SOMMAIRE


présidence de m. rené monory

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures au sein de délégations parlementaires (p. 1 ).

3. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 2 ).

4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 3 ).

5. Organisme extraparlementaire (p. 4 ).

6. Démissions de membres de commissions et candidatures (p. 5 ).

7. Droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales. - Discussion d'un projet de loi organique (p. 6 ).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois.

présidence de m. jacques valade

MM. Hubert Durand-Chastel, Nicolas About, Denis Badré, Jean-Patrick Courtois, Guy Allouche, Michel Duffour, Guy Cabanel, le ministre.
Clôture de la discussion générale.

8. Nomination de membres de délégations parlementaires (p. 7 ).

9. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 8 ).

10. Nomination de membres de commissions (p. 9 ).

11. Droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique (p. 10 ).

Intitulé du chapitre Ier (p. 11 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.

Article 1er (p. 12 )

Intitulé de la section I
bis du code électoral (p. 13 )

Amendement n° 2 de la commission. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé du code.

Article L.O. 227-1 du code électoral (p. 14 )

Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement n° 31 de M. Habert. - MM. le rapporteur, Jacques Habert, le ministre, Philippe Arnaud, Guy Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Philippe Richert, Michel Dreyfus-Schmidt, Guy Allouche, Jacques Larché, président de la commission des lois. - Rejet du sous-amendement ; adoption, par division, de l'amendement.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L.O. 227-2 du code électoral. - Adoption (p. 15 )

Article L.O. 227-3 du code électoral
(p. 16 )

Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L.O. 227-4 du code électoral (p. 17 )

Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 26 de M. Durand-Chastel. - MM. Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Duffour, Guy Cabanel, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L.O. 227-5 du code électoral (p. 18 )

Amendement n° 7 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article L.O. 227-6 du code électoral (p. 19 )

Amendement n° 8 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article L.O. 227-7 du code électoral (p. 20 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Adoption de l'article 1er modifié.

Intitulé du chapitre II (p. 21 )

Amendement n° 10 de la commission. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.

Article 2 (p. 22 )

Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission et sous-amendement n° 30 de M. Allouche. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, le ministre, le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 23 )

Amendement n° 13 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 24 )

Amendement n° 14 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 25 )

Amendement n° 16 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 26 )

Amendement n° 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 rectifié de M. Richert. - MM. Philippe Richert, le rapporteur, le ministre, André Bohl. - Retrait.

Article 6. - Adoption (p. 27 )

Article additionnel après l'article 6 (p. 28 )

Amendement n° 28 rectifié de M. Allouche. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, Guy Cabanel. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 7 et 8. - Adoption (p. 29 )

Article 9 (p. 30 )

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 9 (p. 31 )

Amendement n° 19 rectifié de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10 (p. 32 )

Amendement n° 20 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 11 (p. 33 )

Amendement n° 21 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12 (p. 34 )

Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche, Michel Duffour. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 13 (p. 35 )

Amendement n° 23 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

Intitulé du projet de loi organique (p. 36 )

Amendement n° 24 de la commission et sous-amendement n° 29 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé modifié.

Vote sur l'ensemble (p. 37 )

MM. Pierre Fauchon, Emmanuel Hamel, Guy Allouche, Hubert Durand-Chastel, Jacques Bimbenet, Michel Duffour, le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.

12. Vacance d'un siège de sénateur (p. 38 ).

13. Transmission d'un projet de loi (p. 39 ).

14. Dépôt d'une proposition de loi (p. 40 ).

15. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 41 ).

16. Dépôt de rapports (p. 42 ).

17. Dépôt d'un avis (p. 43 ).

18. Ordre du jour (p. 44 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES
AU SEIN DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation :
- d'un membre titulaire et de deux membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ;
- d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- d'un membre de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;
- et d'un membre de la délégation du Sénat à l'office parlementaire d'évaluation de la législation.
La désignation d'un membre de la délégation du Sénat à l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques interviendra ultérieurement.
Le groupe socialiste m'a fait connaître qu'il présentait les candidatures :
- de Mme Josette Durrieu comme membre titulaire et de M. Marcel Debarge comme membre suppléant représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ;
- de M. Michel Dreyfus-Schmidt comme membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- de Mme Maryse Bergé-Lavigne comme membre de la délégation du Sénat à l'office parlementaire d'évaluation de la législation.
Le groupe des Républicains et Indépendants m'a fait savoir qu'il présentait la candidature de M. James Bordas comme membre suppléant représentant la France àl'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Enfin, le groupe communiste républicain et citoyen présente la candidature de Mme Nicole Borvo comme membre de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques.
Ces canddiatures ont été affichées. Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

3

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Gérard Roujas pour siéger, en qualité de suppléant, au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles et, en qualité de titulaire, au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles créée au sein du Conseil supérieur.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport établi en application de l'article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, sur l'application de la loi précitée.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il demande au Sénat de bien vouloir désigner un représentant au sein d'un organisme extraparlementaire.
En application de l'article 9 du règlement, j'invite la commission des lois à présenter une candidature pour un suppléant appelé à siéger, en remplacement de M. Claude Pradille, au sein du conseil d'administration du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

6

DÉMISSIONS DE MEMBRES DE COMMISSIONS
ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis des démissions de M. Marcel Charmant comme membre de la commission des affaires culturelles, de M. Michel Charzat comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et de M. Claude Haut comme membre de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'ai reçu avis de la démission de M. Jean-Pierre Lafond comme membre de la commission des affaires culturelles.
J'informe le Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'elle propose pour siéger à la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante depuis le 18 juin 1997.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger :
- à la commission des affaires sociales en remplacement de M. Jacques Bialski, démissionnaire de son mandat sénatorial ;
- et à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation en remplacement de MM. Jean-Pierre Masseret et Alain Richard, dont le mandat sénatorial a cessé.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

