M. le président. M. Jean Chérioux appelle l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les difficultés d'application de l'article 46 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995, qui a modifié, sur l'initiative du Sénat, l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale relatif aux règles de cumul emploi-retraite.
Cet article visait à permettre à des personnes exerçant une activité non salariée de percevoir une pension de vieillesse à laquelle leur activité salariée leur a ouvert droit, sans renoncer pour autant à leur activité non salariée. Cette condition de cumul d'activités s'apprécie à la date d'effet de la pension du régime des salariés.
Toutefois, la Caisse nationale d'assurance vieillesse - CNAVTS - considère que les personnes qui, à cette date, relèvent du régime d'assurance chômage tout en exerçant une activité non salariée ne peuvent bénéficier de cette disposition. Or, les périodes de chômage sont assimilées à des périodes de travail effectif pour la détermination des droits à pension en vertu de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale.
De plus, les statistiques publiées par la CNAVTS révèlent que les deux tiers des personnes partant actuellement à la retraite sont déjà inactives et que, parmi elles, 40 % sont des personnes au chômage. Il s'agit d'une réalité dont cet organisme ne semble pourtant pas avoir tiré toutes les conséquences.
Par ailleurs, une circulaire en date du 1er décembre 1995 relative au cumul emploi-retraite a admis que, dans certains cas, la condition de pluriactivité simultanée pouvait être appréciée à la date de cessation des activités salariées.
Enfin, il convient de tenir compte de l'esprit de la loi de 1995 tel que l'a défini le législateur. Le rapporteur de ce texte au Sénat avait souligné la nécessité de remédier à la situation inéquitable faite aux personnes exerçant une activité mixte et le ministre en charge des affaires sociales avait même déclaré qu'il fallait prendre en compte les « situations individuelles ».
En conséquence, il souhaite savoir si le Gouvernement entend prendre les mesures de nature à permettre une application de la loi conforme à l'intention du législateur ou s'il conviendrait de préciser, par voie d'amendement, la portée de l'article 46 de la loi de 1995. (N° 599.)
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1995, sur l'initiative du Sénat, l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale a été modifié pour permettre à des personnes exerçant simultanément des activités salariées et des activités non salariées de bénéficier de leur retraite de salarié et de continuer à exercer des activités non salariées dès lors qu'elles ne demandent pas les retraites correspondant à ces dernières.
Cette mesure a été introduite pour mettre un terme à une situation injuste. En effet, avant 1995, un salarié pouvait parfaitement faire liquider sa retraite et reprendre une activité similaire chez un autre employeur, alors qu'un travailleur non salarié, qu'il soit commerçant, artisan ou exploitant agricole, était tenu de changer d'activité pour bénéficier de sa retraite, ce qui dans son cas était beaucoup plus difficile.
Par ailleurs, lors de l'adoption de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, notre excellent rapporteur Claude Huriet avait précisé que cette disposition visait à remédier à la « situation inéquitable » dans laquelle se trouvaient ceux qui avaient exercé une activité mixte. Ces personnes ne pouvaient poursuivre leur activité non salariée si une pension de vieillesse leur avait été versée au titre de leur activité salariée. Or le montant de cette pension est souvent relativement peu élevé compte tenu, d'une part, de la durée de leur formation initiale et, d'autre part, de l'exercice à mi-temps de cette activité.
Mme Simone Veil, alors ministre d'Etat chargé des affaires sociales, avait déclaré à ce propos : « Il est des situations individuelles auxquelles nous ne pouvons pas être insensibles. Il s'agit, en effet, non pas de questions financières mais de problèmes d'activités. En effet, des personnes qui sont encore en pleine forme pour exercer des activités ne peuvent le faire en raison de la règle du non-cumul. »
Telle était donc initialement l'intention du législateur.
Force est de constater que certaines difficultés persistent. La principale réside dans le fait que la caisse nationale d'assurance vieillesse considère que les personnes qui, à la date d'effet de la pension du régime des salariés, relèvent du régime d'assurance chômage, tout en exerçant parallèlement une activité non salariée, ne peuvent bénéficier de cette disposition.
Or les périodes de chômage sont assimilées à des périodes de travail effectif pour la détermination des droits à pension en vertu de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale.
