SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Mission d'information (p. 2 ).

4. Questions orales (p. 3 ).

DÉBITS DE BOISSONS EN MILIEU RURAL (p. 4 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Georges Mouly.

RECLASSEMENT DES PERSONNELS CIVILS
AFFECTÉS PAR LA RÉORGANISATION
DES FORCES FRANÇAISES EN ALLEMAGNE (p. 5 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Daniel Hoeffel.

STATUT DES PSYCHOLOGUES SCOLAIRES (p. 6 )

Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; M. René-Pierre Signé.

ENSEIGNEMENT DE L'INFORMATIQUE
DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ
ET À L'UNIVERSITÉ (p. 7 )

Question de M. Jacques Valade. - Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; M. Jacques Valade.

ASSUJETTISSEMENT DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS
À LA CONTRIBUTION POUR LE REMBOURSEMENT
DE LA DETTE SOCIALE (p. 8 )

Question de M. Pierre Hérisson. - Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Pierre Hérisson.

DIFFICULTÉS DE PRÉPARATION DES BUDGETS
DES HÔPITAUX FRANCILIENS (p. 9 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

RETARD EN MATIÈRE D'ÉQUIPEMENT HOSPITALIER
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS (p. 10 )

Question de M. Léon Fatous. - Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Léon Fatous.

SITUATION DE L'HÔPITAL DE PITHIVIERS (p. 11 )

Question de M. Paul Masson. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Paul Masson.

STÉRILISATION VOLONTAIRE DES SUJETS SAINS (p. 12 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Franck Sérusclat.

MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS
DANS LES ZONES EN VOIE DE DÉSERTIFICATION (p. 13 )

Question de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.

GESTION DES DÉCHETS MÉNAGERS (p. 14 )

Question de M. Marcel Vidal. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Marcel Vidal.

INSTALLATION D'UNE LIGNE À TRÈS HAUTE TENSION
AU NORD D'ANNECY (p. 15 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jean-Claude Carle.

MAINTIEN EN ACTIVITÉ DU SITE DE PRODUCTION LAITIÈRE
DE CARBON-BLANC (p. 16 )

Question de M. Philippe Madrelle. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Philippe Madrelle.

PRINCIPE D'ÉGALITÉ D'ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS (p. 17 )

Question de M. Ivan Renar. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Ivan Renar.

MISE EN PLACE D'UNE COUR D'APPEL À NICE (p. 18 )

Question de M. José Balarello. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. José Balarello.

RÉFORME DU DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES (p. 19 )

Question de M. Philippe Marini. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Philippe Marini.

INTÉGRATION DES CANDIDATS
ADMIS AU CAPES DE MATHÉMATIQUES (p. 20 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Mme Nicole Borvo.

LIAISONS ROUTIÈRES EN DORDOGNE (p. 21 )

Question de M. Gérard Fayolle. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Fayolle.

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

5. Conférence des présidents (p. 23 ).

6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 24 ).

7. Adhésion de la République hellénique et de la République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen. - Adoption de deux projets de loi (p. 25 ).
Discussion générale commune : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; André Rouvière, Paul Masson, Denis Badré.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

MM. Jacques Habert, Robert Pagès, Emmanuel Hamel, le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

8. Convention et protocole concernant la création d'un office européen de police. - Adoption de deux projets de loi (p. 26 ).
Discussion générale commune : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Robert Pagès.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

9. Accord européen avec la Slovénie. - Adoption d'un projet de loi (p. 27 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Accords européens avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. - Adoption de trois projets de loi (p. 28 ).
Discussion générale commune : M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jacques Habert.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale commune.

ACCORD EUROPÉEN AVEC LA LITUANIE (p. 29 )

M. Daniel Millaud.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

ACCORD EUROPÉEN AVEC LA LETTONIE (p. 30 )

Adoption de l'article unique du projet de loi.

ACCORD EUROPÉEN AVEC L'ESTONIE (p. 31 )

Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Accord avec la Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. - Adoption d'un projet de loi (p. 32 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 33 )

M. Daniel Millaud.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

12. Protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales. - Adoption d'un projet de loi (p. 34 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Daniel Hoeffel.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. - Adoption d'un projet de loi (p. 35 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Bernard Plasait, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

14. Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est. - Adoption d'un projet de loi (p. 36 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Jacques Habert, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 37 )

Mme Anne Heinis.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

15. Accord avec l'Espagne concernant la construction et l'exploitation d'une ligne ferroviaire à grande vitesse. - Adoption d'un projet de loi (p. 38 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Paul Blanc, André Vezinhet, Robert Pagès.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 39 )

M. Emmanuel Hamel.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

16. Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire (p. 40 ).

17. Transmission de projets de loi (p. 41 ).

18. Transmission d'une proposition de loi (p. 42 ).

19. Dépôt d'une proposition de loi (p. 43 ).

20. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 44 ).

21. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 45 ).

22. Dépôt de rapports (p. 46 ).

23. Ordre du jour (p. 47 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques Delalande, qui fut sénateur de la Mayenne de 1948 à 1965.

3

MISSION D'INFORMATION

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des lois, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en Nouvelle-Calédonie, pour étudier les perspectives de reprise des pourparlers institutionnels.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du jeudi 18 septembre 1997.
Je vais consulter sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, la commission des lois est autorisée, en application de l'article 21 du règlement, à désigner cette mission d'information.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

DÉBITS DE BOISSONS EN MILIEU RURAL

M. le président. M. Georges Mouly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat au budget sur le problème, régulièrement posé, de la réglementation des débits de boissons en milieu rural. Compte tenu des nombreuses contraintes actuellement en vigueur, ce transfert se révèle toujours difficile, alors que, dans les villages, le café demeure souvent de nos jours le dernier lieu de vie. Il lui demande donc s'il entend réformer cette réglementation ou tout au moins l'assouplir, ce qui permettrait d'aller au-delà des lois de 1987 et 1995. (N° 37.)
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'assouplissement des modalités de transfert des licences IV est régulièrement sollicité par les élus locaux, soit en vue de l'animation des quartiers urbains, soit - et c'est sous cet angle que je veux essentiellement aborder le problème - au nom de la vie dans les communes rurales.
La préservation - sans excès, bien sûr - des débits de boissons contribue, fût-ce modestement, me semble-t-il, au maintien de la vie en zone rurale. Or, en matière de transfert de la dernière licence IV d'une commune, même si les lois de 1987 et 1995 constituent une réelle amélioration du dispositif, la réglementation, encore trop contraignante, conduit souvent à la disparition des licences IV.
L'article L. 41 du code des débits de boissons interdit en effet le transfert hors du territoire communal de la dernière licence IV attribuée dans une commune.
Cette mesure semble certes favorable à l'aménagement du territoire et à la protection des communes rurales. Cependant, son application concrète et systématique induit des effets pervers et a des conséquences pénalisantes soit pour le dernier exploitant contraint de cesser son activité, qui ne peut ni revendre sa licence ni bénéficier d'une indemnisation, soit pour la commune propriétaire d'une licence, qui ne trouve pas matière à l'exploiter avant la date de péremption.
Le transfert d'une telle licence ne doit plus être envisagé exclusivement au regard de l'activité touristique, seul critère utilisé à l'heure actuelle. Il convient de reconnaître le caractère commercial de l'exploitation de cette licence et de considérer le problème du transfert d'un point de vue socio-économique. Cela m'amène à me demander, au passage, si l'examen du transfert de licence ne pourrait pas être confié à d'autres services que ceux des douanes.
La procédure devrait être assouplie. Devraient également être introduites les notions d'automaticité d'attribution lorsqu'il y a création d'entreprise en milieu rural et d'indemnisation en cas de disparition de la licence.
Dans le cadre de l'aménagement du territoire et de la lutte contre la désertification, ne serait-il pas possible d'autoriser, voire d'encourager le transfert d'une licence IV, même lorsqu'il s'agit de la dernière sur le territoire d'une commune, avec, évidemment, l'accord du conseil municipal ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, qui a préparé la réponse à votre question mais qui ne pouvait assister à cette séance.
Vous souhaiteriez que la réglementation sur les débits de boissons ne fasse pas obstacle au maintien des cafés en milieu rural. Je voudrais vous faire part des préoccupations convergentes du Gouvernement sur ce point.
En effet, le souci que vous exprimez a déjà conduit à assouplir la réglementation, dont, ne l'oublions pas, l'objet fondamental est de prévenir la prolifération des débits de boissons.
Tout d'abord, et cette règle est ancienne, la dernière licence à consommer sur place de quatrième catégorie ne peut quitter la commune dans laquelle elle se trouve.
Cette disposition, qui figure à l'article L. 41 du code des débits de boissons et des mesures de lutte contre l'alcoolisme, a pour finalité de ne pas priver les villages de la possibilité d'ouvrir un débit de boissons. La dernière licence IV est maintenue, et il n'existe aucune dérogation.
Les règles antérieures prévoyaient qu'une licence non utilisée pendant un an était perdue et ne pouvait plus être réutilisée. Le Parlement a corrigé la rigueur de cette mesure par la loi du 4 février 1995 en portant le délai de péremption de la dernière licence à trois ans.
Autrement dit, le titulaire de la dernière licence d'une commune peut désormais transférer celle-ci à un éventuel acquéreur pendant encore trois ans après qu'il a lui-même cessé de l'utiliser.
Par ailleurs, l'article L. 36 du code des débits de boissons, dans le même souci de permettre aux villages de rouvrir un débit de boissons, donne la possibilité à une commune dépourvue de toute licence à consommer sur place de troisième et quatrième catégorie de bénéficier du transfert d'une licence équivalente disponible dans un rayon de cinquante kilomètres.
Enfin, il existe une facilité supplémentaire pour les sites touristiques, qui sont heureusement de plus en plus nombreux dans notre pays. Une licence existante mais inutilisée peut être transférée dans un rayon de cent kilomètres, après avis de la commission départementale des transferts touristiques, qui est présidée par un magistrat.
Comme vous pouvez le constater, la réglementation a donc déjà fait l'objet d'assouplissements notables. Faut-il aller plus loin ? Faut-il, en particulier, faire évoluer l'article L. 41, qui interdit le transfert de la dernière licence d'une commune ?
Il y a là un arbitrage à trouver entre, d'une part, le souci d'aménagement du territoire et, d'autre part, la défense des droits légitimes du titulaire. L'aménagement de l'espace rural tend à donner à une commune une sorte de droit rigide de conserver la dernière licence, alors que l'intérêt du titulaire de la dernière licence, qui souhaite pouvoir la vendre là où il existe des perspectives commerciales meilleures, pousse à une certaine mobilité.
Cependant, il est possible que même le souci de l'aménagement du territoire se conjugue avec une certaine mobilité : en fonction de l'évolution des flux de circulation, de l'implantation d'un autre commerce à l'intérieur même d'un canton à faible densité, il peut être judicieux que la dernière licence inutilisée dans un village puisse, de manière profitable pour la collectivité, être transférée.
Le comité interministériel qui a pour mission de définir et d'animer la politique du Gouvernement dans le domaine de la lutte contre l'alcoolisme a constitué un groupe de travail pour examiner les possibilités d'évolution de la réglementation en la matière.
Le Gouvernement attend que ce groupe de travail lui fasse très rapidement des propositions. Vous conviendrez certainement, monsieur le sénateur, que cette instance saura dégager des mesures équilibrées.
S'agissant de dispositions législatives, de telles mesures seront nécessairement soumises au Parlement, et je suis persuadé que le débat qui s'ouvrira alors permettra de parvenir à une solution tenant compte des intérêts privés légitimes en même temps que des aspirations d'aménagement du territoire.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la réponse que vous m'avez apportée.
J'ai bien noté que le Gouvernement partageait le souci que j'ai exprimé.
J'ai également noté qu'un groupe de travail était mis en place. Mon souhait est évidemment que ce groupe de travail, sur le point précis que j'ai cru devoir soulever - même si, j'en suis bien conscient, il ne revêt pas une importance majeure - avance dans un sens conforme aux préoccupations dont je me suis fait l'écho et qui sont également celles du Gouvernement.

RECLASSEMENT DES PERSONNELS CIVILS
AFFECTÉS PAR LA RÉORGANISATION
DES FORCES FRANÇAISES EN ALLEMAGNE

M. le président. M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur les incidences pour les personnels civils des mesures de restructuration qui toucheront en 1997 et 1999 les forces françaises stationnées en Allemagne.
Deux vagues concerneront ainsi, en 1997 et 1999, plus de 3 600 civils, parmi lesquels de nombreux personnels français, implantés plus particulièrement dans les zones frontalières.
Seuls les fonctionnaires et agents publics sont assurés d'un reclassement dans les services et établissements relevant du ministère de la défense. En ce qui concerne les personnels de droit privé allemand, les plans sociaux ont été négociés. Les modalités de licenciement ainsi fixées ont été améliorées par rapport aux règles propres aux établissements. Des mesures d'accompagnement social ont, par ailleurs, été prévues.
Cependant, au vu des difficultés rencontrées lors des précédentes dissolutions de garnison, il est à craindre qu'un grand nombre de ces agents ne puissent assurer leur reconversion, en dépit des mesures prises en leur faveur.
Il lui demande si d'autres solutions de reclassement, qui tiendraient compte des années passées à oeuvrer au service de la France, ne pourraient être envisagées pour ces personnels. (N° 10.)
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, ma question concerne les personnels civils travaillant pour les forces françaises stationnées en Allemagne qui sont touchées par les mesures de restructuration des armées.
Deux nouvelles vagues de restructuration concerneront ainsi, en 1997 et 1999, plus de 3 600 civils, parmi lesquels de nombreux personnels français, implantés particulièrement dans les zones frontalières, notamment en Alsace.
Seuls les fonctionnaires et agents publics sont assurés d'un reclassement dans les services et établissements relevant du ministère de la défense. En ce qui concerne les personnels de droit privé allemand, des plans sociaux ont été négociés. Les modaliés de licenciement ainsi fixées ont été améliorées par rapport aux règles propres aux établissements. Des mesures d'accompagnement social ont, par ailleurs, été prévues.
Cependant, au vu des difficultés rencontrées lors des précédentes dissolutions de garnison, il est à craindre, du fait de la conjoncture, qu'un grand nombre de ces agents ne puissent assurer leur reconversion en dépit des mesures prises en leur faveur.
Monsieur le ministre, d'autres solutions de reclassement, qui tiendraient compte des années passées à oeuvrer avec dévouement et loyauté au service de la France, pourraient-elles être envisagées pour ces personnels ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Ainsi que vous l'indiquez, monsieur Hoeffel, la réforme de nos forces armées inclut notamment celle des forces françaises stationnées en Allemagne, qui représentent des effectifs de personnels civils importants.
Le Gouvernement a souhaité qu'un dispositif d'accompagnement solide soit mis en place pour chaque catégorie de personnels concernée, y compris pour les agents de droit privé allemand et pour les Français qui ne peuvent pas bénéficier d'un reclassement dans les cadres de la fonction publique.
Ces personnels qui ont oeuvré au sein des forces françaises en Allemagne, souvent pendant une longue période, bénéficient de mesures sociales spécifiques, négociées avec leurs représentants, pour faire face à cette situation.
Des dissolutions d'unités ont déjà été opérées cet été, et nous devons maintenant préparer une nouvelle vague, prévue pour l'été 1999.
Le dispositif retenu, en accord avec les organisations syndicales représentatives, s'appuie sur une commission mixte franco-allemande qui travaille au reclassement des personnels. C'est ainsi qu'ont été aidés les 300 agents de droit privé allemand ou français qui ont quitté leur emploi au cours de l'été 1997.
Des structures itinérantes communes associant les services administratifs compétents français et allemands ont été mises en place. Elle se déplacent auprès de chaque unité pour donner aux personnels concernés les informations nécessaires, les conseiller et leur présenter les emplois privés disponibles soit en Allemagne, soit dans les départements français limitrophes.
En outre, le ministère du travail de Rhénanie-Palatinat a proposé les services d'organismes de conseil-placement aux salariés allemands et à leurs homologues français désireux de rester en Allemagne : quatre-vingt-neuf entretiens individuels ont ainsi déjà eu lieu.
De même, les services administratifs français ont développé, au profit de l'ensemble des personnels de droit privé des garnisons supprimées en 1997, une action collective puis individuelle d'information et de conseil. Dans un second temps, des bilans de compétence ont été établis et des formations d'adaptation aux postes à pourvoir ont été dispensées : quatre-vingt-onze agents en ont bénéficié. Par ailleurs, trente-trois agents suivent ou ont suivi les ateliers de recherche d'emploi.
La création d'une cellule d'aide au reclassement des personnels de droit privé allemand auprès de l'état-major des forces françaises stationnées en Allemagne et la mise à disposition de personnels relevant du ministère de la défense auprès de l'ANPE permettent d'apporter un soutien matériel continu à l'action menée par la commission franco-allemande.
De plus, la décision récente du ministère fédéral allemand des finances d'accorder aux personnels frontaliers de droit privé allemand le bénéfice de la convention sur la sécurité matérielle m'apparaît également de nature à favoriser le reclassement de ces personnels.
Ainsi, les salariés âgés de plus de quarante ans justifiant d'une ancienneté supérieure à dix ans et dont l'emploi a été supprimé peuvent percevoir une indemnité différentielle leur assurant le maintien du niveau de rémunération antérieur lorsque leur nouveau salaire est inférieur ou lorsqu'ils se trouvent au chômage ; 50 % des personnels de droit privé allemand touchés par les mesures de licenciement peuvent prétendre à cette indemnité.
Enfin, l'engagement a été pris de maintenir un suivi social individuel de ces agents, même après la rupture de leurs liens avec les forces françaises stationnées en Allemagne.
Ces mesures témoignent, par leur diversité et leur ampleur, du souci du Gouvernement de prendre en compte, avec l'aide très active des autorités allemandes, que je dois remercier, la situation du personnel civil ayant oeuvré au sein des forces françaises stationnées en Allemagne et de sa volonté de régler au mieux, en concertation avec les partenaires sociaux, les problèmes de réinsertion professionnelle et sociale auxquels ces agents sont confrontés.
Nous nous disposons donc, en concertation notamment avec les élus de la région Alsace et des autres régions frontalières, à examiner le plan de résorption des emplois des bases qui seront supprimées en 1999. Nous avons un peu de temps devant nous, et nous tiendrons compte de la conjoncture régionale de l'emploi, laquelle n'est pas trop défavorable, pour élargir encore l'éventail des mesures de reclassement et de soutien social.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de l'ensemble des informations qu'elle nous apporte.
Je compte sur vous pour veiller à ce que l'action déjà engagée soit poursuivie avec vigueur au long de la période qui nous sépare de 1999, par le biais d'une concertation étroite entre les autorités françaises et allemandes, sur les plans de l'information, de la formation et du reclassement.
Dans cet esprit, je vous renouvelle mes remerciements, monsieur le ministre.

STATUT DES PSYCHOLOGUES SCOLAIRES

M. le président. M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les problèmes que recontrent les psychologues scolaires dont l'identité professionnelle n'est pas clairement définie.
Ces psychologues ont pour mission d'apporter un appui aux élèves du premier degré. Ils font partie intégrante des équipes pédagogiques. A leur formation initiale de niveau universitaire, la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 ajoute l'exigence d'une expérience pédagogique préalable à leur recrutement.
Actuellement, ils sont assimilés à des enseignants, avec les mêmes salaires et des évolutions de carrière identiques. Ils sont inspectés, comme les instituteurs, par des fonctionnaires de formation pédagogique ou administrative. C'est une situation étonnante au regard de la loi de 1985, qui protège le titre de psychologue.
Dans un souci d'affirmation professionnelle, ils souhaitent l'élaboration négociée d'un texte leur conférant statutairement une fonction spécifique, dans le premier degré, accessible à l'issue d'une formation sanctionnée par un diplôme de troisième cycle en psychologie.
Ce statut protégerait l'usage de leur titre, garantirait aux enfants, à leur famille, ainsi qu'aux différents partenaires, les services de professionnels dotés de missions, dans le respect de la déontologie et de l'éthique, et établirait une distinction entre celui qui enseigne et celui qui analyse une situation pour tenter d'y apporter une solution.
Il lui demande de lui indiquer quelles mesures pourront être prises pour que ces personnels de l'éducation nationale bénéficient de la reconnaissance qu'ils méritent. (N° 5.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je voulais attirer votre attention sur l'identité professionnelle, qui n'est pas clairement définie, des psychologues scolaires.
Ceux-ci ont pour mission d'apporter un appui aux élèves du premier degré. Ils font partie intégrante des équipes pédagogiques. A leur formation initiale de niveau universitaire, la loi du 25 juillet 1985 ajoute l'exigence d'une expérience pédagogique préalable à leur recrutement.
Actuellement, ils sont assimilés à des enseignants, avec les mêmes salaires et des évolutions de carrière identiques. Ils sont inspectés, comme les instituteurs, par des fonctionnaires de formation pédagogique ou administrative. C'est une situation étonnante au regard de la loi de 1985, qui protège le titre de psychologue.
Dans un souci d'affirmation professionnelle, ils souhaitent l'élaboration négociée d'un texte leur conférant statutairement une fonction spécifique, dans le premier degré, accessible à l'issue d'une formation sanctionnée par un diplôme de troisième cycle en psychologie.
Ce statut protégerait l'usage de leur titre, garantirait aux enfants, à leur famille, ainsi qu'aux différents partenaires, les services de professionnels dotés de missions, dans le respect de la déontologie et de l'éthique, et établirait une distinction entre celui qui enseigne et celui qui analyse une situation pour tenter d'y apporter une solution.
Vous serait-il possible, madame la ministre, de m'indiquer quelles mesures pourront être prises pour que ces personnels de l'éducation nationale bénéficient de la reconnaissance qu'ils méritent ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l'attention que vous portez aux psychologues scolaires, qui, au sein du système scolaire, jouent en effet un rôle irremplaçable.
La proposition que vous avez formulée méritait examen, et je vous exposerai donc les préoccupations du Gouvernement et sa façon d'envisager les choses à cet égard.
Dans les écoles maternelles et primaires, les psychologues scolaires interviennent dans le cadre des réseaux d'aide spécialisés. Ils contribuent à la prise en charge des élèves en difficulté et ils participent aussi, au sein des équipes pédagogiques, à la conception, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets pédagogiques des écoles.
Ce rappel a pour objet de souligner la spécificité de leur rôle par rapport à celui des psychologues non scolaires.
En effet, nous avons toujours considéré qu'une expérience pédagogique préalable était nécessaire pour exercer ces fonctions. Cette exigence implique que les psychologues scolaires soient des enseignants du premier degré, à qui une formation spécifique est apportée.
C'est la raison pour laquelle la création d'un corps de psychologues scolaires qui, pour partie, ne seraient pas issus du corps enseignant n'a pas été décidée jusqu'à présent.
En effet, nous considérons que l'expérience d'enseignant scolaire constitue une richesse supplémentaire pour ces psychologues avec lesquels les enfants sont en contact. Nous craignons que, si un corps de psychologues scolaires était mis en place en tant que tel, le statut de ceux-ci ne se rapproche alors de celui des psychologues non scolaires et ne se traduise par la perte d'une expérience pédagogique que nous estimons nécessaire.
Cela étant, compte tenu de leur formation initiale qui est conforme aux exigences de la loi du 25 juillet 1985 que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, l'usage professionnel du titre de psychologue est parfaitement reconnu aux psychologues scolaires.
Cette reconnaissance se traduit, au sein de l'institution scolaire, par l'autonomie qui leur est accordée dans l'exercice de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne la définition des horaires consacrés aux diverses activités qui sont les leurs au cours de la semaine scolaire.
Les actions menées en faveur de l'enfance inadaptée et de l'éducation spécialisée contribuent à la réussite de tous les élèves, et les personnels qui oeuvrent dans ce secteur font preuve d'une grande disponibilité et d'une grande efficacité. Mon principal souci est par conséquent de conforter leur rôle, dans l'optique d'une meilleure prise en compte des besoins particuliers des élèves.
Toutefois, le réexamen de l'ensemble des problèmes qui se posent aux élèves en difficulté et la baisse des effectifs des élèves accueillis dans l'enseignement scolaire nous permettront, dans la mesure où nous maintenons les moyens d'encadrement, de nous fixer l'objectif ambitieux de redéfinir des itinéraires personnalisés pour chacun de ces élèves, en articulation avec les personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires.
Dans cet objectif, je suis prête à envisager, en concertation avec ceux-ci, une redéfinition de leurs tâches et peut-être de leur statut, afin de prendre en compte les préoccupations qui sont les vôtres, monsieur le sénateur, et que je partage.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et de l'hommage que vous avez rendu aux psychologues scolaires, qui constituent en effet un corps extrêmement utile, dont le rôle est primordial dans l'éducation des enfants.
Je vous remercie également d'avoir laissé entrevoir, en conclusion de votre réponse, la possibilité d'une évolution. Sans revenir sur le fait que 3 500 psychologues scolaires exercent leur métier en France, ce qui représente un effectif important, je ferai remarquer que cette évolution est d'autant plus nécessaire que le statut de psychologue du premier degré n'existe pas, alors que l'on trouve, dans le second degré, des conseillers d'orientation psychologues. Par conséquent, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'une différence de reconnaissance professionnelle, puisque dans l'un et l'autre cas une licence en psychologie est exigée.
Il apparaît que le maintien des psychologues scolaires dans le statut d'enseignant crée toute une série de problèmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, une distinction doit être faite entre celui qui enseigne et celui qui analyse une situation pour tenter d'y porter remède. D'ailleurs, ceux qui consultent le psychologue ne rencontrent pas l'instituteur, et vice-versa.
Faute de statut spécifique et donc de code de déontologie, il n'y a pas de garantie de confidentialité. En outre, on ne fait pas appel aux psychologues scolaires dans certains domaines où ils pourraient apporter leurs compétences ; je pense ici aux problèmes posés par la violence ou par les rythmes scolaires.
Enfin, ils ne bénéficient pas d'une formation continue et spécifique, et leurs postes sont interchangeables et peuvent être supprimés.
J'ai bien compris quelle importance particulière vous attachez au fait que les psychologues scolaires soient issus du corps enseignant et bénéficient d'une expérience pédagogique, madame la ministre, mais je souhaiterais, comme vous l'avez laissé espérer dans votre réponse, qu'une réflexion plus approfondie soit menée quant à la définition d'un statut pour ces personnels.