7

DROIT DE VOTE DES CITOYENS
DE L'UNION EUROPÉENNE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 381, 1996-1997) relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994. [Rapport n° 415 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application du traité sur l'Union européenne, et en particulier de son article 8 B, le Conseil européen du 19 décembre 1994 a adopté une directive relative aux élections municipales. C'est sa transposition dans notre droit interne qui vous est aujourd'hui proposée.
Il s'agit d'organiser pour tout citoyen de l'Union européenne résidant dans un Etat membre dont il n'est pas le ressortissant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il se réside.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, on me permettra de faire un bref rappel historique.
La directive du Conseil du 19 décembre 1994, relative aux élections municipales, prévoit dans son dernier article que « les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires » pour se conformer à ladite directive « avant le 1er janvier 1996 ».
C'est en application de cette disposition que le précédent Gouvernement a procédé à l'élaboration d'un projet de loi organique, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 2 août 1995.
Toutefois, pour des raisons qui lui sont propres, le Gouvernement de M. Alain Juppé n'a pas fait inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il en est résulté que la France a pris un important retard dans la mise en oeuvre de ses engagements internationaux en cette matière.
Par ailleurs, la dissolution de l'Assemblée nationale survenue le 21 avril 1997 a rendu ce texte caduc, si bien que le nouveau gouvernement a dû reprendre la procédure ab initio . Soucieux de ne pas différer davantage l'application du traité, le Gouvernement a déposé un nouveau projet de loi organique sur le bureau du Sénat le 2 juillet dernier, et c'est le premier texte qui vient à l'ordre du jour à l'ouverture de la présente session extraordinaire.
J'en viens maintenant à l'analyse du dispositif que vous propose le Gouvernement.
Afin de sérier les problèmes, je regrouperai les dispositions du texte en deux grandes catégories.
Il s'agit, d'une part, des mesures homologues, pour les élections municipales, de celles qui sont déjà contenues dans la loi du 5 février 1994 pour les élections européennes. Elles sont déjà connues de vous et le rapporteur de la commission des lois, M. Fauchon, avait également rapporté ce texte de loi en 1994. L'adaptation aux élections municipales ne devrait donc pas, a priori , soulever de difficulté.
Il s'agit, d'autre part, des mesures qui s'écartent des dispositions correspondantes de la loi sur les élections européennes et celles qui n'y ont pas d'équivalent, qui devraient naturellement retenir davantage votre attention.
J'aborderai en premier lieu les mesures homologues de celles de la loi du 5 février 1994.
La directive du 19 décembre 1994 pas plus que celle du 6 décembre 1993 relative à l'élection européenne ne touchent au système électoral de chaque Etat membre. La Commission européenne et le Conseil se sont attachés à limiter son contenu à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l'objectif du traité. Le texte laisse donc en l'état les systèmes électoraux pour les électeurs nationaux. Il vise essentiellement à supprimer la condition de nationalité, actuellement requise par la plupart des Etats membres pour exercer le droit de vote et se porter candidat aux élections municipales, permettant ainsi à la loi électorale nationale de s'appliquer aux résidents communautaires de la même façon qu'elle s'applique aux ressortissants nationaux.
L'affirmation du principe d'égalité et de non-discrimination pour les résidents communautaires conduit à leur appliquer les mêmes conditions qu'aux nationaux pour l'exercice du droit de vote et d'éligibilité. Ces conditions portent sur l'âge, la capacité, le cumul des mandats, l'inscription sur la liste électorale et la notion de résidence. La directive n'interfère pas dans ces domaines qui doivent, à l'évidence, rester du ressort national.
La deuxième similitude a trait aux populations concernées. Il s'agit des citoyens de l'Union non français mais résidant en France, condition nécessaire pour participer au scrutin.
On retrouve donc là une question déjà rencontrée lors de la discussion de la loi sur le vote des communautaires aux élections européennes : un étranger communautaire peut-il voter dans la commune où il dispose d'une résidence secondaire ? La réponse est « non » car, en droit français, la notion de résidence, en matière électorale, s'entend de celle qui revêt à la fois un caractère réel et continu, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, excluant par principe les séjours dans une résidence secondaire. Le citoyen communautaire non français qui ne disposerait en France que d'une résidence secondaire ne saurait donc exciper du fait qu'il paye des impôts locaux depuis plus de cinq ans dans la commune où elle est située pour être autorisé à y participer aux élections municipales.
En revanche, la réponse serait « oui » si l'intéressé est inscrit dans une commune depuis cinq ans au moins sans interruption au rôle d'une des contributions directes communales, mais à la condition expresse qu'il réside de manière permanente en France, dans une autre commune. Ces conditions sont posées, pour les Français, par l'article L. 11 du code électoral et, pour les étrangers communautaires, par la directive elle-même.
Troisième point de similitude : pour exercer leur droit de vote en France lors des élections municipales, les étrangers communautaires devront être inscrits au préalable sur une « liste électorale complémentaire » valable pour les seules élections municipales.
Deux précisions doivent être apportées à cet égard. D'une part, et alors que l'inscription des citoyens français sur les listes électorales est obligatoire aux termes de l'article L. 9 du code électoral, le système offert aux ressortissants communautaires est facultatif, puisque le traité et la directive laissent aux citoyens de l'Union le libre choix de participer ou non au scrutin dans leur Etat de résidence. D'autre part, le droit de voter des intéressés est subordonné à la double condition qu'ils ne soient privés de ce droit, par l'effet d'une décision civile ou pénale, ni en France ni dans l'Etat dont ils ont la nationalité.
Pour le reste, et afin d'assurer, conformément au traité, une exacte égalité des droits entre les Français et les autres électeurs de l'Union, l'inscription de ces derniers sur une liste électorale complémentaire est soumise aux mêmes règles que celles qui sont édictées pour l'inscription des Français sur les listes électorales.
L'établissement et la révision des listes électorales complémentaires sont donc confiés aux mêmes autorités que celles qui sont compétentes pour l'établissement et la révision des listes électorales, les citoyens « communautaires » doivent remplir les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux Français et les règles relatives au contentieux des listes électorales sont étendues au contentieux des listes électorales complémentaires.
Quant au droit d'éligibilité, il est reconnu aux ressortissants des autres Etats de l'Union résidant en France dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves qu'il est reconnu aux électeurs français conformément au chapitre II du projet de loi organique.
J'en viens maintenant aux mesures spécifiques au projet de loi présenté, mesures qui, je le pense, retiendront davantage votre attention.
La spécificité du texte qui vous est soumis aujourd'hui, par rapport à celui qui a transposé les dispositions de la directive relative à l'élection des membres du Parlement européen, apparaît tout d'abord dans sa forme, puisqu'il s'agit d'un projet de loi organique.
En effet, la transposition dans notre droit national des mesures contenues dans la directive du Conseil du 19 décembre 1994 doit s'inscrire dans le cadre de l'article 88-3 de la Constitution, lequel est ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. [...] Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. »
Ces modalités particulières de transposition s'expliquent évidemment par les répercussions que pourrait avoir la participation d'électeurs communautaires à la désignation des sénateurs, laquelle doit être réservée aux Français pour que soit garanti le respect de l'article de la Constitution qui réserve au peuple français l'exercice de la souveraineté nationale à laquelle participe sans discussion possible le Sénat.
Sur le fond, le texte du projet de loi diverge encore de la loi du 5 février 1994 à propos du contrôle des doubles inscriptions.
La loi de 1994, dans le droit-fil de la directive du 6 décembre 1993, prévoit divers contrôles et échanges d'informations entre les Etats membres de l'Union, de telle sorte qu'un même électeur ne puisse simultanément être inscrit dans son Etat d'origine et dans son Etat de résidence, pour interdire en pratique toute possibilité de vote multiple à l'élection du Parlement européen, conformément à l'article 8 de l'article 8 de l'Acte du 20 septembre 1976.
En revanche, s'agissant des élections municipales, nos partenaires, pour des raisons qui leur appartiennent, n'ont pas exclu formellement les inscriptions multiples.
Dans ces conditions, il n'était plus possible, même si on peut le déplorer, d'organiser d'un commun accord des échanges d'informations de nature à prévenir d'éventuelles inscriptions multiples.
Le Conseil d'Etat a néanmoins souligné, en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel n° 92-308 DC du 9 avril 1992, qu'il importait d'éviter qu'une même personne puisse exercer le droit de vote aux élections municipales à la fois dans son Etat d'origine et dans l'Etat de l'Union où il réside. Aussi lui est-il apparu nécessaire de transposer à sa situation un principe de base de notre droit électroral : de la même façon qu'est prohibée l'inscription simultanée d'un Français sur plusieurs listes électorales, il sera exigé que le citoyen de l'Union qui demande son inscription sur une liste électorale complémentaire s'engage à n'exercer son droit de vote aux élections municipales qu'en France. Le fait pour lui de revenir sur cet engagement emporterait corrélativement sa radiation d'office de la liste électorale complémentaire. C'est l'objet des articles L.O. 227-4 et L.O. 227-6 dont l'insertion est proposée dans le code électoral. Enfin, figurent dans le projet de loi organique des règles qui n'ont pas de contrepartie dans la loi du 5 février 1994 sur la participation des étrangers communautaires à l'élection des représentants de la France au Parlement européen.
D'une part, les articles 6 et 7 du projet de loi interdisent aux conseillers municipaux n'ayant pas la nationalité française d'être membres du collège électoral sénatorial ou de participer à la désignation de membres d'un tel collège.
D'autre part, les mêmes élus municipaux ne peuvent être désignés en qualité de maire ou d'adjoint ni même appelés à en exercer temporairement les fonctions.
Ces dispositions se fondent sur les paragraphes 3 et 4 de l'article 5 de la directive, qui autorisent les Etats membres à disposer que seuls leurs propres ressortissants sont éligibles « aux fonctions de chef, d'adjoint ou de suppléant ou de membre du collège directeur de l'exécutif d'une collectivité locale de base » ou que les étrangers « ne peuvent participer à la désignation des électeurs d'une assemblée parlementaire ni à l'élection des membres de cette assemblée », sous réserve que les dispositions adoptées à cet effet restent « appropriées, nécessaires et proportionnées aux objectifs visés ».
Le Gouvernement comme le Conseil d'Etat ont veillé à ce que les règles dérogatoires élaborées dans le cadre de cette autorisation soient effectivement rigoureusement proportionnées. C'est ainsi qu'a été écartée toute solution qui aurait impliqué un « contingentement » des élus étrangers au sein des conseils municipaux.
Enfin, je dirai un mot des mesures transitoires incluses dans l'article 13 du projet de loi organique.
Pour respecter exactement les prescriptions de la directive, il convient que les ressortissants de l'Union autres que les Français soient en mesure de participer aux élections municipales partielles éventuellement organisées avant le prochain renouvellement général des conseils municipaux de 2001, faute de quoi ils feraient l'objet d'une mesure discriminatoire contraire au traité.
Or la date probable de publication de la loi organique sera trop tardive pour que les citoyens de l'Union résidant en France disposent du même délai que les Français pour demander leur inscription sur les listes électorales. La révision annuelle des listes est en effet ouverte depuis le 1er septembre dernier, et les demandes d'inscription ne sont recevables que jusqu'au 31 décembre prochain, pour prendre effet à compter du 1er mars 1998.
C'est la raison pour laquelle l'article 13 du projet de loi permet aux intéressés, à titre transitoire et jusqu'à la clôture de la révision 1998-1999, de demander leur inscription dans les conditions prévues aux articles L. 31 à L. 35 du code électoral. A l'approche d'une élection municipale partielle, il leur sera donc loisible de déposer une demande d'inscription en mairie, même en dehors des périodes normales d'inscription ; cette demande, recevable jusqu'au dixième jour précédant le scrutin, sera transmise au juge du tribunal d'instance et instruite par lui ; elle pourra donner lieu à l'inscription du requérant avec effet immédiat.
Telles sont brièvement résumées, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions essentielles du projet du Gouvernement. Je vous invite maintenant à en délibérer, de telle sorte que la France puisse se mettre en règle avec les engagements qu'elle a précédemment souscrits à l'égard de nos partenaires de l'Union européenne.
Dans mon esprit, cette possibilité offerte aux citoyens de l'Union d'être associés étroitement à la gestion des affaires locales doit devenir un facteur puissant incitant les étrangers communautaires installés dans notre pays à une plus grande intégration. L'objectif que nous devons chercher à atteindre est non pas de dissoudre le principe de citoyenneté, mais de le raffermir. Les hôtes de la France, si du moins ils le désirent, doivent devenir demain les nouveaux citoyens de la République. Ce projet de loi organique ouvre ainsi, pour les ressortissants communautaires, une étape accueillante sur le chemin qui les conduira à la pleine égalité en droit que la République confère à tous ses citoyens, d'où qu'ils viennent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai donc l'honneur de rapporter devant vous ce projet de loi organique qui présente deux caractéristiques, peut-être d'ailleurs un peu contradictoires.
En premier lieu, il vise à introduire dans notre vie publique une innovation plus importante par sa signification que par ses effets pratiques, qui resteront probablement tout à fait limités.
En second lieu, ce projet de loi témoigne d'une double continuité, je dirai presque d'un double consensus.
Il existe tout d'abord une continuité du processus européen : nous avons ainsi examiné le traité sur l'Union européenne, qui modifiait le traité de Rome en y introduisant le dispositif qu'il s'agit maintenant de rendre applicable.
Ensuite, avant la ratification, nous avons dû adapter la Constitution aux dispositions du traité sur l'Union. Un certain nombre d'entre vous se souviennent sans doute d'ailleurs que cela avait donné lieu à un débat important, particulièrement dans cette assemblée. Il en a résulté la révision constitutionnelle créant l'article 88-3 nouveau de la Constitution, lequel précise les conditions dans lesquelles il peut être procédé à cette innovation. Je rappellerai d'ailleurs tout à l'heure que ces précisions constituent l'un des cadres impérieux dont nous devons tenir compte.
Puis la ratification est intervenue le 20 septembre 1992, suivie des délibérations sur la directive, des votes de résolution dans nos deux assemblées et de l'adoption, le 19 décembre 1994, de cette directive à l'unanimité - c'était prévu - MM. Balladur et Pasqua étant alors respectivement Premier ministre et ministre de l'intérieur.
Mais, en plus de la continuité du processus européen, il existe une sorte de continuité gouvernementale : en effet, le texte qui nous est aujourd'hui soumis reprend purement et simplement le projet de loi organique préparé et présenté par le gouvernement de M. Juppé, projet de loi qui, comme M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé tout à l'heure, n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour. Il y a donc, une fois n'est pas coutume, à moins qu'elle ne le devienne - je ne peux pas préjuger ! (Sourires) -, un consensus qu'il convient de saluer pour placer nos délibérations sous le signe d'une certaine détente.
Il s'agit donc pour nous de transposer la directive. Monsieur le ministre, vous venez de donner un exemple tout à fait remarquable du caractère extrêmement scrupuleux de votre démarche par rapport aux dispositions du traité sur l'Union puisque vous vous y êtes constamment référé. Voilà qui montre la voie que nous devons suivre dans une démarche qui, dans mon esprit, est essentiellement technique puisque le débat de fond est derrière nous depuis plusieurs années.
Disons immédiatement, pour situer notre réflexion, que la transposition signifie ici l'introduction dans les systèmes législatifs nationaux naturellement différents les uns des autres, non pas d'un bloc législatif autonome prévoyant dans les moindres détails la participation aux élections municipales des ressortissants de l'un des Etats membres de l'Union européenne autre que la France - je dirai désormais, pour simplifier, « les Européens » - mais d'un principe, en tenant compte éventuellement des différences entre les systèmes nationaux, après avoir défini un critère d'introduction commun imposé par le traité : celui de la résidence.
Cette porte d'entrée étant franchie ou supposée telle, les législations particulières s'appliqueront, et le texte ne permet pas de prévoir, à l'intérieur de chaque système, des dérogations imposant pour les seuls « Européens » des conditions particulières : c'est la règle de la non-discrimination.
Il s'agit donc, je le répète, d'un texte technique, mais qui soulève un certain nombre de difficultés sur lesquelles je m'expliquerai dans un instant.
Notre démarche est assez étroitement inscrite dans un cadre qui comporte trois côtés, et même un quatrième un peu virtuel, à savoir la résolution que nous avons adoptée en 1994 et qui a constitué le fil conducteur de nos réflexions.
L'un des éléments de ce cadre, c'est évidemment le traité sur l'Union. Un autre est constitué par l'article 88-3 de la Constitution, qui précise la manière dont nous devons procéder : nous aurons l'occasion de le rappeler tout à l'heure, seuls les citoyens européens pourront, sous condition de résidence, bénéficier de cet avantage, mais avec impossibilité pour eux d'exercer les fonction de maire ou d'adjoint et de participer - retenons cette formule - aux élections sénatoriales.
J'en viens à l'élément « virtuel », c'est-à-dire la résolution que nous avons adoptée en 1994 pour éclairer la démarche du gouvernement français dans la négociation sur la directive.
Cette résolution n'a pas, semble-t-il, été suivie, mais il convenait de la rappeler parce que, encore une fois, elle a guidé nos interrogations, sinon toujours nos décisions. Nous souhaitions, ainsi, que les listes, en cas de scrutin de liste, et surtout les conseils municipaux élus ne comportent qu'une proportion limitée d'étrangers, et en tout cas qu'il n'y ait pas de majorité d'étrangers dans les conseils municipaux ; nous souhaitions également qu'une condition de durée minimale de résidence en France puisse être imposée ; nous souhaitions, en troisième lieu, que la date d'application du dispositif soit reportée à 2001 - mais les retards auxquels vous avez fait allusion, monsieur le ministre, sont tels que, mises à part les élections partielles qui auront lieu d'ici à cette date, cela ne posera pas de problème - et nous souhaitions, enfin, que les territoires associés ne soient pas inclus dans l'application du nouveau texte. Certes, s'agissant d'une résolution, je reconnais que nous ne sommes pas là dans le droit positif, lequel se limite aux éléments que j'ai énumérés précédemment, mais il me semblait utile de rappeler sommairement le contenu de ladite résolution.
Le projet de loi qui nous est soumis a été fort bien exposé par M. le ministre, je ne vais pas y revenir. Je voudrais simplement, dans une démarche encore une fois essentiellement technique, attirer votre attention sur les cinq ou six points qui ont retenu, assez longuement quelquefois, l'attention de la commission des lois et qui, je n'en doute pas, retiendront la vôtre, mes chers collègues.
S'agissant, tout d'abord, de la notion de résidence en France, nous avions estimé préférable, au moment de l'examen d'un précédent texte dont j'avais déjà l'honneur d'être le rapporteur et qui permettait aux Européens de voter aux élections européennes, d'apporter le maximum de précisions en la matière. Il est en effet important, pour les élus locaux et les maires, de ne pas susciter des contentieux ou des difficultés d'interprétation, même si la solution est connue d'avance. Nous avions ainsi adopté une rédaction selon laquelle un résident en France est quelqu'un qui y a son domicile réel ou dont la résidence y a un caractère continu. Nous vous proposerons tout à l'heure un amendement identique pour compléter le texte sur ce point.
Il est une deuxième difficulté, peut-être plus curieuse, sur laquelle M. le ministre a exprimé un avis personnel qui m'a intéressé. Je veux parler du double électorat : un Européen remplissant les conditions pour être électeur en France lors d'une élection municipale, mais qui les remplit aussi pour être électeur dans telle ou telle commune ou dans tel équivalent de commune de son pays d'origine, doit-il, comme nous le propose le Gouvernement, « brûler ses vaisseaux » s'il veut voter chez nous et couper le cordon ombilical avec sa commune d'origine ? Cette proposition ne nous semble pas fondée : en effet, actuellement, la directive est transposée dans presque tous les Etats membres de l'Union, à l'exception de la Belgique, de la Grèce et de la France. Or les autres Etats membres ne sont pas allés au-delà de la directive sur ce point et ils n'ont pas interdit cette possibilité de double appartenance à un collège électoral. Cela signifie qu'un Français résidant, par exemple, en Belgique ou en Allemagne mais qui est imposable dans telle ou telle de nos communes où il a sa famille, où il connaît tout le monde, pourra continuer à participer aux élections municipales chez nous, même si, pour des raisons tenant à l'évolution de sa vie, il a acquis une sorte de dimension nouvelle et différente, ce que nous appellerons une dimension « européenne ». Ce citoyen pourra donc ainsi accéder au droit de vote - je parle ici uniquement du droit de vote et non pas de l'éligibilité, question bien distincte sur laquelle notre position est différente - mais il pourra aussi s'inscrire à l'étranger.
Le citoyen français le peut donc, et nous avons pensé qu' a priori il n'était ni souhaitable - ni même aimable - d'imposer des servitudes aux autres alors qu'on ne nous les impose pas. Plus profondément - et ici, monsieur le ministre, nos esprits pourront peut-être se rencontrer - nous avons considéré que l'on peut devenir « citoyen européen » - je mets ces termes entre guillemets, mais c'est bien à une amorce de citoyenneté européenne que nous travaillons aujourd'hui - sans cesser d'être un citoyen national. Mais ne nous demandez-vous pas, si j'ai bien compris vos propos tout à l'heure, monsieur le ministre, de voter ce texte sous le signe d'une intégration à la République du citoyen européen ?
Ma vision des choses est un peu différente. Il me semble, personnellement, que, dans le processus de construction européenne où nous nous situons, on peut être tout à la fois Européen et national de l'un des Etats membres. Il n'y a pas de raison d'empêcher cette dualité, qui durera sinon des générations, en tout cas un certain temps, sans même que l'on puisse imaginer sérieusement l'époque où une sorte de supranationalité viendrait abolir les nationalités originelles, car je n'imagine pas que ce soit ainsi que nous souhaitions, ni les uns ni les autres, construire l'Europe.
M. Emmanuel Hamel. Certainement pas !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Merci, monsieur Hamel !
Enfin, il nous a semblé qu'il n'y avait pas d'inconvénient à cette double qualité d'électeur, d'autant que les élections ne se déroulent généralement ni aux mêmes dates, ni dans le même contexte.
Dans ces conditions, nous proposerons, dans un amendement dont nous reparlerons tout à l'heure, de supprimer ce dispositif et les contrôles qu'il génère, d'autant que ces derniers ne seraient guère aisés à exercer.
En revanche, ainsi que je l'ai annoncé tout à l'heure, lorsqu'il s'agit de l'éligibilité à un conseil municipal, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'assumer une fonction qui demande une présence, une attention, une connaissance des problèmes, il ne nous semble pas raisonnable de permettre un tel cumul. Je ne sais si cette proposition relève de la réflexion générale sur les cumuls qui se prépare actuellement, mais il nous est en tout cas apparu déraisonnable d'autoriser quelqu'un à être conseiller municipal en Grèce ou en Ecosse, par exemple, en même temps que conseiller municipal en France. Nous vous proposerons donc un amendement - car ce point n'est pas prévu dans le texte du Gouvernement - qui exclut la possibilité d'un tel cumul, avec comme sanction la démission d'office, même si nous savons bien - mais ce n'est pas une raison pour ne pas examiner un texte - qu'il sera difficile de vérifier dans les faits de telles situations.
Une quatrième difficulté, plus formelle sans doute, tient à la clause de réciprocité qui est expressément visée dans les textes auxquels j'ai fait référence tout à l'heure. En effet, qu'entend-on par « réciprocité » ? Cette question soulève un débat de juristes que je me contenterai d'évoquer ici pour ne le développer, si nécessaire, que lors de la discussion des articles.
Pour les uns, dès lors que le traité dont est issue la directive d'application est ratifié par tous les Etats, la condition de réciprocité est acquise, même si la directive qui rend le traité applicable n'est pas, en réalité, transposée dans tel ou tel Etat.
Il nous semble que cette vision tout à fait abstraite ne répond pas à notre système constitutionnel - le président Larché l'a rappelé lors de la révision constitutionnelle de manière excellente - car il n'est que deux fois question de réciprocité dans notre Constitution : en premier lieu dans le préambule de 1946, en second lieu à l'article 55.
Une démarche plus concrète et de bon sens consisterait à dire : « Nous voulons bien transposer, nous voulons bien que les Européens votent chez nous, à condition qu'un Français puisse voter dans chacun des pays concernés. » Mais il y a des pays qui n'ont pas transposé la directive, même s'ils ont ratifié le traité : c'est le cas actuellement pour la Belgique et pour la Grèce. Nous vous proposerons donc, par voie d'amendement, de décider que, tant que les Belges et les Grecs n'auront pas transposé la directive, leurs ressortissants ne bénéficieront pas de cette possibilité.
La cinquième de mes réflexions porte sur les élections sénatoriales. Il s'agit là, évidemment, d'un sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles ! Il a en tout cas donné un peu de fil à retordre à la commission.
Il est facile de poser le principe selon lequel les Européens inscrits sur les listes électorales municipales ne pourront pas voter aux élections sénatoriales : ils ne pourront pas élire les délégués dans les petites communes et, dans les communes de plus de 9 000 habitants, où tous les conseillers municipaux sont automatiquement grands électeurs, ils ne pourront pas l'être ni participer - c'est pourquoi je soulignais tout à l'heure l'importance du terme - à la désignation des suppléants et des délégués supplémentaires. Ils ont donc, en quelque sorte, comme on dit dans le domaine hippique, un handicap.
Il nous est apparu, à la réflexion - mais nous avons été beaucoup aidés en cela à la lecture des amendements de certains de nos collègues, et je pense en particulier à ceux de M. Allouche - qu'il allait tout de même en résulter des inconvénients assez sérieux. Ainsi, là où tous les conseillers municipaux peuvent voter, le conseil municipal se trouvera affaibli dans la mesure où certains ne voteront pas. Une anomalie serait donc introduite dans le système des élections sénatoriales, qui risquerait d'être d'autant plus fâcheuse que, ainsi que cela s'est produit encore tout récemment, une élection peut se gagner à une voix près.
Nous devions donc essayer de trouver une solution, et nous en avons imaginé trois, monsieur le ministre.
S'agissant de la première, nous avons suivi une démarche quelque peu sommaire. Ainsi, lorsqu'un député, un conseiller général ou un conseiller régional siège au conseil municipal, il ne peut être délégué de la commune car il est déjà membre de droit du collège électoral des sénateurs. Il demande donc au maire de lui désigner un remplaçant. Mais l'élu européen ne peut pas faire cette proposition, car il participerait ainsi - c'est toujours la même formule - à l'élection sénatoriale. Cette solution n'est pas possible.
La deuxième solution, proposée par certains de nos collègues - en particulier par M. Allouche - consistait à prévoir que le conseil municipal élirait les personnes qui remplaceront celles qui ne peuvent pas voter. Mais, lors de cette élection, la majorité qui s'exprimera sera peut-être toute différente de celle à laquelle appartient celui qu'il s'agit de remplacer ! Certes, c'est une élection à la proportionnelle, mais, même si seules une ou deux personnes doivent être remplacées, si elles se trouvent dans l'opposition - surtout compte tenu de notre système électoral qui fait que, avec 30 % ou 40 % des voix, on peut se retrouver avec 60 % des conseillers - le risque serait grand de voir la tendance représentée par l'électeur européen privée de la voix de ce dernier, alors que serait valorisée la voix d'une autre tendance. Le remède serait donc sans doute pire que le mal.
Nous en sommes finalement arrivés ce matin à une troisième proposition, que M. Allouche a bien voulu adopter et faire sienne, de sorte que cela m'a dispensé de déposer l'amendement que j'avais prévu dans ce sens. Puisque nous sommes dans une hypotèse de scrutin de liste, il suffit de faire comme lorsque quelqu'un décède : on prend le suivant sur la liste. C'est une idée simple, même si la rédaction de cette disposition est un peu compliquée. De la sorte, si tel Européen ne peut pas voter ou participer au vote, il sera remplacé dans cet exercice par le suivant sur la liste, s'il est Français naturellement.
M. Allouche nous présentera donc un tel amendement tout à l'heure, et je lui fais part d'avance de l'accord unanime de la commission.
Nous avons rencontré une difficulté du même type avec le conseil de Paris. Comme vous le savez - mais nous l'oublions souvent parce que nous ne sommes pas tous Parisiens - la capitale est aussi un département pourvu d'un conseil général. Les conseillers municipaux de Paris peuvent-ils, dès lors, voter au conseil général alors qu'ils seraient Européens, c'est-à-dire tout de même étrangers ?
Une remarquable discussion de juristes s'est engagée sur le point de savoir si - c'est pire que le sexe des anges ! - le conseiller municipal est aussi conseiller général ou si, par une transmutation véritablement mystique, il devient conseiller général tout soudain. S'il touche, c'est vrai, deux indemnités - je m'en réjouis pour lui ! - il semble tout de même que sa nature soit unique.
Là aussi, pour prévenir une éventuelle difficulté constitutionnelle - je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il s'agit d'une loi organique, qui doit donc être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées et qui sera de toute façon examinée par le Conseil constitutionnel - il nous a paru préférable de prévoir le même système que précédemment : les conseillers de Paris, qu'il s'agisse de siéger comme conseiller général ou de procéder à l'élection des sénateurs, seront remplacés par leur suivant français sur la liste sur laquelle ils ont été candidats. Voilà la proposition qui fera l'objet de quelques amendements tout à l'heure.
Enfin - j'arrive au terme de mon propos - se posait la question des territoires d'outre-mer. Le Sénat, dans sa résolution, je l'ai dit tout à l'heure, avait demandé que ce texte ne soit pas applicable aux territoires d'outre-mer.
Je rappelle que les territoires d'outre-mer ne sont visés à la quatrième partie du traité de Rome que pour une liste limitative d'hypothèses, qui n'englobe pas celle dont nous parlons aujourd'hui. Le traité sur l'Union européenne n'a pas modifié cette liste, non plus que le traité d'Amsterdam, qui n'a fait allusion à ce problème que pour le reporter à une date incertaine, comme pour beaucoup d'autres, d'ailleurs, puisque le traité d'Amsterdam a surtout servi à reporter les problèmes !
Dans ces conditions, les ressortissants des territoires d'outre-mer sont fondés à nous dire que, le traité de Rome ne leur étant applicable que de manière limitée et puisque, en l'espèce, nous sommes en dehors de ces limites, le texte ne peut leur être appliqué. Or, tel est pourtant bien le cas pour les territoires d'outre-mer et Mayotte.
L'assemblée territoriale de Polynésie n'avait pas été consultée. Elle a été saisie par notre excellent collègue M. Millaud, absent aujourd'hui pour des raisons de santé, et qui m'a demandé de vous prier de l'excuser. Ayant délibéré, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure mais également pour d'autres sur lesquelles je ne m'attarderai pas, tant ce point est quelque peu particulier, elle a jugé que le nouveau texte ne pouvait pas être applicable au territoire.
La commission des lois a considéré que cette position, qui ne faisait d'ailleurs que reprendre celle de la résolution, était fondée. Par voie d'amendement, elle propose donc d'écarter de l'application de ce texte les territoires d'outre-mer.
La question des délais d'application n'a maintenant plus d'importance puisque les prochaines élections municipales générales auront lieu en 2001. Par conséquent, de ce point de vue, nous aurons obtenu satisfaction, sous réserve de quelques élections partielles qui ne justifient cependant pas que l'on complique le texte.
Telles sont les principales questions dont nous aurons à débattre.
C'est au bénéfice de ces réflexions que la commission des lois propose au Sénat d'adopter le texte amendé, sur les différents points que je viens d'évoquer. (Applaudissements.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'instauration du droit de vote et d'éligibilité pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité a constitué un progrès majeur dans la construction de l'Europe à un double titre.
D'abord, pour la première fois depuis la signature du traité de Rome, on plaçait au centre du processus l'homme et non les marchés commerciaux ou financiers.
M. Jacques Genton. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Ensuite, cette avancée prenait ses sources dans la tradition française des Droits de l'homme et du citoyen, dont le message universel façonne le monde depuis deux siècles et qui, demain, devrait permettre à l'Europe de trouver sa véritable dimension humaine et politique.
Il faut voir là le signe d'une « victoire » française : l'homme européen, citoyen de l'Union, devient enfin un individu responsable, doté de droits et de devoirs civiques.
La règle du traitement national, ou l'interdiction des discriminations, constitue ainsi l'une des dispositions juridiques fondamentales de la Communauté.
Le droit de vote et d'éligibilité des citoyens européens a été mis en oeuvre lors des élections au Parlement européen, le 12 juin 1994 ; l'objet du projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui est de permettre l'application de ce droit pour les élections municipales.
L'économie générale du texte ne pose pas de problèmes cruciaux, comme l'a souligné notre excellent rapporteur, puisqu'il respecte les dispositions et l'esprit de l'article 88-3 de notre Constitution révisée, et puisque la France, comme tous ses autres partenaires, avait adopté la directive européenne du 19 décembre 1994, elle-même prise en application du volet sur la citoyenneté européenne du traité de Maastricht, ratifié par référendum le 20 septembre 1992.
Le gouvernement d'Alain Juppé avait, en son temps, déposé à l'Assemblée nationale un texte similaire ; on peut regretter qu'il n'ait été alors inscrit à l'ordre du jour, la France étant aujourd'hui, avec la Grèce et la Belgique, le seul pays de l'Union à ne pas avoir encore transposé la directive de la Communauté européenne dans son droit interne.
Certains éclaircissements proposés par la commission des lois conviennent parfaitement au représentant des Français de l'étranger que je suis. Rappelons, en effet, que le nombre de nos ressortissants établis dans un autre pays membre de l'Union européenne est évalué à 700 000, soit près de la moitié de la totalité des Français résidant hors de France ; ceux-ci sont très directement concernés, certains d'entre eux pouvant déjà exercer leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans leur pays de résidence, d'autres ne le pouvant pas, comme en Grèce et en Belgique.
Nous apprécions le souci de la commission de subordonner ainsi clairement l'application du droit de vote et d'éligibilité à la réciprocité des autres Etats membres. C'est un principe auquel nos compatriotes de l'étranger tiennent énormément, car ils souffrent trop souvent, hors de l'Union européenne surtout, d'une inégalité de traitement, dans leur pays de résidence, par rapport aux nationaux de ces pays en France.
Cette juste mise en exergue de la réciprocité, la plupart de nos partenaires ayant déjà transposé la directive européenne dans leur droit national, nous commande ipso facto de conformer notre droit interne aux législations déjà en oeuvre chez nos partenaires.
Ainsi, il paraît difficile d'interdire le double vote aux ressortissants communautaires alors que celui-ci est octroyé aux Français résidant à l'étranger ; en revanche, il est tout à fait judicieux de proscrire la double éligibilité, qui serait incompatible avec le bon exercice d'un mandat municipal tel que nous le concevons en France.
S'agissant de la notion de résidence en France ouvrant droit à l'inscription sur les listes complémentaires de vote, la commission a adopté, là encore, une position raisonnable ; il faut en effet savoir que certains de nos partenaires - c'est le cas de la Grande-bretagne, notamment - adressent automatiquement une carte d'électeur valable pour les scrutins municipaux à tout jeune Européen majeur qui s'inscrit dans une université nationale. Les dispositions de l'article L. 11 de notre code électoral, qui définit expressément la résidence en France, devraient du reste suffire à nous prémunir contre les abus et les tentatives de fraude à ce sujet.
Sur ce point précis, certains de mes collègues du groupe des non-inscrits qui représentent les communes ont exprimé un avis différent ; ils souhaitent que soit exigé des citoyens européens un temps de résidence significatif en France avant qu'ils puissent voter aux élections municipales.
Pour ma part, avec mes deux autres collègues représentant les Français établis hors de France, j'ai déposé un amendement tendant à coordonner la notion de déchéance du droit de vote et à prendre en compte la situation de certains Européens, comme les Allemands, les Britanniques ou les Néerlandais, qui perdent le droit de vote aux élections municipales de leur pays d'origine lorsqu'ils résident dans un autre pays ; cette situation n'étant pas assimilable à une déchéance des droits civiques, il convient de clarifier la rédaction de l'article L.O. 227-4 du projet de loi organique.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, nous voterons le texte tel que modifié par la commission des lois, car il va dans le sens d'une meilleure et d'une plus grande participation de chacun d'entre nous à la construction européenne et, à terme, d'une amélioration de son efficacité sans pour autant dissoudre les identités nationales.
Paul Valéry, qui a si bien pressenti les lignes de force de l'Europe et du monde, a écrit en 1930, dans ses Cahiers : « Le système des rapports humains change d'échelle... nous débattons beaucoup de l'identité et de la souveraineté de la nation française... mais les nations périssent pour n'avoir su changer leurs habitudes et réformer leurs moeurs ». Sachons nous référer à nos grands penseurs pour renforcer notre détermination à poursuivre ce grand dessein européen, avec et pour tous les citoyens de l'Union ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Permettez-moi d'abord, monsieur le ministre, de vous féliciter de votre hâte et de votre ardeur à rattraper un retard dans la mise en oeuvre du traité de Maastricht. Je sais l'intérêt que vous portez à ce traité !
Le projet de loi organique qui nous est soumis est un texte essentiel pour l'édification d'une Europe des citoyens, après la construction de l'Europe des marchands. Notre pays semble d'ailleurs avoir pris du retard dans ce domaine puisque ce droit de vote et d'éligibilité pour les ressortissants européens vivant en France est inscrit dans le traité de l'Union, adopté en 1992.
Cette lacune comblée, il s'agit pour moi de souligner l'aspect symbolique de ce texte, qui, en réalité, modifiera peu l'électorat municipal.
Dans l'esprit des pères fondateurs, la Communauté européenne avait pour objectif final l'unification de peuples si différents sur les plans culturel et linguistique et qui se sont entretués pendant plusieurs siècles. La dimension politique de la Communauté était donc présente dès sa naissance ; elle en constituait l'essence même. L'Union économique qu'elle propose au début n'en sera que le moteur. Cette Europe politique tarde toujours à se formaliser sur le plan institutionnel ; le dernier sommet d'Amsterdam a d'ailleurs prouvé combien les résistances nationales sont nombreuses.
M. Paul Loridant. Heureusement !
M. Nicolas About. Les années quatre-vingt-dix marquent pourtant un tournant crucial pour l'Europe des citoyens, avec les accords de Schengen et la libre circulation des individus, qui subit malheureusement les aléas de l'actualité : trafics de drogue et terrorisme, notamment.
Les accords de Schengen, dont nous reparlerons d'ici à quelques jours à propos de la Grèce et de l'Autriche, n'en constituent pas moins une réelle avancée dans l'édification d'un espace communautaire où la liberté et la sécurité des individus seraient garanties.
A cela, il faut évidemment ajouter le bon fonctionnement de l'Europe des jeunes, qu'ils soient étudiants ou apprentis ; ils sont déjà plusieurs centaines de milliers à faire une partie de leurs études dans un pays de l'Union grâce aux nombreux programmes communautaires. La prise de conscience par les jeunes d'appartenir à une communauté unie par le destin est fondamentale pour l'avenir de l'Union. Elle est la mieux à même de nous préserver de drames tels que ceux qu'a connus l'ex-Yougoslavie.
D'autres décisions, plus symboliques certes, participent également à cette Europe des citoyens, telles la mise en place d'un passeport commun, les zones réservées aux ressortissants de l'Union dans les aéroports ou encore la possibilité pour tout Européen de se rendre, à l'étranger, dans une des ambassades des Quinze, en cas de nécessité.
Enfin, je me dois d'évoquer en quelques mots le projet de la monnaie unique, attendue pour le 1er janvier 2002, dont les aspects culturels et politiques sont souvent négligés par les médias et les gouvernements européens. Plus qu'un simple instrument d'échanges économiques, l'euro donnera également aux citoyens européens un objet dans la vie quotidienne qui leur permettra de s'identifier progressivement à cette communauté à laquelle ils appartiennent. L'identité européenne ne sera alors plus un vain mot. Loin de nier notre identité nationale, l'euro renforcera les liens qui se tissent chaque année entre Européens. L'identité nationale ne se résume pas à la monnaie ; l'euro ne remplacera pas notre langue, notre histoire, notre culture, nos vins, notre cinéma, notre patrimoine... L'exemple récent de l'Ecosse montre bien que l'affirmation d'une identité n'est pas affaire de monnaie !
Le droit de vote des ressortissants européens vivant en France aux élections municipales et leur éligibilité au mandat municipal vont donc dans ce sens et constituent une pierre supplémentaire à l'édifice européen. Le projet de loi est assez clair sur les limites de l'expression de ces droits, notamment en ce qui concerne la fonction de maire et d'adjoint et les élections sénatoriales. En revanche, je suis favorable à l'amendement de mes collègues de la commission des lois relatif à l'interdiction de ces droits à tout Européen qui n'aurait qu'une résidence secondaire en France.
Certains protesteront contre ce texte en évoquant le risque d'extension de ce droit de vote aux autres ressortissants étrangers présents en France. Une telle extension est exclue puisqu'elle implique une révision de la Constitution et qu'elle n'aurait aucun lien avec le projet européen.
Cette critique évacuée, il m'apparaît évident qu'un tel sujet recueillera le consensus politique qu'il implique ; il y va de l'avenir de l'Europe et de l'image de la France qui se doit de respecter ses engagements européens.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants votera dans sa majorité le projet de loi organique que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht a explicitement reconnu aux citoyens des Etats de l'Union un rôle d'acteur direct de la construction européenne.
En évoquant les droits des citoyens de l'Union - dont le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales - le traité affiche désormais une conception politique de la citoyenneté européenne. Il s'agit d'une innovation sans précédent historique : jusqu'à présent, en effet, les droits de vote et d'éligibilité étaient inconcevables hors du cadre des Etats ; les citoyens étaient exclusivement citoyens de ces Etats et l'Union s'adressait à eux à travers les Etats.
Le projet de loi organique qui nous est présenté, vous le rappeliez, monsieur le ministre, nous met en règle avec nos obligations, puisqu'il nous fait transposer en droit national une directive européenne. Cette transposition s'inscrit dans le cadre de l'article 88-3 de notre Constitution, lequel fixe l'objet même de la révision provoquée par l'application du traité de Maastricht. Maastricht, ce n'était vraiment pas uniquement des critères !
Au-delà de cette mise en conformité de notre droit, ce projet de loi organique a donc bien une signification très forte. Presque vingt ans après la première élection au suffrage universel direct des parlementaires européens, ce texte consacre une nouvelle et nette avancée vers l'Europe politique.
Pour que celle-ci soit comprise et solide, il faut, cependant, éviter de faire deux pas en arrière lorsque nous choisissons d'en faire un en avant. Toute avancée comporte des risques. A nous de les identifier pour les éviter. Cette nouvelle citoyenneté européenne, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le rapporteur, doit être comprise comme créant un lien politique de nature tout à fait nouvelle. Elle n'est pas le simple décalque, à l'échelle européenne, de nos modèles nationaux. Elle ne doit pas non plus être présentée comme concurrente des citoyennetés nationales qu'elle viendrait affaiblir. Elle ne les supprime pas, au contraire, elle les enrichit. Bien plus, comme attribut essentiel de la citoyenneté, le droit de vote permet à chacun de s'approprier le dessein de tous, en y participant. Il fait émerger une culture politique commune, spécifiquement européenne, qui transcende les origines régionales ou nationales, historiques, linguistiques ou ethniques.
