M. le président. « Art. 97. - L'article 34 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est ainsi rédigé :
« Art. 34. - L'Etat assure aux organismes gestionnaires des ateliers protégés, des centres de distribution de travail à domicile et des centres d'aide par le travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés visé à l'article L. 323-8-2 du code du travail assure aux employeurs du milieu ordinaire de travail, dans des conditions fixées par décret, la compensation des charges qu'ils supportent au titre de la garantie de ressources prévue à l'article précédent et des cotisations y afférentes.
« Ces dispositions prennent effet à compter du 1er janvier 1997. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-7 est présenté par MM. Mazars, Huguet, Delfau, Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-14 est déposé par Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-7.
M. Gérard Delfau. L'article 97 prévoit de modifier la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Il ne s'agit, en fait, que de transférer la charge de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire à l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, ce qui représente, pour 1997 seulement, une somme de 245 millions de francs.
Cette affaire, dont il a déjà été beaucoup question, pose plusieurs problèmes graves. Tout d'abord, une telle ponction remet en cause le principe fondamental de solidarité qui avait présidé à l'élaboration de cette loi. Elle traduit en effet le désengagement de l'Etat à l'égard de personnes qui sont déjà victimes d'un handicap, ce qui ne laisse pas d'être choquant.
Au demeurant, ce désengagement survient après la modification, en 1994, dans un sens bien sûr restrictif, des conditions d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés après la cessation, en 1995, du versement de la participation patronale de formation sur les compléments de rémunération pour les travailleurs en atelier protégé et après le transfert à l'AGEFIPH, en 1996, d'une partie du financement des équipes de préparation et de suite du reclassement, les EPSR. Voilà qui fait décidément beaucoup au détriment des handicapés !
Comme dans d'autres cas, le Gouvernement prend prétexte de la trésorerie positive de l'AGEFIPH pour s'emparer d'une partie de celle-ci afin de boucler son budget. C'est une politique d'expédients que l'on nous présente, qui pénalise une association dont le montant total des fonds, engagements compris, n'est pas aussi élevé que le prétend le Gouvernement.
Sutout, cet argent n'existe que parce que les entreprises, en majorité, préfèrent payer des pénalités plutôt que d'embaucher des personnes handicapées, ce qui pose un problème de fond. En effet, nous sommes là assez loin du concept de l'« entreprise citoyenne » et de l'accomplissement du devoir de solidarité.
Ce qui est particulièrement regrettable, c'est que le désengagement financier de l'Etat se double d'un abandon de ses devoirs. En effet, le rôle de l'Etat, face à une telle situation, est de mobiliser les ressources pour faire appliquer la loi, pour inscrire dans les faits le principe de solidarité. Son rôle n'est pas de ponctionner des ressources inemployées parce que certains ne veulent pas appliquer la loi.
Or, c'est précisément ce à quoi nous assistons : l'Etat s'engage dans cette démarche, quitte à investir pour cela une association de prérogatives de puissance publique qui ne figurent en aucune façon dans ses statuts. Vous nous demandez de modifier les activités de l'AGEFIPH, donc son objet et in fine sa nature. Vous nous demandez de donner notre aval à l'affectation de ses fonds à une autre destination que celle qui est légalement prévue.
Il nous faudrait donc modifier la loi. A notre avis, cette modification va à l'encontre de ce qu'il aurait fallu faire dans l'intérêt, primordial à nos yeux, des personnes handicapées. La seule modification acceptable serait celle qui démontrerait la volonté du Gouvernement d'assumer ses responsabilités et de donner à l'AGEFIPH les moyens de remplir pleinement sa mission.
Nous ne cautionnons en aucun cas l'opération que vous nous proposez, car il s'agit d'une mauvaise action perpétrée à l'encontre des handicapés.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-14.
M. Guy Fischer. Cet amendement soulève un certain nombre de questions qui ne sont pas de simple économie budgétaire.
Il s'agit, tout d'abord, de bien préciser quel est le cadre de la mesure qui nous est proposée par l'article 97 et de s'interroger sur la cohérence de la politique gouvernementale en faveur de nos compatriotes qui souffrent d'un handicap.
La question du handicap est imparfaitement résolue, c'est le moins que l'on puisse dire.
Une partie des solutions réside aujourd'hui dans l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, qui est imputée sur le budget des affaires sociales et qui constitue d'ailleurs un élément significatif de ce dernier.