ENSEIGNEMENT DE L'INFORMATIQUE
DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ
ET À L'UNIVERSITÉ

M. le président. M. Jacques Valade rappelle à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie que l'évocation de la société de l'information est devenue systématique. L'informatique et ses applications les plus sophistiquées en constituent la base essentielle. Les étudiants, les enseignants, les chercheurs, maintenant les chefs d'entreprises et tous nos concitoyens en deviennent les utilisateurs.
Il convient, de ce fait, de mettre les enseignants, l'université et les universitaires en situation d'affronter cette mutation inéluctable et rapide des sciences et des techniques de l'information.
Actuellement, l'enseignement de l'informatique au lycée, même s'il est assuré d'une façon satisfaisante, ne l'est qu'à partir d'un volontariat et de la bonne volonté de professeurs d'autres matières. Il en va de même, trop souvent, à l'université.
Il importe, par conséquent, de mettre en place rapidement une réelle formation initiale pour l'enseignement de l'informatique au sens large du terme, et de la sanctionner par un CAPES et une agrégation en informatique, à l'image de ce qui a été fait pour d'autres disciplines, pour certaines de moindre rayonnement.
Le développement de l'informatique n'est pas seulement lié à des investissements et à des équipements. Il dépend de la bonne maîtrise de la discipline et de la qualité des chercheurs et des formateurs dans ce domaine. Ces nouveaux diplômes seraient une bonne voie pour assurer la qualité des enseignements dispensés et permettraient un meilleur développement des innovations pédagogiques et des animations interdisciplinaires. Ils seraient un soutien considérable pour ces nouvelles technologies, permettant à notre pays de répondre au défi des nouvelles techniques de l'information et de la communication.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur l'opportunité de la création rapide de ces diplômes, CAPES et agrégation en informatique. (N° 31.)
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Madame le ministre, ma question est relative à l'enseignement de l'informatique, et plus particulièrement aux diplômes de l'enseignement supérieur dans cette discipline.
L'évocation de la société de l'information est désormais systématique, mais si la question des moyens nécessaires à sa mise en place est toujours soulevée, la formation des hommes est parfois un peu oubliée. Or l'informatique et ses applications les plus sophistiquées constituent une base essentielle pour le développement de notre société : les étudiants, les enseignants, les chercheurs et désormais les chefs d'entreprise et tous nos concitoyens deviennent ainsi des utilisateurs de ces technologies nouvelles et bénéficient des bienfaits apportés par celles-ci. L'évocation d'Internet, par exemple, est devenue incantatoire.
Il convient, de ce fait, de mettre les enseignants, l'université et les universitaires en mesure d'affronter cette mutation, inéluctable et très rapide, des sciences et des techniques de l'information.
Actuellement, la situation est un peu étrange. En effet, l'enseignement de l'informatique au lycée, même s'il est assuré d'une façon satisfaisante, repose sur le volontariat et la bonne volonté de professeur, qui n'enseignent pas toujours les mathématiques. Il en va de même, trop souvent, à l'université.
Il importe, par conséquent, de mettre en place rapidement une réelle formation initiale pour l'enseignement de l'informatique au sens large du terme, et de la sanctionner par un CAPES et une agrégation en informatique, à l'image de ce qui a été fait pour d'autres disciplines, parfois de moindre rayonnement.
Il serait paradoxal, en effet, qu'une agrégation existât pour des technologies très avancées et très spécialisées, mais pas pour l'informatique.
A cet égard, rappelons-nous l'expérience de l'enseignement des mathématiques dites « modernes », voilà maintenant plusieurs décennies. Je me souviens que des instituteurs, étant chargés de cet enseignement à l'école primaire, étaient obligés d'aller suivre des cours qui leur permettaient de se mettre au niveau de l'enseignement qu'ils devaient dispenser la semaine suivante. Nous savons quelles ont été les conséquences de cette situation : toute une génération d'enfants en a pâti.
Le développement de l'informatique n'est pas lié seulement à des investissements et à des équipements. Il dépend aussi de la bonne maîtrise de la discipline et de la qualité des chercheurs et des formateurs dans ce domaine. Ces nouveaux diplômes, le CAPES et l'agrégation d'informatique, seraient un bon moyen d'assurer la qualité des enseignements dispensés et permettraient un meilleur développement des innovations pédagogiques et des animations interdisciplinaires. Ils constitueraient un soutien considérable pour ces nouvelles technologies, permettant à notre pays de répondre au défi des nouvelles techniques de l'information et de la communication.
Pour illustrer mon propos, je citerai deux exemples. Tout d'abord, l'opération « La science en fête », qui s'est déroulée les 10, 11 et 12 octobre dernier, a connu un grand succès. On a évoqué essentiellement un nouveau logiciel. Ensuite, dans le secteur des PME-PMI, de toutes petites entreprises ont obtenu des succès retentissants, dans le domaine du multimédia, grâce à l'informatique.
Madame le ministre, ne vous paraît-il pas nécessaire de soutenir toutes ces actions par la mise en place de diplômes spécifiques, qui permettait de répondre à l'attente de toute une génération d'étudiants, de chercheurs et de professeurs ?
Je vous demande donc de bien vouloir me faire part de votre sentiment sur l'opportunité de la création rapide de ces diplômes : CAPES et agrégation d'informatique.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, je salue votre souci d'adapter le système scolaire à l'évolution des connaissances. M. Claude Allègre et moi-même partageons cette préoccupation.
Votre proposition, qui consiste à créer des diplômes - CAPES et agrégation - dans le domaine informatique, mérite un examen approfondi. Pour l'instant, cette solution n'a pas été retenue et je vais vous indiquer les raisons qui nous conduisent à nous interroger sur l'utilité de ces diplômes.
Vous l'avez dit, les technologies de l'information tiennent une place de plus en plus prépondérante dans notre société. A l'aube de l'informatique, elles étaient réservées aux seuls spécialistes. Aujourd'hui, l'ambition des sociétés modernes est de rendre l'informatique accessible à l'ensemble de nos concitoyens, l'outil informatique devenant de plus en plus un outil de la vie quotidienne. Par conséquent, pour la plupart de nos concitoyens, pour ne pas dire pour la quasi-totalité d'entre eux, l'informatique restera un moyen et ne sera pas une fin.
Cette situation n'est pas nouvelle. Par comparaison, je dirai qu'il n'est pas nécessaire que l'automobiliste soit un mécanicien confirmé pour piloter son véhicule. Il est vrai cependant que la bonne utilisation de l'outil informatique nécessite une connaissance de base dont le minimum se situe dans les principes de fonctionnement des ordinateurs, dans l'utilisation des logiciels, dans la manipulation de fichiers ou de bases de données, dans la compréhension du fonctionnement en réseau, et dans l'utilisation de systèmes comme Internet.
Il est évident, et je vous rejoins sur ce point, que tout bachelier, qu'il soit scientifique ou non, doit posséder cette connaissance minimale. Elle ne lui est pas utile en tant que telle, elle l'est parce que l'outil informatique est de plus en plus présent dans toutes les disciplines, qu'elles soient littéraires ou scientifiques. Cette connaissance minimale est actuellement enseignée dans le secondaire par des enseignants d'autres disciplines qui se sont appropriés l'outil informatique.
En créant des diplômes spécifiques, ne risque-t-on pas d'aboutir à l'effet inverse de celui qui est recherché ? Notre ambition est que tous les enseignants sachent se servir de l'outil informatique, qui va devenir utile dans toutes les matières enseignées aux élèves. Y aurait-il vraiment une valeur ajoutée à faire dispenser cet enseignement par des spécialistes dans la mesure où, je le répète, l'informatique est vue comme un outil au service d'une connaissance pluridisciplinaire et non comme une discipline à part entière, sauf, évidemment, pour les jeunes qui se destinent à prendre le métier informatique comme activité professionnelle principale ?
Dans l'enseignement supérieur, la situation est bien entendu différente, mais on dispose de spécialistes avec les enseignants-chercheurs en informatique.
Dans le secondaire, la création d'une agrégation ou d'un CAPES pourrait avoir un effet contraire à celui qui est recherché. D'une part, elle figerait l'informatique dans des programmes évoluant peu, alors qu'il s'agit d'une discipline en évolution constante et rapide. D'autre part, elle déresponsabiliserait les autres enseignants face à la nécessité de maîtriser et de transmettre cet outil de façon adaptée à chaque discipline enseignée.
En conséquence, il me semble que la meilleure solution consiste à former encore mieux et systématiquement tous les enseignants de toutes les disciplines soit pendant leur formation initiale, soit par le biais de la formation continue. Cela se pratique déjà, il reste à amplifier l'effort. Je suis consciente de la préoccupation que vous avez exprimée. Il est bien évident que les formations et les diplômes sont, par définition, toujours en évolution. Telle est la raison pour laquelle je vais, à la suite de votre question, soumettre votre idée aux instances consultatives compétentes.
M. Jacques Valade. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse et de la manière dont vous appréhendez ce sujet. Je ferai deux observations.
Vous venez de dire, avec juste raison, qu'il faut améliorer sans cesse la formation de l'ensemble du personnel enseignant en matière informatique. Encore faut-il que des personnes soient susceptibles de développer et de délivrer ces enseignements. Par conséquent, la spécialisation dans ce domaine n'est pas inutile.
Afin de respecter le temps de parole qui m'est imparti, je reprendrai simplement l'exemple que vous avez cité. Certes, nous conduisons tous des véhicules automobiles sans être des mécaniciens confirmés mais nous avons tous besoin de mécaniciens de très haut niveau.
Ce que je vous propose, c'est précisément de créer une reconnaissance en matière informatique à travers le CAPES et l'agrégation, qui ne serait pas stérilisante par rapport à la discipline. Cela permettrait de récompenser, par une reconnaissance publique, ceux qui font des efforts dans ce domaine. Par ailleurs, cela assurerait la pérennité de l'enseignement de cette discipline qui est en pleine évolution. Je suis moi-même chimiste et soyez sûre que je n'enseigne pas la chimie telle qu'elle a été conçue au début du siècle. Cette discipline évolue en permanence. Il en va de l'informatique et des maîtres qui l'enseignent comme des autres disciplines.

ASSUJETTISSEMENT DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS À LA CONTRIBUTION POUR LE REMBOURSEMENT DE LA DETTE SOCIALE

M. le président. M. Pierre Hérisson appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, CRDS.
En application de l'article 7, alinéa 1, de la convention franco-suisse du 3 juillet 1975, les frontaliers travaillant en Suisse sont obligatoirement couverts par le régime suisse de sécurité sociale. Après avoir décidé de suspendre l'assujettissement des frontaliers à la contribution sociale généralisée, la CSG, le Gouvernement les a assujettis, par ordonnance du 25 janvier 1996, à une nouvelle contribution sociale, la CRDS. La Commission européenne, ayant été saisie sur ce point, a confirmé qu'il s'agissait, là encore, d'une « véritable cotisation sociale », qui ne pouvait en aucun être applicable aux frontaliers des pays tiers. La CRDS a été créée dans l'unique but de combler le déficit de la sécurité sociale, ce qui lui confère indéniablement son caractère de cotisation sociale, quand bien même cette dernière serait affectée à un organisme ne redistribuant pas directement de prestations sociales.
En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend rapidement prendre pour corriger cette erreur manifeste, car il n'est pas raisonnable de demander aux frontaliers de participer solidairement au remboursement d'un déficit auquel ils n'ont, en fait ou en droit, jamais participé. (N° 7.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Madame le ministre, en application de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, notamment son article 7, alinéa 1, les frontaliers travaillant en Suisse ne sont aucunement assujettis au régime de sécurité sociale française ; bien au contraire, ils restent couverts par le régime suisse de sécurité sociale.
Par ordonnance du 25 janvier 1996, le Gouvernement a décidé d'assujettir à la contribution pour le remboursement de la dette sociale - CRDS - les revenus d'activités et de remplacement de source étrangère - soit principalement les salaires des frontaliers - perçus entre le 1er février 1996 et le 31 janvier 2009, voire un peu plus tard, et soumis à l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement interviendrait donc dès cette année.
Je rappelle que, à la suite de plusieurs interventions de parlementaires et eu égard aux droits des frontaliers en matière de protection sociale, le Gouvernement a retiré du projet de loi de financement de la sécurité sociale l'article 6 qui prévoyait l'assujettissement des revenus de source étrangère à la contribution sociale généralisée, la CSG, et en confiait le recouvrement à l'administration fiscale. Cette contribution était notamment incompatible avec la réglementation communautaire.
Par un courrier du 31 octobre 1996, M. Jacques Santer, président de la Commission européenne, confirmait la position de la Commission qui, après examen des caractéristiques de cette nouvelle contribution, considère la CRDS comme une véritable « cotisation sociale » entrant dans le champ d'application du règlement CEE n° 1408/71, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs frontaliers et leurs familles qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.
Il semble dès lors évident que cela rend impossible son prélèvement sur les revenus des personnes travaillant dans un pays non membre de la Communauté européenne et demeurant soumis aux conventions internationales de sécurité sociale, comme c'est le cas pour la Suisse.
La France fera vraisemblement l'objet, à très court terme, d'une mise en demeure, voire d'un avis motivé de la Commission en application de l'article 169 du traité communautaire.
Comment le Gouvernement peut-il raisonnablement soutenir la thèse selon laquelle la CRDS serait non pas une cotisation sociale, mais plutôt un impôt étalé sur près de treize ans, au simple motif que cette contribution est affectée à un organisme qui ne redistribue pas de prestations, mais dont on ne peut nier que le seul but est bel et bien de financer le déficit de la sécurité sociale, et par là même la sécurité sociale elle-même ?
Comment le Gouvernement peut-il demander à des frontaliers, qui ne peuvent prétendre en France aux mêmes droits que leurs compatriotes assujettis au régime général de sécurité sociale et se retrouvent trop souvent dans des situations désespérées, résultats d'inégalités flagrantes eu égard au régime de sécurité sociale leur étant applicable en cas de chômage - un frontalier chômeur n'a notamment pas droit aux indemnités journalières en cas de maladie - de participer solidairement au remboursement d'un déficit auquel ils n'ont jamais participé ?
Des dizaines de milliers de frontaliers sont concernés et attendent votre réponse, madame le ministre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous contestez l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, au motif que celle-ci présenterait le caractère d'une cotisation sociale et non d'un impôt.
Vous fondez votre analyse sur une position de la Commission européenne, qui estime en effet que la CRDS a le caractère d'une cotisation sociale au sens du règlement communautaire n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.
Le Gouvernement français ne partage pas cette analyse.
La CRDS, qui a été instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, est due par les personnes fiscalement domiciliées en France, quelle que soit leur situation à l'égard des régimes sociaux français, sur l'ensemble de leurs revenus, qu'il s'agisse des revenus d'activité et de remplacement, des revenus du patrimoine, des produits de placements ou des ventes d'objets précieux, ainsi que des jeux.
Le produit de la CRDS - et c'est ce qui est important - est affecté non à des régimes de sécurité sociale, mais à la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, établissement public de l'Etat institué pour une durée limitée.
Cette caisse est chargée d'apurer la dette du régime général de la sécurité sociale auprès de la caisse des dépôts et consignation ; nous venons de rouvrir cette caisse afin de prendre en compte les déficits des deux dernières années.
La CADES est également chargée d'effectuer des versements annuels au budget de l'Etat ainsi que, pour l'année 1996, à la CANAM, la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles.
Il faut noter que la CADES bénéficie d'autres ressources que la CRDS - recours à l'emprunt, affectation du produit de la vente du patrimoine locatif des caisses nationales, créances sur organismes sociaux étrangers - et n'effectue le versement d'aucune prestation. C'est donc bien un instrument de redressement des finances publiques dans leur ensemble ; il n'y a aucune contrepartie pour l'assujetti en termes de prestation sociale d'aucune sorte.
S'agissant des travailleurs frontaliers, seules les personnes fiscalement domiciliées en France sont assujetties à la CRDS. Le Gouvernement français a fait connaître à la Commission européenne sa position, soulignant notamment que les modalités de recouvrement de la CRDS ont été adaptées au cas particulier des travailleurs frontaliers, dans des conditions cohérentes avec l'objet et la nature de la contribution : elle est prélevée par l'administration fiscale selon les règles applicables à l'impôt sur le revenu.
Aussi, il n'est nullement envisagé de suspendre le recouvrement de la CRDS sur les revenus d'activité des travailleurs frontaliers ni, plus généralement, d'en limiter le champ d'application aux personnes relevant d'un régime français de sécurité sociale. Au demeurant, une telle limitation introduirait entre résidents fiscaux - puisqu'il s'agit bien d'un impôt - une inégalité de traitement selon le lieu de leur activité professionnelle.
Cette réponse, à l'évidence, ne répond pas à vos souhaits ni à votre attente. Cependant, elle correspond à la fois à l'analyse juridique et aux objectifs de fond de la CADES telle qu'elle a été créée par le précédent gouvernement et qui vient d'être rouverte pour prendre en compte le déficit récent de la sécurité sociale.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui ne me satisfait pas.
Aux termes de la législation communautaire, ces travailleurs frontaliers ne devraient pas payer de cotisation. Ce prélèvement que vous considérez comme un impôt est, selon moi, une cotisation.
Les travailleurs frontaliers viennent d'apprendre, comme nous tous, que le prélèvement, qui avait été prévu jusqu'en 2009, sera prolongé de cinq ans. Derrière cette prolongation, se profile le caractère permanent du prélèvement. En effet, il suffira de prolonger le prélèvement à chaque fois pour une durée déterminée, par exemple cinq ans, et ainsi ce que vous considérez comme un impôt aura un caractère permanent.
Je maintiens ma position. Je serai bien sûr attentif à tout ce que dira ou fera la Commission européenne pour tenter d'aller vers une plus grande justice sur ce point.

DIFFICULTÉS DE PRÉPARATION DES BUDGETS
DES HÔPITAUX FRANCILIENS

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur les difficultés rencontrées par les conseils d'administration des hôpitaux franciliens pour préparer les budgets hospitaliers de 1998 et l'établissement des orientations budgétaires.
L'absence de directives nouvelles sur la présentation du rapport d'orientation budgétaire prévu par la loi hospitalière - article L. 71-466 du code de la santé publique - et obligatoire depuis 1992 conduit les conseils d'administration à travailler en s'appuyant sur la circulaire ministérielle du 10 mai 1994 fondée sur la définition des objectifs suivants : application du projet d'établissement, prévisions d'activités, présentation des objectifs 1998.
Elle lui rappelle que les conseils d'administration rencontrent des difficultés importantes pour établir ce rapport compte tenu du taux négatif de dotation, attribué en 1997, ayant nécessité des mesures drastiques et immédiates afin d'éviter tout dérapage financier important.
Elle lui demande quelles directives et quels moyens financiers il envisage pour permettre aux conseils d'administration des hôpitaux franciliens de préparer les orientations budgétaires de 1998.
Elle lui demande enfin de lui préciser les mesures de rétablissement à un taux positif des dotations pour les hôpitaux franciliens. (N° 16.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Elle avait été posée le 30 juin dernier, mais elle est d'actualité. En effet, ces jours-ci, les conseils d'administration des centres hospitaliers se réunissent pour examiner leur projet de budget pour 1998, la mise en forme de leurs projets nouveaux, l'établissement des tableaux d'effectifs médicaux et non médicaux.
L'inquiétude est grande car, pour les hôpitaux franciliens, la diminution de la dotation de l'an dernier avait provoqué un véritable traumatisme, avec des suppressions de lits, de services, des remises en cause des acquis, des remplacements, du droit aux vacances des personnels, et le report de nombreux projets nouveaux.
Cette année, monsieur le secrétaire d'Etat, vous annoncez une hausse de la dotation de 2,2 %. Même si j'apprécie bien sûr qu'il y ait une augmentation, je dois néanmoins constater que, l'an dernier, alors que la hausse s'élevait à 1,2 %, la répartition s'était traduite pour les hôpitaux franciliens par une diminution de 0,8 %. Quelle sera, en 1998, la répartition de cette dotation pour ces établissements ?
Vous avez affirmé que cette décision de majoration de 2,2 % était nécessaire pour réagir contre l'asphyxie des hôpitaux.
A ce propos, je vous pose la question essentielle : pensez-vous que ce taux de 2,2 % soit suffisant pour assurer une reconduction des moyens et pour amorcer un rattrapage au titre de 1997 ?
Actuellement, les propositions de budget par hôpital sur la base des besoins réels établis par les établissements se traduisent souvent par une augmentation bien supérieure à 2,2 %.
Je voudrais donc vous poser les questions que soulèvent actuellement les administrateurs des hôpitaux franciliens.
Premièrement, l'assistance publique est-elle concernée par les taux annoncés ?
Deuxièmement, prévoyez-vous un rattrapage entre le centre de la région et la périphérie francilienne ?
Troisièmement, des inégalités fortes subsistent en psychiatrie pour les départements du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne. Seront-elles prises en considération ?
Quatrièmement, prévoyez-vous toujours la modulation des budgets suivant une valeur du point ISA au niveau national de 15 francs, alors que cet alignement se traduirait par 10 000 suppressions d'emplois ?
Cinquièmement, pouvez-vous, dans un souci de transparence, nous faire connaître l'utilisation des fonds dont les hôpitaux franciliens ont été privés en 1997, soit un pourcentage de 0,8 % ? Des incertitudes subsistent sur les transferts de ces crédits qui ont dû être attribués aux hôpitaux de province.
Pour résumer, monsieur le sécrétaire d'Etat, pensez-vous qu'avec seulement 2,2 % d'augmentation on puisse répondre tout à la fois aux besoins de santé des Français en général et à ceux des Franciliens en particulier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame le sénateur, cette question est importante et il convient d'y répondre en apportant le plus de précisions possible.
Comme vous l'avez souligné vous-même, une augmentation de 2,2 % est préférable à une hausse de 1,2 %. Cela sera-t-il suffisant ?
L'Ile-de-France n'est pas la France entière ; il convient de balancer entre les besoins de santé de nos concitoyens dans les diverses régions. C'est ce que Martine Aubry et moi-même tentons d'apprécier au plus vite, après avoir relancé en particulier les schémas d'organisation sanitaire, qui sont des outils à la fois suffisants et relativement faibles.
Qu'est-ce qu'un besoin de santé ? Deux aspects sont à prendre en compte à cet égard : d'une part, les besoins des établissements, à la fois en personnel, en matériel et en financement ; d'autre part, les spécificités, les spécialités que les établissements ont l'habitude de mettre en avant.
Ainsi que vous l'avez souligné, madame le sénateur, au cours des deux dernières années, le personnel a été enserré dans un étau insupportable. L'ajustement des hôpitaux s'est fait en particulier par l'absence de renouvellement de contrats, par des départs en retraite non remplacés, par un certain nombre de mesures affectant le fonctionnement des établissements. Tout cela est vrai.
A l'intérieur de l'Ile-de-France, coexistent l'Assistance publique de Paris, concentration hospitalière digne d'éloges - c'est la première concentration hospitalière européenne - et d'autres hôpitaux. En effet, l'Ile-de-France, ce n'est pas seulement l'Assistance publique de Paris !
Comment peut-on harmoniser sérieusement le recueil des besoins en Ile-de-France et dans les zones voisines - les délimitations sont souvent très arbitraires - puis établir le dispositif qui nous permettra de faire face à ces besoins sans prendre en compte la modernisation, l'harmonisation, l'équilibre de l'Assistance publique de Paris ? Martine Aubry et moi-même travaillons sur ce dossier, madame le sénateur. Mais, comme vous le savez, le dispositif dont nous ne sommes pas responsables et dont nous avons hérité considérait l'Assistance publique comme un bloc que l'on abordait de front et dans son entier. Cela ne me paraît pas raisonnable. Mais nous aurons l'occasion dans les prochaines semaines, en particulier en considérant le fonctionnement de l'hôpital Georges-Pompidou, de revenir sur ce point.
L'augmentation de 2,2 % de la dotation, taux que vous avez considéré vous-même comme un succès, sera-t-elle suffisante ? En fait, il nous faut prendre en compte non pas l'enveloppe, non pas même les 2,2 % d'augmentation de la dotation, obtenus dans une année difficile et que nous considérons comme un succès, mais les besoins des Français, et seulement cela.
Pour ce faire, il nous faut veiller à la répartition, entre les hôpitaux d'une région, non seulement des enveloppes, mais aussi des possibilités offertes à chaque citoyen dans ces bassins sanitaires. Quel trajet un malade doit-il faire pour se rendre à l'hôpital ? Quelles demandes formule-t-il pour lui-même, pour sa famille, pour les spécialités ? Telle est l'étude que nous avons entamée. C'est un travail difficile que le ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons engagé et qui, je l'espère, portera ses fruits dans quelques mois ou au début de l'année prochaine.
A cette occasion, madame le sénateur, pour répondre peut-être plus largement encore, je vous indique que les états généraux de la santé seront centrés sur les questions précises suivantes : De quoi avons-nous besoin ? Qu'est-ce que la modernisation d'un hôpital ? L'hôpital de l'an 2000 sera-t-il le même que celui que nous connaissons maintenant ? Ne sera-t-il pas plus ouvert aux activités médico-sociales, aux médecins libéraux et à un certain nombre de sujets qui, pour le moment, sont un peu éloignés de son fonctionnement clos ? Toutes ces questions feront l'objet, j'espère, de vrais débats concernant les Françaises et les Français, dans les régions, dans un premier temps, puis à Paris, autour de la rentrée 1998.
En résumé, madame le sénateur, le fait de disposer d'un outil permettant d'apprécier les besoins de santé est notre préoccupation essentielle : cela s'impose tant dans la région d'Ile-de-France, où l'on enregistre une concentration énorme de population et de moyens, que dans le reste du pays.
Le taux d'augmentation de la dotation de 2,2 % suffira-t-il pour faire face aux besoins en personnel, en techniques et en matériels ? Pour le personnel, qui a souffert au cours des deux dernières années, nous y veillerons particulièrement. Pour le reste nous attendrons - mais cela sera assez court - de connaître un peu plus précisément les nécessités de l'harmonisation de ces services. Mais l'harmonisation n'est pas synonyme de destruction ou de fermeture. Il n'est pas question de décréter brutalement qu'un établissement ou un service dans un établissement est devenu caduc ou qu'il ne sert à rien. Il s'agit de donner du temps aux responsables, aux personnels, et d'apprécier ce qui est nécessaire pour la population, en Ile-de-France comme ailleurs.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos, même s'ils comportent des aspects positifs, notamment sur le constat, sont trop généraux et ne répondent pas aux questions précises que je vous avais posées sur les hôpitaux franciliens.
J'en reviens au taux national de 2,2 %. Vous n'avez pas précisé le taux qui serait alloué aux hôpitaux franciliens. Si l'on prend les chiffres de l'année dernière, on constate, en prenant comme base une évolution de 1,5 % de l'indice des prix en 1998 - une majoration de la valeur du point indiciaire de 1 % au 1er mars et de 0,5 % au 1er août - que pour une simple reconduction, les charges de personnel augmentent de 2,70 %, les dépenses médicales et pharmaceutiques de 3,5 %, et les autres dépenses de fonctionnement de 1,5 %, soit une moyenne de 2,59 %
En outre, les coupes budgétaires de 1997 ont entraîné, pour le personnel, la remise en cause de primes, d'avancements, autant de droits acquis qu'il faudra restituer et qui peuvent être évalués à 2,5 %.
Si l'on additionne ces deux chiffres, on arrive à 5 %. Par conséquent, une augmentation de 2,2 % ne pourra qu'entraîner de nouvelles amputations des moyens en personnel et en services. Cela ne pourra que se traduire par un nouveau recul de l'hôpital, avec des fusions d'hôpitaux pouvant aboutir, à terme, à une diminution de moitié du pouvoir des établissements, par des suppressions massives d'emplois - une diminution de 1 % du point ISA représente de 100 à 200 emplois de moins - et par une relance de l'activité des cliniques privées qui, en Ile-de-France, assurent déjà 60 % des actes chirurgicaux et se lancent dans une grande campagne offensive de modernisation.
Il faut que l'hôpital public retrouve toute sa place ! Cette augmentation de 2,2 %, même si je l'apprécie, demeure, à mon avis, insuffisante.