Pour ne pas être dévoyée, cette nouvelle citoyenneté doit donc se fonder sur une distinction claire entre l'affirmation des identités nationales et l'émergence - complémentaire - d'une véritable conscience européenne.
Quelques exemples simples démontrent - je suppose qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur ce point - qu'il n'existe pas de contradiction entre le maintien de citoyennetés nationales construites au cours des siècles et l'avènement d'une nouvelle citoyenneté européenne, aujourd'hui entre nos mains : l'Irlande, le Danemark et les Pays-Bas ont ainsi accordé depuis longtemps le droit de vote aux élections locales à tous les ressortissants de l'Union, et le Royaume-Uni reconnaît depuis 1949 le droit de vote et d'éligibilité aux nationaux de la République d'Irlande. Bien plus, la Grande-Bretagne avait donné ce droit aux ressortissants des pays membres du Commonwealth, sans craindre de voir entamer sa souveraineté. Aujourd'hui, encore, un parlement aux pouvoirs propres importants est institué en Ecosse, sans que l'engagement européen de Londres soit affaibli. Il en faudrait plus ! Voilà au moins une question européenne sur laquelle nos amis britanniques sont en avance et ont peut-être des leçons à nous donner !
Bien sûr, nos traditions centralisatrices peuvent être un peu bousculées par une telle approche, et nos partenaires, citoyens d'Etats fédéraux, abordent plus spontanément que nous un tel débat. Mais si notre lecture habituelle de Descartes semble nous vouer au jacobinisme, une analyse plus attentive de son oeuvre devrait aussi nous inciter à progresser, enfin, vers la subsidiarité. C'est bien aussi, en rappelant la subsidiarité, comme c'est le cas pour nombre de questions européennes, que nous trouverons une clé pour ouvrir des voies nouvelles et réduire nos blocages. Pour bien employer cette clé, une grande clairvoyance et une réelle volonté politique seront nécessaires. Il faudra sans doute aussi trouver un mot différent pour désigner ce que nous appelons « subsidiarité ». Pour le moment, en effet, ce vocable fait tellement peur qu'il est utilisé comme repoussoir, voire comme prétexte pour ne rien faire.
Mais revenons au terrain, ce terrain que tous les citoyens des Etats de l'Union font vivre et que les sénateurs connaissent particulièrement bien : que peut-on craindre de l'arrivée d'Européens non nationaux dans nos conseils municipaux ? Nous savons que ceux-ci représentent au contraire le plus souvent une vraie richesse par le regard neuf, le recul et l'ouverture qu'ils apportent. Aujourd'hui, dans nos villes, pouvons-nous encore, sans la moindre gêne, « consommer » les idées et le travail de nos concitoyens européens et, dans le même temps, leur fermer la porte de nos conseils ?
Je me souviens de la perplexité des membres d'une association de parents d'élèves à laquelle j'appartenais découvrant avec stupeur que celle qui était disposée à assumer leur présidence, et qui avait toutes les capacités pour le faire, ne pouvait exercer cette responsabilité, car elle était belge. Ils ne savaient même pas qu'elle était belge car elle parlait le même français que nous, et il leur semblait inconcevable que ce motif lui interdise de jouer un rôle auquel tout la préparait : ses enfants vivaient bien avec les nôtres, dans la même école et avec les mêmes enseignants, rencontraient les mêmes difficultés et partageaient les mêmes aspirations !
Mes chers collègues, nous ne pouvons vouloir faire l'Europe dans nos villes et dans nos villages sans les Européens. Une Europe réservée à l'usage exclusif des Français n'irait pas loin et sa construction serait totalement vaine.
Pour reprendre une formule classique, nous voulons une France forte dans une Europe forte. Et la France sera forte si les Français acceptent de travailler, dans la vie quotidienne aussi, avec les autres Européens.
L'Europe se construit évidemment à Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg, dans nos quinze capitales, et maintenant dans les capitales des pays candidats à l'adhésion. Désormais, l'Europe politique doit se bâtir avant tout sur le terrain... avec les Européens.
Nous allons réussir l'Europe de l'euro. Et nous refuserions l'Europe des Européens !
Un « citoyen européen » ne cesse d'être citoyen ni d'être européen lorsqu'il pratique la « libre circulation », principe de base de l'Union. La cohérence d'une construction politique de l'Europe doit être sans faille.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pour toutes ces raisons et en suivant les sages recommandations de notre excellent rapporteur que le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi la dernière phase d'un long processus législatif visant à permettre aux étrangers communautaires, dès lors qu'ils résident en France, à voter et à être éligibles aux élections municipales.
Je ne reviendrai pas sur le débat très riche qui a entouré ce droit de vote et d'éligibilité et qui a abouti à la révision constitutionnelle de 1992.
Le débat d'aujourd'hui consiste seulement à examiner les dispositions législatives contenues dans la directive du 19 décembre 1994, compte tenu de l'article 88-3 de la Constitution.
Vous me permettrez cependant de formuler un certain nombre de remarques.
Ma première remarque concerne tout d'abord la question de la réciprocité. Nous devons, en effet, garder présent à l'esprit que le droit de vote et d'éligibilité ne saurait être accordé aux ressortissants des pays qui n'accordent pas aux Français des droits équivalents. Je sais que cela ne concerne que la Belgique et la Grèce et que cette condition figure dans la Constitution. Mais il me semble important de le rappeler dans la loi organique pour assurer le respect de cette clause et faciliter l'application du présent texte. Je me réjouis donc, monsieur le rapporteur, que la commission des lois ait déposé un amendement dans ce sens.
Par ailleurs, et ce sera l'objet de ma deuxième remarque, dans son excellent rapport sur la proposition de résolution présenté par M. Larché en 1994, notre collègue M. Masson a mis en évidence la nécessité d'une durée de résidence en France pour que les ressortissants communautaires puissent voter et se présenter aux élections municipales.
M. Masson précisait d'ailleurs, dans le rapport précité, que, sur le plan des principes, une condition de résidence était tout à fait justifiée. En effet, l'élection municipale est non seulement l'acte de désignation d'administrateurs locaux, mais également un acte de participation à la vie civique au sein de la collectivité nationale.
La législation française n'impose, certes, aucune condition de résidence aux citoyens français pour participer aux élections municipales. Mais ce régime est fondé sur l'idée que la nationalité française est, à elle seule, le signe incontestable de l'intégration dans la nation.
Tel n'est pas le cas des étrangers communautaires qui, dépourvus de cette nationalité française, doivent donc justifier d'une intégration suffisante pour pouvoir voter en France, cette intégration suffisante ne pouvant, naturellement, s'opérer que dans la durée.
Cette analyse est tout à fait conforme aux indications réitérées du gouvernement de l'époque, lors du débat sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht.
C'est ainsi qu'à propos du droit de vote des ressortissants communautaires, le Premier ministre de l'époque déclarait devant le Sénat, le 2 juin 1992 : « Je rappelle également que ce droit est explicitement réservé aux citoyens communautaires, résidents principaux sur notre sol depuis une durée appréciable. »
De la même façon, M. Michel Vauzelle, alors garde des sceaux, faisait observer que le traité de Maastricht « tend seulement à ce que les ressortissants d'un Etat, qui vivent de façon stable dans un autre Etat membre, qui y ont des intérêts professionnels et des attaches familiales, qui y sont intégrés, puissent manifester leur intérêt pour la vie locale de leur commune de résidence ».
Je regrette donc que le texte qui nous est soumis ne contienne pas cette restriction. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de la commission des lois qui précise que le ressortissant communautaire ne sera considéré comme résidant en France que s'il y a son domicile réel ou si sa résidence y présente un caractère continu.
Ce texte, même s'il ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, interdira le vote des ressortissants qui n'auraient en France qu'une simple résidence secondaire.
Par ailleurs, le texte qui nous est soumis n'empêche pas l'élection d'une majorité d'étrangers communautaires au sein des conseils municipaux. Il prévoit simplement que, si, au sein d'un conseil municipal, le nombre de conseillers municipaux est insuffisant pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint, le conseil est dissous de plein droit.
Il eût été préférable que des dispositions plus précises figurent dans la loi afin de garantir à toutes les communes de France le nombre de conseillers municipaux français nécessaire pour pourvoir les postes qui leur sont réservés par la Constitution.
En l'état actuel, l'article L. 122-2 du code des communes dispose que ces postes, dont le nombre est déterminé librement par le conseil municipal, représentent au maximum 30 % de son effectif légal. En pratique, la solution aurait pu être celle que préconisait en son temps M. Masson. Elle aurait pour effet d'interdire que le nombre des Français siégeant au conseil municipal soit inférieur à 30 %.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'application des dispositions de ce projet de loi organique dans les territoires d'outre-mer, il me semble nécessaire de rappeler que ces territoires ont une organisation particulière qui tient compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, et, comme le traité de Rome le stipule clairement, qu'ils ont un statut tout à fait spécifique dans l'espace communautaire : ils sont simplement « territoires associés ».
En conséquence, une formule laissant à ces territoires la possibilité d'appliquer ou non le dispositif contenu dans ce texte aurait été préférable.
Autre sujet de préoccupation : celui de la possibilité du double vote. En effet, le texte, tel qu'il nous est présenté, permet, selon le moment ou l'opportunité, à un citoyen communautaire de voter aux élections municipales à son gré dans son pays d'origine ou en France, ce qui est choquant. Je regrette que nous n'ayons pas trouvé de solution.
Enfin, je terminerai mon propos en évoquant le problème du Conseil de Paris. Ce dernier est, depuis la Constituante de 1790, à la fois un conseil municipal et un conseil général. En outre, depuis la réforme de 1982, les conseillers d'arrondissement sont élus en même temps que les membres du Conseil de Paris.
Les Parisiens élisent donc, en une seule fois, lors des élections municipales, leurs édiles, qui cumulent la fonction de conseillers municipaux et celle de conseillers généraux.
Loin de nous l'idée de soumettre la première ville de France, où résident de nombreux étrangers communautaires, à un régime dérogatoire à la règle commune de l'article 8 B, paragraphe 1, du traité de Maastricht, mais il nous semble indispensable de veiller à la séparation nette des deux fonctions de conseiller municipal et de conseiller général.
Je ne peux donc qu'approuver l'amendement présenté par notre commission des lois à la suite des observations de nos collègues Maurice Ulrich et Lucien Lanier, et visant à exclure les ressortissants communautaires élus membres du Conseil de Paris lorsque celui-ci se réunit en conseil général.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Il souhaitait que l'Europe unisse les hommes bien plus qu'elle ne coalise les Etats ; ce que Jean Monnet voulait monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht l'a fait.
En accordant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes à tous les citoyens de l'Union européenne dans le pays où ils résident, ce traité historique a donné l'indispensable dimension politique et humaine à cette union des Etats, développant ainsi le sentiment d'appartenance et d'intégration à cette communauté de destin, et ce grâce à cette conception élargie de la citoyenneté.
Pour nouvelle qu'elle soit, cette idée d'Europe des citoyens était en germe depuis 1985 puisque le préambule de l'Acte unique mentionnait que les douze pays étaient décidés à promouvoir la démocratie.
J'ai plaisir à rappeler ce que notre excellent collègue le président Jacques Genton écrivait dans son rapport n° 125 de décembre 1988, au nom de la délégation parlementaire pour les Communautés européennes : « Au-delà de l'habillage juridique, le vrai motif d'une participation des ressortissants des Etats membres aux élections municipales de l'Etat membre de leur résidence est la promotion de l'idée d'Europe de citoyens. On peut penser que le parachèvement de la construction européenne est suspendu à l'apparition d'un sentiment authentique, qui fait encore défaut, d'appartenance à une communauté humaine aux contours de l'Europe des douze, c'est-à-dire d'un sentiment de communauté de destin dont surgirait un jour une nation européenne. Dans cette optique, l'octroi du droit de vote aux résidents originaires des autres Etats membres lors des élections municipales apparaît comme l'élément limité mais utile d'une entreprise de grande envergure. De ce point de vue, le projet ne peut qu'être approuvé, mais encore faut-il prendre en compte certaines données internes qui vont conditionner son aboutissement. »
En transposant dans notre droit interne la directive européenne du 19 décembre 1994, nous confirmons le choix politique contenu dans le traité de Maastricht, adopté et ratifié par référendum en 1992. Irréversible, ce traité engage la France, il nous engage, même s'il a été adopté à une courte majorité.
Regrettons le retard pris par la France pour la transposition de la directive européenne. L'argument selon lequel les prochaines élections municipales n'auront lieu qu'en 2001 ne saurait suffire. Fallait-il être menacé d'un recours en manquement pour vite inscrire ce projet de loi à l'ordre du jour ? Ce reproche ne s'adresse pas au Gouvernement actuel. Que notre enthousiasme européen soit à la hauteur de l'ambition qu'a la France d'être l'une des locomotives de cette Union européenne !
Nous sommes nombreux, dans cette enceinte parlementaire, à nous souvenir des débats de 1992. Certes, il était utile de rappeler notre histoire, notre culture politique, nos particularismes, nos spécificités juridiques ; mais il fut vain de surenchérir inutilement. Rien n'était insurmontable pour qui voulait réellement être acteur de cette construction de l'Europe. Tel un cours d'eau, le cours de l'histoire peut être maîtrisé, peut être canalisé ; en aucun cas, il ne peut être arrêté. Si des blocages persistent, ils se briseront les uns après les autres contre le mur de la réalité.
Constatons avec satisfaction que le temps a fait son oeuvre, et bien plus vite qu'on aurait pu l'imaginer. J'avais été frappé, au cours de ces débats âpres et difficiles de 1992 et 1994, que des collègues semblaient découvrir, pour la première fois, cette notion de citoyenneté européenne, alors que le traité de Rome, signé en 1956, prévoyait la libre circulation des personnes, une meilleure intégration, qu'il n'était pas de meilleure intégration que la participation à la désignation des organes municipaux. Pour que l'Europe existe, il faut que les Européens se sentent partout chez eux.
Ce projet de loi organique concrétise le passage de la formulation d'un concept à la mise en place d'une Europe des citoyens, véritable entité politique et humaine. Pour ce faire, il fut nécessaire de modifier notre loi fondamentale pour adapter le plein exercice de souveraineté à cette nouvelle donne politique européenne. Un nouvel article 88-3 a été introduit pour autoriser la ratification du traité.
La rédaction de cet article nouveau porte la marque - mais je pourrais dire aussi la méfiance et les craintes - du Sénat. La formulation de ce nouvel article est révélatrice, au point qu'une grande partie de la majorité sénatoriale, pourtant acquise à l'idée européenne, subordonnait l'évolution historique de l'Europe à l'acceptation par le Gouvernement de M. Pierre Bérégovoy de quelques précisions.
Craignant une subreptice introduction du droit de vote à tous les étrangers aux élections locales, le terme « seuls » fut l'objet « d'une guerre de tranchées » et finit par être ajouté pour marquer, s'il en était encore besoin, que bien des personnes vivant sur notre sol étaient doublement étrangères, d'abord à la France, puis à l'Europe en construction. Sur ce point, ma conviction n'a pas changé, mes chers collègues. Je sais que la maturation des esprits est lente. Mais l'inconcevable d'aujourd'hui sera le projet de demain et la réalité d'après-demain.
La mention : « Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire, ou d'adjoint, ni participer à la désignation des sénateurs et des délégués sénatoriaux » ne semblait pas suffire. Le Sénat a tenu à préciser « qu'une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article ». C'était là la crainte qu'une majorité absolue de l'Assemblée nationale n'impose ses conditions à la Haute Assemblée et, d'une manière non moins déguisée, que le Sénat ne profite du traité de Maastricht pour rééquilibrer quelque peu à son profit les institutions.
Et que de déclarations solennelles, péremptoires, sur l'exercice de la souveraineté, mise à mal, paraît-il, par l'élection de quelques centaines de conseillers municipaux européens, non français ! La relecture de ces déclarations, et surtout l'attitude, le comportement politique, les actes de leurs auteurs, ne donnent pas l'impression que cela s'est passé il y a à peine cinq années. A les entendre, la France allait se défaire !
Nous sommes tous attachés au plein exercice de cette autorité suprême qu'est la souveraineté. Mais rien ne serait plus faux que de ne pas prendre en compte le concept évolutif de souveraineté car, dans ce domaine aussi, rien n'est figé pour l'éternité. C'est la loi de la vie des peuples, des nations, c'est la respiration de l'Etat qui est une réalité vivante, qui doit se transformer, évoluer, s'adapter avec le nécessaire consentement du peuple souverain.
L'union de l'Europe exige des apports, mais aussi des dévolutions. La France est toujours souveraine pour décider de ce qu'elle peut faire seule, tout comme elle est souveraine pour décider qu'elle accepte de déléguer tout ou partie de sa souveraineté. La souveraineté européenne ne résulte que de l'addition des parcelles de souveraineté consenties par chacun des pays membres.
Le Premier ministre, Lionel Jospin, ne disait-il pas dans sa déclaration de politique générale : « Pour moi, l'Europe doit être un espace supplémentaire de démocratie, doit ouvrir des perspectives nouvelles de citoyenneté. Elle ne saurait se substituer à la nation, mais la prolonger et l'amplifier. »
M. Emmanuel Hamel. Alors, il faut se libérer de Maastricht !
M. Guy Allouche. Monsieur Hamel, je crains que vous n'ayez pas raison et je crains que vous ne soyez un jour...
M. le président. Monsieur Allouche, ne vous laissez pas distraire par des interruptions, si intéressantes soient-elles.
M. Guy Allouche. Je réponds courtoisement à M. Hamel.
Cette citoyenneté européenne nouvelle, loin de nous affaiblir, va bien au contraire nous renforcer. C'est si vrai que de nombreux pays d'Europe frappent à la porte de l'Union européenne, certes pour leur futur développement économique et social, mais surtout pour être définitivement arrimés à la démocratie, comme nous l'avons voulu pour l'Espagne, le Portugal et la Grèce.
Qui n'a pas encore compris qu'une grande partie des problèmes que connaissent les pays trouvent leurs solutions sinon à l'échelle planétaire, à tout le moins à l'échelle d'un continent comme l'Europe ? La paix, la sécurité, la recherche en tous domaines, le développement économique, social, culturel, la communication et les communications, l'environnement, l'emploi, la protection sociale, la monnaie ne se traitent plus uniquement à l'échelle réduite d'un pays. Nous avons tous observé que les remarques et réserves faites au sujet de la souveraineté, qui serait menacée, n'ont pas résisté longtemps à l'usure du temps et des faits.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de cette discussion générale, je n'ai pas voulu aborder le détail du dispositif de ce projet de loi organique, qui est un texte de transposition d'une directive européenne et, à ce titre, de nature essentiellement technique, dirais-je. Les réserves soulevées par le Parlement avant son adoption définitive ont été partiellement levées, soit que le Gouvernement n'ait pas réussi à subordonner l'accord de la France au respect de celles-ci, soit qu'elles aient été prises en considération dans la directive elle-même, soit, enfin, qu'elles figurent dans le projet de loi organique qui s'est inspiré, à cet égard, de la loi de 1994 relative à la participation des ressortissants européens aux élections européennes.
Néanmoins quelques interrogations demeurent. Ainsi, monsieur le ministre, votre projet écarte explicitement la possibilité du double vote ; aurez-vous les moyens d'en assurer la vérification ?
Bien que Paris soit l'une des « collectivités territoriales de base » visées à l'article 2 de la directive, la situation de Paris mérite d'être précisée, selon que le Conseil de Paris siège en formation de conseil municipal ou en formation de conseil général.
J'aurai l'occasion tout à l'heure, lors de la discussion des articles, de défendre un amendement portant sur ce point et j'espère que la Haute Assemblée voudra bien accorder ses suffrages à cette modification qui tient compte de la spécificité de Paris.
A ce stade de la discussion, je voudrais remercier notre éminent rapporteur, qui a fait état de la fructueuse discussion que nous avons eue ce matin en commission sur cette question et qui a pris en considération des amendemens que le groupe socialiste a déposés sur ce sujet.
Je tiens à le féliciter de la qualité du rapport qu'il nous a présenté sur ce projet de loi organique et je pense qu'il est superflu de dire combien notre collègue M. Fauchon a foi en l'Europe tant cette foi est tangible tout au long de ce rapport.
En ce qui concerne le collège électoral sénatorial, le projet de loi organique fait silence sur le non-remplacement des conseillers municipaux européens non français.
Cette question intéresse particulièrement les communes de plus de 9 000 habitants, qui, aux termes de l'article L. 285 du code électoral, voient tous leurs conseillers municipaux délégués de droit. Il paraît nécessaire d'organiser les modalités de leur remplacement pour que la représentation de ces communes ne soit pas diminuée au sein du collège électoral sénatorial. Afin de résoudre ce problème, le groupe socialiste proposera, par amendement, de faire application des règles de droit interne régissant la désignation des grands électeurs supplémentaires, qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 30 000 habitants.
Autre question : en cas d'élections municipales partielles d'ici à 2001, les citoyens de l'Union européenne résidant en France et inscrits sur la liste électorale complémentaire pourront-ils voter et se faire élire ou faudra-t-il attendre le renouvellement général de 2001 ?
Enfin, dernière interrogation : d'ici au 1er mars 1999, par quels moyens les citoyens européens non français résidant principalement en France seront-ils informés de leur possibilité de s'inscrire sur la liste électorale complémentaire qui sera ainsi ouverte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma conclusion sera brève. Le groupe socialiste est favorable à l'adoption de ce projet de loi organique tel qu'il a été déposé, tout comme il a été favorable à la ratification du traité de Maastricht duquel ce projet découle. Nous sommes sensibles au fait que le premier texte inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat pour cette session extraordinaire constitue un plus pour la démocratie en Europe. Nos convictions européennes sont connues et reconnues. Depuis longtemps, nous appelions de nos voeux la mise en place de cette citoyenneté européenne, élément fondamental d'intégration et d'appartenance à cette communauté de destin. Et comment ne pas rappeler en cet instant ce que le Président François Mitterrand disait : « Si la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir. » ?
Alors oui, ayons foi en cet avenir ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique dont nous débattons aujourd'hui doit permettre à une partie des étrangers, citoyens des différents pays membres de l'Union européenne, de participer aux élections municipales.
Nous n'avons pas une vision étriquée de la nation.
Notre conception est généreuse et ouverte, imprégnée d'un esprit de coopération et inséparable d'une attitude de solidarité internationale.
Comme nous ne voyons dans cette proposition, liée à des élections locales, aucune atteinte à la souveraineté du pays, notre vote sera positif.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Michel Duffour. Ne vous méprenez pas, toutefois, sur son sens.
Une divergence profonde nous sépare des rédacteurs du traité de Maastricht.
Nous n'oublions pas les arguments de certains de ses laudateurs et leur complaisance pour des abandons de souveraineté nationale.
Si ce point de vue habite toujours certains de nos collègues qui verraient dans ce vote une étape vers plus de fédéralisme, je leur précise que nous trouvons, aujourd'hui comme hier, cette orientation dangereuse pour la démocratie et archaïque au regard des aspirations citoyennes.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Duffour. L'élargissement du vote aux élections locales est à nos yeux un rapprochement des citoyens des centres de décisions.
Soyons clairs : nous ne dissocions pas la citoyenneté de la nationalité, mais nous sommes bien décidés à travailler à l'émergence d'une citoyenneté européenne complémentaire.
Certes, il faudra pour cela tout autre chose que les chemins jusqu'alors empruntés.
Le texte en débat est d'ailleurs symptomatique de la minceur des ambitions affichées.
Je ne vous fais pas grief, monsieur le ministre, de présenter un projet de loi qui porte transposition de la directive communautaire du 29 décembre 1994. Je constate seulement que nous examinons un texte qu'on ne saurait présenter comme une très grande avancée de citoyenneté.
Des pans entiers et nouveaux sont à imaginer dans le respect de l'identité de chaque nation. Toute la construction européenne imposée au cours de la dernière décennie a fait fi des individus, de leurs besoins et de leurs aspirations. Ni l'homme ni la démocratie ne sont au coeur de sa démarche. C'est l'organisation du marché et lui seul qui constitue sa raison d'être.
Alors que les peuples d'Europe ont besoin de grandes complicités culturelles, de complémentarités économiques dans la lutte contre le chômage, de réformes sociales d'ampleur, de résistances à l'uniformisation et à la « marchandisation » de la vie publique, de combats solidaires avec les peuples du Sud, nos nations sont malades d'une conception restrictive de la citoyenneté.
Pourtant, que ce soit sur les lieux de travail, dans les quartiers, ou pour des choix politiques plus fondamentaux, le développement de l'intervention citoyenne et la participation de tous les acteurs devraient être largement favorisés.
L'heure est à la promotion des valeurs auxquelles les démocrates de nos nations tiennent, à la transparence dans les décisions, à l'élargissement des pouvoirs et des possibilités pour les salariés d'intervenir dans la gestion et les choix des grands groupes économiques. La fermeture de l'usine Renault à Vilvorde a rappelé les immenses carences en ce domaine.
L'accès au vote aux élections locales n'est qu'un pas dans le grand chantier à ouvrir. N'étant pas des partisans du tout ou rien, nous le voterons.
Mais ce pas en appelle d'autres. De plus grands brassages de citoyenneté, dans le respect de chaque identité, s'imposent.
Comment justifier la discrimination de fait qui se fera entre étrangers ressortissants de l'Union européenne et citoyens du reste du monde ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Michel Duffour. Comment encourager les citoyens portugais de nos cités à se prononcer sur la gestion de leur commune alors qu'on s'entêterait à en refuser la possibilité à leurs voisins tunisiens, algériens ou marocains ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Michel Duffour. Le vote d'aujourd'hui est l'amorce d'un mouvement plus large.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment que le droit de vote aux élections municipales doit être accordé à l'ensemble des étrangers ayant leur résidence en France.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Michel Duffour. Chacun sait que nous sommes favorables à l'extension du droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers et nous interviendrons en ce sens, comme nous l'avons fait par le passé, à l'occasion des futurs débats parlementaires sur la politique d'immigration.
Votre choix, mes chers collègues, créera, probablement au corps défendant de certains d'entre vous - j'ai bien entendu les propos de M. About et je ne m'en étonne pas - un mouvement irréversible pour le vote de tous les citoyens étrangers résidant en France à ce type d'élection.
Je pense que l'opinion publique française va mûrir très vite sur ce sujet et nous nous en réjouissons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Bergé-Lavigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais résumer en un mot mon intervention, je dirais : enfin ! Enfin, ce texte arrive devant nous,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement qu'il y a eu la dissolution !
M. Guy Cabanel. ... ce texte qui va marquer une étape décisive dans l'ouverture de notre pays à la citoyenneté européenne. Il s'agit en effet du droit de vote et d'éligibilité des citoyens européens aux élections municipales, base de notre démocratie locale.
On parle beaucoup de l'Europe des citoyens, mais, malheureusement, les dispositions concrètes sont rares.
En effet, les dispositions communautaires qui président aux droits du citoyen européen sont fort peu nombreuses. Un examen rapide du Répertoire de la législation européenne suffit pour le démontrer : une seule page sur plus d'un millier concerne ce sujet proprement dit. Le constat est frappant et d'autant plus édifiant que plusieurs de ces textes n'ont pas encore été mis en oeuvre.
Les principales dispositions relatives à la citoyenneté européenne ont été précisées dans le traité de l'Union européenne en son article G. Elles comportent principalement quatre volets : droit de circulation - élément déjà fondamental du traité de Rome - droit de vote aux élections européennes - cela est acquis - droit de vote aux élections municipales - cela sera acquis après le vote du texte que nous discutons - droit de protection diplomatique indifférenciée, et enfin - cela est un point plus formel - droit de pétition devant le Parlement européen.
A la veille de la signature prochaine du traité d'Amsterdam, et compte tenu du degré d'avancement des politique européennes ainsi que des engagements pris par les chefs d'Etat et de gouvernement lors de la Conférence intergouvernementale, il est maintenant indispensable que le Parlement français prenne les décisions qui permettront aux citoyens européens de jouir, sur le sol français, des droits démocratiques élémentaires.
Les termes de la directive européenne 94/80/CE du 19 décembre 1994 relative à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité ont recueilli l'accord unanime du Conseil européen. Ce texte n'est par conséquent plus amendable.
Le Parlement français garde cependant un pouvoir d'interprétation, au moyen du projet de loi organique de transposition de cette directive, afin de préserver les principes fondamentaux et les pratiques culturelles de la démocratie en France. Les rédacteurs des textes européens ont bien perçu la difficulté de cette transposition et ont laissé aux Etats membres la latitude nécessaire pour mettre en oeuvre le principe de cette directive dans le respect des traditions juridiques nationales.
Le texte aujourd'hui en discussion aura une incidence toute particulière dans les communes d'Ile-de-France, de Paris et des régions frontalières, qui comptent entre 5 % et 10 % de ressortissants communautaires par rapport à un total de 1,3 million de citoyens non français de l'Union européenne vivant sur le territoire national.
Une disposition constitutionnelle est de nature à faciliter la transposition de la directive européenne dans le droit français : en effet, sur avis du Conseil constitutionnel, le Parlement français a, dès 1992, voté les articles 88-2 et spécialement 88-3 du titre XV de la Constitution. Ils guident le législateur dans la discussion des termes de la loi organique prévue pour l'application du traité de l'Union européenne.
La loi organique prévoit l'application d'une clause de réciprocité dont nous verrons les incidences perverses qu'elle peut avoir du fait d'une ratification tardive. Elle impose la résidence sur le sol français à l'électeur communautaire. Elle lui interdit l'exercice de la fonction de maire ou d'adjoint et elle l'écarte de la participation à la désignation des électeurs sénatoriaux et, plus généralement, de tout le processus des élections sénatoriales.
Quant à la clause de réciprocité prévue dans la loi organique, elle conditionne la mise en oeuvre du droit de vote pour les citoyens communautaires résidant en France à l'obtention de ce même droit pour les citoyens français résidant dans un autre Etat de l'Union.
La Belgique et la Grèce sont en retard comme l'était jusqu'à présent la France : elles n'ont pas transposé la directive et l'on peut se demander quelle serait la situation si ces deux pays n'introduisaient pas dans leur droit national les dispositions en cause d'ici aux élections municipales de 2001. J'espère que ce cas ne se présentera pas.
La loi organique interdit le double vote des citoyens communautaires résidant en France. La commission des lois a retenu un amendement de suppression de cette disposition du texte initial. On peut le regretter. Cependant, le caractère tardif de la loi organique française fait que le double vote a été admis par les pays européens ayant transposé la directive dans leur droit électoral national. Le principe de réciprocité conduit donc à reconnaître une situation de fait qui avantage les autres Européens par rapport aux Français.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Guy Cabanel. Je crains que nous ne puissions rien contre de telles dispositions.
En vertu du même article 88-3 de notre Constitution, la commission des lois a prévu de restreindre, pour les ressortissants communautaires, la notion de résidence sur le sol national « au domicile réel ou au caractère continu de la résidence ».
Cette précision me paraît sage. Elle devrait permettre de limiter, mais en partie seulement, le nombre des « doubles votes ».
Au demeurant, l'amendement de la commission visant à établir l'incompatibilité pour les ressortissants communautaires résidant en France d'exercer simultanément deux mandats municipaux en France et dans leurs pays d'origine, semble aller de soi.
Cette proposition, qui corrobore la notion de « résidence » appliquée aux citoyens communautaires, aura pour effet de renforcer la crédibilité politique, d'éviter l'absentéisme dans les réunions municipales et d'affirmer l'engagement démocratique actif des conseillers municipaux communautaires.
Le présent texte aura-t-il une incidence sur le projet de loi relatif à « l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales », qui figure à notre ordre du jour de la semaine prochaine ? Monsieur le ministre, comment ce projet s'articulera-t-il avec la loi organique ? Par exemple, qu'en sera-t-il des ressortissants communautaires âgés de dix-huit ans résidant en France ? Seront-ils inscrits d'office ou devront-ils s'inscrire d'eux-mêmes sur des listes complémentaires ?
Cela a été rappelé tout à l'heure, la Grande-Bretagne, qui n'est pourtant pas toujours un exemple de vertu européenne, procède en quelque sorte à une attribution immédiate de carte électorale aux étudiants ressortissants des Etats de l'Union européenne qui se trouvent sur son sol.
L'article 6 du projet de loi organique prévoit l'impossibilité pour les membres du Conseil de Paris et les conseillers municipaux d'origine communautaire de participer au processus électoral sénatorial. On a ainsi pallié certaines difficultés.
Cependant, je remarque que cette indispensable mesure ne manquera pas de modifier l'équilibre de la pratique actuelle des élections sénatoriales dans les communes de neuf mille habitants et plus. Dans ces communes, en effet, l'ensemble des conseillers municipaux sont membres de droit du collège électoral des sénateurs.
Le retrait des conseillers municipaux communautaires non français minorera la représentation de certaines communes où l'ensemble des membres du conseil municipal figurent parmi les électeurs sénatoriaux.
Ce problème pourrait être résolu grâce à un ultime amendement de notre commission des lois, dont je remercie l'excellent rapporteur. Je participerai à la discussion de cet amendement avec d'autant plus d'intérêt que j'en avais, hier, évoqué la possibilité avec M. Fauchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte de transposition qui nous est enfin présenté engage le Parlement. Cette loi organique va marquer un tournant dans l'histoire de notre code électoral. Elle reconnaît aux citoyens de l'Union européenne l'égalité dans la participation à la vie communale.
L'exercice du droit de vote et d'éligibilité accordé au citoyen est la condition fondamentale de toute démocratie. Son élargissement communautaire, pour la désignation des conseils municipaux, mérite notre accord et notre vigilance.
L'exercice de ce droit découle d'une association librement consentie d'Etats souverains, qui décident même des conditions d'application de la directive. Je vois là la marque d'un esprit confédéral, dont je me réjouis s'agissant de l'Union européenne.
C'est donc au regard du respect des traditions électorales spécifiques de la France que, à l'unanimité ou à la quasi-unanimité de ses membres, le groupe du RDSE votera le projet de loi organique. Pour les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen, il n'est que temps d'appliquer les dispositions qu'avait prévues le traité d'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai peu de choses à ajouter à mon intervention initiale, qui, je crois, répondait par avance à nombre des questions qui ont été soulevées.
La citoyenneté est, au fond, le vrai sujet de nos débats, même si nous l'abordons par un biais relativement étroit : le droit de vote aux élections municipales.
Je rappelle que la citoyenneté a été définie à la fin du xviiie siècle, avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme étant l'avènement d'un nouveau souverain : la citoyenneté, c'est la souveraineté en acte du peuple succédant au droit divin des souverains de l'ancien régime.
Ce peuple souverain se doit d'être instruit pour pouvoir lui-même décider de tout ce qui le regarde, car, comme l'a dit Jaurès, c'est un acte de confiance extraordinaire en la capacité d'une vaste collectivité humaine - et la France était, à l'époque, le pays le plus puissant et le plus peuplé d'Europe - de se gouverner par lui-même.
Il me semble que cette conception de la souveraineté, qui était évidemment présente dans vos interventions, mérite d'être rappelée. Le citoyen est instruit et éclairé notamment par l'école ; c'est le sens des projets de Condorcet, de Lakanal et des lois de Jules Ferry. Il y aurait peut-être lieu, d'ailleurs, d'y revenir, parce que les fonctions que remplissait alors l'école sont aujourd'hui aussi assumées, à bien des égards, par la télévision, dans la mesure où celle-ci contribue à façonner la manière dont nos concitoyens se font un jugement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le but de l'école est de former des citoyens conscients, responsables, dotés d'esprit critique, car la République, c'est aussi la laïcité, l'idée d'un espace commun soustrait à l'empire des dogmes, au sein duquel nous pouvons débattre de l'intérêt commun, de la chose publique, de la res publica ; que nous appartenions à telle ou telle confession ou à telle ou telle école de pensée, il y a quand même cette idée d'un espace où s'exerce la raison naturelle, indépendamment des révélations propres à chaque religion, des présupposés ou des dogmes philosophiques.
La citoyenneté, c'est l'exercice de la souveraineté populaire, et la République, c'est d'abord le suffrage universel, mais ce n'est pas que cela. La citoyenneté, comme l'a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, c'est un ensemble indissociable de droits et de devoirs.
Le problème est de savoir jusqu'où l'on pourrait découper la souveraineté en tranches ; voilà une vraie question. Comment articuler, d'une part, la citoyenneté nationale, la souveraineté populaire en acte, et, d'autre part, la citoyenneté européenne ? Nombre d'entre vous ont abordé cette question.
Le champ d'exercice de la citoyenneté est une vieille affaire. La Révolution française avait admis comme citoyens Anacharsis Cloots, Thomas Paine et quelques autres, mais ils n'étaient, si j'ose dire, que l'exception qui confirme la règle.
D'ailleurs, quand la République a voulu s'étendre à la rive gauche du Rhin et quelquefois plus loin encore, jusqu'aux bouches de l'Elbe ou du Tibre, sans parler de l'expérience des républiques soeurs, tout cela nous est revenu à la figure. On a fini par se rallier à l'idée selon laquelle les hommes se reconnaissant politiquement dans une appartenance nationale, le champ d'exercice naturel de la citoyenneté était la nation.
J'observerai que, au cours de notre histoire coloniale, nous avons fait de semblables expériences, notamment en Algérie ; ai-je besoin d'y revenir ?
Sans exclure le moins du monde la perspective enthousiasmante d'une citoyenneté qui dépasserait les frontières de notre nation, je tenais à rappeler comment, jusqu'à présent, les choses se sont passées, afin d'éclairer notre débat.
Comme le disait Jaurès, il faut aller à l'idéal...
M. Guy Allouche. Et comprendre le réel !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Absolument ! C'est-à-dire garder les pieds sur terre, pour parler familièrement.
Plusieurs orateurs se sont exprimés sur la question de la citoyenneté européenne. M. Allouche, notamment, a dit qu'elle était surbordonnée à une conscience commune, à un sentiment d'identité, à un sentiment de solidarité, qui doit se marquer dans les décisions budgétaires, dans la politique de défense, dans des choix de politique étrangère. Il est clair que nous avons encore du chemin à parcourir sur cette voie et que, quant aux modalités de la construction européenne, le débat est naturellement ouvert.
L'avancée que nous réalisons aujourd'hui est réelle, mais elle est modeste.
Elle peut s'interpréter comme une étape sur la voie d'une participation plus étroite aux décisions locales et de l'intégration républicaine. C'est une sensibilité que j'ai entendue s'exprimer, notamment par la voix de M. Duffour.
D'autres peuvent envisager cette avancée dans une perspective plus lointaine, qui est celle de la citoyenneté européenne, que je ne veux pas écarter dès lors, bien entendu, que le sentiment d'identité aura progressé.
Ai-je besoin d'évoquer les discussions de marchands de tapis autour du budget communautaire et de son financement ? Elles illustrent tout de même certaines limites du sentiment de solidarité. Je pourrais aussi faire allusion à quelques conflits qui montrent que les pays européens ne se trouvent pas toujours spontanément sur la même longueur d'onde.
Monsieur Duffour, vous avez en particulier soulevé la question de la double inscription.
Personnellement, je comprends mal comment le suffrage universel pourrait tolérer la double inscription. En effet, permettre à un individu de voter deux, voire trois fois, ce serait nécessairement, quelque part, fausser les résultats.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Evidemment !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous sommes tout de même les gardiens de quelques principes.
De toute façon, cela n'irait pas très loin : si, potentiellement, le nombre d'étrangers communautaires pouvant voter en France est de 500 000, dans la réalité, il est infiniment moindre. Vous savez que, pour les élections européennes, le nombre d'étrangers inscrits a été relativement faible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. 45 000 !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous sommes donc encore loin du compte !
Mais il est évident que, surtout si l'on allait dans la logique dessinée par M. Duffour, qui serait d'étendre le droit de vote aux étrangers non communautaires, soit environ 60 % du total des étrangers en France, la possibilité de modifier le résultat du vote serait considérable, notamment dans certaines villes.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Elle serait énorme !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il faut évidemment bien peser tout cela. Mais, ayant exprimé mon sentiment personnel, je fais confiance à la sagesse de la Haute Assemblée à cet égard.
Nous respectons les engagements internationaux de la France. Ce projet devait être soumis à la représentation nationale. C'est chose faite.
Parmi les autres questions abordées, figure notamment celle de la réciprocité, et je souhaite être tout à fait clair sur ce point.
Le rappel du principe de réciprocité ne soulève pas d'objection juridique. On peut même dire qu'il est inutile dans la mesure où il ne fait que répéter ce qui est déjà dit dans l'article 88-3 de la Constitution.
Mais il est sans effet pratique puisque la Cour européenne, saisie à plusieurs reprises par la Commission, a sans ambiguïté et à plusieurs reprises affirmé que ni la faute d'une institution communautaire ni le manquement d'un Etat membre ne peuvent justifier la violation par un autre Etat membre de ses obligations communautaires.
Le retard éventuel pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une règle communautaire ne saurait être invoqué par un Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire, des obligations qui lui incombent. C'est l'objet des arrêtés de la Cour du 26 février 1976 - Commission des Communautés européennes contre République italienne - et du 14 février 1984 - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne.
La France ne pourra donc exciper de la disposition introduite par le Sénat pour refuser l'inscription sur une liste électorale complémentaire d'un citoyen belge, par exemple, puisque M. Badré a cité le cas d'une citoyenne belge qui ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas voter en France.
Je vous rappelle que l'Union européenne comprend aujourd'hui quinze Etats et que plus elle s'élargit, plus, naturellement, la distance est grande. A certains égards, nous nous sentons peut-être plus proches de l'Algérie, qui a fait partie du même territoire national que nous, que de certains pays promis à l'adhésion. (Murmures sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) C'est une réalité ! Les pères de certains des ressortissants algériens présents sur notre sol étaient des tirailleurs algériens. L'histoire est un processus continu, nous ne devons jamais l'oublier !
Quoi qu'il en soit, loin de moi la volonté de vous entraîner sur des terrains qui, au demeurant, seraient à explorer.
M. Cabanel a dit : « Enfin ! ». Et M. Dreyfus-Schmidt a même souligné : « grâce à la dissolution ».
Je n'irai pas jusque-là. Ce projet de loi organique serait sans doute venu à un moment ou à un autre en discussion devant le Parlement. Il vient maintenant devant le Sénat et je pense que la discussion des articles confirmera le souhait exprimé par tous les orateurs : celui de voir ce texte adopté sans retard. (Applaudisssements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

