francs, voilà deux ans, et à 201 millions de francs en 1996.
Avec 23,6 millions de francs, le programme civil de défense connaît une très sensible diminution de plus de 30 %. Il s'agit là de la volonté de recentrage de ces activités sur des actions significatives.
En revanche, les crédits concernant le renseignement et ceux qui sont liés aux investissements du centre de transmissions gouvernemental ont été maintenus.
Il faut enfin noter - je réponds là à M. le rapporteur spécial ainsi qu'à MM. Loridant et Lanier - que la démarche de transformation de l'IHEDN en établissement public administratif est désormais bien avancée. Cette réforme doit donner à cet institut une autonomie et une responsabilité à la mesure des missions essentielles que la réforme de la défense ouvre pour lui. Il ne s'agit pas, monsieur Loridant, de remettre en cause l'IHEDN, bien au contraire.
M. le rapporteur spécial s'est également inquiété de l'évolution des moyens de fonctionnement de l'institut. Je voudrais à cet égard lui communiquer quelques chiffres.
Tout d'abord, abstraction faite des crédits supplémentaires accordés à l'IHEDN, à la demande du Parlement, lors du vote du projet de loi de finances pour 1996, les moyens de fonctionnement de l'institut augmenteront, en 1997, de 12,5 %. En intégrant les crédits d'indemnité, le taux de progression passe à 16 %. Si l'on prend comme base de référence l'année 1994, enfin, le total des moyens de l'institut progresse de 37 %, hors réserve parlementaire.
En prenant en compte la réserve parlementaire, on observe effectivement une diminution de 6,8 % ; mais par rapport à 1994, l'augmentation est donc de 17 %.
En cette période de rigueur budgétaire, le Gouvernement ne pouvait en aucun cas faire plus de sa propre initiative.
Je voudrais également indiquer à M. Michel Rocard que les crédits du centre interministériel du renseignement ne diminuent pas, en 1997. L'action de ce centre est même confortée par un développement important de la mission « intelligence économique » qu'il a louée à juste titre.
Je répéterai donc, pour le rassurer, que la baisse des crédits provient en grande partie non pas d'une réduction éventuelle des actions, mais d'un transfert des crédits de personnel du centre de transmissions gouvernemental, à savoir cent quatre-vingts personnes, au budget du ministère de la défense.
Le comité interministériel du renseignement établit le plan national du renseignement en collaboration avec l'ensemble des services du renseignement. C'est un document capital pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 48 426 035 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 28 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 8 324 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.

III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aborder la présentation des crédits du Conseil économique et social constitue pour moi, au-delà de l'analyse budgétaire, l'occasion d'évoquer le rôle de cette institution et de souligner l'intérêt de ses travaux.
L'analyse des crédits demandés pour 1997, au titre du Conseil économique et social, met en évidence deux grandes caractéristiques : d'une part, ce budget est stable à structure constante ; d'autre part, il se voit enfin enrichi d'une ligne de crédits d'investissement destinée à permettre au Conseil économique et social de conduire par lui-même les travaux d'entretien du Palais d'Iéna.
Ce second point constitue pour moi une satisfaction dans la mesure où la commission des finances m'avait suivi l'an dernier lorsque j'avais souhaité qu'il soit mis un terme à la dépendance dans laquelle se trouvait le Conseil économique et social pour l'entretien du bâtiment qu'il occupe.
La suggestion de la commission des finances a donc été suivi d'effet, et il convient de s'en féliciter !
J'en viens maintenant à l'analyse à structure constante de ce budget afin de pouvoir faire ressortir ses évolutions réelles. Cette analyse démontre que cette institution assure sa mission avec des moyens relativement limités.
Les crédits demandés pour 1997 au titre du Conseil économique et social s'élèvent à un peu plus de 178 millions de francs, soit une majoration de 5,83 % par rapport au budget voté de 1996.
Mais, comme je vous l'ai indiqué, cette progression résulte de l'inscription au budget du solde des crédits prévus dans le cadre du programme triennal de travaux d'entretien et de rénovation du Palais d'Iéna.
Je vous rappelle que ces crédits figuraient au budget de la culture pour un montant de 15,1 millions de francs en autorisations de programme et de 3,5 millions de francs en crédits de paiement pour 1996. Le reliquat de cette opération a donc été transféré sur le budget du Conseil économique et social pour un montant de 11,6 millions de francs.
Il s'agit donc ni d'une charge nouvelle pour l'Etat ni d'une augmentation réelle des moyens financiers du Conseil.
Les dépenses de fonctionnement du Conseil économique et social, qui recouvrent les indemnités des membres du Conseil et des sections, les dépenses de personnel et les dépenses de matériel, ne progressent d'ailleurs, à structure constante, que très faiblement.
Je tiens à souligner que le Conseil économique et social prend ainsi sa part dans l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Vous trouverez le détail de ces évolutions dans mon rapport écrit, mes chers collègues, car je tiens à conserver le temps de parole qui me reste pour vous présenter mes principales observations sur cette assemblée consultative.
Je me félicite, tout d'abord, qu'il soit mis fin à la dépendance dans laquelle se trouvait cette institution pour l'entretien de son bâtiment. En effet, cette dépendance était à la fois contestable sur le plan des principes et dommageable puisqu'elle engendrait de coûteux retards dans la mise en oeuvre de nécessaires travaux d'entretien.
La deuxième observation que je souhaite formuler concerne le rôle du Conseil économique et social dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques.
Le rôle de cette institution en ce domaine semble avoir été progressivement mis en extinction avec la diminution, puis la disparition des crédits provenant à cet effet du budget du Plan.
La naissance d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques permettra certainement d'atténuer les conséquences de cette évolution. Je souhaite cependant que, conformément à la volonté exprimée par M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, au cours de la réunion constitutive de cet office, « d'identifier et de recenser les futurs partenaires de cette nouvelle structure », l'expérience acquise par le Conseil économique et social dans ce domaine soit recueillie.
J'en viens maintenant à ma dernière observation, qui vise à insister sur la qualité de l'ensemble des travaux du Conseil, qui ont pu être valorisés plus particulièrement cette année dans le cadre du cinquantenaire de l'institution.
Un crédit non reconductible de 2,5 millions de francs a en effet permis au Conseil économique et social de conduire de nombreuses actions de communication au cours de cette année. Parmi celles-ci, je citerai en particulier l'édition d'un dossier pédagogique diffusé dans le cadre de l'instruction civique, la réalisation d'un document audiovisuel sur le Conseil économique et social, ainsi que l'organisation de multiples manifestations telles que des expositions ou des forums.
L'ensemble de ces observations me conduit à proposer au Sénat, au nom de la commission des finances, d'adopter, au sein du budget des services du Premier ministre, les crédits du Conseil économique et social pour 1997.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5 novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà exactement un mois, le Conseil économique et social célébrait son cinquantière anniversaire.
Comme le commissariat général du plan, il s'agit d'une institution installée après la Libération et préconisée d'ailleurs par le Conseil national de la Résistance. Le Conseil économique et social appelait d'ailleurs, dans son programme d'action, « à la reconstitution dans ses libertés traditionnelles d'un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l'organisation de la vie économique et sociale ».
Oui, il s'agit bien d'écouter, de prendre l'avis, d'entendre les forces vives du pays, celles qui ont permis de résister et celles qui ont conduit la reconstruction !
Depuis lors, le Conseil économique et social a évolué. Et si son rôle de chambre consultative n'est pas remis en cause, chacun peut déplorer la relative confidentialité qui préside à ses travaux. Les avis, les rapports du Conseil économique et social sont d'une qualité reconnue. Ils vont parfois à contre-courant, ce qui suffirait à prouver leur utilité ; mais surtout, il se font l'écho de la diversité des propositions.
La place du Conseil économique et social doit donc être revalorisée. Le Président de la République, M. Jacques Chirac, a d'ailleurs fait la déclaration suivante, lors de la célébration du cinquantième anniversaire : « Votre Conseil peut apporter, comme par le passé, une utile contribution à la quête de cet équilibre et à l'élaboration d'un modèle de développement qui mette l'économie au service de l'homme. C'est la raison d'être du Conseil économique et social ».
Malheureusement, de tels propos résistent mal à la réalité des faits et le budget du Conseil économique et social qu'il nous est proposé d'adopter ne reflète pas le souci exprimé par le Chef de l'Etat il y a un mois.
Ce projet de budget pour 1997, en baisse de 1 % par rapport à 1996, n'est pas de nature à permettre au Conseil économique et social de jouer un rôle plus important au sein de nos institutions.
Le moment est pourtant venu de permettre aux forces syndicales, à toutes les composantes de la société française de proposer de nouvelles voies pour sortir le pays du marasme. La pensée économique unique, fondée sur le double mouvement de désinflation salariale et d'inflation boursière, montre jour après jour son inefficacité et son injustice. Il est temps de donner une place plus importante aux avis, réflexions et rapports du Conseil économique et social.
C'est pour toutes ces raison que le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra voter les crédits qui sont alloués à cette institution.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Permettez-moi tout d'abord de remercier très vivement la commission des finances et son rapporteur spécial, M. Claude Lise, pour son excellente analyse du projet de budget du Conseil économique et social.
M. Lise l'a rappelé, le projet de budget pour 1997 du Conseil économique et social est légèrement supérieur à 178 millions de francs, soit une augmentation d'environ 6 % par rapport à 1996.
Cette augmentation importante est due essentiellement au transfert du programme triennal de travaux d'entretien inscrits en 1996 au budget du ministère de la culture et dont une première tranche a été réalisée cette année.
Le total des dépenses ordinaires, soit un peu moins de 167 millions de francs, est, quant à lui, en baisse de 1 % par rapport aux crédits de 1996 et, parmi ces dépenses, 67 % sont consacrés aux indemnités allouées aux 231 conseillers et 72 membres de sections qui composent l'assemblée.
Ces crédits couvrent également la subvention à la caisse de retraite des anciens membres du Conseil économique et social, qui assure le versement de 431 pensions, 184 pensions de réversion et 8 pensions d'orphelins.
La rémunération des 147 fonctionnaires et des 19 agents contractuels employés par le Conseil économique et social, qui concourent au fonctionnement de l'assemblée, représente 27 % des dépenses ordinaires.
Enfin, 6 % couvrent les frais de fonctionnement matériel, tant pour la confection des rapports établis par les neuf sections de l'assemblée - douze rapports en 1995 - que pour le fonctionnement du Palais d'Iéna, siège du Conseil économique et social.
Par ailleurs, un crédit de 900 000 francs, prélevé sur le budget des charges communes, est inscrit, au chapitre du matériel, pour couvrir les frais d'affranchissement du courrier administratif, précédemment adressé en franchise postale.
Je voudrais maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, souligner avec M. le rapporteur la qualité du travail accompli par le Conseil économique et social, dont le cinquantenaire, comme l'a rappelé M. Bécart, aura permis la valorisation.
Nous avons tous, que ce soit au Parlement ou au Gouvernement, apprécié les rapports établis par cette institution dans les domaines économique et social. Je dirai même qu'ils ont largement inspiré non seulement les travaux des assemblées, mais aussi un certain nombre de mesures gouvernementales, en particulier dans le domaine social, au moment où notre pays traverse une crise de l'emploi. En effet, très souvent, les mesures présentées par le Conseil économique et social ont été retenues par le Gouvernement et par le Parlement. Il faut le souligner, et nous devons remercier le Conseil économique et social de sa participation à l'élaboration de la loi et des règlements.
Tels sont les éléments d'information dont je souhaitais vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de vous demander de bien vouloir adopter les crédits du Conseil économique et social. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil économique et social et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 1 137 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 11 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 11 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.

IV. - PLAN

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous renvoyant aux observations contenues dans mon rapport écrit pour une présentation plus détaillée de ce projet de budget, je consacrerai mon intervention à l'évocation de quatre thèmes : les contrats de plan Etat-région et leur suivi, l'évaluation des politiques publiques, les difficultés budgétaires du commissariat général du Plan et des organismes qui gravitent autour de lui et, enfin, l'avenir de la planification.
Les crédits demandés pour 1997, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, s'élèvent à 150,2 millions de francs, soit une diminution de 6,6 % par rapport aux crédits votés en 1996. Le projet de budget du Plan contribue donc à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Cette rationalisation budgétaire concerne, pour 45 %, l'évaluation des contrats Etat-région et, pour 22 %, le commissariat général du Plan, où trois emplois sont supprimés.
Le centre supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts voit aussi les crédit mis à sa disposition diminuer de près de 5 %, tandis que le centre d'études prospectives et d'informations internationales perd un emploi. Quant aux crédits accordés aux organismes subventionnés par le commissariat général du Plan, à savoir l'institut de recherches économiques et sociales, l'IRES, l'observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, et le centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAP, ils sont reconduits par rapport à l'année précédente.
La rigueur budgétaire frappe de plein fouet les contrats de plan Etat-région, dont la durée d'exécution est prolongée d'un an. Comme le montant global des crédits affectés par l'Etat aux contrats Etat-région n'a pas changé, ses engagements financiers sont mécaniquement réduits de 2,5 milliards de francs.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si cette mesure ne risque pas de compromettre les projets d'investissement arrêtés dans les contrats Etat-région. Je voudrais souligner à ce sujet l'inquiétude des régions et des professionnels, notamment de ceux du bâtiment et des travaux publics.
L'enjeu est en effet de taille puisque, sur les 280 milliards de francs que mobilisent ces contrats, 75 milliards concernent les infrastructures routières.
Je voudrais toutefois souligner les carences du dispositif.
La troisième génération, qui correspond à la période 1994-1998, devait respecter trois principes : la contractualisation par objectif, afin de mieux satisfaire les besoins des régions en matière d'infrastructure et d'équipements publics ; la sélectivité, pour faciliter la concentration des moyens sur des thèmes prioritaires ; la diminution du recours aux financements croisés, pour mieux apprécier la rentabilité et l'intérêt des investissements publics.
Or, il apparaît que ces orientations n'ont guère été respectées.
Cette situation permet d'expliquer les difficultés rencontrées par le commissariat général du Plan pour évaluer les contrats de plan Etat-région. En effet, le caractère essentiellement bilatéral de ces contrats ne favorise guère la transparence et l'exécution des procédures.
J'espère, monsieur le ministre, que vous tiendrez compte de ces observations pour l'élaboration des prochains contrats de plan.
Le dépérissement progressif de l'évaluation des politiques publiques me paraît par ailleurs très regrettable. En effet, six ans après le lancement de l'évaluation, celle-ci offre des résultats très décevants. Le comité interministériel de l'évaluation ne s'est réuni qu'à trois reprises, la dernière réunion remontant à 1993. Seules onze évaluations sont achevées ou sont sur le point de l'être.
En outre, les délais entre la proposition d'un projet d'évaluation et la remise du rapport correspondant sont trop longs à cause d'une procédure lourde qui entraîne une importante déperdition de temps.
Votre rapporteur, mes chers collègues, regrette donc qu'en l'absence d'une volonté publique forte l'évaluation des politiques publiques n'ait pas connu le succès qu'elle méritait. Il déplore, en outre, que les moyens limités accordés au commissariat général du Plan l'aient empêché de se constituer en véritable animateur des pratiques d'évaluation dans l'administration.
Je voudrais aussi insister sur la baisse observée depuis plusieurs années des crédits accordés à l'OFCE, à l'IRES, au CREDOC et au CEPREMAP, baisse encore aggravée par des annulations systématiques de crédits en cours d'année. Sur ces quatre organismes subventionnés par le commissariat général du Plan, trois affichent un déficit pour 1996, et ce déficit risque de se maintenir en 1997.
Votre rapporteur regrette que des organismes dont la qualité des études et des recherches est reconnue par tous voient la poursuite de leurs activités compromise par la réduction de leurs subventions. Cet état de fait me paraît d'autant plus regrettable que, si la réforme du commissariat général du Plan annoncée était mise en oeuvre, ces organismes auraient à jouer un rôle majeur dans le développement de l'analyse prospective et de l'évaluation.
Encore faut-il que cette réforme ai lieu, ce dont je finis par douter.
Lors de la récente célébration du cinquantenaire du commissariat général du Plan, le chef de l'Etat lui a fixé quatre grande missions : être un outil de prospective pour anticiper les évolutions ; être un instrument d'évaluation des dépenses publiques ; être un outil de comparaison internationale pour tirer profit des expériences entreprises par les voisins de la France ; être un lieu d'échanges et de dialogue pour susciter la compréhension des réformes et l'adhésion à leur exigences.
Ce discours en faveur d'une véritable refondation du Plan tranche avec l'effritement des crédits affectés au commissariat général du Plan et la disparition de la planification au niveau national.
Constatant ce décalage, on est en droit de s'interroger sur la pérennité de la planification à la française et sur le rôle du commissariat général du Plan.
C'est pourquoi votre rapporteur souhaite que le Gouvernement s'engage à faire aboutir dans de brefs délais la réforme du Plan et prenne rapidement les mesures nécessaires pour pouvoir défendre les intérêts de la France à travers un programme économique et social cohérent, dégagé à partir de l'appui technique d'un commissariat général du Plan rénové.
Ces observations étant faites, votre rapporteur vous indique que la commission des finances s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption de ces crédits.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, je vous présentais les crédits du Plan en vous faisant part de l'attente que suscitait l'annonce d'une réforme de la planification. Douze mois plus tard, il semble que rien n'ait avancé.
Certes, cette année encore, le commissariat général a contribué à l'élaboration de plusieurs projets importants. Je pense notamment au secrétariat des quatre « groupes transversaux » chargés de contribuer à la préparation du projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire, conformément à l'article 2 de la loi d'orientation à laquelle notre commission est tout particulièrement attachée.
Néanmoins, les progrès de la réforme du Plan suscitent quelques interrogations.
Comme vous le savez, le commissariat général du Plan a fêté, cette année, son cinquantième anniversaire. A cette occasion, un colloque s'est déroulé dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Le chef de l'Etat, qui y a pris la parole, y a déclaré que des « lieux de concertation et d'évaluation des choix publics étaient indispensables », et il a ajouté qu'il convenait, en conséquence, de « redonner toute sa place au Plan ».
Je souscris pleinement, pour ma part, à l'objectif réaffirmé par le Président de la République. Cependant, je ne puis m'empêcher de m'interroger sur les raisons qui expliquent la lenteur avec laquelle la réforme du Plan est mise en place depuis 1995. En effet, depuis 1994, la réflexion va son train.
Voilà quatre ans paraissait le rapport de notre collègue député Jean de Gaulle, qui appelait à une réforme du Plan.
En 1995, un avis du Conseil économique et social suggérait de modifier la loi de 1982 sur la planification et de simplifier le processus d'élaboration du Plan.
Ces réflexions n'ont, il faut bien le reconnaître, été pour l'instant suivies d'aucun résultat pratique, ce qui est pour le moins regrettable !
On a pu, à un certain moment, avoir l'espoir, lors de la publication de la circulaire du Premier ministre du 25 juillet 1996, que la réforme allait voir le jour dans un délai raisonnable, puisque ce texte prévoyait l'élaboration d'un « outil efficace de prospective et d'évaluation des politiques publiques et de la dépense publique ».
Je considère, pour ma part, que l'heure est venue de modifier les dispositions du décret du 22 janvier 1990 relatif à l'évaluation des politiques publiques. En effet, ce texte ne permet pas aux évaluations d'aboutir dans un délai satisfaisant.
Or, comme vous le savez, une multitude d'organismes dépendant, à un titre ou à un autre, de l'exécutif effectuent des évaluations « tous azimuts » : je ne mentionnerai pour mémoire que l'agence nationale d'évaluation des pratiques médicales, ou le comité d'évaluation de la politique des villes, parmi les sept instances évaluatrices !
Je considère qu'il est indispensable de procéder à une rationalisation de l'organisation de l'évaluation en France. En effet, le commissariat général du Plan assure d'ores et déjà le secrétariat du comité interministériel de l'évaluation et du conseil supérieur de l'évaluation. Il est clair que le décret du 22 janvier 1990, qui a créé ces deux instances, mérite un toilettage, c'est le moins que l'on puisse dire !
Je crois également utile d'ajouter que le Parlement doit être particulièrement attentif en matière d'évaluation.
Comme vous le savez, deux offices parlementaires ont été créés cette année. Il s'agit de l'office parlementaire d'évaluation de la législation et de l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Je tiens à souligner que ces deux instances ne feront pas double emploi.
Avec ces deux offices, le Parlement s'est doté des moyens de conduire des évaluations. Il pourra donc, tout en respectant le principe de la séparation des pouvoirs, disposer d'une capacité autonome d'évaluation. Le champ très vaste des compétences ouvertes à chacun des deux offices est également un atout qui permet d'éviter la multiplication d'instances créées ponctuellement.
Je souhaite, pour ma part, que, dans la nouvelle organisation de l'évaluation des politiques publiques, le Parlement soit pleinement associé et qu'il tire des deux instruments dont il s'est doté le maximum d'enseignements.
Mes chers collègues, nous le constatons tous, nos concitoyens sont de plus en plus demandeurs vis-à-vis des pouvoirs publics. L'action de ces derniers doit donc être marquée par une plus grande rigueur dans la gestion des crédits publics. C'est pourquoi je suis convaincu qu'il est bel et bien nécessaire de redonner toute sa place au Plan, tout spécialement en matière de prospective et d'évaluation.
La commission des affaires économiques et du Plan est favorable à l'adoption des crédits au Plan.
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour la planification.
M. Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la délégation pour la planification a été chargée par la loi du 29 juillet 1982 d'informer le Sénat sur la préparation et l'exécution des plans nationaux.
Depuis l'abandon du XIe Plan, il n'y a plus, comme chacun le sait, de Plan, ce qu'illustrent de manière symbolique la réduction de cette discussion à sa durée minimale ainsi que la réduction des crédits budgétaires. Néanmoins, en accord avec les autorités du Sénat, la délégation pour la planification s'efforce de poursuivre sa mission d'information sur le moyen terme et vient de présenter un rapport sur les perspectives macroéconomiques à l'horizon 2001.
Avant d'en présenter les principales conclusions, je ne vous cacherai pas, monsieur le président, notre impatience dans l'attente de la réforme de la planification, impatience que le commissaire au Plan, lors de son audition récente par la délégation, n'a pas été en mesure de diminuer, ce qui est, certes, tout à fait compréhensible.
Peut-être ce débat vous donnera-t-il l'occasion de nous en dire un peu plus, monsieur le ministre, sur cette refondation de la planfication que le Président de la République ainsi que tous ceux qui sont intervenus lors du cinquantenaire du commissariat général du Plan ont souhaitée.
J'en viens au rapport d'information de la délégation sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme.
Je commencerai par une remarque préalable inspirée par la prudence. Il ne s'agit pas ici de prétendre donner une prévision. Notre horizon - c'est-à-dire le prochain siècle - est, certes, à l'échelle humaine, très proche, mais, pour les économistes, qui ont déjà du mal à avoir une vision claire du présent, il est bien trop éloigné.
Par ailleurs, des projections à moyen terme sont, par nature, moins des prévisions qu'une extrapolation des tendances en cours. En ce sens, elles nous aident surtout à mettre en évidence les questions et les choix de politique économique devant lesquels nous nous trouvons aujourd'hui.
Ainsi, les travaux d'expertise à moyen terme qui ont été réalisés à la demande du Sénat posent, à mon sens, trois questions principales.
Premièrement, quelle est la nature de la reprise économique qui, si l'on en croit la plupart des prévisionnistes, se dessine actuellement ? Il faut d'emblée indiquer que la réponse à cette question est assez décevante.
L'activité devrait, certes, s'accélérer en 1997 et en 1998, avec un taux de croissance de 2,3 %, en 1997, et de 2,5 %, en 1998, mais elle s'essoufflerait par la suite. En effet, pour les années 1999 à 2001, la croissance annuelle serait inférieure à 2 %. Ce ne serait donc pas un cycle de forte expansion qui débuterait aujourd'hui et le nombre de chômeurs pourrait, hélas ! continuer à augmenter.
Un facteur principal expliquerait l'atonie de la croissance à partir de 1998 : la faible progression des salaires, et donc de la consommation des ménages. Celle-ci trouve son origine dans le niveau élevé du chômage, qui freine les revendications salariales.
On comprend que, à la lumière de travaux de cette nature, nombre d'économistes prônent une politique salariale plus dynamique. Mais on sait aussi que, compte tenu de l'interdépendance des économies européennes, une politique salariale dynamique menée isolément par un pays profite avant tout à ses voisins et pénalise ce pays en raison de la dégradation de sa compétitivité. On voit donc qu'il n'y a pas de réponse à la question posée par l'évolution des salaires, si ce n'est à l'échelle européenne.
Deuxièmement, quelles sont les tendances financières à moyen terme de la sécurité sociale ?
Compte tenu de la réforme des régimes de retraites intervenue en 1993, réforme qui permettrait d'assurer leur équilibre jusqu'à l'horizon 2005, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de l'après-guerre, les principales difficultés de financement à moyen terme concerneraient l'assurance maladie.
A la lumière des plans de maîtrise engagés dans le passé, nous savons tous l'extrême difficulté du contrôle de la dépense de santé. Qu'en sera-t-il à moyen terme ? La réponse dépend du succès de la réforme mise en oeuvre par M. le Premier ministre.
Il faut savoir que si, après le ralentissement de 1996 et de 1997, les dépenses de santé retrouvaient leur évolution tendancielle - de l'ordre de 2,5 % par an en francs constants - des mesures financières de redressement seraient inévitables dès 1998. Celles-ci équivaudraient à une augmentation de 1 point de la contribution sociale généralisée, ce qui permettrait de stabiliser le déficit des comptes sociaux autour de 10 milliards de francs chaque année jusqu'en 2001.
Troisièmement, à quel rythme se réduirait le déficit de l'ensemble des administrations publiques ? Dans la projection qui vous est présentée, l'objectif de 3 % en 1997 serait atteint.
Si la croissance est plus élevée, la réduction des déficits sera plus rapide, mais à la condition qu'un redémarrage de l'activité ne soit pas immédiatement mis à profit pour baisser les impôts.
La vision la plus pessimiste consiste à considérer que chaque pays européen mène isolément des politiques rigoureuses en attendant de ses voisins qu'ils soutiennent sa propre croissance. Or, on voit bien que l'addition de ces comportements engendrerait un scénario bien pire que celui que je vous ai décrit.
Une vision beaucoup plus optimiste, et je terminerai sur cette note d'espoir, serait celle d'une forte reprise cyclique, comme en 1986-1990, coïncidant avec une forte baisse des taux d'intérêt à long terme, consécutive à l'union monétaire. Il faut en effet rappeler que la baisse des taux d'intérêt est l'une des vertus essentielles que l'on reconnaissait à l'union monétaire de l'Europe lorsque le principe en a été conçu. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5 novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Le budget du Plan qu'il nous est proposé de discuter est, sans aucun doute, le plus mauvais du genre jamais présenté depuis la création du commissariat général du Plan, dans l'immédiat après-guerre.
A l'époque, l'objectif de cette planification n'était nullement d'instaurer une économie dirigiste. Il s'agissait de permettre une maîtrise nationale et publique des grands secteurs moteurs de notre économie, une régulation de l'économie de marché. Force est de constater que cette option à laquelle adhéraient tous les mouvements politiques et syndicaux partie prenante du Conseil national de la Résistance fut judicieuse.
La reconstruction du pays et son développement se sont forgés à partir de l'intervention publique, qui vise à privilégier « le citoyen plutôt que le consommateur », comme le souligne l'actuel commissaire général au Plan.
L'Etat abandonnant au marché le soin de tout régir, il est clair que la planification ne joue plus le même rôle. A titre d'exemple, on voit ce que cela donne dans le domaine du transport routier de marchandises. Le laisser-faire, en ce domaine, a été à l'origine d'une déréglementation et d'une pratique de dumping social de la route par rapport au fer et à la voie d'eau. On aboutit ainsi à des situations inadmissibles où l'on voit des salariés effectuer des heures de travail non rémunérées et être obligés d'enfreindre les règles, la sécurité la plus élémentaire n'étant alors plus assurée.
C'est à la lumière d'un tel exemple que l'on comprend que la planification française avait du bon.
Certes, on nous dit maintenant qu'il ne peut plus en être ainsi. M. le Président de la République a d'ailleurs expliqué, lors de la célébration du cinquantième anniversaire du commissariat général du Plan, que l'utilité de la planification devait désormais résider dans la compréhension de l'avenir et l'évaluation des politiques publiques.
Qui pourrait ne pas souscrire à cet objectif ? Le problème est que le souhait entre en contradiction avec les actes. En trois ans, on a pu noter, notamment, la disparition du centre d'étude des revenus et des coûts, qui devait être remplacé par un organisme mieux maîtrisé par le pouvoir, les diminutions successives des aides aux chercheurs et aux organismes de prospective, la baisse du budget pour 1997, le Plan voyant ses crédits diminuer de 6,6 %, soit de 8,5 % en francs constants, sans parler de la lenteur de la réforme du Plan, qui avait été annoncée il y a quelques années déjà.
Autant de signes que la volonté politique n'existe pas, ou peu, au plus haut niveau de l'Etat, pour rénover la planification et remettre en place une réelle cohérence de la politique économique et sociale.
S'agissant, enfin, des contrats de plan Etat-région, la décision unilatérale du Gouvernement de prolonger d'un an, pour la porter à six ans, la durée de ces contrats pose bien évidemment problème. Un tel étalement, monsieur le ministre, provoque de grandes difficultés pour les entreprises, notamment les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui sont appelées à répondre aux marchés d'équipements publics.
En conclusion, ces crédits ne permettent pas au commissariat général du Plan et aux organismes qui lui sont rattachés de remplir leur mission dans de bonnes conditions. A l'inverse, une planification rénovée, prenant appui sur le secteur public, pourrait être l'un des outils pour retrouver la croissance. Pour l'heure, nous ne pourrons pas voter ce budget tel qu'il nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je tiens d'abord à remercier les rapporteurs, M. Moreigne, pour la commission des finances, M. Jean Boyer, pour la commission des affaires économiques et du Plan, dont le Gouvernement a apprécié l'excellent travail.
Je voudrais remercier également M. Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification, des informations précieuses et des conseils qu'il vient de nous donner.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse qui a été faite de l'évolution des crédits inscrits au budget du Plan.
Comme l'ont souligné avec pertinence MM. les rapporteurs, l'apparente diminution des crédits doit être relativisée. En effet, elle est notamment due à une importante mesure nouvelle non reconductible, d'un montant de 1,5 million de francs, inscrite en 1996 au titre des cérémonies du cinquantenaire du commissariat général du Plan. Elle est due aussi à une baisse des dotations du chapitre supportant tout à la fois les dépenses d'études de cet organisme et les dépenses liées à l'évaluation des politiques publiques, qui doit être appréciée au regard des importants reports de crédits sur ce chapitre.
De plus, la dotation de 670 000 francs, inscrite jusqu'en 1996 au budget du Plan au titre du fonctionnement de la commission française du développement durable, est transférée, pour 1997, au budget de l'environnement. Par ailleurs, il convient de noter que les crédits d'intervention du Plan sont reconduits, en 1997, au niveau de ceux de la loi de finances pour 1996 et qu'ils ne subissent donc aucune mesure d'économie.
En ce qui concerne, plus fondamentalement, l'avenir de la planification nationale, sur lequel vos rapporteurs s'interrogent, je voudrais, si besoin en était, les rassurer pleinement.
Le Gouvernement est tout particulièrement attaché à l'existence d'une institution qui doit être tout à la fois un lieu de concertation sociale, de réflexion prospective, d'évaluation des politiques publiques et de mise en cohérence de l'action publique dans une perspective de moyen et de long terme.
C'est là, comme vous l'avez rappelé, ce que le Président de la République a affirmé avec force lors de son discours de clôture des cérémonies du cinquantenaire du Plan, le 24 mai dernier, en parlant d'une véritable « refondation du Plan ».
Sur la base notamment du rapport de M. Jean de Gaulle, député, et des propositions du commissaire au Plan, un projet de réforme est actuellement en discussion depuis que les offices parlementaires d'évaluation sont créés. Il s'agit de redonner au commissariat général du Plan la place qui doit être la sienne dans l'Etat.
Le commissariat général du Plan doit contribuer à animer et à coordonner les dispositifs publics d'évaluation des politiques publiques, ainsi que les réflexions prospectives nécessaires pour éclairer les choix collectifs.
Pôle public de concertation, de prospective et d'évaluation, le Plan retrouvera ainsi sa vocation à assurer la cohérence de l'Etat, qui était inscrite dès sa création, et contribuera à l'amélioration de la productivité de la dépense publique, qui est, mesdames, messieurs les sénateurs, une nécessité pour le redressement de nos finances publiques.
Je voudrais maintenant donner quelques éléments de réponse aux deux rapporteurs, MM. Michel Moreigne et Jean Boyer.
En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région, il est clair, messieurs les rapporteurs, qu'il faut améliorer la procédure par un cadrage national plus rigoureux, par une évaluation plus systématique des résultats obtenus et par un suivi plus efficace.
Pour ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques, je peux vous affirmer que c'est un des objectifs majeurs de la réforme du Plan.
Enfin, en ce qui concerne la réforme du Plan, vous savez qu'un projet de décret est en cours d'élaboration. Je peux vous affirmer que le travail interministériel est déjà bien avancé.
Je dois vous rappeler que le Gouvernement n'est pas responsable de cette situation, puisque ce sont les assemblées elles-mêmes qui ont élaboré des propositions de loi en vue de mettre en place les offices d'évaluation, et qu'il n'a donc été possible de commencer réellement à travailler qu'une fois votée la création de ces offices parlementaires d'évaluation.
M. Bécart a évoqué les organismes rattachés, tels que l'OFCE ou le CEPII. C'est bien cela, monsieur Bécart ?
M. Jean-Luc Bécart. A peu près ! M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Il est vrai, vous l'avez dit, monsieur Bécart, que lesbudgets ont baissé au cours des dernières années. Mais je vous ferai observer qu'ils n'ont pas été réduits cette année, ce qui est exceptionnel, vous en conviendrez, dans le climat budgétaire actuel. Cela démontre que l'utilité de ces organismes et leur sérieux sont bien reconnus.
Voilà les éléments d'information que je souhaitais donner à la Haute Assemblée. Je suis persuadé que Mmes et MM. les sénateurs, qui sont très attachés au Plan, voteront ces crédits avec beaucoup de conviction. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 7 415 166 francs ».
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, moins 500 000 francs. »
Personne de demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 5 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 2 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant aux titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.