RETARD EN MATIÈRE D'ÉQUIPEMENT HOSPITALIER
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS

M. le président. M. Léon Fatous souhaite interpeller oralement M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le retard en matière d'équipement hospitalier dont souffre le département du Pas-de-Calais.
En effet, il lui demande que le dossier de l'imagerie par résonance magnétique, l'IRM, mobile pour les hôpitaux de Calais, de Montreuil et d'Arras, soit réexaminé (N° 26.)
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Madame le ministre, en 1993, les centres hospitaliers d'Arras, de Calais et du pays de Montreuil - Berck avaient présenté une demande d'autorisation d'IRM, l'imagerie par résonance magnétique, mobile afin de tenir compte des besoins des trois secteurs. Malheureusement, celle-ci a été refusée fin 1993 par l'un de vos prédécesseurs.
En 1995, les mêmes établissements, dans le cadre du décret n° 95-233 du 1er mars 1995, article R. 716-511, ont redéposé une demande d'autorisation d'acquisition en se fondant sur deux motifs.
Tout d'abord, le centre hospitalier d'Arras, siège du SAMU 62, a retenu, parmi les axes prioritaires de son projet médical déposé en 1993 et approuvé par les autorités de tutelles, la prise en charge des polytraumatisés.
Ensuite, le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil - Berck, regroupant différents centres sur Rang-du-Fliers, avait, lui aussi, besoin de cet équipement. Malheureusement, votre prédécesseur n'a pas voulu reconnaître, en 1996, le caractère innovant de cette seconde demande.
Il n'y avait donc aucune possibilité pour une IRM mobile. Mais pourquoi pas une IRM fixe pour le centre hospitalier d'Arras, siège du SAMU 62, cinquième département français ?
En effet, d'une part, son plateau technique dispose d'un emplacement spécifique pour ce type d'équipement ; d'autre part, cet hôpital rayonne sur une population de plus de 230 000 habitants, représentant près de 6 % de la population régionale.
Aussi, madame le ministre, je souhaite savoir si vous entendez aider notre département, qui souffre d'un retard considérable en matière d'équipement hospitalier, en nous permettant d'obtenir enfin une IRM sur Arras.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur le retard dont souffre le département du Pas-de-Calais, et plus généralement la région Nord - Pas-de-Calais, en matière d'équipements hospitaliers.
Vous connaissez ma sensibilité à cette question et le souci qui m'anime de lutter contre le retard de certaines régions. Il est vrai que la région Nord - Pas-de-Calais est, aujourd'hui, celle qui souffre le plus en la matière, que ce soit en termes de lits par habitant ou en termes d'équipements hospitaliers. En outre - on ne le dit pas suffisamment - c'est aujourd'hui la seule région qui cotise plus à la sécurité sociale qu'elle ne reçoit en termes de prestations. Je ne suis d'ailleurs pas sûre que ce soit là un point positif, car cela signifie qu'un certains nombre de nos concitoyens de cette région hésitent à se faire soigner soit parce qu'ils ont des difficultés à payer le forfait hospitalier ou le ticket modérateur, soit à cause de l'insuffisance de lits.
Votre question, monsieur le sénateur, appelle de ma part plusieurs observations.
Tout d'abord, M. Kouchner et moi-même continuons à étudier ce dossier, et nous allons d'ailleurs annoncer dans quelques jours des mesures concernant le rattrapage qui était nécessaire pour certaines régions, dont le Nord - Pas-de-Calais : l'année dernière, la dotation régionale s'était élevée à 14,9 milliards de francs après abondement pour hausse de traitements dans la fonction publique, soit une progression supérieure à celle des autres régions, et nous allons annoncer, dans quelques jours, que nous poursuivrons ce mouvement cette année. La politique de résorption des inégalités prendra plusieurs années, mais il faut donner un coup d'accélérateur en 1998 et 1999.
Votre seconde observation concerne le point particulier des équipements d'imagerie par résonance magnétique.
On ne peut pas dire que le département du Pas-de-Calais soit aujourd'hui sous-doté en la matière, puisqu'il possède quatre équipements autorisés, plus un cinquième au titre du régime expérimental, sur les neuf appareils que compte la région Nord - Pas-de-Calais. Le département, qui bénéficie ainsi de près de la moitié des équipements de la région alors que le nombre d'habitants ne représente que 36 % de la population régionale, n'est donc pas, sur ce terrain, mal traité, d'autant que le ratio du nombre d'IRM rapporté au nombre d'habitants y est, avec un appareil pour 288 000 habitants, plus favorable qu'ailleurs, la moyenne nationale étant d'un appareil pour 365 000 habitants.
Cela dit, il s'agit d'une exception qui confirme la règle car, pour les autres équipements, on note un retard important dans le Nord - Pas-de-Calais. Mais nous étudions actuellement la situation.
Vous avez soulevé une question qui a retenu mon attention au sujet des projets d'IRM fixe d'Arras ou d'IRM mobile pour Montreuil-sur-Mer, Arras et Calais. Jusqu'à présent, aucune autorisation n'a été délivrée et je ne souhaite pas choisir aujourd'hui entre ces deux solutions. Il serait cependant souhaitable que des dossiers soient déposés : un nouveau dossier pour l'IRM mobile après le refus de 1996 et, éventuellement, un dossier parallèle pour une IRM fixe à Arras. Nous pourrons alors étudier de manière très approfondie ces deux demandes - et vous savez que j'y apporterai une attention particulière - afin de déterminer celle qui apparaît la plus appropriée aux besoins de la population.
M. Léon Fatous. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Elue vous-même du Nord - Pas-de-Calais, vous connaissez bien la situation ! S'il est vrai que le département du Pas-de-Calais compte cinq IRM - deux dans le privé et trois dans les centres hospitaliers de Boulogne et de Lens, la deuxième unité de Lens étant en construction actuellement - nous considérons que le chef-lieu du Pas-de-Calais doit avoir la sienne, car sa population est d'environ 230 000 habitants.
En conséquence, comme vous me l'avez conseillé, je vais demander au directeur de l'établissement de présenter un nouveau dossier.

SITUATION DE L'HÔPITAL DE PITHIVIERS

M. le président. M. Paul Masson attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation de l'hôpital de Pithiviers, qui est frappé depuis le 4 juillet 1997 par une décision du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Centre.
Les activités des services de chirurgie et de gynéco-obstétrique sont suspendues. Les chirurgiens opèrent à Etampes. Les personnels sont transférés. La maternité est arrêtée.
Le secrétaire d'Etat à la santé s'est rendu à Pithiviers le 8 septembre. Devant le conseil d'administration de l'établissement, il a confirmé cette décision. Il a cependant laissé beaucoup d'espoir pour la maternité, « symbole pour une ville », ainsi qu'il le déclara par la suite.
M. Masson serait heureux d'obtenir de M. le secrétaire d'Etat à la santé quelques précisions sur les mesures nouvelles envisagées en faveur de l'hôpital de proximité de Pithiviers et de sa maternité. (N° 32.)
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 4 juillet 1997, nous avons appris avec une certaine stupeur la suspension des activités des services de chirurgie de l'hôpital de Pithiviers.
Cette suspension nous parut brutale, injuste. Elle nous sembla, en tout cas, sans aucune mesure avec les faits qui l'ont motivée.
Vous connaissez la suite, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez suivi personnellement le dossier. La maternité est fermée depuis trois mois, un personnel de qualité est traumatisé, une ville socialement fragile est durement frappée.
Personne ne comprend très bien ce qui se passe. Le 7 octobre, vous annoncez vous-même la réouverture de la maternité avant la fin du mois de novembre. Vous ordonnez la remise en état immédiate du bloc opératoire. Vous prenez des mesures très précises pour le personnel spécialisé. Mais, le 8 octobre, c'est-à-dire le lendemain, votre directeur local fait entériner par le CROSS d'Orléans que la réouverture du service de chirurgie n'est pas envisageable parce que « la convention anesthésique n'est pas réalisée ».
Lors de la même séance, le même directeur annonce que les travaux prioritaires à réaliser dans le bloc sont plus longs que prévu et déclare, je cite le procès-verbal : « J'espère que ces travaux ne prendront pas trop de retard par rapport aux délais prévus ». Pas trop de retard !
Il y a quinze jours, vous le savez, le directeur de l'établissement, sur ordre, présente au conseil d'administration de l'hôpital un projet de budget pour 1998 d'où sont exclus les crédits initialement prévus pour ce même bloc opératoire.
Il y a, au sein du personnel, un malaise évident. Ces informations apparemment contradictoires soulèvent des interrogations ; on ne comprend pas ; on a le sentiment étrange, il faut bien le dire, d'assister à une partie de poker menteur. D'un côté, un discours clair, le vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat ; en arrière-plan, une administration pugnace, quoique prudente, et qui, en tout état de cause, traîne les pieds et avance un peu masquée dans un but qui est cependant identifié de longue date, car cela fait longtemps que ce contentieux existe, monsieur le secrétaire d'Etat : la fermeture définitive de la chirurgie, qui sera d'ailleurs proposée au prochain conseil d'administration de l'hôpital de Pithiviers.
Les conséquences de cette décision seront sans appel : la maternité ne fonctionnera pas longtemps, car vous savez très bien qu'une maternité ne peut subsister à terme sans l'appui rapproché d'un service de chirurgie fonctionnant toute l'année, et non pas soixante jours par an comme prévu.
De plus, permettez-moi de le dire, la structure à trois niveaux - je n'ose pas dire l'« usine à gaz » - que vos services ont imaginée paraît irréaliste, coûteuse et inefficace.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous confirmer aujourd'hui, ici, que la maternité sera à nouveau en état de fonctionner le 30 novembre prochain, et pouvez-vous garantir le maintien d'une activité chirurgicale à plein temps sur le site de Pithiviers dès lors que la convention anesthésique sera réalisée, condition sine qua non posée par votre représentant local devant le CROSS le 8 octobre dernier ?
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les deux questions toutes simples que je vous pose.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, voici des réponses simples à des questions complexes : oui, je l'espère, autour du 30 novembre, la maternité sera réouverte ; non, le service de chirurgie ne sera pas réouvert. C'est d'ailleurs ce que j'ai précisé devant le conseil d'administration lors de la séance un peu houleuse à laquelle j'ai assisté. Vous vous en souvenez, puisque vous y étiez !
Mais je vais m'expliquer maintenant plus longuement après ces réponses simples.
Depuis le 4 juillet, monsieur le sénateur, en application de l'article L. 712-18 du code de la santé publique, le bloc opératoire et les services de chirurgie et de maternité de l'hôpital de Pithiviers ont été placés en suspension d'activité par l'agence régionale de l'hospitalisation. Cette mesure faisait suite à plusieurs incidents et accidents médicaux, et une enquête des services de l'inspection de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Loiret a été diligentée.
Compte tenu de la gravité de la situation, nous avons demandé, Mme Martine Aubry et moi-même, une enquête à l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, afin de faire la lumière sur le fonctionnement de l'hôpital de Pithiviers. Vous en avez connu les résultats : ce rapport était accablant, il faisait état d'une désorganisation des services et d'une mésentente profonde au sein de l'équipe chirurgicale.
Permettez-moi de vous dire que ce n'était pas une surprise pour moi et que, même de loin - je n'habite pas Pithiviers - j'avais entendu parler de cette mésentente et de ce dysfoncionnement, très particulièrement en ce qui concerne la chirurgie : il suffisait, monsieur le sénateur, de s'adresser à quelques médecins de Pithiviers pour en connaître les détails.
Outre cette mésentente et cette désorganisation de l'équipe chirurgicale, le rapport de l'IGAS faisait état d'une absence de sécurité anesthésique, de locaux inadaptés, d'une coupure quasi complète de l'hôpital avec la médecine de ville. Il mettait surtout en évidence le fait que le mode d'exercice chirurgical dans cet hôpital était dangereux en raison d'une pratique insuffisante et de la réalisation, sans véritable garantie de la qualité de l'exercice médical, d'opérations trop complexes.
Depuis lors, sous mon impulsion - et je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir relevé que je m'y suis attaché, ainsi que je l'avais dit - et sous la coordination de la direction des hôpitaux de Paris ainsi que de l'agence régionale de l'hospitalisation, les conditions de la réouverture de la maternité ont pu être réunies.
Je n'y croirai cependant, monsieur le sénateur, que lorsque j'y serai avec vous et que je la verrai fonctionner, car il a fallu, je vous l'assure, s'acharner à trouver un personnel suffisamment qualifié pour y travailler. Elle n'a, en effet, en rien démérité, au contraire, vous avez raison de le souligner.
J'ai eu l'occasion de porter ces décisions à la connaissance du conseil d'administration de l'hôpital de Pithiviers, le 8 septembre. J'ai insisté pour que la fin de la suspension de la maternité soit effective vers la fin du mois de novembre et, à quelques jours près, je pense que ce calendrier sera respecté, même s'il est vrai qu'il faut tenir compte des délais nécessaires à la réalisation des travaux de mise en conformité et de sécurité des locaux d'anesthésie.
Vous avez sans doute constaté que nous ne nous acharnions pas, en ce qui concerne la sécurité des locaux, sur un hôpital ou sur un autre, sur une clinique ou sur une autre : nous faisons, de ce point de vue, flèche de tout bois, car il en va de notre responsabilité.
Quoi qu'il en soit, il ne convenait pas de rouvrir le service de maternité de Pithiviers, avec l'activité de chirurgie obstréticale que cela sous-entend, sans le mettre en conformité avec la législation. C'est ce que nous avons fait, notamment en ce qui concerne les locaux d'anesthésie.
Il s'agit aussi de mettre rapidement un terme à la rédaction et à la signature des conventions de partenariat avec les hôpitaux de Pithiviers, d'Etampes et d'Orléans, ainsi qu'avec plusieurs établissements rattachés à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris. C'est ainsi qu'une série de conventions de fonctionnement médical et de protocoles portant sur les gardes et l'activité des chirurgiens et anesthésistes viendra concrétiser la mise en réseau de plusieurs établissements autour des services de maternité et d'anesthésie.
Les autres dispositions relatives à l'hôpital de Pithiviers concernent - vous le savez, monsieur le sénateur - le renforcement et l'amélioration du service des urgences, l'ouverture d'un service mobile d'urgence et de réanimation, un SMUR, la mise en place d'une véritable garde de radiologie placée sous la responsabilité du centre hospitalier d'Etampes et, enfin, le renforcement de l'activité de pédiatrie, qui est indispensable puisque nous maintiendrons, je l'espère, l'activité de la maternité.
L'ensemble de ce dispositif sera mis en oeuvre par l'agence régionale de l'hospitalisation du Centre. Le rôle du centre hospitalier de Pithiviers dans ses missions d'hôpital de proximité sera ainsi conforté.
Je vous garantis donc la pérennité de l'établissement et, comme je m'y suis engagé, aucune suppression d'emploi n'interviendra, au contraire.
C'est dans cette optique que sera étudié le développement des activités de médecine avec le renforcement du plateau technique des consultations. Nous espérons que le registre presque entier des spécialités médicales sera ainsi disponible en consultation et que les spécialistes travailleront en complémentarité - ce que je souhaite infiniment, et je m'engage à tout faire pour cela - avec la médecine de ville de Pithiviers.
Ce dispositif permettra d'assurer la qualité et la sécurité des soins que les habitants de Pithiviers et des environs sont en droit d'attendre de leur établissement hospitalier.
Je tiens à rendre hommage devant vous, monsieur le sénateur, à tous ceux qui mobilisent leur énergie, dans les hôpitaux comme dans les administrations. Je sais que ce n'est pas simple, et vous avez vous-même souligné le décalage qui existent entre les décisions et la réalité administrative. Mais vous n'êtes pas assez naïf pour vous en étonner !
Quoi qu'il en soit, s'agissant de la réouverture de Pithiviers, je rends hommage au travail de chacun, y compris au travail militant des habitants de la ville et à votre propre action, monsieur le sénateur, car il s'agit d'un bel exemple de solidarité.
Je pourrais revenir en détail sur la chronologie,...
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi toutefois de vous inviter à la concision, car notre ordre du jour est chargé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Pour résumer donc, ce n'était pas simple, monsieur le sénateur.
Avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous n'avons pas voulu faire de Pithiviers un cas d'école, car il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, de répéter ces efforts et d'en obtenir les effets escomptés dans tous les établissements.
Simplement, nous avons tenu à changer de méthode : nous sommes partis des besoins des habitants, en prenant en compte le fait que nous, responsables de la sécurité dans les hôpitaux à l'échelon gouvernemental, ne pouvions, à l'évidence, assurer suffisamment cette sécurité à l'hôpital de Pithiviers.
La chirurgie, monsieur le sénateur, il n'en est pas question, car je ne trouverai pas de chirurgien compétent ; mais, avec le service mobile d'urgence et de réanimation, le SMUR, c'est-à-dire la manière médicalisée de transporter au plus vite, à 30 kilomètres, les urgences éventuelles, nous devrions faire face à la situation.
Si tout se déroule bien, si, comme je le souhaite et le crois, la maternité est réouverte fin novembre, si le dispositif de chirurgie obstétricale et l'anesthésie fonctionnent, le dialogue en sera facilité d'abord avec les habitants de Pithiviers, mais surtout avec les malades, qui en ce qui me concerne, m'intéressent encore plus que les habitants, voire avec l'ensemble du personnel hospitalier et des habitants des villes qui ont à faire face à des problèms hospitaliers.
En somme, c'est une leçon non pas de pédagogie, car je ne suis pas prétentieux au point de croire que j'y réussirai, mais d'humanité, qui consiste à considérer les besoins des habitants d'une ville et à essayer de les satisfaire avec eux. Voilà ce que nous avons voulu faire, monsieur le sénateur, et j'espère que nous réussirons vers la fin du mois de novembre.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le président, d'avoir laissé M. le secrétaire d'Etat s'exprimer un peu plus longuement sur ce sujet.
La fermeture d'une maternité, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne se produit pas tous les jours, et la liquidation d'un bloc opératoire est une affaire sérieuse dans une ville de 10 000 habitants.
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction deux choses : la première, c'est l'assurance de la réouverture de la maternité aux alentours du 30 novembre ; la seconde - cela prouve bien que l'on gagne à se connaître davantage - c'est la chaleur avec laquelle vous vous engagez pour parvenir à des solutions concrètes et positives.
En revanche, permettez-moi de vous dire ma déception quand je vous entends analyser un rapport dont chacun sait qu'il n'est que le produit de l'administration dans toute sa sècheresse et dont vous savez mieux que quiconque qu'il contient un certain nombre d'inexactitudes, notamment celle qui consiste à considérer le nombre des malades sur la moitié seulement du secteur géographique sur lequel l'hôpital assied ses activités à l'heure actuelle. Il est tout de même fâcheux de trouver de telles incongruités dans un rapport d'inspection générale !
Sur le fond, j'attends que l'on me démontre qu'une maternité peut fonctionner sans chirurgien. Vous avez une formule nouvelle ; nous verrons ce qu'elle vaut. Je ne suis pas un spécialiste, mais j'apprends tous les jours que la chirurgie appuie une maternité parce qu'il y va de la responsabilité de ceux qui opèrent.
Vous dites qu'il y a mésentente entre deux ou trois chirurgiens. Le fait est connu de longue date. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, ferme-t-on une école parce qu'il y a mésentente entre trois instituteurs ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas pareil !
M. Paul Masson. Arrête-t-on un train parce qu'il n'arrive pas à l'heure ? Ferme-t-on un usine parce qu'il y a des dysfonctionnements dans un certain nombre de services ? Non !
La mesure frappe de plein fouet une population très laborieuse. Vous connaissez la situation de Pithiviers, on vous l'a décrite. Vous savez que la situation sociale n'est pas brillante et vous savez les difficultés qui sont inhérentes à cette fracture sociologique entre deux parties de la population.
Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut traiter Pithiviers comme on traiterait n'importe quoi ou n'importe qui. Je sais, d'ailleurs, que telle n'est jamais votre attitude.
Je vous demande de continuer à avoir en faveur de Pithiviers cet engagement personnel que je sens et dont je vous rends grâce, de faire en sorte que l'administration n'ait pas des solutions toutes faites qui relèvent des instructions ministérielles permanentes.
On ne saurait analyser la situation de Pithiviers aujourd'hui, en 1997, bientôt en 1998, comme on l'analysait en 1950. Cela n'a rien à voir. Pithiviers est au centre d'un bassin démographique qiu va se développer, toutes les analyses nationales le prouvent.
Il serait donc aberrant, aujourd'hui, de supprimer un centre de soins, un établissement public au service d'une population qui est à la fois laborieuse, dynamique, intelligente et pleine d'espoir.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, la requête ultime que je me permets de vous présenter, le constat étant fait que le rapport direct entre les parlementaires et le ministre est préférable à la médiation d'une administration.