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NOMINATION DE MEMBRES
DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que les candidats présentés par les groupes socialiste, des Républicains et Indépendants et communiste républicain et citoyen :
- à la représentation à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ;
- à la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- à la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;
- et à la délégation du Sénat à l'office parlementaire d'évaluation de la législation, ont été affichées et n'ont fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- Mme Josette Durrieu, membre titulaire, MM. James Bordas et Marcel Debarge, membres suppléants, représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ;
- M. Michel Dreyfus-Schmidt, membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- Mme Nicole Borvo, membre de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;
- Mme Maryse Bergé-Lavigne, membre de la délégation du Sénat à l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

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NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Gérard Roujas membre suppléant du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles et membre titulaire de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles créée au sein du Conseil supérieur.

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NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté des candidatures pour la commission des affaires culturelles, la commission des affaires économiques et du Plan, la commission des affaires sociales, la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Roger Hesling, membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Marcel Charmant, démissionnaire ;
- M. Michel Charzat, membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Claude Haut, démissionnaire ;
- Mme Dinah Derycke, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jacques Bialski, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
- M. Bernard Angels, membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Alain Richard, dont le mandat sénatorial a cessé ;
- M. Claude Haut, membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret, dont le mandat sénatorial a cessé ;
- M. Marcel Charmant, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Michel Charzat, démissionnaire.
Je rappelle au Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales à la place laissée vacante depuis le 18 juin 1997.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Lafond membre de la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante depuis le 18 juin 1997.

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DROIT DE VOTE DES CITOYENS
DE L'UNION EUROPÉENNE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi organique

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
Nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

De l'exercice du droit de vote
aux élections municipales
par les ressortissants d'un Etat membre
de la Communauté européenne autre que la France

M. le président. Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose dans cet intitulé de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui tend à substituer l'expression « Etats membres de l'Union européenne » aux mots « Etats membres de la Communauté européenne », qui figurent, assez bizarrement, dans le projet de loi organique. En effet, que l'on considère le traité, qui est un traité « sur l'Union européenne » et ne traite que des citoyens de « l'Union », que l'on reprenne le texte de l'article 88-3 de notre Constitution ou encore le texte que nous avons voté relatif à la participation des Européens aux élections européennes, il n'est fait mention que des Etats membres de « l'Union européenne ». Il nous faut donc être cohérents dans cet article, ainsi que dans plusieurs autres d'ailleurs, et ne mentionner que « l'Union européenne ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Il est inséré dans le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code électoral une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis


« Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France du droit de vote pour l'élection des conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris
« Art. L.O. 227-1. - Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente section.
« Pour l'application de la présente section, l'élection des membres du Conseil de Paris est assimilée à celle des conseillers municipaux.
« Art. L.O. 227-2. - Pour exercer leur droit de vote, les personnes visées à l'article L.O. 227-1 doivent être inscrites, à leur demande, sur une liste électorale complémentaire.
« Elles peuvent demander leur inscription si elles jouissent de leur capacité électorale dans leur Etat d'origine et si elles remplissent les conditions légales autres que la nationalité française pour être électeurs et être inscrites sur une liste électorale en France.
« Art. L.O. 227-3. - Pour chaque bureau de vote, la liste électorale complémentaire est dressée et révisée par les autorités compétentes pour dresser et réviser la liste électorale.
« Les dispositions des articles L. 10 et L. 11, L. 15 à L. 41 et L. 43 du présent code, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° du , qui sont relatives à l'établissement des listes électorales et au contrôle de leur régularité sont applicables à l'établissement des listes électorales complémentaires et au contrôle de leur régularité. Les droits conférés par ces articles aux nationaux français sont exercés par les personnes mentionnées à l'article L.O. 227-1.
« En sus des indications prescrites par les articles L. 18 et L. 19, la liste électorale complémentaire mentionne la nationalité des personnes qui y figurent.
« Les recours prévus au deuxième alinéa de l'article L. 25 peuvent être exercés par les électeurs français et par les personnes inscrites sur la liste électorale complémentaire tant en ce qui concerne la liste électorale que la liste électorale complémentaire.
« Art. L.O. 227-4. - Outre les justifications exigibles des ressortissants français, le ressortissant d'un Etat de la Communauté européenne autre que la France produit, à l'appui de sa demande d'inscription sur une liste électorale complémentaire, un document d'identité en cours de validité et une déclaration écrite précisant :
« a) Sa nationalité ;
« b) Son adresse sur le territoire de la République ;
« c) Qu'il n'est pas privé du droit de vote dans l'Etat dont il est ressortissant ;
« d) qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire.
« Art. L.O. 227-5. - L'identité de leurs ressortissants inscrits sur une liste électorale complémentaire est communiquée, sur leur demande, aux autres Etats membres de la Communauté européenne.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
« Art. L.O. 227-6. - Est rayé d'office de la liste électorale complémentaire tout ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France qui aura contrevenu à l'engagement pris par lui de n'exercer son droit de vote aux élections municipales qu'en France.
« En outre, si l'intéressé est titulaire du mandat de conseiller municipal, il sera déclaré démissionnaire d'office de ce dernier par le représentant de l'Etat dans le département ou le territoire.
« Art. L.O. 227-7. - Est passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 100 000 francs :
« a) Toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale complémentaire sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura, en se faisant inscrire, dissimulé une incapacité, ou aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes ;
« b) Toute fraude dans la délivrance ou la production d'un certificat d'inscription ou de radiation des listes électorales complémentaires ;
« c) Toute personne qui, à l'aide de déclarations frauduleuses ou de faux certificats, se sera fait inscrire ou aura tenté de se faire inscrire sur une liste électorale complémentaire, ou qui, à l'aide des mêmes moyens, aura fait inscrire ou rayer, tenté de faire inscrire ou rayer indûment une autre personne de cette liste. »
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

INTITULÉ DE LA SECTION 1 bis DU CHAPITRE Ier

M. le président. Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 1er pour l'intitulé de la section 1 bis du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code électoral, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la section 1 bis est ainsi modifié.

