DROIT DE VOTE DES CITOYENS
DE L'UNION EUROPÉENNE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 381, 1996-1997) relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994. [Rapport n° 415 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application du traité sur l'Union européenne, et en particulier de son article 8 B, le Conseil européen du 19 décembre 1994 a adopté une directive relative aux élections municipales. C'est sa transposition dans notre droit interne qui vous est aujourd'hui proposée.
Il s'agit d'organiser pour tout citoyen de l'Union européenne résidant dans un Etat membre dont il n'est pas le ressortissant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il se réside.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, on me permettra de faire un bref rappel historique.
La directive du Conseil du 19 décembre 1994, relative aux élections municipales, prévoit dans son dernier article que « les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires » pour se conformer à ladite directive « avant le 1er janvier 1996 ».
C'est en application de cette disposition que le précédent Gouvernement a procédé à l'élaboration d'un projet de loi organique, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 2 août 1995.
Toutefois, pour des raisons qui lui sont propres, le Gouvernement de M. Alain Juppé n'a pas fait inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il en est résulté que la France a pris un important retard dans la mise en oeuvre de ses engagements internationaux en cette matière.
Par ailleurs, la dissolution de l'Assemblée nationale survenue le 21 avril 1997 a rendu ce texte caduc, si bien que le nouveau gouvernement a dû reprendre la procédure ab initio . Soucieux de ne pas différer davantage l'application du traité, le Gouvernement a déposé un nouveau projet de loi organique sur le bureau du Sénat le 2 juillet dernier, et c'est le premier texte qui vient à l'ordre du jour à l'ouverture de la présente session extraordinaire.
J'en viens maintenant à l'analyse du dispositif que vous propose le Gouvernement.
Afin de sérier les problèmes, je regrouperai les dispositions du texte en deux grandes catégories.
Il s'agit, d'une part, des mesures homologues, pour les élections municipales, de celles qui sont déjà contenues dans la loi du 5 février 1994 pour les élections européennes. Elles sont déjà connues de vous et le rapporteur de la commission des lois, M. Fauchon, avait également rapporté ce texte de loi en 1994. L'adaptation aux élections municipales ne devrait donc pas, a priori , soulever de difficulté.
Il s'agit, d'autre part, des mesures qui s'écartent des dispositions correspondantes de la loi sur les élections européennes et celles qui n'y ont pas d'équivalent, qui devraient naturellement retenir davantage votre attention.
J'aborderai en premier lieu les mesures homologues de celles de la loi du 5 février 1994.
La directive du 19 décembre 1994 pas plus que celle du 6 décembre 1993 relative à l'élection européenne ne touchent au système électoral de chaque Etat membre. La Commission européenne et le Conseil se sont attachés à limiter son contenu à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l'objectif du traité. Le texte laisse donc en l'état les systèmes électoraux pour les électeurs nationaux. Il vise essentiellement à supprimer la condition de nationalité, actuellement requise par la plupart des Etats membres pour exercer le droit de vote et se porter candidat aux élections municipales, permettant ainsi à la loi électorale nationale de s'appliquer aux résidents communautaires de la même façon qu'elle s'applique aux ressortissants nationaux.
L'affirmation du principe d'égalité et de non-discrimination pour les résidents communautaires conduit à leur appliquer les mêmes conditions qu'aux nationaux pour l'exercice du droit de vote et d'éligibilité. Ces conditions portent sur l'âge, la capacité, le cumul des mandats, l'inscription sur la liste électorale et la notion de résidence. La directive n'interfère pas dans ces domaines qui doivent, à l'évidence, rester du ressort national.
La deuxième similitude a trait aux populations concernées. Il s'agit des citoyens de l'Union non français mais résidant en France, condition nécessaire pour participer au scrutin.
On retrouve donc là une question déjà rencontrée lors de la discussion de la loi sur le vote des communautaires aux élections européennes : un étranger communautaire peut-il voter dans la commune où il dispose d'une résidence secondaire ? La réponse est « non » car, en droit français, la notion de résidence, en matière électorale, s'entend de celle qui revêt à la fois un caractère réel et continu, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, excluant par principe les séjours dans une résidence secondaire. Le citoyen communautaire non français qui ne disposerait en France que d'une résidence secondaire ne saurait donc exciper du fait qu'il paye des impôts locaux depuis plus de cinq ans dans la commune où elle est située pour être autorisé à y participer aux élections municipales.
En revanche, la réponse serait « oui » si l'intéressé est inscrit dans une commune depuis cinq ans au moins sans interruption au rôle d'une des contributions directes communales, mais à la condition expresse qu'il réside de manière permanente en France, dans une autre commune. Ces conditions sont posées, pour les Français, par l'article L. 11 du code électoral et, pour les étrangers communautaires, par la directive elle-même.
Troisième point de similitude : pour exercer leur droit de vote en France lors des élections municipales, les étrangers communautaires devront être inscrits au préalable sur une « liste électorale complémentaire » valable pour les seules élections municipales.
Deux précisions doivent être apportées à cet égard. D'une part, et alors que l'inscription des citoyens français sur les listes électorales est obligatoire aux termes de l'article L. 9 du code électoral, le système offert aux ressortissants communautaires est facultatif, puisque le traité et la directive laissent aux citoyens de l'Union le libre choix de participer ou non au scrutin dans leur Etat de résidence. D'autre part, le droit de voter des intéressés est subordonné à la double condition qu'ils ne soient privés de ce droit, par l'effet d'une décision civile ou pénale, ni en France ni dans l'Etat dont ils ont la nationalité.
Pour le reste, et afin d'assurer, conformément au traité, une exacte égalité des droits entre les Français et les autres électeurs de l'Union, l'inscription de ces derniers sur une liste électorale complémentaire est soumise aux mêmes règles que celles qui sont édictées pour l'inscription des Français sur les listes électorales.
L'établissement et la révision des listes électorales complémentaires sont donc confiés aux mêmes autorités que celles qui sont compétentes pour l'établissement et la révision des listes électorales, les citoyens « communautaires » doivent remplir les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux Français et les règles relatives au contentieux des listes électorales sont étendues au contentieux des listes électorales complémentaires.
Quant au droit d'éligibilité, il est reconnu aux ressortissants des autres Etats de l'Union résidant en France dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves qu'il est reconnu aux électeurs français conformément au chapitre II du projet de loi organique.
J'en viens maintenant aux mesures spécifiques au projet de loi présenté, mesures qui, je le pense, retiendront davantage votre attention.
La spécificité du texte qui vous est soumis aujourd'hui, par rapport à celui qui a transposé les dispositions de la directive relative à l'élection des membres du Parlement européen, apparaît tout d'abord dans sa forme, puisqu'il s'agit d'un projet de loi organique.
En effet, la transposition dans notre droit national des mesures contenues dans la directive du Conseil du 19 décembre 1994 doit s'inscrire dans le cadre de l'article 88-3 de la Constitution, lequel est ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. [...] Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. »
Ces modalités particulières de transposition s'expliquent évidemment par les répercussions que pourrait avoir la participation d'électeurs communautaires à la désignation des sénateurs, laquelle doit être réservée aux Français pour que soit garanti le respect de l'article de la Constitution qui réserve au peuple français l'exercice de la souveraineté nationale à laquelle participe sans discussion possible le Sénat.
Sur le fond, le texte du projet de loi diverge encore de la loi du 5 février 1994 à propos du contrôle des doubles inscriptions.
La loi de 1994, dans le droit-fil de la directive du 6 décembre 1993, prévoit divers contrôles et échanges d'informations entre les Etats membres de l'Union, de telle sorte qu'un même électeur ne puisse simultanément être inscrit dans son Etat d'origine et dans son Etat de résidence, pour interdire en pratique toute possibilité de vote multiple à l'élection du Parlement européen, conformément à l'article 8 de l'article 8 de l'Acte du 20 septembre 1976.
En revanche, s'agissant des élections municipales, nos partenaires, pour des raisons qui leur appartiennent, n'ont pas exclu formellement les inscriptions multiples.
Dans ces conditions, il n'était plus possible, même si on peut le déplorer, d'organiser d'un commun accord des échanges d'informations de nature à prévenir d'éventuelles inscriptions multiples.
Le Conseil d'Etat a néanmoins souligné, en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel n° 92-308 DC du 9 avril 1992, qu'il importait d'éviter qu'une même personne puisse exercer le droit de vote aux élections municipales à la fois dans son Etat d'origine et dans l'Etat de l'Union où il réside. Aussi lui est-il apparu nécessaire de transposer à sa situation un principe de base de notre droit électroral : de la même façon qu'est prohibée l'inscription simultanée d'un Français sur plusieurs listes électorales, il sera exigé que le citoyen de l'Union qui demande son inscription sur une liste électorale complémentaire s'engage à n'exercer son droit de vote aux élections municipales qu'en France. Le fait pour lui de revenir sur cet engagement emporterait corrélativement sa radiation d'office de la liste électorale complémentaire. C'est l'objet des articles L.O. 227-4 et L.O. 227-6 dont l'insertion est proposée dans le code électoral. Enfin, figurent dans le projet de loi organique des règles qui n'ont pas de contrepartie dans la loi du 5 février 1994 sur la participation des étrangers communautaires à l'élection des représentants de la France au Parlement européen.
D'une part, les articles 6 et 7 du projet de loi interdisent aux conseillers municipaux n'ayant pas la nationalité française d'être membres du collège électoral sénatorial ou de participer à la désignation de membres d'un tel collège.
D'autre part, les mêmes élus municipaux ne peuvent être désignés en qualité de maire ou d'adjoint ni même appelés à en exercer temporairement les fonctions.
Ces dispositions se fondent sur les paragraphes 3 et 4 de l'article 5 de la directive, qui autorisent les Etats membres à disposer que seuls leurs propres ressortissants sont éligibles « aux fonctions de chef, d'adjoint ou de suppléant ou de membre du collège directeur de l'exécutif d'une collectivité locale de base » ou que les étrangers « ne peuvent participer à la désignation des électeurs d'une assemblée parlementaire ni à l'élection des membres de cette assemblée », sous réserve que les dispositions adoptées à cet effet restent « appropriées, nécessaires et proportionnées aux objectifs visés ».
Le Gouvernement comme le Conseil d'Etat ont veillé à ce que les règles dérogatoires élaborées dans le cadre de cette autorisation soient effectivement rigoureusement proportionnées. C'est ainsi qu'a été écartée toute solution qui aurait impliqué un « contingentement » des élus étrangers au sein des conseils municipaux.
Enfin, je dirai un mot des mesures transitoires incluses dans l'article 13 du projet de loi organique.
Pour respecter exactement les prescriptions de la directive, il convient que les ressortissants de l'Union autres que les Français soient en mesure de participer aux élections municipales partielles éventuellement organisées avant le prochain renouvellement général des conseils municipaux de 2001, faute de quoi ils feraient l'objet d'une mesure discriminatoire contraire au traité.
