M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de ce débat, je souhaite confirmer la satisfaction de la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen de voir aboutir l'inscription d'office des jeunes gens de dix-huit ans sur les listes électorales. En effet, le projet de loi dont nous avons discuté cet après-midi rencontre, à mon avis, au moins dans son principe, un certain consensus dans la mesure où il renforce indirectement un élément essentiel dans l'exercice de la citoyenneté, celui du droit de vote.
Fidèle à un engagement pris par le Premier ministre au mois de juin dernier, vous avez proposé, monsieur le ministre, un dispositif, qui, pour ma part, me paraît répondre à son objectif.
Quelques orateurs jugent le mécanisme d'inscription complexe et difficile à mettre en place. Mes chers collègues, il me semble que notre pays dispose des moyens administratifs suffisants pour soutenir cette entreprise que je ne considère pas comme insurmontable.
Si la plus grande rigueur est employée, dans le respect des libertés et des droits des personnes qui feront l'objet d'une inscription d'office, la démocratie française a tout à gagner du projet de loi.
J'ai aussi entendu que l'inscription volontaire sur les listes électorales était une initiative individuelle importante et que le fait de la rendre automatique risquait de déresponsabiliser la collectivité.
Au contraire, c'est à mon avis le vote lui-même qui est une démarche individuelle positive, et l'inscription sur les listes est une formalité pouvant apparaître, à certains, comme une tracasserie administrative.
Inscrits d'office, les jeunes, selon qu'ils exerceront ou non leur droit de vote, choisiront de vivre la démocratie de façon active ou passive.
Même si l'inscription d'office se révélait peu influente sur les taux d'abstention aux élections - je ne l'espère pas - nous ne serions pas coupables, avec les mesures aujourd'hui proposées, de n'avoir rien tenté pour aider les jeunes à renouer avec les institutions représentatives de notre pays.
Compte tenu de l'avis que je viens d'exposer au nom de la majorité des sénateurs du RDSE, j'invite ces derniers à voter en faveur du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai annoncé, au cours de la discussion générale, que le groupe socialiste était favorable au projet de loi, à sa philosophie, et je n'ai pas caché que ce texte présentait des difficultés d'ordre technique et administratif. Il aurait donc été logique que les sénateurs socialistes votent ce texte.
Néanmoins, compte tenu de l'adoption par la Haute Assemblée de deux amendements, dont l'un prévoit l'entrée en vigueur de la loi à compter du jour où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement, c'est-à-dire en l'an 2000, les membres du groupe socialiste, favorables à l'application aussi immédiate que possible de ce dispositif, ne pourront pas voter ce texte en l'état.
Il nous est difficile de voter pour ; nous ne pouvons voter contre, dans la mesure où l'idée est généreuse et où nous ne sommes pas hostiles à ce texte ; enfin, il n'est pas facile de s'abstenir. Par conséquent, mes chers collègues, le groupe socialiste ne prendra pas part au vote !
M. Jean-Jacques Hyest. Un vote blanc ou un vote nul ?
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d'examiner a été conçu pour encourager les jeunes à participer à la vie civique, répondant ainsi notamment au souhait exprimé par M. Jacques Chirac, Président de la République.
Nous ne pouvons qu'en approuver le principe. Toutefois, comme l'a excellemment démontré M. le rapporteur et comme les débats l'ont souligné, le mécanisme proposé par le Gouvernement était peu fiable et source de complications administratives et de difficultés juridiques.
En effet, le premier inconvénient tenait à la fiabilité toute relative des fichiers de sécurité sociale à partir desquels l'INSEE demanderait aux communes l'inscription d'office d'un jeune et qui ne comportent pas, bien entendu, de renseignements sur sa nationalité.
Le second inconvénient, parfaitement mis en évidence par M. le rapporteur, était l'alourdissement des tâches des commissions administratives. En effet, il était à craindre un risque de fraude dans les inscriptions. C'est ce qui avait d'ailleurs conduit à la suppression des inscriptions d'office prévues par la loi de 1975. Le rapport d'impact du ministère de l'intérieur est sur ce point éloquent.