STÉRILISATION VOLONTAIRE DES SUJETS SAINS

M. le président. M. Franck Sérusclat interroge M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la question de la stérilisation volontaire des sujets sains.
Une telle intervention est actuellement impossible à pratiquer en France, une jurisprudence de 1920 condamnant cette pratique comme une mutilation volontaire.
Pourtant, il s'agit, pour certaines femmes, du seul moyen de contraception. L'impossibilité découlant de la jurisprudence aboutit alors à des grossesses non désirées et à des interruptions volontaires de grossesse. C'est également le mode de contraception le plus utilisé dans le monde.
Le Comité consultatif national d'éthique a indiqué dans un rapport n° 50 du 3 avril 1996 que trois solutions sont envisageables, sans montrer de préférence pour l'une d'entre elles ; soit interdire toute stérilisation volontaire, soit n'en pratiquer que sur proposition du corps médical, soit, enfin, laisser la possibilité à toute personne d'utiliser cette méthode contraceptive après information et temps de réflexion.
Il lui demande quelle est sa position sur ce sujet et s'il ne serait pas souhaitable, face à une question à laquelle les réponses de la société apparaissent très divisées, de permettre à chacun de choisir en conscience la solution qui emporte sa faveur. (N° 33.)
J'invite tous les orateurs à respecter les temps de parole, faute de quoi nous aurons du mal à en terminer avant la conférence des présidents.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je serai bref, monsieur le président, bien que le sujet soit également d'importance.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la possibilité de faire de la stérilisation volontaire sur des sujets sains une méthode contraceptive.
Je précise tout de suite que, si l'on arrivait à cette solution, il faudrait, bien évidemment, que soit interdit l'usage des stérilisations sur des sujets handicapés mentaux, comme cela s'est fait, on l'a vu, en Suède mais aussi en France.
Il est des situations dans lesquelles les femmes enceintes n'ont d'autre possibilité de contraception, face à une grossesse non désirée, et recourent alors à une interruption volontaire de grossesse.
Les deux moyens, on les connaît : la vasectomie chez l'homme, qui est définitive, la ligature des trompes chez la femme, qui peut, elle, dans un certain nombre de circonstances, être réversible.
En fait, c'est sur les propositions du conseil de l'Ordre, d'une part, et du Comité national d'éthique, d'autre part, que je souhaite avoir votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le conseil de l'Ordre a demandé la dépénalisation de cette intervention, actuellement soumise au régime de la loi de 1920, qui prévoit l'interdiction de l'atteinte à l'intégrité de toute personne, hors le cas d'expérimentations avec le consentement éclairé et libre de l'intéressé. Le conseil de l'Ordre demande donc que cette intervention puisse être utilisée comme un moyen de contraception et que les actes de contraception soient reconnus comme des actes médicaux.
Quant au Comité national d'éthique, sa position est un peu plus ambiguë. Il émet trois hypothèses, mais ne se prononce sur aucune : la première, c'est l'acceptation des demandes tout en maintenant l'inviolabilité ; la deuxième, c'est, du fait du libre exercice des capacités de procréer, la possibilité légitime de supprimer cette capacité ; la troisième, enfin, c'est l'application stricte de la loi.
Quelle est votre position, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous paraît-il raisonnable que l'on puisse accepter que ce soit à la demande de l'intéressé et non sur confirmation de la valeur de cette demande par les médecins ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, la question est d'importance, elle est sensible, et je vous remercie de l'avoir posée.
Je souligne d'emblée qu'il s'agit d'une question distincte de celle de la stérilisation chez les personnes handicapées mentales. J'apporte cette précision parce que nous avons récemment été alertés par un rapport, certes partiel, qui évoquait un nombre très important de stérilisations opérées dans notre pays pour des raisons de handicap mental. Sur cette affaire, Mme Aubry et moi-même avons demandé une enquête de l'inspection générale des affaires sociales.
Revenons-en à la question posée. Vous pensez, sur la base d'une jurisprudence de 1920, monsieur Sérusclat, que la pratique de la stérilisation est interdite en France. Nombreux sont ceux qui le pensent.
En réalité, le code civil, dans son article 16-3, tel qu'il résulte de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, n'admet une atteinte à l'intégralité physique qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne, et à la condition - vous l'avez souligné - que celle-ci soit consentante.
Or, dans certaines situations, on a recours à la stérilisation à visée thérapeutique lorsqu'elle peut protéger la santé et, parfois, la vie de la femme.
Je citerai à cet égard, sur la base des bonnes pratiques proposées conjointement par la conseil de l'ordre des médecins, l'Académie de médecine et diverses institutions professionnelles : des motifs obstétricaux, comme les risques de rupture utérine et des césariennes itératives, ou encore la prévention des grossesses à haut risque ; des motifs chirurgicaux tels que, notamment, les grossesses extra-utérines répétées et le traitement d'un cancer ; des motifs médicaux liés à un état pathologique grave d'ordre cardiaque ou pulmonaire par exemple ; enfin, des motifs contraceptifs pour prévenir des interruptions volontaires de grossesse, toujours douloureusement vécues.
Ce guide de bonnes pratiques souligne également que ces stérilisations ne peuvent être réalisées que dans un cadre déontologique précis comportant, en particulier, un consentement de l'intéressé, après information claire, précise et complète, ainsi que le respect d'un délai de réflexion.
On estime actuellement que plusieurs milliers d'actes de stérilisation sont réalisés chaque année en France.
Ces données rendent sans doute nécessaire aujourd'hui de formaliser davantage les pratiques de stérilisation réalisées dans ce cadre thérapeutique, terme qu'il faut entendre également dans sa dimension préventive, trop souvent oubliée.
Vous rappelez également, monsieur le sénateur, l'avis d'avril 1996 du Comité consultatif national d'éthique, qui répertoriait les différentes attitudes possibles en matière de stérilisation : soit l'interdire, soit la réserver aux indications posées par le corps médical, soit, enfin, la rendre possible à toute personne désireuse d'y recourir, après information et respect d'un délai minimal de réflexion.
Il me semble - nous n'avons pas légiféré en la matière - que l'on doit considérer cette troisième option avec une extrême circonspection. En effet, malgré des évolutions techniques récentes, qui permettent dans certains cas de pratiquer une stérilisation de nature réversible - une autre intervention est donc possible pour rétablir la continuité, mais ce n'est pas certain, ce qui est toujours très traumatisant - malgré cela, dis-je, il faut souligner que, le plus souvent, la stérilisation reste un acte dont les conséquences sont définitives.
Aussi paraît-il difficile, aujourd'hui, d'en faire une méthode contraceptive comme les autres. Si j'allais plus loin, je dirais même que cela me paraît impossible.
A mon sens, la priorité dans le domaine de la maîtrise de la fécondité - ce disant, je réponds sinon complètement du moins d'une certaine manière à votre question - réside dans le renforcement de l'information et de l'accès aux autres méthodes contraceptives.
M. Lucien Neuwirth. Tout à fait !
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat, Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des arguments que vous avez développés et qui justifient votre conclusion, à savoir le refus d'envisager la stérilisation volontaire comme une méthode contraceptive.
Subsiste cependant la remarque du Comité consultatif national d'éthique, qui déduit du libre exercice de la capacité de procréation la possibilité légitime de limiter, voire de supprimer, cette capacité. Cela relève effectivement de la liberté de l'individu.
Le Comité consultatif national d'éthique se fonde sur l'évolution de la société, les raisons permettant d'envisager le recours à cette méthode contraceptive - divorces, mariages, précocité des rapports sexuels, etc. - étant, selon lui, de plus en plus nombreuses.
La situation est autre que celle qui prévalait en 1920, lorsque les lois ont été votées, et les comportements sont donc également autres.
Il est quelque peu dommage que l'on considère que, dans certaines situations, une femme n'ait pas légitimement une totale liberté en ce domaine.
Je suis obligé de me ranger à votre décision. Je vous demande néanmoins d'envisager une réflexion, car, si, parfois, c'est par commodité que l'on agit ainsi, c'est le plus souvent pour faire face à des situations tragigues, notamment celle où la femme porte un enfant qui n'est plus désiré par les deux parents alors qu'il l'était au moment de la conception.
J'insiste donc sur cette approche du problème par le Comité national d'éthique, qui prend en compte le fait que l'évolution de la société génère des comportements différents.

MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS
DANS LES ZONES EN VOIE DE DÉSERTIFICATION

M. le président. M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra souligne auprès de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que le service public, plus particulièrement en milieu rural, constitue un élément fondamental de l'aménagement du territoire et du maintien des populations dans les zones en voie de désertification.
L'Etat est exclusivement compétent à l'égard des services publics nationaux et le principe de l'égal accès de tous au service public a été réaffirmé par la loi n° 95-115 du 15 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Les communes sont, quant à elles, très attachées aux services de proximité et oeuvrent quotidiennement pour que ceux-ci soient maintenus dans les meilleures conditions de qualité.
De plus en plus fréquemment, cette volonté des élus locaux se traduit par une participation aux côtés de l'Etat au financement de ces services.
Face au désengagement toujours croissant de ce dernier, face à la logique de rentabilité économique invoquée par les grandes entreprises nationales, les collectivités locales ont-elles d'autre choix que d'accepter ce partenariat ? Leur survie, quelquefois, en dépend.
Le manque de concertation que l'on a pu déplorer jusqu'à présent entre les différentes parties aboutit à un transfert de charges toujours plus important en direction des communes.
Le cas de La Poste illustre, semble-t-il, le mieux cette situation. Sur le fondement d'un partenariat souvent déséquilibré, ce sont des conventions hybrides au cas par cas qui sont proposées aux maires, dont les termes posent divers problèmes juridiques, notamment en matière de responsabilité.
On assiste à une situation qui peut devenir préjudiciable, si l'on n'y prend pas garde. Les communes ne pourront pas, à elles seules, assumer ces transferts et les usagers pourraient avoir à en supporter les conséquences. Le service public ne pourra plus répondre à ces missions, si tant est qu'on arrive à conserver les réseaux déjà existants.
Il souhaiterait obtenir des précisions sur deux points : d'une part, quelle sera la position du Gouvernement lorsque le moratoire sur la suppression des services publics sera arrivé à son terme ? D'autre part, à quel moment sera pris le décret d'application de l'article 29 de la loi du 5 février 1995, qui pourrait constituer le cadre d'une procédure adaptée en matière de contrôle de suppression ou de modification d'un service ? (N° 14.)
La parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame le ministre, le service public, plus particulièrement en milieu rural, constitue un élément fondamental de l'aménagement du territoire et du maintien des populations dans les zones en voie de désertification.
L'Etat, certes, est exclusivement compétent à l'égard des services publics nationaux, et le principe de l'égal accès de tous au service public a été réaffirmé par la loi du 4 février 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire.
Les communes sont, quant à elles, très attachées aux services de proximité et oeuvrent quotidiennement pour que ceux-ci soient maintenus dans les meilleures conditions de qualité.
De plus en plus fréquemment, cette volonté des élus locaux se traduit par une participation financière des communes aux côtés de l'Etat.
Face au désengagement toujours plus croissant de ce dernier, face à la logique de rentabilité économique invoquée par les grandes entreprises nationales, les collectivités locales ont-elles d'autres choix que d'accepter ce partenariat ? Leur survie, quelquefois, en dépend !
Le manque de concertation que l'on a pu déplorer jusqu'à présent entre les différentes parties aboutit à un transfert de charges toujours plus important en direction des communes. En Corse, le cas de La Poste illustre, me semble-t-il, le mieux cette situation. Sur le fondement d'un partenariat souvent déséquilibré, ce sont des conventions hybrides, au cas par cas, qui sont proposées aux maires dont les termes posent divers problèmes d'ordre juridique, notamment en matière de responsabilité.
On assiste à une situation qui peut leur devenir préjudiciable, si l'on n'y prend pas garde. Les communes ne pourront pas à elles seules assumer ces tranferts, dont les usagers pourraient avoir à supporter les conséquences. Le service public court ainsi le risque de ne plus pouvoir répondre à ses missions, si tant est qu'on arrive à conserver les réseaux déjà existants.
Sur La Poste, en particulier, et sur le service public, en général, je souhaiterais, madame le ministre, obtenir certaines précisions.
Quelle sera la position du Gouvernement lorsque le moratoire sur la suppression des services publics sera arrivé à son terme ?
La Poste comme l'école restent les derniers remparts d'une vie sociale auxquels ont droit les territoires ruraux comme les quartiers sensibles. L'implication demandée aux collectivités locales est de plus en plus importante et de plus en plus lourde. Les différents éléments relatifs à cette question devront être pris en compte dans la négociation du prochain contrat de plan entre La Poste et l'Etat.
Qu'en est-il, en outre, de la mise en oeuvre des dispositions prévues à l'article 29 de la loi du 4 février 1995, notamment du décret qui doit en définir les modalités d'application ? La réponse à cette question, madame le ministre, serait pour les communes et leurs élus un gage de la volonté de l'Etat de tout mettre en oeuvre pour assurer le maintien des services publics en milieu rural.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, depuis plus de vingt ans de nombreuses mesures tendant à enrayer la désertification des campagnes ont été prises ; elles n'ont, hélas ! pas abouti. Il nous faut donc continuer ce travail si nous voulons préserver la richesse et la diversité de nos territoires.
Comme vous l'avez souhaité, j'insisterai sur les services publics dans ces zones en voie de dévitalisation, tout en ayant présent à l'esprit qu'il s'agit bien d'avoir une action sur l'ensemble des phénomènes qui concourent à cette dévitalisation. Activités économiques, activités agricoles, activités artisanales, commerciales et culturelles me paraissent d'une égale importance à cet égard.
Actuellement, la situation est organisée autour de deux textes.
D'une part, la circulaire de M. le Premier ministre en date du 10 mai 1993 rappelle l'objectif de concilier les besoins des habitants des zones rurales avec les contraintes des prestataires publics. Cette circulaire, vous l'avez rappelé, a instauré un moratoire suspendant la fermeture ou la réduction des services publics en milieu rural.
Ce moratoire a été prolongé à plusieurs reprises ; il est donc maintenu. Il stabilise la situation en l'état à un instant donné, mais ne résout aucun des problèmes posés. La sortie de ce moratoire ne pourra se faire que lorsque des engagements précis et concertés existeront entre l'Etat, les organismes publics concernés et les acteurs locaux.
D'autre part, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 5 février 1995, par laquelle a été arrêté un nouveau dispositif applicable aux services publics et en particulier aux services publics en milieu rural, devait permettre une sortie du moratoire.
Par son article 28, elle instaure des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, organes consultatifs qui doivent formuler des propositions d'amélioration des services publics et être associés à l'élaboration des schémas du même nom.
Ces commissions ont été constituées dans chaque département. Elles seront obligatoirement consultées sur le schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics. Ce schéma permettra de définir sur une période pluriannuelle les moyens nécessaires pour parvenir à une véritable égalité d'accès aux services publics sur l'ensemble du territoire. La condition de la concertation locale sera donc remplie.
En revanche, le décret d'application de l'article 29 de cette même loi n'est toujours pas sorti. Un projet a été soumis par le précédent gouvernement au Conseil d'Etat, mais ce dernier a émis un certain nombre d'observations sur sa rédaction.
Or, il s'agit, vous l'avez souligné, d'un article fondamental puisqu'il institue les contrats de services publics entre l'Etat et les établissements ou organismes publics ainsi que les entreprises nationales en charge d'un service public et sous tutelle de l'Etat. Sont notamment concernés EDF, France Télécom, Gaz de France, La Poste, la Banque de France, la SNCF.
De cet article 29 et de son application dépend donc la sortie du moratoire. Une nouvelle rédaction en sera proposée dans le cadre de la révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Par ailleurs, des actions sont engagées afin de favoriser l'adaptation des services publics dans les zones rurales les plus fragiles, notamment par le recours à la polyvalence et à la mobilité : développement d'un réseau de points publics et d'espaces polyvalents, assouplissement de la gestion des personnels de l'Etat permettant de dépasser le cloisonnement administratif local et de renforcer les partenariats entre les administrations.
Ces actions, souvent au stade de l'expérimentation, doivent être encouragées, et je serai très attentive à l'évaluation de ces initiatives afin de répondre à deux inquiétudes : la première, celle que vous avez soulignée, vise à faire en sorte que les petites communes n'aient pas à affronter les conséquences des choix faits unilatéralement par l'Etat en la matière ; la seconde concerne les usagers et vise à garantir la qualité du service rendu et l'accessibilité de ce service.
Enfin, l'accès aux nouvelles technologies d'information et de communication devrait ouvrir des perspectives nouvelles permettant de véritables innovations pour les services rendus en milieu rural.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Je remercie Mme le ministre des précisions qu'elle a données. J'en prends acte et j'attends avec impatience la parution du décret relatif à l'article 29 afin que, s'agissant de La Poste, notamment, les maisons de services publics qui étaient prévues dans le projet de loi du précédent gouvernement puissent être créées, car il y va de la survie des agences postales en milieu rural.

GESTION DES DÉCHETS MÉNAGERS

M. le président. M. Marcel Vidal rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que, le 25 février dernier, la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale adoptait un rapport d'information sur l'application de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement.
Cette loi constitue, comme le souligne le rapporteur, une « révolution culturelle » en matière de gestion des déchets ménagers. Pour la première fois étaient posés les principes de la nécessité du traitement des déchets et de leur élimination dans le but de prévenir et de réduire leur production et leur nocivité, de limiter et d'organiser leur transport et de les valoriser, soit par le recyclage, soit par le compostage, soit encore par l'incinération avec récupération d'énergie. Pour la première fois était affirmée la nécessité de supprimer les décharges brutes d'ici au 1er juillet 2002. Les attentes légitimes de nos concitoyens pour un meilleur cadre de vie étaient enfin prises en compte.
Cinq ans après l'adoption de cette loi, le rapport d'information de l'Assemblée nationale en dresse un premier bilan. Il souhaite connaître son avis sur les propositions énoncées dans ce rapport, notamment sur l'opportunité d'un report de l'échéance du 1er juillet 2002 pour l'interdiction de la mise en décharge ainsi que sur les moyens techniques et financiers qu'elle compte mettre en oeuvre pour revenir à l'esprit de la loi de 1992, qui prône non pas le tout incinération, comme il est pratiqué aujourd'hui, mais une gestion multifilière des déchets ménagers. (N° 19.)
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et porte sur la gestion des déchets ménagers.
Le 25 février 1997, la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale adoptait un rapport d'information sur l'application de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement.
Cette loi constitue, comme le souligne le rapporteur, une « révolution culturelle » en matière de gestion des déchets ménagers. Pour la première fois étaient posés les principes de la nécessité du traitement des déchets et de leur élimination afin d'en prévenir et d'en réduire la production et la nocivité, d'en limiter et d'en organiser le transport et de les valoriser, soit par le recyclage, soit par le compostage, soit encore par l'incinération avec récupération d'énergie. Pour la première fois était affirmée la nécessité de supprimer les décharges brutes d'ici au 1er juillet 2002. Les attentes légitimes de nos concitoyens pour un meilleur cadre de vie étaient enfin prises en compte.
Cinq ans après l'adoption de cette loi, le rapport d'information de l'Assemblée nationale en dresse un premier bilan.
Madame le ministre, il nous serait utile de connaître votre avis sur les propositions énoncées dans ce rapport, notamment sur l'opportunité d'un report de l'échéance du 1er juillet 2002 pour l'interdiction de la mise en décharge ainsi que sur les moyens techniques et financiers qu'elle compte mettre en oeuvre pour revenir à l'esprit de la loi de 1992, qui prône non pas le « tout incinération », comme il est pratiqué aujourd'hui, mais une gestion multifilière des déchets ménagers.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le préciser, l'un des objectifs de la loi du 13 juillet 1992 est de supprimer, à l'échéance du 1er juillet 2002, les décharges brutes, c'est-à-dire les décharges sauvages exploitées illégalement, et de réserver le stockage des déchets aux seuls déchets ultimes, les déchets de déchets. Cette loi fixe une hiérarchie de traitement des déchets.
Il convient, tout d'abord, de mettre en oeuvre la prévention et la réduction à la source, puis d'organiser la récupération de la fraction valorisable des déchets, la fraction « utile », par la réutilisation, le recyclage-matière, et le traitement biologique par compostage ou méthanisation. Il convient enfin de mettre en place le traitement de la fraction « non utile » des déchets par incinération avec récupération d'énergie et mise en décharge des déchets ultimes que les conditions économiques et techniques ne permettent pas de mieux valoriser.
Cet objectif a été rappelé dans une circulaire du 24 février 1997 relative aux plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Mais je compte réaffirmer la nécessité de rechercher, localement, l'équilibre entre les filières d'élimination et demander aux préfets d'envisager, le cas échéant, la révision de certains plans.
En effet, nombreuses sont les installations d'incinération qui paraissent surdimensionnées. Nombreux sont les schémas qui excluent toute stratégie de tri et de recyclage en amont de l'incinération. Nombreux sont les schémas dont les choix ont abouti à une explosion des coûts de traitement des déchets qui ne paraissent pas complètement justifiés au regard des possibilités financières et techniques des collectivités.
Les moyens financiers évolueront pourtant prochainement pour encourager le développement des installations de tri, les regroupements, les déchetteries ou les traitements biologiques en amont de l'incinération.
Ainsi, les aides à l'investissement des collectivités locales seront très prochainement augmentées dans le cadre du fonds de modernisation et de gestion des déchets. Elles passeront de 20 % ou de 30 %, selon les cas, à 50 %.
De plus, le soutien à la tonne récupérée d'Eco-emballages et d'Adelphe a été augmenté à l'occasion du renouvellement de leur agrément en 1996.
Enfin, s'agissant des « décharges brutes », une circulaire demandera aux préfets d'introduire systématiquement, dans les plans départementaux, un chapitre sur le recensement et la résorption des décharges, sachant que les moyens financiers existent auprès de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, pour soutenir les collectivités qui mènent de telles opérations de résorption.
Je voudrais répondre concrètement à votre question, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit : est-il ou non question de reporter l'échéance de 2002 ?
A cette heure, je ne suis pas tout à fait en mesure de vous répondre. Les objectifs de la loi de 1992 restent et l'objectif de 2002 également. Je verrai, après l'évaluation à laquelle nous sommes en train de procéder, à mi-course, si des éléments nouveaux surviennent qui pourraient conduire à une réévaluation et à une réorientation de certains choix locaux.
Je pense notamment à la possibilité de mettre en place, mais cela demanderait éventuellement une modification de la loi, des décharges contrôlées où l'on trierait de façon très efficace les déchets organiques à composter ou à valoriser et les autres déchets qui pourraient, par voie de compactage et de stockage contrôlé, éviter une incinération dans certaines zones localisées du territoire où ces équipements seraient ou coûteux, ou non rentables d'un point de vue économique. Cela, je serai en mesure de vous l'affirmer de façon plus précise dans quelques mois puisque cette évaluation est en cours.
A cette heure, les objectifs et le calendrier de la loi de 1992 ne sont donc pas remis en cause.
M. Marcel Vidal. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Je suis très sensible à la réponse qu'a apportée Mme le ministre.
D'une façon générale, la prise de conscience de l'urgence de procéder à la modernisation de la gestion des déchets est une réalité, mais la tâche, pour nous tous, demeure extrêmement complexe et lourde.
Que devons-nous obtenir dans les années qui viennent ? Tout d'abord, c'est une priorité, nous devons obtenir une nette augmentation des aides de l'Etat pour les prochains exercices, notamment grâce à une incitation financière aux regroupements. Je pense aux extensions de syndicats, à la création de syndicats de syndicats. Je pense aussi au soutien marqué de l'ADEME en direction des commissions départementales pour la mise en conformité des plans publiés avec la directive européenne sur les emballages et les déchets d'emballages. Je pense enfin à une aide significative en faveur des études et de la recherche.
Je tiens à insister sur la prévention de la production des déchets, la connaissance des coûts, les bilans environnementaux des filières, l'amélioration des services et des techniques. Dans ces domaines, les conseils généraux et les municipalités, à travers leurs syndicats intercommunaux, auront encore un travail considérable à accomplir. Ils ne pourront le mener à bien que si l'Etat, par des orientations claires et concrètes, s'engage. Madame le ministre, nous vous faisons confiance sur ce point.