Or la date probable de publication de la loi organique sera trop tardive pour que les citoyens de l'Union résidant en France disposent du même délai que les Français pour demander leur inscription sur les listes électorales. La révision annuelle des listes est en effet ouverte depuis le 1er septembre dernier, et les demandes d'inscription ne sont recevables que jusqu'au 31 décembre prochain, pour prendre effet à compter du 1er mars 1998.
C'est la raison pour laquelle l'article 13 du projet de loi permet aux intéressés, à titre transitoire et jusqu'à la clôture de la révision 1998-1999, de demander leur inscription dans les conditions prévues aux articles L. 31 à L. 35 du code électoral. A l'approche d'une élection municipale partielle, il leur sera donc loisible de déposer une demande d'inscription en mairie, même en dehors des périodes normales d'inscription ; cette demande, recevable jusqu'au dixième jour précédant le scrutin, sera transmise au juge du tribunal d'instance et instruite par lui ; elle pourra donner lieu à l'inscription du requérant avec effet immédiat.
Telles sont brièvement résumées, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions essentielles du projet du Gouvernement. Je vous invite maintenant à en délibérer, de telle sorte que la France puisse se mettre en règle avec les engagements qu'elle a précédemment souscrits à l'égard de nos partenaires de l'Union européenne.
Dans mon esprit, cette possibilité offerte aux citoyens de l'Union d'être associés étroitement à la gestion des affaires locales doit devenir un facteur puissant incitant les étrangers communautaires installés dans notre pays à une plus grande intégration. L'objectif que nous devons chercher à atteindre est non pas de dissoudre le principe de citoyenneté, mais de le raffermir. Les hôtes de la France, si du moins ils le désirent, doivent devenir demain les nouveaux citoyens de la République. Ce projet de loi organique ouvre ainsi, pour les ressortissants communautaires, une étape accueillante sur le chemin qui les conduira à la pleine égalité en droit que la République confère à tous ses citoyens, d'où qu'ils viennent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai donc l'honneur de rapporter devant vous ce projet de loi organique qui présente deux caractéristiques, peut-être d'ailleurs un peu contradictoires.
En premier lieu, il vise à introduire dans notre vie publique une innovation plus importante par sa signification que par ses effets pratiques, qui resteront probablement tout à fait limités.
En second lieu, ce projet de loi témoigne d'une double continuité, je dirai presque d'un double consensus.
Il existe tout d'abord une continuité du processus européen : nous avons ainsi examiné le traité sur l'Union européenne, qui modifiait le traité de Rome en y introduisant le dispositif qu'il s'agit maintenant de rendre applicable.
Ensuite, avant la ratification, nous avons dû adapter la Constitution aux dispositions du traité sur l'Union. Un certain nombre d'entre vous se souviennent sans doute d'ailleurs que cela avait donné lieu à un débat important, particulièrement dans cette assemblée. Il en a résulté la révision constitutionnelle créant l'article 88-3 nouveau de la Constitution, lequel précise les conditions dans lesquelles il peut être procédé à cette innovation. Je rappellerai d'ailleurs tout à l'heure que ces précisions constituent l'un des cadres impérieux dont nous devons tenir compte.
Puis la ratification est intervenue le 20 septembre 1992, suivie des délibérations sur la directive, des votes de résolution dans nos deux assemblées et de l'adoption, le 19 décembre 1994, de cette directive à l'unanimité - c'était prévu - MM. Balladur et Pasqua étant alors respectivement Premier ministre et ministre de l'intérieur.
Mais, en plus de la continuité du processus européen, il existe une sorte de continuité gouvernementale : en effet, le texte qui nous est aujourd'hui soumis reprend purement et simplement le projet de loi organique préparé et présenté par le gouvernement de M. Juppé, projet de loi qui, comme M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé tout à l'heure, n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour. Il y a donc, une fois n'est pas coutume, à moins qu'elle ne le devienne - je ne peux pas préjuger ! (Sourires) -, un consensus qu'il convient de saluer pour placer nos délibérations sous le signe d'une certaine détente.
Il s'agit donc pour nous de transposer la directive. Monsieur le ministre, vous venez de donner un exemple tout à fait remarquable du caractère extrêmement scrupuleux de votre démarche par rapport aux dispositions du traité sur l'Union puisque vous vous y êtes constamment référé. Voilà qui montre la voie que nous devons suivre dans une démarche qui, dans mon esprit, est essentiellement technique puisque le débat de fond est derrière nous depuis plusieurs années.
Disons immédiatement, pour situer notre réflexion, que la transposition signifie ici l'introduction dans les systèmes législatifs nationaux naturellement différents les uns des autres, non pas d'un bloc législatif autonome prévoyant dans les moindres détails la participation aux élections municipales des ressortissants de l'un des Etats membres de l'Union européenne autre que la France - je dirai désormais, pour simplifier, « les Européens » - mais d'un principe, en tenant compte éventuellement des différences entre les systèmes nationaux, après avoir défini un critère d'introduction commun imposé par le traité : celui de la résidence.
Cette porte d'entrée étant franchie ou supposée telle, les législations particulières s'appliqueront, et le texte ne permet pas de prévoir, à l'intérieur de chaque système, des dérogations imposant pour les seuls « Européens » des conditions particulières : c'est la règle de la non-discrimination.
Il s'agit donc, je le répète, d'un texte technique, mais qui soulève un certain nombre de difficultés sur lesquelles je m'expliquerai dans un instant.
Notre démarche est assez étroitement inscrite dans un cadre qui comporte trois côtés, et même un quatrième un peu virtuel, à savoir la résolution que nous avons adoptée en 1994 et qui a constitué le fil conducteur de nos réflexions.
L'un des éléments de ce cadre, c'est évidemment le traité sur l'Union. Un autre est constitué par l'article 88-3 de la Constitution, qui précise la manière dont nous devons procéder : nous aurons l'occasion de le rappeler tout à l'heure, seuls les citoyens européens pourront, sous condition de résidence, bénéficier de cet avantage, mais avec impossibilité pour eux d'exercer les fonction de maire ou d'adjoint et de participer - retenons cette formule - aux élections sénatoriales.
J'en viens à l'élément « virtuel », c'est-à-dire la résolution que nous avons adoptée en 1994 pour éclairer la démarche du gouvernement français dans la négociation sur la directive.
Cette résolution n'a pas, semble-t-il, été suivie, mais il convenait de la rappeler parce que, encore une fois, elle a guidé nos interrogations, sinon toujours nos décisions. Nous souhaitions, ainsi, que les listes, en cas de scrutin de liste, et surtout les conseils municipaux élus ne comportent qu'une proportion limitée d'étrangers, et en tout cas qu'il n'y ait pas de majorité d'étrangers dans les conseils municipaux ; nous souhaitions également qu'une condition de durée minimale de résidence en France puisse être imposée ; nous souhaitions, en troisième lieu, que la date d'application du dispositif soit reportée à 2001 - mais les retards auxquels vous avez fait allusion, monsieur le ministre, sont tels que, mises à part les élections partielles qui auront lieu d'ici à cette date, cela ne posera pas de problème - et nous souhaitions, enfin, que les territoires associés ne soient pas inclus dans l'application du nouveau texte. Certes, s'agissant d'une résolution, je reconnais que nous ne sommes pas là dans le droit positif, lequel se limite aux éléments que j'ai énumérés précédemment, mais il me semblait utile de rappeler sommairement le contenu de ladite résolution.
Le projet de loi qui nous est soumis a été fort bien exposé par M. le ministre, je ne vais pas y revenir. Je voudrais simplement, dans une démarche encore une fois essentiellement technique, attirer votre attention sur les cinq ou six points qui ont retenu, assez longuement quelquefois, l'attention de la commission des lois et qui, je n'en doute pas, retiendront la vôtre, mes chers collègues.
S'agissant, tout d'abord, de la notion de résidence en France, nous avions estimé préférable, au moment de l'examen d'un précédent texte dont j'avais déjà l'honneur d'être le rapporteur et qui permettait aux Européens de voter aux élections européennes, d'apporter le maximum de précisions en la matière. Il est en effet important, pour les élus locaux et les maires, de ne pas susciter des contentieux ou des difficultés d'interprétation, même si la solution est connue d'avance. Nous avions ainsi adopté une rédaction selon laquelle un résident en France est quelqu'un qui y a son domicile réel ou dont la résidence y a un caractère continu. Nous vous proposerons tout à l'heure un amendement identique pour compléter le texte sur ce point.
Il est une deuxième difficulté, peut-être plus curieuse, sur laquelle M. le ministre a exprimé un avis personnel qui m'a intéressé. Je veux parler du double électorat : un Européen remplissant les conditions pour être électeur en France lors d'une élection municipale, mais qui les remplit aussi pour être électeur dans telle ou telle commune ou dans tel équivalent de commune de son pays d'origine, doit-il, comme nous le propose le Gouvernement, « brûler ses vaisseaux » s'il veut voter chez nous et couper le cordon ombilical avec sa commune d'origine ? Cette proposition ne nous semble pas fondée : en effet, actuellement, la directive est transposée dans presque tous les Etats membres de l'Union, à l'exception de la Belgique, de la Grèce et de la France. Or les autres Etats membres ne sont pas allés au-delà de la directive sur ce point et ils n'ont pas interdit cette possibilité de double appartenance à un collège électoral. Cela signifie qu'un Français résidant, par exemple, en Belgique ou en Allemagne mais qui est imposable dans telle ou telle de nos communes où il a sa famille, où il connaît tout le monde, pourra continuer à participer aux élections municipales chez nous, même si, pour des raisons tenant à l'évolution de sa vie, il a acquis une sorte de dimension nouvelle et différente, ce que nous appellerons une dimension « européenne ». Ce citoyen pourra donc ainsi accéder au droit de vote - je parle ici uniquement du droit de vote et non pas de l'éligibilité, question bien distincte sur laquelle notre position est différente - mais il pourra aussi s'inscrire à l'étranger.
Le citoyen français le peut donc, et nous avons pensé qu' a priori il n'était ni souhaitable - ni même aimable - d'imposer des servitudes aux autres alors qu'on ne nous les impose pas. Plus profondément - et ici, monsieur le ministre, nos esprits pourront peut-être se rencontrer - nous avons considéré que l'on peut devenir « citoyen européen » - je mets ces termes entre guillemets, mais c'est bien à une amorce de citoyenneté européenne que nous travaillons aujourd'hui - sans cesser d'être un citoyen national. Mais ne nous demandez-vous pas, si j'ai bien compris vos propos tout à l'heure, monsieur le ministre, de voter ce texte sous le signe d'une intégration à la République du citoyen européen ?
Ma vision des choses est un peu différente. Il me semble, personnellement, que, dans le processus de construction européenne où nous nous situons, on peut être tout à la fois Européen et national de l'un des Etats membres. Il n'y a pas de raison d'empêcher cette dualité, qui durera sinon des générations, en tout cas un certain temps, sans même que l'on puisse imaginer sérieusement l'époque où une sorte de supranationalité viendrait abolir les nationalités originelles, car je n'imagine pas que ce soit ainsi que nous souhaitions, ni les uns ni les autres, construire l'Europe.