Budget annexe des Journaux officiels

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des Journaux officiels.
Je suis heureux d'accueillir M. le directeur des Journaux officiels, qui assiste traditionnellement à nos débats sur ce budget.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur les points essentiels qui permettent à la direction des Journaux officiels d'établir et présenter un projet de budget pour 1997 amélioré, prometteur, redevenu source d'exédents.
Les mesures appliquées en 1996 se sont révélées efficaces. Recettes et dépenses d'exploitation pour 1997 sont en équilibre et progressent de 5,4 % avec des dépenses qui augmentent de 65 millions de francs au titre de la prise en charge des frais d'expédition.
La gestion se normalise. Elle présente même un caractère très positif : elle permet une participation de 10 millions de francs aux dépenses d'amortissement. Les dépenses en salaires sont limitées à 2,1 % de progression, pour un personnel qui restera fixe : 603 employés et 10 fonctionnaires.
Le projet de budget pour 1997 s'en trouve amélioré en valeur absolue, passant de 860 millions de francs à 906 millions de francs, ce qui permettra de disposer de crédits pour réaliser la rénovation de bâtiments devenus vétustes et des remises à niveau en matière de sécurité.
Le projet de budget pour 1997 est également prometteur. Une modernisation est intervenue depuis 1992 ; on en perçoit les effets avec le nouveau système informatique, le changement de la chaîne d'impression. Il est également prometteur pour les hommes et les femmes qui travaillent au Journal officiel, puisqu'il ouvre des possibilités d'adaptation des procédures de travail, d'aménagement du temps de travail et de formation qui sont ambitieuses et qui visent à répondre aux évolutions professionnelles.
Ce projet de budget est prometteur car, pour les productions, on note une progression des bulletins annexes et une chute de la sous-traitance de moitié depuis 1994. En 1996, le nombre de pages imprimées s'élève à 3,6 milliards ; en l'an 2000, il pourrait atteindre 4,6 milliards.
Ce chiffre, qui vous surprend très certainement, mes chers collègues, démontre les performances du service public.
Les propositions budgétaires s'affirment, en 1997, sur des objectifs faits d'efforts de production, de valorisation de l'offre de service, d'élargissement d'audience et de gestion réaliste et efficace.
Ce budget est amélioré et prometteur. Il redevient source d'excédents, avec une proposition de reversement au Trésor de 38,5 millions de francs - c'était le niveau de 1994 - contre 14 millions de francs en 1996.
Dans un projet de loi de finances où, sur vingt-huit budgets civils, vingt-cinq sont en baisse, où déficit, réduction des dépenses deviennent des leitmotive, le Sénat ne peut qu'apprécier les progrès réalisés cette année.
Le projet de budget présente, certes, encore des insuffisances et des imperfections. Votre rapporteur en a noté deux, l'une concernant les productions, l'autre relative aux personnels.
Tout d'abord, des adaptations nouvelles se révèlent nécessaires pour restreindre la différence entre les recettes et les dépenses dans la vente des productions. Une revalorisation du prix de vente s'impose ainsi que des nouveaux tarifs d'abonnement, avec une refonte des trois éditions du Bulletin officiel des annonces des marchés publics, une revalorisation des prix du Bulletin officiel des annonces légales obligatoires et des annexes des Journaux officiels, car ils n'ont pas été modifiés depuis 1987.
Des propositions de majoration des tarifs sont nécessaires ; elles sont prévues dans le projet de budget.
En ce qui concerne les personnels, le problème du régime spécifique des pensions demeure toujours sans solution immédiate. Les personnels se prononcent en faveur du maintien du système actuel aux Journaux officiels et du respect des droits acquis, après avoir été contraints de subir des licenciements au cours de ces dernières années.
Des études sont en cours, des projets sont préparés, dont celui qui consiste à transférer les régimes spécifiques des Journaux officiels sur d'autres régimes comme l'AGIRC et l'ARRCO.
Les négociations doivent se poursuivre avec franchise et confiance dans leur issue.
En conclusion, votre rapporteur vous propose d'adopter ce projet de budget. Il vous propose également de partager son avis selon lequel l'exercice en régie de l'impression des publications légales ne saurait être critiqué sur le seul fondement d'une directive européenne assujettissant les marchés publics aux règles de la concurrence.
La diffusion des débats parlementaires et de la norme juridique relèvent non pas de l'industrie privée mais d'une obligation constitutionnelle de l'Etat. Par ailleurs, le droit français ou européen est satisfait dès lors qu'il s'agit d'une activité équilibrée.
Nous sommes persuadés, mes chers collègues, que le budget voté en 1997 donnera à la direction des Journaux officiels et à l'ensemble de la communauté des Journaux officiels - chefs de service, encadrement, salariés - les moyens de réaliser les trois grandes orientations du Plan « Horizon 2000 » que je me permets de rappeler : conforter la direction des Journaux officiels dans son rôle d'acteur du secteur public, renforcer l'efficacité de la direction des Journaux officiels, accroître la réactivité de la direction des Journaux officiels.
En votant ce projet de budget, nous donnerons au Journal officiel de la République française les moyens de son développement, et nous affirmerons une confiance renouvelée à la direction des Journaux officiels pour qu'elle poursuive sa tâche de service public.
Le Journal officiel peut encore s'améliorer. Cette institution, la plus ancienne de la République, nous devons la servir comme elle a servi les républiques qui se sont succédé. Votre vote signifiera aussi la confiance dans la direction, la maîtrise, les ouvriers des Journaux officiels.
Le monopole des Journaux officiels, avec ses spécificités ne sauraient être mis en cause, d'autant plus qu'il démontre son efficacité.
Réfléchir sur une évolution des Journaux officiels ne peut que conduire à une confirmation, un épanouissement de ses structures actuelles.
C'est la conviction de votre rapporteur de la commission des finances et du Sénat, j'en suis certaine.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d'abord, de remercier vivement Mme Marie-Claude Beaudeau pour l'excellence et la pertinence de son rapport.
Le projet de budget pour 1997 de la direction des Journaux officiels table - vous le savez - sur une augmentation à peu près identique - de l'ordre de 5,2 % - des recettes et des dépenses du budget annexe par rapport aux montants figurant dans la loi de finances de 1996.
La poursuite d'une augmentation régulière du volume des annonces et un réajustement tarifaire de 2 % du prix des annonces et des produits de diffusion, l'an prochain, permettent d'escompter un montant de recettes de 906 millions de francs en 1997.
Au-delà de l'augmentation de 2,5 % des charges, qui est liée à celle de la production et des coûts, l'accroissement des dépenses d'exploitation résulte, pour l'essentiel, de la remise à niveau de deux postes de dépenses ; d'une part, des dépenses d'expédition, pour tenir compte des hausses de tarifs postaux ; d'autre part, de la dotation aux amortissements, pour tenir compte de l'importance de l'investissement réalisé à l'occasion du plan de modernisation.
Au total, ce projet de budget dégage un excédent d'exploitation de 38,5 millions de francs qui, joint à une dotation aux amortissements de 27 millions de francs, permet de financer les investissements envisagés et un reversement au budget général équivalant à cet excédent d'exploitation, soit 38,5 millions de francs, tout en assurant une augmentation du fonds de roulement de 8,4 millions de francs.
Ce projet de budget atteste ainsi très clairement de la santé financière de la direction des Journaux officiels. Cela est d'autant plus remarquable que le budget annexe des Journaux officiels a été et continue d'être fortement affecté par l'augmentation, en 1995, de 40 % du prix du papier et par la suppression, en 1996, de la franchise postale, qui lui coûte, en année pleine, plus de 60 millions de francs.
Il atteste aussi de la vitalité des Journaux officiels, dont l'activité interne de production a augmenté de 25 % en deux ans, tandis que ses effectifs baissaient d'un peu plus de 5 % dans le même temps. C'est dire l'efficacité dont la direction des Journaux officiels a su faire preuve pour concrétiser les potentialités ouvertes par le vaste plan de modernisation qu'elle a su mener à bien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux m'associer aux félicitations de Mme le rapporteur spécial et, au nom du Gouvernement, remercier à mon tour la direction, les cadres, les employés et toutes les personnes qui concourent à faire des Journaux officiels des journaux de qualité que le Parlement et le Gouvernement apprécient quotidiennement et qui constituent un exemple non seulement dans notre République, mais aussi, bien souvent, en Europe. Je tenais, monsieur le président, à leur présenter, avec Mme Beaudeau, les félicitations du Gouvernement.
M. le président. Le Sénat tout entier s'associe à vous deux dans cet hommage.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits, 801 020 718 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « I. - Autorisations de programme, 16 877 000 francs ;
« II. - Crédits, 104 979 282 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme inscrites au paragraphe I de l'article 41 et les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 42.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.