De plus, la charge de travail pour les services municipaux ne manquerait pas d'augmenter. Là encore, le rapport d'impact du ministère de l'intérieur ne cache rien des problèmes auxquels les communes seront confrontées.
Vous avez également eu raison, monsieur le rapporteur, de mettre en évidence le caractère singulier du dispositif proposé, qui dispense les jeunes majeurs d'une formalité en amont, la demande d'inscription, tout en les invitant en aval à déférer à de nouvelles procédures de contrôle.
En conséquence, nous ne pouvons que nous réjouir de la proposition formulée par M. le rapporteur et adoptée par le Sénat, qui tend, d'une part, à éviter le recours aux fichiers de la sécurité sociale et, d'autre part, à fixer l'entrée en vigueur de la loi à compter du jour où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement.
Cette solution aura le mérite, d'une part, de limiter le nombre de contentieux dans lesquels la responsabilité des maires risquait une fois de plus d'être engagée alors que ces derniers agissaient dans cette matière en qualité d'agents de l'Etat et, d'autre part, de dispenser les communes des contrôles en aval.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles les membres du groupe du Rassemblement pour la République voteront ce projet de loi tel qu'il a été amendé. Ils le feront en étant toutefois conscients du fait que l'éveil à la citoyenneté pourra être atteint non par une simple mesure d'inscription d'office sur les listes électorales, mais par une véritable politique de sensibilisation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat sur le projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales, nous émettons le souhait que la portée du texte soit bien celle qui est escomptée, c'est-à-dire la participation et l'intérêt accrus des jeunes pour la vie politique de leur pays. Notre excellent rapporteur, M. Christian Bonnet, a exposé les incidences de telles dispositions, et nous nous félicitons de l'adoption des amendements qu'il a proposés au nom de la commission des lois.
Ainsi, à l'impact du texte sur les jeunes et à la simplification administrative qui en découle pour eux s'ajoute un système cohérent, qui alourdira cependant - nous en sommes conscients - le travail des collectivités.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte tel qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne répéterai pas les raisons que nous avons de voter ce texte, m'associant aux excellents propos tenus à l'instant par MM. Yvon Collin, Alain Gérard et François Trucy.
Je souhaite simplement vous dire, monsieur le ministre, que les sénateurs représentant les Français établis hors de France ont noté la promesse ou la demi-promesse que vous leur avez faite, en tout cas l'espérance que vous leur avez donnée, d'inclure peut-être dans le projet de loi - il ne s'agit en effet que d'un article additionnel - les jeunes Français de l'étranger. Nous pensons en effet qu'ils peuvent l'être.
Notre concertation, nos hésitations, nos consultations étaient nécessaires. Les représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur, les commissions saisies au fond, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, sont maintenant à même, à mon avis, d'élaborer en quelques jours ou en quelques semaines un texte pour cet article additionnel que, à juste raison, vous avez considéré comme possible, monsieur le ministre.
Nous l'espérons fermement en tout cas. Il est temps maintenant de nous mettre à l'oeuvre, et nous disposons d'ailleurs de textes déjà parfaitement au point. Sous réserve de votre accord, cette concertation pourrait avoir lieu. Si, comme nous l'espérons, telle est votre volonté, les jeunes Français de l'étranger pourraient être placés dans ce texte sur un pied d'égalité avec les jeunes Français de France. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je tiens à répondre très précisément à M. Habert, ainsi qu'aux autres représentants des Français de l'étranger.
Un avis vient d'être rendu par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, et je vous ai indiqué que le Gouvernement était prêt à en tenir compte.