M. Emmanuel Hamel. Certainement pas !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Merci, monsieur Hamel !
Enfin, il nous a semblé qu'il n'y avait pas d'inconvénient à cette double qualité d'électeur, d'autant que les élections ne se déroulent généralement ni aux mêmes dates, ni dans le même contexte.
Dans ces conditions, nous proposerons, dans un amendement dont nous reparlerons tout à l'heure, de supprimer ce dispositif et les contrôles qu'il génère, d'autant que ces derniers ne seraient guère aisés à exercer.
En revanche, ainsi que je l'ai annoncé tout à l'heure, lorsqu'il s'agit de l'éligibilité à un conseil municipal, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'assumer une fonction qui demande une présence, une attention, une connaissance des problèmes, il ne nous semble pas raisonnable de permettre un tel cumul. Je ne sais si cette proposition relève de la réflexion générale sur les cumuls qui se prépare actuellement, mais il nous est en tout cas apparu déraisonnable d'autoriser quelqu'un à être conseiller municipal en Grèce ou en Ecosse, par exemple, en même temps que conseiller municipal en France. Nous vous proposerons donc un amendement - car ce point n'est pas prévu dans le texte du Gouvernement - qui exclut la possibilité d'un tel cumul, avec comme sanction la démission d'office, même si nous savons bien - mais ce n'est pas une raison pour ne pas examiner un texte - qu'il sera difficile de vérifier dans les faits de telles situations.
Une quatrième difficulté, plus formelle sans doute, tient à la clause de réciprocité qui est expressément visée dans les textes auxquels j'ai fait référence tout à l'heure. En effet, qu'entend-on par « réciprocité » ? Cette question soulève un débat de juristes que je me contenterai d'évoquer ici pour ne le développer, si nécessaire, que lors de la discussion des articles.
Pour les uns, dès lors que le traité dont est issue la directive d'application est ratifié par tous les Etats, la condition de réciprocité est acquise, même si la directive qui rend le traité applicable n'est pas, en réalité, transposée dans tel ou tel Etat.
Il nous semble que cette vision tout à fait abstraite ne répond pas à notre système constitutionnel - le président Larché l'a rappelé lors de la révision constitutionnelle de manière excellente - car il n'est que deux fois question de réciprocité dans notre Constitution : en premier lieu dans le préambule de 1946, en second lieu à l'article 55.
Une démarche plus concrète et de bon sens consisterait à dire : « Nous voulons bien transposer, nous voulons bien que les Européens votent chez nous, à condition qu'un Français puisse voter dans chacun des pays concernés. » Mais il y a des pays qui n'ont pas transposé la directive, même s'ils ont ratifié le traité : c'est le cas actuellement pour la Belgique et pour la Grèce. Nous vous proposerons donc, par voie d'amendement, de décider que, tant que les Belges et les Grecs n'auront pas transposé la directive, leurs ressortissants ne bénéficieront pas de cette possibilité.
La cinquième de mes réflexions porte sur les élections sénatoriales. Il s'agit là, évidemment, d'un sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles ! Il a en tout cas donné un peu de fil à retordre à la commission.
Il est facile de poser le principe selon lequel les Européens inscrits sur les listes électorales municipales ne pourront pas voter aux élections sénatoriales : ils ne pourront pas élire les délégués dans les petites communes et, dans les communes de plus de 9 000 habitants, où tous les conseillers municipaux sont automatiquement grands électeurs, ils ne pourront pas l'être ni participer - c'est pourquoi je soulignais tout à l'heure l'importance du terme - à la désignation des suppléants et des délégués supplémentaires. Ils ont donc, en quelque sorte, comme on dit dans le domaine hippique, un handicap.
Il nous est apparu, à la réflexion - mais nous avons été beaucoup aidés en cela à la lecture des amendements de certains de nos collègues, et je pense en particulier à ceux de M. Allouche - qu'il allait tout de même en résulter des inconvénients assez sérieux. Ainsi, là où tous les conseillers municipaux peuvent voter, le conseil municipal se trouvera affaibli dans la mesure où certains ne voteront pas. Une anomalie serait donc introduite dans le système des élections sénatoriales, qui risquerait d'être d'autant plus fâcheuse que, ainsi que cela s'est produit encore tout récemment, une élection peut se gagner à une voix près.
Nous devions donc essayer de trouver une solution, et nous en avons imaginé trois, monsieur le ministre.
S'agissant de la première, nous avons suivi une démarche quelque peu sommaire. Ainsi, lorsqu'un député, un conseiller général ou un conseiller régional siège au conseil municipal, il ne peut être délégué de la commune car il est déjà membre de droit du collège électoral des sénateurs. Il demande donc au maire de lui désigner un remplaçant. Mais l'élu européen ne peut pas faire cette proposition, car il participerait ainsi - c'est toujours la même formule - à l'élection sénatoriale. Cette solution n'est pas possible.
La deuxième solution, proposée par certains de nos collègues - en particulier par M. Allouche - consistait à prévoir que le conseil municipal élirait les personnes qui remplaceront celles qui ne peuvent pas voter. Mais, lors de cette élection, la majorité qui s'exprimera sera peut-être toute différente de celle à laquelle appartient celui qu'il s'agit de remplacer ! Certes, c'est une élection à la proportionnelle, mais, même si seules une ou deux personnes doivent être remplacées, si elles se trouvent dans l'opposition - surtout compte tenu de notre système électoral qui fait que, avec 30 % ou 40 % des voix, on peut se retrouver avec 60 % des conseillers - le risque serait grand de voir la tendance représentée par l'électeur européen privée de la voix de ce dernier, alors que serait valorisée la voix d'une autre tendance. Le remède serait donc sans doute pire que le mal.
Nous en sommes finalement arrivés ce matin à une troisième proposition, que M. Allouche a bien voulu adopter et faire sienne, de sorte que cela m'a dispensé de déposer l'amendement que j'avais prévu dans ce sens. Puisque nous sommes dans une hypotèse de scrutin de liste, il suffit de faire comme lorsque quelqu'un décède : on prend le suivant sur la liste. C'est une idée simple, même si la rédaction de cette disposition est un peu compliquée. De la sorte, si tel Européen ne peut pas voter ou participer au vote, il sera remplacé dans cet exercice par le suivant sur la liste, s'il est Français naturellement.
M. Allouche nous présentera donc un tel amendement tout à l'heure, et je lui fais part d'avance de l'accord unanime de la commission.
Nous avons rencontré une difficulté du même type avec le conseil de Paris. Comme vous le savez - mais nous l'oublions souvent parce que nous ne sommes pas tous Parisiens - la capitale est aussi un département pourvu d'un conseil général. Les conseillers municipaux de Paris peuvent-ils, dès lors, voter au conseil général alors qu'ils seraient Européens, c'est-à-dire tout de même étrangers ?
Une remarquable discussion de juristes s'est engagée sur le point de savoir si - c'est pire que le sexe des anges ! - le conseiller municipal est aussi conseiller général ou si, par une transmutation véritablement mystique, il devient conseiller général tout soudain. S'il touche, c'est vrai, deux indemnités - je m'en réjouis pour lui ! - il semble tout de même que sa nature soit unique.
Là aussi, pour prévenir une éventuelle difficulté constitutionnelle - je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il s'agit d'une loi organique, qui doit donc être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées et qui sera de toute façon examinée par le Conseil constitutionnel - il nous a paru préférable de prévoir le même système que précédemment : les conseillers de Paris, qu'il s'agisse de siéger comme conseiller général ou de procéder à l'élection des sénateurs, seront remplacés par leur suivant français sur la liste sur laquelle ils ont été candidats. Voilà la proposition qui fera l'objet de quelques amendements tout à l'heure.
Enfin - j'arrive au terme de mon propos - se posait la question des territoires d'outre-mer. Le Sénat, dans sa résolution, je l'ai dit tout à l'heure, avait demandé que ce texte ne soit pas applicable aux territoires d'outre-mer.
Je rappelle que les territoires d'outre-mer ne sont visés à la quatrième partie du traité de Rome que pour une liste limitative d'hypothèses, qui n'englobe pas celle dont nous parlons aujourd'hui. Le traité sur l'Union européenne n'a pas modifié cette liste, non plus que le traité d'Amsterdam, qui n'a fait allusion à ce problème que pour le reporter à une date incertaine, comme pour beaucoup d'autres, d'ailleurs, puisque le traité d'Amsterdam a surtout servi à reporter les problèmes !
Dans ces conditions, les ressortissants des territoires d'outre-mer sont fondés à nous dire que, le traité de Rome ne leur étant applicable que de manière limitée et puisque, en l'espèce, nous sommes en dehors de ces limites, le texte ne peut leur être appliqué. Or, tel est pourtant bien le cas pour les territoires d'outre-mer et Mayotte.
L'assemblée territoriale de Polynésie n'avait pas été consultée. Elle a été saisie par notre excellent collègue M. Millaud, absent aujourd'hui pour des raisons de santé, et qui m'a demandé de vous prier de l'excuser. Ayant délibéré, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure mais également pour d'autres sur lesquelles je ne m'attarderai pas, tant ce point est quelque peu particulier, elle a jugé que le nouveau texte ne pouvait pas être applicable au territoire.
La commission des lois a considéré que cette position, qui ne faisait d'ailleurs que reprendre celle de la résolution, était fondée. Par voie d'amendement, elle propose donc d'écarter de l'application de ce texte les territoires d'outre-mer.
La question des délais d'application n'a maintenant plus d'importance puisque les prochaines élections municipales générales auront lieu en 2001. Par conséquent, de ce point de vue, nous aurons obtenu satisfaction, sous réserve de quelques élections partielles qui ne justifient cependant pas que l'on complique le texte.
Telles sont les principales questions dont nous aurons à débattre.
C'est au bénéfice de ces réflexions que la commission des lois propose au Sénat d'adopter le texte amendé, sur les différents points que je viens d'évoquer. (Applaudissements.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'instauration du droit de vote et d'éligibilité pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité a constitué un progrès majeur dans la construction de l'Europe à un double titre.
D'abord, pour la première fois depuis la signature du traité de Rome, on plaçait au centre du processus l'homme et non les marchés commerciaux ou financiers.
M. Jacques Genton. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Ensuite, cette avancée prenait ses sources dans la tradition française des Droits de l'homme et du citoyen, dont le message universel façonne le monde depuis deux siècles et qui, demain, devrait permettre à l'Europe de trouver sa véritable dimension humaine et politique.
Il faut voir là le signe d'une « victoire » française : l'homme européen, citoyen de l'Union, devient enfin un individu responsable, doté de droits et de devoirs civiques.
La règle du traitement national, ou l'interdiction des discriminations, constitue ainsi l'une des dispositions juridiques fondamentales de la Communauté.