INSTALLATION D'UNE LIGNE À TRÈS HAUTE TENSION
AU NORD D'ANNECY

M. le président. M. Jean-Claude Carle rappelle que Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement semble très attachée à la défense du milieu naturel et de notre environnement, comme on a pu le constater par le biais de plusieurs décisions récentes et largement médiatisées.
Notre territoire est confronté, au quotidien, à de multiples incohérences d'aménagement, aux graves conséquences auxquelles il conviendrait de s'intéresser.
C'est le cas actuellement en Haute-Savoie, au nord d'Annecy, avec le projet de construction d'une ligne électrique à très haute tension dite « ligne Cornier-Onnex ».
Sans nier la nécessité d'assurer une meilleure sécurité d'approvisionnement en énergie électrique du bassin annécien, le projet, en configuration totalement aérienne, fait toutefois l'objet d'une désapprobation unanime des élus locaux, de la population et du milieu associatif, dont la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, la FRAPNA, et ce depuis huit ans. Or, M. le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie vient de demander la réalisation de cet ouvrage dans les plus brefs délais.
Cette double ligne électrique de 225 000 volts s'étendrait dans un cadre de vie exceptionnel, sur le territoire de huit communes et sur une distance de douze kilomètres. En outre, elle serait associée à la construction d'un transformateur sur une surface de 25 000 mètres carrés. Ces ouvrages seraient situés, pour une part, sur des sites géologiquement instables ou sujets à des crues, voire sur des massifs forestiers d'intérêt communautaire.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir examiner ce dossier de façon toute particulière et de prendre les mesures adaptées et efficaces qui s'imposent, face à un projet largement disproportionné, tout à fait irrespectueux du milieu naturel et dont la réalisation en l'état constituerait un très lourd héritage pour plusieurs générations. (N° 40.)
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame le ministre, vous êtes très attachée à la défense du milieu naturel et de notre environnement, comme on a pu le constater par le biais de plusieurs décisions récentes et largement médiatisées.
Notre territoire est confronté, au quotidien, à de multiples incohérences d'aménagement, aux graves conséquences auxquelles il conviendrait de s'y intéresser.
C'est le cas actuellement en Haute-Savoie, au nord d'Annecy, avec le projet de construction d'une ligne électrique à très haute tension dite « ligne Cornier-Onnex ».
Sans nier la nécessité d'assurer une meilleure sécurité d'approvisionnement en énergie électrique du bassin annécien, le projet, en configuration totalement aérienne - j'insiste sur ce point - fait toutefois l'objet d'une désapprobation unanime des élus locaux, de la population et du milieu associatif, dont la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, la FRAPNA, et ce, madame le ministre, depuis plus de huit ans. Or, M. le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie vient de demander la réalisation de cet ouvrage dans les plus brefs délais.
Cette double ligne électrique de 225 000 volts s'étendrait dans un cadre de vie exceptionnel, sur le territoire de huit communes et sur une distance de douze kilomètres. En outre, elle serait associée à la construction d'un transformateur sur une surface de 25 000 mètres carrés.
Ces ouvrages seraient situés, pour une part, sur des sites géologiquement instables ou sujets à des crues, voire sur des massifs forestiers d'intérêt communautaire.
C'est pourquoi je vous serais reconnaissant de bien vouloir examiner ce dossier de façon toute particulière, et de prendre les mesures adaptées et efficaces qui s'imposent, face à un projet qui est largement disproportionné, tout à fait irrespectueux du milieu naturel. Sa réalisation en l'état constituerait un très lourd héritabe pour plusieurs générations et serait un contresens à l'aménagement durable de notre territoire.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu me saisir d'une enquête concernant le projet de ligne à très haute tension de 225 kilovolts entre Onnex et Cornier.
Ainsi que vous le rappelez à fort juste titre, la sécurisation d'approvisionnement en énergie électrique du bassin d'Annecy correspond aujourd'hui à une nécessité qui n'est remise en cause ni par vous ni par moi.
Pour ce qui est de la réalisation des ouvrages prévus et bien que je sois sensible à votre souhait de mise en souterrain de la ligne, je suis au regret de vous préciser qu'à l'exception des zones urbaines denses ce niveau de tension ne permet pas le recours à l'enfouissement, pour des raisons à la fois techniques et financières.
Par ailleurs, l'étude d'impact qui a été réalisée fait apparaître une nette préférence pour la variante Est du projet, jugée de moindre impact. En effet, cette variante évite des zones particulièrement sensibles sur les plans de la faune, de la flore et de l'habitat. A ce titre, je précise qu'aucun des sites que vous évoquez n'est concerné par le passage de la ligne ou l'implantation du poste.
Je note, en outre, que cette étude a été jugée de bonne qualité par les services chargés d'instruire ce dossier sur l'aspect environnemental. Un avis favorable de la direction régionale de l'environnement Rhône-Alpes a été donné, sous réserve de la justification de la compatibilité de cet aménagement avec l'inventaire scientifique en cours sur la directive « Habitats ».
Plus généralement, je voudrais souligner la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : la multiplication des lignes électriques à très haute tension est de plus en plus souvent l'objet de critiques virulentes de la part des citoyens et des élus, qui rejettent de nombreux projets.
Il me paraît nécessaire de rappeler que cette multiplication des lignes électriques à très haute tension est assez largement la conséquence des choix énergétiques faits par la France, et constamment réaffirmés, depuis une trentaine d'années.
Le choix de modalités très centralisées de production d'électricité génère presque automatiquement la construction de ces lignes. Tel ne serait sans doute pas le cas avec des installations plus petites, disséminées dans les bassins de vie, solution que, pour ma part, j'appelle de mes voeux.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame le ministre, je note, bien sûr, votre volonté de préserver l'environnement et la qualité de vie. Permettez-moi simplement de constater que cette volonté reste dans le discours et ne se traduit pas dans les faits, en particulier pour le projet considéré.
Même si des mesures compensatrices ont été proposées, c'est vrai, elles sont sans commune mesure avec le préjudice causé par cet équipement. Je regrette que des solutions mixtes, du type enfoui-aérien, n'aient pu être retenues et, surtout, que des solutions alternatives, auxquelles je vous sais attachée, comme la cogénération, n'aient pas été mises en place.
C'est la raison pour laquelle, madame le ministre, je resterai extrêmement vigilant sur ce projet.

MAINTIEN EN ACTIVITÉ
DU SITE DE PRODUCTION LAITIÈRE DE CARBON-BLANC

M. le président. M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la décision du groupe Nestlé de fermer son unité girondines de produits laitiers implantée sur la commune de Carbon-Blanc. Il lui rappelle que l'usine Chambourcy de Carbon-Blanc, implantée depuis 1971, emploie 223 salariés. Seul un repreneur dans le secteur laitier serait à même de maintenir l'activité et les emplois sur place.
En conséquence, il lui demande bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre d'urgence afin de sauvegarder le site de Carbon-Blanc et ses emplois. (N° 39.)
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est essentiellement en tant que maire d'une commune gravement atteinte par la décision du groupe Nestlé-France de fermer son unité de production de produits laitiers frais Chambourcy que je vous interpelle ce matin, monsieur le ministre, à la tribune du Sénat.
Déjà particulièrement touché par le chômage, le département de la Gironde se trouve une nouvelle fois à la merci d'un groupe multinational guidé uniquement, me semble-t-il, par la recherche de profits financiers toujours plus importants.
On peut en effet s'étonner d'une telle décision, au moment où, d'une part, le géant suisse Nestlé réalise d'immenses profits - les bénéfices de 1996 ont augmenté de 20 %, soit un gain supplémentaire de 8 milliards de francs français - et où, d'autre part, l'usine Chambourcy de Carbon-Blanc dispose d'un personnel compétent et de structures modernisées et adaptées, notamment, aux normes ISO 9000-2. Il faut savoir que l'établissement de Carbon-Blanc réalise la meilleure productivité des usines Nestlé-France.
C'est d'ailleurs cette même logique de l'ultralibéralisme faisant peu de cas des situations humaines qui a conduit, il y a deux ans, à la fermeture brutale de l'usine d'eau de source de Verdelais par le même groupe Nestlé-Perrier.
C'est également au nom de l'amélioration de la compétitivité que Nestlé ferme une usine de lait en poudre Gloria, en Normandie, et supprime huit cents emplois sur le site de la source Perrier à Vergèze, dans le Gard.
Certes, on peut comprendre la nécessité de mesures de rationalisation. Encore faut-il que celles-ci soient pleinement justifiées. Permettez-moi d'en douter, en l'occurrence, monsieur le ministre, puisque l'on constate que, en réalité, le déficit annoncé de Chambourcy résulte bien plus de redevances versées à Nestlé - 93 millions de francs de redevance pour un résultat négatif de 55 millions de francs - que d'autres causes, qu'il s'agisse de la forte concurrence et du poids des exigences des partenaires de la distribution.
En outre, une telle décision de fermeture remettra en cause la collecte de cent vingt-huit producteurs girondins, plus particulièrement de petits producteurs qui risquent de voir leur lait non collecté du fait du faible volume qu'ils représentent. Chambourcy collecte, par ailleurs, annuellement, 25 millions à 27 millions de litres de lait de vache en Gironde et dans les départements proches de Charente, Charente-Maritime et de Lot-et-Garonne.
Monsieur le ministre, vous comprendrez aisément que le maire de Carbon-Blanc ne puisse se résoudre à accepter cette décision de fermeture. Il en va directement de l'avenir de 223 salariés, de 500 familles au total si l'on y ajoute les emplois indirects.
L'objectif est de trouver une solution industrielle, afin de maintenir l'activité de cette unité de production et ses emplois. Je vous demande, monsieur le ministre - mais je sais que vous avez déjà agi - votre appui le plus absolu pour contraindre le groupe Nestlé à élaborer une solution industrielle de nature à rassurer des familles légitimement inquiètes.
Le site de Carbon-Blanc doit être sauvegardé et les emplois doivent être maintenus sur place.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je mesure toute l'importance que l'usine Nestlé de Carbon-Blanc représente dans l'économie locale. Vous m'aviez d'ailleurs alerté en temps utile en évoquant le difficile problème qui se posait.
Cette unité est en effet spécialisée dans la fabrication de produits laitiers ultra-frais, c'est-à-dire de yaourts et de desserts lactés. Sur ce site, plus de 300 personnes travaillent, ce qui représente l'effectif de l'usine et l'ensemble des emplois qui en dépendent.
Nous constatons que le marché des produits laitiers, qui a été en forte croissance dans les années quatre-vingt, connaît depuis quelques années une situation de quasi-stagnation très pénalisante.
En effet, entre 1989 et 1996, on est passé d'une progression de 7,5 % à 2,4 %.
Si les prix de vente aux consommateurs ont progressé de 3,8 % par rapport à 1995, les prix de vente des industriels à la distribution ont reculé en 1996 de 0,3 %. Cette évolution moyenne se combine en réalité avec une légère remontée des prix industriels pour les yaourts et une nouvelle baisse pour les desserts de 2,3 %.
Nous constatons enfin que des produits « premiers prix » ont également érodé la marge des entreprises, qui sont ainsi conduites à chercher des économies d'échelle pour augmenter leur productivité. Je me devais d'apporter cette précision d'ordre macro-économique.
Dans cette situation, l'usine de Carbon-Blanc subit deux handicaps : une faible taille par rapport aux usines des deux principaux concurrents ainsi qu'un relatif éloignement des régions de production.
Cette situation défavorable au plan de la collecte du lait constitue un handicap qu'il est difficile de réduire. C'est pourquoi la recherche d'un opérateur du même secteur paraît particulièrement difficile, d'autant qu'on observe que la plupart des industriels laitiers ont fait des choix qui les ont portés à s'installer plus près des aires de production. Or ces nouvelles implantations ont augmenté leurs performances industrielles et leur productivité.
Monsieur le sénateur, face à cette situation, nous aurons à travailler ensemble. Pour ma part, j'ai l'intention de demander aux dirigeants concernés du groupe Nestlé de mettre en oeuvre les mesures les plus adaptées pour assurer une reconversion industrielle des activités de cette usine en vue de préserver l'emploi, en s'inspirant de ce qui a été fait par un autre grand groupe agroalimentaire pour ses unités situées dans l'est de la France.
Cela signifie que je souhaite une forte implication de Nestlé dans la réaffectation de l'usine de Carbon-Blanc. Cette usine possède, vous l'avez souligné, toutes les installations propres à développer une nouvelle activité de transformation dans le secteur agroalimentaire. Ces atouts, qui sont indéniables, peuvent et doivent être valorisés pour assurer l'avenir des personnels de Carbon-Blanc.
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, car vos services ne sont pas restés inertes, bien au contraire. Naturellement, je vous demande qu'ils continuent vigoureusement à conforter l'action des salariés, des syndicats et des élus.
Je sais que M. le préfet de la Gironde, en votre nom, fait tout son possible. Je sais aussi que la direction générale de l'alimentation, notamment le service des politiques industrielles agroalimentaires, nous apporte tout son appui dans un projet de reprise.
Je pense que cette usine a des atouts formidables. Certes, on parle d'éloignement. Mais quant elle s'est implantée, on savait très bien qu'elle était située dans le nord de la Gironde et qu'il y avait les départements limitrophes que j'ai cités tout à l'heure. L'éloignement n'est pas plus un problème aujourd'hui qu'il y a vingt ans.
En fait, cette décision reflète la volonté déterminée du groupe Nestlé d'écraser les hommes, et c'est contre cette logique qu'il faut se battre.

PRINCIPE D'ÉGALITÉ D'ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS

M. le président. M. Ivan Renar rappelle à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que de très nombreuses communes appliquent, dans le cadre de leur politique municipale, des tarifs différenciés selon le quotient familial pour certaines activités comme les activités culturelles ou sportives.
Or, une jurisprudence du Conseil d'Etat interdit cette pratique selon lui discriminatoire en matière d'égalité d'accès aux services publics.
Cette conception très formelle de l'égalité ignore cependant la réalité d'une situation sociale qui prive pour des raisons financières de très nombreuses personnes, en premier lieu les enfants, de l'accès à la culture ou au sport. L'application du quotient familial est dans l'esprit des municipalités un moyen de dépasser des obstacles sociaux.
Dans une réponse à une question écrite déjà posée à ce sujet en juillet 1996, le ministre de la culture alors en exercice annonçait « qu'en concertation avec le ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation il a été décidé d'entreprendre une réflexion de fond sur ce sujet, qui pourrait donner lieu au dépôt d'un projet de loi ».
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de l'état de la réflexion du Gouvernement à ce sujet et des décisions qu'il entend mettre en oeuvre. (N° 13.)
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les inégalités et les difficultés financières et sociales sont les principaux obstacles à l'accès pour tous à l'art et aux pratiques culturelles.
Pour faire face à ce phénomène, de très nombreuses communes ont voulu établir des tarifs différenciés en fonction des revenus familiaux pour l'accès à certains de leurs équipements culturels : écoles de musique, de danse, de théâtre et d'art dramatique.
Ces dispositions, quand elles ont été prises, ont chaque fois été annulées par l'autorité administrative, la jurisprudence du Conseil d'Etat estimant que, dans ce domaine, une modulation des tarifs engendrerait une discrimination préjudiciable au principe d'égalité d'accès aux services publics.
Selon le Conseil d'Etat, seuls les services publics à caractère social - crèches, cantines scolaires - peuvent faire l'objet d'une différence tarifaire. La culture est exclue de ce champ social, d'autant que, je cite toujours le Conseil d'Etat, elle ne présente pas de caractère d'intérêt général qui pourrait justifier une telle différenciation.
Cette conception très formelle du principe d'égalité a le défaut d'ignorer totalement une réalité sociale indéniable et relève d'une vision quelque peu étroite de la culture.
La réalité sociale, ou plutôt la réalité tout court, c'est que des milliers d'enfants sont aujourd'hui privés du droit à la pratique culturelle en raison de la faiblesse des revenus de leurs parents. Le livre, le disque, la sortie au cinéma sont en effet les premiers sacrifiés dans les budgets familiaux lorsque les difficultés arrivent, ces « terrifiants pépins de la réalité », pour reprendre l'expression de Jacques Prévert.
Quelle place reste-t-il pour le conservatoire, la danse, le théâtre ? Le principe d'égalité est-il là respecté ? La culture serait-elle donc réservée à quelques privilégiés ou doit-elle être, au contraire, un droit pour tous ?
Pour ma part, je suis de ceux qui considèrent que l'activité artistique n'est pas une « décoration que l'on porte à la boutonnière », ou encore « un luxe inutile dont on peut sans risque se passer aux premières difficultés ». Comme le disait le peintre Edgar Degas voilà un siècle déjà, « la culture n'est pas un luxe, c'est un objet de première nécessité ».
Un siècle plus tard, reconnaître le rôle irremplaçable de la culture et de l'art dans la société reste encore un combat. L'utilité sociale, la fonction sociale de l'art et des artistes, voilà ce qui cogne à la vitre de notre pays. La culture est aussi nécessaire à l'homme que le pain, la santé ou l'air que l'on respire ; c'est particulièrement vrai par ces temps de barbarie ordinaire.
Tout justifie donc aujourd'hui une modification législative qui autoriserait les communes à pratiquer une différenciation des tarifs en fonction des revenus familiaux pour l'accès aux écoles de musique, de danse et de théâtre.
Votre prédécesseur - à la suite d'ailleurs de l'ancien ministre de la culture - avait annoncé il y a un an, en réponse à l'une de mes interventions, qu'une réflexion de fond serait entreprise sur ce sujet, pouvant donner lieu au dépôt d'un projet de loi.
Les élus locaux, les familles et les élèves concernés sont nombreux à attendre maintenant la concrétisation de ces annonces. Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, la question des modalités de la tarification de certaines activités municipales, notamment culturelles, mérite en effet d'être posée.
Comme vous l'avez souligné, le Conseil d'Etat, selon une jurisprudence constante, considère que la discrimination tarifaire entre usagers d'un même service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence d'une loi, qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables ou que cette mesure soit justifiée par une nécessité d'intérêt général en rapport avec l'objet ou les conditions d'exploitation du service.
On pourrait néanmoins soutenir, - et je rejoins là votre propos - que, dès lors que la jurisprudence du Conseil d'Etat est fondée sur « l'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service », que l'élévation du niveau d'éducation de la population génère une demande de plus en plus forte d'accès à la culture, dont ne sauraient être exclus, du fait du montant des participations financières à leur charge, les foyers les plus modestes.
Le Conseil d'Etat fait valoir que les différences de revenus entre les familles des élèves ne sont pas constitutives, en ce qui concerne l'accès au service public, de différences de situation justifiant des exceptions au principe d'égalité qui régit cet accès et qu'il n'existe aucune nécessité d'intérêt général justifiant, pour la fixation de droits d'inscription, une discrimination fondée sur les seules différences de ressources entre les usagers.
Dès lors, seule la loi peut venir à votre secours et je vous indique, en l'espèce, qu'est à l'étude une disposition législative permettant aux collectivités locales de prendre en compte les revenus des familles dans leur politique de tarification. La direction générale des collectivités locales y travaille actuellement avec le ministère de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole et à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de son caractère positif sur le fond.
Je suis bien d'accord, on ne peut contester ni passer outre la jurisprudence du Conseil d'Etat, et il est donc nécessaire d'en passer par la loi.
Le gouvernement précédent, ainsi que je l'ai dit, semblait s'orienter vers un projet de loi ; il semble qu'il en soit toujours ainsi.
Des propositions de loi allant en ce sens ont été déposées par les différents groupes politiques des deux assemblées.
Une majorité se dessinerait facilement en faveur d'une telle modification législative qui pourrait intervenir rapidement.
Plus au fond, pour creuser encore cette question qui est un vrai débat, je le conçois, l'égalité d'accès est un principe des services publics. Il est évidemment hors de question de le remettre en cause. Mais, justement, l'égalité, pour être respectée, exige parfois que des différenciations soient faites entre les usagers. La véritable égalité suppose parfois des mesures inégalitaires.
Il ne s'agit pas de léser les uns pour favoriser les autres, il s'agit d'aider les uns pour garantir à tous l'accès et l'usage des services publics, en particulier dans le domaine de l'éducation artistique et culturelle.
La notion d'intérêt général mise en avant par le Conseil d'Etat pour justifier un refus des différences tarifaires est étroite.
L'intérêt général serait-il connu et valable ad vitam aeternam ? Je ne le pense pas. C'est une notion vivante qui évolue au même rythme que la société, que les besoins humains. Il est urgent de sortir de cette interprétation du Conseil d'Etat, qui range la culture au rayon des accessoires.

MISE EN PLACE D'UNE COUR D'APPEL À NICE

M. le président. M. José Balarello attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'importance que revêt la mise en place d'une cour d'appel à Nice.
En effet, le délai de traitement d'un dossier devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dont relèvent pour l'appel les juridictions de Nice et de Grasse, est de 19,8 mois alors que la durée moyenne de traitement d'un dossier devant une cour d'appel est de 13,1 mois.
Ainsi, à titre d'exemple, en matière sociale où les conflits doivent être réglés au plus vite, un salarié licencié doit attendre pendant quatre ou cinq ans après le premier jugement du conseil des prud'hommes ; dans le domaine des travaux publics, la durée des traitements est tellement longue qu'elle entraîne souvent la disparition des entreprises avant que le jugement soit rendu.
Cette situation anormale résulte en grande partie du fait que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la deuxième de France, est assise sur un ressort territorial tellement vaste que la population qui en dépend représente le double de la moyenne nationale : 3 700 000 au lieu de 1 850 000, et ce alors que la plupart des débats sur la justice en France sont centrés sur la nécessité d'un rapprochement de celle-ci avec le citoyen. Plus concrètement, il faut faire 360 kilomètres aller-retour pour aller plaider en appel ! Situation d'autant plus impensable lorsqu'on sait que 40 % des dossiers examinés par la cour d'appel d'Aix-en-Porvence proviennent du seul département des Alpes-Maritimes et que Nice est la seule grande ville de France à ne pas avoir de cour d'appel soit en son sein, soit à proximité.
Cette proposition de création est d'ailleurs contenue dans le rapport Carrez de février 1994 consacré à la réorganisation judiciaire, qui suggère de scinder la cour d'appel d'Aix-en-Provence en deux, avec création d'une cour à Nice.
Aussi, il lui demande s'il ne lui semble pas qu'il y a là, à la lumière de sa réflexion, une anomalie à lever pour favoriser une justice plus rapide, humainement plus proche et enfin moins coûteuse. (N° 22.)
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Madame le garde des sceaux, le rapport Carrez, publié en 1994, que vous connaissez bien, préconise la création d'une cour d'appel à Nice.
Le 8 octobre 1997, c'est-à-dire voilà quelques jours, M. le premier président de la Cour de cassation, M. Truche, entendu par la commission des lois du Sénat, a précisé que la carte judiciaire est obsolète et qu'il faut la faire coïncider avec la carte économique.
Or, comme vous le savez, le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, deuxième cour de France, est tellement vaste que la population qui en dépend est le double de la moyenne nationale des autres cours d'appel et atteint 3 700 000 habitants au lieu de 1 850 000.
Parallèlement, le délai moyen de traitement d'un dossier y est de 19,8 mois au lieu de 13,1 mois devant les autres cours.
En matière sociale, pour laquelle les litiges de droit du travail doivent être réglés rapidement, le délai d'attente d'un salarié est souvent de quatre années avant de voir son affaire jugée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
D'ailleurs, madame le garde des sceaux, sans viser une cour en particulier, vous avez vous-même déclaré fort justement le 21 septembre 1997 sur TF 1, lors d'un débat, qu'il s'agissait d'une situation intolérable.
De surcroît, Nice est la seule grande ville de France qui ne soit pas dotée d'une cour d'appel ou qui n'en ait pas une à proximité.
Dois-je vous rappeler qu'il faut parcourir 360 kilomètres aller-retour pour aller plaider devant la cour d'appel alors que 40 % des dossiers proviennent des Alpes-Maritimes ?
Or si, en 1860, Nice s'est vue privée de sa cour d'appel pour être rattachée à Aix-en-Provence, il est bien évident que les motivations de l'époque n'existent plus depuis fort longtemps.
C'est la raison pour laquelle, madame le ministre, je vous demande avec beaucoup d'insistance de faire aboutir ce que vos prédécesseurs se sont engagés à réaliser.
Voilà dix ans, en effet, que j'interviens régulièrement à la tribune du Sénat pour réclamer la création d'une cour d'appel à Nice, et cela fait dix ans que l'on me répond que le dossier fait l'objet d'une étude approfondie.
Le 26 novembre 1986, M. Albin Chalandon, garde des sceaux de l'époque, me répondait qu'il était préférable d'installer à Nice des chambres détachées de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais qu'il attendait pour ce faire de pouvoir disposer d'un effectif de magistrats suffisant.
Le 7 décembre 1994, toujours à l'occasion des discussions budgétaires, M. Méhaignerie me répondait qu'il étudiait l'implantation de chambres détachées de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Le 27 novembre 1995, M. Jacques Toubon me répondait qu'il fallait réaliser une étude approfondie. Je crois qu'il est enfin temps de prendre une décision, madame le garde des sceaux, car les citoyens ne peuvent plus attendre. Je viens de lire dans la presse locale du 9 octobre...
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. José Balarello. ... qu'un justiciable de Grasse a assigné l'Etat en paiement de 2 millions de francs de dommages et intérêts au motif que le délai d'attente à la cour d'appel d'Aix-en-Provence en matière prud'homale constituait un déni de justice et une faute lourde de l'Etat.
Les avocats de Grasse viennent d'entamer une grève et ont défilé dans les rues en protestant contre les délais de procédure anormalement longs tant devant leur tribunal que devant la cour d'appel.
Compte tenu de tous ces éléments, qui vont d'ailleurs en s'aggravant, je vous demande, madame le garde des sceaux, si vous êtes d'accord pour décider la création à Nice ou dans les Alpes-Maritimes soit d'une cour d'appel de plein exercice, soit de deux chambres détachées de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'une ayant compétence en matière sociale, l'autre en matière pénale ou civile, droit de la famille par exemple.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous venez de rappeler votre action déjà ancienne en faveur de la création d'une cour d'appel à Nice et les réponses qui vous avaient été apportées par mes prédécesseurs.
A la suite de la question que vous avez posée sur ce thème à M. Jacques Toubon, celui-ci a demandé qu'une inspection générale des services judiciaires soit commanditée sur cet important sujet. L'inspection générale des services judiciaires a étudié de façon très approfondie, et en recueillant tous les avis autorisés, cette question.
Sur la base de ce rapport, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, avait déjà fait savoir qu'il n'envisageait pas la création d'une cour d'appel à Nice, décision qui aurait pour conséquence de scinder la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Je n'estime pas opportun de remettre en cause la décision de M. Toubon.
Le rapport de l'inspection générale soulignait en effet qu'un tel projet présentait peu d'avantages par rapport au coût très important d'une telle opération, qui consisterait essentiellement en un redéploiement d'effectifs et de moyens. J'ajoute que de très lourds investissements viennent d'être consentis pour doter la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'un pôle judiciaire moderne, et je vous sais trop soucieux des deniers publics pour que vous ne preniez pas cet élément en considération.
Enfin, j'insiste sur le fait que la cour d'appel d'Aix-en-Provence couvre la plus grande partie de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, et il me paraît essentiel que l'action publique soit menée de façon cohérente sur ce ressort. Il existe déjà trop de disparités entre le découpage administratif des cours d'appel et celui des régions administratives sans qu'il soit besoin d'en rajouter.
Cela dit, je sais les retards que connaît la cour d'appel d'Aix-en-Provence et qui figurent parmi les plus importants de France, s'agissant notamment de sa chambre sociale. En effet, les cours d'appel d'Aix-en-Provence et de Douai enregistrent des retards de l'ordre de trois à quatre ans dans les contentieux sociaux.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir de cette question avec les chefs de cour et il ne me semble pas opportun de perturber encore plus le fonctionnement de la juridiction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence par une coûteuse opération de transfert. Je préfère appuyer les efforts d'organisation du travail effectué par les magistrats et les fonctionnaires en leur attribuant des moyens nouveaux.
Telle est la raison pour laquelle j'ai décidé d'affecter à la cour d'appel d'Aix-en-Provence de nouveaux moyens en magistrats. Il me reste peu de postes de magistrats à affecter puisque la loi de finances pour 1997 ne prévoyait la création que de trente postes. Néanmoins, j'ai décidé, pour aider à la résorption de ces retards, de créer une nouvelle chambre à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, soit trois conseillers à la cour d'appel et trois assistants de justice.
Je prends l'engagement de poursuivre ces efforts pour améliorer encore la situation en 1998.
J'ai, d'autre part, demandé aux magistrats de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'étudier la possibilité, grâce à ces nouveaux moyens que je mets à leur disposition, de réaliser des audiences à Nice pour éviter aux justiciables d'avoir à se déplacer dans certains cas.
Dans la mesure où je ne gère pas le fonctionnement interne des juridictions, je ne peux pas prendre cette décision à leur place. Toutefois, compte tenu des nouveaux moyens qui seront accordés, une telle disposition mériterait d'être encouragée ; en tout cas, je m'y emploierai.
M. José Balarello. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Madame le garde des sceaux, je regrette, bien évidemment, que l'on ne s'engage pas vers la création d'une cour d'appel à Nice.
Je rappellerai encore que Nice est la seule grande ville de France dépourvue de cour d'appel, que ce soit sur son territoire ou à proximité immédiate. Cette situation dure depuis 1860, alors même qu'avant son rattachement à la France, Nice comprenait un Sénat qui faisait fonction de cour d'appel.
J'ai pris bonne note de votre volonté de créer une chambre supplémentaire - sans doute une chambre sociale, qui pourrait tenir des audiences à Nice. Je veux y voir les prémices de la création de deux chambres détachées de la cour d'appel.
Je compte sur vous, madame le garde des sceaux, pour suivre ce dossier. Peut-être pourriez-vous demander de façon pressante au premier président et au procureur général de la cour d'Aix-en-Provence de prévoir des audiences régulières à Nice ou dans les Alpes-Maritimes, où je suis sûre que les collectivités locales mettront à leur disposition les locaux nécessaires.