Environnement

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au risque de paraître iconoclaste, mais animé par la volonté de lutter contre une coûteuse idée reçue, je dirai que le seul vrai reproche que j'adresse à ce budget concerne l'apparente progression de ses crédits.
Je m'explique.
Je me dois en effet de rappeler, non seulement en tant que rapporteur de la commission des finances mais aussi en tant qu'élu responsable, qu'on ne peut en même temps affirmer le caractère indispensable de la réduction des déficits et réclamer des crédits supplémentaires pour chaque secteur pris individuellement.
Pour ma part, c'est une discipline que je m'efforce de respecter, sachant qu'il serait tellement plus aisé de tenir un autre discours !
Chacun d'entre nous a en effet la responsabilité de veiller à la diminution des charges de structure de la « maison France » et de refuser la facilité qui consiste à penser que chaque budget n'est qu'une portion peu significative de l'ensemble.
Le budget de l'environnement pour 1997 n'a pas échappé à l'impératif médiatique qui impose une annonce de moyens financiers en hausse pour rendre une politique crédible.
La mise en oeuvre de la loi sur l'air explique, en réalité, largement la hausse des crédits de ce budget.
A cet égard, je regrette que ce projet n'ait pas été assorti d'une étude d'impact permettant de mesurer le coût des mesures contraignantes qu'il comporte. Je pense, en particulier, à celui des pistes cyclables que les collectivités locales vont désormais devoir inclure dans leurs voies urbaines à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation de celles-ci.
L'absence de chiffrage de ce type de mesures, qui ne font pas toujours l'objet d'une importante concertation préalable, vient en effet périodiquement fragiliser les plans financiers des gestionnaires locaux.
Il serait dommage que ces objectifs puissent un jour susciter des attitudes de rejet en raison de l'insuffisante évaluation financière préalable.
J'en viens à l'analyse des crédits de ce budget.
Les crédits demandés pour 1997 au titre du ministère de l'environnement s'élèvent à 1,86 milliard de francs, soit une progression de 5,88 % par rapport aux crédits votés pour 1996.
Parallèlement, les autorisations de programme demandées s'élèvent à près de 800 millions de francs, en hausse de 1,33 % par rapport à l'exercice précédent.
Cette progression d'ensemble résulte très largement de la forte hausse de l'agrégat « prévention des pollutions et des risques », qui traduit l'impact des mesures financières correspondant à la mise en oeuvre de la loi sur l'air.
Pour synthétiser la présentation des différents aspects de ce budget, je dirai qu'il finance tout d'abord une administration et, surtout, qu'il comporte principalement les crédits destinés à la protection de la nature et des paysages, à la lutte contre les pollutions, ainsi que ceux qui sont consacrés à la politique de l'eau.
En ce qui concerne l'administration générale, je note une stabilité affichée au prix d'une forte réduction des dépenses d'équipement.
Regroupant près du tiers des moyens de paiement du ministère, 562,68 millions de francs, cet agrégat connaît en effet une très légère baisse de ses crédits, de 0,22 %.
Cette évolution d'ensemble recouvre, d'une part, une progression des moyens des services liée au transfert de vingt-sept emplois en provenance de la direction de l'architecture et de l'urbanisme du ministère de l'équipement au sein de la direction de la nature et des paysages.
Ce transfert est la conséquence de la réorganisation de la politique des sites et du paysage au profit du ministère de l'environnement. Je salue ce regroupement qui constitue un bon exemple d'action dans le cadre d'une réforme de l'Etat qu'on souhaiterait voir plus largement mise en oeuvre par le Gouvernement.
Ces augmentations sont, d'autre part, plus que compensées par une réduction des crédits de paiement destinés aux opérations de regroupement sur des sites uniques des services des directions régionales de l'environnement, les DIREN.
En ce qui concerne la protection de la nature et des paysages, les crédits sont préservés.
Principal intervenant public dans ce domaine, le ministère de l'environnement consacre plus du quart de ses moyens de paiement - près de 500 millions de francs - et plus de 38 % de ses autorisations de programme - 305 millions de francs - à ce poste dans le budget de 1997.
Je note cependant que la préservation des moyens de fonctionnement des parcs nationaux, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres des parcs naturels régionaux ou des réserves naturelles s'accompagne de réductions importantes des subventions d'équipement accordées à ces différentes institutions en raison de l'étalement sur une année supplémentaire des crédits prévus dans les contrats de plan.
S'agissant de la prévention des pollutions et des risques, il faut relever l'impact de la loi sur l'air.
Cet agrégat représentera, en 1997, 20,59 % des moyens de paiement du ministère contre, moins de 14,5 % en 1996, et 24,3 % de ses autorisations de programme, contre 7,7 % en 1996.
Avec 383 millions de francs en moyens de paiement et 191 millions de francs en autorisations de programme, cet agrégat connaît une forte croissance de ses crédits.
La hausse des crédits de cet agrégat résulte, en effet, des financements budgétaires dégagés pour financer l'extension et l'amélioration du réseau de surveillance de la qualité de l'air, ainsi que le renforcement des études conduites dans ce domaine.
En ce qui concerne la protection de l'eau et des milieux aquatiques, l'institution d'un fonds de concours des agences de l'eau vient fortement alléger les dépenses de l'Etat consacrées à cette action.
Le financement de la politique de l'eau représente 14 % des crédits du ministère en moyens de paiement - 262 millions de francs - et 24 % - 191 millions de francs - de ses autorisations de programme, contre 35 % en 1996.
Après une forte progression, en 1995, des crédits consacrés à cet agrégat, progression liée notamment à la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire grandeur nature » et « Prévention des risques », et suivie d'une stabilisation en 1996, l'année 1997 est en effet caractérisée par une décroissance des moyens engagés par l'Etat dans ce domaine.
Cette forte réduction est la conséquence de la création d'un fonds de concours alimenté par les agences de l'eau, qui sont ainsi associées à hauteur de 110 millions de francs au financement du plan de prévention des risques naturels prévisibles, ce qui correspond à 1 % du budget des agences.
La recherche connaît, quant à elle, un léger resserrement de ses moyens - 79 millions de francs contre 80 millions de francs. Je tiens à souligner, au-delà des crédits du ministère, l'importance de la contribution de la recherche en matière d'environnement : 2,73 milliards de francs sur les 10 milliards de francs consacrés par l'Etat à l'environnement, tous ministères confondus.
Enfin, au sein de l'agrégat « connaissance de l'environnement et coopération internationale », la commission des finances s'est félicitée de la suppression du fonds d'intervention pour la qualité de la vie.
Cette suppression constitue un aboutissement conforme aux observations de la commission des finances sur la gestion des « chapitres réservoirs ». Ce chapitre, inscrit au titre VI - subventions d'équipement - servait en effet souvent au financement de dépenses de fonctionnement.
Avant de conclure cette analyse, je m'arrêterai quelques instants sur les principales sources d'économies que comporte ce budget.
La principale économie résulte de ce qui est, en fait, une débudgétisation partielle du financement de la politique de l'eau.
Le Gouvernement a, en effet, institué un fonds de concours qui sera abondé à hauteur de 110 millions de francs par an par les agences de l'eau, dans le cadre du VIIe programme d'intervention de ces agences, qui couvrira la période 1997-2001.
Il s'agit d'une débudgétisation dans la mesure où les crédits budgétaires correspondants du ministère de l'environnement diminuent dans des proportions comparables.
Toutefois, je me félicite, à ce sujet, de la décision du Gouvernement de stabiliser dans ce cadre, pour la période 1997/2001, les redevances des agences de l'eau au même niveau qu'en 1996.
L'autre grande source d'économie provient des importantes réductions - pour un montant total de près de 50 millions de francs - des subventions accordées à un certain nombre d'établissements publics sur lesquels le ministère de l'environnement exerce sa tutelle. Ces réductions concernent en particulier l'institut national de l'environnement industriel et des risques - l'INERIS - pour 18,65 millions de francs, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'ADEME - pour 16 millions de francs, le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour 7,72 millions de francs, l'institut français de l'environnement - l'IFEN - pour 2,99 millions de francs ou encore les parcs nationaux, pour 1,7 million de francs.
Pour conclure, je rappelle que les collectivités locales consacrent une part importante de leurs budgets à l'environnement : 111 milliards de francs en 1995. Or, je tiens à préciser qu'étant donné la situation des budgets des collectivités locales celles-ci ne pourront pas toujours assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales.
MM. Marcel Lesbros et Christian Bonnet. Bravo !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Madame le ministre, nous comptons donc sur vous pour veiller à la maîtrise de la part de la dépense publique dont vous avez la charge.
Nous comptons en effet sur votre dynamisme pour mener le combat essentiel en faveur de l'environnement, tout en veillant à la préservation des deniers publics.
C'est dans cet esprit que la commission des finances m'a chargé de demander au Sénat d'approuver vos crédits pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR).
M. le président. La parole est à M. Hugo, rapporteur pour avis.
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un contexte affirmé de maîtrise des dépenses publiques, les crédits inscrits au budget du ministère de l'environnement dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent à 1,861 milliard de francs, en progression de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 1996. M. Adnot, rapporteur spécial, nous en a retracé le détail avec une grande clarté.
Cette évolution confirme la priorité accordée par le Gouvernement à la protection de l'environnement, notamment pour la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi sur l'air, qui sera adopté avant la fin de l'année, ce dont je me réjouis.
A « périmètre constant », en réalité, le budget du ministère de l'environnement diminue légèrement, mais les effets de cette baisse sont atténués par la création d'un fonds de concours annuel de 110 millions de francs provenant des ressources des agences de l'eau et mis à la disposition du ministère pour financer la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire grandeur nature » et « Prévention des risques naturels ».
Faut-il saluer le mérite du ministre de l'environnement d'avoir su trouver ainsi des ressources nouvelles ou s'interroger sur les conséquences de la débudgétisation partielle du financement de la politique de l'eau ?
D'aucuns se sont inquiétés de ce prélèvement opéré sur les agences, qui est, il faut le noter, autorisé par la loi du 16 décembre 1964 à condition qu'il serve à des opérations relevant de la compétence et du périmètre des agences. Ce prélèvement - cela a été dit et il faut le souligner à nouveau - ne représente que 1 % des ressources des agences. Le principe du fonds, qui permet d'identifier l'utilisation des crédits, est donc bon et je souhaite, madame le ministre, que les agences soient très directement associées à la définition des politiques mises en oeuvre grâce à ce prélèvement.
Etant tenu de respecter un temps de parole qui, cette année, est extrêmement bref, je m'en tiendrai, madame le ministre, à quelques observations sur des priorités en matière d'environnement, qui représentent autant de points sensibles pour les collectivités locales : la gestion de l'eau, celle des déchets et la définition des espaces protégés à travers le réseau Natura 2000.
Arrêtons-nous un instant sur le budget des agences de l'eau, qui est indépendant du budget du ministère, pour signaler que le montant global des crédits destinés à financer les travaux programmés pour l'ensemble du XIIe programme est arrêté à 107 milliards de francs.
Le principe d'une stabilisation des prélèvements, et donc du niveau global des redevances, a été retenu.
Néanmoins, compte tenu des investissements à réaliser, notamment en matière d'assainissement - secteur qui devrait représenter plus de 50 % des travaux aidés par les agences de l'eau dans l'optique du XIIe programme - le prix de l'eau devrait continuer à augmenter sur la base de 5 % par an en francs courants entre 1996 et 2001.
En effet, en raison des dispositions de la directive européenne du 21 mai 1991, qui impose à l'échéance de 2005 une obligation générale de traitement des eaux usées pour toutes les collectivités de plus de 2 000 équivalents-habitants, les investissements à venir sont particulièrement lourds pour les communes situées en zone rurale, et des solutions adaptées telles que l'assainissement autonome sont à rechercher.
Enfin, sur le plan européen, j'appuie la position du Gouvernement français qui, dans les négociations entamées sur une refonte générale de la réglementation sur l'eau, défend une position permettant d'améliorer la situation sur le plan sanitaire, tout en étant raisonnable sur le plan économique, notamment en ce qui concerne la réduction de la teneur en plomb dans l'eau.
En ce qui concerne le traitement des déchets ménagers, force est de constater, à cinq ans des échéances fixées par la loi du 13 juillet 1992 pour l'élimination des décharges de déchets ménagers, que les collectivités locales sont confrontées à un enjeu économique démesuré dans le choix des outils à mettre en oeuvre.
Les collectivités locales n'auront sans doute pas la capacité financière de supporter le coût de ces investissements. Selon les estimations de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'application stricte de la loi de 1992 devrait coûter environ 61 milliards de francs aux communes d'ici à 2002.
Or, si, globalement, le coût de traitement des ordures ménagères est sensiblement équivalent quel que soit le système choisi, il ne se répercute pas de la même manière selon qu'est retenue l'incinération ou la décharge « hypersécuritaire ».
La valorisation énergétique est-elle la seule solution à développer alors que c'est une solution vraiment coûteuse ? Quelles sont les solutions alternatives, notamment pour les communes rurales ?
Enfin, madame le ministre, vous comprendrez que les inquiétudes et les réactions hostiles de la plupart des élus et de l'ensemble des acteurs économiques en milieu rural, au fur et à mesure du déroulement de la procédure devant aboutir à la constitution du réseau Natura 2000 prévue par la directive du 21 mai 1992, sont en grande partie dues à un défaut d'explication et de concertation dont la responsabilité incombe aux ministres successivement chargés du dossier.
Le Gouvernement a suspendu l'application de la directive ainsi que les consultations locales pour engager des discussions avec la Commission afin de clarifier certains points d'application de la directive et d'obtenir confirmation que les activités agricoles, forestières et cynégétiques seront toujours autorisées dans les sites retenus.
Je souhaite, madame le ministre, que vous fassiez le point sur les compléments d'information attendus de Bruxelles et sur la manière dont vous entendez poursuivre la mise en oeuvre de la procédure permettant la constitution du réseau Natura 2000. J'insiste sur la nécessité qu'il y a à réaliser un effort d'explication sans précédent, accompagné d'une réelle concertation avec l'ensemble des élus locaux et des acteurs économiques du monde rural.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'environnement pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les excellents et très complets rapports de MM. Adnot et Hugo, je me contenterai de faire quelques brèves observations.
Le budget du ministère de l'environnement pour 1997 comporte des éléments très positifs : il y a, bien sûr, son taux de progression de 5,8 %, qui ne met pas en péril le redressement des finances de l'Etat puisque ce budget ne représentera que 0,14 % du budget général ; il y a surtout la marque d'une volonté de réaliser sans faiblesse ni retard un certain nombre d'actions phares auxquelles nous attachons beaucoup d'importance.
J'observe tout d'abord avec satisfaction que l'Etat s'est donné les moyens de réaliser dans les temps le programme prévu de contrôle de la qualité de l'air.
J'observe avec la même satisfaction que la relance de la politique de l'air n'affectera pas, en 1997, le financement de la quatrième année d'exécution du plan « Loire grandeur nature » et du plan de restauration des rivières.
La commission des affaires culturelles, qui l'année dernière, avait estimé essentiel pour la crédibilité de la politique de l'environnement l'exécution du plan « Loire grandeur nature » selon l'échéancier prévu, ne peut que se réjouir que ce soit une nouvelle fois le cas en 1997. J'appelle d'ailleurs, d'ores et déjà, votre attention, madame le ministre, sur les six années qui restent à courir.
Ces politiques sectorielles, lancées pour une durée déterminée en vue d'objectifs bien définis, souvent en partenariat avec les collectivités locales, en plus de leur valeur intrinsèque, me semblent avoir l'intérêt de constituer autant de signaux adressés à l'opinion. Il est donc essentiel d'éviter qu'elles ne se transforment en démonstration de contre-performance.
Les moyens de les mettre en oeuvre sont divers et votre budget le montre bien puisqu'il amorce la débudgétisation des engagements contractés par l'Etat dans le cadre de sa politique de gestion des rivières.
C'est un des points sur lesquels il me faut nuancer l'approbation globale que la commission des affaires culturelles porte à l'égard de votre action.
Le fonds de concours de 120 millions de francs qui permettra aux agences de l'eau de participer en 1997 au financement du plan « Loire grandeur nature » et du plan « rivières » ne représente qu'environ 1 % de leur ressources et ne mettra certes pas en péril leurs capacités de financement.
Il n'en reste pas moins que le recours à ce type de procédé pour financer une politique de l'Etat peut inquiéter alors qu'en raison de l'adoption de la loi sur l'air le poids des programmes pluriannuels va s'accentuer et va donner plus de rigidité au budget de votre ministère.
Dans le même temps, les ressources disponibles hors du budget général de l'Etat m'apparaissent de plus en plus limitées. Je rappelle que les prélèvements obligatoires des établissements publics sous tutelle de votre ministère ont progressé de 50 % depuis quatre ans. Je rappelle aussi que les dépenses des collectivités locales, au titre de l'environnement, représentent près de 90 % de la dépense publique dans ce secteur. Il sera donc difficile, me semble-t-il, d'augmenter ces interventions.
Il ne me reste guère de temps pour aborder les autres politiques de votre ministère, en particulier la protection de la nature et des paysages, à laquelle notre commission s'est particulièrement intéressée cette année.
Je noterai simplement que les seuls véritables problèmes susceptibles de se manifester, en 1997, concerneront les réserves naturelles. En effet, les moyens de paiement, en légère réduction, ne permettront pas de financer le lancement prévu de dix nouvelles réserves. C'est une somme d'environ 3 millions de francs qu'il faudrait trouver pour assurer le développement de cette politique utile et efficace.
Pourrez-vous, madame le ministre, nous donner des assurances à cet égard ?
Je vais conclure mon intervention en évoquant les problèmes que pose la mise en place du réseau Natura 2000. Les collectivités locales et l'opinion publique se sont cabrées en découvrant cet objet administratif européen non encore pleinement identifié ! ( Sourires. )
Le Premier ministre a su répondre à cette inquiétude en gelant l'application de la directive « habitats », en attendant que la Commission européenne précise les modalités de gestion des sites Natura 2000. Il importe, en effet, d'établir avec la plus grande clarté - je rejoins ici notre collègue Bernard-Charles Hugo - que l'objectif recherché est non pas de sanctuariser ces sites mais d'y mettre en oeuvre des techniques de développement durable selon des modalités juridiques et financières préalablement définies.
Il me reste à indiquer au Sénat que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'environnement pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je m'honore d'avoir, depuis trente ans et plus, préservé l'environnement, tant dans ma commune de Carnac que dans mon canton de Belle-Ile-en-Mer.
Votre prédécesseur, M. Barnier, a inauguré, en 1993, une des stations les plus performantes en matière d'épuration au pays d'Auray, qui a par ailleurs été, en 1971 le premier à construire une usine de traitement des ordures ménagères. Je vous dis tout cela pour vous faire comprendre à quel point les problèmes dont vous avez la charge me tiennent à coeur.
Cela étant, les élus de toutes tendances sont de plus en plus exaspérés par les contraintes de toutes sortes qui viennent, au mieux, alourdir et, trop souvent, paralyser la gestion des collectivités qu'ils sont chargés d'administrer. (Applaudissements.)
Au cours du congrès de l'Association des maires de France, le président Delevoye a été ovationné lorsqu'il a dénoncé ce qu'il a appelé « le terrorisme des normes », contre lequel le rapporteur spécial, M. Adnot, vient à l'instant de vous mettre opportunément en garde.
Mardi soir, le conseil général du Morbihan a adopté à l'unanimité une motion demandant au Premier ministre « que soient ramenés à la raison les responsables publics qui, obsédés par la recherche illusoire d'une société à « risque zéro » ne cessent d'accabler le pays sous le poids de réglementations de plus en plus insupportables, tant pour les finances publiques que pour le budget des particuliers, assorties de dates butoirs impossibles à respecter ». (MM. Marcel Lesbros et André Rouvière applaudissent.) Hier, dans cet hémicycle, lors de la discussion du budget de la décentralisation, notre éminent collègue M. Delevoye est revenu à la charge, et d'autres avec lui, contre cette lèpre bureaucratique qui, selon, décourage ou enrage les décideurs. Vous aurez compris que je me situe plutôt du côté des seconds. ( Sourires .)
Notre excellent collègue M. Hugo, qui a évoqué un risque économique démesuré dans son rapport écrit, évalue à 61 milliards de francs d'ici à 2002 le coût de la mise en place des dispositifs d'élimination des déchets. En réalité, les prévisions les plus récentes et les plus sérieuses, qui émanent des travaux actuellement en cours à la commission des finances, permettent de penser qu'il s'agira plutôt de 100 milliards de francs et que la date de 2002 ne pourra être respectée dans un domaine où, au demeurant, de nouvelles techniques moins onéreuses commencent à se faire jour.
M. Marcel Lesbros. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est impossible !
M. Christian Bonnet. Trop c'est trop ! Alors, madame le ministre, avec beaucoup de gravité, je conclurai mon propos en vous mettant, à mon tour, en garde contre des excès dont le premier résultat serait de remettre en cause une politique de sauvegarde de l'environnement à laquelle, non sans mérite parfois, nous restons encore très attachés, ce qui fait que le groupe des Républicains et Indépendants votera nolens volens votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants du RPR et de l'Union centriste. - M. André Rouvière applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, parce qu'il touche nos concitoyens au quotidien, influe sur la qualité de vie, conditionne l'avenir de l'humanité et de la planète tout entière, l'environnement occupe une place de plus en plus importante dans les politiques publiques et privées.
Ainsi, dans toutes les communes, quelle que soit leur taille, se pose la question de l'épuration des eaux usées, de la collecte et du traitement des déchets, du contrôle de la qualité de l'eau, etc.
Dans toutes les entreprises dignes de ce nom, les responsables s'interrogent et agissent pour réduire au minimum les rejets nocifs, pour recycler les matériaux, pour épargner la nature.
Ce mouvement de fond se traduit bien évidemment en chiffres : d'après le rapport Tesse, 300 milliards de francs étaient consacrés à l'environnement dans l'Europe des Douze en 1989. Ce montant de 600 milliards de francs, soit le double, en 1999 ! Votre budget, madame le ministre, et les efforts faits par le Gouvernement ne sont pas en reste. C'est pourquoi je voudrais, mes chers collègues, développer trois raisons qui me permettent de saluer positivement ce projet de budget.
Première raison : ce budget, d'un montant de 1,861 milliard de francs, est en hausse de 5,9 % par rapport à l'an passé. Cette progression de 103 millions de francs porte la part de ce ministère à 0,13 % du budget de la nation. D'apparence modeste, ce pourcentage traduit cependant un doublement par rapport aux années quatre-vingt et culmine à un niveau jamais atteint jusqu'à présent.
Mais, pour avoir une vue plus complète et plus juste de l'effort réel consenti par la collectivité nationale, il faut ajouter à ce budget les crédits des établissements publics et ceux qui sont consacrés à l'environnement par les autres ministères.
Ainsi, sans parler des efforts des communes, des conseils généraux, des conseils régionaux, des entreprises publiques et privées, si l'on additionne au budget du ministère 1 milliard de francs de taxes perçues par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, 10 milliards de francs collectés par les agences de l'eau, 9 milliards de francs consacrés à l'environnement par les autres ministères et 0,85 milliard de francs par l'office national de la consommation, l'ONC, et le conseil supérieur de la pêche, nous arrivons à un montant de près de 22,5 milliards de francs !
Mais cette embellie ne doit pas masquer quelques raisons de désappointement.
Parmi celles-ci figure en bonne place l'annulation de crédits décidée en novembre et qui touche votre ministère de façon sensible.
Je ne veux pas non plus passer sous silence le fait que, si nous ôtons les 200 millions de francs destinés à la surveillance de la qualité de l'air, pour les autres secteurs le budget marque une diminution de 5,5 %.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Philippe Richert. Celle-ci est compensée par un reversement de 110 millions de francs des agences de l'eau permettant ainsi à l'Etat d'honorer ses engagements. Mais ne nous faisons pas d'illusions : ou bien les agences réduiront leur participation aux programmes des collectivités, ce qui serait dommage, ou bien elles reconstitueront leurs budgets en ponctionnant davantage le consommateur d'eau par des taxes qui seront augmentées d'autant, et ce malgré les promesses. Or, le prix de l'eau a connu ces dernières années de véritables envolées, et les tarifs exorbitants sont de plus en plus difficilement acceptés par les familles.
Fallait-il, dès lors, pour permettre à l'Etat d'honorer ses engagements, ponctionner les agences ? Je souhaite vivement que cette opération ne soit pas susceptible de se répéter d'année en année.
Deuxième raison de satisfaction : grâce à ce budget, le ministère de l'environnement préserve ses capacités d'intervention dans la plupart des domaines relevant de sa compétence. Il en est ainsi, en particulier, de la politique de l'eau, de l'air, du plan « grandeur nature » Loire, du conservatoire du littoral, etc.
Permettez-moi cependant, madame le ministre, d'attirer votre attention sur quelques points pour lesquels les montants affichés risquent de poser quelques problèmes.
Je voudrais d'abord parler de la résorption des sites pollués « orphelins », c'est-à-dire du retraitement d'anciens dépôts pour lesquels on ne peut pas se retourner contre le responsable des désordres soit parce qu'on ne le connaît pas, soit parce qu'il a disparu.
Pour 1997, la taxe sur les déchets industriels spéciaux va rapporter 90 millions de francs. Ces crédits permettront le lancement de plusieurs opérations de résorption, et je m'en félicite. Mais, à ce rythme, il faudra des décennies pour arriver à nos fins. Or, ces sites constituent, ne l'oublions pas, chers collègues, de véritables bombes à retardement qui peuvent polluer nos nappes et nos rivières à n'importe quel moment. Je crois, madame le ministre, qu'il faudra suivre ce dossier avec beaucoup d'attention. De toute façon, les pollutions du sol méritent, de façon générale, une intervention plus énergique.
Un autre point qui me pose problème est la diminution importante, de 82 millions de francs, des crédits destinés aux emplois « verts ».
En effet, ces emplois correspondent pour la plupart à des acteurs de terrain, des protecteurs de la nature, convaincus et efficaces, de véritables leviers agissants des associations. Réduire les crédits qui leur sont destinés dans de telles proportions, n'est-ce pas donner à l'action du ministère en matière d'environnement une dimension de plus en plus technique qui ignore le terrain, la découverte de milieux précieux, l'entretien des écosystèmes sensibles ? Otez-moi cette crainte, madame le ministre, et voyons comment nous pouvons faire pour éviter que cette dérive ne décourage ceux qui, sur le terrain, sont si efficaces et depuis si longtemps !
Toujours sur le chapitre des interrogations concernant l'intervention du ministère, permettez-moi d'aborder un dernier point : l'avenir de l'ADEME et de ses délégations régionales.
Je ne conteste pas le fait que les acteurs en matière d'environnement qui dépendent de l'Etat soient nombreux : ministère, ADEME, DRIRE, DIREN, ONF, ONC, et j'en passe. Mais je ne voudrais pas qu'une réorganisation soit effectuée en catimini, sans qu'un débat parlementaire ait lieu. Pourquoi ces propos ? Tout simplement parce que j'ai constaté, à l'occasion de la discussion de la loi sur l'air, que l'outil de gestion des taxes sur les déchets et la pollution atmosphérique n'avait pas le vent en poupe pour gérer les nouveaux crédits affectés à la surveillance de la qualité de l'air.
A mes interrogations vous aviez répondu, madame le ministre, qu'il n'y avait pas de volonté du ministère d'aller dans le sens d'une restriction de l'activité de l'ADEME. Et pourtant, quand j'examine le montant des crédits prévu pour l'ADEME dans ce projet de budget, je constate une diminution non négligeable.
Je viens d'apprendre, enfin, qu'en plusieurs régions - là encore, est-ce un hasard ? -, sur l'initiative du ministère, semble-t-il, est menée une expérience qui consiste à fusionner la DIREN et la délégation régionale de l'ADEME, le délégué régional de l'ADEME devenant l'adjoint du DIREN.
Qu'on me comprenne bien : je n'ai rien contre les économies d'échelle, au contraire, ni contre la recherche du meilleur rapport coût-efficacité de vos services, mais je n'apprécie que modérément que cela se passe sans qu'il y ait débat sur l'organisation future optimale.
La troisième raison de mon approbation tient au respect de vos engagements, madame le ministre, quant à la mise en oeuvre de la loi sur l'air. Vous allez même au-delà puisque vous précédez par l'action l'adoption définitive de la loi afin d'éviter que des retards fâcheux n'interviennent.
La surveillance de la qualité de l'air s'en trouvera considérablement améliorée et les dispositifs de réduction des pollutions permettront d'enregistrer à moyen et long terme des progrès considérables.
Permettez-moi simplement de rappeler la nécessité non seulement de conforter les réseaux sur le terrain - cela se fait déjà - mais encore de renforcer, au niveau national, le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air.
Pour que les réseaux puissent fournir des données fiables, il est nécessaire d'avoir un étalon d'air transposable, des appareils certifiés, des technologies éprouvées : d'où la nécessité de renforcer les moyens du laboratoire national des essais et de l'institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS.
J'ai bien lu votre réponse à l'Assemblée nationale relative à la réduction des crédits de l'INERIS, et j'avoue ne pas avoir été totalement convaincu par le nouveau mode de relations financières qui a été établi avec cet organisme.
Voilà, madame le ministre, les trois raisons, parfois un peu nuancées, qui me permettent d'approuver le budget que vous nous présentez.
Avant de terminer, je voudrais encore définir deux champs qui me paraissent aujourd'hui mériter des investigations plus poussées de la part de votre ministère.
J'évoquerai, tout d'abord, la politique des espaces naturels.
Le débat qui s'est instauré autour de Natura 2000 montre qu'il faut avoir une vision plus claire des différentes strates d'intervention.
A l'échelon national, nous disposons d'outils particulièrement efficaces : les réserves naturelles et les parcs nationaux, d'une part, le conservatoire du littoral, d'autre part. Ils correspondent à la protection de nos milieux et espaces les plus précieux, de nos « monuments naturels ». Ces politiques doivent être poursuivies parce qu'elles sont efficaces.
En revanche, pour ce qui concerne les parcs naturels régionaux et les arrêtés de protection de biotope, force est de reconnaître que, là où les moyens ainsi que l'implication locale font défaut, malheureusement, l'occasion de donner tout leur rayonnement à ces outils est facilement perdue. Pourquoi ? Tout simplement, parce que ces actions sont fondées davantage sur le volontarisme que sur des mesures de protection institutionnelles.
C'est pourquoi, selon moi, il sera nécessaire de mettre en place un dispositif léger, en s'appuyant sur un concept qui s'est dégagé ici et qui s'est concrétisé dans l'institution de la fondation du patrimoine.
J'ose espérer, madame le ministre, que vous ferez en sorte que la fondation du patrimoine puisse dégager des moyens pour la protection des espaces présentant un intérêt local ou un intérêt régional. A défaut, je ne vois pas comment nous continuerons à les protéger.
Je veux également évoquer ici le statut de l'animal.
Il est urgent d'engager une réflexion globale sur ce sujet plutôt que de répondre au coup par coup, quand les cormorans dérangent les pêcheurs, quand la « vache folle » fait trembler l'Europe entière, quand les chevaux transportés dans des conditions inadmissibles meurent dans les camions. Il faut traiter ces questions avant que les extrémistes de tout poil, des extrémistes souvent acharnés, ne s'en emparent.
Que ferons-nous lorsque des animaux de boucherie au génome modifié viendront sur le marché ?
M. Emmanuel Hamel. Il faudra nommer Brigitte Bardot chargé de mission !
M. Alain Vasselle. Bonne idée ! (Sourires.)
M. Philippe Richert. Je pense que tous ces problèmes doivent être traités avant que nous ne soyons, un jour ou l'autre, confrontés à une situation urgente, face à laquelle nous devrons réagir à chaud, sans avoir le recul nécessaire.
En conclusion, madame le ministre, je me joindrai à certains des orateurs qui m'ont précédé pour souhaiter que nos différentes politiques ne soient pas simplement juxtaposées ou empilées et pour que l'efficacité maximale soit recherchée, afin d'éviter que, demain, le contribuable, qui est souvent aussi un citoyen sensible à la protection de l'environnement, ne s'estime par trop « ponctionné » et ne se détourne de cette préoccupation essentielle.
Bien sûr, madame le ministre, le groupe de l'Union centriste approuvera le projet de budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté atteste la priorité accordée par le Gouvernement à l'action en faveur de l'environnement.
Dans un contexte budgétaire empreint d'une très grande rigueur, cette évolution positive est d'autant plus appréciable, madame le ministre, que l'on constate une stabilisation de vos effectifs.
Cette progression est due essentiellement à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et elle montre bien que l'action principale du Gouvernement dans ce domaine est la lutte contre la pollution atmosphérique.
Ce budget ayant été parfaitement présenté par nos trois éminents rapporteurs, je limiterai mon intervention à deux points : les difficultés rencontrées par les collectivités dans la gestion des déchets ménagers, d'une part, la conservation de la faune et de la flore sauvages, d'autre part.
Affectant la plupart des activités économiques et sociales, l'environnement doit nécessairement être pris en charge par l'ensemble des autorités publiques. Devant une demande sociale forte, les collectivités locales, particulièrement concernées, ont, depuis plusieurs années, lancé des initiatives et développé des politiques incitatives dans le domaine de la protection de l'environnement, faisant preuve de volontarisme en la matière.
Toutefois, il convient de souligner que les transferts de compétences qui ont suivi, en France, le mouvement de décentralisation ont ignoré l'environnement, alors même que l'article 1er de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences dispose : « Les communes, les départements et les régions concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ».
Bien que la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ait eu pour principal objet de clarifier cette répartition des compétences en matière d'environnement, il existe, à mon sens, un réel manque de cohérence, à cet égard, entre le droit et la pratique.
C'est en vertu de la nature même des politiques d'environnement que les collectivités de base se sont vu confier la gestion des services publics de proximité, tels que l'alimentation en eau potable, l'assainissement ou la collecte des déchets ménagers.
La prise en charge de ce nouveau secteur d'intervention s'explique par une demande sociale forte, émanant d'une population de plus en plus sensible à la qualité du cadre de vie et, par ailleurs, aux dégâts provoqués par un urbanisme mal maîtrisé.
Ce phénomène se répercute sur les budgets locaux. En effet, même si les montants consacrés à la protection de l'environnement restent assez faibles, les charges supportées à ce titre par les collectivités locales représentent désormais une part importante des dépenses environnementales publiques et pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages.
Le coût de ces services - M. Bernard Hugo a parlé de 61 milliards de francs et M. Bonnet a indiqué qu'on pourrait aller jusqu'à 100 milliards de francs - deviendra, à mon sens, de plus en plus insupportable pour de nombreuses familles, notamment les plus modestes.
A ce jour, les quelques simulations effectuées - j'en ai réalisé une concernant mon département - démontrent que les services des ordures ménagères peuvent représenter une contribution annuelle égale, voire supérieure, à la taxe d'habitation, notamment en milieu rural.
M. Christian Bonnet. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Quand on y ajoute la charge que représentera également le service de l'eau, on constate que nous allons aboutir à un niveau de contribution pour les services qui contrariera très fortement l'effort que le Gouvernement vient de décider en matière de baisse des prélèvements obligatoires.
M. Christian Bonnet. Et voilà !
M. Alain Vasselle. Le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui traduit l'évolution des moyens consacrés au traitement des déchets ménagers résultant de la loi du 2 février 1995, par le biais d'une revalorisation, année par année, du montant de la taxe sur les déchets ménagers mis en décharge.
Ainsi, à partir du 1er janvier 1997, la taxe sera de 35 francs par tonne de déchets et son produit devrait atteindre, au cours de l'année, 770 millions de francs. Cette somme devrait contribuer au financement des équipements d'incinération, de compostage, de collecte sélective et de recyclage des déchets ménagers, l'objectif étant la disparition de toute mise en décharge brute des déchets ménagers en 2002. Est-ce vraiment réaliste ?
D'ailleurs, madame le ministre, dans ce projet de budget, il y a en fait un glissement de la contribution du budget de l'Etat aux concours de l'ADEME, glissement qui est compensé par la taxe que vont, en définitive, payer nos collectivités locales, et donc les usagers, à travers le tonnage qui est mis en décharge. On ne peut que le regretter.
J'aurais souhaité, pour ce qui me concerne, que l'Etat maintienne, au moins pendant les quelques années qui vont s'écouler jusqu'à ce que l'ensemble du territoire national soit couvert par les schémas départementaux, son effort au même niveau, concurremment à l'effort consenti par nos concitoyens et les collectivités locales à travers la taxe ADEME. Ainsi aurait-on pu espérer voir les concours financiers de l'Etat atténuer l'effort que les communes vont être appelées à consentir en matière d'investissement.
Certes, l'Europe n'est pas étrangère aux normes qui s'imposent à nous. Si les eurocrates avaient un peu plus la connaissance du terrain, nous n'en serions certainement pas là ! Madame le ministre, je vous en prie, appelez-les à un peu plus de réalisme !
Les efforts du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires risquent, comme je l'ai souligné tout à l'heure, d'être anéantis par l'effet cumulatif du coût des services liés aux déchets, à l'eau et, plus récemment, à l'air.
La suppression des mises en décharge sauvage et la réhabilitation des sites pollués orphelins sont des objectifs certes nécessaires, mais beaucoup trop ambitieux, surtout à l'horizon de l'année 2002.
Chacun convient d'ailleurs aujourd'hui, sur tous les bancs des assemblées parlementaires, mais aussi le Gouvernement et M. le Premier ministre lui-même, que j'avais interrogé à l'occasion d'une réunion qui s'était tenue ici, que les échéances auxquelles nous sommes confrontés posent aujourd'hui problème. Il a pratiquement renvoyé la balle dans votre camp. Aussi, j'attends de vous, madame le ministre, des éléments de réponse de nature à apaiser nos inquiétudes. Réussirons-nous à vous convaincre, vous qui avez la responsabilité de ce domaine d'intervention ? Je l'espère.
Ainsi, l'instauration des plans départementaux de gestion des déchets ménagers et assimilés pose le problème de leur mise en oeuvre et de leur financement. En effet, au 31 décembre 1996, tous les départements auront dû approuver leur schéma départemental. Qu'en est-il aujourd'hui ? Alors que nous sommes pratiquement au début du mois de décembre, près de 40 % des départements ne l'ont pas fait.
Comment peut-on raisonnablement penser aujourd'hui que l'échéance de 2002 pourra être respectée ? Il conviendrait donc de se poser la question du report de cette échéance. Des négociations doivent être engagées, y compris, s'il le fallait, à l'échelon européen, pour y parvenir.
De plus, la plupart de ces plans prévoient la réalisation d'équipements lourds, tels que la construction d'usines d'incinération, dont le coût se situe, le plus souvent, entre 300 millions et 400 millions de francs.
Les collectivités territoriales, qui sont les principales contributrices de la taxe, devront investir à due proportion pour s'équiper en installations modernes, sans compter les surcoûts engendrés par les récentes mises aux normes qui ont été décidées dans la loi sur l'air en ce qui concerne le traitement des fumées des usines d'incinération.
Ce n'est certainement pas avec le produit de la taxe spéciale de mise en décharge que percevra l'ADEME, dont le produit est aujourd'hui estimé à quelque 3 milliards de francs, que nous permettrons aux collectivités locales de maîtriser le coût de cet investissement !
C'est pourquoi je ne vois, pour ma part, d'autre solution, madame le ministre, que celle qui consiste à mobiliser l'ensemble des partenaires locaux et l'Etat. Ainsi, devront participer au financement de ces nouvelles installations non seulement les communes, dès lors qu'il relève de leurs propres compétences, mais aussi les régions et les départements, dans la mesure où leurs moyens le leur permettent, de par leur rôle de soutien aux collectivités locales.
J'ai eu l'occasion de visiter l'usine d'incinération implantée à Saint-Ouen-l'Aumône, dont M. Richard est le maire. J'ai ainsi pu constater que des politiques différentes étaient menées d'un département à l'autre.
M. Christian Bonnet. Absolument !
M. Alain Vasselle. La région d'Ile-de-France a accepté de consacrer 90 millions de francs au financement de cette usine et le département du Val-d'Oise une somme équivalente, ce qui réduit d'autant le niveau de contribution des collectivités territoriales.
Mais toutes les régions françaises n'ont pas le même potentiel fiscal que la région d'Ile-de-France. De même, tous les départements français ne peuvent être comparés à celui du Val-d'Oise ou à celui des Hauts-de-Seine, qui peuvent apporter une contribution financière à ces installations. Des petits départements, comme la Creuse ou la Lozère, seront bien incapables de participer au financement de tels équipements. Tous les partenaires devront donc être mobilisés.
J'en viens aux propositions que je souhaite soumettre à votre réflexion.
Un premier pas a déjà été accompli en ce qui concerne la réduction du taux de la TVA pour les services d'assainissement et de traitement des déchets et j'espère que cette mesure pourra rapidement entrer en vigueur.
En effet, s'exprimant sur un amendement déposé par nos collègues MM. Marini, Eckenspieller et Delevoye et tendant à obtenir une diminution du taux de la TVA sur ces services, M. Lamassoure nous a répondu qu'il créerait un groupe de travail chargé de réfléchir sur les conditions dans lesquelles cette disposition pourrait être envisagée. Mais ce ne sera certainement pas suffisant.
J'avais déjà demandé à votre prédécesseur, M. Barnier, que les collectivités locales puissent bénéficier de prêts à taux réduits sur une durée de trente à quarante ans pour financer ce type d'investissement. M. Barnier avait simplement pu me répondre qu'il avait réussi à débloquer auprès des caisses prêteuses, telles que le Crédit local de France ou la Caisse des dépôts et consignations, une enveloppe de 2 milliards de francs pour ces prêts. Or, cette somme n'est pas suffisante. Compte tenu du coût des investissements, il faudrait débloquer plusieurs milliards de francs, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, du Crédit local de France, mais aussi d'autres banques, pour permettre aux collectivités de les financer.
Il faudra également augmenter le concours de l'ADEME et mobiliser davantage les concours de l'Etat, même s'ils sont modestes, par le biais de la DDR et de la DGE.
M. Christian Bonnet. Il existe aussi des techniques moins coûteuses !
M. Alain Vasselle. Comme vient de le dire M. Bonnet, il faudrait essayer de trouver des solutions techniques qui soient moins coûteuses que celles de l'usine d'incinération.
M. Bernard Hugo suggérait la construction de décharges contrôlées aux nouvelles normes. Mais il faudrait savoir si l'exploitation de telles décharges ne reviendrait pas aussi cher qu'une usine d'incinération. Nous avons procédé à une analyse, dans mon département, et nous nous sommes rendu compte que les coûts étaient tout aussi insupportables.
En outre, encore faut-il trouver dans nos départements les sites susceptibles d'accueillir ces déchets ménagers !
M. Christian Bonnet. Voilà la difficulté !
M. Alain Vasselle. Ces sites commencent à devenir très rares et, malheureusement, la seule solution risque de résider dans l'usine d'incinération.
Le second point que je souhaite évoquer concerne la régulation de la faune.
La préservation d'un environnement de qualité, adapté à l'homme, passe avant toute chose, me semble-t-il, par la protection de la nature pour elle-même, pour sa propre conservation et pour son propre équilibre biologique et écologique.
Ainsi, dans le cadre d'une action générale de protection de l'environnement, il est nécessaire de se préoccuper de la gestion et de la régulation des espèces.
En la matière, peu de compétences sont aujourd'hui dévolues aux collectivités locales en termes de protection de la faune et de la flore. Les régions sont chargées de la gestion des parcs naturels régionaux, et les départements ont la faculté d'acquérir des espaces naturels sensibles grâce à la taxe sur les espaces sensibles. L'essentiel des politiques est donc conduit par l'Etat.
Il serait, par conséquent, souhaitable d'encourager les actions visant à maintenir l'équilibre écologique et biologique de notre environnement.
Dans cette optique, ne pourrions-nous pas envisager de déconcentrer au moins une partie du pouvoir réglementaire en matière de régulation des espèces à l'échelon départemental, en assouplissant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, qui sont souvent trop contraignantes ? Ainsi serait-il souhaitable que les préfets et les maires puissent décider de mener en commun des actions locales en vue de la régulation des prédateurs, tels que buses, busards, renards ou hérons.
Certes, un premier pas a été franchi grâce à vous, madame le ministre - il faut le reconnaître et vous en remercier - pour les cormorans. Vous avez en effet engagé une politique tendant à maîtriser pour partie la prolifération de ces prédateurs. Mais il est d'autres espèces, tels que les busards, les hérons et les renards. Ces derniers, à la suite des campagnes de vaccination contre la rage, ont proliféré sur l'ensemble du territoire national, à tel point que l'on voit un nombre de plus en plus élevé de ces animaux tués sur les routes. Voilà qui montre bien que le nombre de ces animaux a beaucoup progressé, ce qui contribue au déséquilibre de la petite faune sauvage, qui est menacée dans un certain nombre de départements !
Le Gouvernement a décidé de porter les quotas de prélèvement, en ce qui concerne les cormorans, de 5 % à 10 %, un dépassement de cette limite pouvant être autorisé par le préfet dans les cas particuliers de départements à très forte concentration d'étangs. Il faudrait maintenant engager une politique similaire pour les autres espèces.
Il m'apparaît également souhaitable d'inciter à l'aménagement et à la gestion des espaces en vue de préserver la petite faune et de contribuer à son développement. Il est en effet devenu nécessaire de contribuer au maintien et à la reconstitution de biotopes favorables à la conservation des espèces ainsi qu'à la valorisation durable de l'activité cynégétique, en harmonie avec les autres activités socio-économiques.
Il serait donc judicieux de favoriser le développement des jachères faunistiques - c'est déjà fait pour partie, mais on peut aller plus loin - lieux de refuge, de nidification, de reproduction et d'alimentation, particulièrement recherchés par la petite faune, en autorisant le semis de variétés de plantes non autorisées jusqu'à ce jour dans les jachères, tels que le millet, le maïs et le sarrasin.
En outre, il serait souhaitable d'inciter les propriétaires et les gestionnaires de territoires de chasse à aménager ceux-ci par la plantation de haies, la création de talus et un aménagement parcellaire des cultures, afin de contribuer à l'accueil de la petite faune sauvage et à son développement grâce à un territoire mieux structuré.
Enfin, il conviendrait d'engager une réflexion qui pourrait conduire à une meilleure définition de l'éthique de la chasse. Je n'ai pas connaissance de dispositions réglementaires ou législatives qui précisent les conditions dans lesquelles ce sport peut être pratiqué. Toutefois, nos concitoyens souhaitent une définition de cette éthique de la chasse. Il convient en effet de déterminer les conditions dans lesquelles doit être réintroduit le gibier d'élevage dans le milieu naturel.
En disant cela, je sais que je tiens peut-être des propos un peu provocateurs...
M. Philippe Richert. Mais non !
M. Alain Vasselle. ... et que je vais me mettre à dos un certain nombre d'éleveurs de gibiers, mais nous devons prendre conscience de ce problème, car, si nous ne le faisons pas immédiatement, des mesures seront nécessairement prises, un jour ou l'autre, et elles seront si coercitives que l'ensemble de ce sport que constitue la chasse sera menacé dans son existence même.
Pour conclure, je m'associe aux propos tenus par l'ensemble de mes collègues concernant le réseau Natura 2000. Les propriétaires forestiers, les exploitants agricoles et les chasseurs ont été très préoccupés par les dispositions contenues dans les directives européennes et les circulaires ministérielles. Il faut remercier M. le Premier ministre et vous-même, madame le ministre, d'avoir bloqué ce dossier et de mettre à profit le temps qui nous reste pour recueillir un maximum d'informations, afin que nous sachions comment fonctionneront ces sites et quelles seront les contraintes, s'il en est, qui s'imposeront à ceux qui jouent un rôle dans l'ensemble de ces zones.
Peut-être allez-vous penser, compte tenu des critiques que j'ai émises, que je serai réservé sur le vote de votre budget ; il n'en est rien. L'ensemble des membres du groupe du RPR et moi-même vous apportons notre soutien. Nous vous faisons confiance par avance pour faire progresser les propositions que nous avons formulées, afin que, notamment en matière de déchets, vous apportiez quelques apaisements aux inquiétudes de l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget de l'environnement ne peut que nous laisser particulièrement dubitatifs. En effet, derrière certains artifices de présentation donnant à penser que ce budget est en progression, on assiste, en fait, à toute une série de reculs dans des domaines extrêmement importants.
Le rapporteur de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, membre de la majorité, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en analysant, trop gentiment, votre projet de budget : « La multiplication des textes législatifs et réglementaires qui caractérise la protection de l'environnement depuis le début de la décennie contraste avec la modestie des moyens dont dispose le ministère chargé de les mettre en oeuvre. »
En effet, en données chiffrées, les crédits de paiement du budget du ministère de l'environnement progressent de 5,8 % par rapport à la loi de finances de 1996, mais les autorisations de programme n'augmentent, quant à elles, que de 1,3 % par rapport à 1996 et correspondent donc à une baisse en francs constants.
A l'exception des crédits en faveur de la politique de prévention des pollutions et des risques, l'ensemble des dotations chutent considérablement, qu'il s'agisse de la connaissance de l'environnement et de la coopération internationale, de la recherche ou encore de la protection de l'eau et des milieux aquatiques.
Globalement, on peut dire que l'augmentation des crédits de paiement masque mal une diminution de l'ensemble des actions du ministère de l'environnement. Alors que les besoins n'ont, en fait, jamais été aussi grands, le désengagement budgétaire de l'Etat en faveur de l'environnement est bel et bien confirmé.
Ce projet de loi de finances pourrait bien sonner le glas de toute action volontaire de l'Etat en faveur d'un développement équilibré des territoires. On constate, en effet, une baisse de 15 % des crédits du bleu « aménagement du territoire », une inconsistance du fonds de gestion de l'espace rural et une diminution, pour la deuxième année consécutive, des crédits en faveur de la protection de la nature.
Force est de constater que, dans le même temps, les dépenses des collectivités locales au titre de la protection de l'environnement et de la gestion des ressources naturelles ne cessent de croître, pour représenter aujourd'hui 90 % de la dépense publique.
Permettez, madame le ministre, au maire de Vaison-la-Romaine de s'inquiéter tout particulièrement de ce qui apparaît bel et bien, dans votre budget, comme une remise en cause du plan national de prévention des risques naturels majeurs du 24 janvier 1994.