Le droit de vote et d'éligibilité des citoyens européens a été mis en oeuvre lors des élections au Parlement européen, le 12 juin 1994 ; l'objet du projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui est de permettre l'application de ce droit pour les élections municipales.
L'économie générale du texte ne pose pas de problèmes cruciaux, comme l'a souligné notre excellent rapporteur, puisqu'il respecte les dispositions et l'esprit de l'article 88-3 de notre Constitution révisée, et puisque la France, comme tous ses autres partenaires, avait adopté la directive européenne du 19 décembre 1994, elle-même prise en application du volet sur la citoyenneté européenne du traité de Maastricht, ratifié par référendum le 20 septembre 1992.
Le gouvernement d'Alain Juppé avait, en son temps, déposé à l'Assemblée nationale un texte similaire ; on peut regretter qu'il n'ait été alors inscrit à l'ordre du jour, la France étant aujourd'hui, avec la Grèce et la Belgique, le seul pays de l'Union à ne pas avoir encore transposé la directive de la Communauté européenne dans son droit interne.
Certains éclaircissements proposés par la commission des lois conviennent parfaitement au représentant des Français de l'étranger que je suis. Rappelons, en effet, que le nombre de nos ressortissants établis dans un autre pays membre de l'Union européenne est évalué à 700 000, soit près de la moitié de la totalité des Français résidant hors de France ; ceux-ci sont très directement concernés, certains d'entre eux pouvant déjà exercer leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans leur pays de résidence, d'autres ne le pouvant pas, comme en Grèce et en Belgique.
Nous apprécions le souci de la commission de subordonner ainsi clairement l'application du droit de vote et d'éligibilité à la réciprocité des autres Etats membres. C'est un principe auquel nos compatriotes de l'étranger tiennent énormément, car ils souffrent trop souvent, hors de l'Union européenne surtout, d'une inégalité de traitement, dans leur pays de résidence, par rapport aux nationaux de ces pays en France.
Cette juste mise en exergue de la réciprocité, la plupart de nos partenaires ayant déjà transposé la directive européenne dans leur droit national, nous commande ipso facto de conformer notre droit interne aux législations déjà en oeuvre chez nos partenaires.
Ainsi, il paraît difficile d'interdire le double vote aux ressortissants communautaires alors que celui-ci est octroyé aux Français résidant à l'étranger ; en revanche, il est tout à fait judicieux de proscrire la double éligibilité, qui serait incompatible avec le bon exercice d'un mandat municipal tel que nous le concevons en France.
S'agissant de la notion de résidence en France ouvrant droit à l'inscription sur les listes complémentaires de vote, la commission a adopté, là encore, une position raisonnable ; il faut en effet savoir que certains de nos partenaires - c'est le cas de la Grande-bretagne, notamment - adressent automatiquement une carte d'électeur valable pour les scrutins municipaux à tout jeune Européen majeur qui s'inscrit dans une université nationale. Les dispositions de l'article L. 11 de notre code électoral, qui définit expressément la résidence en France, devraient du reste suffire à nous prémunir contre les abus et les tentatives de fraude à ce sujet.
Sur ce point précis, certains de mes collègues du groupe des non-inscrits qui représentent les communes ont exprimé un avis différent ; ils souhaitent que soit exigé des citoyens européens un temps de résidence significatif en France avant qu'ils puissent voter aux élections municipales.
Pour ma part, avec mes deux autres collègues représentant les Français établis hors de France, j'ai déposé un amendement tendant à coordonner la notion de déchéance du droit de vote et à prendre en compte la situation de certains Européens, comme les Allemands, les Britanniques ou les Néerlandais, qui perdent le droit de vote aux élections municipales de leur pays d'origine lorsqu'ils résident dans un autre pays ; cette situation n'étant pas assimilable à une déchéance des droits civiques, il convient de clarifier la rédaction de l'article L.O. 227-4 du projet de loi organique.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, nous voterons le texte tel que modifié par la commission des lois, car il va dans le sens d'une meilleure et d'une plus grande participation de chacun d'entre nous à la construction européenne et, à terme, d'une amélioration de son efficacité sans pour autant dissoudre les identités nationales.
Paul Valéry, qui a si bien pressenti les lignes de force de l'Europe et du monde, a écrit en 1930, dans ses Cahiers : « Le système des rapports humains change d'échelle... nous débattons beaucoup de l'identité et de la souveraineté de la nation française... mais les nations périssent pour n'avoir su changer leurs habitudes et réformer leurs moeurs ». Sachons nous référer à nos grands penseurs pour renforcer notre détermination à poursuivre ce grand dessein européen, avec et pour tous les citoyens de l'Union ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Permettez-moi d'abord, monsieur le ministre, de vous féliciter de votre hâte et de votre ardeur à rattraper un retard dans la mise en oeuvre du traité de Maastricht. Je sais l'intérêt que vous portez à ce traité !
Le projet de loi organique qui nous est soumis est un texte essentiel pour l'édification d'une Europe des citoyens, après la construction de l'Europe des marchands. Notre pays semble d'ailleurs avoir pris du retard dans ce domaine puisque ce droit de vote et d'éligibilité pour les ressortissants européens vivant en France est inscrit dans le traité de l'Union, adopté en 1992.
Cette lacune comblée, il s'agit pour moi de souligner l'aspect symbolique de ce texte, qui, en réalité, modifiera peu l'électorat municipal.
Dans l'esprit des pères fondateurs, la Communauté européenne avait pour objectif final l'unification de peuples si différents sur les plans culturel et linguistique et qui se sont entretués pendant plusieurs siècles. La dimension politique de la Communauté était donc présente dès sa naissance ; elle en constituait l'essence même. L'Union économique qu'elle propose au début n'en sera que le moteur. Cette Europe politique tarde toujours à se formaliser sur le plan institutionnel ; le dernier sommet d'Amsterdam a d'ailleurs prouvé combien les résistances nationales sont nombreuses.
M. Paul Loridant. Heureusement !
M. Nicolas About. Les années quatre-vingt-dix marquent pourtant un tournant crucial pour l'Europe des citoyens, avec les accords de Schengen et la libre circulation des individus, qui subit malheureusement les aléas de l'actualité : trafics de drogue et terrorisme, notamment.
Les accords de Schengen, dont nous reparlerons d'ici à quelques jours à propos de la Grèce et de l'Autriche, n'en constituent pas moins une réelle avancée dans l'édification d'un espace communautaire où la liberté et la sécurité des individus seraient garanties.
A cela, il faut évidemment ajouter le bon fonctionnement de l'Europe des jeunes, qu'ils soient étudiants ou apprentis ; ils sont déjà plusieurs centaines de milliers à faire une partie de leurs études dans un pays de l'Union grâce aux nombreux programmes communautaires. La prise de conscience par les jeunes d'appartenir à une communauté unie par le destin est fondamentale pour l'avenir de l'Union. Elle est la mieux à même de nous préserver de drames tels que ceux qu'a connus l'ex-Yougoslavie.
D'autres décisions, plus symboliques certes, participent également à cette Europe des citoyens, telles la mise en place d'un passeport commun, les zones réservées aux ressortissants de l'Union dans les aéroports ou encore la possibilité pour tout Européen de se rendre, à l'étranger, dans une des ambassades des Quinze, en cas de nécessité.
Enfin, je me dois d'évoquer en quelques mots le projet de la monnaie unique, attendue pour le 1er janvier 2002, dont les aspects culturels et politiques sont souvent négligés par les médias et les gouvernements européens. Plus qu'un simple instrument d'échanges économiques, l'euro donnera également aux citoyens européens un objet dans la vie quotidienne qui leur permettra de s'identifier progressivement à cette communauté à laquelle ils appartiennent. L'identité européenne ne sera alors plus un vain mot. Loin de nier notre identité nationale, l'euro renforcera les liens qui se tissent chaque année entre Européens. L'identité nationale ne se résume pas à la monnaie ; l'euro ne remplacera pas notre langue, notre histoire, notre culture, nos vins, notre cinéma, notre patrimoine... L'exemple récent de l'Ecosse montre bien que l'affirmation d'une identité n'est pas affaire de monnaie !
Le droit de vote des ressortissants européens vivant en France aux élections municipales et leur éligibilité au mandat municipal vont donc dans ce sens et constituent une pierre supplémentaire à l'édifice européen. Le projet de loi est assez clair sur les limites de l'expression de ces droits, notamment en ce qui concerne la fonction de maire et d'adjoint et les élections sénatoriales. En revanche, je suis favorable à l'amendement de mes collègues de la commission des lois relatif à l'interdiction de ces droits à tout Européen qui n'aurait qu'une résidence secondaire en France.
Certains protesteront contre ce texte en évoquant le risque d'extension de ce droit de vote aux autres ressortissants étrangers présents en France. Une telle extension est exclue puisqu'elle implique une révision de la Constitution et qu'elle n'aurait aucun lien avec le projet européen.
Cette critique évacuée, il m'apparaît évident qu'un tel sujet recueillera le consensus politique qu'il implique ; il y va de l'avenir de l'Europe et de l'image de la France qui se doit de respecter ses engagements européens.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants votera dans sa majorité le projet de loi organique que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht a explicitement reconnu aux citoyens des Etats de l'Union un rôle d'acteur direct de la construction européenne.
En évoquant les droits des citoyens de l'Union - dont le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales - le traité affiche désormais une conception politique de la citoyenneté européenne. Il s'agit d'une innovation sans précédent historique : jusqu'à présent, en effet, les droits de vote et d'éligibilité étaient inconcevables hors du cadre des Etats ; les citoyens étaient exclusivement citoyens de ces Etats et l'Union s'adressait à eux à travers les Etats.
Le projet de loi organique qui nous est présenté, vous le rappeliez, monsieur le ministre, nous met en règle avec nos obligations, puisqu'il nous fait transposer en droit national une directive européenne. Cette transposition s'inscrit dans le cadre de l'article 88-3 de notre Constitution, lequel fixe l'objet même de la révision provoquée par l'application du traité de Maastricht. Maastricht, ce n'était vraiment pas uniquement des critères !
Au-delà de cette mise en conformité de notre droit, ce projet de loi organique a donc bien une signification très forte. Presque vingt ans après la première élection au suffrage universel direct des parlementaires européens, ce texte consacre une nouvelle et nette avancée vers l'Europe politique.
Pour que celle-ci soit comprise et solide, il faut, cependant, éviter de faire deux pas en arrière lorsque nous choisissons d'en faire un en avant. Toute avancée comporte des risques. A nous de les identifier pour les éviter. Cette nouvelle citoyenneté européenne, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le rapporteur, doit être comprise comme créant un lien politique de nature tout à fait nouvelle. Elle n'est pas le simple décalque, à l'échelle européenne, de nos modèles nationaux. Elle ne doit pas non plus être présentée comme concurrente des citoyennetés nationales qu'elle viendrait affaiblir. Elle ne les supprime pas, au contraire, elle les enrichit. Bien plus, comme attribut essentiel de la citoyenneté, le droit de vote permet à chacun de s'approprier le dessein de tous, en y participant. Il fait émerger une culture politique commune, spécifiquement européenne, qui transcende les origines régionales ou nationales, historiques, linguistiques ou ethniques.