ARTICLE L.O. 227-1 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de remplacer le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-1 du code électoral par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des dispositions de la présente section.
« Ainsi qu'il est prévu à l'article 88-3 de la Constitution, ce droit leur est ouvert sous réserve que l'Etat dont ils sont ressortissants accorde un droit équivalent aux Français qui y résident, dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa sont considérées comme résidant en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 31, présenté par MM. Habert et Darniche, et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article L.O. 227-1 du code électoral par les mots suivants : « depuis au moins six mois ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
D'une part, il tend à réécrire le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er en y intégrant deux précisions.
En ce qui concerne la réciprocité, nous prévoyons que « ce droit leur est ouvert sous réserve que l'Etat dont ils sont ressortissants accorde un droit équivalent aux Français qui y résident, dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre ».
Nous savons bien - vous nous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre - que, en droit communautaire, la réciprocité s'interprète comme signifiant qu'un traité a été ratifié par tous. Si les directives ne sont pas transposées, on se trouve alors dans les hypothèses de manquement, mais les conditions de réciprocité sont acquises.
Or, ici, nous sommes dans un cas de transposition et nous entrons dans notre droit à nous, qui n'est pas le droit communautaire, qui ne se situe pas dans la même hiérarchie de normes et qui n'est pas justiciable des mêmes autorités. De surcroît, la Constitution le prévoit formellement au terme de la révision que nous avons votée, et il convient de garder à l'esprit que ce texte sera obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, cette rédaction est préférable, normale et même conforme au bon sens.
Prenons un exemple concret, celui de la Belgique, pays éminemment sympathique et que je considère, pour ma part, extrêmement proche de la France, monsieur le ministre. Je vous rappelle d'ailleurs que la Belgique fut française à une certaine époque, pour continuer dans les évocations historiques. (Sourires.) Or, malheureusement, nos amis belges, pour le moment, n'ont pas procédé à la transposition. Il serait tout de même assez singulier qu'un citoyen belge remplissant les conditions requises vote chez nous et qu'un citoyen français ne puisse toujours pas voter en Belgique !
Je le rappelais, l'article 55 de la Constitution prévoit une réciprocité appréciée texte par texte, Etat par Etat. Il est donc conforme à la Constitution et conforme au bon sens de rappeler que la réciprocité signifie que l'Etat concerné accorde un droit équivalent aux Français qui y résident. Cela me paraît être conforme à notre ordre juridique à nous, dont je reconnais sur ce point qu'il est différent. Au reste, cela n'a rien de surprenant : c'est toute la démarche européenne que de tendre à concilier l'ordre juridique européen avec des ordres juridiques nationaux qui continuent d'avoir leur vitalité et leur logique propres.
Nous sommes aujourd'hui devant un cas de transposition. Il nous faut donc intégrer une norme dans notre ordre juridique national et ce d'autant plus facilement que la Constitution, en son article 88-3, prévoit expressément la condition de réciprocité.
Le premier objet de cet amendement est donc, sur la question de la réciprocité, d'inviter à une appréciation concrète et de bon sens, en vertu de la Constitution française.
D'autre part, cet amendement tend à préciser les conditions requises en matière de résidence. Nous avons purement et simplement repris les dispositions qui figurent dans le texte que nous avons voté pour autoriser les Européens à voter aux élections européennes.
Là encore, soyons cohérents et reprenons les mêmes termes.
Nous proposons donc que, pour être « résident », il faille avoir son domicile réel en France - je rappelle que le domicile réel est le lieu du principal établissement - ou avoir une résidence de caractère continu. Pour certains, six mois de résidence suffiront à caractériser le caractère « continu ». Je ne sais pas si c'est suffisant, mais il y a là une question de jurisprudence sur laquelle je ne m'engagerai pas. Je préfère que nous en restions au texte qui a été voté ici et qui a finalement été adopté, relatif à la participation aux élections européennes.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre le sous-amendement n° 31.
M. Jacques Habert. Ce sous-amendement remplace, en fait, l'amendement n° 27, que j'avais déposé avec M. Darniche.
M. le rapporteur vient d'exposer excellemment l'économie de son amendement et les raisons pour lesquelles il propose une nouvelle rédaction de l'article L.O. 227-1 du code électoral.
Nous souhaitons, par notre sous-amendement, préciser ce qu'il faut entendre par « résidence continue ». Qu'est-ce qu'une résidence continue ? Que faut-il faire pour prouver la réalité du domicile ?
M. le rapporteur vient de faire allusion à une jurisprudence. J'aimerais qu'il nous dise laquelle. Je pense, moi, qu'il faut préciser. Un délai de six mois est généralement admis ; il est bon que cette précision figure dans le projet de loi organique. Prenons un exemple : si quelqu'un s'installe dans la commune et s'inscrit sur les listes électorales, est-il en résidence continue ?
J'ajoute que je vais exactement dans le sens de M. le ministre qui, dans son propos liminaire, a demandé que les règles applicables aux Européens soient les mêmes que celles qui s'appliquent aux Français. Or, un Français ne peut pas s'inscrire du jour au lendemain sur les listes électorales. Il doit le faire dans certains délais, généralement jusqu'au 31 décembre de l'année qui précède les élections. Des vérifications sont alors prescrites, concernant l'identité et le domicile. Tout cela prend un peu de temps mais, après cette enquête, on sait du moins que la personne est bien celle qui s'est présentée et qu'elle réside effectivement là où elle l'a indiqué. C'est cette précaution que je voudrais ajouter dans le texte.
Cela va tout à fait dans le sens des déclarations de M. le ministre de l'intérieur ainsi que de M. le rapporteur, qui a lui-même fait allusion à ce délai de six mois dans son rapport. Pourquoi ne pas le faire figurer dans la loi ? Ce sera plus clair et il n'y aura nulle ambiguïté sur ce sujet.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Habert, nous avons repris la rédaction déjà adoptée, ce qui est la sagesse même, alors que la rédaction que vous proposez serait contraire à la directive et au traité sur l'Union européenne.
Vous avez rappelé vous-même, monsieur Habert, en citant M. le ministre, les termes du traité sur l'Union européenne : « Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. »
Or, avec ce sous-amendement, vous ajoutez une condition supplémentaire. En effet, actuellement, pour être électeur ou éligible dans une commune de France, il faut ou bien y avoir son domicile réel ou bien justifier d'une résidence de six mois en France, ou bien encore - il faut prendre en compte toutes les éventualités - être imposable en France depuis cinq ans.
Un étranger communautaire peut fort bien « résider » en France, en vertu d'une résidence continue et non épisodique, comme le veut la jurisprudence, mais remplir, dans la commune où il veut s'inscrire, l'une des deux autres conditions, c'est-à-dire, par exemple, y acquitter l'impôt depuis plus de cinq ans. Le cas se présentera d'ailleurs probablement.
Supposez qu'un homme d'affaires étranger communautaire travaille et réside à Paris, mais possède depuis longtemps une résidence secondaire dans une commune du Périgord ou ailleurs et y paie donc des impôts depuis plus de cinq ans. Il souhaitera peut-être s'inscrire dans cette commune plutôt qu'à Paris. Il acquitte en quelque sorte son « droit d'entrée », par le fait qu'il réside en France d'une manière continue, ce qui s'apprécie au plan national, tandis que, lorsqu'il en vient à exercer son droit d'inscription, à ce moment-là, il est dans les mêmes conditions que le citoyen français et ces conditions ne comportent pas la résidence de six mois ou, si elles la comportent, c'est de manière alternative, avec les deux autres hypothèses que j'ai rappelées tout à l'heure.
Aussi, monsieur Habert, avec votre rédaction, nous allons tout droit à des difficultés majeures parce que vous introduisez une discrimination par rapport au citoyen français.
M. Jacques Habert. Je ne le pense absolument pas !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mon cher collègue, avec tout le respect que je vous dois, il n'est pas ici question de savoir ce que vous pensez, mais il s'agit de savoir ce qui figure dans les textes !
Je vous rappelle, quelle que soit votre opinion sur ce point, que, pour participer aux élections municipales françaises, il faut soit que vous ayez votre domicile réel dans la commune, soit que vous ayez une résidence de six mois, soit que vous soyez imposable dans cette commune depuis plus de cinq ans. Donc, dès lors que vous autorisez ces électeurs européens à s'inscrire sur les listes électorales d'une commune, vous ne pouvez pas leur imposer des conditions différentes de celles qui sont imposées aux citoyens français, parce que ce serait discriminatoire ; or, ce n'est pas possible.
Ce n'est pas une question d'opinion, c'est une question d'analyse, de lecture pure et simple des textes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur Habert, à partir du moment où l'on n'impose pas à un Français le délai de six mois, il est difficile de l'imposer à un étranger communautaire.
M. Jacques Habert. On le requiert déjà dans les textes !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mais nous tombons alors sous le coup de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Je suis donc opposé au sous-amendement n° 31.
J'en viens à l'amendement n° 3. En ce qui concerne le problème de la réciprocité, j'ai déjà fait connaître mon point de vue. Je rappelle que cette mention de la réciprocité est sans effet pratique. Par conséquent, je suis contre le rappel de ce principe.
Par ailleurs, l'introduction dans la loi d'une définition de la notion de résidence - définition qui fait l'objet du sous-amendement présenté par M. Habert - ne se heurte à aucune difficulté. L'application de cette définition en la circonstance, conformément au principe de subsidiarité, va de soi. Toutefois, ce rappel ne peut qu'avoir une portée pédagogique. De toute façon, la même disposition figure déjà dans la loi du 5 février 1994 transposant la directive sur les élections européennes. Il est donc préférable de maintenir cette disposition, en vertu de la règle du parallélisme des deux textes.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 31.
M. Guy Allouche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, je demande un vote par division sur l'amendement n° 3, dont le premier alinéa est rédactionnel...
M. le président. Pour le moment, monsieur Allouche, nous en sommes au sous-amendement n° 31.
M. Guy Allouche. Pardonnez-moi, monsieur le président, je souhaitais m'exprimer sur l'amendement.
M. le président. Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 31.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je remercie M. Allouche de n'avoir pas d'objection à formuler contre mon sous-amendement.
M. Guy Allouche. Je n'ai pas dit cela ! (Sourires.)
M. Jacques Habert. Surtout, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir dit que ce sous-amendement, qui vise à préciser la notion de résidence, « ne se heurte à aucune difficulté ».
M. le rapporteur a défini trois conditions pour qu'il y ait une parfaite égalité entre les ressortissants français et les autres citoyens de l'Union européenne résidant en France. Pour ma part, j'avais avancé l'une d'elles, à savoir la notion de six mois de résidence.
Les trois conditions sont les suivantes : en premier lieu, il faut avoir un domicile réel, notion qu'il faudrait définir ; en deuxième lieu, il faut résider en France depuis six mois au moins ; en troisième lieu, il faut avoir payé des impôts depuis cinq ans.
Si vous souhaitez préciser ces trois conditions, qui sont celles qui sont imposées aux citoyens français, je suis prêt à modifier mon sous-amendement en ce sens. Ainsi, les Français et les ressortissants des autres pays de l'Union européenne seront dans les mêmes conditions. C'est ce que nous cherchons à faire. Dans la ligne de ce qui a été fait, nous voulons en effet que les Français et les citoyens de l'Union européenne résidant en France soient à égalité.
Le texte proposé par la commission est très vague. On a l'impression que, de toute évidence, les étrangers sont favorisés par rapport aux citoyens français. Il ne comporte aucune des précisions que je viens d'énoncer.
Je demande donc, pour satisfaire la commission, si elle le désire, que figurent les trois conditions imposées aux citoyens français. Ainsi, ce sera très clair et il y aura égalité parfaite entre les Français et les étrangers.
En tout cas, je m'oppose à des dispositions qui, manifestement, tendraient à donner aux étrangers en France plus de facilités que n'en ont les citoyens français.
M. Emmanuel Hamel. C'est normal !
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. J'approuve le sous-amendement n° 31. L'exercice de la souveraineté populaire, même dans la gestion des affaires locales, reste une question extrêmement importante. Aussi ai-je pris soin de consulter l'ensemble des maires de mon département à ce sujet. Plus des deux tiers d'entre eux acceptent que les citoyens européens soient électeurs et éligibles. Mais tous ont fixé une durée minimale de résidence pour l'exercice de ce droit, qui est, dans leur esprit, décomptée en année. Que ce soit possible ou non, je n'en sais rien. Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, il semble effectivement que des problèmes de nature technique ou constitutionnelle se posent.
Je me dois, après avoir consulté les maires de mon département, de rapporter leur avis. Ils souhaitent tout simplement vérifier l'authenticité de l'intérêt que peut porter un citoyen européen à la gestion des affaires locales. Une durée minimale de résidence de trois ou cinq ans eût certes été souhaitable. Cependant, même si votre sous-amendement est modeste, monsieur Habert, je le soutiendrai.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je suis quelque peu perplexe. Une durée minimale de résidence de six mois me paraissait raisonnable. Dans les faits, quand on demande aux personnes concernées d'avoir payé des impôts, elles ont sans doute une résidence en France depuis six mois au moins.
La proposition de MM. Darniche et Habert se justifierait sur le plan de la pratique. Cependant, il s'agit d'une mise à jour dans notre droit de la législation communautaire. Je le dis avec une grande franchise : il me paraît plus évident et plus simple de retenir les termes employés dans le projet de loi organique, à savoir : « Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente section. » Ces dernières découlent des droits qu'ils auront ou non.
Comment, au moment où l'on construit cette espèce de citoyenneté, par accord des Etats, peut-on distinguer en quelque sorte...
MM. Emmanuel Hamel et Jacques Habert. On impose à chacun les mêmes règles !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Cabanel.
M. Guy Cabanel. Dans un premier temps, j'ai été séduit par le sous-amendement de MM. Darniche et Habert. Cependant, je ne peux vous suivre, monsieur Habert, car nous soulèverions des difficultés sur le plan de l'Union européenne. Les précisions proposées sont contestables. Tel est mon point de vue.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En l'occurrence, deux thèses peuvent être défendues. Ou bien on exige des étrangers qu'ils remplissent les mêmes conditions que les Français. C'est le cas.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est ce que nous faisons.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ou bien on exige d'autres conditions. Par exemple, on demande que les ressortissants de la Communauté européenne vivent depuis cinq ans en France. Prévoir une condition de résidence de six mois au moins, c'est revenir au texte initial qui comporte cette obligation. Par conséquent, votre sous-amendement n'ajoute rien. (M. Habert fait un signe de dénégation.) Nous ne pouvons donc pas le voter.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous sommes tout simplement dans une situation d'incompréhension du texte. Je vais essayer d'être aussi clair que possible et je reprendrai ce que M. Cabanel a dit tout à l'heure. S'il s'agit, mon cher collègue et ami Habert, de dire que les Européens qui remplissent la condition de résidence - c'est le préalable - s'inscriront dans la commune dans les mêmes conditions que les citoyens français, c'est dans notre texte, M. Ceccaldi-Raynaud l'a rappelé à l'instant. Donc il n'y a pas lieu de l'ajouter. Le premier alinéa du texte proposé par l'amendement dispose : « Les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français... » C'était déjà à l'origine dans le traité sur l'Union ; c'est donc un principe fondamental.
Cependant, vous pensez - je vous demande instamment, monsieur Habert, de vous replonger dans le texte - que les conditions que vous avez énumérées tout à l'heure sont cumulatives. Or elles ne le sont pas. Il faut satisfaire à l'une de ces trois conditions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est alternatif, ce n'est pas continu !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Permettez-moi de rappeler les termes de l'article L. 11 du code électoral :
« Sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande :
« 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins... ». Ils doivent remplir l'une ou l'autre condition.
« 2° Le 2° se suffit à lui seul - "Ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales..." ».
« 3° Le 3° se suffit également à lui seul - "Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires publics." »
Il ne faut donc pas dire qu'ils doivent remplir les trois conditions. C'est l'une de ces conditions. Il faut qu'ils soient exactement dans la même situation que les nationaux. La meilleure façon, c'est non pas d'énumérer les conditions, mais de dire qu'il s'agit de ceux qui répondent aux mêmes conditions que les nationaux.
Si nous modifions un jour notre législation, si nous imposons à tous, d'une manière nouvelle et différente, une condition de résidence de six mois, nous verrons à ce moment-là. Pour l'instant, la France ne le fait pas. Cette idée, qui était d'ailleurs contenue dans la résolution du Sénat, je le reconnais, est justifiée dans l'esprit de chacun d'entre nous, mais elle ne peut pas passer parce qu'elle ne figure pas dans notre législation. Nous ne pouvons donc pas imposer à ces Européens autre chose que ce qui figure dans notre législation, une fois qu'ils ont franchi la condition de la résidence. C'est pourquoi nous avons voulu définir la résidence en précisant qu'elle devait avoir un caractère continu, afin qu'il n'y ait pas de confusion avec les résidences secondaires.
Aussi, je me permets, monsieur Habert, de vous suggérer de retirer votre sous-amendement. En effet, si ce que vous souhaitez c'est que les Européens accèdent dans les mêmes conditions que les citoyens nationaux, vous avez satisfaction à travers notre texte. Il ne me semble donc pas nécessaire de prolonger ce débat qui pose un problème de clarté mais qui peut se résoudre lorsqu'on lit attentivement les textes.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Les arguments de M. le rapporteur sont très convaincants, mais ils me laissent un peu perplexe. Si je comprends bien l'argumentation de M. le rapporteur, les critères qui sont aujourd'hui avancés par les deux auteurs du sous-amendement n° 31 sont repris dans le texte concernant l'ensemble des Français. Il n'y a donc pas lieu de les répéter, d'autant qu'une évolution interviendra peut-être par la suite à cet égard.
L'argumentation de M. le rapporteur me paraît se heurter à sa propre logique. En effet, il déclare que le sous-amendement ne peut être retenu car celui-ci créerait une discrimination entre les Français et les étrangers de l'Union européenne. Or il introduit, par l'amendement n° 3, une discrimination puisque la condition de résidence en continu qu'il prévoit n'est pas applicable au citoyen français.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'auteur du sous-amendement et ceux qui le soutiennent font une confusion entre les conditions pour être électeur et ce qu'est un résident.
Aux termes du traité et de la Constitution, les membres de l'Union européenne non français ont le droit de vote aux élections municipales dans les mêmes conditions que les Français. On sait ce que sont ces conditions : elles sont alternatives et M. le rapporteur les a rappelées.
En outre, ce droit de vote et d'éligibilité dans les mêmes conditions n'est accordé qu'aux citoyens de l'Union résidant en France. Le débat porte donc non pas sur les conditions pour être électeur ou éligible, mais sur les conditions pour être un résident.
Il est proposé de préciser que, pour être considéré comme un résident, la résidence doit avoir eu lieu de manière continue, l'objectif étant simplement d'exclure les résidences secondaires.
Mais en ajoutant une ancienneté quelconque, vous créez un ajout à la fois au traité et à la Constitution. Or telle n'est pas votre intention !
Je pense donc qu'il serait raisonnable de retirer votre sous-amendement. A défaut de quoi, nous serions navrés de voter contre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je rappellerai, pour éclairer tout à fait le débat, que l'article 4 de la directive dispose que, « si les ressortissants de l'Etat membre de résidence, pour être électeurs ou éligibles, doivent résider depuis une période minimale sur le territoire national, les électeurs et éligibles visés à l'article 3 sont réputés remplir cette condition lorsqu'ils ont résidé pendant une durée de résidence équivalente dans d'autres Etats membres. »
On ne peut donc pas poser la condition des six mois dans la mesure où l'article 4 de la directive communauaire constitue un argument de droit.
J'entendais M. Arnaud évoquer le sentiment des maires de son département, et je le comprends tout à fait : si les maires sont interrogés, ils répondent ainsi.
On peut penser comme vous, mais il y a la directive communautaire, et il faut l'appliquer.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je souhaite achever de clarifier les choses dans l'esprit de notre collègue et ami M. Richert, et je le ferai pratiquement comme M. Dreyfus-Schmidt tout à l'heure.
C'est une affaire dans laquelle il y a deux niveaux : un premier niveau pour accéder à la possibilité d'être inscrit sur les listes électorales municipales - c'est ce que j'appelle la clef d'entrée - et un second niveau pour s'inscrire parce qu'on en a le droit. A ce second niveau, l'inscription est soumise aux conditions générales qui s'appliquent à tous les Français, comme je l'ai dit tout à l'heure. Encore une fois, plusieurs d'entre elles ne sont pas cumulatives.
En revanche, au premier niveau, le texte fait référence aux résidents. Mais nous avons parfaitement le droit de définir la notion de résident. En effet, si un Français, dès lors qu'il remplit l'une des conditions dont nous parlions, n'est pas obligé d'être résident en France, un Européen, lui, doit résider en France ; c'est une disposition qui lui est spécifique.
Nous avons donc raison de ne pas donner la clef, en quelque sorte, du vote en France à quelqu'un qui n'y a qu'une résidence secondaire. Voilà pourquoi nous définissons cette clef comme nous l'avions fait voilà quelques années. (M. Richert fait un signe d'assentiment.)
Je constate que M. Richert est maintenant convaincu. Si la cause est entendue, comme l'on dit au tribunal, la plaidoirie doit alors cesser !
M. le président. Monsieur Habert, le sous-amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir excuser mon intervention précédente, résultant d'une confusion.
Nous voterons contre l'amendement n° 3 en raison de son alinéa qui traite de la réciprocité et qui vise à introduire une définition très restrictive de la réciprocité en tentant de n'accorder le droit de vote qu'aux ressortissants des Etats qui l'accordent effectivement aux Français.
Il ne nous paraît pas possible de souscrire à cet amendement dont je doute de l'efficience dans la mesure où un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 février 1976 a décidé qu'un Etat n'adoptant pas dans le délai prévu l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires pour se conformer à une directive a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité. Cet arrêt stipule : « Attendu par ailleurs que les retards éventuels pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une directive ne sauraient être invoqués par un Etat membre pour justifier l'inexécution même temporaire des obligations qui lui incombent ; qu'en effet le traité ne s'est pas borné à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s'applique, mais à établir un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation. »
En outre, une telle conception de la réciprocité conduirait dans certains cas à retirer purement et simplement le droit de vote à certains ressortissants communautaires résidant en France. En effet, seuls quatre pays laissent le libre choix à leurs nationaux de voter dans leur pays d'origine ou dans leur pays de résidence. Dans tous les autres Etats, dès lors que les nationaux résident dans un autre pays, ils perdent leur droit de vote dans leur pays d'origine. Ainsi, ces derniers, compte tenu de l'amendement de la commission des lois, ne pourraient voter ni en France ni dans leur pays d'origine qui n'a pas transcrit la directive.
En outre, dans notre ordre juridique interne, la signature d'une convention internationale prime sur la Constitution. Nous savons tous que les conventions internationales prennent le pas sur notre loi fondamentale. Or le traité a été signé, et notre excellent rapporteur ne fait référence, pour soutenir son argumentation, qu'à la Constitution.
Puisque la souveraineté européenne est ainsi remise en cause, nous ne pourrons voter le deuxième alinéa de cet amendement. C'est pourquoi je vous invite à le modifier, monsieur le rapporteur. S'il n'en allait pas ainsi, je vous demanderai de procéder à un vote par division, monsieur le président. En effet, nous acceptons le premier et le troisième alinéas, mais nous sommes contre le deuxième.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis quelque peu surpris, et même interloqué, par ce que je viens d'entendre, monsieur Allouche !
Je me permets de vous indiquer, mon cher collègue, que les traités ne sont pas supérieurs à la Constitution. Ils sont supérieurs aux lois ordinaires sous réserve de réciprocité, ainsi que cela est rappelé tant dans le préambule que dans l'article 55 de la Constitution. La situation n'est donc pas celle que vous évoquez.
J'en reviens à notre texte. Je suis surpris, disais-je, par cette résistance à ce qui n'est que le respect de la révision de la Constitution que vous avez votée !
J'ajoute, monsieur le ministre, que, contrairement à ce que vous paraissez croire, la mesure que je propose sera efficace. Elle est donc à la fois nécessaire et efficace.
Elle est nécessaire du fait de la réforme de la Constitution que vous avez votée. Le nouvel article 88-3 reprend en effet une disposition déjà prévue dans l'article 55 de la Constitution, à savoir que les traités s'appliquent sous réserve de réciprocité : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité de l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. »
Sans une réforme de la Constitution, le traité aurait été anticonstitutionnel. Et vous savez quels ont été les débats sur ce traité ! C'est donc cette modification de la Constitution qui a permis la ratification du traité avec une majorité dont on rappelle encore souvent aujourd'hui qu'elle a été un peu juste.
Alors, vous n'allez pas demander au rapporteur et à la commission des lois de renoncer soudain à ce dispositif qui prévoit, en plus de la réserve de réciprocité générale, une sorte de réserve de réciprocité spéciale pour l'inscription des Européens aux élections municipales et qui sera soumis de nouveau au Conseil constitutionnel. Ce n'est pas possible ! Dès lors qu'une réserve de réciprocité spéciale, distincte de la réciprocité générale, figure dans notre constitution, laquelle prévaut en dépit des traités, nous devons absolument la respecter !
J'ajoute que ce respect me paraît utile et de bon sens, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Il serait en effet choquant que les Belges et les Grecs puissent participer aux élections municipales en France, alors que nos compatriotes ne peuvent faire de même en Belgique et en Grèce ! C'est une question de bon sens. Monsieur Allouche, cela ne vous choque-t-il pas un peu, vous, qui habitez à côté de la Belgique ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, je me permets de dire que cette disposition sera efficace ; en effet, grâce à cette dernière, les Belges et les Grecs, tant que leurs pays n'auront pas transposé la directive, ne pourront pas s'inscrire sur nos listes électorales complémentaires, ce qui me paraît tout simplement normal.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, vous avez beaucoup de talent et - cela se sent - vous avez étudié le dossier. J'ai néanmoins le regret de vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous !
Bien sûr, votre système pourrait être efficace ; mais vous connaissez le fait fondamental selon lequel nous nous situons désormais dans le cadre du droit communautaire. Je ne parle pas de la réciprocité exigée pour que les traités entrent en vigueur, car c'est un autre sujet, qui est réglé.
Nous nous situons à un autre niveau, qui est celui de l'application d'une directive communautaire. Or la jurisprudence est tout à fait claire, et il n'y a pas la moindre contestation sur ce sujet : même si la réciprocité avec les autres pays n'est pas acquise, nous ne pouvons pas introduire, comme vous le souhaitez, une clause de réciprocité spéciale.
Il me semble qu'il existe une propension à considérer que l'on peut encore fixer des règles qui instaureraient une égalité entre les étrangers communautaires et les Français. C'est un peu la logique dans laquelle s'est placé M. Habert.
Mais la logique dans laquelle s'inscrivent nos travaux d'aujourd'hui est tout à fait différente, et il est quand même curieux que je sois obligé de le rappeler : c'est la logique du droit communautaire. Ce droit est le même pour tous les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, et, si certains Etats ont du retard par rapport aux autres dans la transposition en droit interne de la directive, les pays ayant déjà transposé la directive ne peuvent plus exciper du fait que telle ou telle disposition n'est pas entrée en vigueur chez leurs voisins pour refuser qu'elle s'applique sur leur territoire.
Je crois que c'est assez clair : le dispositif que nous étudions aujourd'hui relève du droit communautaire, et non plus d'un système d'engagements internationaux imposant la réciprocité.
Tout cela est terminé, dépassé !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous ne sommes plus souverains !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne mets personnellement aucune passion dans cette affaire. Nous nous battons un peu à fronts renversés, monsieur le ministre, et, soit dit au passage, cela m'amuse. Cependant, si les Belges peuvent voter en France sans que la Belgique ait transposé la directive en droit interne, je n'en ferai pas une maladie !
Je me place sur un terrain strictement juridique et j'essaie d'être cohérent avec un système que vous avez créé - pour mon malheur, je n'étais pas alors des vôtres ! - et avec l'article 88-3 de la Constitution qui dispose : « sous réserve de réciprocité ». Comment faut-il comprendre ce membre de phrase qui figure dans notre Constitution, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le principe de réciprocité intervient à propos de la ratification : il est évident que le traité n'entre en vigueur que lorsque tous les contractants l'ont ratifié.
Je sais bien que certains excipent du fait que le Danemark ne l'a pas ratifié exactement sous la même forme. Mais, jusqu'à présent, personne n'a soulevé cette exception ! On a considéré que le traité avait été ratifié et qu'il était entré en vigueur. Par conséquent, il s'applique et, dès lors, la commission est habilitée à prendre des directives.
Nous ne nous battons pas à fronts renversés, monsieur le rapporteur ! Nous sommes dans un système juridique, et je dis aux juristes que vous êtes, au Sénat, ce qu'il en est sur le plan juridique ! Nous nous situons désormais dans ce cadre. Je vous ai lu l'article 4 de la directive, et c'est ce dernier qui s'impose !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le ministre, autant que je m'en souvienne, j'avais bien dit, à l'occasion de la réforme constitutionnelle, que la réciprocité devait viser la mise en application, et non pas simplement le traité.
Bien sûr, le traité est ratifié. Mais supposez - on peut toujours raisonner par l'absurde - que le traité soit ratifié par tous - il l'est ! - et que cinq pays dont les ressortissants en France sont les plus nombreux décident de ne pas appliquer la directive ou se mettent en contradiction avec le droit communautaire. Tant qu'ils n'auront pas appliqué le droit communautaire, nous nous trouverons dans une situation qui n'est pas tolérable !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ils seraient alors condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg !
M. Jacques Larché, président de la commission. Oh, vous savez, être condamné par les tribunaux, après tout, cela nous est tous arrivé ! (Murmures ironiques sur de nombreuses travées.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il y a là un certain relativisme dans lequel je vous invite à ne pas sombrer !
M. Emmanuel Hamel. Il est pourtant bien nécessaire, monsieur le ministre !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je remercie tout d'abord M. le rapporteur d'avoir corrigé une erreur : je voulais dire que le traité était supérieur à la loi, et non à la Constitution. Je vous sais gré, mon cher collègue, de cette précision.
S'agissant de l'article 88-3 de la Constitution, permettez-moi de revenir un instant en arrière. Le projet de traité de Maastricht contenait bien cette condition d'éligibilité, mais notre loi fondamentale ne l'autorisait pas et, pour ratifier le traité, il a été nécessaire de modifier la Constitution. Nous l'avons fait en juin 1992, avec l'introduction du membre de phrase que rappelait M. le rapporteur - « sous réserve de réciprocité » - mais c'était avant la ratification ! Depuis, tous les pays de l'Union ont ratifié le traité.
A partir de là, que prévoit la directive européenne ? Nous devons la transposer et l'appliquer, sans même attendre que tous les pays l'aient transposée dans leur droit interne. Voilà donc une explication que je livre à la réflexion de M. le rapporteur : nous avons prévu la réciprocité avant la ratification pour obliger les autres Etats à respecter eux aussi ladite réciprocité, mais, maintenant que la réciprocité est admise, il n'est pas nécessaire d'attendre que la Grèce et la Belgique aient eux-mêmes transposé la directive pour l'appliquer aux Belges et aux Grecs.
Voilà pourquoi je juge cet amendement superflu. Quoi qu'il en soit, d'ici peu, j'espère que l'ensemble des pays de l'Union auront transposé la directive et que la question ne se posera plus.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En attendant, cela reste scandaleux !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je suis assez perplexe devant le tour que prend cette discussion ! Je me souviens de ce qui s'est passé en 1992 : l'article 88-3 a alors été voté, mais l'article 88-2, déjà, prévoyait le droit de réciprocité ! L'article 88-3 n'est qu'explicatif, il a pour objet d'appliquer, précisément, ce droit de réciprocité.
Nous serions-nous réunis à Versailles pour rien ? Je suis très inquiet ! Au demeurant, l'article 4 de la directive n'est pas aussi exigeant en la matière !
Je souhaiterais donc que la réflexion soit approfondie, car les arguments échangés ne me paraissent pas décisifs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous ne nous étions pas réunis à Versailles pour modifier la Constitution, il serait impossible aujourd'hui d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants de l'Union européenne autres que les ressortissants français, c'est évident ! N'ayez donc pas de regret.
Pour le reste, il est normal que la Constitution dispose que ce droit est ouvert « sous réserve de réciprocité » ; mais, précisément, puisque le traité a été approuvé par tout le monde, la réciprocité est acquise. Voilà, je crois, ce qu'il faut comprendre : c'est très simple !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En fait, nous nous sommes trompés !
M. Guy Allouche. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En outre, il est tout de même curieux de rappeler dans une loi organique ce que dit la Constitution, surtout si c'est pour lui faire dire autre chose que ce qu'elle dit !
Quoi qu'il en soit, la Constitution reste ce qu'elle est et la loi organique est élaborée en application de la Constitution. Il est donc tout à fait inutile de le préciser. Ne prenez pas le risque de faire un contresens !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Dreyfus-Schmidt vient de faire, me semble-t-il, un rappel utile.
On peut regretter la situation présente et vous connaissez mon vote personnel, je ne vais donc pas épiloguer ; mais, à partir du moment où le vote est acquis dans tous les pays signataires et où le traité entre en vigueur, il ne peut plus y avoir de clause de réciprocité !
De plus, monsieur Cabanel, ce n'est pas l'article 4 de la directive qui définit des conditions extrêmement souples pour l'interprétation de la notion de résidence, mais la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Ainsi, le 26 février 1976 - Commission contre République italienne - et le 14 février 1984 - Commission contre République fédérale d'Allemagne - la Cour a été tout à fait claire : « Ni la faute d'une institution communautaire ni le manquement d'un Etat membre ne peuvent justifier la violation par un autre Etat membre de ses obligations communautaires. Le retard éventuel pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une règle communautaire ne saurait être invoqué par un Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire, des obligations qui lui incombent. »
Tel est donc, me semble-t-il, le système dans lequel vous devez vous placer. Certains semblent découvrir les effets juridiques du traité de Maastricht. Mais le vin est tiré...
M. Guy Allouche. Il faut le boire !
M. Emmanuel Hamel. Nous ne le buvons pas !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est la jurisprudence antérieure !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur un débat juridique qui est quelque peu byzantin et dans lequel chacun peut développer son point de vue à l'infini, mais il faut quand même voir les choses avec bon sens et concrètement.
Le bon sens - nos concitoyens ont besoin de comprendre les lois ! - veut que, dans la mesure où nous ouvrons cette faculté à des Européens, les Etats d'origine de ces derniers nous l'ouvrent réciproquement et réellement, et non à travers des explications de texte raffinées. Ainsi, pour les Belges - le cas est moins vrai pour les Grecs - la situation va très vite se présenter ! Il nous faut donc légiférer aussi concrètement que possible, et il ne faut pas s'embarrasser indéfiniment de considérations juridiques. C'est un ancien élève de la faculté de droit qui le dit, le droit doit rester plein de bon sens. Votons donc des dispositions compréhensibles et acceptables !
Sans doute avez-vous eu raison, monsieur le ministre, de nous rappeler la jurisprudence et, même si je ne souscris pas à vos propos, j'admets très volontiers que votre thèse se défend. Mais que risquons-nous ? Un recours en manquement qui va durer trois ou quatre ans ? D'ici là, la transposition aura eu lieu en Belgique et en Grèce et, alors, le problème ne se posera plus !
En tout cas, pour ce qui concerne nos amis belges, si nous leur faisons sentir que nous sommes tout prêts à leur ouvrir ce droit - et nous en serions heureux car Dieu sait qu'ils jouent un rôle dans certaines régions de France - il faut qu'ils fassent de même de leur côté. Voilà qui ne pourra que les inciter à accélérer la transposition dans leur pays ! Incitons-les et, pour cela, posons ce principe de réciprocité qui, encore une fois, est un principe de bon sens.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je rappelle que j'ai été saisi d'une demande de vote par division sur l'amendent n° 3.
Je mets aux voix les premier et troisième alinéas de cet amendement.

(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le deuxième alinéa de l'amendement n° 3.