Néanmoins, il résulte des informations que j'ai recueillies qu'un article additionnel ne suffirait pas à régler les problèmes nombreux que pose l'avis du Conseil supérieur des Français de l'étranger, et que plusieurs lois, dont des lois organiques, devraient être modifiées. Je crains, par conséquent, qu'un projet spécifique ne soit nécessaire pour régler cette question. Cela mérite étude. Permettez que je consulte les juristes avant de vous donner une réponse définitive. Nous allons en tout cas nous mettre au travail, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis de dire que je ne peux pas en conscience, compte tenu de mon idée de la démocratie, de la République, voter ce texte. En effet, selon moi, la démocratie est, certes dans le respect du bien public, la liberté, l'autonomie de la personne ; c'est le choix volontaire assumé en conscience de ses conséquences.
La démocratie, ce n'est pas l'inscription d'office du citoyen sur une liste, ce n'est pas le fait de subir les conséquences d'une action administrative, ce n'est pas l'engrenage dans une société qui impose ses choix. L'exercice de la citoyenneté ne doit rien avoir d'automatique. Qui dit automaticité dans ce domaine contredit, dans mon esprit, la liberté, le choix, l'acte volontaire.
Puisque la République, c'est la liberté, puisque la démocratie, ce doit être le choix libre, je ne pourrai, si grandes qu'aient été les améliorations apportées à ce texte à la suite des interventions toujours remarquables du rapporteur, M. Christian Bonnet, voter ce texte visant à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Je vous rappellerai d'ailleurs, mes chers collègues, que le mot « élection » vient du latin« eligere », qui signifie non pas imposer, mais choisir.
Je suis donc pour le choix, pour la liberté et non pour l'automaticité.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Nous avons voté contre l'amendement n° 7 présenté par la commission et adopté par la majorité du Sénat. Nous restons dans le même état d'esprit et sommes persuadés que cette loi doit être appliquée au plus vite. Nous espérons que la sagesse prévaudra en ce domaine.
J'ai été très étonné d'entendre certains collègues argumenter leur vote positif à partir de la question du fichier et manifester une sorte de contentement à l'idée que l'étape pourrait être reculée. (Protestations sur les travées du RPR.)
Pour notre part, gens de symbole, nous considérons ce projet de loin comme important et positif, et nous le voterons donc, mais avec les réserves que j'ai exprimées précédemment.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. A une exception près, tout le monde était d'accord, me semble-t-il, sur le principe de l'inscription d'office. D'ailleurs, on pourrait fort bien admettre que tous les citoyens soient inscrits sur les listes électorales. Mais le droit, ce n'est pas cela, c'est le droit de voter ou de ne pas voter, et nous avons eu un long débat à ce sujet.
Il est vrai que c'est une démarche administrative. On pourrait d'ailleurs demander l'inscription d'office. Par conséquent, n'en faisons pas un débat théorique.
Donc une promesse a été faite ; il faut la tenir. Simplement, monsieur le ministre, nous souhaitons que cette promesse soit vraiment tenue et, pour ce faire, il faut que le système soit réalisable et réaliste.
Or, je suis convaincu - M. le rapporteur l'a dit beaucoup mieux que moi - que les croisements de fichiers ne permettent pas, aujourd'hui, d'avoir une fiabilité suffisante. En effet, les fichiers de la sécurité sociale, notamment, ne sont pas faits pour déterminer la nationalité. Bien souvent, ils ne comportent ni le nom, ni le prénom, ni l'âge des ayants droit.
Face à une impossibilité totale, nous avons donc essayé de trouver un système qui soit fiable. D'où le recours au recensement des jeunes pour le service national, qui donne de façon sûre la nationalité et le domicile.
Puisque l'on s'est fixé un objectif, essayons de l'atteindre, mais faisons-le de manière sérieuse et réaliste. Il ne faut pas faire trop de lois symboliques car, ensuite, lorsqu'elles sont mal appliquées, cela se retourne contre le législateur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà, tout simplement, ce que nous avons voulu faire, et voilà pourquoi, avec mon groupe, je voterai le projet de loi tel qu'amendé par la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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