Pour ne pas être dévoyée, cette nouvelle citoyenneté doit donc se fonder sur une distinction claire entre l'affirmation des identités nationales et l'émergence - complémentaire - d'une véritable conscience européenne.
Quelques exemples simples démontrent - je suppose qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur ce point - qu'il n'existe pas de contradiction entre le maintien de citoyennetés nationales construites au cours des siècles et l'avènement d'une nouvelle citoyenneté européenne, aujourd'hui entre nos mains : l'Irlande, le Danemark et les Pays-Bas ont ainsi accordé depuis longtemps le droit de vote aux élections locales à tous les ressortissants de l'Union, et le Royaume-Uni reconnaît depuis 1949 le droit de vote et d'éligibilité aux nationaux de la République d'Irlande. Bien plus, la Grande-Bretagne avait donné ce droit aux ressortissants des pays membres du Commonwealth, sans craindre de voir entamer sa souveraineté. Aujourd'hui, encore, un parlement aux pouvoirs propres importants est institué en Ecosse, sans que l'engagement européen de Londres soit affaibli. Il en faudrait plus ! Voilà au moins une question européenne sur laquelle nos amis britanniques sont en avance et ont peut-être des leçons à nous donner !
Bien sûr, nos traditions centralisatrices peuvent être un peu bousculées par une telle approche, et nos partenaires, citoyens d'Etats fédéraux, abordent plus spontanément que nous un tel débat. Mais si notre lecture habituelle de Descartes semble nous vouer au jacobinisme, une analyse plus attentive de son oeuvre devrait aussi nous inciter à progresser, enfin, vers la subsidiarité. C'est bien aussi, en rappelant la subsidiarité, comme c'est le cas pour nombre de questions européennes, que nous trouverons une clé pour ouvrir des voies nouvelles et réduire nos blocages. Pour bien employer cette clé, une grande clairvoyance et une réelle volonté politique seront nécessaires. Il faudra sans doute aussi trouver un mot différent pour désigner ce que nous appelons « subsidiarité ». Pour le moment, en effet, ce vocable fait tellement peur qu'il est utilisé comme repoussoir, voire comme prétexte pour ne rien faire.
Mais revenons au terrain, ce terrain que tous les citoyens des Etats de l'Union font vivre et que les sénateurs connaissent particulièrement bien : que peut-on craindre de l'arrivée d'Européens non nationaux dans nos conseils municipaux ? Nous savons que ceux-ci représentent au contraire le plus souvent une vraie richesse par le regard neuf, le recul et l'ouverture qu'ils apportent. Aujourd'hui, dans nos villes, pouvons-nous encore, sans la moindre gêne, « consommer » les idées et le travail de nos concitoyens européens et, dans le même temps, leur fermer la porte de nos conseils ?
Je me souviens de la perplexité des membres d'une association de parents d'élèves à laquelle j'appartenais découvrant avec stupeur que celle qui était disposée à assumer leur présidence, et qui avait toutes les capacités pour le faire, ne pouvait exercer cette responsabilité, car elle était belge. Ils ne savaient même pas qu'elle était belge car elle parlait le même français que nous, et il leur semblait inconcevable que ce motif lui interdise de jouer un rôle auquel tout la préparait : ses enfants vivaient bien avec les nôtres, dans la même école et avec les mêmes enseignants, rencontraient les mêmes difficultés et partageaient les mêmes aspirations !
Mes chers collègues, nous ne pouvons vouloir faire l'Europe dans nos villes et dans nos villages sans les Européens. Une Europe réservée à l'usage exclusif des Français n'irait pas loin et sa construction serait totalement vaine.
Pour reprendre une formule classique, nous voulons une France forte dans une Europe forte. Et la France sera forte si les Français acceptent de travailler, dans la vie quotidienne aussi, avec les autres Européens.
L'Europe se construit évidemment à Bruxelles, à Strasbourg, à Luxembourg, dans nos quinze capitales, et maintenant dans les capitales des pays candidats à l'adhésion. Désormais, l'Europe politique doit se bâtir avant tout sur le terrain... avec les Européens.
Nous allons réussir l'Europe de l'euro. Et nous refuserions l'Europe des Européens !
Un « citoyen européen » ne cesse d'être citoyen ni d'être européen lorsqu'il pratique la « libre circulation », principe de base de l'Union. La cohérence d'une construction politique de l'Europe doit être sans faille.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pour toutes ces raisons et en suivant les sages recommandations de notre excellent rapporteur que le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi la dernière phase d'un long processus législatif visant à permettre aux étrangers communautaires, dès lors qu'ils résident en France, à voter et à être éligibles aux élections municipales.
Je ne reviendrai pas sur le débat très riche qui a entouré ce droit de vote et d'éligibilité et qui a abouti à la révision constitutionnelle de 1992.
Le débat d'aujourd'hui consiste seulement à examiner les dispositions législatives contenues dans la directive du 19 décembre 1994, compte tenu de l'article 88-3 de la Constitution.
Vous me permettrez cependant de formuler un certain nombre de remarques.
Ma première remarque concerne tout d'abord la question de la réciprocité. Nous devons, en effet, garder présent à l'esprit que le droit de vote et d'éligibilité ne saurait être accordé aux ressortissants des pays qui n'accordent pas aux Français des droits équivalents. Je sais que cela ne concerne que la Belgique et la Grèce et que cette condition figure dans la Constitution. Mais il me semble important de le rappeler dans la loi organique pour assurer le respect de cette clause et faciliter l'application du présent texte. Je me réjouis donc, monsieur le rapporteur, que la commission des lois ait déposé un amendement dans ce sens.
Par ailleurs, et ce sera l'objet de ma deuxième remarque, dans son excellent rapport sur la proposition de résolution présenté par M. Larché en 1994, notre collègue M. Masson a mis en évidence la nécessité d'une durée de résidence en France pour que les ressortissants communautaires puissent voter et se présenter aux élections municipales.
M. Masson précisait d'ailleurs, dans le rapport précité, que, sur le plan des principes, une condition de résidence était tout à fait justifiée. En effet, l'élection municipale est non seulement l'acte de désignation d'administrateurs locaux, mais également un acte de participation à la vie civique au sein de la collectivité nationale.
La législation française n'impose, certes, aucune condition de résidence aux citoyens français pour participer aux élections municipales. Mais ce régime est fondé sur l'idée que la nationalité française est, à elle seule, le signe incontestable de l'intégration dans la nation.
Tel n'est pas le cas des étrangers communautaires qui, dépourvus de cette nationalité française, doivent donc justifier d'une intégration suffisante pour pouvoir voter en France, cette intégration suffisante ne pouvant, naturellement, s'opérer que dans la durée.
Cette analyse est tout à fait conforme aux indications réitérées du gouvernement de l'époque, lors du débat sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht.
C'est ainsi qu'à propos du droit de vote des ressortissants communautaires, le Premier ministre de l'époque déclarait devant le Sénat, le 2 juin 1992 : « Je rappelle également que ce droit est explicitement réservé aux citoyens communautaires, résidents principaux sur notre sol depuis une durée appréciable. »
De la même façon, M. Michel Vauzelle, alors garde des sceaux, faisait observer que le traité de Maastricht « tend seulement à ce que les ressortissants d'un Etat, qui vivent de façon stable dans un autre Etat membre, qui y ont des intérêts professionnels et des attaches familiales, qui y sont intégrés, puissent manifester leur intérêt pour la vie locale de leur commune de résidence ».
Je regrette donc que le texte qui nous est soumis ne contienne pas cette restriction. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de la commission des lois qui précise que le ressortissant communautaire ne sera considéré comme résidant en France que s'il y a son domicile réel ou si sa résidence y présente un caractère continu.
Ce texte, même s'il ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, interdira le vote des ressortissants qui n'auraient en France qu'une simple résidence secondaire.
Par ailleurs, le texte qui nous est soumis n'empêche pas l'élection d'une majorité d'étrangers communautaires au sein des conseils municipaux. Il prévoit simplement que, si, au sein d'un conseil municipal, le nombre de conseillers municipaux est insuffisant pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint, le conseil est dissous de plein droit.
Il eût été préférable que des dispositions plus précises figurent dans la loi afin de garantir à toutes les communes de France le nombre de conseillers municipaux français nécessaire pour pourvoir les postes qui leur sont réservés par la Constitution.
En l'état actuel, l'article L. 122-2 du code des communes dispose que ces postes, dont le nombre est déterminé librement par le conseil municipal, représentent au maximum 30 % de son effectif légal. En pratique, la solution aurait pu être celle que préconisait en son temps M. Masson. Elle aurait pour effet d'interdire que le nombre des Français siégeant au conseil municipal soit inférieur à 30 %.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'application des dispositions de ce projet de loi organique dans les territoires d'outre-mer, il me semble nécessaire de rappeler que ces territoires ont une organisation particulière qui tient compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, et, comme le traité de Rome le stipule clairement, qu'ils ont un statut tout à fait spécifique dans l'espace communautaire : ils sont simplement « territoires associés ».
En conséquence, une formule laissant à ces territoires la possibilité d'appliquer ou non le dispositif contenu dans ce texte aurait été préférable.
Autre sujet de préoccupation : celui de la possibilité du double vote. En effet, le texte, tel qu'il nous est présenté, permet, selon le moment ou l'opportunité, à un citoyen communautaire de voter aux élections municipales à son gré dans son pays d'origine ou en France, ce qui est choquant. Je regrette que nous n'ayons pas trouvé de solution.
Enfin, je terminerai mon propos en évoquant le problème du Conseil de Paris. Ce dernier est, depuis la Constituante de 1790, à la fois un conseil municipal et un conseil général. En outre, depuis la réforme de 1982, les conseillers d'arrondissement sont élus en même temps que les membres du Conseil de Paris.
Les Parisiens élisent donc, en une seule fois, lors des élections municipales, leurs édiles, qui cumulent la fonction de conseillers municipaux et celle de conseillers généraux.
Loin de nous l'idée de soumettre la première ville de France, où résident de nombreux étrangers communautaires, à un régime dérogatoire à la règle commune de l'article 8 B, paragraphe 1, du traité de Maastricht, mais il nous semble indispensable de veiller à la séparation nette des deux fonctions de conseiller municipal et de conseiller général.
Je ne peux donc qu'approuver l'amendement présenté par notre commission des lois à la suite des observations de nos collègues Maurice Ulrich et Lucien Lanier, et visant à exclure les ressortissants communautaires élus membres du Conseil de Paris lorsque celui-ci se réunit en conseil général.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Il souhaitait que l'Europe unisse les hommes bien plus qu'elle ne coalise les Etats ; ce que Jean Monnet voulait monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht l'a fait.