Rappelons-nous qu'un article rattaché de la loi de finances pour 1994 avait, de manière particulièrement discutable, modifié les conditions de versement de cette allocation à certaines catégories de personnes en longue maladie, ce qui avait été alors justifié par la volonté de réaliser des économies.
On constate donc que le discours actuel sur la maîtrise des dépenses publiques n'a rien de bien nouveau ni original puisqu'il se situe dans cette filiation.
Fiscalement parlant, le problème du handicap est également pris en compte en termes de majoration du quotient familial, d'abattements spécifiques ou encore d'exonérations de certains revenus de transfert, dont l'AAH, encore que, dans ce domaine, le présent projet de loi de finances contienne une incroyable mesure de remise en cause de l'exonération des rentes viagères d'incapacité de travail.
Quant au fonds pour le développement de l'insertion professionnelle des handicapés, il est organisé de manière relativement similaire au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Il repose, en effet, sur un prélèvement effectué à partir de l'entreprise sur la base d'un principe simple.
Les entreprises qui, dans leurs secteurs respectifs, ne respectent pas les obligations d'embauche de travailleurs handicapés sont soumises à une cotisation mutualisée, destinée à financer des actions de formation, de reclassement ou de réinsertion des travailleurs handicapés.
L'argent de l'AGEFIPH est donc celui des salariés. En ce sens, il est assimilable, toutes proportions gardées, à l'argent collecté au titre de la formation continue, de la participation des employeurs à l'effort de construction ou encore de la contribution au versement des allocations ASSEDIC.
Une entreprise qui ne développe pas de politique de formation est ainsi invitée à solder ses obligations auprès d'un collecteur tandis qu'une entreprise qui n'engage pas de dépense particulière pour le logement de son personnel est invitée à solder sa contribution forfaitaire auprès d'un collecteur ou du Trésor public.
L'alimentation des ressources de l'AGEFIPH est donc fondée sur le principe de la pénalisation du refus d'une entreprise à répondre aux besoins de formation et d'emploi des handicapés.
Dans les faits, on est bien obligé de revenir sur les termes du partage entre les missions qui sont confiées à l'AGEFIPH dans le cadre de la loi de 1975 et celles qui incombent à l'Etat.
Il importe de rappeler que cette loi prévoyait que les missions de l'Etat étaient de prendre en charge « l'extension des dépenses qui sont les siennes : l'éducation, la formation et le reclassement professionnels, la garantie de ressources aux handicapés qui travaillent ».
Pour autant, ces principes ont été, depuis, largement travestis et ils le seront encore si l'on en reste à la lettre de l'article 97 du présent projet de loi.
En effet, l'AGEFIHP s'est déjà vu imputer ces dernières années des dépenses liées au financement des équipes de préparation et de suite du reclassement privées, à l'aménagement des postes de travail et à l'encadrement des travailleurs handicapés.
Elle se voit donc dans l'obligation de faire des choix draconiens entre la suppression des dépenses d'investissement en nouveaux outils de travail pour les ateliers de formation ou la limitation des inscriptions dans les stages.
Peut-on, dans les faits, se permettre d'imposer de tels choix qui risquent, au nom du strict équilibre comptable, de créer de nouvelles souffrances et de nouvelles et intolérables discriminations ?
Les missions que l'on peut assigner à la dépense publique ne doivent pas être l'occasion d'affirmer la primauté d'une rigueur qui, sous prétexte d'économie, met en cause la satisfaction d'immenses besoins collectifs.
De plus, on est bien obligé de s'interroger sur le sens réellement donné à la doctrine budgétaire en vigueur lorsque le Gouvernement réduit ses dépenses en se contentant soit de les transférer sans compensation sur d'autres, soit comme l'a montré la discussion sur le 1 % logement, en se servant dans la caisse et en détournant l'argent qui devrait rester géré par les acteurs sociaux eux-mêmes.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l'article 97.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-7 et II-14 ?
M. Emmanuel Hamel, rapporteur général. Il est vrai que l'article 97 tend à augmenter les responsabilités de l'association gérant les fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, mais il ne diminue pas les moyens attribués à ces derniers.
La commission des finances estime donc que la réforme proposée dans cet article n'est pas inéquitable, la garantie de ressources des travailleurs handicapés étant maintenue.
Voilà pourquoi, sans hésitation, elle s'oppose aux amendements de suppression de l'article 97.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Même avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-7 et II-14, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 97.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'article 97 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère du travail et des affaires sociales : I. - Travail.

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