(Ce texte est adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-1 du code électoral.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L.O. 227-2 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L.O. 227-2 du code électoral, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L.O. 227-2 du code électoral.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L.O. 227-3 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 4, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-3 du code électoral, de remplacer les mots : « , L. 15 à L. 41 et L. 43 du présent code » par les mots : « , L. 15 à L. 17, L. 18 à L. 41 et L. 43 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-3 du code électoral.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L.O. 227-4 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 5, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-4 du code électoral, de remplacer les mots : « d'un Etat de la Communauté européenne », par les mots : « d'un Etat de l'Union européenne. »
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 26, MM. Durand-Chastel, Habert et Maman proposent, dans le quatrième alinéa c du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-4 du code électoral, de remplacer le mot : « privé » par le mot : « déchu ».
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Les auteurs du projet de loi organique, en employant le terme « privé de leur droit », ne tiennent pas compte du fait que les Allemands, les Anglais, les Hollandais, etc., perdent leur droit de vote aux élections municipales de leur pays d'origine lorsqu'ils résident dans un autre pays. Ils sont privés de leur droit de vote sans en être déchus.
Nous proposons donc de substituer à cette rédaction le texte même de la directive 94/80/CE, en utilisant la formule « qu'il n'est pas déchu du droit de vote dans l'Etat dont il est ressortissant », le mot déchu étant d'ailleurs retenu à juste titre à l'article 5, alinéa a de l'article L.O. 265-1, en ce qui concerne le droit d'éligibilité.
La clarté appelle une coordination des définitions. Soyons cohérents !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission s'est déclarée favorable à cet amendement, qui améliore la rédaction du projet de loi organique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le dernier alinéa d du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-4 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit là d'une question qui présente un véritable intérêt intellectuel, à savoir le double droit de vote : le texte qui nous est proposé n'autorise pas celui qui s'inscrit pour voter lors de nos élections municipales à rester inscrit sur une liste municipale dans son pays d'origine.
Permettez-moi d'évoquer les différents arguments aux termes desquels cette disposition me paraît à la fois malvenue et inutile, tout en procédant d'une conception de l'Europe qui peut surprendre.
Tout d'abord, cette disposition est malvenue tout simplement parce que, si l'on se réfère aux transpositions qui ont été maintenant réalisées dans presque tous les Etats membres, à l'exception de la Belgique et de la Grèce, on ne trouve nulle part cette interdiction.
Ainsi, un Français qui va pouvoir s'inscrire en Allemagne, en Angleterre, en Italie, etc., conservera, s'il continue naturellement à remplir les conditions prévues par la loi française, la possibilité de voter en France. Pourquoi pas ? On ne lui demande pas de brûler ses vaisseaux ou de couper ses racines ! Il aura acquis, certes, une dimension supplémentaire parce qu'il aura sa résidence permanente ou ses affaires dans un autre pays, mais cette dimension supplémentaire ne le privera pas de sa dimension d'origine ! Les Français vont donc avoir cette possibilité dans presque tous les pays, il n'y a de doute que pour la Belgique et la Grèce. Pourquoi, dès lors, nous montrerions-nous plus restrictifs pour les étrangers qui souhaitent voter chez nous ?
J'ajoute que l'on nous propose, en fait, d'interdire à des gens de s'inscrire dans leur pays. Mais cela ne nous regarde pas ! Nous n'avons pas qualité pour légiférer pour les pays voisins ! Seule une directive, une disposition commune qui le stipulerait pourrait être reprise et transposée dans le droit interne. Nous ne pouvons nous permettre de frapper d'interdit un étranger au nom de notre propre loi nationale : notre loi nationale s'applique en France, pas à l'étranger ! C'est donc une démarche tout à fait singulière que celle en vertu de laquelle nous prétendrions légiférer sur la situation des étrangers. Il faudrait en réalité disposer d'un texte européen, et nous n'en avons aucun sur ce point.
J'ajoute, enfin, que je me demande quel est l'intérêt d'une telle disposition, monsieur le ministre. Je m'adresse à vous : vous avez dit tout à l'heure, et cela m'a frappé, que cela risquait « de fausser ». Fausser quoi ? Pas les élections chez nous ! Le fait que quelqu'un vote aux élections municipales chez nous et que, un an avant ou un an après, il vote, par exemple, à une élection municipale dans le Bade-Wurtemberg ne fausse rien dans la vie politique française ; simplement, on lui laisse une capacité plus grande. Et de quel droit pourrions-nous la lui retirer ?
Enfin, au fond, c'est presque la question de la conception de l'Europe qui se pose. Dire qu'un Européen qui opte pour cette citoyenneté européenne en s'inscrivant chez nous doit absolument renoncer à sa citoyenneté nationale, c'est pousser loin la supranationalité. C'est couper le citoyen de sa base. C'est plus ou moins avancer l'idée que l'Europe abolirait complètement les appartenances nationales.
Or, moi qui, vous le savez bien, suis très favorable à la construction européenne, je suis cependant convaincu que la construction européenne se fait à partir des nations, qu'elle n'a pas vocation à abolir nos racines, à abolir nos systèmes nationaux, et encore moins nos systèmes communaux. Encore une fois, elle donne une dimension supplémentaire, qui s'exprime à travers cette faculté de vote ; pour autant, elle ne doit pas être privative de droit.
J'y vois un peu - si j'ose le dire à quelqu'un dont je crois savoir qu'il est ministre des cultes - une sorte d'intégrisme européen qui me surprend.
En résumé, nous n'avons ni qualité, ni raison, ni intérêt pour imposer cette interdiction, qui nécessiterait un texte européen.
Ne légiférons pas au-delà de nos frontières. Donc, mon dieu ! faisons ce qu'ont fait les autres, respectons les droits de chacun ! Et puis, si les Allemands, par exemple, veulent prendre des dispositions pour que ceux qui s'inscrivent en France ne puissent plus voter en Allemagne, qu'ils le fassent ! Cela les regarde, c'est leur législation interne, ce n'est pas notre affaire.
Nous dépasserions, sans aucune raison, le champ de notre pouvoir en adoptant le texte qui nous est proposé. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer.
M. le président. Monsieur le ministre, avant de vous demander l'avis du Gouvernement, puis-je vous adresser une prière ? Celle de ne pas engager le débat sur cette compétence à laquelle a fait allusion M. le rapporteur, car cela nous entraînerait sans doute un peu loin ! (Sourires.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je ne pense pas être suspect d'intégrisme, fût-il européen. (Sourires.) Véritablement, ce point m'avait échappé, monsieur le rapporteur.
A titre personnel, il me paraît assez aberrant et contraire au principe d'égalité que l'on donne à telle ou telle personne la possibilité de voter en différents lieux ; c'est la négation du principe du suffrage universel.
C'est la loi nationale, et nous ne pouvons donc pas l'imposer aux autres, dites-vous. Mais vers quelle identité européenne nous acheminons-nous ? Voulons-nous une Europe républicaine, fondée sur quelques principes de base, dont le principe d'égalité, - je ne parle pas de la laïcité, bien que j'y tienne particulièrement - me paraît faire partie ?
On vote une fois, et non pas deux ou trois. On voit d'ailleurs très bien qui pourrait voter deux ou trois fois ; tout le monde n'a pas une résidence dans plusieurs communes !
Selon vous, cela ne faussera pas le résultat. Si, tout vote peut fausser une élection.
Je me souviens qu'à une époque où Valéry Giscard d'Estaing était président de la République, on avait demandé à François Mitterrand, qui était encore premier secrétaire du parti socialiste, combien, selon lui, il fallait de voix pour gouverner en France. Valéry Giscard d'Estaing disait alors qu'il fallait deux voix sur trois. François Mitterrand, prenant un air songeur, avait dit qu'il fallait 50 % des voix plus une. C'est cette voix, cette unique voix qui peut fausser le résultat d'une élection. M. Jacques Larché, président de la commission, et M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pas en France !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Pourquoi pas en France ? Si un électeur du Wurtemberg, avez-vous dit - ce peut être aussi un Finlandais, un Irlandais, un Grec, etc. - fait pencher la balance, d'une certaine manière, il fausse le vote. Et si ce n'est pas ici, c'est à Leonberg, ville jumelle de Belfort, à Thessalonique ou ailleurs.
Le principe d'égalité est un principe auquel nous devrions rester attachés.
Cela étant, je vous ai fait part de mon point de vue, monsieur le rapporteur, mais il est vrai - vous l'avez fort bien dit - que, si ce débat a un grand intérêt intellectuel, son intérêt pratique est somme toute assez modeste.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement tend à autoriser le double vote.
S'il est vrai que la présente directive est moins explicite que la directive « élections européennes », le projet de loi du Gouvernement actuel, tout comme le projet de loi du Gouvernement précédent, tend, lui, à l'interdire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le même !
M. Guy Allouche. Il est vrai que le précédent gouvernement avait indiqué à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de résolution de M. Fanton, qu'il ne plaidait pas pour l'interdiction du double vote, car un contrôle serait trop lourd à mettre en oeuvre pour les élections municipales, tout en aujoutant que les législations nationales exigeaient un lien réel entre la collectivité locale et le citoyen pour autoriser le vote, et qu'ainsi les risques de double vote seraient limités.
Il n'y a donc aucune raison valable pour l'autoriser. C'est un principe de base du droit électoral que d'interdire le double vote : un homme, une voix. D'autant que le libre choix pour voter aux municipales n'est possible que dans quatre Etats sur les quinze : la France, l'Italie, la Grèce et l'Espagne.
En outre, la décision du Conseil constitutionnel en date du 9 avril 1992, saisi par le Président de la République, François Mitterrand, sur la base de l'article 54 de la Constitution, précise dans son vingt-deuxième considérant - décision publiée au Journal officiel de la République française du 11 avril 1992, page 5356 : « Considérant que les modalités à arrêter auront pour objet de fixer les règles applicables à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité ; qu'au nombre de celles-ci figurent notamment la preuve de la jouissance des droits civiques dans l'Etat d'origine, la durée de résidence dans l'Etat dont l'intéressé n'est pas le ressortissant ainsi que la prohibition des doubles inscriptions ».
Par conséquent, dans son considérant, le Conseil constitutionnel avait déjà prévu que le double vote n'était pas autorisé.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre, et nous appelons la Haute Assemblée à respecter ce principe de droit républicain électoral.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je ne suis pas non plus un dévot de Maastricht ; mais ce n'est pas cette considération qui m'anime.
Des arguments juridiques ont été donnés, qui sont excellents, mais il faut y ajouter des arguments d'ordre moral. Il n'est pas moral qu'une même personne puisse voter deux fois. Cela ne peut pas être accepté, et je ne fais pas mien le raisonnement de M. le rapporteur s'agissant des conséquences de ce refus sur la conception de l'Europe. A partir du moment où quelqu'un pourrait voter deux ou trois fois dans des pays différents, il n'y aurait plus de pays et, bien au contraire, c'est à ce moment-là que l'Europe aurait effacé les nations.
Par conséquent, je ne peux pas souscrire à un système qui, à défaut d'être pire, ressemblerait en tout cas au système qui s'applique en Corse, où l'on fait voter les morts ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est lui qui le dit !
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Bien que sensible à l'argument de nos collègues socialistes et aux propos de M. le ministre sur les citoyens qui voteront deux fois, je voterai néanmoins l'amendement de la commission, car l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure sur la complémentarité que je recherchais entre l'enracinement national et l'émergence d'une citoyenneté européenne m'incite à aller dans le sens de M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Tout à l'heure, j'ai fait connaître mon sentiment personnel. Au nom du Gouvernement, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je voterai l'amendement de la commission.
Il faut bien se persuader d'une chose : la construction européenne, je le disais tout à l'heure à la tribune, est une association librement consentie de nations souveraines.
Il est vrai que ce texte, qui existe déjà depuis un certain temps, en introduisant l'alinéa d, tend à faire prédominer une disposition française qui n'est pas retenue dans certaines transpositions de la directive par d'autres pays de l'Union. Nous sommes donc en train, nous Français, de faire une loi supranationale.
Bien que je sois, moi aussi, choqué par le fait que quelqu'un puisse voter deux fois, force est de constater que, si l'Allemagne, le Bade-Wurtemberg ou l'Italie, par exemple, ne veulent pas sanctionner cette pratique, nous sommes mal placés pour demander à un citoyen d'un autre pays de l'Union de fournir une déclaration écrite telle que prévue au paragraphe d du texte proposé pour l'article L.O. 227-4. Nous nous engagerions alors dans la voie de la supranationalité, et nous ferions preuve d'une certaine audace de supranationalité française.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je comprends très bien qu'un citoyen européen résidant en France et non français veuille voter en France là où il a sa résidence continue et que, par ailleurs, il vote également là où il a ses racines.
Seulement, il faut qu'il y ait une égalité de traitement entre tous les citoyens de l'Union européenne. Or, nombreux sont les Français qui sont obligés de voter là où ils habitent, rayés qu'ils ont été des listes du village où ils ont leurs racines parce qu'ils n'y ont pas leur résidence, alors qu'ils auraient aimé continuer à y voter.
Il faut donc qu'il y ait égalité de traitement, et puisqu'un Français ne peut pas voter là où il a sa résidence principale et ses intérêts professionnels, et dans la commune de son origine, il faut également refuser ce droit aux résidents non nationaux membres de l'Union européenne.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pour conclure, je voudrais indiquer à M. Allouche qu'il faut se méfier des citations de considérants de décisions de justice ou d'autorités quelles qu'elles soient : ce qui compte c'est le dispositif. Un considérant peut être clair mais il peut donner lieu à des divergences d'interprétation.
Pour ma part, j'interprète le considérant que vous avez cité comme signifiant qu'il ne doit pas y avoir de double inscription en France, ce qui correspond à notre culture, un point c'est tout. Je ne pense pas que l'on se soit soucié de savoir s'il existait une double inscription en dehors des frontières de notre pays.
En ce qui concerne l'idée d'égalité, je reviens, monsieur le ministre, sur notre débat un peu philosophique, car j'ai aimé vous entendre parler de l'égalité des citoyens européens. En effet, la citoyenneté européenne est un but, mais elle n'est pas une réalité. Certes, nous la construisons pas à pas, mais elle est encore vagissante, il faut bien le reconnaître, et je ne suis pas certain que vous soyez de ceux qui souhaitent accélérer outre mesure le processus !
Mais, en l'occurrence, vous franchissez le pas. En effet quand vous parlez de l'égalité entre les citoyens européens, vous posez un principe qui ne figure dans aucun traité. Il y a égalité entre les citoyens d'une même nation, mais il n'est écrit nulle part qu'il doit y avoir égalité entre les citoyens de l'Union européenne. C'est un idéal, auquel je souscris personnellement, mais il est loin d'être atteint. Lorsqu'il le sera, la supranationalité aura triomphé - j'espère que M. Hamel m'écoute,...
M. Emmanuel Hamel. Je vous écoute toujours, monsieur le rapporteur !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... car cela ne correspond pas vraiment à ses souhaits - et notre amendement tient justement compte du fait que nous en sommes encore très loin.
Je ne crois d'ailleurs pas, pour ma part, qu'il soit souhaitable que la construction européenne se fasse sur les ruines de nos appartenances nationales. Telle est ma conception ; ne parlons donc pas de cette égalité entre citoyens de l'Union européenne.
Quant à l'égalité dont a parlé M. Dreyfus-Schmidt, j'avoue que je ne comprends pas très bien. En effet, ce qui serait inégal, ce serait justement de refuser aux ressortissants des autres pays de l'Union européenne ce qui est accordé chez eux, puisque presque tous les Etats membres ont transcrit la directive en droit interne, aux citoyens français. Il s'agirait alors vraiment d'une inégalité, car les Français bénéficieraient de cette faculté de double inscription, tandis que les autres ressortissants de l'Union européenne se verraient interdire cette possibilité chez nous, en vertu encore une fois d'un texte purement national qui prétendrait faire la loi au-delà de nos frontières, ce qui serait singulier.
D'ailleurs l'article L. 12 du code électoral dispose : « Les Français et les Françaises établis hors de France et immatriculés au consulat de France peuvent, sur leur demande, être inscrits sur la liste électorale de l'une des communes suivantes :
« Commune de naissance ;
« Commune de leur dernier domicile... »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais seulement de l'une de ces communes !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Vous n'en savez rien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah si !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Les législations d'autres Etats de l'Union ne l'interdisent pas ! Encore une fois, ne légiférons pas pour les autres, et puisque les autres n'y ont pas vu d'inconvénient et nous accordent ces possibilités, de quel droit allons-nous les leur refuser ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est différent pour nous !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je m'étonne de vous entendre dire, monsieur le rapporteur, que vous attachez une importance toute relative à des considérants d'une décision du Conseil constitutionnel.
Il m'étonnerait que le Conseil, dans sa décision, n'ait évoqué que la double inscription en France, car, pour s'inscrire, il faut avoir une résidence principale et, sans revenir sur le débat antérieur, quel est le Français qui pourrait s'inscrire dans deux communes ? Je ne crois donc pas que le Conseil ait visé une double inscription pour les Français.
Sincèrement, monsieur le rapporteur, votre argument me paraît spécieux, pardonnez-moi de vous le dire.
Le texte en question vise les citoyens de l'Union européenne. Il est d'ailleurs précisé, juste avant, que l'intéressé doit jouir de ses droits civiques dans son pays d'origine en prohibant les doubles inscriptions dans son pays d'origine et dans le pays où il réside.
C'est ainsi qu'il faut comprendre ce considérant. Un Français résidant en France ne peut être inscrit sur deux listes électorales, pour des élections municipales notamment, tout le monde le sait !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il est adopté contre l'avis de quelques élus du RPR !
M. Emmanuel Hamel. Malheureusement minoritaires !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-4 du code électoral.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L.O. 227-5 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 227-5 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L.O. 227-5 du code électoral est supprimé.

ARTICLE L.O. 227-6 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 227-6 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L.O. 227-6 du code électoral est supprimé.

ARTICLE L.O. 227-7 DU CODE ÉLECTORAL

M. le président. Par amendement n° 9, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 227-7 du code électoral :
« Art. L.O. 227-7. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende :
« a) Le fait de s'être fait inscrire sur la liste électorale complémentaire sous une fausse résidence, sous de faux noms ou de fausses qualités, ou d'avoir dissimulé, en se faisant inscrire, une incapacité électorale dans l'Etat dont on est ressortissant ;
« b) Le fait d'avoir demandé et obtenu son inscription sur plusieurs listes électorales complémentaires ;
« c) Toute fraude dans la délivrance ou la production d'un certificat d'inscription ou de radiation des listes électorales complémentaires ;
« d) Le fait de s'être fait inscrire sur une liste électorale complémentaire ou d'avoir tenté de le faire, à l'aide de déclarations frauduleuses ou de faux certificats, et de faire indûment inscrire ou radier ou de tenter de le faire, à l'aide des mêmes moyens, une autre personne. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement d'ordre rédactionnel prenant en compte la nouvelle rédaction du code pénal.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L.O. 222-7 du code électoral est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Chapitre II

Des règles spécifiques d'éligibilité
des ressortissants d'un Etat membre
de la Communauté européenne autre que la France

M. le président. Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans cet intitulé, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre II est ainsi modifié.