Surtout, les statistiques publiées par cette même caisse révèlent que les deux tiers des personnes partant actuellement à la retraite sont déjà inactives et que, parmi elles, plus d'un tiers - soit 40 % - sont au chômage. Or la CNAVTS n'a tiré aucune conséquence de cet état de fait.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite donc savoir si la circulaire n° 1/96 du 1er décembre 1995 relative au cumul emploi-retraite, qui avait déjà permis une appréciation rétroactive de la qualité de « pluriactif simultané », ne pourrait pas être complétée pour tenir compte de ce type de cas, de plus en plus fréquent, ou si la rédaction de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale doit être précisée afin de mettre un terme aux actuels conflits d'interprétation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, qui vous prie d'excuser son absence, m'a chargé, monsieur le sénateur, de vous livrer les éléments de réponses suivants.
L'article 46 de la loi du 4 février 1995 permet effectivement à l'assuré qui exerce simultanément des activités salariées et non salariées de bénéficier de sa retraite de salarié et de continuer à exercer une activité non salariée dès lors qu'il ne demande pas à jouir de la retraite correspondante.
L'exercice simultané d'une activité salariée et d'une activité non salariée doit être constaté à la date à laquelle l'assuré fait valoir ses droits à pension du régime général. De ce fait, ne peuvent bénéficier des mesures de cumul emploi-retraite ceux qui avaient cessé leur activité salariée avant cette date pour quelque raison que ce soit.
Il est toutefois vrai que, dans l'instruction du 1er décembre 1995, il a été demandé que soit pris en compte, par mesure de bienveillance, le cas de certaines personnes qui, par méconnaissance des textes, se sont privées d'un droit légitime ou se trouvaient, avant la loi du 4 février 1995, dans une situation où elles remplissaient les conditions pour en bénéficier.
Quant aux périodes de chômage, il est vrai qu'elles sont prises en compte pour l'ouverture et le calcul des droits à pension ; néanmoins, elles ne peuvent en rien être assimilées à des périodes de travail effectif au sens de la législation relative au cumul emploi-retraite.
Ne peuvent dont pas bénéficier de ce dispositif les personnes en situation de chômage au moment de leur demande de liquidation de pension de vieillesse du régime général.
Limitée à son origine, l'autorisation du cumul emploi-retraite a déjà subi au fil des années de nombreuses modifications visant à étendre les règles dans un sens toujours plus favorable. Le dispositif actuel réalise un compromis satisfaisant entre le souci de permettre la poursuite d'une activité tout en percevant une retraite et la nécessité de ne pas peser davantage sur la situation de l'emploi.
La législation relative au cumul emploi-retraite est définie par une loi de 1993 applicable jusqu'au 31 décembre 1998. En toute hypothèse, les règles de cumul emploi-retraite seront donc réexaminées l'année prochaine. C'est à cette occasion que de nouvelles dispositions dérogatoires pourraient, le cas échéant, être étudiées.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais je ne peux pas dire qu'elle me donne satisfaction, loin de là !
Je constate avec regret que l'administration du travail et des affaires sociales persiste dans son attitude et continue à interpréter de façon restrictive la loi de février 1995, et cela en contravention évidente avec l'intention du législateur. En tant que sénateur, je ne peux que m'élever contre cette attitude, qui n'est pas tout à fait admissible.
Je dirai que M. le ministre lui-même va un peu dans mon sens, dans la mesure où il estime qu'il existe des situations regrettables et que, en 1998, nous serons amenés à revoir la législation en vigueur. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, 1998, c'est loin et, en attendant, les situations délicates ne sont pas réglées.
Pour ma part, je ne peux me satisfaire de cela.
Puisque l'on envisage de procéder à des modifications en 1998, je pense qu'à l'occasion de la discussion d'un texte portant diverses dispositions d'ordre social, par exemple, pourrait être déposé un amendement tendant à préciser la loi de 1995 de façon à faire prévaloir la position du Parlement sur celle des services administratifs.
J'en viens à ce que vous avez dit à propos du chômage.
En suivant la logique jusqu'au bout, nous en arrivons à une situation tout à fait ubuesque. En effet, parmi les personnes qui relèvent de l'assurance chômage, il n'y a pas seulement les chômeurs, il y a aussi tous les préretraités. Cela signifie que les préretraités, qui, par définition, sont sortis du système par anticipation, ne peuvent pas faire valoir leurs droits.
Je souhaiterais donc vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que les services revoient leur position, en particulier en ce qui concerne la situation des préretraités.
Pour ma part, je m'emploierai, dans le courant de cette session, à déposer un amendement visant à faire prévaloir l'interprétation du législateur.

Situation
des professionnels de biologie médicale