Je vous rappelle que, à la suite des événements de Vaison-la-Romaine, en septembre 1992, et de la Séchilienne, le gouvernement Balladur avait annoncé la mise en place d'un plan décennal. Parmi les mesures arrêtées, citons l'élaboration de plans de prévention des risques naturels prévisibles concernant deux mille communes, pour lesquels l'Etat ne mobilise que 200 millions de francs sur dix ans.
En 1997, la dotation est simplement reconduite et le programme ne pourra donc vraisemblablement pas être respecté, compte tenu notamment des baisses de crédits en faveur de la politique de l'eau.
En outre, ce projet de budget ne prend pas en considération les exigences législatives en matière de traitement des déchets et de politique de l'eau ; il ne permettra pas la mise en oeuvre des objectifs ambitieux retenus dans les lois des 31 janvier et 13 juillet 1992. Les moyens de financement demeurent particulièrement insuffisants. Ils ne permettront pas d'assister les collectivités locales dans la mise en oeuvre de ces dispositions législatives. Je me permets donc de vous interroger : qui va payer ?
Les collectivités locales devront-elles, pour pallier une nouvelle carence de l'Etat en ce domaine - une nouvelle fois, il prescrit, mais il ne finance pas - proposer à nos concitoyens une augmentation importante des impôts locaux ? Elles ne le pourront pas !
Il en est de même de votre volonté de faire financer une partie de la politique d'entretien des cours d'eau et de la restauration des zones d'expansion des crues par un prélèvement de 110 millions de francs sur les ressources des agences de l'eau.
Je m'interroge sur les conséquences d'une telle ponction. Les agences de l'eau, partenaires des collectivités locales pour l'exécution des travaux d'intérêt commun au bassin, auront comme alternative soit une diminution des aides accordées aux collectivités, soit une augmentation correspondante des prélèvements effectués auprès des particuliers consommateurs.
De même, madame le ministre, en matière de prévention des inondations, vous connaissez toutes les conséquences qui s'attachent à l'interprétation restrictive de l'article 2-3 du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 pris en application de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1988, qui prévoit l'exclusion de l'assiette du FCTVA des dépenses réalisées pour le compte de tiers non bénéficiaires. Cela conduit à exclure du bénéfice du fonds les dépenses liées à l'entretien des rivières et des ouvrages de protection contre les inondations et effectuées par des intervenants publics sur des portions privatives de cours d'eau.
Tous les syndicats de rivières connaissent, de ce fait, de grandes difficultés financières, car les dossiers ont été montés par les services de l'Etat en tenant compte de la récupération de la TVA.
Dès le mois de juin, à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue à ce sujet, vous avez annoncé que vous vous engagiez, d'une part, à trouver dans votre budget une partie des sommes nécessaires pour compenser le non-remboursement de la TVA et, d'autre part, à intervenir auprès de votre collègue du budget afin qu'un effort financier complémentaire puisse être consenti. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Rien ne paraît avoir été fait. Pourtant, ce dossier est frappé du sceau de l'urgence. N'avons-nous pas, dans le passé, suffisamment payé les conséquences d'une politique financière bien trop faible en ce domaine ? Faut-il d'autres victimes pour trouver les moyens financiers ?
Aujourd'hui, aucun intervenant public, a fortiori aucun particulier, n'a plus les moyens financiers suffisants pour aménager et entretenir les cours d'eau. Si l'Etat n'aide pas, de façon significative, les collectivités à réaliser ces grands travaux, rien ne pourra être fait. Face à cette situation, quelle solution proposez-vous ?
Enfin, autre sujet, à de multiples reprises j'ai tenu, en collaboration avec Jean Besson, mon collègue de la Drôme, à vous alerter sur les nuisances sonores qu'engendre le survol de nos départements par des avions-écoles de la base de Salon-de-Provence.
Bien que ce dossier soit de la responsabilité directe du ministère de la défense, vous avez, semble-t-il, programmé la mise en oeuvre d'une étude technique permettant de résoudre ou d'atténuer ces agressions phoniques qui nuisent à notre qualité de vie et à l'activité économique essentielle pour notre région qu'est le tourisme.
En conséquence, madame le ministre, quels moyens ont été affectés à cette étude et quand disposerons-nous des premières conclusions ?
Dans l'attente de réponses plus précises, je ne crains pas d'affirmer, madame le ministre, que, au lieu d'être une priorité, dans la loi de finances, votre budget s'apparente, hélas ! à un budget de renoncement, ce qui est particulièrement préoccupant pour nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la brièveté du temps qui nous est imparti dans la discussion d'un sujet aussi important que l'environnement nous oblige à tracer à grands traits l'analyse d'un budget que nous estimons bien insuffisant.
Le Gouvernement annonce une augmentation de 5,9 % du budget de l'environnement. Loin de vouloir nous livrer à une querelle de pourcentages, nous savons, les uns et les autres, combien l'« épaisseur » du budget de votre ministère, madame le ministre, ne permettra pas de satisfaire la réelle volonté de nos concitoyens de vivre dans un environnement de qualité.
Le budget de l'environnement atteint 1 861 millions de francs, mais votre ministère voit son champ de compétence grandement élargi par de nouvelles attributions en matière de protection des sites : 110 millions de francs proviennent d'un transfert des ministères de l'industrie et de l'équipement pour abonder les 200 millions de francs annoncés lors de la présentation du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Nous savons néanmoins que, quelle que soit votre bonne volonté, ces vrais-faux apports nouveaux ne permettront pas de relever les défis écologiques auxquels notre pays doit faire face.
Qualité de l'air, bruit, gestion des déchets, gestion de l'eau, prévention des risques, qualité du cadre de vie, protection des sites et des paysages, effet de serre, participation à la protection de l'environnement à l'échelon international : la liste des défis qui se font jour n'est pas exhaustive et les enjeux environnementaux sont réellement des enjeux de demain.
L'institut français de l'environnement vient de publier un ouvrage dressant l'état des lieux de l'environnement par thème et par région : « L'Alsace compte dix-neuf établissements relevant de la directive du 24 juin 1982 concernant les risques majeurs, l'Aquitaine a connu une importante dégradation de ses eaux superficielles, l'Auvergne envoie encore 90 % de ses déchets ménagers en décharge alors que cette pratique doit disparaître à l'horizon 2000, la Bretagne détient la plus grande densité d'élevages de type industriel et, du même coup, le plus fort taux de nitrate dans l'eau... ».
En milieu urbain, les enjeux ne sont pas moindres. En Ile-de-France, 10 % de la population de la petite couronne est exposée à un bruit supérieur à soixante-dix décibels. De multiples nuisances sont liées au développement des transports partout dans nos grandes villes. Pollution atmosphérique et développement des maladies respiratoires, bruit, dégradation de notre environnement quotidien et de nos paysages par des infrastructures routières et autoroutières, qui, souvent, se révèlent très vite inadaptées, sont le lourd tribut à payer à la multiplication des transports.
L'écologie se trouve bien au carrefour de l'ensemble des sujets qui préoccupent nos concitoyens et son attraction est grande tant elle concerne la vie quotidienne de chacun d'entre nous. Mais, on l'a dit - je n'y reviendrai donc pas - les collectivités locales n'ont plus les moyens de régler les problèmes qui se posent.
J'en reviens au projet de budget que nous examinons.
En matière de gestion de l'eau, les crédits connaissent une forte diminution. Le fonds de concours créé par le Gouvernement à hauteur de 110 millions de francs par an de 1997 à 2001, outre qu'il porte atteinte à l'autonomie des agences de bassin, revient à faire porter sur l'ensemble des ménages les retards pris par notre pays dans ce secteur, quand la Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux n'ont de cesse d'accroître leur empire. Pouvons-nous nous satisfaire d'une baisse des crédits de l'institut national de l'environnement industriel et des risques de 18 millions de francs ?
La politique du paysage est en régression de 13 millions de francs et celle des parcs régionaux de 7 millions de francs.
Le sommet de Rio mettait l'accent sur la nécessité de conduire une politique environnementale conçue dans un cadre dépassant très largement celui de nos frontières et dans la perspective d'un développement pour les pays les plus pauvres. Chacun sait aujourd'hui qu'il ne peut y avoir de politique environnementale digne de ce nom sans développement.
Or, qu'en est-il des engagements pris par la France lors du sommet de Rio, et plus largement de la coopération internationale ?
Les crédits de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, l'ORSTOM, sont en stagnation. Les crédits de coopération technique, dont le montant est déjà très faible, diminuent.
L'ensemble de ces éléments brossés à grands traits illustrent le décalage qui existe entre le discours environnemental qui est le vôtre, madame le ministre, et les moyens qu'y consacre le Gouvernement.
L'écologie au service de tous recèle pourtant un fort potentiel de richesses à exploiter et de réelles possibilités de création d'emplois existent dans un secteur où notre pays est bien placé. Force est néanmoins de constater que ni votre ministère ni le secteur privé n'investissent dans un domaine où l'essentiel reste à faire pour assurer notre avenir.
La création d'emplois au service de l'environnement, l'investissement pour l'avenir imposent d'adopter une logique qui soit orientée davantage vers la satisfaction des besoins des hommes que vers celle d'intérêts financiers à court terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre le projet de budget qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget du ministère de l'environnement pour 1997, dont les crédits dépassent pour la première fois 1,8 milliard de francs, fait apparaître - soyons précis ! - une croissance de 5,88 % par rapport à 1996, ce qui est satisfaisant en première approche.
De fait, cette évolution positive reflète la volonté du Gouvernement de financer l'application de la future loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, qui a été récemment examinée par notre assemblée et dont le principal objet, à terme, est d'étendre le dispositif de surveillance de la qualité de l'air à tout le territoire.
On ne peut que se réjouir de la priorité donnée à cet élément essentiel de la vie qui, contrairement à l'eau, a été sans doute trop souvent négligé jusqu'ici.
Cette impulsion nouvelle ne doit pas nous faire oublier que les dotations consacrées aux autres actions du ministère de l'environnement sont reconduites dans des secteurs où, pourtant, les besoins sont croissants. Je citerai, à cet égard, plusieurs exemples.
Le premier concerne le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Dans la Somme, qui dispose de soixante-dix kilomètres de façade maritime, l'action de cet établissement public est unanimement appréciée. Le conseil général, qui a créé dès 1981, sur l'ensemble du secteur littoral, une zone de préemption, a délégué ce droit au conservatoire de l'espace littoral, ce qui a permis à celui-ci d'acquérir plus de mille hectares de milieux naturels, de marais et de massifs dunaires de grande valeur, dont la gestion a été confiée au syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde.
Or, les crédits réservés au conservatoire de l'espace littoral marquent une évolution contrastée, avec une revalorisation modérée de ses crédits de fonctionnement, mais une baisse significative de ses moyens d'intervention, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme.
On peut s'interroger sur la possibilité pour le conservatoire de l'espace littoral de disposer des moyens humains et financiers nécessaires à l'acquisition des sites de valeur indéniable mis en vente sur les territoires de ses compétences.
J'observe, par ailleurs, que les dotations prévues pour les réserves naturelles, pourtant créées sur l'initiative de l'Etat, ne progressent pas. Or, le nombre des réserves s'accroît chaque année, leur superficie augmente nettement et de nombreux projets sont à l'instruction. Je pense, bien entendu, madame le ministre, à la réserve naturelle de la baie de Somme.
Je souhaite également évoquer un autre point particulièrement sensible, celui de l'emploi. L'environnement est manifestement très porteur en ce domaine, notamment dans les secteurs de l'eau et des déchets. Les nombreux besoins en matière d'exploitation et d'assistance technique soutiennent à la fois l'investissement et l'emploi.
Dans le secteur « non marchand », la gestion des rivières et des milieux naturels sensibles, la remise en état et l'amélioration de la signalétique des chemins de promenade et de randonnée, ou encore la rénovation de notre petit patrimoine rural offrent d'importants gisements d'emplois.
Ainsi, dans la Somme, nous avons créé plus de cent soixante emplois, confiés initialement à des titulaires de contrats emploi-solidarité, en mobilisant, entre autres, le dispositif « emplois verts ». Nous avons formé les titulaires de ces CES à la gestion écologique des milieux naturels, pour ensuite consolider, puis pérenniser leurs postes avec l'aide des collectivités locales et des associations.
L'Etat semble vouloir modifier ce dispositif, qui a pourtant un fort effet de levier. La situation de l'emploi dans notre pays justiferait pourtant que le dispositif des emplois verts soit repris et amélioré.
Sur un plan plus général, l'examen de ce projet de budget est l'occasion de rappeler le rôle des collectivités locales dans la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles.
Je citerai, à nouveau, l'exemple de la Somme : ce département consacre chaque année 70 millions de francs à l'environnement, soit plus de 10 % de ses dépenses d'investissement, alors même que ses compétences légales en la matière sont, on le sait, très limitées. Nous privilégions le partenariat avec l'Etat, avec lequel nous avons mis en place, dès 1994, un plan départemental qui a pour objet de mettre en cohérence les interventions de l'Etat et du département en faveur de l'environnement.
Cependant, l'augmentation des dépenses consacrées par les collectivités locales à la protection et à la mise en valeur de l'environnement découle aussi souvent de l'application des nombreuses lois adoptées depuis 1992. Ainsi, l'eau et les déchets sont devenus une préoccupation constante des élus, légitimement inquiets devant la hausse du prix de l'eau et de la redevance concernant les déchets, qui représentent désormais, pour nos concitoyens, des sommes parfois équivalentes à la taxe d'habitation ! On comprendra que les élus aient le souci d'avancer en tenant compte avant tout de leurs réelles capacités financières, ce qui nécessitera, à l'évidence un lissage du calendrier établi pour l'application de ces lois.
On comprendra aussi leur inquiétude devant la multiplication des textes, dont certains se superposent, sans que leurs dispositions soient toujours harmonisées et leur caractère normatif toujours avéré.
Ainsi en est-il de Nartura 2000 ! Ce type de dossier, dans un domaine où il existe déjà de nombreux dispositifs de classement et de protection, est exemplaire, dans la mesure où il montre bien qu'imposer unilatéralement des contraintes n'est plus de mise aujourd'hui. Il est nécessaire de prendre le temps d'expliquer en amont aux élus et aux gestionnaires du patrimoine l'ensemble des conséquences, notamment économiques et fiscales, qui découleront des nouveaux dispositifs envisagés, d'en montrer les enjeux, d'expliciter ce qu'ils apportent en termes d'avantages, mais aussi de contraintes. En ce sens, le gel par M. le Premier ministre de Natura 2000 doit être salué comme une décision sage.
Il est patent qu'en matière de protection de l'environnement les contraintes sont souvent nécessaires. Pour autant, elles doivent être comprises et acceptées. C'est ainsi que, dans la Somme, nous sommes confrontés au problème de la définition de zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole. La profession agricole rejette tout classement dont le caractère serait arbitraire, souhaitant, au contraire, soutenue en cela par l'assemblée départementale, mettre en place une charte « agriculture et environnement ». Cette charte prévoit une contractualisation d'objectifs et d'engagements clairements identifiés.
C'est là, me semble-t-il, un moyen pertinent d'atteindre, autrement et plus sûrement que par la contrainte imposée d'en haut, les objectifs, au demeurant légitimes, fixés par la Communauté européenne à travers la directive concernant le nitrate.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire à l'occasion de l'examen du projet de budget du ministère de l'environnement, qui témoigne de l'importance accordée par le Gouvernement à la défense et à la promotion de l'environnement.
Si je souhaite certaines améliorations - j'en ai évoqué plusieurs - je me dois aussi, pour clore mon propos, de rendre hommage à l'action que vous menez personnellement, madame le ministre, non seulement au sein du ministère, mais aussi sur le terrain, dans nos départements. C'est cette action qui conduit la majorité du groupe du RDSE à vous accorder sa confiance pour la mise en oeuvre de la politique de l'environnement et à voter les crédits de votre département ministériel pour 1997.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette année, le ministère de l'environnement célèbre son vingt-cinquième anniversaire et, en 1997, ce sont trente-deux parcs naturels régionaux qui fêteront les trente ans de leur mise en réseau ; nous pourrions, comme cela, énumérer un certain nombre de dates importantes qui fixent aujourd'hui, dans notre pays, la prise en compte de l'environnement et le développement de la sensibilisation aux problèmes qu'il soulève.
Au-delà de l'aspect festif de ces événements, à l'heure du bilan, avec le recul et la connaissance, on se sent capable et volontaire pour regarder très loin devant et, si vous m'y autorisez, madame le ministre, durablement devant nous.
C'est un peu le sentiment que j'ai lorsque j'étudie vos objectifs, tant ceux-ci sont nombreux. Toutefois, je me pose deux questions : aurez-vous les moyens financiers de les atteindre et, surtout, compte tenu des interrogations qui ont été formulées précédemment à cette tribune, dans quels délais pour les collectivités territoriales et les collectivités locales, qui ont reçu des responsabilités et des compétences en matière de traitement des problèmes d'environnement ?
L'environnement doit faire l'objet d'une véritable politique - vous vous y employez - mais il constitue également, à bien des égards, une éthique et, pour certains, une véritable philosophie à appliquer dans le respect des hommes d'aujourd'hui et, surtout, des générations futures.
Agissons en effet, mais sans hypothéquer l'avenir, et agissons dans la concertation - celle-ci est indispensable et elle doit être renforcée - avec tous les ministères, bien sûr, mais aussi, en priorité, avec les élus locaux, les associations et les scientifiques, qui sauront, par leur expérience de terrain, guider nos choix.
Le projet de budget pour 1997 augmente de 5,9 %. Il ne m'appartient pas ici d'entrer dans le détail des postes budgétaires.
Le projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie sera bientôt adopté définitivement et, je l'espère, mis en application rapidement. Vos propositions budgétaires concernant le financement des réseaux de surveillance de la qualité de l'air devraient quelque peu atténuer l'inquiétude des Français, qui placent la pollution de l'air au coeur de leurs préoccupations en matière d'environnement, la qualité de l'eau et les déchets venant ensuite.
Cependant, il ne m'est pas possible de passer sous silence la mobilisation de moyens extrabudgétaires pour la mise en oeuvre du programme décennal de prévention des inondations, quand bien même celle-ci serait prévue par les textes.
Ne risque-t-elle pas d'amener les agences de l'eau à répercuter cette charge nouvelle que vous leur imposez et qui paraît contraire à la volonté de l'Etat d'une meilleure transparence entre les partenaires que sont l'Etat, les régions et les agences ?
Faut-il, par ailleurs, établir un lien entre ces 110 millions de francs prélevés sur les agences de l'eau et l'effort consenti dans votre projet de budget pour maîtriser les dépenses publiques ?
Enfin, je voudrais conclure sur notre responsabilité à tous - gouvernants, élus du peuple, citoyens - qui est de placer l'homme au centre de la protection de l'environnement en conciliant celle-ci avec le développement économique et industriel.
L'environnement doit être au service de toutes les autres politiques, qu'il s'agisse des transports, de l'emploi, dans les domaines de l'hygiène et de la sécurité, de l'industrie, de l'agriculture, du tourisme.
Votre souhait de développer les éco-industries va dans le sens de la prise en compte du fait « environnemental » dès l'origine d'un choix, d'un projet. Il doit devenir l'élément dominant et décisif de ces projets, et donc ne plus être l'élément accessoire.
Madame le ministre, j'apprécie l'action que vous menez. Cela me conduit à dire que vous êtes, dans notre pays, le premier ministre du développement durable.
Cependant, ce développement durable doit aussi tenir compte - je suis sûr que vous comprendrez mes propos - de la compatibilité avec les moyens que peuvent mettre en oeuvre les collectivités locales et les collectivités territoriales. Je le dis au nom de la commission « administration générale » de l'Association des maires de France, que j'ai l'honneur de présider : il faut tenir le plus grand compte - M. Vasselle l'a rappelé tout à l''heure - de la capacité à financer l'ensemble des équipements qui nous permettront de gérer sur le territoire ce développement durable. Il faut aussi déterminer avec les élus locaux et l'ensemble des représentants des collectivités territoriales les moyens financiers permettant de mettre en oeuvre cette politique, que vous avez la volonté d'animer. J'en veux pour preuve le fait que vous avez décidé de rendre public le rapport de l'OCDE, paru hier, et qui décrit sans complaisance le travail remarquable que vous avez accompli, mais aussi le chemin qui reste à parcourir pour que nous puissions assurer à notre pays un développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il faut, pour apprécier pleinement un projet de budget, s'efforcer de dépasser les apparences souvent trompeuses.
Le projet de budget de l'environnement pour 1997 ne déroge pas à la règle, et on ne peut l'examiner sans prendre en compte des facteurs essentiels.
Le premier d'entre eux, c'est la place prépondérante qu'occupent aujourd'hui les questions qui concernent la pollution.
Dans l'exercice de nos mandats locaux, nous sommes nombreux à vérifier cette réalité : nos concitoyens affectés par la pollution nous interpellent et réclament des pouvoirs publics la prise en compte de leurs inquiétudes.
Face à ce problème de santé publique, qui est, plus que jamais, l'affaire de tous, notre pays attend une mobilisation, une prise en compte responsable de l'environnement, dans la politique de la ville comme dans celle des transports.
Dans ce projet de budget, vous donnez-vous les moyens de cette ambition ?
En apparence, comment ne pas être séduit, dans le contexte de rigueur que nous connaissons tous, par le fait que ce projet de budget progresse de près de 6 %, dépassant 1,8 milliard de francs ?
Mais à y regarder de plus près, on relativise cette embellie, lorsque l'on note, par exemple, que les autorisations de programme n'augmentent que de 1,3 % par rapport à la loi de finances de 1996, ce qui, en francs constants, équivaut, nous le savons, à une baisse !
Par ailleurs, si le projet de budget de l'environnement passe, à tort, pour être le seul à tirer son épingle du jeu dans le projet de loi de finances pour 1997, c'est surtout parce qu'il a bénéficié d'un habile effet d'annonce, auquel la proximité de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie n'est pas étrangère : sa progression est soumise à la mise en oeuvre d'une loi qui reste subordonnée aux moyens financiers que l'Etat serait prêt à consentir !
La chute globale des dotations par agrégats et la dérive de nombreux postes de dépenses, pour l'un des plus modestes budgets de l'Etat, et au seul profit du financement d'un projet de loi, appellent, selon moi, des appréciations moins optimistes.
D'une part, ne risquons-nous pas de voir apparaître des transferts de charges supplémentaires sur les collectivités locales, madame le ministre, si d'aventure l'effort que vous nous présentez ne devait pas être tenu dans les prochains budgets ?
D'autre part, face aux nombreux problèmes qui demeurent, fallait-il que l'effort financier global de l'Etat en faveur de l'environnement se relâche de la sorte, en grevant d'autres actions de votre ministère ?
On pourrait, à ce titre, s'émouvoir de la disparition probable du financement des « emplois verts » ou de la réduction de l'aide aux projets des associations de défense de l'écologie, quand on sait l'importance de leur travail en matière d'environnement !
Sur un autre plan, nous aimerions obtenir des précisions sur les millions de francs récupérés par votre ministère et provenant d'un transfert de lignes budgétaires du ministère de l'équipement et du minitère de l'industrie.
Outre le fait que ces transferts relativisent sérieusement la progression que vous affichez - puisqu'il ne s'agit pas de crédits nouveaux - nous ne disposons d'aucune garantie sur la pérennité de ce financement pour 1997 !
Peut-être nous rassurerez-vous, madame le ministre, sur ce redéploiement de crédits ; mais ne viendront-ils pas à manquer dans d'autes secteurs de l'action publique ?
Enfin, nous regrettons que, au regard des contraintes qui pèsent sur les collectivités, aucune dotation spécifique ne soit prévue pour les aider à mettre en place les plans de déplacement urbains.
Ces insuffisances se résument en un seul constat : le désengagement budgétaire de l'Etat en matière d'environnement se confirme !
Avant de conclure, je voudrais m'appuyer sur mon expérience d'élu local pour vous interpeller une nouvelle fois, madame le ministre, sur des problèmes de pollutions atmosphériques et sonores touchant un secteur qui paye un lourd tribut à ces nuisances, le Val-de-Marne, et qui montrent combien il est impératif que l'Etat cesse de se désengager de la sorte sur les collectivités, pour prendre enfin ses responsabilités.
En ce qui concerne les pollutions atmosphériques, je vous ai déjà fait part de l'inquiétude que suscitent les projets d'implantation massive d'usines polluantes à Vitry-sur-Seine, sur un site appartenant à EDF, face à un secteur fortement urbanisé comprenant la commune dont je suis le maire, Alfortville, et d'autres villes environnantes.
Il s'agit, d'une part, de la construction d'une turbine à combustion, décidée contre l'avis de milliers de riverains et, d'autre part, du projet de la filiale d'EDF pour le traitement des ordures ménagères, le SYTCOM - syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères - d'implanter sur ce même site une importante usine d'incinération destinée à traiter les déchets de Paris et de départements limitrophes.
Au vu de cet exemple, il me semble indispensable que, s'agissant d'une entreprise publique comme EDF, l'Etat, avant toute nouvelle installation, concoure à des études globales de pollution sur des secteurs particulièrement sensibles, comme c'est ici le cas.
Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion des déchets, l'élaboration des plans départementaux montre à quel point les collectivités sont démunies face à l'obligation de supprimer les décharges en 2002, en se voyant imposer des solutions qui ne sont ni les plus économiques ni, surtout, les plus écologiques !
Ce projet d'usine d'incinération a été rejeté du plan départemental par le conseil général du Val-de-Marne, faute de garanties suffisantes de sécurité quant aux risques de pollution atmosphérique et parce que les élus, dans leur majorité, refusaient de voir un département déjà pénalisé par les nuisances devenir la poubelle de l'Ile-de-France et accueillir des déchets provenant en grande partie de Paris, ville qui ne s'est d'ailleurs toujours pas dotée d'un plan d'élimination de ses propres déchets !
Là encore, j'aimerais connaître la position du Gouvernement face à un problème qui est de compétence nationale - il s'agit en effet d'une question de santé publique - et qui est perçu par des milliers d'habitants comme un désengagement, doublé d'une grave injustice !
N'est-ce pas à l'Etat de prendre ses responsabilités de solidarité nationale en donnant les moyens aux collectivités de mettre en oeuvre des plans d'élimination plus sûrs et mieux maîtrisés, offrant toutes les garanties quant à la santé des populations, qui ont trop souvent le sentiment de subir ce qu'on leur impose en matière d'environnement ?
Enfin, madame le ministre, que penser des crédits relatifs au bruit, qui sont les parents pauvres de ce budget, à un moment où, pourtant, l'opinion publique est de plus en plus touchée par ce problème ?
A ce titre, je voudrais évoquer les nuisances dues au bruit des trains, dont sont victimes de très nombreux riverains de la ligne Paris-Lyon-Marseille, qui, tout près de Paris, traverse plusieurs communes de mon département, jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges.
Malgré des démarches répétées, que j'ai menées conjointement auprès de la direction de la SNCF avec mes collègues des villes voisines, avec des associations de riverains, en particulier celles d'Alfortville et de Maisons-Alfort, malgré l'existence de mesures phoniques dépassant largement le seuil maximal de décibels tolérables, aucune réelle amélioration n'a été apportée à ce jour sur le plan de la protection phonique.
Je ne vois pas dans votre budget, madame le ministre, se dessiner les moyens que l'Etat accepterait d'engager pour mener une action concertée sur le plan de l'environnement et des transports !
Mes chers collègues, ce fossé entre les déclarations et les actes, ce nouveau désengagement de l'Etat, dans un secteur pourtant crucial, est difficilement admissible, pour un ministère qui a en charge la protection de l'environnement, de la qualité de la vie, et donc de la santé publique !
En définitive, madame le ministre, les renoncements et les reculs qui caractérisent ce projet de budget ne sauraient satisfaire le groupe socialiste qui, vous l'avez compris, ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Madame le ministre, je tiens, comme mes collègues, à insister sur l'importance que revêt, cette année plus que jamais, ce budget pour l'opinion publique et les élus en général. Ces derniers considèrent en effet que la protection de l'environnement constitue une donnée fondamentale du cadre de vie et de la façon dont ils peuvent s'organiser dans la société.
Ce projet de budget est globalement en diminution, et il n'est pas à la hauteur de vos ambitions. A cet égard, je n'évoquerai que quelques thèmes, et, tout d'abord, la question des parcs naturels régionaux.
On compte aujourd'hui trente-deux parcs naturels régionaux ; ce sont des territoires d'expérimentation très forts, où les élus, souvent toutes tendances confondues, ont mené des actions très performantes pour protéger le paysage et l'environnement et pour permettre ce que certains ont appelé le « développement durable ».
Cependant, les crédits du ministère de l'environnement sont en très forte diminution à cet égard puisqu'ils subissent une baisse de 36,8 % en autorisations de programme et de 18,14 % en crédits de paiement.
Comment, par conséquent, satisfaire les quelque trente nouvelles demandes d'un label parc - dans le département du Nord, que je représente, les régions de l'Avesnois et des Monts de Flandres ont déposé une telle demande - alors que les régions ayant déjà obtenu ce label voient leurs crédits diminuer ?
D'après les informations que j'ai pu obtenir, la fédération des parcs envisage de ne plus attribuer le label à de nouveaux parcs.
On voit ainsi se développer aujourd'hui des réflexes malthusiens qui ne me semblent pas correspondre au souci de protection de l'environnement qui progresse en France. Ou alors une réflexion devra être engagée - j'indique d'ores et déjà que cela me laisse perplexe - quant à la décentralisation ou à la régionalisation des labels.
En effet, dans la pratique, si l'Etat se désengage, les régions se trouveront dans l'obligation de prendre financièrement en charge les parcs. La tentation sera alors grande de dire qu'il revient aux régions, dans ces conditions, de définir le label parc. Cela ne serait pas, à mon avis, la meilleure solution. Mais il est évident que, si l'Etat impose, pour l'obtention du label, des critères scientifiques de plus en plus exigeants, il doit alors allouer les crédits nécessaires.
Nombre de mes collègues sont intervenus sur le problème de la directive Natura 2000. Certes, la décision de suspendre la directive était à mon avis judicieuse, mais il ne me paraîtrait pas de bonne politique de l'abandonner. Il faut développer la concertation dans les prochains mois pour que l'ensemble des partenaires puissent définir des zones de protection, avec des limites scientifiques s'imposant à tous.
Je rappellerai que trente-sept sites expérimentaux ont été retenus par le programme Life . Pour ma part, je préside un groupe pour la forêt de Thiérache qui est en phase de concertation très positive. Je peux donc dire que, par rapport à l'excès de peurs ou de fantasmes qui est développé à travers toute la France, cet organisme de concertation fonctionne très bien, et que le programme Life est donc bien inscrit dans le territoire. Mais j'espère que vous nous aiderez financièrement pour le mettre en pratique, madame le ministre.
Je voudrais aussi évoquer ce que l'on pourrait appeler, sans exagération je crois, le hold-up que vous avez perpétré aux dépens des agences de l'eau. Pour être élu de l'agence de l'eau Artois-Picardie depuis une décennie, je peux vous dire que nous avons mal perçu la création de ce fonds de concours de 110 millions de francs que vous avez décidé pour lutter contre les crues et pour financer le plan Loire.
Certes, votre décision est légale sur le plan du principe mais il s'agit quand même d'un précédent fâcheux, d'un engrenage dont vous aurez certainement beaucoup de mal à maîtriser les conséquences dans les années à venir, et donc d'une dérive à mon avis inacceptable. Comment admettre, en effet, que le consommateur d'eau dépendant de l'agence Artois-Picardie paie des redevances pour financer des travaux exécutés sur la Loire ou sur le Rhône ? Il existe certes des problèmes sur le cours de ces deux fleuves, mais il a toujours été affirmé que l'argent des agences devait servir à résoudre les difficultés qui se posent sur leur territoire exclusivement. Cela nous conduit, en fait, sachant que le montant des redevances a déjà été doublé dans le VIe programme, à réduire l'ampleur des travaux prévus au titre du VIIe programme, de façon à dégager les fonds que vous nous réclamez. Ou alors, faudrait-il augmenter à nouveau les redevances ? Je pense que nos concitoyens l'accepteraient difficilement.
En outre, vous devez être bien consciente du fait qu'aujourd'hui les agences de l'eau ont encore un programme de travaux extrêmement important à réaliser en matière d'assainissement, et qu'il nous faut nous engager aujourd'hui sur un programme d'assainissement autonome qui nous coûtera fort cher. Opérer un prélèvement sur les ressources financières des agences de l'eau ne me paraît donc pas pertinent, aussi bien sur le plan des principes que de la mise en oeuvre de la politique de l'eau.
En conséquence, madame le ministre, même s'ils notent des aspects positifs, reconnaissant notamment certains efforts consentis avec l'adoption de la loi sur l'air, les membres du groupe socialiste, compte tenu du manque de moyens financiers, voteront néanmoins contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre brièvement au plus grand nombre de questions qui m'ont été posées.
Je ne reviendrai pas sur ce projet de budget, car, quelles que soient les présentations que l'on peut en faire, il existe un élément objectif : ce projet de budget augmente de 5,9 %, et les engagements qui ont été pris seront tenus. Par conséquent, je suis, à cet égard, tout à fait claire et sereine.
Je répondrai tout d'abord à la question de la réglementation appliquée aux déchets ménagers, qui a été très largement évoquée sur toutes les travées.
Je rappellerai d'abord que le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir n'a innové en rien dans ce domaine puisque ce qui existe aujourd'hui résulte de la loi de 1992 qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Que ce texte ait été voté à l'unanimité signifie bien que, à l'époque, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez considéré qu'il répondait à des besoins réels - je crois que c'est exact - et que les modes de financement qu'il prévoyait correspondaient à ces besoins.
Pour ma part, je n'ai qu'à gérer ce qui, à l'époque, a été voté. Je voudrais être claire sur ce point ; je n'ai strictement rien ajouté, ni de près, ni de loin, à ce qui résulte de cette loi.
M. Emmanuel Hamel. On peut améliorer une loi dont on s'aperçoit à l'expérience qu'elle est dangereuse !
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Cela étant, je rappelle ce point non pas pour éviter de répondre au fond aux questions que vous avez évoquées, mesdames, messieurs les sénateurs, mais seulement pour recadrer le débat.
Je crois effectivement que, s'il est indispensable de traiter la question des déchets ménagers, il faut probablement faire un effort de plus grande diversification dans les solutions. Autrement dit, l'application qui a été faite de la loi jusqu'à présent a conduit les collectivités à s'orienter très largement vers des systèmes d'incinération très coûteux.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Je m'y emploie, car, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une question qui me préoccupe peut-être autant que vous.
Certaines mesures ont d'ores et déjà été prises. La première, par exemple, résulte de l'arrêté « co-incinération » que j'ai été amenée à prendre il y a quelques semaines et qui permettra de brûler dans les cimenteries, à des conditions tout à fait intéressantes, certains déchets.
Cependant, il faut, à mon avis, imaginer d'autres solutions - c'est d'ailleurs une suggestion qui a été faite par les uns et les autres à cette tribune - que l'incinération.
D'abord, très certainement, un effort beaucoup plus important que celui qui a été consenti jusqu'à présent doit être réalisé en faveur de la prévention des déchets. C'est là un champ considérable qui a été très peu exploité.
Le ministère de l'environnement a élaboré, avec Eco emballage et les industriels, un catalogue dit « de prévention des emballages », que je vous ferai parvenir si vous ne l'avez point déjà : ce document montre comment économiser de 25 % à 50 % des emballages, ce qui est considérable. Il faut savoir que les emballages représentent aujourd'hui 50 % des déchets ménagers. Par conséquent, si, par ces politiques de réduction des déchets d'emballage, nous arrivons par exemple à économiser 30 % d'emballages, cela fera 15 % de déchets en moins. Il s'agit là d'une politique qui, jusqu'à présent, a été très peu soutenue, et que j'ai l'intention de développer de manière tout à fait considérable.
Par ailleurs, nous devons nous orienter vers le tri et le recyclage, qui présentent à la fois un intérêt industriel, en raison de l'existence de nos filières économiques, et un aspect social extrêmement marqué, notamment en matière d'insertion.
Par conséquent, le ministère souhaite développer très largement toutes les actions possibles à cet égard, de manière à alléger d'autant la masse de déchets à incinérer, notre objectif étant d'arriver à un taux de 45 % ou 50 %, alors que le pourcentage est actuellement beaucoup plus élevé. Une telle politique permettra d'avoir des usines de dimension beaucoup plus modeste, et donc d'alléger le coût des investissements.
J'ajoute, s'agissant des investissements, que j'ai signé un accord avec le Crédit local de France. Je regrette de ne pas avoir le document avec moi, mais je ne pensais pas que le sujet serait abordé aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je suis prête à vous en fournir tous les éléments : cet accord permet des financements jusqu'à quarante ans pour des infrastructures dans le domaine de l'environnement, ce qui est de nature à permettre des taux très bas puisqu'il s'agit de financements à très long terme.
M. Alain Vasselle. A quel taux ?
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Le taux n'est pas précisé, monsieur le sénateur, mais, étalée sur quarante ans, la charge pour la collectivité sera, bien évidemment, beaucoup plus modeste que s'il s'agissait d'un financement sur une durée beaucoup plus courte.
M. Christian Bonnet. C'est comme pour certain magasin de Bobigny ? (Sourires.)
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Non, pas tout à fait !
Cela étant, je suis tout à fait prête à ouvrir le débat sur ce sujet. Je n'ai pas de religion toute faite, j'essaie de trouver des solutions concrètes permettant de réduire les coûts qui sont aujourd'hui supportés par les collectivités locales du fait de la loi de 1992 et je suis tout à fait disposée à ce qu'un groupe de travail soit mis en place pour discuter de cette question.
En ce qui concerne le problème de l'eau, grâce aux agences, le fonds de concours permet effectivement à l'Etat - je rassure sur ce point les sénateurs socialistes - de tenir complètement les engagements qui ont été pris concernant le plan « prévention des risques » et le plan « Loire grandeur nature ». Il n'y a donc aucun renoncement dans ce domaine et je ne comprends pas que ce terme ait pu être utilisé, dans la mesure où tous les engagements qui ont été pris seront tenus.
J'ajoute que les agences ont aujourd'hui délibéré positivement sur la proposition qui leur avait été faite et que le montant de 110 millions de francs qui a été évoqué n'est pas de nature - vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le rapporteur - à remettre en cause, compte tenu des sommes en présence, le financement global des agences.
Par ailleurs, le montant des redevances a été stabilisé et, par conséquent, il n'y aura pas - nous sommes effectivement tout à fait sensibles à la question - d'augmentation du prix de l'eau.
J'ajoute, enfin, que la création, décidée par le Gouvernement, d'un comité de l'eau destiné à assurer la transparence par comparaison entre les différents systèmes en place est précisément de nature à aller dans le sens de l'économie. Par conséquent, je crois que ce point ne soulève pas de difficulté particulière.
Quant aux crédits consacrés à la protection de la nature, ils sont globalement reconduits. Par conséquent, il n'y a pas non plus, dans ce domaine, de désengagement ou de renoncement de l'Etat.
A propos de Natura 2000, j'ai moi-même participé à de nombreuses réunions de concertation avec un certain nombre d'entre vous, avec les chasseurs, avec les agriculteurs, et j'ai donc parfaitement compris et le message que vous m'avez rappelé tout à l'heure et celui qui m'avait été adressé à l'époque et qui a conduit à la décision qu'a prise le Gouvernement.
Natura 2000 résulte d'une directive de 1992 qui s'est traduite, en droit interne, par un décret du 7 mai 1995. Ce décret, je l'ai trouvé lorsque je suis arrivée au ministère de l'environnement, et j'ai dû le « mettre en musique », ce qui n'avait pas été fait auparavant, alors même que nous aurions dû notifier à Bruxelles les sites concernés avant le mois de juin 1995.
J'ai en tout cas traité ce dossier avec un véritable souci de concertation, même si, j'en conviens très humblement, ladite concertation n'a pas merveilleusement réussi. Dès septembre 1995, j'ai ainsi pris une circulaire destinée à instaurer une consultation dès la période de l'inventaire. La concertation a bien fonctionné dans quelques régions et je suis moi-même allée diriger une réunion à Lyon, au mois d'octobre 1995, avec les élus et tous les gestionnaires de l'espace. Tout s'est très bien déroulé. Dans d'autres régions, je le reconnais, il n'y a eu strictement aucune concertation, mais la circulaire était néanmoins, sur ce point, tout à fait claire.
A partir d'avril 1996, date à laquelle la consultation a vraiment débuté, de nombreuses craintes circulaient à propos de ce qui pouvait apparaître comme un gel, même si Natura 2000 n'a jamais été une sanctuarisation de l'espace. Je crois donc que la décision qui a été prise - non pas de faire disparaître la directive, mais de la geler en attendant que nous obtenions de Bruxelles des réponses simples à des questions simples - était une bonne décision.
Nous sommes actuellement en cours de discussion à Bruxelles et mon souci, dans cette affaire, est d'obtenir des précisions à la fois sur les activités susceptibles d'être poursuivies dans ces zones - nous avons besoin d'être éclairés : c'est oui ou non - et sur les modes de gestion.
Je souhaite obtenir de la Commission un accord sur le fait que les zones Natura 2000 seront des zones contractualisées, c'est-à-dire des zones dans lesquelles il y aura non pas des contraintes réglementaires mais des accords de gestion de l'espace, un peu comme dans un parc naturel régional.
M. Alain Vasselle. Soyez ferme !
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Je le serai, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, je souhaite que nous puissions notifier très progressivement nos zones. En effet, s'il est des zones dans lesquelles tout fonctionne assez bien - malgré le gel de la situation, la concertation, même informelle, s'est poursuivie - il en existe d'autres dans lesquelles les choses sont beaucoup plus difficiles.
Cela étant, Natura 2000 doit s'étendre jusqu'en 2004. J'ignore totalement, à ce jour - et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas - quelle sera l'évolution de la politique communautaire, notamment dans le domaine agricole, en 2004. Par conséquent, je ne voudrais pas que, par une politique restrictive, nous en arrivions à exclure totalement un certain nombre de zones de notre territoire alors qu'elles pourraient être très contentes de pouvoir bénéficier en 2004 des aides versées aux zones Natura 2000.
Pour pouvoir laisser la porte de l'avenir ouverte, j'ai donc besoin d'obtenir l'assurance que nous pourrons notifier très progressivement nos zones, ce qui nous permettra de redémarrer, quand nous aurons la réponse, la concertation à la fois dans les parcs naturels régionaux - ce sont par définition des zones où la concertation se déroule bien - et dans les zones volontaires. Nous verrons ensuite ceux qui souhaiteront s'y joindre et ceux qui ne le souhaiteront pas.
Quoi qu'il en soit, la concertation est la condition sine qua non de la réussite de cette opération, qui peut, alors qu'elle était apparue comme une contrainte insupportable, devenir en réalité une chance de gestion pour ces territoires.
J'ai été étonnée, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous entendre dire que le budget des parcs naturels régionaux subissait une diminution de 30 %. Les moyens de fonctionnement de ces parcs connaissent une augmentation de 3,5 %. Certes, il y a également la loi commune sur l'investissement en ce qui concerne l'étalement d'un an des contrats de plan Etat-région pour la partie investissement, mais il n'y a là, naturellement, aucun renoncement. Le Gouvernement aurait d'ailleurs été particulièrement malvenu de pratiquer le renoncement lorsque l'on sait que les politiques des parcs naturels nationaux sont par définition des exemples de politique de développement durable et des exemples de lieux où l'on crée des emplois.
J'ai financé une étude pour connaître précisément les incidences des politiques des parcs naturels régionaux en termes d'emplois. On dénombrait, en 1994, vingt-neuf parcs naturels régionaux ; ils sont, aujourd'hui, trente-deux, et ils ont permis de créer 800 emplois induits.
Cela signifie qu'une série de petits commerces, de petites activités de loisirs et d'activités liées au tourisme vivent et créent des emplois pérennes grâce à l'existence des parcs naturels régionaux. Autrement dit, par une même politique, on aboutit à faire du développement économique, de la protection de l'environnement et des créations d'emplois. On ne peut pas rêver mieux et ces politiques doivent naturellement être accompagnées.
En ce qui concerne le conservatoire du littoral, les moyens ont été globalement conservés, et c'est essentiel dans la mesure où, effectivement, la politique de cet organisme est tout à fait exemplaire.
J'ajoute que le décret d'application de la loi qui a été votée l'an dernier autorisant une dation en paiement au bénéfice du conservatoire du littoral vient d'être publié. Cette disposition vient s'ajouter et non pas, bien sûr, se substituer aux crédits budgétaires. Le conservatoire du littoral pourra donc, dorénavant, disposer de biens qui lui seront donnés en dation. C'est là une mesure qui marque une fois encore toute l'importance que le Gouvernement attache à l'action exemplaire menée par le conservatoire du littoral.
En ce qui concerne la régulation des espèces, je suis prête à examiner, comme vous me l'avez suggéré, des mesures de déconcentration, ainsi que nous l'avons fait, très simplement, pour le cormoran. Effectivement, nous devons avoir le souci de maintenir l'équilibre lorsque ce dernier est, à quelque titre que ce soit, rompu, les mesures adaptées doivent être prises, car une politique de l'environnement ne se justifie que par l'équilibre de l'écosystème.
Enfin, j'ai été très sensible à la suggestion qui m'a été faite au sujet de l'éthique de la chasse. Pour ma part, je suis prête à étudier cette bonne question, qui répondrait effectivement, peut-être par anticipation, à un certain nombre d'exigences nouvelles que nos concitoyens pourraient être conduits à avoir.
En ce qui concerne les emplois, j'évoquerai d'abord les emplois publics du ministère de l'environnement.
Il y a stabilité dans l'administration centrale - M. le rapporteur a bien voulu le souligner - et un effort a été réalisé en faveur des services déconcentrés, notamment dans les DIREN qui, comme vous le savez, sont les plus jeunes directions de l'administration française et qui ont donc, par définition, besoin d'être renforcées.
Je suis extrêmement attachée à la politique des « emplois verts ». Si le budget correspondant n'apparaissait pas dans mon budget l'année dernière, il n'y apparaît pas plus cette année, pour la bonne et simple raison que ce budget est géré par le ministère des affaires sociales.
L'année dernière, les « emplois verts » avaient bénéficié de 35 millions de francs. A défaut de pouvoir vous indiquer la somme qui leur sera consacrée cette année, je puis vous assurer que je suis en discussion avec M. Barrot pour que cette politique puisse être poursuivie. En effet, elle constitue, comme l'un d'entre vous l'a rappelé tout à l'heure, un levier tout à fait important dans le domaine de l'emploi.
Le secteur de l'environnement devient - c'est un souci que nous devons avoir à l'esprit - un secteur économique à part entière. Les entreprises ont ainsi créé, cette année, environ 13 500 emplois dans le domaine des éco-industries. Ce chiffre est, convenons-en, tout à fait considérable et ce secteur est en croissance de 3 à 4 % l'an, y compris dans les années que nous venons de traverser.
Ce secteur économique, qui devient de plus en plus important dans l'organisation de notre vie économique, représente aujourd'hui environ 450 000 emplois, ce qui n'est nullement négligeable. Il exporte bien, notamment dans le domaine de l'eau et des déchets, grâce, en particulier, aux efforts faits par les collectivités locales, il faut le reconnaître.
Ce secteur permet incontestablement à nos entreprises d'être très présentes sur les marchés internationaux. Je puis en témoigner car, au cours des voyages que j'ai pu accomplir à l'étranger, j'ai emmené des chefs d'entreprise français avec moi et je puis dire qu'ils ont remporté de très nombreux marchés à l'exportation. Il serait d'ailleurs important de développer maintenant d'autres secteurs que l'eau et les déchets. Je pense à l'air, au sol et l'aménagement de l'espace. Dans le domaine des emplois du secteur productif, c'est incontestablement l'un des secteurs économiques qui va continuer à se développer dans les années qui viennent. Il faut avoir cette circonstance présente à l'esprit dans le contexte actuel.
J'évoquerai d'un mot le sujet du bruit.
L'arrêté concernant le bruit des infrastructures ferroviaires va être publié très prochainement puisque nous sommes arrivés, sur ce point, à trouver une solution avec la SNCF. Cela permettra, je pense, d'apporter beaucoup de satisfactions à nos concitoyens, qui attachent une très grande importance au bruit.
En ce qui concerne l'air, je ne dirai pas grand-chose, mesdames, messieurs les sénateurs, car j'ai conscience d'avoir beaucoup occupé votre temps avec la loi en cours d'élaboration. Même s'il ne s'agit pas de redéploiement budgétaire, c'est la base de mon budget qui a été augmentée en 1997 pour permettre le financement des réseaux. Cela doit être souligné, car ce n'est pas tout à fait la même chose. Autrement dit, je n'ai pas déshabillé Paul pour habiller Pierre ! Ce sont bien des fonds nouveaux qui sont accordés au ministère de l'environnement pour traiter de cette question nouvelle, dont nos concitoyens considèrent qu'elle est effectivement une priorité.
S'agissant des établissements publics, monsieur Richert, il n'est pas question pour le ministère de l'environnement de ne pas continuer à travailler, comme il l'a toujours fait, avec l'ADEME ; du reste, comme je m'y étais engagée, les crédits de la loi sur l'air ont transité par l'ADEME pour l'acquisition de tous les matériels, ne serait-ce que pour faire des économies et acheter en masse les équipements qui étaient nécessaires pour l'ensemble de nos réseaux de mesure.
Par conséquent, il n'y a, bien sûr, de la part du Gouvernement, aucune volonté directe ou indirecte, implicite ou explicite de gêner le moins du monde l'ADEME. Simplement, nous faisons des efforts et il est logique que tous les établissements publics en fassent aussi.
Sur le plan international, j'ai rendu publiques, hier, les performances françaises telles qu'elles sont évaluées par l'OCDE. Nous ne sommes peut-être pas très bons en communication, et certains nous le reprochent, mais, s'il existe un domaine qui va bien, c'est incontestablement celui de l'aide internationale. La France tient ses engagements et les efforts qu'elle réalise dans le domaine de l'aide et de la coopération en matière d'environnement sont tout à fait considérables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l'aube de ce mois de décembre au cours duquel vont se tenir les assises nationales du développement durable, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter montre effectivement très clairement l'attachement du Gouvernement à une politique du développement durable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame le ministre, je vous remercie de votre concision.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'environnement et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 16 382 353 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 22 655 250 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 221 908 000 francs ;
« Crédits de paiement, 89 487 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 578 850 000 francs ;
« Crédits de paiement, 277 346 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'environnement.

