M. le président. Par amendement n° 32, M. Autain, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le chapitre IX du titre III du livre V du code de la santé publique, après l'article L. 658-11, un article L. 658-12 rédigé comme suit :
« Art. L. 658-12. - I. - On entend par produit de nutrition clinique, tout produit destiné à des fins thérapeutiques visant à compenser chez un malade, par sonde digestive ou par voie orale, un bilan énergétique ou protéïque négatif résultant d'une pathologie aiguë ou chronique.
« II. - Tout produit de nutrition clinique fait l'objet, préalablement à sa mise sur le marché, d'une autorisation délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« L'autorisation est refusée lorsqu'il apparaît que le produit est nocif dans les conditions normales d'emploi ou qu'il n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée ou que son intérêt nutritionnel fait défaut ou est insuffisamment justifié par le demandeur.
« L'autorisation peut soumettre les produits à prescription médicale obligatoire. Elle peut fixer des conditions particulières ou des restrictions pour l'utilisation de ces produits afin de garantir leur sécurité sanitaire.
« L'autorisation peut être modifiée, suspendue ou retirée par l'Agence.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'octroi, de modification, de suspension ou de retrait de l'autorisation.
« III. - La délivrance à domicile de ces produits est réservée aux pharmaciens d'officine ainsi qu'à des personnes morales ayant obtenu un agrément du préfet, accordé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« La préparation, la conservation, le transport et la distribution en gros et au détail, y compris à domicile, à titre onéreux ou gratuit, de ces produits doivent être réalisés en conformité avec des règles de bonnes pratiques dont les principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« IV. - Les fabricants, importateurs ou distributeurs des produits de nutrition clinique ainsi que toute personne ayant prescrit ou délivré ces produits transmettent à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé toute information sur les effets inattendus ou indésirables susceptibles d'être dus à ces produits et dont il a connaissance. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de transmission de ces informations. »
La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je suis conscient que la formulation de cet amendement n'est peut-être pas parfaite et je serais tout à fait prêt à en revoir certains points. Je souhaite malgré tout le présenter, ne serait-ce que pour ouvrir un débat qui pourra se poursuivre à l'Assemblée nationale et au cours de la deuxième lecture dans notre Haute Assemblée.
Cet amendement concerne ce que l'on appelle les produits de nutrition clinique, termes qui, là encore, appellent quelques explications. Il s'agit de mélanges nutritifs pour alimentation liquide spéciale destinés à la nutrition entérale par sonde digestive - les médecins ici présents me comprendront !...
M. le président. Les vétérinaires aussi ! (Sourires.)
M. François Autain. ... ou par voie orale, qui appartiennent à la catégorie des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales », comprise dans la catégorie des « denrées destinées à une alimentation particulière ».
Or, dans l'attente d'une directive spécifique censée être plus sévère, les « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » ont été exclus du champ de la réglementation des « denrées destinées à une alimentation particulière ». Les « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » sont donc simplement soumis au respect d'un avis de la commission interministérielle d'étude des produits destinés à une alimentation particulière, la CEDAP, qui distingue les mélanges nutritifs équilibrés pouvant être mis sur le marché librement à condition de respecter l'avis précité et les mélanges nutritifs de régime, qui doivent faire l'objet d'une déclaration au ministe chargé de la consommation.
Les règles applicables à la mise sur le marché des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » sont donc insuffisantes au regard des enjeux de santé publique que recouvrent les produits de nutrition clinique. Les pratiques de fabrication ne sont pas encadrées, sauf démarche volontaire de la profession, et le contrôle des produits est inadapté.
C'est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent : de définir les produits de nutrition clinique afin de leur conférer un statut ; de subordonner la mise sur le marché de ces produits à une autorisation préalable de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; de permettre l'encadrement de leur prescription et de leur délivrance ; de réserver leur délivrance à domicile aux pharmaciens d'officine ainsi qu'à des personnes morales ayant obtenu un agrément du préfet ; de prévoir l'établissement de bonnes pratiques de préparation, de conservation, de transport et de distribution en gros et au détail, y compris à domicile ; enfin, d'instaurer un dispositif de vigilance à l'égard de ces produits.
M. le président. Que M. Autain se rassure : l'ensemble du Sénat, y compris les vétérinaires, a saisi le sens de l'amendement. (Sourires.)
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. La commission souhaite d'abord entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mon avis prend de plus en plus d'importance ! (Sourires.)
Il ne vous a pas échappé que le Gouvernement a retiré ses sous-amendements en ce qui concerne précisément les produits de nutrition clinique, pour les raisons qui viennent d'être parfaitement exposées.
Un certain nombre de ces produits nécessitent sans aucun doute des dispositions législatives précises. Je crois qu'il serait sage de mettre à profit le temps qui nous est encore imparti - c'est-à-dire celui de la navette - pour savoir quels produits exigent ce renforcement législatif.
Si nous sommes conscients de l'intérêt pour la sécurité sanitaire du dispositif proposé et si nous y sommes favorables, nous vous demandons de disposer de temps pour élaborer le dispositif nécessaire.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Evidemment, je m'en remettrai, au nom de la commission, à la décision de l'auteur de l'amendement mais, personnellement, j'aurais tendance à rejoindre la position de M. le secrétaire d'Etat et à retenir non seulement l'intérêt, mais aussi la nécessité d'encadrer par un dispositif législatif des produits qui entrent manifestement dans le champ de la recherche de la sécurité sanitaire. Cependant, en raison non pas de la complexité du problème - nous en avons résolu d'autres ! - mais de l'hétérogénéité des produits, je constate que des dispositions trop générales risqueraient de dépaser largement les préoccupations, tout à fait justifiées, dont vient de faire état l'auteur de l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32.