En accordant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes à tous les citoyens de l'Union européenne dans le pays où ils résident, ce traité historique a donné l'indispensable dimension politique et humaine à cette union des Etats, développant ainsi le sentiment d'appartenance et d'intégration à cette communauté de destin, et ce grâce à cette conception élargie de la citoyenneté.
Pour nouvelle qu'elle soit, cette idée d'Europe des citoyens était en germe depuis 1985 puisque le préambule de l'Acte unique mentionnait que les douze pays étaient décidés à promouvoir la démocratie.
J'ai plaisir à rappeler ce que notre excellent collègue le président Jacques Genton écrivait dans son rapport n° 125 de décembre 1988, au nom de la délégation parlementaire pour les Communautés européennes : « Au-delà de l'habillage juridique, le vrai motif d'une participation des ressortissants des Etats membres aux élections municipales de l'Etat membre de leur résidence est la promotion de l'idée d'Europe de citoyens. On peut penser que le parachèvement de la construction européenne est suspendu à l'apparition d'un sentiment authentique, qui fait encore défaut, d'appartenance à une communauté humaine aux contours de l'Europe des douze, c'est-à-dire d'un sentiment de communauté de destin dont surgirait un jour une nation européenne. Dans cette optique, l'octroi du droit de vote aux résidents originaires des autres Etats membres lors des élections municipales apparaît comme l'élément limité mais utile d'une entreprise de grande envergure. De ce point de vue, le projet ne peut qu'être approuvé, mais encore faut-il prendre en compte certaines données internes qui vont conditionner son aboutissement. »
En transposant dans notre droit interne la directive européenne du 19 décembre 1994, nous confirmons le choix politique contenu dans le traité de Maastricht, adopté et ratifié par référendum en 1992. Irréversible, ce traité engage la France, il nous engage, même s'il a été adopté à une courte majorité.
Regrettons le retard pris par la France pour la transposition de la directive européenne. L'argument selon lequel les prochaines élections municipales n'auront lieu qu'en 2001 ne saurait suffire. Fallait-il être menacé d'un recours en manquement pour vite inscrire ce projet de loi à l'ordre du jour ? Ce reproche ne s'adresse pas au Gouvernement actuel. Que notre enthousiasme européen soit à la hauteur de l'ambition qu'a la France d'être l'une des locomotives de cette Union européenne !
Nous sommes nombreux, dans cette enceinte parlementaire, à nous souvenir des débats de 1992. Certes, il était utile de rappeler notre histoire, notre culture politique, nos particularismes, nos spécificités juridiques ; mais il fut vain de surenchérir inutilement. Rien n'était insurmontable pour qui voulait réellement être acteur de cette construction de l'Europe. Tel un cours d'eau, le cours de l'histoire peut être maîtrisé, peut être canalisé ; en aucun cas, il ne peut être arrêté. Si des blocages persistent, ils se briseront les uns après les autres contre le mur de la réalité.
Constatons avec satisfaction que le temps a fait son oeuvre, et bien plus vite qu'on aurait pu l'imaginer. J'avais été frappé, au cours de ces débats âpres et difficiles de 1992 et 1994, que des collègues semblaient découvrir, pour la première fois, cette notion de citoyenneté européenne, alors que le traité de Rome, signé en 1956, prévoyait la libre circulation des personnes, une meilleure intégration, qu'il n'était pas de meilleure intégration que la participation à la désignation des organes municipaux. Pour que l'Europe existe, il faut que les Européens se sentent partout chez eux.
Ce projet de loi organique concrétise le passage de la formulation d'un concept à la mise en place d'une Europe des citoyens, véritable entité politique et humaine. Pour ce faire, il fut nécessaire de modifier notre loi fondamentale pour adapter le plein exercice de souveraineté à cette nouvelle donne politique européenne. Un nouvel article 88-3 a été introduit pour autoriser la ratification du traité.
La rédaction de cet article nouveau porte la marque - mais je pourrais dire aussi la méfiance et les craintes - du Sénat. La formulation de ce nouvel article est révélatrice, au point qu'une grande partie de la majorité sénatoriale, pourtant acquise à l'idée européenne, subordonnait l'évolution historique de l'Europe à l'acceptation par le Gouvernement de M. Pierre Bérégovoy de quelques précisions.
Craignant une subreptice introduction du droit de vote à tous les étrangers aux élections locales, le terme « seuls » fut l'objet « d'une guerre de tranchées » et finit par être ajouté pour marquer, s'il en était encore besoin, que bien des personnes vivant sur notre sol étaient doublement étrangères, d'abord à la France, puis à l'Europe en construction. Sur ce point, ma conviction n'a pas changé, mes chers collègues. Je sais que la maturation des esprits est lente. Mais l'inconcevable d'aujourd'hui sera le projet de demain et la réalité d'après-demain.
La mention : « Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire, ou d'adjoint, ni participer à la désignation des sénateurs et des délégués sénatoriaux » ne semblait pas suffire. Le Sénat a tenu à préciser « qu'une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article ». C'était là la crainte qu'une majorité absolue de l'Assemblée nationale n'impose ses conditions à la Haute Assemblée et, d'une manière non moins déguisée, que le Sénat ne profite du traité de Maastricht pour rééquilibrer quelque peu à son profit les institutions.
Et que de déclarations solennelles, péremptoires, sur l'exercice de la souveraineté, mise à mal, paraît-il, par l'élection de quelques centaines de conseillers municipaux européens, non français ! La relecture de ces déclarations, et surtout l'attitude, le comportement politique, les actes de leurs auteurs, ne donnent pas l'impression que cela s'est passé il y a à peine cinq années. A les entendre, la France allait se défaire !
Nous sommes tous attachés au plein exercice de cette autorité suprême qu'est la souveraineté. Mais rien ne serait plus faux que de ne pas prendre en compte le concept évolutif de souveraineté car, dans ce domaine aussi, rien n'est figé pour l'éternité. C'est la loi de la vie des peuples, des nations, c'est la respiration de l'Etat qui est une réalité vivante, qui doit se transformer, évoluer, s'adapter avec le nécessaire consentement du peuple souverain.
L'union de l'Europe exige des apports, mais aussi des dévolutions. La France est toujours souveraine pour décider de ce qu'elle peut faire seule, tout comme elle est souveraine pour décider qu'elle accepte de déléguer tout ou partie de sa souveraineté. La souveraineté européenne ne résulte que de l'addition des parcelles de souveraineté consenties par chacun des pays membres.
Le Premier ministre, Lionel Jospin, ne disait-il pas dans sa déclaration de politique générale : « Pour moi, l'Europe doit être un espace supplémentaire de démocratie, doit ouvrir des perspectives nouvelles de citoyenneté. Elle ne saurait se substituer à la nation, mais la prolonger et l'amplifier. »
M. Emmanuel Hamel. Alors, il faut se libérer de Maastricht !
M. Guy Allouche. Monsieur Hamel, je crains que vous n'ayez pas raison et je crains que vous ne soyez un jour...
M. le président. Monsieur Allouche, ne vous laissez pas distraire par des interruptions, si intéressantes soient-elles.
M. Guy Allouche. Je réponds courtoisement à M. Hamel.
Cette citoyenneté européenne nouvelle, loin de nous affaiblir, va bien au contraire nous renforcer. C'est si vrai que de nombreux pays d'Europe frappent à la porte de l'Union européenne, certes pour leur futur développement économique et social, mais surtout pour être définitivement arrimés à la démocratie, comme nous l'avons voulu pour l'Espagne, le Portugal et la Grèce.
Qui n'a pas encore compris qu'une grande partie des problèmes que connaissent les pays trouvent leurs solutions sinon à l'échelle planétaire, à tout le moins à l'échelle d'un continent comme l'Europe ? La paix, la sécurité, la recherche en tous domaines, le développement économique, social, culturel, la communication et les communications, l'environnement, l'emploi, la protection sociale, la monnaie ne se traitent plus uniquement à l'échelle réduite d'un pays. Nous avons tous observé que les remarques et réserves faites au sujet de la souveraineté, qui serait menacée, n'ont pas résisté longtemps à l'usure du temps et des faits.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de cette discussion générale, je n'ai pas voulu aborder le détail du dispositif de ce projet de loi organique, qui est un texte de transposition d'une directive européenne et, à ce titre, de nature essentiellement technique, dirais-je. Les réserves soulevées par le Parlement avant son adoption définitive ont été partiellement levées, soit que le Gouvernement n'ait pas réussi à subordonner l'accord de la France au respect de celles-ci, soit qu'elles aient été prises en considération dans la directive elle-même, soit, enfin, qu'elles figurent dans le projet de loi organique qui s'est inspiré, à cet égard, de la loi de 1994 relative à la participation des ressortissants européens aux élections européennes.
Néanmoins quelques interrogations demeurent. Ainsi, monsieur le ministre, votre projet écarte explicitement la possibilité du double vote ; aurez-vous les moyens d'en assurer la vérification ?
Bien que Paris soit l'une des « collectivités territoriales de base » visées à l'article 2 de la directive, la situation de Paris mérite d'être précisée, selon que le Conseil de Paris siège en formation de conseil municipal ou en formation de conseil général.
J'aurai l'occasion tout à l'heure, lors de la discussion des articles, de défendre un amendement portant sur ce point et j'espère que la Haute Assemblée voudra bien accorder ses suffrages à cette modification qui tient compte de la spécificité de Paris.
A ce stade de la discussion, je voudrais remercier notre éminent rapporteur, qui a fait état de la fructueuse discussion que nous avons eue ce matin en commission sur cette question et qui a pris en considération des amendemens que le groupe socialiste a déposés sur ce sujet.
Je tiens à le féliciter de la qualité du rapport qu'il nous a présenté sur ce projet de loi organique et je pense qu'il est superflu de dire combien notre collègue M. Fauchon a foi en l'Europe tant cette foi est tangible tout au long de ce rapport.
En ce qui concerne le collège électoral sénatorial, le projet de loi organique fait silence sur le non-remplacement des conseillers municipaux européens non français.
Cette question intéresse particulièrement les communes de plus de 9 000 habitants, qui, aux termes de l'article L. 285 du code électoral, voient tous leurs conseillers municipaux délégués de droit. Il paraît nécessaire d'organiser les modalités de leur remplacement pour que la représentation de ces communes ne soit pas diminuée au sein du collège électoral sénatorial. Afin de résoudre ce problème, le groupe socialiste proposera, par amendement, de faire application des règles de droit interne régissant la désignation des grands électeurs supplémentaires, qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 30 000 habitants.
Autre question : en cas d'élections municipales partielles d'ici à 2001, les citoyens de l'Union européenne résidant en France et inscrits sur la liste électorale complémentaire pourront-ils voter et se faire élire ou faudra-t-il attendre le renouvellement général de 2001 ?