Intérieur et décentralisation (suite)

SÉCURITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Guy Cabanel. rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits gérés par le ministère de l'intérieur pour l'administration générale et préfectorale, la police nationale et la sécurité civile s'élèvent à 50,6 milliards de francs dans ce projet de loi de finances pour 1997, soit une très légère diminution, de 0,3 % en valeur, par rapport au budget de 1996.
Je souhaite concentrer mes propos sur les points saillants des crédits de la police nationale et de la sécurité civile, qui constituent presque l'essentiel de ce budget.
Dans cet ensemble, la stabilité des dépenses affectées à la police nationale, qui se maintiennent autour de 28 milliards de francs, reflète l'étalement sur une année supplémentaire de la mise en oeuvre de la programmation prévue par la loi du 21 janvier 1995. Cet étalement est conforme à la règle observée pour les autres programmations et n'est donc pas spécifique au ministère de l'intérieur.
Dans le détail, la lecture des différentes lignes budgétaires englobées dans le périmètre de la programmation révèle cependant la volonté de maintenir le cap dans un nombre appréciable de domaines d'action.
J'en retiens cinq.
Premièrement, l'amélioration des régimes indemnitaires constitue indiscutablement l'un des axes prioritaires de votre politique, monsieur le ministre. Au cours des trois années 1995, 1996 et 1997, plus de 350 millions de francs de mesures nouvelles annuelles seront ainsi obtenus en matière indemnitaire. C'est un effort exceptionnel en faveur des policiers, qui dépasse l'enveloppe annuelle de 230 millions de francs prévue par la loi d'orientation et de programmation.
Deuxièmement, s'agissant du fonctionnement courant, la couverture budgétaire diminue, passant de 3,8 milliards de francs à 3,6 milliards de francs. Les mesures de rationalisation mises en oeuvre dans la gestion des crédits doivent permettre de faire face à cette légère contraction des moyens.
Toutefois, j'ai une petite inquiétude, car le fameux jeu de gel et de dégel des crédits auquel se livre traditionnellement le ministère de l'économie et des finances risque d'entraîner des effets peut-être un peu plus difficiles à maîtriser.
Troisièmement, une importante action de rattrapage opérée en 1995 et en 1996 en faveur du parc lourd de véhicules des CRS semble pouvoir autoriser une atténuation de l'effort en 1997 et une orientation nouvelle vers des moyens de transport plus légers pour des missions de sécurisation en milieux urbains difficiles.
Quatrièmement, l'effort d'équipement immobilier de la police nationale devrait être maintenu au niveau moyen atteint ces deux dernières années, soit 50 000 à 55 000 mètres carrés livrés l'an prochain. Ce résultat est un peu inférieur à l'objectif fixé dans la loi d'orientation et de programmation. Mais il est intéressant de noter que le ministère envisage de recourir à des formules de crédit-bail qui permettent de contourner les contraintes budgétaires, même si leur incidence financière est un peu plus forte à moyen terme.
Enfin, cinquièmement, la diversification des instruments mis en oeuvre pour accroître l'offre de logements aux policiers, avec notamment l'institution d'un système de garantie de loyers permet incontestablement d'assurer le succès de ce volet de la loi d'orientation et de programmation : l'objectif de huit cents nouveaux logements livrés par an est tenu depuis 1995 et pourrait même être dépassé en 1997, puisque l'on parle de neuf cents logements.
La loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 avait cependant aussi pour ambition d'améliorer l'efficacité de l'action de la police nationale par deux volets aux traductions budgétaires fortes, ou qui auraient dû l'être.
Il s'agissait, d'une part, de la création de cinq mille emplois administratifs, scientifiques et techniques, afin de décharger les personnels actifs de tâches qui les détournent de leur véritable mission.
Il s'agissait, d'autre part, d'équiper la police nationale en moyens informatiques et de transmission lui conférant des gains d'efficacité décisifs dans la lutte contre la criminalité.
Or, dans ces deux domaines, l'ambition de respecter les objectifs de la loi d'orientation et de programmation, même moyennant un étalemennt sur un délai plus long, paraît s'éloigner. En effet, seuls mille deux cents nouveaux emplois administratifs, scientifiques et techniques auront été budgétisés depuis le lancement de la programmation, dont cinq cents en 1995 et sept cents en 1996. Aucun emploi nouveau ne fait l'objet d'une inscription budgétaire pour 1997. Certes, le ministère de l'intérieur évoque le « dégel » de certains emplois mais, là encore, on entre dans le fameux jeu à bascule des gelset des dégels, avec tous les aléas que comporte le dialogue avec le ministère de l'économie et des finances.
Plus important, la loi d'orientation et de programmation prévoyait d'accélérer le déploiement du réseau radio-cellulaire numérique crypté à couverture nationale, ou ACROPOL, à l'ensemble du territoire métropolitain en 2002, l'Ile-de-France devant être équipée à la fin de l'année 1997, avant les compétitions de la coupe du monde de football.
Or, à ce jour, ACROPOL n'a été mis en place qu'en région Rhône-Alpes ainsi qu'en Picardie, et seul le département de la Seine-Saint-Denis, en Ile-de-France, devrait être équipé pour le début de la coupe du monde de football.
En l'état, aucun terme n'est fixé à l'achèvement de la généralisation d'Acropol et des menaces se sont très clairement fait jour du côté du ministère de l'économie et des finances, qui semble souhaiter que ce réseau ultraperformant de transmission ne fasse l'objet que d'un déploiement partiel sur le territoire.
Cette attitude oblige parallèlement, la police nationale à maintenir en état de fonctionnement des instruments de transmission obsolètes, pour un coût toujours plus élevé d'année en année, ce qui pose problème.
Sur ce point, monsieur le ministre, la représentation parlementaire devrait vous aider à obtenir davantage du ministère de l'économie et des finances. J'ai même imaginé proposer à la commission des finances une mission en Picardie pour étudier la mise en place d'ACROPOL et ce afin de vous aider grâce aux avis recueillis.
Au-delà des problèmes d'équipement, dans ce contexte budgétaire difficile mais maîtrisé, monsieur le ministre, vous devez être crédité de la volonté de mettre en oeuvre l'intégralité du volet relatif à la réorganisation de la police nationale dans la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995.
Après avoir rappelé la mise en application, le 1er septembre 1995, de la réforme des corps et des carrières, fondée sur cinq décrets du 9 mai 1995, j'insisterai sur l'instruction du 26 juillet dernier présentant les nouveaux cycles d'activité qui pourront être appliqués aux fonctionnaires de police travaillant en roulement.
J'estime que, en dépit des critiques excessives émises par certains, nous devons saluer la mise en place des nouveaux cycles - 4/2 proposé en province ou 6/2 proposé à Paris - qui sont la garantie d'une plus grande souplesse de gestion et d'une meilleure adaptation aux besoins du mode de fonctionnement de la police. La concertation avec les comités techniques paritaires départementaux devrait permettre une liberté de choix d'horaires, et peut-être aussi une application plus facile.
J'en viens au domaine de la sécurité civile, pour lequel 1997 constitue incontestablement une année charnière. J'ai à cet égard, trois sources de satisfaction.
L'année 1997 doit être, en effet, celle du paiement du solde du marché d'acquisition des douze appareils amphibies bombardiers d'eau de type Canadair CL 415. Les deux derniers appareils devraient être livrées à la fin de l'année en cours et payés au fabricant sur le prochain exercice. Les crédits existent.
Parallèlement à la fin de ce marché, doit être engagé le processus de renouvellement de la flotte d'hélicoptères. Un accord de principe des services du budget a été donné pour l'acquisition de trente-deux appareils à partir de 1998.
L'année 1997 sera donc consacrée, d'une part, au choix définitif des types d'appareils et, d'autre part, au lancement de la procédure du marché.
A ce titre, le projet de loi de finances rectificative pour 1996 nous apporte une grande satisfaction : il prévoit l'inscription de 1 milliard de francs en autorisations de programme et de 189 millions de francs en crédits de paiement pour cette opération de renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Enfin, nous pouvons nous réjouir de constater que, pour la première fois depuis plusieurs années, les crédits consacrés à la maintenance des appareils du groupement des moyens aériens sont d'emblée fixés, en loi de finances initiale, au niveau requis pour garantir le financement des besoins, soit 229 millions de francs d'autorisations de programme.
Cette réponse au déficit chronique dénoncé au cours des derniers exercices n'interdit pas, cependant, d'appporter quelques nuances à l'impression positive qui se dégage de la lecture du projet de budget de la sécurité cicile pour 1997.
Je constate ainsi qu'aucune dotation n'est prévue pour l'achèvement du programme de remotorisation des Tracker. Il est vrai qu'il ne reste que deux appareils à équiper.
J'exprimerai un regret sous la forme d'uune suggestion au sujet de l'expérimentation d'un drone anti-incendie, le Firebird 2001 de IAI-MALAT, développé en coopération entre Israël et les Etats-Unis. C'est certainement une méthode nouvelle de surveillance des forêts, d'accès au plus proche des foyers d'incendie et de programmation d'interventions à distance.
Ensuite, je note la persistance d'attitudes de facilité, telle celle qui consiste à ne pas inscrire dans le projet de budget les dotations correspondant au remboursement aux services départementaux d'incendie et de secours des coûts exposés notamment au titre des colonnes de renfort envoyées sur les lieux de sinistres majeurs. Il est heureux qu'il n'y ait pas eu trop de sinistres majeurs cette année.
Pour conclure, je résumerai mon intervention en disant que, si l'impératif de maîtrise des dépenses publiques doit, cette année, être appliqué à tous les ministères, la police nationale mériterait de ne pas subir, en 1998, une seconde année de rigueur aussi importante.
Sous cette réserve, la commission des finances a décidé de vous demander, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la sécurité pour 1997.
Votre rapporteur ajoute son souhait personnel d'un vote positif pour faciliter la tâche de deux grands services nationaux placés, monsieur le ministre, sous votre autorité.
Il s'agit, d'une part, de la sécurité civile, qui connaîtra en 1997, une réorganisation centrale avec la mise en place d'une direction de la sécurité et de la défense civiles et un grand effort de renouvellement de ses moyens aériens.
Il s'agit, d'autre part et surtout, de la police nationale, constamment sollicitée dans une société difficile, instable, et qui est trop souvent humiliée, voire calomniée. Elle a besoin, dans de telles circonstances, d'un soutien unanime du Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son excellent exposé, notre talentueux collègue M. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission des finances, a parfaitement souligné les caractéristiques essentielles du budget du ministère de l'intérieur pour la police nationale ; je n'y reviendrai donc pas.
Sans doute, à l'instar de la commission des finances, la commission des lois a-t-elle regretté la pause constatée, dès 1997, dans l'application de la programmation contenue dans la loi d'orientation du 21 janvier 1995. L'objectif quinquennal voté par le législateur il y a à peine deux ans ne sera pas tenu. Il n'est pas absurde de craindre que le retard déjà constaté ne prenne de l'ampleur.
Au moment où le Gouvernement s'est résolu à résorber progressivement les déficits budgétaires chroniques que ce pays supporte depuis quinze ans, les programmes pluriannuels, le vôtre et les autres, monsieur le ministre, sont-ils encore d'actualité ? On peut se poser la question.
On ne peut vous imputer cette insuffisance de moyens financiers. Le choix majeur arrêté par le Gouvernement de réduire les déficits doit être assumé aussi par votre ministère. Vous avez su, dans ce contexte, protéger l'essentiel, puisque votre projet de budget est, en francs courants, pratiquement stable.
Je souligne, par ailleurs, que, dans les domaines qui relèvent exclusivement de votre seule responsabilité, vous tenez scrupuleusement les engagements pris. En exemple, je veux citer la réorganisation de la police nationale, qui se poursuit dans la discrétion et l'efficacité.
Vous trouverez, mes chers collègues, l'essentiel de mes analyses dans mon rapport écrit, car je voudrais, dans le trop bref délai qui m'est imparti, souligner ici quatre points.
Premièrement, il s'opère, dans la police, un profond changement. Depuis deux ans, les divers corps de nos quelque 140 000 fonctionnaires de police connaissent des mutations statutaires radicales. La réforme s'opère sans blocage et sans crise. On doit ce résultat à la forte et permanente concertation érigée en principe au sein de votre administration. Ce n'est pas partout pareil !
Ces corps de police hiérarchisés, confrontés en permanence à l'épreuve du terrain, avec ses risques et ses ingratitudes, ont adhéré à cette réforme. Ils participent activement au nécessaire ajustement réglementaire et pratique de mesures dont l'ampleur n'est généralement pas perçue à leur juste valeur.
Cette réorganisation, que vous menez avec persévérance et avec bonheur, est ingrate. Elle est obscure, modeste, quotidienne, éloignée de toutes les éloquences, ignorée des grands médias, qui sont plus proches des conflits sociaux que des réformes silencieuses.
Ce que vous entreprenez en ce moment pour essayer de sortir d'un provisoire qui dure depuis douze ans en cherchant à aménager les horaires de travail de la police active est une belle démonstration de ce changement profond où vous vous engagez personnellement et où vous engagez, derrière vous, votre administration.
Je suis convaincu que cette réforme, si elle est conduite à son terme - je le souhaite - apportera moins de fatigue aux personnels, tout en libérant des effectifs supplémentaires, et ce sans la moindre incidence budgétaire.
Le deuxième point que je voudrais souligner concerne la lutte contre la criminalité et la délinquance.
Des progrès appréciables sont enregistrés, à cet égard. En 1995, cette criminalité a diminué de 6,47 %. Les tendances, affichées dans les six premiers mois de l'année 1996, confirment les résultats de l'année dernière.
Sans doute ne faut-il pas attacher trop d'importance aux statistiques, dont nous savons très bien qu'on peut tirer le meilleur et le pire. L'impression dominante, dans l'opinion, reste un sentiment d'insécurité ; mais je préfère constater ici une baisse dans les statistiques plutôt que d'enregistrer, cinq années de suite, de fortes hausses dans cette délinquance, comme ce fut le cas de 1989 à 1994 !
Ce qui pose un problème, monsieur le ministre, vous le savez mieux que quinconque, c'est la délinquance sur la voie publique, les violences contre les personnes, les dégradations de biens privés.
Ce qui pose également un problème, c'est la délinquance des mineurs, qui connaît globalement un accroissement inquiétant en 1995.
Cette année-là, 16 % des personnes mises en cause ont été des mineurs. La radicalisation de ce phénomène est constatée par tous les services spécialisés ; cette violence des mineurs se développe sur tout le territoire, et pas seulement dans les quartiers dits « difficiles » ; elle est, aujourd'hui, souvent même dans les lycées.
Dans ce constat, il faut bien percevoir la place que joue le trafic de la drogue. Il faudra bien, un jour, aborder de face et avec force le problème européen de la drogue.
L'observatoire européen de Lisbonne, installé en 1994, vient de produire son premier rapport. Il souligne que, dans nos prisons, les toxicomanes représentent 30 % à 40 % de la population carcérale. C'est bien la preuve de l'imbrication des deux phénomènes : drogue et insécurité vont de pair.
Ma troisième observation concerne les dépenses de personnel.
J'ai constaté avec intérêt l'extension au bénéfice des policiers du SGAP de Versailles de la prime versée depuis longtemps aux policiers du SGAP de Paris.
M. Jean-Jacques Hyest. Enfin !
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Cet engagement, ancien déjà, et enfin tenu, est heureux.
Je suis plus perplexe, en revanche, sur la suppression de cinq cents emplois de policiers auxiliaires. Sans doute les recrutements dans cette catégorie sont-ils toujours restés inférieurs au nombre des emplois budgétaires prévus et votre mesure, à cet égard, peut correspondre à un ajustement. Mais quel sera l'avenir du service national dans la police à partir du moment où il ne reposera plus, désormais, que sur le volontariat ?
Cette évolution pourrait conduire à la raréfaction des candidatures et avoir une incidence sur le recrutement même des corps de police, puisque, à l'heure actuelle, 40 % des policiers recrutés dans les différents cadres ont effectué leur service comme policier auxiliaire.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut réfléchir dès maintenant aux mesures qui pourraient être prises pour compenser cette déflation attendue et prévue, en imaginant des solutions nouvelles, fatalement génératrices de dépenses.
Je ne parlerai pas ici du réseau ACROPOL, puisque le rapporteur spécial l'a évoqué.
Il est tout de même regrettable que la police française ne puisse disposer, à la fin de ce siècle, de moyens de communications aussi performantes que ceux de nos voisins ! (Très bien ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que j'ai voulu me permettre à cette tribune, observations qui sont incluses et développées dans mon rapport écrit.
La commission des lois, dans sa majorité, a accepté mes conclusions.
Elle constate que la réforme profonde de la police nationale est engagée avec bonheur. Elle souligne que la sécurité publique est confrontée à des défis majeurs qui ne sont pas encore appréhendés dans toute leur ampleur. Elle rappelle que l'efficacité de l'action policière est tributaire du rendement de l'appareil judiciaire, dont les procédures sont aujourd'hui - il ne faut pas hésiter à le dire - parfaitement obsolètes.
En conclusion, la commission des lois m'a demandé de rappeler une fois encore et avec force que la sécurité publique ne peut se réduire à la seule activité de la police nationale et que le sentiment d'insécurité, qui est toujours puissant dans l'opinion, peut alimenter dans ce pays des réflexes de peur porteurs de tous les excès.
En l'état, la commission des lois, dans sa majorité, m'a demandé de proposer à notre assemblée l'adoption des crédits de la police inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 ; je le fais bien volontiers. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. René-George Laurin, rapporteur pour avis.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter, au nom de la commission des lois, quelques observations au sujet du budget de la sécurité civile, je souhaite tout d'abord rendre hommage aux douze sapeurs-pompiers et au pilote de la sécurité civile décédés en service en 1996.
Je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits qui ont été présentés par notre collègue M. Guy Cabanel, au nom de la commission des finances. Je rappellerai seulement que la progression des crédits d'investissement permettra d'effectuer les derniers paiements relatifs au programme d'acquisition des nouveaux Canadairs CL 415. C'est la dernière opération concernant ces avions.
Il est maintenant temps d'envisager de poursuivre la modernisation des moyens aériens de la sécurité civile par le renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qui est devenue vétuste. Certes, aucune dotation n'est inscrite à ce titre dans le projet de budget pour 1997. Des crédits devraient toutefois être ouverts dans le prochain « collectif » afin de permettre le financement du début d'un programme d'achat de trente-deux hélicoptères, échelonné sur six ans.
Permettez-moi, à cet égard, monsieur le ministre, de formuler le souhait que puissent être acquis à cette occasion des modèles d'hélicoptères susceptibles d'être utilisés en tant qu'hélicoptères porteurs d'eau.
S'agissant des interventions de la sécurité civile, le bilan de l'année 1996 a été marqué par la poursuite de l'amélioration des résultats obtenus dans la lutte contre les incendies de forêts, avec, si jose dire, seulement 13 100 hectares brûlés au 1er septembre.
Ces bons résultats constituent un encouragement à la politique de prévention et d'intervention rapide sur les feux naissants mise en oeuvre notamment grâce à la mobilisation de moyens aériens importants, en particulier, je le signale, les hélicoptères loués dans les départements du sud de la France.
Dans un autre domaine, je dois souligner la préoccupation de la commission des lois, exprimée depuis plusieurs années déjà, devant la charge financière résultant, pour les communes, de la progression très rapide du nombre des interventions destinées à secourir les victimes d'accidents consécutifs à la pratique des sports dits « à risques », en particulier en montagne ou sur le littoral mais aussi, maintenant, dans les grottes, que l'on va imprudemment visiter.
Il est désormais urgent que la concertation engagée par le Gouvernement sur ce sujet - M. le ministre l'évoquera sans doute - puisse aboutir rapidement à une extension à d'autres pratiques que le ski de la liste des activités sportives pour lesquelles une participation financière aux frais engagés peut être exigée des personnes secourues, moyennant souscription préalable de leur part d'une assurance spécifique.
Je voudrais, enfin, évoquer l'application de deux lois promulguées toutes deux voilà un peu plus de six mois : d'une part, la loi relative aux services d'incendie et de secours, que j'ai eu l'honneur de rapporter devant vous, mes chers collègues ; d'autre part, la loi relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, adoptée par le Sénat sur le rapport de notre ancien collègue Jean-Pierre Tizon.
En effet, la mise en oeuvre des importantes réformes de l'organisation de la sécurité civile résultant de l'adoption de ces deux lois est aujourd'hui subordonnée à la publication des décrets prévus pour leur application.
En ce qui concerne la loi relative aux services d'incendie et de secours, un premier décret relatif à l'installation des premiers conseils d'administration des nouveaux SDIS vient tout juste d'être publié, monsieur le ministre, puisqu'il figure au Journal officiel daté du 23 novembre. Il devrait être suivi, d'ici à la fin de l'année, de deux autres décrets destinés à préciser les procédures de règlement des litiges susceptibles d'intervenir au cours de l'élaboration des conventions de transferts ainsi que la composition des commissions administratives paritaires relatives aux sapeurs-pompiers professionnels.
Un autre décret, à portée plus générale, annoncé pour le printemps, devra ensuite définir les nouvelles modalités d'organisation des services d'incendie et de secours.
L'application de la loi relative aux sapeurs-pompiers volontaires nécessite, pour sa part, un décret relatif aux vacations horaires - mais il vient également d'être publié le 23 novembre - ainsi qu'un décret relatif à l'allocation de vétérance, qui est actuellement en cours de préparation.
La Haute Assemblée souhaite qu'une parution rapide de l'ensemble de ces décrets permette d'engager la mise en place progressive des nouveaux SDIS et d'obtenir une indispensable relance du volontariat.
C'est sous le bénéfice de ces différentes observations que la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité civile inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 1997 concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellents rapports de MM. Cabanel, Masson et Laurin, qui, pour être synthétiques, n'en étaient pas moins très précis - ce qui prouve qu'on n'est pas obligé de parler très longtemps pour bien parler - je voudrais souligner les modifications importantes qui ont concerné la police depuis deux ans.
C'est, d'abord, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995, qui, pour la première fois, définit un cadre à moyen terme pour la politique de sécurité et recense les moyens correspondants nécessaires. J'aurai, bien entendu, l'occasion d'y revenir.
C'est également, depuis le printemps 1995, la réforme des corps et des carrières, qui, conjuguée au règlement général d'emploi de juillet 1996, modifie en profondeur le cadre et les modalités de l'action au quotidien de la police.
Monsieur le ministre, l'ancienne école des inspecteurs de la police nationale étant située dans mon département, je peux attester que la fusion des corps se déroule dans de bonnes conditions et que la nouvelle formation des lieutenants et des capitaines de police répond tout à fait à vos préoccupations, et surtout aux préoccupations de ceux qui sont désormais appelés à être les cadres de la police nationale.
Je tiens aussi à rappeler les efforts qui ont été faits en matière d'équipement.
Si les crédits de paiement affectés à l'équipement mobilier lourd de la police nationale régressent de 110 millions de francs à 75 millions de francs, il ne faut pas pour autant oublier que 1995 et 1996 ont été deux années de fort rattrapage, notamment pour le parc automobile.
De même, en termes d'efficacité - M. Masson a insisté tout à l'heure sur ce point - malgré un sentiment d'insécurité persistant, il ne faut pas oublier que la police nationale a géré, en 1995, 3,6 millions d'infractions, ainsi que l'entrée et la sortie de 84 millions d'étrangers.
De plus, on constate une baisse statistique sensible de la criminalité depuis deux ans. Cette baisse est en effet de 6,47 % et dépasse l'objectif de 5 % assigné en juin 1995 par le Premier ministre.
Les efforts sont donc réels, et il est dommage qu'au niveau de la perception il y ait un si grand décalage, la montée du sentiment d'insécurité s'observant aussi bien en ville que dans les campagnes.
Comme l'a fort bien noté M. Masson, beaucoup d'infractions de proximité, telles que les violences contre les personnes et les dégradations des biens privés, connaissent une forte progression. Or c'est ce type d'infractions qui, parce qu'elles touchent les gens au quotidien, entretiennent un sentiment diffus d'insécurité.
Reste, bien entendu, un grave sujet de préoccupation, cause de multidélinquances : la drogue. Je ne pense pas que, dans ce domaine, les dernières statistiques connues soient aussi bonnes, car on constate une diminution des saisies et, bizarrement d'ailleurs, du nombre des infractions relevées, ce qui est extrêmement préoccupant.
On ne peut pas non plus être aussi optimiste concernant les perspectives pour l'année 1997.
En effet, s'agissant de la police nationale, on constate indéniablement qu'une pause est marquée. D'abord, les crédits sont quasiment stabilisés, avec près de 28 milliards de francs, soit une diminution de 0,3 % par rapport à 1996. Ensuite, l'objectif quinquennal fixé par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 ne pourra être atteint.
L'amélioration de la productivité de la police nationale par la création de 5 000 emplois administratifs, scientifiques et techniques, pour décharger les personnels actifs de tâches qui les détournent de leurs véritables missions, et par la fourniture de moyens informatiques et de transmission plus performants en est donc retardée, comme le démontrent les données du budget.
En effet, seuls 700 emplois administratifs, scientifiques et techniques ont été budgétés en 1996 et, pour 1997, on prévoit même une suppression d'emplois. Ce n'est pas ce qui était prévu dans la loi de programmation !
Ainsi, l'objectif de rendre les policiers à leurs tâches en recrutant des agents administratifs, scientifiques et techniques ne pourra pas être atteint cette année. Même si je comprends parfaitement les raisons de ce retard, cela signifie que l'on n'ira pas aussi vite que ce qui avait été prévu, alors que c'est pourtant une nécessité.
Ce sont donc 500 emplois de policiers auxiliaires qui vont disparaître et, à ce propos, je m'interroge non sur l'aspect budgétaire de cette mesure, qui correspond en fait à un ajustement à la réalité, mais plutôt - le rapporteur de la commission des finances y a fait allusion - sur l'avenir des policiers auxiliaires, maintenant que le service national repose sur le volontariat. C'est là une préoccupation d'autant plus grande que les policiers auxiliaires ont rempli des tâches tout à fait utiles pour la police nationale.
Le projet de loi sur le service national n'est pas fait pour me rassurer, car, s'il est vrai qu'il y aura encore des volontaires - ceux qui se destineront à une carrière dans la police - leur nombre sera-t-il aussi important quand il n'y aura plus d'obligation de service national ? Mon inquiétude est la même pour la gendarmerie et les unités d'instruction de la sécurité civile, dont j'ai parlé tout à l'heure. En effet, faire reposer le recrutement de ces auxilaires sur le seul volontariat me paraît poser des problèmes, sauf à les rémunérer dans des conditions suffisantes, ce qui n'est pas prévu dans le budget pour 1997.
S'agissant du système de communication numérique crypté, donc inviolable, l'achèvement de sa généralisation n'est plus daté. Cela sous-entend le maintien en service d'instruments de transmission obsolètes qui coûtent de plus en plus cher. Je sais que, dans les domaines informatiques et de transmission, il n'est pas facile de mettre au point des dispositifs efficaces et qu'il ne faut surtout pas se tromper dans les choix technologiques. Tout retard en matière de communication moderne ne peut que nuire à l'efficacité de la police.
Enfin, monsieur le ministre, j'en viens à un sujet qui vous préoccupe et pour lequel vous avez engagé une réforme : les conditions de travail des policiers, qui restent alarmants, voire inacceptables.
La question des suicides est d'ailleurs souvent évoquée dans la police. C'est une réalité. Certains cherchent des causes très compliquées. Ces suicides sont, en fait, bien souvent, la conséquence des conditions de travail des policiers, d'où l'importance du programme que vous avez affecté au logement pour que les policiers aient de meilleures conditions de vie familiale ; il est évident qu'il faut continuer dans ce sens. Je me réjouis que dans le budget pour 1997, malgré les difficultés, l'effort soit maintenu dans ce domaine.
Je ne peux, monsieur le ministre, que soutenir les actions que vous entreprenez pour changer les conditions de travail. Malgré les traditions, que je ne comprends pas très bien d'ailleurs, ou les résistances de certains syndicats, qui ne veulent rien changer dans ce domaine, il est extrêmement important que cette réforme destinée à donner aux policiers des conditions de travail acceptables aboutisse.
Les conflits sociaux que nous connaissons le prouvent : l'éloignement prolongé de la famille et les horaires complètement décalés désorganisent, perturbent psychologiquement ceux qui y sont soumis. Il faut changer les choses ; c'est très important pour le moral des policiers.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien entendu, et vous vous y attachez, il faut insister encore sur la formation, notamment des policiers au premier échelon, en prenant mieux en compte les aptitudes psychologiques que suppose ce métier.
Il faut encore faire un effort dans ce domaine, car un Etat ne peut se permettre de négliger une de ses fonctions, la sécurité intérieure, sans remettre en cause l'ensemble du fonctionnement de la société.
Mais il est vrai aussi que les Français - et ils le savent - ne peuvent pas se passer de la police nationale et que, sans vouloir engager une polémique inutile, ils lui doivent le respect que mérite cette fonction essentielle de l'Etat.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. En résumé, monsieur le ministre, si la police lutte efficacement contre la délinquance et l'immigration clandestine - j'en veux pour preuve le démantèlement des ateliers clandestins, l'organisation d'opérations de reconduite groupées et la création d'un nouvel office central, - elle a simplement besoin de moyens plus performants, voire d'une plus grande souplesse de gestion afin de faciliter la mise en oeuvre d'une action plus efficace, et donc plus crédible.
On a aussi le droit d'exiger de la police qu'elle ait une attitude toujours correcte. Les comportements individuels qui ne le seraient pas - il peut en exister, comme dans tout corps social - doivent être sanctionnés. Il n'empêche que, comme l'a dit l'un des rapporteurs, le Parlement doit apporter son soutien à l'action difficile et dangereuse de la police, comme de la gendarmerie, qui exerce les mêmes fonctions dans les campagnes.
Dans le domaine de la sécurité civile, le budget échappe aux rigueurs budgétaires, puisqu'il progresse de plus de 2 %. Cette progression est essentiellement due à la poursuite du programme des Canadair. Nous sommes heureux que la dotation soit enfin à la hauteur de ce qui était prévu depuis de longues années. La modernisation du parc des Canadair est une bonne chose, de même que l'achèvement du programme de remotorisation des Tracker.
S'agissant de la modernisation du parc des hélicoptères, évoquée par M. Laurin, je me permettrai d'avoir un avis légèrement divergent sur le plan technique : je ne crois pas aux hélicoptères porteurs d'eau, sauf peut-être pour les départs de feu. Mais les tâches ne manquent pas pour ces appareils de la sécurité civile en matière de transport de personnes. Ils sont notamment nécessaires en cas de catastrophe.
Toutefois, monsieur le ministre, je ne voudrais pas que le budget de la sécurité civile ne soit, comme d'habitude, qu'un budget de lutte contre les incendies de forêt du Midi.
Vous savez très bien que la sécurité civile en France repose largement sur les collectivités territoriales. M. Laurin a évoqué largement les lois qui ont été votées par le Parlement, à la fois sur l'organisation des services d'incendie dans les départements et sur le volontariat. Je ne reviendrai pas sur ce qu'il a dit concernant les décrets d'application en attente.
Il faut faire vite, monsieur le ministre. En effet, le vote d'une loi crée une dynamique pour les collectivités locales ; si on tarde à la faire appliquer, le sentiment de nécessité retombe un peu.
En l'occurrence, un certain nombre de collectivités locales réticentes avaient fini par se convaincre de l'opportunité de cette nouvelle organisation des services d'incendie ; aussi, ne tardez pas trop, faites en sorte que la plupart des décrets soient publiés rapidement pour que la loi entre effectivement en application.
Il en va de même, bien entendu, pour les lois relatives aux sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers se sont réjouis de leur adoption, mais, maintenant, il est souhaitable que leur mise en oeuvre intervienne rapidement.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'évoquer un dernier point.
Dans le domaine de la sécurité, comme dans d'autres d'ailleurs, les collectivités locales souhaitent que l'on ne change pas les règlements tous les jours, que l'on fasse preuve d'imagination. Cela a un coût pour chacun et ce n'est pas parce que certains n'ont pas fait leur métier qu'on doit édicter de nouvelles réglementations pour tous !
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l'Union centriste votera bien volontiers les crédits de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon intervention à un problème qui me tient particulièrement à coeur en tant qu'élu de Paris - je pense que tous les élus parisiens partagent mon sentiment, à savoir la situation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Ce corps - monsieur le ministre, je ne vous apprendrai rien - non seulement assure la sécurité des quelque dix millions de personnes qui vivent ou se déplacent à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, mais accomplit également des missions universellement reconnues qui vont bien au-delà, puisque les sapeurs-pompiers de Paris interviennent très souvent à l'étranger et disposent d'un centre de formation pour l'ensemble des pompiers de France.
La remarquable capacité opérationnelle de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, son expérience, le dévouement de ses hommes, qui ont choisi de servir les autres dans les moments de grande difficulté, méritent qu'on leur rende un hommage appuyé et que les pouvoirs publics leur permettent de continuer leur mission, dans les années à venir, dans les meilleures conditions.
Or, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris se trouve confrontée à deux problèmes importants.
Tout d'abord, le nombre de ses interventions est en constante augmentation. Ainsi, en 1968, pour un effectif de 5 549 personnes, le nombre des interventions s'est élevé à 50 000. En 1994, les 6 851 militaires de la brigade ont dû effectuer 353 000 interventions. Les conditions de travail sont dures, la durée hebdomadaire de travail des sapeurs-pompiers est souvent de plus de quatre-vingts heures. C'est dire le dévouement dont ils font preuve ! Il est par conséquent nécessaire de maintenir, voire d'augmenter, les effectifs.
De plus, la réforme du service national va avoir des conséquences immédiates sur les effectifs eux-mêmes et sur le coût de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers.
Aujourd'hui, 20 % du personnel est constitué d'appelés, ce qui représente 1 200 hommes. La restructuration des forces armées va, bien entendu, entraîner une nouvelle méthode de recrutement.
Quelle que soit la méthode choisie - professionnalisation, appel au volontariat - les incidences budgétaires de cette restructuration sont importantes et inéluctables.
Une première phase de recrutement devra en effet intervenir dès 1997, afin que la répercussion financière de la réforme soit étalée sur plusieurs années.
Il en est de même pour le repyramidage - je n'aime pas beaucoup ce terme, mais c'est, paraît-il, le terme consacré - c'est-à-dire la transformation des postes d'appelés de haut niveau en postes d'officier et sous-officier, et l'augmentation du taux de gradés, qui est actuellement de 35 %, c'est-à-dire un seuil très inférieur au taux moyen de l'armée de terre.
Par ailleurs, des dépenses vont intervenir immédiatement. Ainsi, la solde forfaitaire qui était versée aux militaires du rang sous contrat pendant la durée légale de dix mois du service national sera remplacée par la solde spéciale progressive attribuée aux caporaux et aux sapeurs servant au-delà de cette durée légale d'un coût largement supérieur.
Il est donc tout à fait indispensable de prévoir, à l'occasion de ce débat budgétaire, l'enveloppe financière qui permettra d'obtenir une répartition cohérente sur quatre ou cinq ans du surcoût budgétaire entraîné par la restructuration des forces armées, laquelle doit être assurée par l'Etat et non pas par les collectivités locales.
Compte tenu de l'importance de l'enjeu, monsieur le ministre, je voudrais que vous nous donniez l'assurance que la brigade des sapeurs-pompiers bénéficiera des moyens nécessaires pour faire face, comme elle l'a toujours fait, dans l'urgence, aux catastrophes et aux détresses d'une grande ville telle que Paris.
Il y va de la sécurité de la capitale et de la petite couronne, de leurs habitants et de ceux qui y travaillent, comme de la confiance et de la reconnaissance que les Français ont envers ceux qui leur viennent en aide, sans relâche et avec tant de dévouement, depuis si longtemps. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre, le débat sur le budget de la police intervient dans un contexte national particulièrement difficile, caractérisé par un accroissement du sentiment d'insécurité, qu'il s'agisse d'une insécurité morale, avec l'accroissement du chômage, la régression sociale et la hausse considérable de la pression fiscale, ou d'une insécurité physique, due au développement des phénomènes de violence et des atteintes répétées aux personnes et aux biens.
Loin de régresser, cette violence augmente dans les zones urbaines. Elle a gagné des domaines jusque-là préservés, comme les établissements scolaires ; elle se banalise, tout comme se banalisent les zones de non-droit, où la loi républicaine est bafouée.
Les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées et multiplient les efforts de prévention avec des moyens qui diminuent. La population et les élus constatent le malaise qui grandit au sein des personnels de police, dont le découragement prend, trop souvent maintenant, une forme dramatique.
Plus que jamais, les policiers doivent être proches de la population, présents sur le terrain, parfaitement formés aux missions qui les attendent et disposer de moyens adaptés aux nouveaux défis lancés par la criminalité moderne.
Or, le projet de budget que vous nous proposez pour 1997 est en baisse, ce qui est alarmant au regard des besoins de la police et des attentes de la population dans le domaine de la sécurité.
A la lecture de votre budget, on ne peut que constater qu'il consacre l'abandon de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, tant on est loin des mesures qu'elle prévoyait, des financements et des délais qu'elle annonçait.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, ne semble pas tenir compte de la réalité vécue quotidiennement par les Français. L'insécurité augmente, et vous diminuez les effectifs !