M. Louis Boyer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Je voudrais revenir sur une phrase de notre collègue M. Autain, qui souhaite « subordonner la mise sur le marché de ces produits à une autorisation préalable de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ». Dans la discussion générale, M. Autain avait d'ailleurs fait allusion à une disposition européenne de juillet 1997 en soulignant que nous n'avions pas à nous soumettre aux dispositions européennes.
M. François Autain. C'est presque ce que j'ai dit !
M. Louis Boyer. Certes, mais il y a un inconvénient à ne pas s'y soumettre : nous plaçons les producteurs français de ces produits en infériorité par rapport à leurs concurrents sur le marché européen. C'est pourquoi, contrairement à mon collègue - et je m'en excuse - je pense que la CEDAP était suffisante pour l'analyse de ces produits et que nous pouvions nous contenter de son avis. Je suis donc défavorable à cette partie de son amendement.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je comprends bien la complexité du problème, mais je rappelle à nos collègues médecins, vétérinaires et autres (Sourires.), que ce sont des produits que l'on donne aux malades, notamment aux cancéreux, en phase terminale, pour leur permettre de survivre, et qu'un certain nombre d'entre eux sont remboursés par la sécurité sociale. Je souhaiterais donc que, dans la mesure où ces produits sont remboursés par la sécurité sociale, ils soient soumis au même contrôle que les médicaments. Si tel n'était pas le cas, l'opinion publique ne comprendrait pas.
Je ne veux pas aller jusqu'à la caricature, mais j'ose espérer que l'on n'utilisera pas des produits dérivés de bovins dont la traçabilité est inconnue dans la fabrication de ces produits de nutrition clinique.
Comme notre collègue M. Autain l'a souligné, un vrai problème se pose. La navette sera sans doute mise à profit pour éclaircir cette question. Mais les cancéreux en fin de vie ont le droit de recevoir une nourriture qui soit de la meilleure qualité possible.
M. François Autain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je suis conscient du fait que cet amendement soulève un certain nombre de problèmes et je regrette de l'avoir rédigé seul, sans m'être entouré d'un nombre d'avis suffisants pour proposer un texte acceptable par tous. C'est pourquoi je le retire bien volontiers, en espérant que la navette permettra d'apporter une solution à un problème qui est bien réel, comme vient de le faire remarquer M. Descours.
M. le président. L'amendement n° 32 est retiré.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Il est un peu tard, mon cher collègue.
Mais, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire...
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, bien que l'amendement ait été retiré, je souhaite intervenir brièvement, car il s'agit là d'un sujet très important.
Si j'avais expliqué mon vote en premier, j'aurais demandé à M. Autain : faut-il maintenir cet amendement ? Faut-il le simplifier ?
Comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement pose un vrai problème. En effet, il y a d'un côté de vrais médicaments et, de l'autre, de vrais produits diététiques. Or on ne peut pas appliquer les mêmes règles aux deux catégories.
Je regrette que M. Autain ait retiré son amendement. Aussi je voudrais, grâce à cette intervention, contraire au règlement, il est vrai, demander à M. le secrétaire d'Etat de prendre l'engagement ferme pour que quelque chose sera fait pour résoudre ce problème.
Il serait dangereux d'imposer pour les produits diététiques des conditions très difficiles de vente. On prendrait le risque de susciter de nouvelles dépenses de sécurité sociale, les gens se faisant alors prescrire par le médecin ces produits qu'ils prennent pour maigrir ou améliorer leur silhouette.
Peut-être la maturation de cet amendement n'est-elle pas complète ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Faisant partie de la troisième catégorie : « les autres » - puisqu'il y a les médecins, les vétérinaires, et les autres ! (Sourires.) - je voudrais revenir sur la procédure.
N'oublions pas, mes chers collègues, que lorsque nous avons défini les missions et les prérogatives de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, nous avons, à l'alinéa 12, visé les produits de nutrition clinique.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Ils sont donc inclus dans les missions de cette agence.
Le problème qui nous oppose, c'est celui d'une définition précise. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, à partir du moment où nous avons prévu, à l'article 2 que nous avons adopté, de donner compétence à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé pour les produits de nutrition clinique, peut-être n'est-il pas nécessaire de définir ces produits dans le texte de loi ? Nous pourrions nous en remettre à un décret en Conseil d'Etat ou à un décret simple pour une définition plus précise de ces produits qui évoluent rapidement et que, comme l'a dit très justement mon excellent collègue Cabanel, nous ne cernons pas très bien.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas ajouter à la complexité, mais je crains que la proposition de M. Fourcade ne soit pas facilement acceptable pour la raison suivante.
Si certains de ces produits - c'est pourquoi nous demandons un petit délai, mais nous sommes tout à fait partisans de cet encadrement - doivent être soumis à autorisation préalable, il convient que cela soit inscrit dans la loi.
Nous allons donc y réfléchir. Nous vous donnerons une liste que nous étudierons avec M. Autain.
Par ailleurs, monsieur Boyer, il est vrai que nous pourrions être mal placés dans la concurrence avec nos partenaires européens si nous alourdissions l'ensemble du dispositif. Toutefois, s'agissant de sécurité sanitaire et de produits qui figurent dans un protocole thérapeutique - dont certains, vous l'avez dit, monsieur Descours, sont remboursés par la sécurité sociale - ils doivent être absolument pris en compte.
Au bout du compte, monsieur Boyer - c'est d'ailleurs ce qui s'est passé, par exemple, pour les réactifs pour les tests en matière de séropositivité - c'est quand même parce que nous sommes plus exigeants et parce que nos produits sont plus encadrés qu'ils sont, finalement, en meilleure place sur le marché européen.
M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 32 a été retiré.

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