RÉFORME DU DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

M. le président. Aujourd'hui, les impératifs de l'ouverture internationale et la nécessité pour nos entreprises d'évoluer dans un cadre juridique compétitif appellent une remise en cause du modèle français, afin de laisser plus de place à la liberté contractuelle, à l'exemple de plusieurs de nos partenaires européens.
La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a plus de trente ans. Elle privilégie une approche institutionnelle dans laquelle la société est porteuse d'un intérêt social distinct de celui des associés. Elle comporte de ce fait une forte proportion de règles d'ordre public sanctionnée par un arsenal répressif très développé. Le dispositif qui en résulte est certes garant de la sécurité juridique, mais souvent inadapté et rigide, par défaut d'actualisation.
Dans quelques mois, notre pays entrera dans une nouvelle phase de l'Union européenne, marquée par la création prochaine de l'euro. Dans le passé, chaque étape importante de la législation sur les sociétés a correspondu à des changements internationaux majeurs. Si la loi de 1867 était de faire le libre-échange franco-anglais, celle de 1966 doit être mise en relation avec la création du Marché commun. Il faut à présent envisager d'assurer la compétitivité juridique de la France par rapport aux systèmes d'inspiration anglo-saxonne d'un côté et germanique de l'autre, dans le contexte de marchés financiers totalement interconnectés et d'une liberté de plus en plus large de localisation des activités économiques.
De nombreuses propositions de réforme ont vu le jour ces dernières années et témoignent d'une insatisfaction croissante. Ces propositions émanent aussi bien des professionnels, des pouvoirs publics, groupes de travail de la chancellerie, rapports de la Commission des opérations de bourse, du Conseil économique et social, des magistrats, notaires, avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes et parlementaires.
En conséquence, M. Philippe Marini demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, quel est le devenir de la réflexion initiée par son prédécesseur sur la modernisation du droit des sociétés. Il lui rappelle qu'un avant-projet de loi inspiré du rapport qu'il avait remis au Premier ministre, le 13 juillet 1996, résultant de sa mission parlementaire, a été établi. Il lui demande aussi de lui faire connaître le devenir de ce texte. (N° 24.)
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Madame le garde des sceaux, comme vous le savez, la loi en vigueur sur les sociétés commerciales date du 24 juillet 1966.
Or, en un peu plus de trente ans, l'évolution économique a été considérable, l'ouverture de nos frontières est devenue une réalité quotidienne pour beaucoup d'entreprises. Tout cela s'est traduit par des modifications successives mais ponctuelle de la législation, dans laquelle on a introduit bien des instruments nouveaux pour faire face aux besoins qui se présentaient.
Il est clair, toutefois, que les professionnels du droit comme les professionnels des milieux économiques, en France et à l'étranger, ont besoin de disposer d'un texte guide qui reflète une conception d'ensemble de l'évolution de la vie économique et de l'organisation des sociétés commerciales.
En vertu de cette analyse, beaucoup d'éléments ont été versés au dossier depuis dix ans, de nombreux groupes de travail se sont réunis et des propositions multiples ont été formulées. Ce processus avait été initié par la mise en place, dans les premiers mois de l'année 1986, d'un groupe de travail par votre prédécesseur M. Robert Badinter. Dans la décennie qui a suivi, je le répète, bien d'autres réflexions ont été engagées. J'ai eu moi-même le plaisir de m'associer à ce travail à la demande du Premier ministre M. Alain Juppé, en participant à l'élaboration d'un rapport sur la modernisation du droit des sociétés, rapport qui, après de longues consultations très pluralistes, a été remis au cours de l'été 1996.
Nous savons, madame le garde des sceaux, que les services de la Chancellerie ont préparé, à partir de ce rapport, un avant-projet de loi tendant à réformer le droit des sociétés commerciales. Cet avant-projet de loi a entamé son chemin législatif et il devait être soumis à l'examen du Conseil d'Etat quand se sont produits les événements politiques de ces derniers mois.
Bien entendu, il est souhaitable de ne pas décevoir l'attente des milieux concernés - entreprises individuelles, entreprises moyennes et grandes entreprises - l'attente des investisseurs, l'attente de ceux qui opèrent sur les marchés et ont besoin d'un contexte légal français leur apportant toute la transparence et la sécurité nécessaires.
Nous avons consulté, au cours de cette récente période, les professionnels du droit, les hommes de doctrine, les spécialistes du droit prétorien tel qu'il s'élabore dans nos tribunaux et dans nos cours, nous avons écouté les professions judiciaires, et, quelles que soient les options politiques des uns ou des autres, ils n'ont pu que confirmer le besoin de renouvellement qu'éprouvent nos entreprises pour pouvoir évoluer dans un cadre juridique plus compétitif.
Tel est l'objet de ma question, et je vous suis par avance reconnaissant, madame le garde des sceaux, des quelques informations et précisions que vous voudrez bien nous apporter.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le souligner, il est nécessaire de moderniser le droit des sociétés commerciales.
Celui-ci, contenu pour l'essentiel dans la loi du 24 juillet 1966, a été modifié à de nombreuses reprises ces dernières années afin, notamment, d'adapter le régime juridique des entreprises à leur environnement économique et au développement des techniques financières nouvelles. Ces modifications, cependant, ont été le plus souvent ponctuelles et n'ont pas été placées dans la perspective d'une réforme d'ensemble du droit des sociétés.
Un certain nombre de dispositions légales manquent d'homogénéité, de clarté, voire de cohérence. Le droit des sociétés, c'est vrai, a perdu de son unité et, bien souvent, n'offre plus aux entreprises la simplicité de solutions et la sécurité juridique qu'elles sont en droit d'attendre. Il doit donc être simplifié, rationalisé et débarrassé de certaines dispositions devenues obsolètes ou inutilement compliquées - je partage votre diagnostic en ce domaine.
Cette branche du droit a besoin d'être modernisée. Pour ce faire, il convient d'explorer des instruments juridiques nouveaux et de mettre ces instruments juridiques au service de l'efficacité et du dynamisme économique de nos entreprises.
Je pense aussi que les réponses doivent être adaptées et respectueuses de la nécessaire cohérence de notre droit pour assurer une plus grande sécurité juridique aux agents économiques.
De nombreux travaux ont été réalisés, et parmi ceux-ci je citerai le rapport de grande qualité que vous avez rédigé, monsieur le sénateur.
Le Gouvernement entend examiner ces différentes propositions de réforme avec la plus grande attention, et il déterminera les orientations qui devraient inspirer le projet de loi de modernisation du droit des sociétés dont le Parlement devrait être saisi, je l'espère, dans le courant de l'année prochaine.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini. M. Philippe Marini. Madame le ministre, j'observe que, s'agissant d'un sujet de fond, les préoccupations exprimées transcendent certains clivages.
Je voudrais, pour ma part, insister sur le caractère d'urgence de cette transformation. Voilà déjà de longues années que les milieux professionnels s'expriment très régulièrement sur ce sujet. Il faut à présent que l'Etat arbitre, jouant ainsi son rôle, parmi des intérêts qui ne sont pas toujours convergents par nature. Il doit préciser le cap qu'il entend donner à cette nouvelle législation destinée à améliorer techniquement le droit et à le simplifier. Il s'agit d'atteindre l'ensemble des objectifs que vous avez décrits et qui recoupent largement les travaux antérieurs. Mais, madame le garde des sceaux, il faut le faire sans retard, car c'est d'une urgente nécessité pour nos entreprises.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. En principe, madame le garde des sceaux, aux termes du règlement, dans une séance de questions orales, il n'est pas prévu qu'un ministre s'exprime une seconde fois sur une question. Toutefois, le Gouvernement pouvant prendre la parole quand il la demande, j'accède à votre demande, ce qui n'ouvrira pas de droit de réponse pour M. Marini.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je souhaitais préciser que, dans la mesure où il s'agit d'une réforme importante, le Gouvernement entend laisser le temps, nécessaire au débat avant de rendre des arbitrages entre les intérêts contradictoires. Il doit prendre le temps qui, je l'espère, sera le plus court possible, de déterminer quel peut être, de son point de vue, l'intérêt général.

INTÉGRATION DES CANDIDATS ADMIS
AU CAPES DE MATHÉMATIQUES

M. le président. Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le fait que le nombre de postes offerts au CAPES de mathématiques a subi une forte baisse, soit 1 154 en 1997 contre 2 000 en 1996.
Le jury du concours a jugé aptes à enseigner 1 154 candidats auxquels il a ajouté 230 personnes. Il a ainsi reconnu les compétences de 1 384 candidats.
Les capacités des 230 admis sur la liste complémentaire semblent remises en cause dans la mesure où le ministère ne semble pas prêt à les intégrer dans leur totalité.
Pour contribuer à une amélioration de l'enseignement dont le Gouvernement fait un de ses objectifs prioritaires, elle lui demande ce qu'il compte faire pour réintégrer la totalité des candidats admis sur la liste complémentaire. (N° 45.)
La parole est Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, le nombre de postes offerts au CAPES de mathématiques a subi une forte baisse entre 1996 et 1997, puisqu'il est passé de 2 000 à 1 154, ce que nous déplorons.
A l'heure actuelle, il existe des réserves de personnes compétentes puisque 133 candidats au CAPES externe de mathématiques de la session 1997 admis sur la liste complémentaire n'ont pas reçu d'affectation comme professeurs stagiaires.
Comme vous le savez, ces personnes se sont regroupées en collectif, vous ont demandé audience et se battent pour obtenir cette affectation.
Je pense que cela doit vous intéresser dans la mesure où - tout le monde l'a constaté avec satisfaction - le Gouvernement veut engager une politique dynamique pour l'emploi des jeunes et où, pour ce qui est de votre ministère, vous entendez concilier créations d'emplois et amélioration des conditions de scolarité.
De façon plus particulière, vous avez à plusieurs reprises affirmé - nous nous en félicitons - que l'éducation nationale avait besoin d'emplois qualifiés. Or, concernant le recrutement des professeurs de mathématiques que nous jugeons nécessaire, il semble que le ministère ne soit pas disposé à recruter toutes les personnes admises sur liste complémentaire, ce qui pourtant serait aisé. Cette situation est d'autant moins compréhensible que les personnes concernées ont été jugées aptes à enseigner. Quelle subtilité ! elles sont jugées aptes à enseigner, mais elles n'ont pas de poste.
Je reconnais que quelques pas ont été faits puisque l'on est passé de 230 personnes concernées à 133, quoique cette évolution ne corresponde en fait qu'à la prise en compte des désistements sur la liste principale déjà admise par le précédent gouvernement.
Il ne faudrait pas que, les semaines passant, les problèmes qui existent pour l'enseignement des mathématiques soient résolus par l'embauche de contractuels alors que des personnes déjà inscrites sur liste complémentaire peuvent tout à fait être intégrées.
J'ajoute que, pour l'année 1997, 103 postes n'ont pas été pourvus par le biais du concours interne. Or, vous le savez, les postes qui ne sont pas pourvus à l'un ou l'autre des concours, interne ou externe, peuvent être, dans la limite de 20 % des emplois à pourvoir, reportés sur l'autre concours. Il est donc tout à fait possible de reporter sur le concours externe les postes non pourvus par le concours interne.
Dans un souci de dialogue avec le monde enseignant, souci que vous partagez, monsieur le ministre, je vous demande quelles mesures vous comptez prendre pour intégrer la totalité des candidats admis sur la liste complémentaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame le sénateur, je tiens, dans un premier temps, à préciser que l'inscription sur une liste complémentaire ne vaut pas admission, même si l'ouverture d'une telle liste est de règle dans les concours de la fonction publique. A considérer comme admis les candidats inscrits sur une liste complémentaire, on finirait par admettre tous les candidats ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'emploi d'une expression comme « reçu-collé » ne correspond pas à la réalité.
Cela dit, nous avons décidé, comme vous le savez, de clarifier le système des remplacements et d'arrêter de nommer des maîtres auxiliaires. Nous appliquons cette décision avec beaucoup de difficultés, car des habitudes ont été prises.
Bien entendu, il existe des disciplines où l'on constate un manque d'enseignants. Mais il se trouve que, actuellement, les mathématiques n'en font pas partie ; pour l'essentiel, il s'agit de la technologie, de l'espagnol et des sciences naturelles. Or, vous en conviendrez, il est difficile de reconvertir des mathématiciens en professeurs d'espagnol.
Dans ces conditions, on peut considérer qu'il n'y a pas, aujourd'hui, un besoin particulièrement important de professeurs de mathématiques.
En vérité, le problème que vous soulevez tient à ce que mon précécesseur - je suis désolé de le mettre ainsi en cause - a brutalement décidé d'adapter les listes d'admission aux concours à une gestion prévisionnelle de l'emploi.
En trois ans, il aurait pu le faire progressivement, mais il l'a fait brutalement. Par conséquent, le nombre de postes ouverts au CAPES de mathématiques a brutalement chuté et beaucoup de candidats en ont été fort déçus.
Nous devons traiter ce problème en prenant en compte à la fois son aspect humain mais aussi la nécessité d'une gestion rigoureuse de l'éducation nationale, en fonction des besoins.
J'ai donc décidé de repousser la date limite afin d'être en mesure de satisfaire des besoins qui pourraient se faire jour, ce qui n'est pas exclu. En particulier pour renforcer l'aide particulière apportée en mathématiques dans les ZEP, des élèves stagiaires d'IUFM pourraient être affectés à de véritables postes. Mais il ne faut pas penser que cela sera fait de manière systématique ; sinon, il n'y aurait plus de gestion possible des concours.
Le Gouvernement est très soucieux, dans cette affaire comme dans d'autres, d'observer une rigueur de gestion qui n'a pas été appliquée dans l'éducation nationale pendant un certain nombre d'années et, en même temps, de tenir compte du problème des étudiants qui ont préparé un concours et à qui l'on a annoncé, en milieu d'année, que le nombre de postes avait brutalement chuté, d'où un désappointement bien compréhensible.
Je vous assure, madame le sénateur, que ce problème sera traité au plus près des intérêts des élèves, mais sans négliger ceux des mathématiciens, qui ont été déçus par une telle gestion.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je ne veux pas ouvrir un débat avec vous sur les besoins en professeurs de mathématiques. Pour ma part, je crois que ces besoins sont réels.
Pour traiter ce problème comme vous semblez vouloir le faire, il convient de s'inscrire en faux contre la volonté, affirmée ces dernières années, de réduire le nombre d'admis aux concours, alors que les besoins existent.
Je suis persuadée que l'effort que vous dites souhaiter consentir sera bien reçu par les intéressés.

LIAISONS ROUTIÈRES EN DORDOGNE

M. le président. M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la catastrophe de Port-Sainte-Foy et sur l'aménagement de la liaison routière et ferroviaire Libourne-Bergerac. (N° 28.)
La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'aménagement de la liaison routière Libourne-Bergerac, voire Libourne-Lalinde.
Il s'agit, bien sûr, de tirer les leçons de la récente catastrophe de Port-Sainte-Foy : le 8 septembre dernier, la collision entre un camion-citerne et un train au passage à niveau situé dans cette commune a provoqué la mort de treize personnes et d'horribles blessures à une quarantaine d'autres.
On prévoit, d'ores et déjà, de nouveaux dispositifs de présignalisation du passage et l'on en envisage la suppression rapide.
Ces mesures sont indispensables, mais très largement insuffisantes. Le problème est en fait plus vaste et plus grave.
La catastrophe de Port-Sainte-Foy est le révélateur dramatique de l'inadaptation profonde d'une liaison routière, qui se trouve de ce fait terriblement dangereuse.
La route Libourne-Lalinde, de deux fois une voie, est en permanence saturée. Le trafic y est de 12 000 à 18 000 véhicules par jour, dont 15 % de poids lourds.
En outre, l'économie locale se trouve asphyxiée par une desserte routière qui nécessite en moyenne une heure pour effectuer un trajet de 60 kilomètres, la distance entre Bergerac et Libourne.
Mais là n'est pas le plus grave !
De telles conditions de circulation posent des problèmes de sécurité tout au long du parcours qui comprend de multiples traversées de bourgs. Voilà un an et demi, c'est un camion transportant du butane qui a explosé à Saint-Antoine-de-Breuilh.
Les accidents sur cette route sont très fréquents et bien souvent tragiques. Et ils continueront tant qu'une solution globale n'aura pas été mise en oeuvre.
Les conseils généraux de la Gironde et de la Dordogne proposent donc quelques aménagements, à savoir une déviation de Sainte-Foy-la-Grande et une déviation de Castillon par l'ouest.
Outre la difficulté du tracé de cette dernière en raison de la présence des vignobles de Saint-Emilion et de Castillon, ces projets n'apportent aucune solution pour la partie la plus saturée de la vallée, où le trafic, qui était de 16 500 véhicules par jour en 1995, devrait atteindre 25 200 véhicules par jour en 2015.
Une étude récente du centre d'études techniques de l'équipement, le CETE, d'Aquitaine apporte des éléments intéressants sur l'axe Libourne-Montcaret.
Elle confirme les prévisions inquiétantes de circulation concernant l'actuelle route de la vallée de la Dordogne.
Elle précise clairement que cette route, même avec la déviation de Sainte-Foy, est incompatible avec cette évolution du trafic.
Elle montre que le contournement des appellations d'origine contrôlée par le sud, en longeant la Dordogne, peut se faire à des coûts d'aménagement qui ne sont pas prohibitifs.
Elle prévoit un trafic sur cette liaison de 9 000 à 11 000 véhicules par jour, qui s'apparente au trafic annoncé pour l'A 89.
Après la catastrophe de Port-Sainte-Foy et compte tenu de toutes ces indications, pouvons-nous, monsieur le ministre, nous contenter d'une solution partielle ou incertaine, ou bien allons-nous décider d'appréhender l'ensemble du dossier ?
Allez-vous, sur la base de l'étude du CETE, terminée en juillet dernier, engager une réelle réflexion pour la mise en oeuvre d'une solution globale, c'est-à-dire d'une liaison à deux fois deux voies sur la totalité du trajet Libourne-Bergerac, remplaçant la bretelle autoroutière Bergerac-Mussidan prévue par l'Etat en 1991 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner les retards qui ont été pris dans les aménagements nécessaires, notamment en ce qui concerne la sécurité. Pour ne citer que les passages à niveau, il en reste 17 500 en France, dont 1 000 où des accidents sont intervenus. A raison de 15 millions de francs en moyenne par passage à niveau, le coût de leur suppression représente 200 milliards de francs, dont 15 milliards de francs pour les 1 000 plus dangereux. Vous voyez qu'il reste beaucoup à faire !
L'accident de Port-Sainte-Foy a tragiquement rappelé les problèmes de sécurité liés au croisement entre les trafics ferroviaire et routier. Cela étant, des efforts ont déjà été consentis par la SNCF, les collectivités territoriales et l'Etat. Ainsi, le nombre de collisions aux passages à niveau a baissé d'un tiers environ en dix ans. Il faut poursuivre cette action avec détermination, car la situation n'est pas encore satisfaisante.
Indépendamment de l'enquête judiciaire diligentée par le procureur de la République, enquête qui établira les responsabilités des protagonistes de l'accident de Port-Sainte-Foy, j'ai désigné une commission d'enquête technique et administrative afin d'en analyser les circonstances et les éventuelles causes techniques.
Lorsque ses conclusions me seront remises, il appartiendra à la SNCF, aux collectivités locales et à l'Etat de réfléchir à l'élaboration d'un programme de résorption des passages à niveau à risque.
S'agissant de la ligne ferroviaire Bordeaux-Libourne-Bergerac-Sarlat, le service voyageurs est assuré, comme vous le savez, dans le cadre de l'organisation des transports régionaux et sa consistance est, par conséquent, définie en partenariat avec le conseil régional d'Aquitaine, qui a prévu d'acquérir douze exemplaires du nouvel automoteur XR 72500. Ils seront mis en service entre Bordeaux et Sarlat d'ici à l'hiver 1998-1999.
Il existe en outre un projet de modernisation de l'infrastructure de cette ligne destiné à augmenter la capacité de circulation des trains. Le cahier des charges de ce projet, inscrit à l'actuel contrat de plan Etat-région, est en cours de mise au point.
Par ailleurs, les départements de la Gironde et de la Dordogne ont la volonté commune d'améliorer les caractéristiques de la route départementale 936 entre Libourne et Bergerac, qui connaît un trafic très important. Il est prévu de réaliser une déviation à Sainte-Foy-la-Grande et une autre en Gironde, à Castillon-la-Bataille.
Cela devrait notamment permettre, dans un premier temps, de détourner la majorité de la circulation actuelle du passage à niveau de Port Sainte-Foy, même si, je vous le confirme, la suppression complète du passage à niveau, qui fait l'objet de négociations au niveau local, sera à terme la meilleure solution. L'enquête d'utilité publique sera lancée dans les prochaines semaines.
Enfin, pour ce qui est de la liaison routière Libourne-Bergerac, il est apparu que l'aménagement d'une antenne autoroutière entre Libourne et Castillon-la-Bataille était incompatible avec les contraintes d'environnement, notamment sur le plan hydraulique, dans la vallée de la Dordogne, et compte tenu de la présence de vignobles, en particulier ceux de Saint-Emilion.
J'ai indiqué récemment à une délégation d'élus de votre département, conduite par M. le président du conseil général, que je souhaitais une desserte de Bergerac à partir de l'autoroute 89. J'ai proposé la mise à l'étude d'une desserte routière Bergerac-Mussidan avec un accès à l'A 89 à hauteur de Lèches. Les procédures d'utilité publique acquises concernant l'A 89 ne seront pas modifiées, mais une procédure nouvelle sera lancée pour la desserte de Bergerac.
M. Gérard Fayolle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision de votre réponse. Cela étant, elle ne paraît pas permettre d'entrevoir une solution quant au désenclavement du sud de la Dordogne.
Comme les chiffres le montrent, le problème du trafic entre Bergerac, voire entre tout le sud du Périgord et Bordeaux ne sera certainement pas réglé par la route Bergerac-Mussidan telle que vous l'envisagez. La sortie de la Dordogne vers Bordeaux ne peut se faire que dans la vallée de la Dordogne. Or les solutions actuellement envisagées, qui ne prévoient que le contournement des deux villes, seront très partielles et très difficiles à réaliser, ne serait-ce qu'en raison de l'obstacle que constituent les vignobles d'appellation contrôlée.
De même, la route Bergerac-Mussidan suscitera de nombreuses protestations au nom de la défense de l'environnement.
Je pense que l'étude du CETE sur cette liaison autoroutière devrait être poursuivie, et que l'Etat devrait faire preuve d'une grande détermination. Ce serait le moyen de résoudre enfin ce problème de la route départementale 936, qui ne peut être réglé partiellement et sectoriellement.
J'insiste donc à nouveau, monsieur le ministre : il faut que l'étude soit poursuivie.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut faire ce que les ministres précédents n'ont pas pu faire par le passé !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

5

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
A. - Mercredi 15 octobre 1997, à dix heures et, éventuellement, à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Troisième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (n° 437, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mardi 14 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
B. - Jeudi 16 octobre 1997 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant réforme du service national (n° 30, 1997-1998).
A quinze heures :
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 26, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
C. - Mardi 21 octobre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (n° 281, 1996-1997).
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n°s 284 et 306, 1996-1997).
A seize heures quinze :
3° Proposition de loi de M. Daniel Hoeffel et plusieurs de ses collègues relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 410, 1996-1997).
4° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en Polynésie française (n° 261, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes.
D. - Mercredi 22 octobre 1997, à seize heures quinze :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'éducation nationale.
La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires culturelles ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 21 octobre.
E. - Jeudi 23 octobre 1997 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les seuls citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 21, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.
3° Projet de loi portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

5° Suite de l'ordre du jour du matin.
6° Question orale avec débat portant sur un sujet européen (n° QE 2) de M. Pierre Fauchon à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la constitution d'un espace judiciaire européen.
La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.
F. - Mardi 28 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
1° Quinze questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 6 rectifiée de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'intérieur (Conséquences de la régularisation de la situation des étrangers en situation irrégulière) ;
N° 15 de M. Jean-Pierre Fourcade à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Situation des caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements sanitaires déficitaires et financés par le système du prix de journée) ;
N° 23 de M. Gilbert Chabroux à M. le ministre de l'intérieur (Difficultés d'indemnisation rencontrées par certaines victimes d'attentat) ;
N° 27 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés des producteurs de fruits et légumes) ;
N° 30 de M. François Gerbaud à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Conséquences de la non-privatisation d'Air France) ;
N° 35 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Réglementation du droit de passage sur le domaine public routier) ;
N° 36 de M. Michel Doublet à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Difficultés d'accès aux fonds structurels européens) ;
N° 41 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Fiscalité des carburants et lutte contre la pollution) ;
N° 42 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Politique en faveur de l'emploi) ;
N° 50 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le Premier ministre, transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Situation des résidents de la cité des Courtillières à Pantin) ;
N° 54 de M. Bernard Barraux à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Aménagement des axes routiers de l'Allier) ;
N° 55 de M. Jacques de Menou à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Développement du réseau multimodal en Bretagne) ;
N° 58 de M. Gérard Delfau à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Situation critique des tribunaux de l'Hérault) ;
N° 59 de M. Xavier Dugoin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Protection des riverains de l'autoroute A6) ;
N° 71 de M. Jacques Valade à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Prise en charge de l'autisme).
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 28 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 27 octobre.
G. - Mercredi 29 octobre 1997, à seize heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
H. - Jeudi 30 octobre 1997, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.