Cette situation est paradoxale. Vous ne pouvez espérer répondre aux besoins de sécurité des Français en supprimant 621 emplois et en repoussant, pour la quatrième année consécutive, la création de postes de titulaires, pourtant seuls garants d'une véritable professionnalisation de la police.
Les réductions d'effectifs prévues pour le corps des officiers et le corps des commissaires ne sont pas compensées par un recrutement supplémentaire de gardiens de la paix.
Elles entraîneront inévitablement un transfert de travail sur ces derniers et, par voie de conséquence, une diminution des policiers en tenue sur la voie publique.
Vous vous êtes fondé sur le fait que 500 postes de policiers auxiliaires prévus dans le budget pour 1996 n'avaient pas été pourvus pour les supprimer en 1997. Il est tout à fait regrettable de renoncer ainsi à la possibilité de recourir à un nombre supérieur de fonctionnaires dont les missions s'exerçaient au plus proche de la population.
Ce que l'on peut conclure de cette réduction des effectifs, c'est qu'elle est incompatible avec la mise en oeuvre d'une police de proximité, proche des citoyens. Elle marque aussi le renoncement à une police préventive, car, faute de moyens humains, elle devra se limiter à l'intervention et à la répression.
Cette insuffisance d'effectifs ne peut que favoriser la multiplication des sociétés de gardiennage, avec tous les risque que cela comporte. Elle aboutit, à terme, au transfert de nouvelles charges de l'Etat vers les collectivités territoriales en incitant à la création de polices municipales, qui alourdissent les budgets des communes et ne remplaceront jamais les fonctionnaires de la police nationale. Elle constitue, enfin, une remise en cause de la mission régalienne de l'Etat.
Il est par ailleurs tout à fait inquiétant de constater que la diminution des effectifs s'accompagne d'une réduction des crédits de formation.
Ces crédits, qui stagnaient depuis deux ans, sont en baisse de 7 % par rapport à l'année dernière. La dotation budgétaire pour l'école nationale de la police subit une importante diminution, alors que la dotation de l'institut des hautes études de sécurité intérieure régresse de 12 %.
Dans une société qui évolue, les policiers doivent savoir appréhender de nouvelles réalités sociales, de nouvelles formes de criminalité. Leur formation est seule garante de leur qualité et de leur efficacité. Ce dont les policiers ont besoin, c'est d'accroître leur professionnalisation, et donc leur formation !
Le souci d'économie qui prévaut dans votre budget, comme dans beaucoup d'autres, monsieur le ministre, concerne également les moyens mis à la disposition des fonctionnaires de police.
Comment la police peut-elle mener à bien sa mission alors que les crédits de fonctionnement régressent de 180 millions de francs ?
Comment espérer régler le problème de la vétusté des locaux alors que les crédits immobiliers accusent une nette diminution par rapport à 1996 ?
Relevons également que les moyens consacrés aux transmissions ne permettront pas de rattraper le retard accumulé dans la mise en place du réseau de transmission crypté ACROPOL, qui doit assurer l'inviolabilité des communications de la police. Il est, à ce titre, essentiel pour le bon fonctionnement de la police, l'efficacité et la sécurité des policiers.
Ce réseau devait être étendu à l'ensemble du territoire sur une période de sept ans. Nous sommes très loin de ces prévisions puisque, aujourd'hui, deux villes seulement sont équipées et que nul ne peut affirmer que le réseau ACROPOL sera opérationnel dans le département de la Seine-Saint-Denis pour la coupe du monde de football, en 1998.
Il reste, concernant l'évolution de la police nationale, de nombreux problèmes sur lesquels votre projet de budget n'apporte aucune perspective de solution.
C'est le cas pour les tâches indues de la police, qui continuent de mobiliser trop de policiers hors de leurs missions prioritaires.
C'est le cas pour l'allocation de service perçue par les commissaires au titre des vacations funéraires et d'assistance d'huissier : l'Etat ne parvient apparemment pas à collecter l'argent de ces vacations, ce qui alourdit d'autant la charge de trésorerie du ministère de l'intérieur. Monsieur le ministre, je réitérerai donc ici la question que vous a déjà posée Daniel Vaillant à l'Assemblée nationale : pouvez-vous nous dire pourquoi des sommes très importantes liées à ces vacations ne sont pas recouvrées par le ministère des finances ?
On peut également s'étonner que les CRS consacrent deux tiers de leur temps à des missions de sécurisation, ce qui se traduit par un surcoût élevé des frais de déplacement et de logement.
Par ailleurs, le partage actuel des responsabilités et des attributions entre la police et la gendarmerie soulève de nombreuses interrogations, car il ne s'intègre pas dans une politique globale de gestion des effectifs qui concourent à la sécurité.
Monsieur le ministre, pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd'hui à notre pays dans le domaine de la sécurité, la police doit disposer de personnels suffisants, bien formés et bien équipés. Votre projet de budget ne permet pas d'avancer en ce sens. Aussi le groupe socialiste ne le votera-t-il pas.
M. Jean Chérioux. Quelle surprise ! C'est un scoop !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Et pendant quatorze ans, ils ont été au pouvoir ! Ils sont amnésiques !
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Calmejane. Qu'ont-ils fait pendant tout ce temps ? Rien !
M. André Rouvière. Et vous, que faites-vous ? Vous ne savez que vous tourner vers le passé !
M. le président. La parole est à M. Pagès, et à lui seul.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, trop d'années, lors de la discussion du budget relatif à la sécurité, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen commencent leur intervention par ce triste constat : l'insécurité se nourrit de la crise profonde de notre économie, de la dégradation importante du tissu social, des inégalités et des exclusions sociales grandissantes.
Et, selon nous, ce ne sont pas les orientations du gouvernement actuel qui vont atténuer la crise profonde que traverse notre pays. Le projet de loi de finances pour 1997, dans son ensemble, en est l'illustration flagrante, marqué qu'il est du sceau de Maastricht.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, n'y échappe pas et ne peut donc répondre aux attentes de la population en matière de sécurité.
En effet, les critères exigés pour la réalisation de l'union économique et monétaire étant la « réduction des déficits publics » et la « compression drastique des dépenses publiques », on comprend les difficultés dans lesquelles se trouve votre ministère.
Ainsi, pour 1997, le budget géré par le ministère de l'intérieur, regroupant l'administration générale, l'administration territoriale, la sécurité civile et la police nationale, est en baisse de 0,3 % par rapport au budget voté de 1996.
S'agissant des effectifs, votre ministère comptait 137 459 agents en 1996. En 1997, ils ne seront plus que 136 839, soit une réduction de 621 agents. Comment peut-on penser un instant qu'il y a trop de fonctionnaires dans la police ?
En huit ans, ce sont plus de 1 000 fonctionnaires de la police urbaine qui ont disparu !
Depuis 1985, pour combler le manque criant de personnel, on a eu recours à des appelés du contingent. Si, au début, ces derniers ne représentaient qu'un apport complémentaire, ils sont devenus, au fil du temps, un élément essentiel de la police, alors qu'ils n'ont pas reçu de formation suffisante.
Et ce n'est pas la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité qui viendra pallier le manque d'effectifs puisque non seulement l'application du plan a été rééchelonnée mais le recrutement de 5 000 agents administratifs et techniques qui était prévu n'a pas reçu les crédits nécessaires à son financement.
M. Cabanel, rapporteur spécial, reconnaît lui-même dans son rapport écrit que « le projet de budget de la police nationale pour 1997 marque une pause dans la mise en oeuvre du volet programmation de la loi d'orientation du 21 janvier 1995 ».
Il note également : « Si le ministère de l'intérieur évoque, pour l'instant, un étalement sur une seule année supplémentaire, la nécessité de l'action du Gouvernement imposerait plutôt d'annoncer un échéancier sur sept ou huit exercices, tant les retards sont devenus manifestes. »
Voilà où en est votre plan quinquennal. Est-ce là votre conception de la sécurité publique, laquelle constitue pourtant une mission souveraine, inscrite dans la Constitution ?
Je regrette d'avoir à faire une nouvelle fois un tel constat cette année.
Outre que ce budget est insuffisant, nous n'avons aucune garantie quant à son exécution. Déjà, en 1996, est intervenu un gel de 5 % des crédits. Qu'en sera-t-il en 1997 ?
Le temps me manque pour traiter de la situation en Corse. J'évoquerai seulement l'inefficacité chronique de l'action gouvernementale pour y rétablir la sécurité et le respect des droits démocratiques. Nous attendons toujours l'engagement d'une action déterminée contre le terrorisme.
Je déplore, étant donné l'ampleur des problèmes, le fait que, cette année, mon groupe ne dispose que de cinq minutes pour intervenir sur un budget aussi déterminant pour les populations que celui de la sécurité. Les budgets ne sont pas les seuls à subir des réductions drastiques : les temps de parole, surtout ceux du groupe communiste républicain et citoyen, aussi !
Je devrai donc intervenir de nouveau lors de l'examen du titre III pour apporter quelques compléments, mais chacun aura d'ores et déjà compris que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ».
Ainsi, aux termes de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la sécurité est un droit de l'homme, et le rôle fondamental de l'Etat est un rôle de protection du citoyen.
Et pourtant, un siècle plus tard, en 1905, un certain Eugène Villiod, détective, publiait un ouvrage au titre suggestif, Comment on nous vole, comment on nous tue, dans lequel on pouvait lire : « Une des caractéristiques de notre époque est la progression effrayante de la criminalité : il n'est pas de jour où les journaux n'enregistrent de nombreux et monstrueux attentats contre les personnes ou la propriété.
« Particularité plus navrante encore, ces forfaits sont généralement l'oeuvre de jeunes gens agissant non isolément. Aussi n'y a-t-il qu'une voix pour accuser l'insuffisance de la préservation sociale. L'audace toujours croissante des malfaiteurs, leur nombre chaque jour grandissant sont la meilleure preuve qu'elle ne répond pas aux nécessités d'une situation qui devient de plus en plus inquiétante. »
D'une actualité évidente avant 1993, ce propos devient chaque jour plus inexact grâce à la politique ambitieuse et courageuse que vous conduisez, monsieur le ministre, dans le droit-fil des orientations de votre prédécesseur.
En effet, dans la plupart des domaines, qu'il s'agisse de la délinquance, de la drogue, de l'immigration clandestine ou du terrorisme, vous avez obtenu, depuis dix-huit mois, de très bons résultats.
Les chiffres rappelés par notre collègue Paul Masson dans son excellent rapport l'attestent : 254 000 crimes ou délits de moins constatés en 1995, ce qui correspond à une diminution de la criminalité de 6,50 % par rapport à l'année précédente. Et les premières indications disponibles pour 1996 confirment cette tendance : sur les sept premiers mois de cette année, la diminution de la délinquance constatée dans la seule ville de Paris est de près de 10 %.
Néanmoins, je partage l'opinion exprimée par nos collègues de la commission des lois, qui ont souligné le décalage existant entre, d'un côté, des chiffres objectivement favorables et, de l'autre, la montée concomitante d'un sentiment d'insécurité, qui s'observe aussi bien dans les villes que dans les zones rurales.
Il est vrai que la narration de certaines mésaventures individuelles participe de cette atmosphère. Elu parisien, je ne peux qu'être inquiet devant le développement de nouvelles formes de piraterie de la route en milieu urbain. Un de mes administrés en a été récemment victime.
Après avoir été intercepté alors qu'il se trouvait dans sa voiture avec son épouse, il en a été extrait, si j'ose dire, manu militari, pour être finalement dépossédé de son véhicule. J'espère que ce n'est qu'un cas isolé !
Cela étant, la police nationale connaît aujourd'hui une profonde réorganisation, engagée par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. Avec près de 28 milliards de francs, le projet de budget de la police qui nous est présenté reste stable et permet de poursuivre la modernisation entreprise tout en affichant la contribution du ministère de l'intérieur à l'indispensable maîtrise des dépenses publiques.
En effet, ce projet de budget engage plus avant la police dans la voie de la modernité et, guidé par le souci de la proximité, il permettra d'améliorer sensiblement les conditions de vie et de travail des personnels.
Ainsi, l'effort en faveur du logement des policiers bénéficie de dotations importantes : 160 millions de francs d'autorisations de programme, ce qui se traduira par neuf cents logements nouveaux offerts aux personnels de police.
Dans le même esprit, le programme immobilier sera poursuivi, avec la livraison de 50 000 mètres carrés de locaux en 1997.
Concernant les personnels, les engagements en matière indemnitaire sont respectés et les effectifs de police globalement maintenus.
A cet égard, monsieur le ministre, je formulerai deux observations.
La première concerne la médaille d'honneur de la police, créée voilà plus de trente ans pour récompenser les agents ayant effectué vingt ans de service. Cette médaille est accompagnée d'une prime de 100 francs, dont le montant n'a jamais été revalorisé. Aussi, m'associant à l'hommage qui a été rendu aux 137 000 fonctionnaires de police qui assument avec dévouement et compétence leurs missions dans un contexte toujours plus difficile, je pense que, par redéploiement budgétaire, on pourrait revaloriser substentiellement cette prime. La reconnaissance de la nation à ses protecteurs s'exprimerait ainsi pleinement.
Ma seconde observation a trait aux effectifs et aux interrogations qui s'y attachent. Si la suppression de cinq cents emplois de policiers auxiliaires correspond à un ajustement justifié, la substitution du volontariat au service national aura des répercussions en termes de recrutement pour la police. J'espère qu'elle ne se traduira pas par un transfert de charges supplémentaire pour les collectivités locales.
Enfin, comment ne pas rappeler l'impérieuse nécessité de tenir les engagements de l'article 4 de la loi d'orientation ? Il est, en effet, essentiel de décharger les policiers des trop nombreuses tâches indues qui les accaparent, en particulier des tâches purement administratives.
Les conclusions du rapport Danilet révèlent par ailleurs que 40 % des tâches indues, en 1995, sont des tâches parajudiciaires, représentant 2 646 équivalents-fonctionnaires détournés de leur mission première.
Tout aussi importante est la réforme qui doit conduire à l'abandon de la cinquième brigade ou du système dit « 3-2 » - trois jours de travail, deux jours de repos - dont les effets pervers ont été largement démontrés, au profit d'un système fondé sur des rythmes plus réguliers : quatre jours de travail, deux jours de repos.
Vous avez, monsieur le ministre, le courage de remettre à plat ce système totalement inadapté qui aboutit, en moyenne, à 209 jours « hors service » sur 365 et qui, pour assurer un minimum de service, oblige à recourir aux heures supplémentaires, que l'on n'a, bien entendu, pas les moyens de payer et que l'on dédommage donc par des congés de récupération majorés. J'avais ainsi pu calculer en 1985, qu'au rythme où allaient les choses toute la police parisienne aurait été, vers l'an 2000, en congé de récupération !
Point n'est besoin d'augmenter les effectifs dès lors qu'une organisation plus intelligente accroît la présence effective sur le terrain.
Malgré les bons résultats obtenus à ce jour et les bonnes dispositions prises pour l'avenir, des inquiétudes demeurent. La délinquance des mineurs croît dangereusement depuis l'année dernière. La drogue reste un véritable fléau. La prévention et la répression devront être encore accentuées. De même, l'amélioration du taux d'élucidation devra faire l'objet de toutes les attentions. On ne dira jamais assez, monsieur le ministre, que le laxisme est une injustice faite aux victimes.
On l'a rappelé tout à l'heure, la lutte contre l'insécurité est une chaîne ne tolérant pas de discontinuité. Clemenceau n'avait de cesse de dire que « la police est faite pour rassurer les honnêtes gens et inquiéter les malfaiteurs ». Encore faut-il qu'elle ne soit pas contrainte à un travail de Sisyphe parce que le voleur arrêté hier est libéré aujourd'hui et recommencera à voler demain. Et le professeur Jean-Claude Soyer de conclure : « Police sans justice ne vaut ». Mais c'est un autre débat !
M. Emmanuel Hamel. Grand débat !
M. Bernard Plasait. Enfin, la lutte contre l'immigration irrégulière nécessitera encore un renforcement des moyens tant juridiques que matériels et humains. Le Parlement débattra prochainement d'un projet de loi sur l'immigration dont les dispositions, attendues par nos compatriotes, vont dans la bonne direction. Mais nul n'ignore que, si l'élaboration de la loi est importante, son application l'est plus encore, sous peine de voir un texte de plus rester lettre morte.
Dès votre plus jeune âge, monsieur le ministre, vous avez appris d'un grand homme d'Etat que « la faiblesse attire la foudre ». Vous conduisez, dans la ligne de cet enseignement, une politique forte, que ce budget réaliste traduit, et je l'approuve.
Cependant, il s'agit d'un travail herculéen. Pour nettoyer les écuries d'Augias, il vous faudra encore détourner bien des fleuves. Mais la bataille de la sécurité doit être gagnée. C'est seulement lorsque la paix intérieure aura été assurée que les Français pourront retrouver, selon la formule de Montesquieu, « cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Avant de développer quelques aspects de ce budget, je tiens tout d'abord à féliciter le Gouvernement et, en premier lieu, vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur, des efforts accomplis en matière de sécurité publique. Depuis plus de dix-huit mois, les résultats sont très encourageants, même si l'insécurité reste, malheureusement, encore intolérable dans certains secteurs.
La délinquance a en effet diminué de 4,6 % sur les six premiers mois de 1996. Pour l'année 1995, cette baisse a été de 6,5 % par rapport à 1994.
Dans la luttre contre l'immigration clandestine, votre fermeté a permis l'augmentation du nombre des étrangers éloignés de France.
Enfin, je me dois de rappeler votre efficacité face à la vague terroriste qui a secoué la France voilà un peu plus d'un an. En quelques mois, les auteurs d'attentats aveugles et meurtriers ont été neutralisés ou mis à la disposition de la justice.
Monsieur le ministre, tous ces résultats montrent que vous êtes sur la bonne voie. Vous avez d'autant plus de mérite qu'il vous faut rétablir une situation qui s'était particulièrement dégradée sous les gouvernements de gauche.
Je mets bien évidemment entre parenthèses la période comprise entre 1986 et 1988, au cours de laquelle, alors que M. Jacques Chirac était Premier ministre, les chiffres de la délinquance étaient également à la baisse dans notre pays.
Le budget que vous présentez est un budget de raison, car il participe à l'effort de réduction des déficits publics tout en maintenant les priorités en matière de sécurité. Il est important d'expliquer aux Français, comme vous le faites, qu'il n'est pas utile de dépenser plus, mais qu'il faut dépenser mieux.
Notre pays a connu, dans le passé, un laxisme budgétaire sans précédent. Nous savons où ces comportements nous ont menés.
En 1981, la dette publique s'élevait à 400 milliards de francs ; en 1995, elle atteignait 3 255 milliards de francs. Si au moins cette flambée de la dépense publique s'était accompagnée de quelques résultats encourageants ! Mais chacun sait que tel n'est malheureusement pas le cas.
Les socialistes et les communistes responsables de cette dérive feraient bien de recouvrer la mémoire et de se garder de donner des leçons dans des domaines où ils ont échoué de manière si remarquable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. André Rouvière. C'est toujours le même refrain !
M. Christian Demuynck. Nous savons également que ce sont vos prédécesseurs socialistes qui sont à l'origine de la dette de votre ministère à l'égard de France Télécom. Née en 1982, cette dette s'élevait à 250 millions de francs en 1986. Elle a triplé entre 1988 et 1993. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser quelles en sont les conséquences sur le budget que vous présentez aujourd'hui ?
Nous ne rappellerons jamais assez le courage et la persévérance des fonctionnaires de police, qui doivent assurer la sécurité de nos concitoyens. Nous devons, une fois de plus, leur rendre hommage. Dans les centres urbains et les banlieues sensibles, ils sont en prise directe avec les problèmes de dégradation, de toxicomanie et de violence, quelquefois au péril de leur vie. Nous savons qu'ils ont besoin de se sentir soutenus et reconnus, et non pas critiqués et accusés systématiquement.
Ce budget, qui s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation votée en 1995, va dans ce sens et prend en compte la mise en oeuvre de nouvelles mesures indemnitaires et catégorielles. Il engage également la police dans la voie de la réorganisation des rythmes de travail.
Actuellement, dans les services de sécurité publique, les fonctionnaires concentrent un très grand nombre d'heures sur trois jours. On imagine aisément les répercussions que peuvent avoir de tels rythmes de travail sur leur santé physique et psychologique.
Cette réforme horaire, qui s'est opérée dans la concertation, est fondée sur des rythmes plus réguliers, à savoir quatre jours de travail et deux jours de repos. Elle répond à une attente des policiers.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire, concrètement, quelles sont les conséquences de cette réforme non pas sur les rythmes de vie pour les fonctionnaires, mais sur l'efficacité des services de police ?
Depuis votre arrivée au pouvoir, les Français ont compris votre volonté de lutter sans relâche contre l'immigration clandestine. Dans ce domaine également, le Gouvernement doit gérer les années d'irresponsabilité des gouvernements socialiste et communiste. La régularisation de plus de 130 000 clandestins a été à l'origine de l'afflux de plusieurs centaines de milliers d'immigrants irréguliers.
M. Emmanuel Hamel. Cela a été souvent rappelé !
M. Christian Demuynck. Ce n'est qu'avec la fermeté que vous manifestez que la situation pourra s'améliorer. Sur les six premiers mois de 1996, les expulsions ont augmenté de 24 %. Depuis dix-neuf mois, plus de 18 500 étrangers en situation irrégulière, soit près de 1 000 par mois, ont été reconduits à la frontière. Nous ne pouvons que vous encourager à systématiser la méthode des charters. Outre son efficacité, elle a valeur d'exemple et dissuade les éventuels candidats à l'immigration.
Bien évidemment, les reconduites à la frontière doivent s'accompagner d'une amélioration des textes. C'est ce que vous avez prévu dans les deux projets de lois en préparation : le premier a trait à la lutte contre le travail clandestin, le second clarifiera le dispositif des reconduites à la frontière.
Nous avons tous bien évidemment en mémoire les événements qui se sont déroulés, l'été dernier, dans l'église Saint-Bernard.
Une fois de plus, les Français ont été témoins de votre volonté de lutter contre l'immigration clandestine, mais ils n'ont pas compris les lourdeurs administratives et judiciaires qui ont empêché un renvoi effectif en dehors de nos frontières. Ces événements illustrent bien la difficulté de votre tâche.
Il est surprenant que, de plus en plus, les nombreuses procédures et barrières administratives empêchent de traduire rapidement et efficacement sur le terrain la volonté des élus.
Nous retrouvons également, malheureusement, cette lourdeur administrative à l'échelon local. Je prendrai l'exemple de ma ville.
A la fin de l'année 1993, j'avais alerté votre prédécesseur sur l'urgente nécessité de réhabiliter le bâtiment vétuste - et quand je dis « vétuste », je suis loin de la réalité - et exigu qui abrite le commissariat de Neuilly-sur-Marne et de Neuilly-Plaisance, en Seine-Saint-Denis. J'ai réussi à obtenir 10,5 millions de francs pour cette réhabilitation.
La décision politique était donc prise et les crédits inscrits au budget. Tout était réglé. C'était compter sans la lenteur administrative !
En 1994, il était prévu que le chantier commence en janvier 1995 pour une durée maximale d'un an. Aujourd'hui, le chantier est toujours au point mort. Son démarrage est annoncé en mars 1997 pour une durée de dix-sept mois.
A quoi sert-il que des élus ou un ministre interviennent sans cesse pour obtenir l'avancement des dossiers, si l'administration chargée d'appliquer les décisions prises par les hommes politiques font traîner les choses ? Nous pouvons légitimement nous inquiéter de cette évolution, que trop d'élus connaissent bien.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez déployé des moyens supplémentaires pour la police, notamment dans un département que je connais bien puisqu'il s'agit de la Seine-Saint-Denis. Grâce à ces efforts, le front de la délinquance y est resté stable en 1996. En 1995, sur l'année complète, la criminalité y a reculé de 7,27 %.
Vous avez, par ailleurs, engagé un vaste programme de réhabilitation des commissariats et, notamment, la reconstruction de celui de Bobigny, qui abritera la police judiciaire et les renseignements généraux. Toutefois, rien n'est prévu pour la direction départementale de la sécurité publique, la DDSP, qui souffre de la vétusté de ses locaux. Or, lors de la coupe du monde de football, qui se déroulera en juin 1998 à Saint-Denis, la surveillance et la gestion de la sécurité seront assurées par la DDSP.
Ne pourrait-on pas profiter de la coupe du monde pour engager une rénovation de ces bâtiments en même temps que ceux de la police judiciaire et des renseignements généraux ?
L'implantation du Stade de France aura également des conséquences à long terme en matière de sécurité publique. Outre les nombreuses manifestations sportives, on annonce déjà l'organisation de concerts pour 1998. La construction d'un commissariat de plein exercice, sur le site de La Plaine-Saint-Denis, qui est appelé à connaître un développement urbain considérable, me semble une réelle nécessité. Pourriez-vous, monsieur le ministre, me préciser si une décision peut être prochainement prise sur ce point ?
Enfin, pour en revenir au budget lui-même, le projet de loi de finances intègre les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du réseau ACROPOL. Serait-il possible de concentrer tous les efforts pour que ce système de communication performant soit prêt et totalement opérationnel pour la coupe du monde, et ce même si nous sommes équipés avant la ville de Paris ? L'utilisation d'ACROPOL constituerait une garantie supplémentaire de réussite de cet événement mondial, qui nécessitera une grande vigilance en matière de sécurité.
Cela dit, monsieur le ministre, nous ne pouvons que soutenir votre budget, qui s'attache à préserver les missions régaliennes de l'Etat. Les crédits de la police nationale resteront stables, la réforme des cycles horaires est engagée, les effectifs de la police nationale seront en augmentation sensible et les crédits d'équipement resteront conformes à ceux de 1996.
Monsieur le ministre, je salue votre courage et votre souci d'une meilleure efficacité de notre police tout en participant à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Votre politique est bonne. Poursuivez-la sans état d'âme. Vous pouvez compter sur nous. Nous vous soutenons et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Il est malheureusement facile de constater que les problèmes de sécurité sont d'une actualité inquiétante dans la vie quotidienne. Ils le sont aussi en matière financière, tant au niveau des collectivités locales, communes et départements, que du point de vue de vos propositions budgétaires, monsieur le ministre. Celles-ci s'inscrivent dans la démarche du Gouvernement tendant à maîtriser les dépenses publiques.
L'an dernier, vous avez diminué de 20 % le budget de la protection civile. Cette année, vous ne rattrapez pas cette diminution, mais vous stabilisez votre projet de budget, qui augmente globalement de 2 %.
Un examen plus attentif révèle que vous privilégiez les dépenses d'équipement au détriment de celles de fonctionnement. En effet, ces dernières baissent de 4,7 %.
Ce recul important concerne les dépenses de personnel et les subventions : celles qui sont allouées aux services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et aux collectivités locales diminuent de 43,4 %, passant de 24,1 millions de francs à 13,6 millions de francs. Cette amputation de 10,5 millions de francs est très grave, monsieur le ministre. Elle sera, je le crains, répercutée sur le budget des collectivités locales.
Ces dernières voudraient pouvoir faire comme vous, c'est-à-dire réduire ou, tout au moins, stabiliser leurs dépenses de sécurité civile. Or, elles ne le peuvent pas, non pas uniquement de leur fait, mais parce que leurs budgets dépendent souvent en grande partie des décisions que vous prenez ou non.
Parmi celles que vous prenez figure la mise en place d'un pacte de stabilité pour les aides aux communes. Pourquoi le Gouvernement ne fait-il pas de même pour les dépenses qu'il impose aux communes et aux départements ?
Dans votre projet de budget, vous réduisez le remboursement aux SDIS des opérations extradépartementales. Mais si leur coût, en 1997, dépasse vos prévisions, qui paiera la différence ? Les départements ?
Mon inquiétude est plus profonde. Le Gouvernement a décidé de supprimer le service national avant que nous en débattions. Or, de nombreux sapeurs-pompiers auxiliaires sont répartis dans plusieurs départements ; ils ne travaillent pas uniquement à Paris. Leur remplacement par des volontaires ou des militaires entraînera, c'est certain, un surcoût. Seront-ils remplacés ? S'ils le sont, qui supportera ce surcoût ? Les départements ? Les communes ? Certes, cette situation ne se produira pas en 1997, mais pourriez-vous me répondre, monsieur le ministre ? Votre budget de fonctionnement baisse, en 1997, et il ne prépare pas cet avenir, qui est proche.
Bien sûr, vous-même et ceux qui appartiennent au même courant politique que vous, évoquez sans cesse l'héritage socialiste.
M. René Rouquet. C'est vrai !
M. André Rouvière. Permettez-moi de parler du vôtre. Je crains que votre successeur n'ait une situation difficile à gérer, ne serait-ce que pour remplacer ceux que le service national mettait à la disposition des sapeurs-pompiers dans plusieurs départements.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Nous n'en sommes pas là !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Rassurez-vous, ce ne sera pas vous !
M. André Rouvière. Je sais bien que ce ne sera pas moi, je ne me fais pas d'illusion sur ce point,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Moi non plus !
M. André Rouvière. ... mais il y en aura d'autres et, là non plus, l'héritage ne sera pas facile à maîtriser. Nous pourrons alors parler du vôtre !
Les collectivités vont, une fois de plus, supporter le poids de décisions dont elles ne sont pas les auteurs. Déjà, certaines communes ont subi, d'une année à l'autre, des augmentations de l'ordre de 50 % en matière de dépenses de sécurité civile.
M. Jean-Jacques Hyest. Forcément, elles ne faisaient rien avant !
M. André Rouvière. C'est en partie le résultat de décisions semblables à celles que je viens de rappeler. C'est également le résultat d'un défaut de réglementation précise.
Un certain nombre de décisions pourraient être prises, monsieur le ministre, et, quant je dis cela, ce n'est pas pour polémiquer. Il s'agit d'être efficace et de mener une réflexion aussi objective que possible, même si tout n'est pas agréable à entendre.
Depuis le drame de Furiani, la plupart des sapeurs-pompiers, auxquels je rends hommage, vivent dans l'obsession quasi permanente du reproche ou de la sanction pour faute ou imprévoyance. Cela les conduit naturellement à développer des comportements sécuritaires, qui, souvent, se traduisent par des coûts très élevés.
Nous sommes tous d'accord pour accroître la sécurité. Mais nous sommes d'accord également pour nous demander jusqu'où et jusqu'à quand nous pourrons payer.
Je ne reproche pas aux commissions de sécurité d'être prudentes, mais il est urgent, monsieur le ministre, de préciser la réglementation et d'admettre que le risque zéro est une utopie. Il est urgent de préciser que la responsabilité n'incombe pas uniquement au décideur, à l'organisateur, et que l'utilisateur doit aussi assumer sa part de responsabilité.
La surenchère aux mesures de sécurité décidées par les commissions de sécurité devient financièrement insupportable.
Il serait d'ailleurs intéressant que ces mêmes commissions de sécurité, ou d'autres, appliquent la même rigueur à l'Etat en ce qui concerne son propre patrimoine : je pense aux routes nationales, même si ce n'est pas votre domaine, monsieur le ministre. Cela nous permettrait de voir comment vous et vos collègues du Gouvernement pouvez concilier rigueur financière et rigueur sécuritaire, car nous, élus locaux, nous n'y parvenons plus !
Monsieur le ministre, je souhaite la mise en place d'une réglementation qui fasse la part des choses, si je puis dire.
Il faut assurer un équilibre entre la recherche nécessaire de sécurité et son coût.
Il faut que les mesures de sécurité, en ce qui concerne aussi bien l'investissement que le fonctionnement, soient compatibles avec les moyens financiers des collectivités et des particuliers, de façon qu'elles soient supportables.
Il faut mettre en place une responsabilité partagée entre le décideur, le responsable légal et l'utilisateur.
Monsieur le ministre, nous attendons que vous réglementiez des comportements qui, aujourd'hui, nécessitent un effort financier trop important.
Je ferai une suggestion, et ce sera ma conclusion : les sapeurs-pompiers interviennent lorsqu'il y a accidents routiers ; dans la plupart des cas, deux, voire trois, véhicules se rendent sur les lieux, alors que, bien souvent, un seul suffirait.
Je ne suis pas opposé à cette façon de procéder, mais elle a un coût que, bientôt, les collectivités ne pourront plus assumer.
A l'heure où la communication entre un centre de secours et un véhicule de sapeurs-pompiers s'effectue dans l'instant, ne pouvez-vous pas préciser la réglementation, afin d'alléger le coût des interventions, tout en permettant aux sapeurs-pompiers d'agir au mieux sans être hantés par la crainte d'être accusés de ne pas avoir mobilisé a priori, j'y insiste, tous les moyens qui sont à leur disposition ?
Seule une réglementation nouvelle peut permettre d'harmoniser plusieurs exigences : besoins de sécurité dans des proportions raisonnables, coûts supportables, responsabilité partagée et équilibrée.
Monsieur le ministre, pour l'instant, vos propositions, vos actions ne vont pas dans ce sens. Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Lucien Lanier. C'est une erreur !
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le ministre, c'est la première fois depuis quinze ans que j'interviens dans un débat sur le budget de l'intérieur. En effet, jusqu'ici, je m'en étais tenu à un devoir de réserve à l'égard de mes successeurs. C'est si facile de critiquer quand on n'est plus aux responsabilités !
Si je le fais, c'est pour vous aider à corriger à la fois un excès de zèle et une dérive dont je ne doute pas qu'elle vous préoccupe vous aussi.
L'« excès de zèle » - l'expression est de lui - c'est ce terrorisme normatif stigmatisé ces jours derniers devant le congrès des maires par M. Jean-Paul Delevoye. Ce terrorisme normatif, il se manifeste dans le domaine de vos compétences sous l'aspect du « syndrome de Furiani », qui a frappé les commissions de sécurité quasiment sur tout le territoire. C'est presque un passage de témoin, monsieur Rouvière !
M. André Rouvière. Vous voyez, les grands esprits peuvent se rencontrer !
M. Christian Bonnet. Ces commissions, dans la quête illusoire d'une société à risque zéro, font trop souvent montre, sur le terrain, d'exigences excessives.
Si le but est louable, il est des risques non « probabilisables », pour recourir à la terminologie des spécialistes, auxquels nulle société ne saurait échapper. Les précautions les plus sophistiquées n'ont pas empêché le sinistre du tunnel sous la Manche. Sourions, pour autant qu'on puisse sourire en évoquant des décès : les cinq décès déplorés ces jours derniers outre-Manche sont imputables à de la viande achetée chez un commerçant réputé qui venait tout juste d'être sacré « boucher de l'année » en Ecosse !
Le Gouvernement a respecté le pacte de stabilité en ce qui concerne les concours de l'Etat aux collectivités locales. Mais cette stabilité est un leurre, dès lors que les collectivités sont accablées par le poids de réglementations tatillonnes de plus en plus coûteuses, dont le contribuable supporte en définitive les conséquences.
Monsieur le ministre, ce que vous avez fait avec notre concours pour les vaillants sapeurs-pompiers au travers non seulement de votre loi mais également du sort que vous leur avez réservé dans votre budget vous permet aujourd'hui de redonner le sens de la mesure aux responsables des commissions de sécurité. Tous les élus de terrain comptent sur vous pour ce faire !
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Christian Bonnet. La dérive, second point de mon intervention, est d'un tout autre ordre et elle est autrement plus grave ; votre père l'eût, à n'en pas douter, jugée telle.
Il s'agit, monsieur le ministre, de la paupérisation de l'Etat dans ses fonctions régaliennes, et ce à une période où il en aurait plus que jamais besoin. Sans doute serait-il malséant d'insister !
Je vous demande instamment de plaider auprès de M. le Président de la République, dont chacun vous sait très proche, la cause essentielle d'un recentrage de l'action de l'Etat « touche à tout » sur ses missions fondamentales.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que, dans la composition du Gouvernement, le ministère des affaires étrangères figure au cinquième rang, derrière le ministère de l'équipement et le ministère de l'intérieur, au septième rang, derrière le ministère du travail et des affaires sociales.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que le nombre des magistrats de l'ordre judiciaire - vous en fûtes ! - soit à peine supérieur à ce qu'il était en 1910, alors que la France compte vingt millions de citoyens de plus et que l'Etat de droit tend à se muer de plus en plus en une société de contentieux.
Monsieur le ministre, il n'est pas convenable que 133 milliards de francs soient prévus pour des aides à l'emploi, dont « l'utilité n'était pas toujours évidente », selon un écrit de M. Edmond Maire publié le 2 novembre dernier dans un grand quotidien du soir, et que, dans le même temps, le budget de la justice s'élève à 24 milliards de francs et le vôtre, hors administration générale, territoriale et sécurité civile, à quelque 29 milliards de francs pour la police nationale. Tout juste 2 milliards de francs de plus que les crédits ouverts, très provisoirement, hélas ! pour la récapitalisation des entreprises publiques mal gérées par cet Etat touche à tout devenu impotent sur l'essentiel à force de se montrer omnipotent sur l'accessoire !
Cette idée force du recentrage impératif des actions de l'Etat sur ses fonctions régaliennes commence à faire son chemin : M. le garde des sceaux, auquel je tenais il y a peu le même langage dans cet hémicycle, l'a récemment faite sienne ; M. Alain Lambert, rapporteur général, y a fait expressément référence dans son propos introductif à la loi de finances ; de plus en plus nombreux sont les membres de la Haute Assemblée qui la font leur.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et c'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve votre budget, pour convaincre la plus haute autorité de ce pays de donner à Bercy, dans l'optique de la préparation du budget pour 1998, des directives aussi fermes que précises de redéploiement des crédits au bénéfice des départements qui constituent, aux yeux de ceux qui persistent à se faire une certaine idée de la France, les fondations mêmes de l'Etat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Rude tâche que de m'exprimer après M. Bonnet ! Toutefois, je vais essayer, monsieur le ministre, de vous dire simplement ce que je souhaite.
Tout d'abord, nous sommes sensibles à votre conception de la sécurité et aux mesures que vous prenez en la matière. Vous le faites avec talent et efficacité.