Article 2


M. le président. « Art. 2. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 228-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 228-1. - Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France qui :
« a) Soit sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune ;
« b) Soit remplissent les conditions légales autres que la nationalité française pour être électeurs et être inscrits sur une liste électorale complémentaire en France et sont inscrits au rôle d'une des contributions directes de la commune ou justifient qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection. »
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L.O. 228-1 du code électoral :
« Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne autres que la France dont l'Etat d'origine accorde aux Français qui y résident un droit d'éligibilité équivalent dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre, et qui : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement, n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 2 pour l'article L.O. 228-1 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne peuvent pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 30, présenté par M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés, et visant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 12 pour le dernier alinéa de l'article L.O. 228-1 du code électoral par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, ils sont remplacés par le candidat français venant immédiatement après le dernier candidat élu de la liste sur laquelle ils se sont présentés à l'élection au Conseil de Paris. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement a trait au cas particulier des membres du Conseil de Paris qui n'auraient pas la nationalité française et qui ne pourraient pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général.
Il s'agit donc du statut très particulier de la ville de Paris, ainsi que nos collègues l'ont fait observer. Il convient effectivement de tenir compte de la particularité de ce statut.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre le sous-amendement n° 30.
M. Guy Allouche. Il s'agit d'un sous-amendement de conséquence à l'amendement n° 12.
Nous avons pensé qu'il fallait assurer la permanence de l'effectif au Conseil de Paris siégeant en qualité de conseil général. Etant donné qu'il y aura peut-être un jour des conséquences d'ordre politique quant à l'équilibre des forces en présence au Conseil de Paris, il nous a paru nécessaire de faire en sorte que les conseillers de Paris européens non français qui y siègent soient remplacés par des conseillers français lorsque le Conseil de Paris siège en qualité de conseil général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je l'ai rappelé tout à l'heure ; je crois être, avec la permission de M. Allouche, le père naturel de cet enfant dont il est le père légitime et je ne puis donc, dans ces conditions, que l'aimer encore plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne s'en vante pas, en général ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Certes, mais dans ce domaine il y a des exceptions ! Vous savez, les moeurs évoluent rapidement !
Quoi qu'il en soit, la commission accepte le sous-amendement n° 30.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 30.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 12. En effet, cet amendement, qui tend à interdire aux élus non français de participer aux délibérations du Conseil de Paris quand il se réunit en qualité de conseil général du département de Paris, se heurte à deux objections de fond et à une objection de forme.
Sur le fond, le législateur intervient dans un texte qui s'intègre dans l'article 88-3 de la Constitution. La loi organique règle les conditions dans lesquelles le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux citoyens de l'Union résidant en France, aux termes de la Constitution. Si le législateur intervenait en cette matière qui touche à l'organisation des collectivités territoriales - et à l'organisation de deux d'entre elles au moins, la ville de Paris et le département de Paris - qui relève de la loi simple, il excèderait sa compétence.
On pourrait dire aussi, à certains égards, que l'équilibre des forces au sein du Conseil de Paris se trouverait modifié par l'exclusion des élus qui n'ont pas la nationalité française. Il est vrai que leur remplacement par des conseillers français est une réponse à cet argument de fond.
S'agissant de la forme, ce sujet étant étranger au droit électoral, la disposition en cause aurait sa place non pas dans le code électoral, mais dans le code général des collectivités territoriales aux articles relatifs au fonctionnement du Conseil de Paris siégant en qualité de conseil général.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux que donner un avis défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. On ne peut pas accepter le sous-amendement sans être favorable à l'amendement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Les deux sont liés !
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous avons longuement discuté ce point ce matin en commission.
Dans un premier temps, nous nous sommes fondés sur un arrêt du Conseil d'Etat qui ne semblait pas faire de différence : il concernait un ancien maire de Paris qui était en même temps conseiller général de Corrèze, autant que je me souvienne, et qui, de ce fait, avait vu sa situation de maire de Paris et de conseiller général de Paris contestée. Le Conseil d'Etat avait trouvé une formule selon laquelle les conseillers généraux de Paris n'étaient pas de vrais conseillers généraux.
M. Jean-Jacques Hyest. Oh !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Eh bien oui ! Cela a été dit.
M. Jacques Larché, président de la commission. C'était un peu cela.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Le conseil général de Paris n'est pas un conseil général !
M. Jacques Larché, président de la commission. Je résume sommairement un arrêt du Conseil d'Etat qui, évidemment, ne se permettrait pas de dire des choses de ce genre, vous vous en doutez ! Il n'était donc pas un vrai conseiller général et le problème ne se posait donc pas.
Un de nos collègues nous a fait remarquer - c'est pour cela que nous avons modifié notre position - que la loi de 1982 réformant le statut de Paris est venue modifier la situation juridique, tout au moins apporter des précisions, en opérant très nettement la distinction et en indiquant bien qu'il y a, dans la personne élue au Conseil de Paris, une double personnalité, une double fonction : elle est à la fois conseiller municipal et conseiller général. La Constitution nous permet de donner la qualité de conseiller municipal à des ressortissants communautaires. La loi de 1982 dispose : « Outre la commune de Paris, le territoire de la ville de Paris recouvre une seconde collectivité territoriale, le département de Paris. Les affaires de ces collectivités sont réglées par les délibérations d'une même assemblée ».
Le problème se pose donc de savoir, pour éviter des contentieux éventuels, si le conseiller municipal d'origine communautaire peut siéger au Conseil de Paris lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général.
Après avoir beaucoup réfléchi, nous avons estimé qu'il ne le pouvait pas. Nous n'avons pas, je dois le dire très honnêtement, de certitude absolue, mais cette solution nous paraissait, du point de vue juridique, la plus correcte. Par voie de conséquence, nous en avons déduit que, pour des raisons d'équilibre, il fallait prévoir le remplacement de ce conseiller dans un certain nombre de cas. Tel est l'objet du sous-amendement n° 30 de M. Allouche.
Il existe donc bien un lien intellectuel entre l'amendement et le sous-amendement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il est vrai que, là encore, nous nous sommes heurtés à une querelle quelque peu byzantine. C'est comme Dieu en trois personnes ! Il s'agit d'un élu qui est non seulement conseiller municipal, mais aussi conseiller général. Il est très difficile de démêler ce genre de querelle...
M. Guy Cabanel. Ce n'est pas très républicain !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pas très républicain, peut-être, encore que la République...
Il faut adopter des dispositions claires. Il nous paraît tout de même qu'être membre du Conseil de Paris quand celui-ci statue comme conseil municipal n'est pas la même chose qu'en être membre quand il statue comme conseil général. Nous avons donc pensé, à la demande des élus parisiens de la commission, qu'il fallait proposer un texte spécial.
Ce dernier, qui excluait les Européens de la possibilité de participer au vote lorsque le Conseil de Paris statue en tant que conseil général, risquait de créer des vides, voire de renverser une majorité, dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait été acquise qu'à une ou deux voix, la majorité du conseil général devenant différente de celle du conseil municipal, conséquence fâcheuse et contestable !
Ainsi que nous le verrons tout à l'heure à propos des membres des conseils municipaux qui participent aux élections sénatoriales, nous avons trouvé la solution que j'exposais dans mon introduction et qui consiste à faire voter le candidat français venant immédiatement après sur la même liste. Le système est donc cohérent : c'est le sous-amendement n° 30 de M. Allouche.
Tout se tient et signifie clairement que le Conseil de Paris, quand il se réunira en qualité de conseil général, sera composé un peu différemment s'agissant de ses membres étrangers.
M. Philippe Richert. C'est logique !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère que le Conseil de Paris est élu au cours d'élections municipales. Il se trouve que l'on a confié à ce conseil municipal des fonctions qui sont attribuées aux conseils généraux ; mais les élections se font au même moment.
Est-il imaginable d'interdire à certains candidats, parce qu'ils sont européens, d'intervenir sur le programme relatif au département ? Il me paraît extrêmement difficile de faire une telle distinction !
De plus, l'argument selon lequel la loi de 1982 aurait rendu caduc l'arrêt du Conseil d'Etat ne me paraît pas pertinent dans la mesure où cette loi de 1982 a repris des dispositions qui existaient pour la ville de Paris dans le statut antérieur et qui prévoyaient des fonctions différentes. Or il y avait toujours un seul conseil municipal de Paris !
Je rappelle d'ailleurs à certains que la ville-département n'a pas existé depuis la Constituante puisque le département de la Seine n'a été découpée qu'en 1964.
Je considère que les élus du Conseil de Paris qui seraient membres de l'Union européenne pourraient participer à toutes les délibérations. Mais, en même temps, comme il se pose véritablement un problème constitutionnel, si l'amendement est voté, il est évident que le Conseil constitutionnel aura à se prononcer. C'est une précaution nécessaire parce qu'il pourrait en effet y avoir des contentieux si l'on ne soulevait pas ce point de vue.
En ce qui me concerne, je suis défavorable à l'amendement n° 12 et au sous-amendement n° 30, mais je m'abstiendrai lors du vote de ces textes pour permettre au Conseil constitutionnel de nous départager.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis intéressé par le raisonnement que je viens d'entendre, à l'exception de sa conclusion, parce que si tout le monde s'abstient, le Conseil constitutionnel n'aura pas à nous départager !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout le monde ne s'abstiendra pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne comprends pas l'argument du Gouvernement.
M. le ministre nous dit, alors que nous sommes en train de discuter d'un projet de loi organique, que le Conseil de Paris relève d'une loi simple. Or c'est dans le texte même qui nous est proposé par le Gouvernement que l'on parle du Conseil de Paris. Nous ne faisons donc, par le sous-amendement n° 30 et l'amendement n° 12 qui sont liés, que suivre le Gouvernement sur le terrain qu'il nous a tracé ! C'est ma première observation.
Ensuite, le Gouvernement a bien fait d'évoquer le cas du Conseil de Paris, compte tenu du statut hybride de celui-ci, qui est à la fois conseil municipal et conseil général.
Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à ce que des ressortissants de l'Union européenne siègent au Conseil de Paris, même lorsqu'il statue en tant que conseil général.
Je ne verrais même aucun inconvénient à ce que des étrangers ayant une ancienneté certaine siègent dans les conseils municipaux ainsi qu'au conseil municipal de Paris, mais nous risquons de voir les décisions du Conseil de Paris statuant comme conseil général annulées parce que la Constitution ne permet pas que des ressortissants de l'Union européenne non français siègent autre part que dans un conseil municipal. Or il est évident que le Conseil de Paris est, dans certains cas, autre chose qu'un conseil municipal !
Voilà pourquoi nous voterons, bien entendu, le sous-amendement n° 30 et également l'amendement n° 12.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 30, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. « Art. 3. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 230-2 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 230-2. - Ne peuvent être conseillers municipaux ni membres du conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France déchus du droit d'éligibilité dans leur Etat d'origine. »
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 230-2 du code électoral, de remplacer les mots : « des Etats membres de la Communauté européenne » par les mots : « des Etats membres de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. « Art. 4. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 236-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 236-1. - Tout conseiller municipal ou membre du conseil de Paris ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France, qui pour une cause survenue postérieurement à son élection se trouve dans le cas d'inéligibilité prévu par l'article L.O. 230-2, est déclaré démissionnaire d'office par le représentant de l'Etat dans le département ou le territoire. »
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 236-1 du code électoral, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin du texte présenté par l'article 4 pour l'article L.O. 236-1 du code électoral, de supprimer les mots : « ou le territoire ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. D'une manière en quelque sorte incidente, et avant même d'aborder l'article du projet de loi organique qui prévoit l'applicabilité de ce texte aux territoires d'outre-mer, nous sommes confrontés à ce problème. Nous devons donc le traiter à ce moment de notre parcours.
J'ai indiqué tout à l'heure - j'évoque brièvement mon argumentation - qu'en fait l'Assemblée de Polynésie française n'a pas été consultée. Elle s'est saisie du problème et elle a émis un avis défavorable à cette applicabilité automatique en faisant observer que le traité de Rome n'était applicable à la Polynésie que sur quelques points expressément visés dans la IVe partie. D'ailleurs, ce traité de Rome ne mentionne évidemment pas le sujet que nous évoquons ce soir. En outre, la IVe partie n'a pas été modifiée par le traité sur l'Union européenne, lequel n'est au demeurant pas modifié sur ce point par le traité d'Amsterdam, qui reporte expressément aux calendes grecques - si j'ose dire - les délibérations sur ces questions du statut et des relations avec les territoires d'outre-mer.
Pour toutes ces raisons, on ne peut pas déclarer d'emblée que le texte est applicable aux territoires d'outre-mer.
Notre collègue et ami M. Millaud, qui ne peut pas être ici parce qu'il est actuellement souffrant, a beaucoup insisté pour que nous prenions ce point en considération. Il a paru légitime à la commission de le faire.
Nous avons donc déjà adopté cet amendement n° 15 à l'article 4. Nous retrouverons ultérieurement ce point de vue d'une manière plus officielle sur l'ensemble du texte : il s'agit d'exclure les territoires d'outre-mer de l'applicabilité de ce texte de transposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'ensemble du code électoral n'est pas applicable de plein droit aux territoires d'outre-mer. Il ne traite que des départements, qu'ils soient métropolitains ou d'outre-mer, et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il n'est donc jamais fait mention des territoires d'outre-mer dans le code électoral. La mention du « chef de territoire » à l'article en cause est donc une erreur de plume.
Le Gouvernement est favorable, mais pour une autre raison que celle de M. le rapporteur, à la suppression de ladite mention.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 265-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 265-1. - Chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France, la nationalité de celui-ci est portée sur la liste en regard de l'indication de ses nom, prénoms, date et lieu de naissance.
« En outre, est exigée de l'intéressé la production :
« a) D'une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans l'Etat dont il a la nationalité ;
« b) Des documents officiels qui justifient qu'il satisfait aux conditions d'éligibilité posées par l'article L.O. 228-1.
« En cas de doute sur le contenu de la déclaration visée au a ci-dessus, est exigée, avant ou après le scrutin, la présentation d'une attestation des autorités compétentes de l'Etat dont l'intéressé a la nationalité, certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans cet Etat ou qu'une telle déchéance n'est pas connue desdites autorités. »
Par amendement n° 16, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L.O. 265-1 du code électoral, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. Par amendement n° 17, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 256-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 256-1. - Dans les communes visées à l'article L. 256, chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, les dispositions de l'article L.O. 265-1 sont applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit de la disposition selon laquelle, lorsqu'ils figurent sur des listes dans des communes au-delà de 3 500 habitants - où les listes sont obligatoires -, les candidats européens doivent indiquer leur nationalité.
Nous approuvons cette disposition.
Je dois dire au passage qu'il nous a été fait observer que ce serait une discrimination. Nous répondrons que non. En effet, quand on voit une liste électorale, on suppose que tout le monde est français. Si quelqu'un n'est pas français, il faut donc l'indiquer : c'est le minimum d'information que l'on doit aux électeurs. Cette mesure nous paraît donc bonne.
Nous pensons cependant qu'il faut l'étendre aux communes de 2 500 habitants et au-delà, dans lesquelles il y a aussi présentation de listes, parce que cela n'a pas été prévu et qu'il est bon que, sur ces listes-là comme sur celles des communes de plus de 3 500 habitants, on indique la nationalité d'un candidat qui ne serait pas français afin qu'il ne soit pas présumé français par les électeurs, lesquels ne sont pas obligés de savoir de quelle nationalité est le candidat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
En effet, dans les communes de plus de 3 500 habitants, en raison du mode de scrutin, qui est applicable pour la désignation des conseillers municipaux, les listes de candidats sont astreintes au dépôt d'une déclaration de candidature à la préfecture ou à la sous-préfecture.
En revanche, dans les communes qui ont moins de 3 500 habitants, il n'existe pas de dépôt de candidature puisque ces communes relèvent du chapitre II - dispositions spéciales aux communes de moins de 3 500 habitants - du titre IV du livre Ier du code électoral. Vouloir leur appliquer l'article L.O. 265-1 nouveau est donc peu cohérent, puisque aucune autorité n'est compétente pour recevoir une déclaration de candidature et les pièces qui doivent l'accompagner, parmi lesquelles celles qui sont mentionnées par votre amendement. Ce serait donc une formalité impossible.
Au surplus, on notera que les documents relatifs au dépôt des cadidatures dans les communes de plus de 3 500 habitants ne sont pas publics. Ils ont uniquement pour objet de permettre à l'administration de s'assurer de la régularité de chaque candidature figurant sur les listes de candidats et - comme il a été dit à M. Cabanel - ce serait évidemment très discriminatoire. Pas plus que pour les élections européennes, il n'est exigé que les bulletins de vote mentionnent la nationalité des candidats dans les communes de plus de 3 500 habitants, pas plus pour les élections municipales et dans ces types de communes, on ne peut manifester de telles exigences.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 5.
Par amendement n° 25 rectifié, MM. Richert, Grignon, Hoeffel et Ostermann proposent d'insérer, toujours après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L.O. 265-1 du code électoral, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.O. ... - Dans l'hypothèse où la composition de la liste est mixte, elle doit être proportionnellement représentative aux nombres de votants inscrits sur les listes électorales ordinaires et complémentaires.
« Dans les communes où le nombre d'inscrits sur la liste électorale complémentaire est égal ou supérieur à 30 % du nombre total de votants inscrits, la représentativité des ressortissants de l'Union européenne sur une liste ne peut excéder 30 % des sièges à pourvoir. Cette représentativité doit également être respectée, après élection, pour le nombre de sièges pourvus. »
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Tout à l'heure, M. le ministre disait que, somme toute, l'influence du vote des étrangers de l'Union européenne résidant en France aux élections municipales ne serait pas très importante puisque leur nombre était relativement limité eu égard à l'ensemble des étrangers qui résident dans notre pays.
Cela est certainement vrai dans les grandes agglomérations. Toutefois, certaines régions de France - je pense en particulier à l'Alsace - connaissent des situations un peu particulières.
En effet, depuis quelques années, en Allemagne, l'immobilier est nettement plus cher qu'en France : il y est deux fois, presque trois fois plus cher. Mais, dans le même temps, en raison de la proximité immédiate de ces deux pays - il suffit de passer le Rhin -, parce que l'immobilier est rare en Allemagne et parce que les moyens financiers dont disposent les ressortissants allemands sont nettement plus importants que ceux dont bénéficient les Français, dans certaines communes riveraines du Rhin, toutes les nouvelles résidences sont construites par des Allemands. Il n'y a plus aucune transaction immobilière qui ne soit le fait d'un Allemand. Les Français ne sont plus concurrentiels.
Monsieur le ministre, cela ne joue pas à la marge ; il ne s'agit pas que d'un quelconque pourcentage. Aujourd'hui, dans certaines communes, les résidents allemands représentent environ 30 %, voire plus, de la population. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cet amendement aux termes duquel, dans ces communes où le pourcentage de résidents allemands dépasserait un certain seuil, que j'ai fixé à 30 %, on garantirait une présence minimum de Français dans les conseils municipaux de façon que ceux-ci ne soient pas totalement dépourvus de représentants nationaux pour gérer les affaires de la commune.
Certes, on va m'opposer - et la commission ne manquera pas de le faire - l'argument selon lequel la directive ne prévoit pas cette dérogation et qu'aujourd'hui n'est prévue qu'une dérogation sur le plan national. En effet, il est prévu dans cette directive que, lorsque la proportion de citoyens de l'Union qui résident dans un pays sans en avoir la nationalité dépasse un quota de 20 %, des mesures sont prises pour réserver une représentation minimum aux ressortissants du pays.
Certes, cela arrange bien le Luxembourg, qui est pour ainsi dire une ville-pays, mais on ne pensait pas que le problème pourrait se poser aussi rapidement pour un certain nombre de communes riveraines, peut-être un peu en marge. Il ne faudrait pas donner à ces communes le sentiment que l'on ne prend pas en compte la volonté de démontrer leur appartenance nationale manifestée par les personnes qui y habitent.
L'amendement que je défends est soutenu par l'ensemble des parlementaires alsaciens, MM. Grignon, Hoeffel et Ostermann, qui l'ont cosigné, mais aussi MM. Eckenspieller et Lorrain.
Je souhaite que cette spécificité de notre région soit prise en compte, d'autant que l'Alsace, vous le savez, n'a pas rechigné pour apporter largement sa contribution à la ratification du traité de Maastricht. Nous sommes des Européens convaincus. Nous sommes plus que d'autres attachés à la construction européenne, mais nous souhaitons aussi, dans les affaires de nos communes, pouvoir continuer à dire notre mot.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut malheureusement pas vous suivre, monsieur Richert.
Vous avez fait allusion aux traditions de l'Alsace, à la place de cette province dans notre histoire, à ce qu'elle a été, à ce qu'elle est et à ce qu'elle continuera d'être, au rôle, certainement éminent, qu'elle jouera dans la construction européenne. Je suis un peu Alsacien de coeur.
M. Philippe Richert. Largement !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il nous arrive d'ailleurs de débattre des traditions et du folklore alsaciens, sur lesquels j'en sais aussi long que vous, mon cher collègue, et même certaines fois...
Malheureusement, quelle que soit notre sympathie pour cette province qui nous est très chère, nous ne pouvons pas entrer dans la voie tracée par cet amendement pour deux raisons.
Tout d'abord, ce serait créer une dérogation qui n'existe pas dans la directive. Ensuite, cette mesure n'est pas nécessaire. Cette seconde raison serait d'ailleurs suffisante à elle seule et c'est peut-être la meilleure. Mais je vais malgré tout expliciter la première.
Le chapitre III de la directive prévoit des dispositions dérogatoires et transitoires. Son article 12 dispose que, « si dans un Etat membre, à la date du 1er janvier 1996, la proportion de citoyens de l'Union qui y résident - dans l'Etat et non pas dans la commune - sans en avoir la nationalité et qui ont atteint l'âge de vote dépasse 20 % de l'ensemble des citoyens de l'Union en âge de voter et qui y résident, cet Etat membre peut par dérogation à la présente directive... ». Suit une série de dispositions particulières.
Dès lors que la directive a envisagé le dépassement d'un certain quota national pour autoriser des mesures particulières alors qu'elle n'a pas envisagé le dépassement d'un quota communal, si nous, nous prévoyons ce dépassement d'un quota communal, nous allons créer une mesure discriminatoire non conforme à la directive. Je ne crois pas que, juridiquement, nous puissions le faire.
Par ailleurs, j'estime que cette mesure n'est pas nécessaire.
Nous rejoignons ici un problème sur lequel j'ai moi-même « buté » dans mon travail préparatoire de rapporteur : quid des conseils municipaux dans lesquels il y aurait tant d'éléments étrangers que leur fonctionnement serait dénaturé ? On se situe, bien entendu, dans l'hypothèse où ils ne seraient pas acceptés, parce que nous sommes en démocratie et que, si des conseillers étrangers sont élus, il faut croire que les électeurs de la commune qui les connaissent bien n'y ont pas vu pas d'inconvénient. On pourrait se contenter de dire : respectons la démocratie !
Mais il arrive que la démocratie erre ou crée des situations difficiles à gérer. Dans le cas présent, il existe un dispositif classique qui s'applique à toutes les communes : la dissolution d'un conseil municipal peut avoir lieu par décret lorsqu'il n'est plus en état de fonctionner.
La jurisprudence interprète cette disposition en visant en particulier deux hypothèses : d'une part, l'existence d'une cause qui empêche d'une manière rédhibitoire l'élection de l'exécutif ; d'autre part, l'existence d'une cause qui empêche irrémédiablement le fonctionnement normal du conseil municipal.
Eliminons d'emblée l'hypothèse selon laquelle un conseil municipal ne compterait que des étrangers. En effet, ce conseil municipal serait ipso facto paralysé, car un étranger ne peut être maire ni adjoint au maire.
En revanche, s'il se trouve qu'une minorité ou un certain nombre de Français membres d'un conseil municipal estiment - il leur revient d'en juger - que la situation est insupportable, ils ont le choix entre différentes façons d'entraver le fonctionnement de leur conseil municipal. Ils peuvent tout simplement refuser d'accepter les fonctions de maire, ou alors, si le maire a déjà été élu, ils peuvent démissionner en masse. D'autres possibilités peuvent être imaginées, mais tout cela fait que le préfet saisi engage la procédure normale et que l'on aboutit à la prise en Conseil d'Etat d'un décret de dissolution du conseil municipal.
Par conséquent, le problème évoqué par M. Richert, qu'il se présente concrètement ou non, ne sera pas sans solution. Or, lorsqu'il existe déjà une solution à un certain type de problèmes, il est toujours dangereux d'essayer d'en trouver une autre, car, dès lors, on risque de créer des distorsions rédactionnelles ou de procédure.
A partir du moment où il existe une solution d'application générale répondant à votre inquiétude, monsieur Richert, je pense qu'il faut s'en contenter et ne pas prendre une disposition particulière qui serait par ailleurs, comme je le disais au début de mon propos, en contradiction avec la directive qu'il s'agit de transposer en droit interne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai écouté avec intérêt M. Richert, pour toutes les raisons qu'il devine.
En effet, en tant qu'habitant de Belfort, ville qui fait historiquement partie de l'Alsace, je suis de près les mouvements de l'identité alsacienne, dont je n'oublie pas qu'elle fut une identité républicaine en terre rhénane ; c'est là peut-être son plus beau titre de gloire et de rayonnement.
J'ai donc bien écouté votre propos, monsieur Richert, mais je crois, très franchement, que le proverbe « donner et retenir ne vaut » trouve en l'occurrence matière à s'appliquer, et ce en raison de l'existence de deux obstacles juridiques sur lesquels je voudrais attirer votre attention.
Tout d'abord, ni la directive ni le traité n'autorisent une formule telle que celle que vous préconisez. Les étrangers communautaires doivent jouir dans leur Etat de résidence des droits de vote et d'éligibilité dans les mêmes conditions que les électeurs de cet Etat.
Bien naturellement, certaines dispositions prévoient que des mesures dérogatoires peuvent être prises, à condition d'être appropriées, nécessaires et proportionnées à l'objectif. Or il n'est ni approprié, ni nécessaire, ni proportionné à l'objectif de limiter le nombre des candidats communautaires au mandat de conseiller municipal puisque, d'ores et déjà, on a précisé que le maire, de même d'ailleurs que l'adjoint, ne pouvait être un étranger communautaire.
Pour les élections municipales, il faut considérer le corps électoral comme un tout, même s'il est élargi à des ressortissants d'autres Etats. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : dans sa décision du 18 novembre 1982, il s'est opposé à la division par catégorie des électeurs et des éligibles en sanctionnant les dispositions d'une loi instaurant un quota en faveur des femmes, au nom précisément de l'unité du collège électoral.
Juridiquement, je crois donc que l'amendement n° 25 rectifié n'est recevable ni au regard du droit communautaire ni au regard de notre droit interne.
Je vois bien le problème que vous posez. Mais je pense qu'il faut se placer dans la perspective que j'indiquais tout à l'heure. L'Alsace ne manque pas d'atouts, elle sait séduire et elle saura retenir. Comme je le disais tout à l'heure, le vin est tiré, monsieur le sénateur, il faut le boire !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25 rectifié.
M. André Bohl. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl. M. le ministre a rappelé qu'à côté de l'Alsace il y a Belfort, mais il y a aussi la Moselle, et, à côté de la Moselle, il y a la Meuse.
Le problème posé est un problème de structure communale.
Permettez-moi de citer un exemple. La Moselle compte 1 million d'habitants, le Land de Sarre compte également 1 million d'habitants. Ce Land comprend 52 communes, la Moselle 718.
La commune que j'ai l'honneur de représenter compte 15 000 habitants, et 7 800 électeurs. A la suite de l'adoption du dispositif proposé, s'y ajouteront 900 électeurs potentiels supplémentaires, des adultes de plus de dix-huit ans, qui pourront s'inscrire sur les listes électorales, ce qui représentera une incidence de 11 % ; ce n'est pas terrible !
En revanche, je pourrais donner l'exemple de villages qui comptent 85 électeurs. Il est possible d'imaginer qu'à la suite du vote de la loi il y ait une grande majorité d'électeurs étrangers dans ces villages. Que se passera-t-il dans ces cas particuliers ?
Je souhaiterais que le ministère de l'intérieur examine toutes ces situations car il ne faut tout de même pas oublier que nous sommes dans un domaine extrêmement sensible. D'ailleurs, le résultat des dernières élections devrait, me semble-t-il, inciter à quelques réflexions.
M. Philippe Richert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. J'ai bien entendu les deux arguments développés à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre, mais ni l'un ni l'autre ne m'ont tout à fait convaincu.
S'agissant du premier argument, à savoir que nous ne pouvons introduire de discrimination, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que le droit de vote et d'éligibilité devait être le même pour les étrangers communautaires que pour les ressortissants du pays, en l'occurrence les Français.
Mais en prévoyant que les étrangers ne pourront être ni maire ni adjoint, nous introduisons bien des différences ! Nous établissons déjà une discrimination et, lorsque nous expliquons aux Allemands qu'ils ne pourront être ni maires ni adjoints, ils nous reprochent d'être racistes puisque nous n'acceptons pas qu'ils assument les mêmes fonctions que nous !
Ainsi, on ne veut pas qu'il y ait de différence mais, dans la pratique, on en institue déjà !
J'en viens au second argument, selon lequel nous devons rester en conformité avec la directive. Certes, la directive ne prévoit pas de dispositif dérogatoire lorsque le nombre d'étrangers dans nos communes dépassent un certain seuil. Le cas est prévu sur le plan national mais pas à l'échelon des communes.
Mais, tout à l'heure, M. le rapporteur disait que, de temps en temps, nous, législateurs, devions être pragmatiques. Je reprends les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le rapporteur, dans la discussion pointue que vous avez eue avec M. le ministre.
Donc, si la directive ne prévoit pas expressément ce dispositif, je me demande s'il ne serait pas possible de l'envisager afin que, dans les communes concernées, une représentation de Français puisse être assurée dans les conseils municipaux en France.
Aujourd'hui, dans certaines communes d'Alsace, 30 à 40 % des habitants, sont allemands. Dès lors, demain, on risque de voir siéger des conseils municipaux où il n'y aura plus de Français. Cela pourrait faire resurgir, ici ou là, des sentiments difficilement maîtrisables ; j'aimerais que nous gardions aussi cet aspect des choses à l'esprit.
J'ai compris votre appel et je veux bien l'entrendre, mais il nous faut prendre en compte cette situation d'une façon ou d'une autre. Tel est le message que j'ai tenté de faire passer en déposant cet amendement.
Ainsi que mon ami M. Bohl l'a rappelé tout à l'heure, nous devons aussi, en légiférant, songer à ce que l'avenir peut nous réserver.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Robert Schuman, où es-tu ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Richert, vous avez bien voulu rappeler que j'avais souhaité que l'on soit pragmatique. Mais j'évoquais alors des hypothèses où la solution juridique n'était pas claire. J'ai même parlé par deux fois de « débat juridique byzantin », où deux thèses juridiques peuvent être soutenues à l'infini. C'est face à de telles situations que le pragmatisme me semble requis.
Mais ici, notre première obligation est de respecter le cadre juridique qui s'impose à nous : la Constitution, le traité et la directive. Or la directive n'a pas ignoré ce problème des « quotas » : nous ne pouvons donc pas le traiter d'une manière différente et créer une exception qu'elle n'a pas prévue.
Autrement dit, il n'y a pas ici, sur le plan juridique, matière à débat confus ou byzantin : les choses sont parfaitement claires.
Cela étant, monsieur Richert, je suis sensible à ce que vous avez dit quant aux difficultés que peuvent susciter certaines situations.
Cependant, il est caricatural d'évoquer des conseils où il n'y aurait que des étrangers. A supposer que cela arrive, un tel conseil ne pourrait à l'évidence pas fonctionner puisque le maire et les adjoints doivent être français. Dans un tel cas, on irait tout droit à la dissolution !
Et même dans le cas d'une proportion sensible d'étrangers, il est probable que, dans les faits, tout se passera très bien : si ces étrangers sont là, c'est tout de même qu'ils auront été désignés par le suffrage universel ! Cela ne relèvera certainement pas d'une opération du Saint-Esprit ! S'ils sont élus, c'est probablement parce qu'ils participent à la vitalité de la commune, qu'ils y jouent un rôle important, que les électeurs approuvent.
En tout état de cause, les ressortissants français, comme je l'ai dit tout à l'heure, disposent de plusieurs armes, qu'il leur suffit d'employer : ils peuvent refuser le siège de maire ; s'ils l'ont accepté, ils peuvent démissionner. Par conséquent, pour créer une situation débouchant sur la dissolution du conseil, mille moyens leur sont offerts.
Il faut laisser jouer la souplesse qui caractérise ce mécanisme parce qu'elle comporte des effets de dissuasion. De ce fait, monsieur Richert, les étrangers dont vous parlez éviteront de se comporter avec l'arrogance que vous paraissez craindre, sachant que la menace de la dissolution existe.
En conclusion, il ne me semble pas nécessaire ni correct du point de vue de la directive d'ajouter un moyen à ceux dont les ressortissants français disposent déjà pour aboutir à la dissolution du conseil municipal.
M. le président. Monsieur Richert, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Richert. Je le retire, monsieur le président. Je remercie M. le rapporteur des explications qu'il vient de me donner. J'ai été très sensible à la qualité d'écoute dont il a fait preuve, de même que M. le ministre.
Il ne s'agit en aucune façon de mettre en doute la volonté de participation de nos voisins et amis allemands, que je rencontre régulièrement. Il reste que, sur le terrain, l'augmentation très sensible de leur présence fait naître, de temps en temps, chez certains, un sentiment de « ne plus être chez soi ». On ne peut pas le négliger. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié est retiré.

Chapitre III

Du collège électoral sénatorial
Article 6

M. le président. « Art. 6. - Il est inséré dans le code électoral un article L. O. 286-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 286-1. - Les conseillers municipaux et les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne peuvent ni être membres à un titre quelconque du collège électoral sénatorial ni participer à l'élection à ce collège de délégués, de délégués supplémentaires et de suppléants. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 6

M. le président. Par amendement n° 28 rectifié, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. O. 286-1, il est inséré dans le code électoral un article ainsi rédigé :
« Art. L.O. ... - Dans les communes dont tous les conseillers municipaux sont délégués de droit, les conseillers municipaux qui n'ont pas la nationalité française sont remplacés au collège électoral des sénateurs et lors de la désignation des délégués supplémentaires et suppléants par les candidats français venant immédiatement après le dernier candidat élu de la liste sur laquelle ils se sont présentés à l'élection municipale. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement reprend en fait l'argumentation développée par M. le rapporteur lors de la discussion générale.
Nous pensons qu'il ne faut pas amputer le collège électoral sénatorial d'un département d'un nombre quelconque de voix, d'autant que le vote est obligatoire s'agissant des élections sénatoriales.
Un exemple récent nous conforte dans cette idée : l'un de nos collègues, M. Claude Haut, a été réélu récemment, à la suite d'une invalidation, à une seule voix. C'est dire que chaque voix compte !
N'oublions pas que nous légiférons pour l'avenir. Or il est souhaitable que de plus en plus de ressortissants d'autres Etats de l'Union européenne figurent sur nos listes. Si l'on devait pénaliser la liste ou la formation politique qui inclut des Européens non français, nous irions à l'encontre du but recherché.
Pour que soit maintenue la totalité du collège électoral sénatorial, nous proposons cet amendement, qui permet de respecter tant l'équilibre politique de la liste que l'ensemble du collège électoral du département concerné.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pour des raisons que j'ai déjà eu l'honneur d'invoquer, monsieur le président, en manipulant des termes de filiation qui n'étaient peut-être pas à propos,...
M. le président. Audacieux, tout au moins ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... nous sommes favorables à cet amendement, auquel nous ne sommes pas non plus tout à fait étrangers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur nous a dit à deux reprises qu'il n'était pas tout à fait étranger à une proposition. Mais, à l'occasion de ce débat, nous ne faisons que parler de personnes qui sont étrangères sans l'être tout à fait ! (Sourires.)
Cela dit, je voudrais faire une suggestion. Je pense que les précautions qui sont prises là où il y a des listes devraient également l'être là où il n'y en a pas. Le seul moyen d'éviter que soient éventuellement faussées les élections sénatoriales, parce que des conseillers municipaux étrangers ne voteraient pas pour la désignation des électeurs sénatoriaux, consiste à prévoir, chaque fois qu'est élu un ressortissant de l'Union européenne non français, quelle que soit la taille de la commune, la désignation à cette fin d'un suppléant.
Cette solution n'a pas été retenue ici, mais elle pourrait l'être à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je me permets de l'évoquer.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous avons écarté ce dispositif qui nous a paru discriminatoire et, en vérité, assez surprenant. Il donnerait en effet aux candidats étrangers la possibilité de se doter d'une sorte de caution supplémentaire en présentant, en qualité de « suppléant », une personnalité qui jouit éventuellement d'une considération particulière. Nous risquerions ainsi de renforcer la candidature de cet étranger dans la mesure où les autres candidats seraient privés de cette possibilité. Parfois, les suppléants ne vous apportent pas de voix ou même vous en font perdre, c'est vrai. Mais il arrive aussi qu'ils en apportent.
A vous suivre, monsieur Dreyfus-Schmidt, on introduirait une véritable distorsion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, dans l'amendement, le suivant sur la liste est bien le suppléant !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Avec une liste, c'est tout à fait différent ! C'est la liste tout entière qui se présente ! Là, vous donnez une sorte d'avantage à un candidat étranger en lui permettant de dire aux électeurs : « Il y a moi et puis, derrière moi, il y a M. Untel. » Cela ne pourrait que fausser l'égalité entre les membres du collège électoral des sénateurs.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je suis très favorable à cet amendement n° 28 rectifié en ce qu'il vise les communes de plus de 3 500 habitants, où le scrutin de liste permet en effet, pour les opérations électorales sénatoriales, d'appeler, à la place de l'étranger élu, un membre français de la liste figurant le plus près possible de la personne écartée.
En revanche, je ne partage pas le point de vue de mon excellent collègue M. Dreyfus-Schmidt. A l'écouter, on risquerait de majorer en quelque sorte la position des membres étrangers. Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler que, dans les conseils municipaux où il n'y a pas de scrutin de liste, le fait d'écarter les membres étrangers donnera peut-être un peu plus de poids aux membres français ou, tout au moins, les incitera à venir remplir leur mission.
En tout cas, je suis tout à fait favorable à cet amendement. J'avais d'ailleurs moi-même insisté auprès de M. le rapporteur sur la nécessité de trouver une solution. Ayant été pendant douze ans maire d'une commune où résidaient beaucoup d'étrangers et alors que j'aurais eu plaisir à en accueillir certains dans mon conseil municipal, j'aurais mal compris que la présence d'élus étrangers constitue un obstacle au moment de désigner les membres du collège électoral sénatorial. Surtout si je devais être candidat ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 6.

Article 7

M. le président. « Art. 7. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O 287-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 287-1. - Lors de l'élection des délégués, des délégués supplémentaires et des suppléants au collège électoral sénatorial, le choix des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ne peut porter sur une personne qui n'a pas la nationalité française. » - (Adopté.)

Chapitre IV

Des fonctions de maire et d'adjoint

Article 8

M. le président. « Art. 8. - Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L.O. 2122-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 2122-4-1. - Le conseiller municipal qui n'a pas la nationalité française ne peut être élu maire ou adjoint, ni en exercer même temporairement les fonctions. » - (Adopté.)