Enfin, dernière interrogation : d'ici au 1er mars 1999, par quels moyens les citoyens européens non français résidant principalement en France seront-ils informés de leur possibilité de s'inscrire sur la liste électorale complémentaire qui sera ainsi ouverte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma conclusion sera brève. Le groupe socialiste est favorable à l'adoption de ce projet de loi organique tel qu'il a été déposé, tout comme il a été favorable à la ratification du traité de Maastricht duquel ce projet découle. Nous sommes sensibles au fait que le premier texte inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat pour cette session extraordinaire constitue un plus pour la démocratie en Europe. Nos convictions européennes sont connues et reconnues. Depuis longtemps, nous appelions de nos voeux la mise en place de cette citoyenneté européenne, élément fondamental d'intégration et d'appartenance à cette communauté de destin. Et comment ne pas rappeler en cet instant ce que le Président François Mitterrand disait : « Si la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir. » ?
Alors oui, ayons foi en cet avenir ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique dont nous débattons aujourd'hui doit permettre à une partie des étrangers, citoyens des différents pays membres de l'Union européenne, de participer aux élections municipales.
Nous n'avons pas une vision étriquée de la nation.
Notre conception est généreuse et ouverte, imprégnée d'un esprit de coopération et inséparable d'une attitude de solidarité internationale.
Comme nous ne voyons dans cette proposition, liée à des élections locales, aucune atteinte à la souveraineté du pays, notre vote sera positif.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Michel Duffour. Ne vous méprenez pas, toutefois, sur son sens.
Une divergence profonde nous sépare des rédacteurs du traité de Maastricht.
Nous n'oublions pas les arguments de certains de ses laudateurs et leur complaisance pour des abandons de souveraineté nationale.
Si ce point de vue habite toujours certains de nos collègues qui verraient dans ce vote une étape vers plus de fédéralisme, je leur précise que nous trouvons, aujourd'hui comme hier, cette orientation dangereuse pour la démocratie et archaïque au regard des aspirations citoyennes.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Duffour. L'élargissement du vote aux élections locales est à nos yeux un rapprochement des citoyens des centres de décisions.
Soyons clairs : nous ne dissocions pas la citoyenneté de la nationalité, mais nous sommes bien décidés à travailler à l'émergence d'une citoyenneté européenne complémentaire.
Certes, il faudra pour cela tout autre chose que les chemins jusqu'alors empruntés.
Le texte en débat est d'ailleurs symptomatique de la minceur des ambitions affichées.
Je ne vous fais pas grief, monsieur le ministre, de présenter un projet de loi qui porte transposition de la directive communautaire du 29 décembre 1994. Je constate seulement que nous examinons un texte qu'on ne saurait présenter comme une très grande avancée de citoyenneté.
Des pans entiers et nouveaux sont à imaginer dans le respect de l'identité de chaque nation. Toute la construction européenne imposée au cours de la dernière décennie a fait fi des individus, de leurs besoins et de leurs aspirations. Ni l'homme ni la démocratie ne sont au coeur de sa démarche. C'est l'organisation du marché et lui seul qui constitue sa raison d'être.
Alors que les peuples d'Europe ont besoin de grandes complicités culturelles, de complémentarités économiques dans la lutte contre le chômage, de réformes sociales d'ampleur, de résistances à l'uniformisation et à la « marchandisation » de la vie publique, de combats solidaires avec les peuples du Sud, nos nations sont malades d'une conception restrictive de la citoyenneté.
Pourtant, que ce soit sur les lieux de travail, dans les quartiers, ou pour des choix politiques plus fondamentaux, le développement de l'intervention citoyenne et la participation de tous les acteurs devraient être largement favorisés.
L'heure est à la promotion des valeurs auxquelles les démocrates de nos nations tiennent, à la transparence dans les décisions, à l'élargissement des pouvoirs et des possibilités pour les salariés d'intervenir dans la gestion et les choix des grands groupes économiques. La fermeture de l'usine Renault à Vilvorde a rappelé les immenses carences en ce domaine.
L'accès au vote aux élections locales n'est qu'un pas dans le grand chantier à ouvrir. N'étant pas des partisans du tout ou rien, nous le voterons.
Mais ce pas en appelle d'autres. De plus grands brassages de citoyenneté, dans le respect de chaque identité, s'imposent.
Comment justifier la discrimination de fait qui se fera entre étrangers ressortissants de l'Union européenne et citoyens du reste du monde ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Michel Duffour. Comment encourager les citoyens portugais de nos cités à se prononcer sur la gestion de leur commune alors qu'on s'entêterait à en refuser la possibilité à leurs voisins tunisiens, algériens ou marocains ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Michel Duffour. Le vote d'aujourd'hui est l'amorce d'un mouvement plus large.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment que le droit de vote aux élections municipales doit être accordé à l'ensemble des étrangers ayant leur résidence en France.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Michel Duffour. Chacun sait que nous sommes favorables à l'extension du droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers et nous interviendrons en ce sens, comme nous l'avons fait par le passé, à l'occasion des futurs débats parlementaires sur la politique d'immigration.
Votre choix, mes chers collègues, créera, probablement au corps défendant de certains d'entre vous - j'ai bien entendu les propos de M. About et je ne m'en étonne pas - un mouvement irréversible pour le vote de tous les citoyens étrangers résidant en France à ce type d'élection.
Je pense que l'opinion publique française va mûrir très vite sur ce sujet et nous nous en réjouissons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Bergé-Lavigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais résumer en un mot mon intervention, je dirais : enfin ! Enfin, ce texte arrive devant nous,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement qu'il y a eu la dissolution !
M. Guy Cabanel. ... ce texte qui va marquer une étape décisive dans l'ouverture de notre pays à la citoyenneté européenne. Il s'agit en effet du droit de vote et d'éligibilité des citoyens européens aux élections municipales, base de notre démocratie locale.
On parle beaucoup de l'Europe des citoyens, mais, malheureusement, les dispositions concrètes sont rares.
En effet, les dispositions communautaires qui président aux droits du citoyen européen sont fort peu nombreuses. Un examen rapide du Répertoire de la législation européenne suffit pour le démontrer : une seule page sur plus d'un millier concerne ce sujet proprement dit. Le constat est frappant et d'autant plus édifiant que plusieurs de ces textes n'ont pas encore été mis en oeuvre.
Les principales dispositions relatives à la citoyenneté européenne ont été précisées dans le traité de l'Union européenne en son article G. Elles comportent principalement quatre volets : droit de circulation - élément déjà fondamental du traité de Rome - droit de vote aux élections européennes - cela est acquis - droit de vote aux élections municipales - cela sera acquis après le vote du texte que nous discutons - droit de protection diplomatique indifférenciée, et enfin - cela est un point plus formel - droit de pétition devant le Parlement européen.
A la veille de la signature prochaine du traité d'Amsterdam, et compte tenu du degré d'avancement des politique européennes ainsi que des engagements pris par les chefs d'Etat et de gouvernement lors de la Conférence intergouvernementale, il est maintenant indispensable que le Parlement français prenne les décisions qui permettront aux citoyens européens de jouir, sur le sol français, des droits démocratiques élémentaires.
Les termes de la directive européenne 94/80/CE du 19 décembre 1994 relative à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité ont recueilli l'accord unanime du Conseil européen. Ce texte n'est par conséquent plus amendable.
Le Parlement français garde cependant un pouvoir d'interprétation, au moyen du projet de loi organique de transposition de cette directive, afin de préserver les principes fondamentaux et les pratiques culturelles de la démocratie en France. Les rédacteurs des textes européens ont bien perçu la difficulté de cette transposition et ont laissé aux Etats membres la latitude nécessaire pour mettre en oeuvre le principe de cette directive dans le respect des traditions juridiques nationales.
Le texte aujourd'hui en discussion aura une incidence toute particulière dans les communes d'Ile-de-France, de Paris et des régions frontalières, qui comptent entre 5 % et 10 % de ressortissants communautaires par rapport à un total de 1,3 million de citoyens non français de l'Union européenne vivant sur le territoire national.
Une disposition constitutionnelle est de nature à faciliter la transposition de la directive européenne dans le droit français : en effet, sur avis du Conseil constitutionnel, le Parlement français a, dès 1992, voté les articles 88-2 et spécialement 88-3 du titre XV de la Constitution. Ils guident le législateur dans la discussion des termes de la loi organique prévue pour l'application du traité de l'Union européenne.
La loi organique prévoit l'application d'une clause de réciprocité dont nous verrons les incidences perverses qu'elle peut avoir du fait d'une ratification tardive. Elle impose la résidence sur le sol français à l'électeur communautaire. Elle lui interdit l'exercice de la fonction de maire ou d'adjoint et elle l'écarte de la participation à la désignation des électeurs sénatoriaux et, plus généralement, de tout le processus des élections sénatoriales.
Quant à la clause de réciprocité prévue dans la loi organique, elle conditionne la mise en oeuvre du droit de vote pour les citoyens communautaires résidant en France à l'obtention de ce même droit pour les citoyens français résidant dans un autre Etat de l'Union.
La Belgique et la Grèce sont en retard comme l'était jusqu'à présent la France : elles n'ont pas transposé la directive et l'on peut se demander quelle serait la situation si ces deux pays n'introduisaient pas dans leur droit national les dispositions en cause d'ici aux élections municipales de 2001. J'espère que ce cas ne se présentera pas.
La loi organique interdit le double vote des citoyens communautaires résidant en France. La commission des lois a retenu un amendement de suppression de cette disposition du texte initial. On peut le regretter. Cependant, le caractère tardif de la loi organique française fait que le double vote a été admis par les pays européens ayant transposé la directive dans leur droit électoral national. Le principe de réciprocité conduit donc à reconnaître une situation de fait qui avantage les autres Européens par rapport aux Français.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Guy Cabanel. Je crains que nous ne puissions rien contre de telles dispositions.
En vertu du même article 88-3 de notre Constitution, la commission des lois a prévu de restreindre, pour les ressortissants communautaires, la notion de résidence sur le sol national « au domicile réel ou au caractère continu de la résidence ».
Cette précision me paraît sage. Elle devrait permettre de limiter, mais en partie seulement, le nombre des « doubles votes ».
Au demeurant, l'amendement de la commission visant à établir l'incompatibilité pour les ressortissants communautaires résidant en France d'exercer simultanément deux mandats municipaux en France et dans leurs pays d'origine, semble aller de soi.
Cette proposition, qui corrobore la notion de « résidence » appliquée aux citoyens communautaires, aura pour effet de renforcer la crédibilité politique, d'éviter l'absentéisme dans les réunions municipales et d'affirmer l'engagement démocratique actif des conseillers municipaux communautaires.
Le présent texte aura-t-il une incidence sur le projet de loi relatif à « l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales », qui figure à notre ordre du jour de la semaine prochaine ? Monsieur le ministre, comment ce projet s'articulera-t-il avec la loi organique ? Par exemple, qu'en sera-t-il des ressortissants communautaires âgés de dix-huit ans résidant en France ? Seront-ils inscrits d'office ou devront-ils s'inscrire d'eux-mêmes sur des listes complémentaires ?