Vous connaissez bien les situations que je souhaite évoquer. Au-delà de votre engagement, il y a la vie de tous les jours, hors statistiques, ratios et réformes possibles : les quartiers difficiles où la police et les pompiers ont des difficultés à intervenir ; les trains, où en plein jour, l'insécurité est permanente - je rends hommage à cette jeune femme qui a été agressée dans mon département, en soulignant qu'il ne s'agit pas d'un cas unique, vous devez le savoir ; les lycées et les collèges où l'on trouve, à l'intérieur comme à l'extérieur, la drogue toujours, la violence parfois, le racket et, aujourd'hui, depuis peu, les armes ; les débordements dans les quartiers et inter-quartiers ; les innombrables agressions au domicile et à la voiture ; la Corse, le Pays basque ; les insultes quotidiennes, accompagnées de menaces, que nos policiers subissent.
Etat de droit, où es-tu ?
Pour remplir la redoutable mission qui consiste à contrôler et à faire cesser ces désordres, vous disposez de près de cent mille policiers. Vous essayez, à l'image du plan Vigipirate, de faire face avec les moyens du bord. Ce n'est plus possible, malgré les succès que vous avez obtenus !
Mettre en cause l'organisation et le temps de travail, parler de réforme ne suffit pas. Nous devont bâtir en faisant du neuf.
J'ai visité des commissariats : même quand les locaux sont suffisants, les conditions de travail sont difficilement supportables. A la surcharge des plaignants et des délinquants s'ajoutent les obligations du service : tout en même temps !
J'ai également remarqué que 10 % au moins des postes ne sont pas pourvus ou ont quelque difficulté à l'être. Des postes sont affectés à des personnels dont le domicile se trouve à 300 ou 400 kilomètres ; devant l'impossibilité de se loger sur le lieu de travail, ils doivent regrouper leur temps de service et effectuer des trajets en voiture ou en train.
Votre tentative pour essayer de remédier à cette situation, que vous connaissez bien, doit recevoir notre concours.
Vos collaborateurs, vos collègues - ceux de Bercy, par exemple - vous affirment qu'en modifiant, en réformant, en triturant, en incitant, les choses iront mieux ! Toutefois - vous m'excuserez d'établir un parallèle avec la lessive - quelle qu'en soit la marque, c'est toujours le même produit ; seul l'emballage change ! Vous ne devez pas céder à la tentation de suivre ces conseils.
Je me prends parfois à rêver. Et si vous et moi, nous prenions ensemble, à la gare de Lyon, le train pour Corbeil-Essonnes, et si nous nous rendions dans les Tarterets ou à Grigny, sans personne, tous les deux ! Je pense que mes convictions et mes peurs seraient mieux partagées.
Nous devons prendre nos risques. Nous devons assurer une présence constante et une disponibilité totale de nos forces de police pour assurer partout, et pas seulement dans les quartiers difficiles, une sécurité que nos concitoyens considèrent comme normale.
Cela suppose que vous soyez doté de moyens suffisants, d'hommes en nombre pour être présents et à même de consacrer le temps nécessaire à leur travail et à leur action sans vivre constamment à cent cinquante à l'heure et sous pression.
Nos concitoyens attendent une mesure exceptionnelle. Une telle mesure, monsieur le ministre, l'opposition actuelle l'a prise, en son temps, dans un autre secteur, l'éducation nationale.
Vous avez besoin d'accroître les effectifs de 10 %. Il vous faut 10 000 policiers, de vrais policiers formés !
Je vous entends me rétorquer : oui, mais les restrictions budgétaires, le déficit ! Je me permets de vous répondre : pas dans le domaine de notre sécurité ! L'argent, peut-être, mais l'homme d'abord !
Monsieur le ministre, vous avez obtenu des résultats grâce à vos méthodes de travail. Aussi, je ne voudrais à aucun prix que vous preniez mes propos pour des critiques,...
M. René Rouquet. Non, ce sont des félicitations ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Robert. ... car je dois plutôt vous remercier. Je traduis là le sentiment de nos élus locaux et de nos concitoyens.
Nous sommes prêts à vous aider, à pousser en mêlée, pour que vous obteniez ces crédits exceptionnels que la France tout entière attend, tant elle aimerait pouvoir respirer sans être anxieuse pour sa sécurité.
Monsieur le ministre, je voterai, bien sûr, votre projet de budget et j'appuie votre action. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget du ministère de l'intérieur que j'ai l'honneur de vous présenter s'élève à 50,5 milliards de francs.
Au lieu de procéder à une analyse comptable, au demeurant incertaine, je préfère concentrer mon propos sur les objectifs politiques de ce projet de budget, tant il est vrai que tout budget reflète la politique que l'on veut suivre et que ce budget reflète la politique que je souhaite mettre en oeuvre en 1997.
Deux objectifs principaux doivent être mis en avant.
D'abord, le ministère de l'intérieur contribuera à la politique définie par M. le Président de la République et par M. le Premier ministre afin de réduire les déficits publics, et donc de mieux contrôler les dépenses de l'Etat.
En effet, il n'est pas admissible que, comme c'est encore le cas, l'Etat doive emprunter non pas pour construire l'avenir du pays, mais pour financer les dépenses courantes.
Je croyais, jusque voilà encore quelques jours, que les députés socialistes étaient les seuls à avoir perdu la mémoire, mais je constate que cette maladie est devenue une épidémie, car elle atteint aussi les sénateurs socialistes.
M. André Rouvière. Ce n'est pas comme cela que l'on résout les problèmes !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ceux qui, pendant quatorze ans, ont endetté notre pays au point que, aujourd'hui, celui-ci est obligé, du fait de cette gestion, d'emprunter pour rembourser ses dettes...
M. André Rouvière. Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous n'avez pas changé !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... devraient sans doute être un peu plus modestes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. André Rouvière. Changez d'argument !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne changerai pas d'argument, monsieur Rouvière, parce que j'ai été élevé dans une certaine idée de l'Etat.
M. André Rouvière. C'est toujours la faute des autres !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Celui-ci doit être crédible, c'est-à-dire qu'il ne doit pas dépenser plus qu'il ne récolte.
M. André Rouvière. Et le respect de ceux qui vous ont précédé ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui, il y a une façon de gérer l'Etat, et quand on est aujourd'hui dans l'opposition, on devrait être un peu plus modeste.
M. André Rouvière. Vous pourriez l'être un peu, vous, en ayant le pouvoir !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. En effet, si je dois faire face à tant de difficultés à la fois dans la police et dans les autres secteurs, c'est parce que vous avez semé et mal semé ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. René Rouquet. Vous êtes le ministre de la provocation !
M. André Rouvière. Jamais un parti n'a connu autant de problèmes que le vôtre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. J'ajouterai que, depuis 1993, le ministère de l'intérieur a pris l'habitude de veiller à l'optimisation de ses dépenses,...
M. René Rouquet. C'est plus facile que de répondre à vos amis !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et même, hélas ! de payer les dettes laissées par les autres,...
M. André Rouvière. C'est facile de répondre cela !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... ceux qui, au printemps de 1993, avaient quitté le ministère de l'intérieur en oubliant plus de 1,5 milliard de francs de dettes.
M. André Rouvière. Parlez de votre budget, pas de celui des autres !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il est aujourd'hui facile, lorsque l'on est président de la Cour des comptes, de fustiger les dépenses et les dettes du ministère de l'intérieur...
M. André Rouvière. Parlez de votre budget !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ... en oubliant de dire qui était au ministère de l'intérieur lorsque ces dettes ont été contractées.
M. André Rouvière. Parlez de votre budget ! C'est lui qui est à l'ordre du jour, et non celui des autres !
M. René Rouquet. Répondez à vos amis !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. André Rouvière. C'est de la provocation, monsieur le président ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non, c'est la réalité !
M. André Rouvière. Nous n'acceptons pas la provocation !
M. René Rouquet. Qu'il parle de son projet de budget !
M. le président. Mes chers collègues, vous n'avez pas la parole !
M. André Rouvière. Si on nous provoque, nous répondrons !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Quand j'entends certains évoquer aujourd'hui la dette du ministère à l'égard de France Télécom, je rappelle seulement que cette dette, née en 1982, a triplé entre 1988 et 1993.
M. René Rouquet. Répondez aux questions !
M. André Rouvière. C'est sans cesse de la provocation, monsieur le président !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Depuis 1993 donc, nous payons « leurs » dettes et, en même temps, le ministère de l'intérieur assume ses missions.
M. André Rouvière. C'est scandaleux !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Naturellement, je veillerai, messieurs Demuynck et Cabanel, à ce que l'apurement nécessaire de cette dette ne pénalise pas mon ministère, qui a, par ailleurs, déjà fait un effort considérable.
Le deuxième objectif politique de ce projet de budget est de donner au ministère de l'intérieur, c'est-à-dire à la police nationale, aux préfectures et à la sécurité civile, les moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Chacun de vous ici, quelle que soit la travée sur laquelle il siège, connaît ces missions et, j'en suis sûr, apprécie les conditions dans lesquelles les quelque 175 000 fonctionnaires du ministère les exercent. Je voudrais d'ailleurs, avant d'entrer plus avant dans mon propos, rendre l'hommage de la nation aux onze policiers tués en service, dont trois lors d'opérations de police, et rendre hommage, comme vous l'avez fait monsieur Laurin, aux douze pompiers et au pilote de la sécurité civile morts dans l'exercice de leur mission depuis le début de l'année.
Cet hommage est plus que jamais justifié. En effet, qu'ils soient policiers, agents du cadre national des préfectures, fonctionnaires de la sécurité civile, agents des transmissions et de l'administration centrale, tous exercent, monsieur Bonnet, leur mission de service public et tous défendent une certaine conception de l'Etat. Ils le font dans des conditions difficiles, au sein d'une société inquiète : inquiète des terrorismes comme de la petite délinquance, commise, malheureusement, de plus en plus par des mineurs, et par des mineurs de plus en plus jeunes ; inquiète de l'inacceptable violence en Corse ; inquiète de la contestation de la loi et de l'ordre républicains dans certains quartiers où, la crise économique et les erreurs d'urbanisme aidant, se sont progressivement installés des réseaux qui refusent cette même loi républicaine ; inquiète du développement d'une délinquance due à la drogue.
En ce qui concerne ce dernier problème, je peux dire d'emblée qu'il faut que chacun prenne ses responsabilités. On parle beaucoup de l'Europe, de la construction de l'Union européenne. Il faut que ceux qui participent à cette grande ambition qu'est la construction d'une Europe prennent leurs responsabilités et sachent que la France ne changera pas de position.
La lutte contre le trafic, mais aussi contre la fabrication de substances toxiques, est naturellement une lutte nationale, mais elle est aussi une lutte européenne. Que nos voisins prennent conscience de leurs responsabilités à notre égard ! (M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. On ne peut pas à la fois se dire européen et accepter que, dans son pays, on fabrique et on vende de la drogue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Et qu'on la cultive pour la fabriquer !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh bien, dans ce contexte difficile, souvent dangereux, les fonctionnaires du ministère de l'intérieur travaillent.
Oui, monsieur Demuynck, la délinquance a baissé de 6,5 % en 1995. Toutefois, ce qui est important, c'est que cette baisse n'est pas l'expression ou le résultat d'une seule année ; elle se poursuit. C'est le résultat d'un travail exemplaire des forces de police. Elle se poursuit, puisque le premier semestre de 1996 enregistre une baisse de plus de 4,5 %.
Oui, la police a mis un terme aux opérations terroristes de l'année dernière et, avec la justice, s'est engagée dans une politique déterminée, en Corse, pour faire respecter la loi.
Oui, nous avons mis vingt-six terroriste corses en prison. Ce n'est pas nous qui, en 1981 ou en 1988, avons amnistié des terroristes que nous reprenons aujourd'hui. C'est vous, messieurs les socialistes ! (Marques d'approbation sur les travées du RPR.) Ne l'oubliez jamais, car c'est la réalité.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Christian Demuynck. C'est effectivement la réalité !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui, environ 10 000 étrangers en situation irrégulière ou ayant troublé l'ordre public ont été reconduits au cours des dix premiers mois de l'année, et ce nombre a augmenté de 25 % par rapport à 1995.
Mais, là encore, je gère des années d'irresponsabilité, où on a laissé s'installer en France des hommes et des femmes qui ne respectent l'ordre ni la loi républicaine,...
M. André Rouvière. En Corse, qui est allé voir les cagoulés ? Qui est allé négocier avec les plastiqueurs ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... des hommes et des femmes que je suis forcé d'expulser de France, alors que vous auriez dû le faire, messieurs !
Oui, la création de l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre, créé en août dernier, a permis de renforcer la lutte contre les filières de passeurs, de trafiquants de drogues et d'employeurs de clandestins, comme il vient d'être démontré encore la semaine dernière.
Oui, enfin, et ce résultat atteste autant de notre politique de prévention que des facteurs climatiques - le bilan des feux de forêts pour 1996 - monsieur Laurin, vous l'avez remarqué - se limite à 13 000 hectares, c'est-à-dire un recul, d'ailleurs particulièrement sensible autour de la Méditerranée, d'environ 30 % par rapport à 1995.
M. André Rouvière. Il a plu !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Nous allons continuer. Notre pays est aujourd'hui confronté à une situation difficile.
L'Etat doit faire mieux, et le ministère de l'intérieur, monsieur Bonnet, assumera pleinement ses responsabilités. Il faut que nos interventions soient encore plus nombreuses, encore plus efficaces.
La sécurité civile modernise sa flotte. Les préfectures, outil pivot de l'Etat dans les départements, renforcent leurs missions dans le cadre de la réforme de l'Etat. La police se réforme et s'adapte aux défis actuels.
L'année dernière, dans les mêmes circonstances, j'avais eu l'occasion de dresser un premier bilan de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité.
Permettez-moi d'abord de vous préciser que, conformément à mes engagements, j'ai déposé un rapport d'exécution de cette loi. Ce rapport est à votre disposition.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Concernant cette réforme, plus de cent soixante textes sont maintenant adoptés. Je ne vous en donnerai pas le détail, que vous trouverez dans ce rapport.
Je voudrais seulement insister sur certains textes, particulièrement importants, comme le règlement général d'emploi et les règlements particuliers à chaque service.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Masson, ces textes ont fait l'objet d'une concertation d'une densité exceptionnelle, au sein du comité technique paritaire national de la police et, des centaines d'heures durant, pour préparer ce comité, avec l'ensemble des syndicats.
Afin d'expliquer et de faire comprendre la réforme, j'ai demandé au directeur général de la police nationale d'aller sur le terrain pour rencontrer 12 000 fonctionnaires à l'occasion d'une quinzaine de réunions qu'il a organisées avec l'ensemble des directeurs. Je voudrais ici rendre un hommage particulier à M. Claude Guéant, directeur général de la police, et à M. Michel Gaudin, directeur de la police nationale, mais aussi à tous les commissaires et officiers de police que nous avons rencontrés et qui ont été les artisans inconnus, modestes, mais déterminés d'une réforme.
Vouloir faire croire le contraire, vouloir expliquer, comme je le vois ici ou là, que cette réforme qui se met en place a été faite sans concertation,...
M. Christian Demuynck. C'est scandaleux !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... c'est l'expression soit d'un esprit partisan, soit d'un esprit qui n'est pas au courant de la réalité.
A cette fin, j'ai créé des comités techniques départementaux dans tous les départements de France, chargés, sous la responsabilité des préfets, que j'ai reçus, d'analyser les meilleures solutions, celles qui sont les mieux adaptées, dans le contexte local, pour remplacer le fameux système du 3-2 par le système du 4-2.
Les comités techniques départementaux sont eux-mêmes précédés de multiples réunions associant l'ensemble des personnels pour expliquer, faire comprendre et faire adopter par ces derniers des changements de rythmes de travail.
Il faut que le Parlement sache ce qu'a coûté à la police nationale ce fameux système des trois jours de travail et deux jours de repos, introduit en 1984, à titre provisoire : il a coûté l'équivalent de 10 000 emplois, sans compter une évolution préjudiciable au bon fonctionnement des services de police. Qui croira qu'on est bien dans sa tête et dans son corps de policier quand on doit concentrer trente-neuf heures de travail en trois jours ? Ce n'est pas acceptable, et je ne l'accepte pas !
Pour toutes ces raisons, j'ai voulu, avec l'ensemble des directeurs, avec l'ensemble des cadres policiers de cette maison, une nouvelle organisation, celle du 4-2 : quatre jours de travail, deux jours de repos.
Je considère qu'il s'agit là d'un progrès considérable pour les fonctionnaires concernés, c'est-à-dire pour ceux qui travaillent en brigades de roulement, ceux de la sécurité publique et ceux de la DICCILEC, la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins : pas une heure de travail en plus, mais une autre organisation du travail, afin d'être plus proche des réalités et d'être plus efficace.
Je sais bien que cela heurte les conservateurs, les propagandistes du conformisme et de l'immobilisme. Mais cela m'est égal ! Etre ministre, diriger une administration, c'est ne pas écouter celles et ceux qui prônent de ne rien faire et qui sont réformateurs uniquement dans les discours, dans les incantations devant leurs militants. Je continuerai ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René Rouquet. Ce n'est pas vraiment digne d'un ministre ! On se croirait dans un meeting !
M. André Rouvière. Cela ne grandit pas la fonction !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je constate avec satisfaction que la réforme avance, qu'elle se met en oeuvre ; en dépit de ce que je peux voir ou entendre ici ou là, plus de quatre-vingt-dix comités départementaux sont aujourd'hui installés, et la réforme des horaires a déjà été votée dans près de quarante-quatre départements. Cela s'est naturellement fait sans déclaration ni clairon. Mais la réforme est en marche, et vous ne l'arrêterez pas ! En tout cas, tant que je serai ici, elle continuera !
Ainsi, grâce au Gouvernement, la police nationale est en train de franchir une étape majeure à son profit, au profit de l'Etat, de la collectivité nationale, c'est-à-dire au profit des Françaises et des Français.
Je suis convaincu - je crois avoir compris que MM. Cabanel et Masson partageaient cette conviction - que cette réforme permettra une efficacité accrue des services de police.
Sachez, en effet, que le nouveau régime permettra de récupérer, par exemple, soixante-quinze agents à Marseille, c'est-à-dire de doubler les équipes de police-secours, ou encore trente et un agents à Nantes, pour compléter la section d'intervention et renforcer les services de roulement des petites circonscriptions de l'agglomération. Voilà pourquoi je suis déterminé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un bon budget est un budget permettant l'exercice des missions régaliennes de l'Etat. Je considère que tel est le cas du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. Je remercie les rapporteurs, MM. Cabanel, Masson et Laurin, de partager cette analyse.
Les crédits de la police, tout d'abord, approchent 28 milliards de francs. L'enveloppe est donc stable par rapport à 1996.
S'il y a stabilité - j'ai également utilisé le mot « pause » - il n'y a pas recul, ni a fortiori remise en cause de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, la LOPS. Prétendre le contraire est inexact. J'aurai l'occasion de l'expliciter dans quelques instants en détaillant le projet de budget de la police.
S'agissant des emplois, 305 postes de brigadiers-majors sont créés pour remplacer des postes de commissaires et d'officiers, dont les effectifs doivent diminuer conformément à la réforme des corps.
Sont également créés 300 postes de brigadiers-majors remplaçant un nombre équivalent de postes d'officiers de paix, au titre de la promotion sociale.
Par ailleurs, 180 postes d'agents administratifs et techniques, destinés à remplacer des policiers actifs devant revenir sur la voie publique, seront disponibles par dégel.
Cela signifie, monsieur Hyest, puisqu'il s'agit d'un objectif de la LOPS, que, entre 1995 et 1997, le nombre d'agents administratifs et techniques venus renforcer la police nationale dépassera 1 800 pour un objectif sur cinq ans de 5 000.
Oui, monsieur Masson, il y a décalage, mais en aucune sorte catastrophe. Simplement, compte tenu de la situation actuelle, la mise en oeuvre de la LOPS devra être étalée sur un ou deux ans supplémentaires sur le plan budgétaire.
Enfin, pour en finir avec les emplois, prenant acte des difficultés à recruter les policiers auxiliaires et de la réorganisation du service national, j'ai accepté de renoncer à 500 postes de policiers auxiliaires qui n'étaient pas pourvus, puisque, sur les 9 725 postes ouverts, seulement 8 300 sont occupés. Notre marge de progression reste de 1 000 policiers auxiliaires.
Bien entendu, messieurs Masson, Plasait, Laurin et Chérioux, je suis très attaché à ce que la réforme du service national n'entame pas les moyens de la police nationale, pas plus, d'ailleurs, que ceux de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille. Les concertations interministérielles appropriées sont en cours. Sur ce point, je vous rassure, monsieur Chérioux : je suis très attaché à ce que la brigade des sapeurs-pompiers de Paris fonctionne dans les meilleures conditions ; pour ce faire, elle doit disposer des moyens nécessaires. Croyez bien que j'y veillerai. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Après l'emploi, j'évoquerai maintenant le fonctionnement.
Les crédits approcheront 4 milliards de francs. Ils reculent donc, tout en affichant une progression supérieure à 7 % en quatre ans.
C'est justement cette progression qui, combinée à l'effort de gestion engagé depuis 1993, me fait dire que les moyens des services opérationnels ne seront pas affectés ; je remercie MM. Masson et Cabanel de partager cette analyse.
Là aussi, pour répondre à de nombreuses assertions, je voudrais insister sur le renforcement et la modernisation des moyens de la police.
Le parc automobile, par exemple, a été quasiment renouvelé depuis 1993 et, dans le même temps, augmenté de près de 2 000 véhicules.
De même, l'informatique a progressé par la mise en oeuvre d'outils comme Canonge et, demain, TESA, favorisant la police de proximité et la police technique et scientifique.
Il y a donc des progrès ; mais, évidemment, les besoins des services et l'attente légitime de la population ne se réduisent pas. Je resterai donc particulièrement attentif à ce que la pause dans les crédits de fonctionnement ne se poursuive pas. Et je rejoins votre souci, monsieur Masson, d'avoir recours, en informatique, le plus possible à des progiciels achetés « sur étagère » plutôt qu'à des programmes spécifiques.
J'en viens à l'équipement. Il mobilisera environ 900 millions de francs au profit principalement d'ACROPOL et de l'immobilier.
Pour la première fois en 1997, le projet de loi de finances initial intègre les crédits nécessaires à la mise en oeuvre d'ACROPOL.
Cette inscription devrait rassurer ceux qui, comme MM. Demuynck, Masson et Cabanel, se sont inquiétés de la mise en oeuvre de ce projet prioritaire, destiné à donner à la police nationale des équipements de transmissions efficaces et confidentiels.
ACROPOL fonctionne à Grenoble et à Lyon, où il a d'ailleurs donné pleinement satisfaction lors du dernier G7. Il est en cours d'implantation en Picardie.
Les crédits inscrits au budget sont destinés à la région parisienne, où les difficultés techniques se révèlent beaucoup plus grandes qu'on ne l'avait imaginé. Naturellement, je suis déterminé à ce qu'ACROPOL aille à son terme, et vite. Mais il faut savoir que la région parisienne est un secteur dans lequel les contraintes techniques sont considérables. Actuellement, les spécialistes étudient la façon de régler ces difficultés.
Quant à l'immobilier, c'est-à-dire la rénovation et la construction de commissariats et d'hôtels de police, grâce aux efforts combinés des crédits d'équipement et au recours à des solutions innovantes, nous livrerons environ 50 000 mètres carrés de locaux, comme en 1995 et en 1996.
A ceux qui s'interrogent sur la LOPS, je rappelle qu'en 1992-1993 le ministère ne livrait guère plus de 30 000 mètres carrés de bureaux. Cela fait trois ans que nous en livrons plus de 50 000 mètres carrés !
Pour terminer avec le projet de budget de la police, je voudrais évoquer les crédits réservés à la formation et à l'action sociale.
J'entends dire, ici ou là, qu'il importe que la police soit mieux formée. Il est effectivement essentiel d'avoir une police de professionnels et une formation de haut niveau.
Actuellement, monsieur Hyest, 2 800 fonctionnaires, dont 2 000 formateurs, travaillent dans la formation.
La convention avec la formation publique prévoit cinq jours de formation pour un fonctionnaire exerçant dans la police. Or, nous en sommes à sept jours. Nous dépensons 300 millions de francs pour le fonctionnement des vingt-deux écoles de police.
Le budget pour 1997 de l'école nationale de police sera identique à celui de 1996. S'agissant de l'institut des hautes études de la sécurité intérieure, l'IHESI, qui n'a pas de budget spécifique, ses moyens seront maintenus, et même augmentés grâce à la renégociation de son loyer.
Je l'ai dit et je le répète, la police nationale, ce sont d'abord des hommes et des femmes exerçant un métier passionnant mais difficile, comme malheureusement l'actualité vient encore de le démontrer.
Il faut donc que l'environnement professionnel proposé par l'administration aux policiers tienne compte au maximum de ces difficultés.
Dans cette perspective, je voudrais évoquer deux éléments de l'action sociale qui seront encore renforcés l'année prochaine.
Je pense tout d'abord au logement, qui constitue, à mes yeux, un élément prioritaire pour le mieux-vivre des policiers.
Nous en avons fait une priorité dès le budget de 1994, en multipliant par 2,5 les crédits ; en 1997, pour la troisième année consécutive, plus de 900 logements seront proposés aux fonctionnaires de la police nationale, ainsi que vous l'avez noté, monsieur Hyest. Par conséquent, pour la troisième année consécutive, nous serons en avance sur la LOPS !
Parallèlement au logement, sera privilégié le soutien médical et psychologique au profit des policiers. Les quelque soixante suicides enregistrés, hélas ! en 1996 dans la police, soulignent, s'il le fallait, par chaque drame qu'ils représentent, la fragilité de beaucoup de fonctionnaires.
Dans la plupart des cas, il s'agit naturellement de difficultés personnelles ; mais il ne peut s'agir que de cela, et l'administration se doit d'écouter et d'aider les policiers confrontés à des difficultés physiologiques ou psychologiques.
La réforme des horaires, je l'ai déjà dit, contribuera à un meilleur environnement, à des conditions de travail et de vie personnelle plus équilibrées.
Je souhaite aussi réserver des crédits supplémentaires importants pour financer des vacations de praticiens et d'assistantes sociales.
Après la police nationale, je voudrais maintenant présenter les crédits réservés à l'administration territoriale et à la sécurité civile.
Avec 6,3 milliards de francs, les crédits de l'administration territoriale progressent de 4 %.
Les moyens de fonctionnement sont maintenus, tandis que les crédits immobiliers progressent de manière sensible.
Les effectifs évoluent favorablement à la suite du renfort de cent postes dégelés, auxquels il faut ajouter vingt-cinq emplois transférés de l'administration centrale, ainsi que les emplois redéployés dans le cadre de la réforme de l'Etat : je pense notamment à la suppression des commissions administratives de suspension du permis de conduire, qui mobilisent encore aujourd'hui deux cents agents.
En contrepartie, disparaissent quatre cents emplois gelés depuis plusieurs années, et donc inutilisables en l'état.
Sans compter les crédits qui seront ouverts au prochain collectif pour le renouvellement des trente-deux hélicoptères, prévu sur six ans -, pour un coût global de un milliard de francs, avec six premiers hélicoptères achetés dès 1997 - le projet de budget de la sécurité civile approche 1,2 milliard de francs, en progrès de 2 %.
Cette évolution souligne la dynamique de la politique engagée par l'Etat, via le ministère de l'intérieur, pour exercer ses responsabilités au profit d'une meilleure protection de la population contre les risques naturels et technologiques. Cette dynamique, je la constate dans l'adoption, grâce au Parlement, des deux lois importantes sur les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, et sur le volontariat des pompiers, ainsi que dans la sortie rapide des textes réglementaires correspondants.
Je remercie l'ensemble des fonctionnaires de la sécurité civile - notamment l'ancien directeur, M. Canépa, et le nouveau, M. Denis - de m'accompagner dans cette voie.
Je remercie aussi M. Laurin, l'un de vos rapporteurs pour avis, d'avoir relevé les efforts que nous avons faits dans ce domaine, car je crois qu'il s'agit effectivement d'avancées décisives pour les sapeurs-pompiers.
Je retrouve cette dynamique dans l'achèvement du programme Canadair, qui mettra à notre disposition douze nouveaux appareils pour la prochaine campagne de feux, douze appareils qui auront coûté à l'Etat français 1,6 milliard de francs.
Enfin, cette dynamique est vérifiée par le prochain déménagement de la direction de la sécurité civile de Levallois à Asnières et par le regroupement de cette direction avec le service du haut-fonctionnaire de défense, au profit d'un concept renforcé de défense et de sécurité civile réunifiées.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes engagés dans une réforme majeure de la police nationale.
La gestion des finances publiques rend indispensable une stabilisation des dépenses.
Malgré cette hausse, les moyens figurant dans le projet de loi de finances que j'ai eu l'honneur de vous présenter permettront au ministère de l'intérieur d'exercer ses missions ; non seulement ses missions de police, mais aussi les missions de l'Etat et, avec le préfet Blangy, nous veillons à ce que l'Etat soit représenté, et bien représenté, dans les départements.
Les efforts de rigueur que je fais, avec la collaboration de M. Jévakhoff, dans l'utilisation des crédits de fonctionnement et le recours à des solutions innovantes en matière immobilière donneront en effet à la police les moyens financiers nécessaires.
Parallèlement, la réforme engagée en matière d'horaires favorisera son adaptation, pour une plus grande efficacité dans la lutte contre toutes les délinquances et pour de meilleures conditions de travail des policiers.
Les moyens des préfectures sont sauvegardés, la sécurité civile se modernise.
Je vous remercie donc d'approuver ce projet de budget, pour me permettre de continuer cette politique avec une détermination sans faille. Une politique, monsieur Bonnet, qui n'a d'autre ambition que de restaurer l'Etat, un Etat capable de dominer les intérêts particuliers, un Etat qui assume pleinement ses missions régaliennes, un Etat qui ne laisse à personne la possibilité, la volonté, la velléité de se substituer à lui du fait de sa carence, un Etat qui soutient ses fonctionnaires, et qui soutient notamment ses policiers lorsqu'ils sont l'objet d'injustes ou d'injurieuses critiques - je vous le dis, chaque fois qu'un policier sera critiqué, je me lèverai et je dirai qu'au nom de l'Etat on n'a pas le droit d'attaquer la police (Applaudissements sur les travées du RPR) - un Etat, monsieur Bonnet, qui fait en sorte que la loi votée par vous soit respectée par tous, un Etat qui fait que vous, le matin, dans cet hémicycle, vous votez la loi et que, l'après-midi, à l'adresse de ceux qui défilent dans la rue, ne prône pas la désobéissance à cette loi, à une loi qui est - parce que c'est le fondement de l'Etat - la même pour chacun, quelle que soit son appartenance politique, quelle que soit son origine, parce que c'est la loi de la République.
Finalement, ce budget, monsieur Bonnet, est l'expression d'une certaine conception de l'Etat, mais aussi et surtout d'une certaine conception de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la décentralisation ont été examinés hier, jeudi 28 novembre.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 196 622 716 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, vous nous avez donné une vision quasi idyllique, édénique de la situation. Pour ma part, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre ami, notre collègue M. Jean-Jacques Robert, et j'ai ressenti profondément, comme lui, la situation telle qu'elle se présente réellement sur le terrain.
Chacun peut le constater dans sa ville, dans sa circonscription : il manque des commissariats là où règne l'insécurité et, là où existent des commissariats, il y a un manque flagrant de personnels de police. Or, ce qu'il faut - il y a plus qu'urgence maintenant - c'est l'ouverture en permanence de commissariats de police dans les quartiers et les cités où se développent la petite délinquance, la drogue et le racket.
Il faut un grand service public de police nationale, dont la priorité ne peut être que le développement de la police de proximité, de quartier, et le renforcement des personnels.
Il faut développer l'îlotage, en réfléchissant d'ailleurs aux nouvelles conditions de son fonctionnement. Déjà, en 1992, le nombre de gardiens nécessaire pour l'assurer de manière efficace avait été estimé à 3 800. N'est-ce pas autant de postes à créer qui contribueraient à lutter contre le chômage, source de bien des maux ?
Je voudrais maintenant évoquer un deuxième point.
Le désengagement de la force publique d'Etat dans les missions de proximité, surtout dans le domaine de la prévention et de la dissuasion, a entraîné un transfert de charges en matière de sécurité publique sur les collectivités locales, et par là même l'émergence de polices municipales, de sociétés de gardiennage et de vigiles. Or, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à cette question, à moins que j'aie mal entendu.
Le laisser-faire des gouvernements successifs face au développement des polices municipales a abouti, de fait, à leur reconnaissance comme police complémentaire à la force publique nationale, avec des pouvoirs accrus pour les policiers municipaux.
Comment les communes, déjà asphyxiées financièrement, vont-elles pouvoir assurer le fonctionnement d'une telle police municipale ? Elles ne le pourront qu'au prix d'un accroissement de leur fiscalité, et cela est tout à fait inacceptable, sans compter les disparités qui peuvent exister entre les communes riches, qui pourront s'offrir une police municipale, et celles qui n'en auront pas les moyens !
Ainsi, la sécurité des populations devient, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres domaines tels que la santé ou l'éducation, de plus en plus inégalitaire et ségrégative, car elle dépend des moyens financiers des communes.
Or, la sécurité, nous l'avons dit, est une prérogative incontestable de l'Etat, qu'il ne peut pas, ne doit pas déléguer.
Quelle serait, en effet, l'utilité de deux polices sur un même territoire, qui auraient les mêmes pouvoirs mais avec des autorités hiérarchiques différentes ?
Il ne faut pas concevoir la sécurité en termes de rentabilité, mais bien partir des besoins pour tenter d'y apporter une réponse. Mais, bien évidemment, cela coûte cher, et Maastricht veille !
Pourtant, personne n'est sans savoir le malaise ambiant qui règne au sein même de la police - vous l'avez évoqué, monsieur le ministre - avec les tragiques événements que l'on sait, ainsi que la crise de confiance grave qui existe entre les policiers et leur ministre.
Outre le fait qu'ils se sentent mal considérés, les personnels de police ont de nombreuses revendications, que ce soit au niveau des salaires, des qualifications, du déroulement de carrière, des conditions de travail, des retraites, de la protection sociale, des droits statutaires ou du logement.
Le temps - dont, bien entendu, je n'abuserai pas à cette heure - me manque pour m'expliquer davantage. J'aurais pourtant encore bien des arguments, mais j'estime que ceux-là suffisent à expliquer et confirmer notre vote négatif sur ce budget.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Pagès, le développement des polices municipales, que vous regrettez et que je regrette profondément, de quand date-t-il ?
Mme Nelly Olin. Eh oui !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. De l'époque où vos amis ont mis en place la cinquième brigade. On s'est rendu compte alors que cette nouvelle organisation était telle que la police nationale n'était plus capable d'assumer ses missions.
M. Michel Caldaguès. C'est vrai !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Toute la politique que je mène, toute la réforme des cycles de travail que j'ai entreprise visent précisément, comme le souhaitait M. Bonnet, à redonner à la police nationale, c'est-à-dire à l'Etat, son efficacité et à faire en sorte qu'il n'y ait plus besoin de police municipale. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Par amendement n° II-35, le Gouvernement propose de minorer les crédits figurant au titre III de 800 000 francs et de majorer ces mêmes crédits de 800 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a déposé un amendement qui, je crois, réjouira M. le rapporteur spécial.
La dotation prévue dans le projet de loi de finances pour le fonctionnement de l'école nationale supérieure de police est actuellement, comme l'a montré le projet de budget pour 1997 présenté à son dernier conseil d'administration, insuffisante pour assurer dans les meilleures conditions la formation continue des fonctionnaires appartenant aux corps de conception et de direction de la police nationale. En effet, outre la formation initiale, qui est essentielle, il y a la formation continue, qui est au moins aussi essentielle.
Plutôt que de procéder à un abondement des crédits en cours d'année, il serait préférable de porter dès à présent le budget de cette école à son niveau souhaité, en majorant de 800 000 francs les crédits du chapitre 36-40 par redéploiement des crédits de fonctionnement de la police nationale inscrits au chapitre 34-41.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Guy Cabanel, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas pu se réunir, puisque l'amendement du Gouvernement a été déposé cet après-midi.
Cependant, je puis dire qu'elle se réjouirait si elle était réunie à l'instant même, car elle a souhaité ce retour à l'orthodoxie : elle ne peut qu'approuver des crédits bien inscrits dans le budget, bien utilisés, avec le mois de gels et de dégels possible, pour une plus grande efficacité.
Elle verrait à cet amendement un deuxième avantage : grâce à votre amendement, nous allons nous retrouver à peu de chose près avec la dotation qui existait en 1996. Nous la remettons donc à niveau.
Il y aurait même un avantage supplémentaire à cette technique : c'est que, dans cette opération, l'Assemblée nationale aura fait un bout de chemin, puisqu'elle a affecté 700 000 francs sur la réserve dite « parlementaire », et que, avec les 800 000 francs que vous acceptez de transférer, monsieur le ministre, la formation continue des cadres supérieurs de la police, donc des corps de conception et de direction, pourra se faire sans aléas, sans difficultés, sans recherche de crédits en cours d'année.
Nous sommes donc favorables à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre, ainsi que contre les titres IV, V et VI.
M. André Rouvière. Le groupe socialiste vote également contre, comme il se prononcera contre les titres IV, V et VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, moins 1 881 795 374 francs. »
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 1 465 000 000 francs ;
« Crédits de paiements, 506 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 10 301 445 000 francs ;
« Crédits de paiements, 5 918 529 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'intérieur et la décentralisation. - Sécurité.