Article 9

M. le président. « Art. 9. - La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L.O. 2121-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 2121-6-1. - Si, au sein d'un conseil municipal ou du Conseil de Paris, le nombre de conseillers de nationalité française est insuffisant pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint, le conseil est dissous de plein droit. »
Par amendement n° 18, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cette disposition rejoint le débat que nous avons eu tout à l'heure avec M. Richert, ce qui me permettra d'être bref.
Le texte prévoit assez bizarrement que « si, au sein d'un conseil municipal ou du Conseil de Paris, le nombre de conseillers de nationalité française est insuffisant pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint, le conseil est dissous de plein droit ».
Ce n'est pas la peine de le préciser puisque cela résulte de notre législation générale. Dans un tel cas, on va nécessairement vers une dissolution. Il est donc inutile d'ajouter une disposition qui a en outre une connotation un peu désagréable, alors que le problème est résolu par le droit commun qui régit la vie de nos municipalités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. le rapporteur.
L'article 9 vise à préciser qu'il doit y avoir une majorité de conseillers ayant la nationalité française pour que le maire puisse être élu.
M. Jacques Larché, président de la commission. Il n'a jamais été question de cela !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La dissolution « de plein droit » est une procédure plus rapide que celle que nous connaissons tous et qui est assez longue avant d'aboutir à la dissolution d'un conseil municipal.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il m'arrive de présenter au conseil des ministres des dissolutions de conseils municipaux. Celles-ci interviennent généralement après deux ans de difficultés.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais je ne crois pas que les choses puissent se passer comme vous le dites. Et je suis d'autant plus à l'aise pour faire cette remarque que ce texte avait été élaboré sous un ancien gouvernement.
Tout d'abord, que faut-il entendre par « insuffisant » ? Faut-il comprendre qu'il n'y a pas de majorité ou que celle-ci existe mais n'est pas acceptée ? L'interprétation du terme « insuffisant » provoquera à elle seule un contentieux égal à celui que vous paraissez craindre.
Si c'est physiquement que le nombre de personne est insuffisant, alors, l'issue est évidente puisque les étrangers ne peuvent pas être maires ni adjoints. Dans ce cas, autant le dire clairement.
Je reviens à ce que je disais tout à l'heure à M. Richert : si l'insuffisance provient de l'impossibilité de dégager une majorité, on se retrouve dans la situation de tous les conseils municipaux qui ne réussissent pas à élire un maire. Cela arrive régulièrement, et je ne vois rien là de nouveau. La difficulté sera surmontée par la procédure habituelle.
Cet article ne doit donc absolument pas être adopté, surtout avec une telle rédaction.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est supprimé.

Article additionnel après l'article 9

M. le président. Par amendement n° 19 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé.
« Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 238-1, ainsi rédigé.
« Art. L.O. 238-1. - Le ressortissant d'un Etat de l'Union européenne autre que la France ne peut être membre d'un conseil municipal en France et membre dans un autre Etat de l'Union de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de base au sens de la directive prise pour l'application de l'article 8 B, paragraphe I, du Traité instituant la Communauté européenne.
« Si le ressortissant n'a pas démissionné d'un de ses deux mandats incompatibles dans un délai de dix jours à compter du jour où l'incompatibilité est connue, il est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf les recours prévus à l'article L. 239. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit ici de poser le principe de non-cumul. Autant je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on puisse être électeur dans différents pays, autant je vois beaucoup d'inconvénients à ce que l'on puisse être en même temps membre de conseils municipaux situés dans des pays différents. Etre conseiller municipal, c'est assurer une fonction, c'est partager la vie de la commune dans sa continuité. Il faut choisir : si l'on est conseiller municipal ici, on ne l'est pas ailleurs.
Le principe a ici son importance, avec pour sanction la démission d'office.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je pense au professeur Duverger qui, en d'autres temps, était député européen, élu en Italie, et qui aurait pu être maire en France. Mais, pour revenir aux mandats municipaux, le Gouvernement n'émet aucune objection sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 9.

Chapitre V

Dispositions diverses et finales

Article 10

M. le président. « Art. 10. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 271-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 271-1. - Lorsqu'ils sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune établie en application de l'article L.O. 227-2, les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France participent à l'élection des conseillers d'arrondissement dans les mêmes conditions que les électeurs français. »
Par amendement n° 20, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article L.O. 271-1 du code électoral, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
Il s'agit d'un amendement de coordination, accepté par le Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président. Art. 11. - Il est inséré dans le code des communes un article L.O. 151-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 151-3-1. - Lorsqu'ils sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune établie en application de l'article L.O. 227-2 du code électoral, les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France participent à l'élection de l'organe délibérant d'une section de commune dans les mêmes conditions que les électeurs français. »
Par amendement n° 21, M. Fauchon, au nom de la commission, propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L.O. 2411-3-1 ainsi rédigé : »
II. - En conséquence, au début du second alinéa de cet article, de remplacer la référence : « Art. L.O. 51-3-1. - » (du code des communes) par la référence : « Art. L.O. 2411-3-1. - » (du code général des collectivités territoriales).
III. - Dans le second alinéa de cet article, de remplacer les mots : « d'un Etat membre de la Communauté européenne » par les mots : « d'un Etat membre de l'Union européenne ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12

M. le président. « Art. 12. - Les dispositions de la présente loi organique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte. »
Par amendement n° 22, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer dans cet article les mots : « les territoires d'outre-mer et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous revenons ici aux territoires d'outre-mer, question que nous avons traitée tout à l'heure d'une manière incidente, je n'ai donc pas à y revenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et au terme d'un raisonnement assez simple.
Le Conseil d'Etat, saisi de ce texte, a fait connaître sans ambiguïté que la présente loi organique rentrait dans la catégorie des lois de souveraineté, lesquelles doivent s'appliquer sur tout le territoire de la République.
Au demeurant, l'article 88-3 de la Constitution indique formellement que les dispositions de la loi organique prises pour l'application du traité de Maastricht ont pour objet l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union « résidant en France ».
Si la Constitution n'exclut pas a priori des mesures propres - à conditions qu'elles ne soient pas discriminatoires - aux territoires d'outre-mer, il découle de l'article 88-3 que les étrangers communautaires doivent pouvoir participer aux élections municipales et être éventuellement élus partout « en France » - je souligne ces deux termes - où des élections municipales peuvent être organisées. Donc, y compris dans les départements et territoires d'outre-mer à Nouméa, à Cayenne et même, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est une collectivité territoriale à statut particulier, sous réserve qu'il y existe des communes, ce qui est le cas.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis un peu surpris de la résistance du Gouvernement, mais je me souviens en effet qu'il avait recouru à une argumentation différente de la mienne, que je rappelle maintenant à nos collègues.
Le traité de Rome n'est pas applicable ipso jure aux territoires d'outre-mer. Il l'est en vertu d'une IVe partie qui énumère certains points d'applicabilité. Or cette IVe partie ne comporte pas le sujet dont nous traitons aujourd'hui. Le traité de Rome n'a pas été modifié par le traité sur l'Union européenne ni d'ailleurs par le traité d'Amsterdam, non encore ratifié mais qui a expressément renvoyé à plus tard ce genre de débat.
Comme nous l'a fait observer notre collègue M. Millaud s'agissant de l'assemblée polynésienne, il n'y a pas lieu d'étendre aveuglément une telle disposition, qui susciterait probablement bien plus de perturbations dans ces terres lointaines et par ailleurs enchanteresses que le texte que nous proposons.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de confirmer le vote que vous avez émis tout à l'heure et de ne pas rendre ce texte applicable aux territoires d'outre-mer.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, le traité de Rome a pour objet de créer un marché commun ; il traite de questions économiques et commerciales mais pas de la souveraineté politique ou du droit de vote.
Le traité de Maastricht a trait, précisément, au droit de vote et les textes sont tout à fait formels, je vous les ai rappelés tout à l'heure, ils font référence au droit de vote en France. Or, la France comprend aussi les territoires d'outre-mer !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je souhaite simplement rappeler que l'article 8 B, qui ouvre ce droit d'éligibilité, a été intégré dans le traité de Rome. Par conséquent, les dispositions du traité de Rome, dans son ensemble, doivent être respectées, du moins nous semble-t-il.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis en total désaccord avec ce point de vue. Le traité de Rome a instauré une dérogation pour des raisons évidentes qui tiennent, notamment, aux différences de niveaux de développement économique entre les territoires d'outre-mer et la France métropolitaine.
Toutefois, s'agissant des droits de vote et d'éligibilité, il est évident que les dispositions qui seront adoptées par le Parlement doivent s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République. Sinon, ce serait très grave.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Lors de nos travaux en commission, j'ai indiqué les raisons pour lesquelles je n'étais pas favorable à cet amendement. Je considère, en effet, que les territoires d'outre-mer sont partie intégrante de la République française.
J'ai eu l'honneur de participer, au nom de la commission des lois, à une mission en Polynésie française en compagnie de notre collègue M. Lanier. Pendant près de deux semaines, nous avons entendu les principaux responsables politiques et économiques de ce territoire. Or, ils n'ont eu de cesse de nous dire avec beaucoup d'insistance qu'ils étaient fiers d'être Français, qu'ils voulaient le rester et qu'ils étaient très attachés à la République française.
Des dispositions économiques particulières évoquées par M. le ministre sont prévues effectivement par les traités européens. Mais, en la circonstance, il s'agit d'un exercice de souveraineté. La Polynésie française et les territoires d'outre-mer font partie de la République française, et j'ai la faiblesse de penser que ce texte s'applique à ces territoires.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, mon argumentation ne sera pas juridique et je ne vais pas entrer dans le débat ouvert par M. le ministre. Pour avoir entendu, en commission, l'un de nos collègues parler des territoires d'outre-mer, je pense que l'on ne peut tout de même pas nier les appréhensions qui se font jour dans ces territoires. Un des collègues de mon groupe, élu de la Réunion, qui est non pas un territoire mais un département d'outre-mer, m'a demandé de ne pas prendre part au vote et je n'ai pas pu le convaincre. Cela étant, je suis enclin à suivre la commission sur ce point.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13

M. le président. « Art. 13. - A titre transitoire et jusqu'au 1er mars 1999, les personnes mentionnées à l'article L.O. 227-1 du code électoral peuvent demander leur inscription sur une liste électorale complémentaire dans les conditions prévues par les articles L. 31 à L. 35 dudit code. »
Par amendement n° 23, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter cet article par les mots : « dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi organique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il nous a paru préférable de rappeler une règle générale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13, ainsi modifié.

(L'article 13 est adopté.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

Intitulé du projet de loi organique

M. le président. Par amendement n° 24, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi organique :
« Projet de loi organique déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les seuls citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 29, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 24 pour l'intitulé du projet de loi organique, à supprimer le mot : « seuls ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous avons cru bon de revenir sur l'intitulé du projet de loi organique pour ramasser les éléments essentiels qu'il convient d'indiquer par avance au lecteur.
Au passage, je m'en explique dès maintenant, on nous invitera tout à l'heure, dans un amendement déposé par MM. Dreyfus-Schmidt et Allouche, à supprimer le mot : « seuls ». J'ai moi-même proposé de le supprimer partout où il figurait dans le corps du projet de loi organique, mais ici, comme nous rappelons le texte de la Constitution, je crois qu'il n'est pas inutile d'employer cette expression.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre le sous-amendement n° 29.
M. Guy Allouche. L'intitulé de ce projet de loi organique est certes conforme aux dispositions de traité de Maastricht, mais je ne vous cacherai pas que M. Michel Dreyfus-Schmidt et moi-même avons pensé que le terme « seuls » était redondant, car la Constitution le prévoit déjà ainsi que la directive. Au reste, M. le rapporteur vient d'indiquer qu'il avait proposé lui-même la suppression de ce terme dans l'ensemble du texte, mais qu'il le maintenait pour l'intitulé. Or, non seulement il est redondant, mais il est désagréable et je ne souhaite pas que l'on introduise un terme discriminant dans l'intitulé d'un projet de loi. Nos lois sont certes nationales, mais elles dépassent aussi nos frontières et, compte tenu de tous les débats que nous avons eus depuis 1992, il serait fâcheux d'insister sur cet aspect.
C'est la raison pour laquelle, sans reprendre toute l'argumentation ô combien judicieuse ! de mon collègue et ami Michel-Dreyfus-Schmidt, je demande à la Haute Assemblée de ne pas retenir le terme « seuls », car le reste de l'intitulé suffit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission est défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24 et sur le sous-amendement n° 29 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 29, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Compte tenu du rejet de notre sous-amendement par la Haute Assemblée, j'indique que nous voterons contre l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Fauchon, pour explication de vote. M. Pierre Fauchon. A l'issue d'un débat dont je me réjouis, après M. le ministre, qu'il ait été à la fois, dense, sérieux et court, et auquel chacun a apporté sa contribution de manière très utile, je veux dire à titre personnel que, si j'ai préféré jusqu'ici, comme c'était d'ailleurs mon devoir de rapporteur, présenter notre démarche en des termes purement techniques, je n'en suis pas moins heureux, comme d'autres membres de mon groupe, M. Badré l'a dit tout à l'heure, d'avoir pu contribuer au vote de ce texte par notre assemblée, d'autant qu'il me semble avoir fait l'objet d'un certain consensus, ce qui est très satisfaisant.
J'en suis très heureux pour deux raisons, l'une européenne, l'autre municipale, et, dirai-je, « franco-française ».
La raison européenne tient évidemment, comme beaucoup, et notamment notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen, l'ont dit, au fait qu'il semble de moins en moins supportable que la construction européenne soit une affaire que je qualifierai de « technocratique » sans vouloir abuser du terme - il faut bien des technocrates car sinon rien ne se ferait - de trop intergouvernementale.
J'ai été amené, dans d'autres domaines, à prôner la reconnaissance, enfin, du rôle du Parlement et la démocratisation du système. Aussi, tout ce qui contribue à développer un tissu démocratique européen me paraît bon.
De ce point de vue, ouvrir nos conseils municipaux à des étrangers est un acte de fraternité, de sympathie, de considération, même s'il est symbolique et ne jouera probablement pas un grand rôle, sauf peut-être dans certaines régions dont on nous a parlé et où, je l'espère, cela ne posera pas beaucoup de problèmes. Je pense que le suffrage universel jouera son rôle et ne retiendra que les bons, ceux dont on attend réellement une contribution.
Nous allons voter un très bon texte. Nous donnons enfin à la construction européenne un peu de cette chair humaine qui lui fait si fâcheusement défaut.
Si j'en juge par mon expérience, en tout cas dans mon département, par ce que je peux savoir des conseils municipaux, notre vie publique est à un stade où l'apport d'éléments étrangers constituera un enrichissement. En effet, ils porteront sur nos problèmes un autre regard, ils les examineront avec des critères différents, avec une expérience différente, un background comme disent les Britanniques, avec une culture différente tout en étant proche. Je crois que cette approche nous enrichira.
J'ai d'ailleurs souvent eu l'occasion de constater que les règles de la démocratie, notamment sur le plan local, sont parfois observées avec beaucoup plus de vigilance dans des pays voisins. Je pense à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne et aux Pays-Bas. Les ressortissants de ces Etats sont très vigilants sur le fonctionnement de la démocratie locale, ils sont très actifs lorsqu'ils participent à des délibérations. En revanche, dans notre pays, la démocratie est tellement acquise qu'on la laisse quelquefois un peu ronronner.
L'intervention de ces éléments étrangers constituera un apport. Elle sera peut-être l'occasion d'un renouveau dans les débats au sein des conseils municipaux concernés. Pour ces conseils municipaux, ce sera aussi une bonne chose. En conséquence, je serai très heureux de voter ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hamel. M. Emmanuel Hamel. La participation aux élections municipales de nos communes françaises des étrangers citoyens de l'un des Etats de l'Union européenne résidant en France peut être un progrès humain pour nos villes, nos villages, et aussi un témoignage de reconnaissance pour les Européens qui y vivent et, souvent, y apportent générosité, solidarité, sympathie et dynamisme. Je voterai donc ce texte.
En votant ce projet de loi organique, d'une portée réduite aux étrangers européens et à eux seuls, je prouve que l'on peut en même temps avoir été et être encore fondamentalement hostile au traité de Maastricht mais aussi accepter, sur la voie de la solidarité européenne, des progrès humains et civiques qui ne mettent pas en cause notre souveraineté nationale et les intérêts fondamentaux de la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Après ce que nous venons d'entendre à l'instant dans la bouche de notre collègue M. Hamel, il n'y a rien de plus merveilleux, oserais-je dire !
Effectivement, un pas supplémentaire est fait en direction de cette Union européenne, de cette intégration, de cette appartenance à cette communauté de destins que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux depuis longtemps et de la mise en place d'une citoyenneté européenne.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été développés, je fais miens nombre d'entre eux.
Le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, votera ce projet de loi même s'il peut regretter que tel ou tel amendement ou sous-amendement, notamment celui qui visait à supprimer l'adjectif « seuls » n'ait pas été retenu.
Cependant, nous sommes en première lecture. Ce texte va maintenant être examiné par l'Assemblée nationale. Il serait surprenant que celle-ci l'adopte dans les mêmes termes en première lecture.
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste. Pourquoi pas ?
M. Guy Allouche. Si c'est le cas, tant mieux, je m'en réjouirai. Mais l'Assemblée nationale fera sans doute valoir des arguments allant à l'encontre de quelques dispositions introduites par le Sénat. Convaincus que ce texte reviendra devant la Haute Assemblée, nous l'approuvons aujourd'hui. Nous nous enrichirons des réflexions de nos collègues députés, et peut-être les esprits évolueront-ils de part et d'autre. Le groupe socialiste votera donc ce projet de loi organique.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Les non-inscrits voteront ce projet de loi, car il constitue une avancée considérable pour l'unité de l'Union européenne.
Ce texte est important pour les Français de l'étranger que je représente. En effet, depuis longtemps, les Français votent à l'étranger et il était souhaitable qu'il y ait une réciprocité pour les étrangers en France. Jusqu'à présent, la France était en retard, comme la Belgique et la Grèce. Ce projet de loi nous permet d'être à l'unisson des autres pays de l'Union européenne. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. Unissons-nous !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera à l'unanimité ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. J'ai donné les raisons du vote de notre groupe. Je veux simplement préciser que deux de nos collègues ne nous suivront pas dans ce vote positif, l'un, M. Vergès, ne participera pas au vote, et l'autre, M. Loridant, s'abstiendra.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Mes chers collègues, nous pouvons nous montrer satisfaits de ce débat et remercier M. le rapporteur des précisions qu'il a apportées au cours de l'examen de ce projet de loi organique. Nous avons abouti à un texte cohérent. La possibilité nous a été offerte de résoudre un certain nombre de problèmes et les modifications qui résultent de nos travaux constituent de véritables progrès.
J'ai très modestement participé à la rédaction - il y a bien longtemps déjà, hélas ! - du traité de Rome - j'étais « porte-plume », sans plus. Les améliorations qui ont été apportées progressivement à la construction européenne contre vents et marées montrent que cette idée à laquelle nous avons cru et nous continuons de croire est bien une création de tous les jours. Ce qui vient d'être fait, comme cela a été très justement souligné par quelques-uns de nos collègues, apporte en quelque sorte une note humaine à des dispositions dont l'efficacité n'est pas toujours ressentie parce qu'elles se cantonnent dans le domaine commercial, économique ou financier.
Mais demain, que va-t-il se passer ? L'euro sera instauré - nous l'espérons - l'interpénétration des citoyens sera accrue et nous assisterons sans doute peu à peu à la naissance d'une conscience européenne sans laquelle l'Europe n'existera pas véritablement. Aujourd'hui, nous avons, peut-être modestement mais de manière certaine, contribué à la naissance de cette conscience. Le débat se poursuivra. Je rappellerai simplement que, sans le vote conforme du Sénat, rien ne pourra être fait. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 120:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 312157
Pour l'adoption 312

12

VACANCE D'UN SIÈGE DE SÉNATEUR

M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 17 septembre 1997 de M. le ministre de l'intérieur, qu'à la suite de la déchéance de plein droit de M. Claude Pradille, sénateur du Gard, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral lors du prochain renouvellement partiel du Sénat.

13

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 423, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Charasse une proposition de loi relative à l'organisation de la chasse en France.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 424, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION D'ACTE
COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 93/74/CEE du Conseil concernant les aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers et modifiant les directives 74/63/CEE et 82/471/CEE.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-923 et distribuée.

16

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Alloncle un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 342, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 419 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Alloncle un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention cadre européenne sur la coopération transfontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations) (n° 371, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 420 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Habert un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes et deux appendices) (n° 386, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 421 et distribué.
J'ai reçu de Michel Alloncle un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part (n° 388, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 422 et distribué.

17

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Gérard César un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Charles Descours, Claude Huriet, Maurice Blin, Guy Cabanel, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Bimbenet et Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Dominique Leclerc, Bernard Seillier et Jean-Pierre Fourcade, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme (n° 413, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 418 et distribué.

18

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au jeudi 18 septembre 1997, à quinze heures :
Discussion du projet de loi (n° 62, 1995-1996) relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.
Rapport (n° 414, 1996-1997) de M. Alain Pluchet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales (n° 408, 1996-1997) (urgence déclarée).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 septembre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 septembre 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme (n° 413, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 septembre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 septembre 1997, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Lors de sa séance du 17 septembre 1997, le Sénat a désigné M. Gérard Roujas pour siéger en qualité de suppléant,au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles, en qualité de titulaire, au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles créée au sein du Conseil supérieur.

INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES
DE DÉFENSE NATIONALE

En application de l'article 9 du décret n° 97-817 du 5 septembre 1997, M. le Président du Sénat a désigné, le 17 septembre 1997, M. Denis Badré en qualité de membre du conseil d'administration de l'institut des hautes études de défense nationale.

AVIS DE VACANCE
D'UN SIÈGE DE SÉNATEUR

M. le Président du Sénat a été informé, par lettre en date du 17 septembre 1997 de M. le ministre de l'intérieur, qu'à la suite de la déchéance de plein droit de M. Claude Pradille, sénateur du Gard, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral lors du prochain renouvellement partiel du Sénat.

NOMINATION DES MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mercredi 17 septembre 1997, le Sénat a nommé :
- M. Roger Hesling membre de la commission des affaires culturelles en remplacement de M. Marcel Charmant, démissionnaire ;
- M. Michel Charzat membre de la commission des affaires économiques et du plan en remplacement de M. Claude Haut, démissionnaire ;
- Mme Dinah Derycke membre de la commission des affaires sociales en remplacement de M. Bialski, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
- M. Jean-Pierre Lafond membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante depuis le 18 juin 1997 ;
- M. Bernard Angels membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Alain Richard dont le mandat sénatorial a cessé ;
- M. Claude Haut membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret dont le mandat sénatorial a cessé ;
- M. Marcel Charmant membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale en remplacement de M. Michel Charzat, démissionnaire.

ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL
DE L'EUROPE ET ASSEMBLÉE
DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

Au cours de sa séance du mercredi 17 septembre 1997, le Sénat a désigné pour représenter la France au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, Mme Josette Durrieu, comme membre titulaire, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret, ainsi que MM. James Bordas et Marcel Debarge, comme membres suppléants, en remplacement respectivement de M. Charles-Henri de Cossé-Brissac et de Mme Josette Durrieu.

DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE
(en application de l'ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

Dans sa séance du mercredi 17 septembre 1997, le Sénat a nommé M. Michel Dreyfus-Schmidt, membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Alain Richard, nommé membre du Gouvernement.

DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR LES PROBLÈMES DÉMOGRAPHIQUES
(Loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979
relative à l'interruption volontaire de grossesse)

Lors de sa séance du mercredi 17 septembre 1997, le Sénat a nommé Mme Nicole Borvo pour siéger au sein de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques, en remplacement de Mme Michelle Demessine, nommée membre du Gouvernement.

DÉLÉGATION DU SÉNAT
À L'OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION
(En application de la loi n° 96-516 du 14 juin 1996
tendant à créer un office parlementaire d'évaluation
de la législation)

Lors de sa séance du mercredi 17 septembre 1997, le Sénat a nommé Mme Maryse Bergé-Lavigne pour siéger au sein de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, en remplacement de M. Alain Richard, nommé membre du Gouvernement.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Renforcement des services publics
en milieu rural

29. - 17 septembre 1997. - M. Michel Sergent souhaiterait attirer l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le maintien, voire le renforcement, des services publics en milieu rural. L'aménagement du territoire et le développement du monde rural doivent composer, depuis les années quatre-vingt, et aujourd'hui plus que jamais, avec la complexité. Déconcentrations des normes et des moyens (nouvelles politiques de la ruralité, politiques d'insertion, fonds de péréquation, services publics locaux d'aménagement, etc.), décentralisation des compétences et des moyens autour de collectivités locales regalvanisées et ouvertes à la coopération, sont deux impératifs, sans lesquels il ne peut y avoir de changement durable et novateur. Les populations rurales - au nom du principe de l'égalité devant le service public - ont droit au même titre que les urbains à des services publics de qualité. Et malgré de nombreuses initiatives, une inquiétude diffuse continue à s'exprimer face à la diminution de la population et au resserrement des services traditionnels (poste, gendarmerie, équipement, écoles...). Par ailleurs, la population rurale vit très mal la perte de son secteur marchand. La fermeture de la boulangerie, du tabac, de l'épicier... C'est à chaque fois un peu de vie en moins. Certes, tous ces problèmes ne sont malheureusement pas nouveaux, ils sont bien connus de tous. Aussi, étant donné la politique de priorité que s'est fixée le Gouvernement au réencadrement social et territorial, il lui demande quelles mesures concrètes seront prises pour réajuster le déficit en matière de service public en milieu rural.

Conséquences de la non-privatisation d'Air France

30. - 17 septembre 1997. - M. François Gerbaud appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de la non-privatisation du groupe Air France sur l'avenir du pavillon français. Il lui rappelle que, par cette décision, trois points fondamentaux pour l'avenir du transport aérien français restent en suspens : l'avenir du groupe Air France tout d'abord (qui doit répondre à quatre objectifs principaux qui sont : l'affrontement d'une nouvelle concurrence, la dynamisation de l'offre commerciale, la poursuite du redressement financier et la création d'alliances internationales) ; le développement de Roissy ensuite (qui ne peut assurer pleinement son rôle de plate-forme européenne sans ses deux pistes supplémentaires) ; la mise en oeuvre du schéma aéroportuaire enfin (qui a été acté dans la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notamment par l'utilisation plus rationnelle des aéroports existants). Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle politique il entend mener pour le transport aérien français.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 17 septembre 1997


SCRUTIN (n° 120)



sur l'ensemble du projet de loi organique déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les seuls citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 .

Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 311
Pour : 311
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


Groupe communiste républicain et citoyen (16) :
Pour : 14.
Abstention : 1. _ M. Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen (22) :

Pour : 22.

Groupe du Rassemblement pour la République (93) :

Pour : 92.
Abstention : 1. _ M. Robert Calmejane.

Groupe socialiste (75) :

Pour : 73.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance et M. René Rouquet (député).

Groupe de l'Union centriste (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

Groupe des Républicains et Indépendants (44) :

Pour : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis
Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles
Ceccaldi-Raynaud
Monique
Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri
de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian
de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François
Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette
Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Michel Rocard
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand
de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber

Abstentions


MM. Robert Calmejane et Paul Loridant.

N'a pas pris part au vote


M. Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

Ne peut participer aux travaux du Sénat

(En application de l'article L.O. 137 du code électoral)

M. René Rouquet.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 312
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour l'adoption : 312
Contre : 0

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.