Cela a été rappelé tout à l'heure, la Grande-Bretagne, qui n'est pourtant pas toujours un exemple de vertu européenne, procède en quelque sorte à une attribution immédiate de carte électorale aux étudiants ressortissants des Etats de l'Union européenne qui se trouvent sur son sol.
L'article 6 du projet de loi organique prévoit l'impossibilité pour les membres du Conseil de Paris et les conseillers municipaux d'origine communautaire de participer au processus électoral sénatorial. On a ainsi pallié certaines difficultés.
Cependant, je remarque que cette indispensable mesure ne manquera pas de modifier l'équilibre de la pratique actuelle des élections sénatoriales dans les communes de neuf mille habitants et plus. Dans ces communes, en effet, l'ensemble des conseillers municipaux sont membres de droit du collège électoral des sénateurs.
Le retrait des conseillers municipaux communautaires non français minorera la représentation de certaines communes où l'ensemble des membres du conseil municipal figurent parmi les électeurs sénatoriaux.
Ce problème pourrait être résolu grâce à un ultime amendement de notre commission des lois, dont je remercie l'excellent rapporteur. Je participerai à la discussion de cet amendement avec d'autant plus d'intérêt que j'en avais, hier, évoqué la possibilité avec M. Fauchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte de transposition qui nous est enfin présenté engage le Parlement. Cette loi organique va marquer un tournant dans l'histoire de notre code électoral. Elle reconnaît aux citoyens de l'Union européenne l'égalité dans la participation à la vie communale.
L'exercice du droit de vote et d'éligibilité accordé au citoyen est la condition fondamentale de toute démocratie. Son élargissement communautaire, pour la désignation des conseils municipaux, mérite notre accord et notre vigilance.
L'exercice de ce droit découle d'une association librement consentie d'Etats souverains, qui décident même des conditions d'application de la directive. Je vois là la marque d'un esprit confédéral, dont je me réjouis s'agissant de l'Union européenne.
C'est donc au regard du respect des traditions électorales spécifiques de la France que, à l'unanimité ou à la quasi-unanimité de ses membres, le groupe du RDSE votera le projet de loi organique. Pour les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen, il n'est que temps d'appliquer les dispositions qu'avait prévues le traité d'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai peu de choses à ajouter à mon intervention initiale, qui, je crois, répondait par avance à nombre des questions qui ont été soulevées.
La citoyenneté est, au fond, le vrai sujet de nos débats, même si nous l'abordons par un biais relativement étroit : le droit de vote aux élections municipales.
Je rappelle que la citoyenneté a été définie à la fin du xviiie siècle, avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme étant l'avènement d'un nouveau souverain : la citoyenneté, c'est la souveraineté en acte du peuple succédant au droit divin des souverains de l'ancien régime.
Ce peuple souverain se doit d'être instruit pour pouvoir lui-même décider de tout ce qui le regarde, car, comme l'a dit Jaurès, c'est un acte de confiance extraordinaire en la capacité d'une vaste collectivité humaine - et la France était, à l'époque, le pays le plus puissant et le plus peuplé d'Europe - de se gouverner par lui-même.
Il me semble que cette conception de la souveraineté, qui était évidemment présente dans vos interventions, mérite d'être rappelée. Le citoyen est instruit et éclairé notamment par l'école ; c'est le sens des projets de Condorcet, de Lakanal et des lois de Jules Ferry. Il y aurait peut-être lieu, d'ailleurs, d'y revenir, parce que les fonctions que remplissait alors l'école sont aujourd'hui aussi assumées, à bien des égards, par la télévision, dans la mesure où celle-ci contribue à façonner la manière dont nos concitoyens se font un jugement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le but de l'école est de former des citoyens conscients, responsables, dotés d'esprit critique, car la République, c'est aussi la laïcité, l'idée d'un espace commun soustrait à l'empire des dogmes, au sein duquel nous pouvons débattre de l'intérêt commun, de la chose publique, de la res publica ; que nous appartenions à telle ou telle confession ou à telle ou telle école de pensée, il y a quand même cette idée d'un espace où s'exerce la raison naturelle, indépendamment des révélations propres à chaque religion, des présupposés ou des dogmes philosophiques.
La citoyenneté, c'est l'exercice de la souveraineté populaire, et la République, c'est d'abord le suffrage universel, mais ce n'est pas que cela. La citoyenneté, comme l'a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, c'est un ensemble indissociable de droits et de devoirs.
Le problème est de savoir jusqu'où l'on pourrait découper la souveraineté en tranches ; voilà une vraie question. Comment articuler, d'une part, la citoyenneté nationale, la souveraineté populaire en acte, et, d'autre part, la citoyenneté européenne ? Nombre d'entre vous ont abordé cette question.
Le champ d'exercice de la citoyenneté est une vieille affaire. La Révolution française avait admis comme citoyens Anacharsis Cloots, Thomas Paine et quelques autres, mais ils n'étaient, si j'ose dire, que l'exception qui confirme la règle.
D'ailleurs, quand la République a voulu s'étendre à la rive gauche du Rhin et quelquefois plus loin encore, jusqu'aux bouches de l'Elbe ou du Tibre, sans parler de l'expérience des républiques soeurs, tout cela nous est revenu à la figure. On a fini par se rallier à l'idée selon laquelle les hommes se reconnaissant politiquement dans une appartenance nationale, le champ d'exercice naturel de la citoyenneté était la nation.
J'observerai que, au cours de notre histoire coloniale, nous avons fait de semblables expériences, notamment en Algérie ; ai-je besoin d'y revenir ?
Sans exclure le moins du monde la perspective enthousiasmante d'une citoyenneté qui dépasserait les frontières de notre nation, je tenais à rappeler comment, jusqu'à présent, les choses se sont passées, afin d'éclairer notre débat.
Comme le disait Jaurès, il faut aller à l'idéal...
M. Guy Allouche. Et comprendre le réel !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Absolument ! C'est-à-dire garder les pieds sur terre, pour parler familièrement.
Plusieurs orateurs se sont exprimés sur la question de la citoyenneté européenne. M. Allouche, notamment, a dit qu'elle était surbordonnée à une conscience commune, à un sentiment d'identité, à un sentiment de solidarité, qui doit se marquer dans les décisions budgétaires, dans la politique de défense, dans des choix de politique étrangère. Il est clair que nous avons encore du chemin à parcourir sur cette voie et que, quant aux modalités de la construction européenne, le débat est naturellement ouvert.
L'avancée que nous réalisons aujourd'hui est réelle, mais elle est modeste.
Elle peut s'interpréter comme une étape sur la voie d'une participation plus étroite aux décisions locales et de l'intégration républicaine. C'est une sensibilité que j'ai entendue s'exprimer, notamment par la voix de M. Duffour.
D'autres peuvent envisager cette avancée dans une perspective plus lointaine, qui est celle de la citoyenneté européenne, que je ne veux pas écarter dès lors, bien entendu, que le sentiment d'identité aura progressé.
Ai-je besoin d'évoquer les discussions de marchands de tapis autour du budget communautaire et de son financement ? Elles illustrent tout de même certaines limites du sentiment de solidarité. Je pourrais aussi faire allusion à quelques conflits qui montrent que les pays européens ne se trouvent pas toujours spontanément sur la même longueur d'onde.
Monsieur Duffour, vous avez en particulier soulevé la question de la double inscription.
Personnellement, je comprends mal comment le suffrage universel pourrait tolérer la double inscription. En effet, permettre à un individu de voter deux, voire trois fois, ce serait nécessairement, quelque part, fausser les résultats.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Evidemment !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous sommes tout de même les gardiens de quelques principes.
De toute façon, cela n'irait pas très loin : si, potentiellement, le nombre d'étrangers communautaires pouvant voter en France est de 500 000, dans la réalité, il est infiniment moindre. Vous savez que, pour les élections européennes, le nombre d'étrangers inscrits a été relativement faible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. 45 000 !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous sommes donc encore loin du compte !
Mais il est évident que, surtout si l'on allait dans la logique dessinée par M. Duffour, qui serait d'étendre le droit de vote aux étrangers non communautaires, soit environ 60 % du total des étrangers en France, la possibilité de modifier le résultat du vote serait considérable, notamment dans certaines villes.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Elle serait énorme !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il faut évidemment bien peser tout cela. Mais, ayant exprimé mon sentiment personnel, je fais confiance à la sagesse de la Haute Assemblée à cet égard.
Nous respectons les engagements internationaux de la France. Ce projet devait être soumis à la représentation nationale. C'est chose faite.
Parmi les autres questions abordées, figure notamment celle de la réciprocité, et je souhaite être tout à fait clair sur ce point.
Le rappel du principe de réciprocité ne soulève pas d'objection juridique. On peut même dire qu'il est inutile dans la mesure où il ne fait que répéter ce qui est déjà dit dans l'article 88-3 de la Constitution.
Mais il est sans effet pratique puisque la Cour européenne, saisie à plusieurs reprises par la Commission, a sans ambiguïté et à plusieurs reprises affirmé que ni la faute d'une institution communautaire ni le manquement d'un Etat membre ne peuvent justifier la violation par un autre Etat membre de ses obligations communautaires.
Le retard éventuel pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une règle communautaire ne saurait être invoqué par un Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire, des obligations qui lui incombent. C'est l'objet des arrêtés de la Cour du 26 février 1976 - Commission des Communautés européennes contre République italienne - et du 14 février 1984 - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne.
La France ne pourra donc exciper de la disposition introduite par le Sénat pour refuser l'inscription sur une liste électorale complémentaire d'un citoyen belge, par exemple, puisque M. Badré a cité le cas d'une citoyenne belge qui ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas voter en France.
Je vous rappelle que l'Union européenne comprend aujourd'hui quinze Etats et que plus elle s'élargit, plus, naturellement, la distance est grande. A certains égards, nous nous sentons peut-être plus proches de l'Algérie, qui a fait partie du même territoire national que nous, que de certains pays promis à l'adhésion. (Murmures sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) C'est une réalité ! Les pères de certains des ressortissants algériens présents sur notre sol étaient des tirailleurs algériens. L'histoire est un processus continu, nous ne devons jamais l'oublier !
Quoi qu'il en soit, loin de moi la volonté de vous entraîner sur des terrains qui, au demeurant, seraient à explorer.
M. Cabanel a dit : « Enfin ! ». Et M. Dreyfus-Schmidt a même souligné : « grâce à la dissolution ».
Je n'irai pas jusque-là. Ce projet de loi organique serait sans doute venu à un moment ou à un autre en discussion devant le Parlement. Il vient maintenant devant le Sénat et je pense que la discussion des articles confirmera le souhait exprimé par tous les orateurs : celui de voir ce texte adopté sans retard. (Applaudisssements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

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