6

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 109, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale, une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 108, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales.

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DÉPO^T DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CE portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels et modifiant le règlement CE n° 3059/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels et le règlement CE n° 789/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (1996).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-738 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : communication de la Commission au Conseil : demande d'autorisation de maintenir des dérogations conformément à l'article 30 de la sixième directive TVA du conseil (77/388/CEE) et de l'article 23 paragraphe 2 de la directive 92/12/CEE du Conseil présentée par le Gouvernement du Royaume-Uni.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-739 et distribuée.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 2 décembre 1996, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer et article 93 :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 32) ;
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XXII) ;
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (départements et territoires d'outre-mer, avis n° 90, tome VII) ;
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 91, tome VII) ;
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (territoires d'outre-mer, avis n° 91, tome VIII).
Culture :
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 9) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (rapport n° 87, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 87, tome II).
Industrie, poste et télécommunications :
II. - Poste, télécommunications et espace :
M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 27) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 88, tome XXI).
Charges communes et articles 88 et 89 :
Comptes spéciaux du Trésor (articles 42 à 45, 45 bis et 46 à 53) :
M. Claude Belot, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 86, annexe n° 10) ;
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 86, annexe n° 46).
Services financiers (et consommation) :
M. Alain Richard, rapporteur spécial (services financiers, rapport n° 86, annexe n° 11) ;
M. Louis Minetti, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 88, tome IX).
Budget annexe des Monnaies et médailles :
M. Alain Richard, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 42).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1997
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1997 est fixé au vendredi 6 décembre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 20 novembre 1996
RATIFICATION D'ORDONNANCES
RELATIVES À LA LÉGISLATION PÉNALE
APPLICABLE AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER

Page 5736, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour un article additionnel après l'article 1er, 2e ligne :
Au lieu de : « 716-4 »,
Lire : « 716-14 ».

UNION D'ÉCONOMIE SOCIALE DU LOGEMENT

L. 319-9 du code de la construction), 4e ligne :
Au lieu de : « 313-17 »,
Lire : « 313-7 ».

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

79 (1996-1997) de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues relative à la procédure de déclaration de parcelle en état d'abandon.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

106 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars 1995.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES

98 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative au maintien des liens entre frères et soeurs.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 70 (1996-1997) de M. Serge Mathieu relative aux animaux de race canine susceptibles de présenter un danger pour les personnes.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Adaptation de la loi relative à l'aménagement
et à la réduction du temps de travail
au secteur de la pêche

514. - 29 novembre 1996. - M. Alain Gérard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'adaptation de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail au secteur de la pêche. En effet, on constate un déficit de recrutement des jeunes trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs. Quelles sont les raisons d'une telle désaffection ? Alors que dans toute l'industrie, l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche il y a eu amélioration très importante de la productivité afin de donner des salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de l'activité, au détriment des conditions sociales et de l'embauche. Les jeunes refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction de jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance. C'est pourquoi il lui demande si une réflexion pouvait s'engager, en concertation avec les organisations professionnelles, afin de mettre en place un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi « de Robien » et qui s'appliquerait, avec ses spécificités, au secteur de la pêche.