6

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 1996 relatif aux conditions de mise en oeuvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et territoires d'outre-mer, établi en application du paragraphe III de l'article 120 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 portant loi de finances pour 1992.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

7

ADHÉSION DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE ET DE LA RÉPUBLIQUE D'AUTRICHE À LA CONVENTION D'APPLICATION DE L'ACCORD DE SCHENGEN

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 427, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République hellénique à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne par l'accord signé à Paris le 27 novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la République portugaise par les accords signés à Bonn le 25 juin 1991. (Rapport [n° 431], 1996-1997).
- et du projet de loi (n° 428, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne, le Royaume d'Espagne et la République portugaise, et la République hellénique par les accords signés respectivement le 27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6 novembre 1992. (Rapport [n° 431], 1996-1997).
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces projets de loi n°s 427 et 428.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de soumettre au vote de la Haute Assemblée deux projets de loi.
Le premier autorise l'approbation de l'accord d'adhésion, signé à Bruxelles le 28 avril 1995, de la République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985.
Le second autorise l'approbation de l'accord d'adhésion, signé à Madrid le 6 novembre 1992, de la République hellénique à cette même convention.
Les adhésions de l'Autriche et de la Grèce constituent un approfondissement du processus entamé, voilà plus de dix ans, pour créer un espace de libre circulation des personnes en Europe. La convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990, définit les principales mesures permettant de mettre en oeuvre cette liberté. Une des principales dispositions est la suppression du contrôle aux frontières intérieures des parties contractantes, lequel est reporté aux frontières extérieures de l'espace Schengen.
Cela signifie concrètement que tout citoyen d'un Etat signataire à l'accord de Schengen peut circuler librement dans les autres Etats parties à l'accord. De même, un ressortissant d'un Etat tiers extérieur à l'Union européenne n'a plus qu'une seule démarche à accomplir auprès de l'Etat de destination principale pour pénétrer dans le territoire Schengen et peut, grâce au visa uniforme, circuler librement d'un Etat à l'autre.
En contrepartie de l'instauration de cet espace de libre circulation, et pour éviter que celle-ci ne se traduise par une sécurité moindre pour les citoyens de l'espace Schengen, la convention prévoit le renforcement de la coopération policière, judiciaire et douanière, ainsi que l'échange d'informations sur les personnes recherchées, les véhicules et objets volés et, enfin, l'adoption de règles communes en matière de circulation, de surveillance des frontières et de contrôle de l'immigration.
Ces objectifs ambitieux ne pouvaient bien évidemment être atteints que de manière progressive et maîtrisée.
C'est ainsi que l'espace Schengen, qui s'est construit, à l'origine, autour d'un noyau de cinq pays, s'est petit à petit élargi à de nouveaux adhérents, pour couvrir aujourd'hui, conformément d'ailleurs au souhait initial de ses promoteurs, un territoire presque équivalent à celui de l'Union européenne.
Après la République italienne le 27 novembre 1990, le Royaume d'Espagne et la République portugaise ont adhéré à la convention le 6 novembre 1992, suivis par la République d'Autriche le 28 novembre 1995. Enfin, l'adhésion très récente du Danemark, de la Finlande, de la Suède et la signature d'un accord de coopération avec la Norvège et l'Islande ont encore étendu le territoire Schengen, et, partant, l'espace d'application des règles définies par la convention.
A l'heure actuelle, il faut le souligner, seuls sept de ces Etats mettent en vigueur la convention d'application : il s'agit de la France, de l'Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Espagne et du Portugal. L'Italie, et c'est un fait important, l'appliquera à partir du 26 octobre prochain, à l'exception des dispositions concernant la suppression des contrôles aux frontières intérieures terrestres dont la mise en oeuvre sera, quant à elle, progressive.
En ce qui concerne la Grèce et l'Autriche, l'achèvement des procédures nationales de ratification constitue le préalable à l'entrée en vigueur de la convention d'application de l'accord de Schengen dans ces deux pays.
Cette entrée en vigueur, je le souligne, ne préjuge en rien la mise en vigueur de la convention dans ces deux Etats, laquelle implique que soit prise une décision spécifique du comité exécutif Schengen. Celui-ci ne la prendra que si les conditions préalables requises, parmi lesquelles l'effectivité des contrôles aux frontières extérieures, sont remplies.
L'autorisation parlementaire qui vous est aujourd'hui demandée en vertu de l'article 53 de la Constitution a donc une signification toute particulière. Elle permettra l'entrée en vigueur des accords d'adhésion de l'Autriche et de la Grèce, leur mise en vigueur restant soumise à un calendrier particulier que j'évoquerai dans un instant.
Les deux projets de loi qui vous sont présentés comportent chacun un article unique précisant que la République d'Autriche, d'une part, et la République hellénique, d'autre part, adhèrent sans restriction aucune à la convention d'application, dont elles s'engagent à mettre en oeuvre l'ensemble des dispositions.
Le texte même de chacun des deux accords d'adhésion précise quels sont les agents habilités à exercer le droit d'observation et, pour l'Autriche, le droit de poursuite, et quelle est l'autorité nationale compétente pour la transmission et la réception des demandes d'extradition.
L'accord d'adhésion de la République hellénique à la convention d'application souligne, en outre, que la Grèce s'engage à ne pas recourir aux réserves qu'elle a formulées quant aux conventions européennes d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale.
L'accord d'adhésion de l'Autriche est, pour sa part, accompagné de deux déclarations communes.
La première dispose qu'il ne sera mis en vigueur entre l'Autriche et les Etats signataires de l'accord de Schengen que lorsque les conditions préalables à son application seront réunies et les contrôles aux frontières extérieures effectifs.
La seconde déclaration engage l'Autriche à s'aligner sur le régime des visas appliqué par les autres parties à l'accord.
S'agissant de la République hellénique, il existe également des dispositions spécifiques.
Une première déclaration commune relative à la mise en vigueur de l'accord a un contenu identique à celle qui figure dans l'accord d'adhésion de la République d'Autriche.
Une deuxième marque l'engagement de la Grèce à s'aligner sur le régime commun de visas.
Enfin, trois autres déclarations plus précises visent l'amélioration de la législation grecque sur la protection des personnes, s'agissant du traitement automatisé des données à caractère personnel, une dérogation quant à l'exercice du droit de poursuite par la Grèce en raison de sa situation géographique spécifique et, enfin, le maintien d'un statut dérogatoire pour le mont Athos. Chacun sera indulgent sur ce dernier point !
Comme je l'ai indiqué précédemment, ces accords d'adhésion, une fois entrés en vigueur, ne pourront être mis en vigueur qu'après décision du comité exécutif constatant que sont réunies les conditions préalables en matière de contrôle aux frontières extérieures, de délivrance du visa uniforme, de respect des dispositions des conventions relatives aux stupéfiants et à la protection des données personnelles, et enfin de réalisation et de fonctionnement du système d'information Schengen. Ce double mécanisme offre les garanties de sécurité indispensables à l'efficacité du système Schengen.
La volonté politique de l'Autriche et de la Grèce de participer pleinement à l'espace Schengen n'a jamais été démentie. Observatrices au comité exécutif, à tel point d'ailleurs que l'Autriche assure actuellement la présidence de celui-ci, ce qui n'a pas manqué de soulever la curiosité de certains de vos collègues de l'Assemblée nationale, la République hellénique et la République d'Autriche ont longuement préparé cette adhésion.
Ainsi, elles ont fourni un effort important pour renforcer le contrôle de leurs frontières extérieures. Leur système d'information Schengen est en place et elles sont prêtes à délivrer des visas uniformes Schengen.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, des réserves ont été exprimées, notamment par l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne et la France, sur l'efficacité des contrôles aux frontières extérieures de ces pays. Elles ont conduit le comité exécutif, avec l'accord de ces pays, à envisager des calendriers de mise en application progressive adaptés à la situation respective de l'Autriche et de la Grèce.
Ce comité exécutif s'est réuni le 7 octobre. Il prévoit, sous réserve bien évidemment de la ratification de l'accord par le Parlement français, l'entrée en vigueur de celui-ci le 1er décembre pour l'Autriche et, à partir de cette date, la levée progressive des contrôles terrestres et aéroportuaires.
S'agissant de la Grèce, la situation est plus délicate. Si l'ensemble des Etats parties à la convention ont souhaité que ce pays puisse, le plus rapidement possible, appliquer les dispositions relatives au système d'information Schengen et à la politique des visas, la disposition sur la levée des contrôles tant aéroportuaires que maritimes a été, en revanche, reportée à la fin de l'année prochaine. Ainsi, la Grèce disposera d'au moins une année supplémentaire pour se mettre en conformité totale avec les dispositions de la convention. Dans ce laps de temps, une commission d'experts se rendra sur place et fera rapport au comité exécutif, afin d'éclairer la décision de celui-ci.
Dans le même temps, et sans qu'il soit besoin de lever les contrôles aux frontières intérieures, nous pourrons mettre en oeuvre toutes les autres dispositions de la convention, ce qui nous permettra notamment d'avoir accès, c'est un point très important que je souligne, aux données que l'Autriche et la Grèce auront fournies au système informatique qui est situé, je le rappelle, à Strasbourg.
Pour que cet échange de données puisse avoir lieu, nous devons, comme nous en avons pris l'engagement devant nos partenaires, ratifier à notre tour ces accords. Cette procédure, qui aurait dû être menée à son terme avant le 31 mai, a été retardée, comme vous le savez, du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale. Je ne vous cache pas qu'une très vive impatience se manifeste en Grèce et en Autriche dans l'attente de la décision de votre assemblée.
En effet, la France est aujourd'hui le seul pays à n'avoir pas achevé la procédure. Le Gouvernement souhaite que cela soit fait avant la fin du mois d'octobre, et je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir approuver les deux projets de loi qui vous sont soumis.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les accords d'adhésion de la République d'Autriche et de la République hellénique à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, qui font l'objet des deux projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, la Haute Assemblée a apporté une attention constante et vigilante au processus enclenché par la signature de l'accord de Schengen en 1985. Je souhaiterais rendre hommage ici à l'activité de notre délégation pour l'Union européenne, et en particulier aux travaux de notre collègue M. Paul Masson. C'est dans un même esprit d'ouverture et de rigueur que j'ai souhaité, au nom de notre commission des affaires étrangères, porter une appréciation sur les deux accords d'adhésion qui font l'objet des projets de loi sur lesquels le Sénat doit se prononcer aujourd'hui.
L'examen par la Haute Assemblée de ces deux textes revêt une importance décisive car la France - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - est le dernier pays à ne pas les avoir ratifiés, empêchant ainsi l'entrée en vigueur des accords d'adhésion de la Grèce et de l'Autriche.
Je crois utile de rappeler à ce propos une particularité de la convention de Schengen. L'intégration d'un nouveau membre à l'espace Schengen requiert deux conditions : d'une part, le dépôt des instruments de ratification de l'accord d'adhésion par chacun des Etats parties à la convention de Schengen - cette procédure permet l'entrée en vigueur de la convention ; d'autre part, le constat par le comité exécutif Schengen, où siège un ministre de chaque Etat membre, que toutes les conditions préalables à l'application de l'accord de Schengen sont remplies par le candidat.
Ce constat, arrêté à l'unanimité, ouvre la voie à la mise en vigueur opérationnelle de l'accord d'adhésion. L'entrée en vigueur et la mise en vigueur constituent deux verrous successifs. En d'autres termes, il ne saurait y avoir de mise en vigueur, c'est-à-dire une application effective de l'accord d'adhésion, sans une entrée en vigueur préalable, c'est-à-dire la ratification par tous les Etats membres. Ces éléments me paraissent importants pour bien apprécier la portée du vote de la Haute Assemblée.
Avant d'évoquer les adhésions de l'Autriche et de la Grèce, je crois nécessaire de dresser un premier bilan de l'application de l'accord de Schengen. Ce bilan est contrasté. Il a ses ombres et ses lumières. Au crédit de Schengen, il convient de souligner trois avancées.
Premièrement, la mise en place d'un espace de libre circulation de personnes apparaît désormais à nos concitoyens, par les facilités qu'il procure, comme un acquis difficilement réversible.
Deuxièmement, l'harmonisation de la politique des visas, même si elle n'est pas achevée, constitue un élément important pour renforcer la sécurité de l'« espace Schengen ».
Enfin, troisièmement, la mise en place d'un réseau informatisé d'échanges d'informations avec le système d'information Schengen représente un atout appréciable pour la coopération policière.
Cependant, dans nombre d'autres domaines, les quelques avancées enregistrées demeurent, comme le Sénat a déjà eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, très en deçà des évolutions nécessaires.
S'agissant d'abord du contrôle aux frontières extérieures, il convient de regretter que le choix des dispositifs de contrôle les plus adéquats soit laissé à l'initiative de chaque Etat sans qu'intervienne un réel effort de coordination sous les auspices du comité exécutif.
Quant à la surveillance des frontières intérieures, dont la nécessité n'a pas disparu malgré la suppression des contrôles, elle se heurte à l'insuffisance de la coopération policière. Ainsi, le droit de poursuite, reconnu par la convention de Schengen, se heurte aux divergences d'ordre juridique entre les Etats membres et n'est que rarement mis en oeuvre.
Mais le troisième sujet de préoccupation - et à mon sens le plus grave - tient aux progrès trop lents de la coopération en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Le principal obstacle demeure l'appréciation divergente portée par les Etats signataires de l'accord de Schengen sur la politique répressive à conduire en matière de drogue. Les difficultés, on le sait, se cristallisent sur les Pays-Bas. Même si la position du gouvernement néerlandais a évolué de façon positive - et il faut s'en féliciter - elle ne justifie pas encore que la France renonce à la clause de sauvegarde qui lui permet de maintenir les contrôles à ses frontières nord.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. Nicolas About, rapporteur. Tel est le contexte général dans lequel il convient d'apprécier les accords d'adhésion de la Grèce et de l'Autriche.
Si le dispositif des deux accords apparaît largement commun, la situation de ces deux pays au regard des « critères » Schengen se présente de manière contrastée et doit conduire à une mise en oeuvre différenciée de l'adhésion de l'Autriche et de la Grèce.
Le cas de l'Autriche se présente plutôt favorablement et s'il importe de souligner les risques possibles que soulève cette adhésion, il faut aussi tenir compte des efforts accomplis par ce pays - vous les avez évoqués tout à l'heure, monsieur le ministre - pour répondre aux exigences posées par l'accord de Schengen.
Quels sont ces risques ?
La surveillance de la frontière autrichienne constitue une véritable gageure : avec près de 1 300 kilomètres, elle représentera la plus longue frontière terrestre de l'espace Schengen, elle met l'Autriche au contact d'une zone qui lui est historiquement liée - l'Europe centrale et orientale - mais à partir de laquelle s'exercera une réelle pression migratoire.
L'Allemagne, consciente des risques de l'intégration de l'Autriche à l'espace Schengen, a pris un ensemble de dispositions pour organiser une suppression par étapes des contrôles aux frontières entre la Bavière et l'Autriche et pour renforcer la coopération bilatérale dans le domaine de la police. A cette fin, l'Allemagne et l'Autriche ont signé un accord informel en juillet 1997 à Innsbruck et mis en place un groupe d'experts pour mieux coordonner leurs forces. Il est à noter que l'Italie - mais pas la France à l'époque - a été associée à cet accord : l'Allemagne craignait, en effet, les conséquences de la mise en vigueur effective de l'accord de Schengen en Italie, prévue avant la fin de l'année.
Même si la France n'a pas de frontières communes avec l'Autriche, elle ne peut tenir pour négligeable le risque soulevé par l'immigration clandestine en Autriche. En effet, du fait de la concomitance de l'application de l'accord de Schengen en Autriche et en Italie, ces deux pays peuvent constituer les étapes successives de filières clandestines dont la France serait l'aboutissement. Il est donc indispensable que, parallèlement à la mise en application de l'accord de Schengen en Autriche, la France engage une coopération étroite avec l'Italie pour la surveillance de frontières entre nos deux pays. J'avais fait part de ces préoccupations au ministre des affaires étrangères, qui m'avait informé que la France signerait avec l'Italie un accord de coopération policière et douanière, d'une part, et un accord de réadmission, d'autre part, lors du sommet franco-italien à Chambéry, les 2 et 3 octobre dernier. En outre, M. Védrine avait précisé, devant notre commission, que la France participait depuis le 1er septembre au groupe d'experts institué par l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie.
En ce qui concerne la Grèce, ma position est naturellement plus réservée.
Ce pays, plus que l'Autriche encore, doit surmonter les handicaps d'une géographie délicate. Je rappellerai d'abord la longueur de ses côtes - plus de 1 600 kilomètres - et la difficulté soulevée par la surveillance de quelque 3 000 îles. En outre, la Grèce a des frontières communes avec la Turquie et l'Albanie, deux pays sensibles pour le trafic illégal de stupéfiants mais aussi pour les mouvements migratoires clandestins.
Toutefois, il faut reconnaître que la Grèce a engagé un effort réel, d'une part, pour adapter sa législation, notamment en matière d'immigration et de droit d'asile, et, d'autre part, pour renforcer les moyens de contrôle aux frontières. Une commission d'évaluation de contrôle Schengen, qui s'est rendue sur place, a pu faire le constat de progrès concrets. L'effort n'est toutefois pas achevé.
C'est pourquoi, au cours de réunions préparatoires avec des représentants du Gouvernement de notre pays, j'avais demandé des assurances et obtenu des engagements de trois ordres : la France observerait à l'égard de la Grèce une attitude au moins aussi vigilante que l'Allemagne, qui a exprimé de nombreuses réserves sur la mise en application de l'accord avec la Grèce ; elle ne donnerait son consentement à la levée des contrôles aux frontières avec la Grèce que lorsque toutes les conditions fixées par la convention de Schengen auront été réunies et vérifiées ; enfin, elle n'accepterait pas, en tout état de cause, une levée des frontières avant un délai minimal d'un an.
Aussi, je ne peux que constater avec satisfaction que le comité exécutif qui devait se prononcer le 8 octobre dernier sur la situation de l'Autriche et de la Grèce au regard des conditions posées par la convention de Schengen a reporté la décision d'une levée éventuelle des contrôles aux frontières avec la Grèce au deuxième semestre de 1998. Lors de cette même réunion, le comité exécutif a décidé que la Grèce serait intégrée au système d'information Schengen et participerait à la politique des visas. Par ces deux biais, il sera possible de renforcer la coopération policière avec la Grèce sans supporter les conséquences d'une ouverture des frontières.
Compte tenu des différentes garanties qui nous ont été apportées sur l'adhésion de la Grèce et de l'Autriche et qui ne doivent en rien nous dispenser de notre devoir de vigilance, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite, mes chers collègues, à adopter les deux présents projets de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons deux projets de loi visant à autoriser l'approbation de l'accord d'adhésion de la République hellénique et de la République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen.
Cet accord a été signé le 14 juin 1985 entre l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il vise à supprimer progressivement les contrôles aux frontières communes et instaure un régime de libre circulation des personnes.
La convention d'application de l'accord de Schengen a été signé le 19 juin 1990 par ces cinq Etats. Elle définit les conditions d'application et les garanties de mise en oeuvre de cette libre circulation.
Cet accord à cinq avait suscité, je le rappelle, de nombreuses craintes, tenaces, souvent répétées, et qui peuvent se résumer en quelques mots : augmentation des flux d'immigrants irréguliers, recrudescence du terrorisme et du trafic de stupéfiants. Heureusement, il n'en a rien été.
L'accord de Schengen se révèle très positif. Tel est notamment le cas en ce qui concerne la suppression graduelle des frontières communes aux Etats parties à la convention, le développement des contrôles aux frontières extérieures et l'échange d'informations et de renseignements entre les Etats membres afin d'accroître l'efficacité de chaque Etat dans la lutte contre les passages clandestins aux frontières extérieures. Enfin, Schengen contribue - et ce n'est pas le moindre de ses aspects positifs - et continuera à contribuer au renforcement de l'Union européenne au niveau des populations très sensibles à la libre circulation des personnes.
Une conclusion paraît s'imposer : Schengen n'a pas affaibli la sécurité des Etats membres ; il l'a même renforcée.
L'élargissement de Schengen à la Grèce et à l'Autriche n'est pas le premier. En effet, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, la Finlande et la Suède ont fait passer le groupe des cinq au groupe des onze. Aujourd'hui, il s'agit d'accueillir deux autres Etats : la Grèce et l'Autriche.
Ces deux pays se sont préparés à ce passage. En effet, depuis plusieurs années, ils manifestent concrètement leur volonté de remplir les conditions indispensables à l'adhésion à Schengen.
S'agissant de la Grèce, je citerai quelques exemples. Elle a développé ses services de contrôle aux frontières ; même si ce n'est pas parfait, les progrès sont indéniables. Elle a procédé à l'harmonisation des dispositions relatives au droit d'asile. Elle a quasiment achevé la réalisation du système d'information Schengen. Elle respecte les dispositions de la convention relative concernant les stupéfiants. Elle est signataire de l'ensemble des conventions internationales. Des lacunes subsistent encore, notamment dans les contrôles aéroportuaires.
L'Autriche, quant à elle, a pris toutes les mesures techniques préalables à la mise en vigueur de la convention, notamment en ce qui concerne le contrôle des frontières et des aéroports, la délivrance des visas, le traitement des demandes d'asile et la lutte contre le trafic de stupéfiants. Là non plus, tout n'est pas parfait, mais les progrès sont éclatants.
Les efforts réalisés par ces deux Etats sont certains et plaident en leur faveur. Le rejet de ces pays présenterait, à mon sens, plus de risques que leur admission. En effet, la solidarité européenne leur est indispensable.
De plus, l'article 5 de l'accord de Schengen fait la distinction importante entre l'entrée en vigueur et la mise en oeuvre des dispositions contenues dans la convention.
La mise en oeuvre exige que les conditions préalables soient remplies et que les contrôles aux frontières extérieures soient effectifs. Autrement dit, la mise en oeuvre n'est donc pas immédiate. Le comité exécutif de Schengen peut suspendre le processus d'ouverture des frontières si les avancées ne sont pas jugées significatives.
A ce point de mon exposé, j'indiquerai que nous nous devons d'être à la fois vigilants - cela a déjà été dit - et accueillants.
Dans ces conditions, le groupe socialiste votera les deux projets de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la Grèce et de l'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la Grèce et de l'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen ont été parfaitement analysés par notre excellent collègue Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je souscris intégralement, bien sûr, à cette analyse.
Je voudrais cependant ajouter quelques commentaires personnels à l'occasion de cette ratification que nous ne saurions classer dans les actes rituels d'une procédure purement diplomatique sans commettre, me semble-t-il, le plus grave des contresens. Je pense que M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui fut avec moi à la tâche dans cette affaire, partage mon sentiment à cet égard. (M. le président de la commission fait un signe d'assentiment.)
Non, l'entrée de l'Autriche et de la Grèce au sein de l'espace Schengen ne saurait être considérée comme une simple péripétie diplomatique. Derrière ces procédures un peu solennelles auxquelles les chancelleries nous habituent existent des facteurs d'inquiétude que nous n'avons pas le droit de taire.
S'agissant de l'Autriche, le rapport analyse parfaitement les conséquences pour ses voisins immédiats d'une situation géographique particulièrement exposée aux phénomènes permanents d'une immigration clandestine.
Bientôt responsable de notre frontière extérieure vers l'Est, l'Autriche aura - n'en doutons pas - fort à faire pour contrôler la route traditionnelle et historique entre Budapest et Vienne, qui n'est autre que l'artère vitale de l'ancien empire des Habsbourg. Les échanges sont intenses entre les deux capitales, et je ne vois pas comment l'autoroute reliant ces deux villes pourrait être placée sous surveillance efficace par les autorités autrichiennes en charge d'une nouvelle responsabilité à l'égard de l'Europe.
Monsieur le ministre, je n'ai pas encore trouvé la moindre explication sur les conditions dans lesquelles la République autrichienne entend assurer ses nouvelles responsabilités sur la frontière austro-hongroise. Peut-être pourrez-vous nous rassurer à cet égard ? J'attends que vous nous donniez des explications techniques précises et non pas que vous vous retranchiez derrière la doctrine de Schengen, dont je suis imprégné, un peu malgré moi, depuis assez longtemps.
L'Etat de Bavière, lui, est depuis longtemps parfaitement conscient de cette situation. Il a pris, surtout depuis deux ans, beaucoup de mesures pratiques destinées à assurer sa propre protection, en légalisant en profondeur les contrôles d'identité sur une bande de trente kilomètres en retrait de sa frontière, ainsi que sur toutes les routes, autoroutes, zones de repos en relation avec cette circulation transfrontalière. Par conséquent, n'importe quel policier de Bavière, revêtu de son uniforme, en civil ou en mission spéciale peut interroger quiconque sur une autoroute de l'ensemble de l'espace de l'Etat pour lui demander son origine, ses papiers et vérifier si, effectivement, il ne s'est pas introduit clandestinement sur l'espace de l'Etat de Bavière. C'est là une protection juridique parfaitement incontestable, tout à fait en rapport avec le traité, et qui prouve que l'Etat de Bavière est, quant à lui, parfaitement sensible à cette situation géographique assez inquiétante.
La législation bavaroise est parfaitement adaptée à cette surveillance en profondeur et permettra aux autorités allemandes, je crois, de répondre immédiatement aux exigences de sécurité que cette adhésion impose.
C'est d'ailleurs pourquoi les Allemands se sont inquiétés tout de suite de ce que l'adhésion de l'Autriche risquait d'entraîner à la fois comme compléments et comme menaces. Ils ont négocié à Innsbruck, le 17 juillet dernier, un arrangement avec l'Autriche, dans le cadre de ses accords bilatéraux, qui sont le complément indispensable du traité de Schengen, et que l'on a, je crois, un peu trop longtemps négligés. Ils se sont ainsi clairement entendus avec les Autrichiens sur les conditions communes d'une suppression progressive des contrôles aux frontières. Cet accord implique également une coopération avec les Italiens, qui y sont associés. La suppression du contrôle - vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, et je n'y reviens donc pas - se fera par étapes échelonnées jusqu'au 1er avril 1998.
Au comité exécutif de Vienne du 7 octobre dernier, ce protocole a été entériné. Les projets de décisions, tels qu'ils ressortent des travaux du groupe central du 16 septembre, ont été approuvés, avec deux modifications renforçant encore cette position : la levée des contrôles européens n'interviendra que le 26 octobre, là où cela se révélera techniquement possible et non pas systématiquement.
Pendant plusieurs mois, la France était absente de ces négociations et de ces arrangements alors que, à l'évidence, notre pays est directement concerné par ces mesures arrêtées sur ces frontières très proches.
J'ai récemment eu l'occasion d'attirer l'attention du Gouvernement sur les incidences de ces arrangements pour la France. Il était urgent que nous nous manifestions. M. le ministre de l'intérieur m'a récemment précisé qu'un protocole a été signé avec l'Italie, lors du sommet franco-italien des 2 et 3 octobre 1997 - vous en avez fait état, monsieur le rapporteur - avec un accord de coopération policière et douanière et un autre accord de réadmission des entrées illégales sur le territoire de l'une ou l'autre partie. Je m'en réjouis. Encore faudrait-il, monsieur le ministre, que les assemblées soient informées du contenu de ces accords. Je pense que vous saurez communiquer à leurs membres, en temps voulu, les dispositions techniques qu'il contient.
Il est bien que, depuis le 1er septembre, la France ait rejoint le groupe d'experts institué par l'Allemagne, par l'Autriche et par l'Italie. Ainsi, nous ne serons pas absents de ce groupe dont la tâche, dans les prochains mois, sera de vérifier très exactement les conditions dans lesquelles se développent les nouvelles modalités de contrôle dans un endroit stratégique pour l'Europe, comme tout le monde le sait depuis longtemps.
Les choses sont beaucoup moins simples - vous l'avez dit, monsieur le rapporteur - avec la Grèce, dont l'adhésion comporte un grand nombre de risques. Sans doute nos liens traditionnellement amicaux avec ce pays nous ont-ils conduits à gommer les difficultés que ne manquerait pas de rencontrer la Grèce pour une application loyale et ferme des accords, dans toutes leurs modalités et leurs contraintes. A cet égard, nous sommes un peu prisonniers de l'histoire et de la tradition, lesquelles nous poussent, il est vrai, à être toujours en situation diplomatique confortable à l'égard de la Grèce. Nous ne devons en effet pas faire de peine à nos amis grecs.
Je me demande cependant si notre diplomatie a toujours mesuré l'ampleur des risques que nous partageons avec l'Europe à cet égard.
S'agissant de sécurité, il convient de s'interroger sur l'opportunité d'une telle adhésion. Nos partenaires l'ont parfaitement senti : ils ont fait valoir avec force, au cours de la dernière réunion du comité exécutif, le 7 octobre dernier, les difficultés d'une mise en vigueur de la convention d'application dans les délais initialement prévus. L'attitude de l'Allemagne a été très ferme pour ne pas dire intransigeante à l'égard de la Grèce. Quant aux Pays-Bas, ils étaient particulièrement hostiles : les Néerlandais ont clairement expliqué qu'ils ne voulaient pas envisager de mettre en oeuvre une partie de la convention avant que la totalité des conditions permettant sa mise en oeuvre intégrale soit remplie.
Seule l'insistance de la France a permis de déboucher sur un compromis que l'on peut qualifier d'incertain. Le comité exécutif a bien accepté le principe de la mise en vigueur de la commission d'application dans les délais retenus initialement, mais cette décision - vous l'avez dit, monsieur le rapporteur - devra être confirmée dans un délai de deux mois par une décision définitive. Par conséquent, rien n'est encore irrémédiable. Pour la première fois, une nouvelle lecture va avoir lieu en application de l'article 132, paragraphe 3, de la convention, à la demande des Pays-Bas.
Pour bien marquer le caractère résolument hostile des Néerlandais, une procédure écrite sera engagée, et elle devra être achevée avant le 1er décembre. Les Néerlandais font donc, comme ils savent le faire à certains moments, de la procédure !
Enfin, l'Allemagne a demandé expressément, lors de ce même comité exécutif, que la mise en vigueur de la convention avec la Grèce ne soit opposable à l'Allemagne que pour autant qu'elle sera conforme à son droit national.
Par conséquent - il faut bien le dire - les choses ne se sont pas bien passées à Vienne, même si, diplomatiquement, nous pouvons nous estimer satisfaits. Aucune date n'est fixée en ce qui concerne la levée des contrôles aux frontières. Le comité exécutif devra encore se prononcer lors de sa dernière réunion de 1998 - on renvoie donc à un an - considérant que, en Grèce, les équipements techniques performants ne sont pas à la mesure des difficultés rencontrées.
Enfin et surtout - faut-il le dire une fois encore ? - les contrôles des frontières extérieures avec la Turquie ne font l'objet d'aucun arrangement avec Ankara. Les Turcs refusent de réadmettre les étrangers refoulés dont il est prouvé qu'ils proviennent de leur territoire. Or c'est capital.
Nous savons que la ratification d'un traité n'engage pas automatiquement la mise en vigueur de ses dispositions. Il demeure que la France ne peut s'autoriser à cet égard aucun laxisme. Notre pays souffre déjà d'une importante clandestinité dont les effets sont pernicieux à tous égards.
Chez nous, l'ouverture sur le flanc européen du Sud-Est d'une nouvelle zone à risques doit être suivie avec la plus grande attention.
Par tradition, mais aussi, peut-être, par facilité, toute les négociations sur Schengen qui ont commencé en 1985 ont été conduites, chez nous, par le ministère des affaires étrangères. Il ne me paraît pas normal que ces négociations, essentiellement techniques, menées dans le silence des comités et des commissions en dehors de tout contrôle politique, soient placées sous la seule responsabilité du ministère des affaires étrangères.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Paul Masson. Depuis longtemps, nos partenaires ont compris que ces affaires de sécurité, à travers la libre circulation aux frontières, n'étaient pas uniquement des affaires diplomatiques. Les ministres de l'intérieur des Etats membres sont souvent les représentants des gouvernements au sein des comités exécutifs. Parmi les grands Etats, seule la France fait exception. J'ai à de nombreuses reprises insisté pour que la France confie ces dossiers au ministère chargé de la responsabilité de la sécurité intérieure et du contrôle des frontières.
J'écrivais, dans le rapport que j'ai présenté à M. Juppé, en janvier 1996, que « notre organisation gouvernementale est inadaptée aux conventions du traité, car la gestion de la politique européenne de sécurité est calquée sur celle mise en oeuvre pour les questions européennes ».
Je précisais que, « en France, le pivot de l'organisation est le secrétaire général du comité interministériel pour les questions économiques européennes, avec l'aide d'un préfet coordonnateur » - il vous faudra d'ailleurs le remplacer, monsieur le ministre - « qui cherche un équilibre permanent entre les points de vue divergents des services ».
Je rappelais que « la délégation française, chargée de ces problèmes, est enclavée au sein d'une quarantaine de groupes de négociations et concerne l'activité de vingt-trois directions ou offices centraux qui sont plus ou moins concernés et qui relèvent de sept ministères, de l'intérieur, de la justice, du travail, du budget, des armées et, bien entendu, des affaires étrangères ».
Manifestement, les problèmes sont, le plus souvent, abordés sous l'angle technique et avec des objectifs essentiellement diplomatiques. Jamais une stratégie politique n'est exprimée.
Il manque clairement aux gouvernements - aux gouvernements en général, pas au vôtre spécifiquement, monsieur le ministre - un échelon de conception en faveur de la politique de sécurité européenne de notre pays.
Cette absence de politique de sécurité a des conséquences parfois spectaculaires. C'est ainsi qu'un programme de coopération entre les polices allemande et française, définissant la coopération sur le Rhin, attend une signature depuis quatorze ans. Personne n'ignore, cependant, l'importance des trafics illicites qui existent sur cette voie navigable à grand gabarit qui relie la mer du Nord et la mer Noire.
Plus proche de nous, la coopération franco-belge attend depuis deux ans maintenant sa finalisation. On pouvait penser que l'échange de lettres, effectué le 16 mars 1995, entre les deux ministères de l'intérieur nous conduirait à cette coopération transfrontalière indispensable à la sécurité de nos populations du Nord. Depuis, nous en sommes au point mort.
A l'évidence, me semble-t-il, le dossier de la sécurité intérieure devrait être confié aussi au ministère de l'intérieur, avec, bien sûr, la création d'une direction des affaires européennes de plein exercice. M. Barnier, aujourd'hui notre collègue, me semblait l'avoir compris lorsqu'il répondait au Sénat, le 26 mars 1996 : « Le Gouvernement a également décidé de confier au ministre de l'intérieur le suivi du dossier de Schengen. Ce transfert, que j'avais moi-même préconisé dès cet automne, interviendra à la fin de la conférence intergouvernementale. Ce délai est simplement celui du passage de la convention d'une phase de négociation qui n'est pas terminée à une phase qui sera celle de la gestion courante. D'ailleurs, dans d'autres pays partenaires de la France, ce sont bien les ministres de l'intérieur qui suivent le dossier ».
La conférence intergouvernementale est achevée depuis cinq mois, le traité d'Amsterdam est signé. Le nouveau gouvernement entend-il donner suite à cette réforme, à mes yeux fondamentale, qui consiste à confier les affaires de sécurité européennes au ministère de l'intérieur, seul responsable de la sécurité intérieure sur le territoire de la République ?
M. Charles Pasqua. Bonne question !
M. Paul Masson. Enfin, je reviendrai ici sur les très médiocres résultats que nous obtenons, à travers Schengen, sur le trafic illicite des drogues douces ou dures.
On commence à le savoir, les Pays-Bas ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris. Notre collègue M. About rappelle, dans son rapport, ces engagements néerlandais, notamment au regard de l'article 71-2, qui dispose : « Les parties contractantes s'engagent à prévenir et réprimer, par des mesures administratives et pénales, l'exportation illicite de stupéfiants, y compris le cannabis. » Or c'est, je crois, une drogue douce !
Malgré l'intervention personnelle de M. le Président de la République, malgré l'insistance des gouvernements français successifs, rien ne s'est, aujourd'hui, amélioré, sauf que les Néerlandais, soucieux de leur crédibilité internationale et préoccupés de l'incidence de cette situation sur leur propre opinion publique, ont annoncé, à travers un livre blanc et dans plusieurs débats, leur intention d'être moins permissifs sur ce dossier.
Force est de constater que, dans les faits, et malgré une volonté de coopération bilatérale accentuée, les saisies de drogue à la frontière franco-belge croissent chaque année, que 80 % des saisies effectuées en 1996 concernent des produits venant des Pays-Bas et que le tourisme de la drogue, dans les villes du Nord et en région parisienne, n'a en rien diminué. Un seul chiffre, d'ailleurs, montrerait, s'il en était besoin, monsieur le ministre, que le gouvernement néerlandais n'est pas pressé de supprimer les coffee shop. Les taxes versées chaque année au Trésor public néerlandais par les tenanciers de coffee shop représentent une somme supérieure à la totalité de l'impôt sur la fortune perçu en France !
Dans ces conditions, il me paraît particulièrement fondé de maintenir sur la frontière franco-belge un dispositif policier et douanier susceptible de dissuader les fraudeurs, en application de l'article 22 de la convention de Schengen.
Je suis, à cet égard, reconnaissant à M. le ministre de l'intérieur d'avoir maintenu cette disposition d'exception, malgré, dit-on, certaines réticences du Quai d'Orsay et au grand dam des tenants de l'orthodoxie en matière de circulation des personnes aux frontières intérieures.
Il demeure que cet état de fait n'est pas satisfaisant. Autant une mesure d'exception se justifie quand elle est temporaire et qu'elle répond à une situation nouvelle, autant ses effets deviennent, à la longue, pernicieux pour l'esprit même du traité lorsqu'elles se prolongent au-delà d'un délai raisonnable.
Ne serait-il pas plus opportun de saisir nos partenaires de la situation créée par les Pays-Bas et de faire jouer une autre disposition du traité de Schengen - c'est une mine, ce traité, monsieur le ministre ! - qui permet à toutes les parties contactantes - et l'Autriche est maintenant partie prenante - de prendre les mesures administratives et pénales nécessaires pour éviter l'exportation illicite de la drogue lorsqu'une des parties contractantes, en l'espèce les Pays-Bas déroge au principe visé à l'article 71-2 dans le cadre de sa politique nationale propre ?
Reconnaissez que les négociateurs, à cet égard, avaient été prudents : ils avaient prévu le coup, et tous ont signé. Engageons-nous donc dans cette procédure puisque cette possibilité nous est offerte par la disposition finale annexée au traité et contenue dans l'accord ratifié par tous en 1990 !
Enfin - pardonnez-moi d'être long, monsieur le ministre, et de me situer peut-être en marge de la ratification du traité, mais, pour une fois que l'on en parle, laissez ma verve s'exprimer à travers ce que je finis par tant posséder que j'en rêve la nuit -...
M. Christian de La Malène. Très bien ! (Sourires.)
M. Paul Masson. ... enfin, dis-je, un dernier point doit être souligné : par le biais d'un protocole annexé au traité d'Amsterdam, les acquis de Schengen sont intégrés dans le dispositif communautaire.
Tant que le traité d'Amsterdam ne sera pas ratifié, l'ensemble du dispositif de Schengen continuera à être géré par le comité exécutif, voilà qui est clair. Dès la ratification - cela devient moins clair - les membres du comité exécutif seront remplacés par les membres du Conseil de l'Union européenne, nombre par nombre, et je vous remercie, monsieur le ministre, des explications longues et pertinentes que vous avez bien voulu me donner à cet égard en réponse à la question écrite que je vous avais posée.
Dans cette réponse, vous précisiez que le Conseil déterminera, à l'unanimité des membres concernés, la base juridique pour chacune des dispositions ou décisions constituant l'acquis de Schengen, et vous ajoutiez : « La Cour de justice exercera, sur ces dispositions ou décisions, les compétences que lui confère le traité, en fonction de la base juridique retenue. »
J'aimerais que vous puissiez me préciser cette notion de « base juridique retenue ». Cela veut-il dire, comme je l'interprète, que le Conseil aura toute latitude pour déterminer, dans le cadre du traité, des dispositions ou des décisions qui ne seraient plus fondées sur le titre VI du traité et qui entraîneraient, dès lors, par une simple décision prise à l'unanimité du Conseil, l'intervention de la Commission, de la Cour de justice et du Parlement européen ?
Ainsi, si mon interprétation est exacte, le Conseil de l'Union européenne pourrait introduire, dans un traité approuvé par le Parlement, une modification essentielle du dispositif juridique ratifié, et ce par une simple décision à l'unanimité, sans que le Parlement puisse à nouveau être concerné.
Il y aurait, alors - vous me l'accorderez, monsieur le ministre - une interprétation abusive de la décision du Conseil constitutionnel au sujet de la constitutionnalité de Schengen. Cette décision a été prise à partir d'un texte définitif que le Parlement a ensuite ratifié. Le débat fut - je me le rappelle bien - difficile, et je vous dis aujourd'hui clairement que je n'aurais peut-être pas voté la ratification si j'avais imaginé qu'un nouveau dispositif, introduit dans le traité d'Amsterdam, pouvait subrepticement faire glisser une partie de notre droit interne sous le contrôle d'une cour supranationale.
A mon sens, ce transfert de souveraineté déguisé serait anticonstitutionnel. En tout cas, une vérification me paraîtrait devoir s'imposer avant que les nouvelles procédures soient engagées. Nous serons quelques-uns à y veiller, ici et ailleurs.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que, sur ce point, vous puissiez me répondre d'une façon explicite : en déterminant la base juridique des décisions qu'il prendra, le Conseil peut-il sortir de l'acquis de Schengen qui relève des seuls arrangements inter-Etats ?
Enfin, s'agissant des compétences du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Commission, j'ai bien compris que les institutions communautaires n'auront aucune compétence sur le comité exécutif tant que celui-ci ne sera pas remplacé par le Conseil.
Passée cette date, me dites-vous, les nouvelles compétences issues du traité d'Amsterdam s'appliqueront au traité. Si je comprends bien, ces deux considérations me paraissent contradictoires.
D'une part, vous me dites que le Conseil évalue la base juridique des décisions qu'il prend. Il peut donc considérer que certaines bases juridiques se réfèrent au traité de Schengen !
D'autre part, vous me dites que les nouvelles compétences du Parlement, de la Commission et de la Cour s'appliquent en tout état de cause.
Je ne comprends plus ! Mais sans doute allez-vous nous apporter quelques explications à ce sujet.
Est-ce à dire que les choix du Conseil ne s'imposeraient ni à la Commission ni à la Cour ?
Il m'apparaît enfin que, sur ce point, le traité d'Amsterdam conduit à un empiètement sur les conditions essentielles de la souveraineté nationale. Comme le fait ressortir notre excellent collègue Christian de La Malène, dans un rapport qu'il a présenté devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne voilà peu, le traité d'Amsterdam modifie de manière notable les compétences communautaires en matière de libre circulation des personnes.
Dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil constitutionnel rappelle que les conditions essentielles de la souveraineté nationale sont affectées dès lors qu'il y a abandon de la règle de l'unanimité. Or il apparaît que de nombreuses dispositions pourront être arrêtées sans que l'unanimité soit requise puisque, selon le traité et après la première période de cinq ans, le Conseil peut décider d'abandonner la règle de l'unanimité pour tout ou partie des mesures relevant du troisième pilier.
Sans doute, pour passer de l'unanimité à la majorité, faut-il qu'il y ait unanimité. Certes ! Mais un gouvernement français peut-il décider seul de renoncer à l'unanimité dans un domaine où les délégations de souveraineté, strictement énumérées et limitées, ont été introduites en 1992 dans une révision constitutionnelle ? J'en doute personnellement. Le seul pouvoir exécutif - pas plus que le pouvoir législatif, d'ailleurs - ne dispose pas de la compétence qui lui permettrait de décider, au nom du pays, d'abandonner cette unanimité, c'est-à-dire d'abandonner une partie de l'exercice de la souveraineté nationale.
En vertu de la décision du Conseil constitutionnel d'avril 1992 - M. de La Malène l'a exposé très clairement - le Gouvernement a été autorisé à consentir les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives au fonctionnement des frontières extérieures des Etats membres. Aucun autre transfert de compétences n'a été autorisé par la révision constitutionnelle de 1992, et certainement pas le droit pour un gouvernement de pouvoir passer, sans nouvelle révision constitutionnelle, de l'état d'unanimité à l'état de majorité.
Telles sont, monsieur le ministre, les observations que m'inspire la procédure de ratification engagée à propos de l'Autriche et de la Grèce. J'ai, c'est vrai, largement débordé du sujet, mais je me sentais tenu d'inventorier les problèmes diplomatiques, juridiques et politiques que pose l'extension de ce système.
Je pense que le Parlement, et singulièrement le Sénat, doit saisir toutes les opportunités pour évoquer un débat dont, vous le sentez bien, les répercussions au sein même de l'opinion publique risqueraient d'être fortes si nos compatriotes avaient le sentiment qu'en cette matière les choses ne se sont pas déroulées dans la plus parfaite clarté.
Encore une fois, l'Europe sera objet de méfiance pour une grande majorité de Français si nos gouvernements n'arrivent pas à sortir de ces débats de spécialistes - nous en avons encore un exemple aujourd'hui - dont les échos sont nuls dans l'opinion. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellent rapport de Nicolas About et les interventions particulièrement documentées des orateurs qui m'ont précédé, notamment celle de notre collègue Paul Masson, j'aurais mauvaise grâce à revenir sur le fond du débat. Tout ou presque a été dit et l'a été très clairement.
Mon propos aura donc essentiellement pour objet de saluer l'engagement européen de la République d'Autriche, engagement qui n'était pas évident voilà encore à peine une dizaine d'années, mais qui est manifesté de manière éclatante par cette adhésion à l'espace Schengen.
Le 4 mars dernier, le président du Sénat, M. Monory, recevait le docteur Herbert Schambeck, président du Bundesrat autrichien.
Le lendemain et le surlendemain, notre groupe d'amitié France-Autriche, à la présidence duquel j'ai eu l'honneur de succéder à notre président de séance Paul Girod, accueillait une délégation de parlementaires autrichiens.
Le président Schambeck puis nos collègues parlementaires ne cachaient pas, alors, leur attachement à voir leur pays adhérer à la convention d'application de l'accord de Schengen. Ils le faisaient avec force, en confirmant qu'ils mesuraient parfaitement tous les enjeux de cette adhésion, pour leur pays comme pour l'Union européenne.
Malgré d'évidentes difficultés - l'Autriche, on l'a rappelé, est en effet un pays disposant d'une frontière extérieure de plus de 1 000 kilomètres avec les pays d'Europe centrale et orientale, notamment la Tchéquie, la Hongrie et la Slovénie - nous ne pouvions donc plus ignorer les efforts importants engagés dans ce domaine par le gouvernement de Vienne.
Nous avions d'ailleurs eu l'occasion de pousser très loin la réflexion sur ce sujet avec nos collègues autrichiens, lors de leur visite, à l'occasion d'une réunion de travail que le ministre de l'intérieur de l'époque, Jean-Louis Debré, avait tenu à présider lui-même. Les risques évoqués par notre rapporteur tout à l'heure ont pu, en particulier, à cette occasion, être largement et sérieusement examinés.
Toujours comme président de notre groupe d'amitié France-Autriche, j'ai eu ensuite le privilège d'assister personnellement à un entretien au cours duquel le chancelier Klima, en visite officielle à Paris, insista personnellement auprès du Président de la République, Jacques Chirac, pour marquer l'importance de cette adhésion pour l'Autriche et pour demander que la France rapidement ratifie cet accord.
Je me suis donc très naturellement permis d'insister, dans le courant de l'été, pour que ce texte puisse être inscrit dès le mois d'octobre à notre ordre du jour, pourtant très chargé. Je suis heureux que ce soit le cas, monsieur le ministre.
Avec cette adhésion, les Autrichiens montrent en effet combien ils sont désormais engagés, avec nous et comme nous, dans la construction européenne. Ils le sont dans tous les domaines, même les plus sensibles, en assumant toutes les responsabilités que cela implique.
Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour saluer le caractère exemplaire des efforts fournis par l'Autriche dans un autre domaine, également important, celui de l'économie. Ces efforts portent également leurs fruits. L'Autriche sera en effet très vraisemblablement un membre de la première heure de l'Union économique et monétaire.
Revenant au texte de ce jour et avant de conclure j'ajouterai simplement qu'il me paraît bon que l'Autriche et l'Italie rejoignent l'une et l'autre Schengen. Cette coïncidence est heureuse pour l'Autriche, elle était même nécessaire. Elle l'est du point de vue général des relations qui unissent l'Autriche et l'Italie, comme du simple point de vue de l'efficacité de l'accord de Schengen lui-même. Elle était, en fait, indispensable.
Nous avons donc toutes les raisons de voter le projet de loi qui donne notre accord à l'adhésion de la République d'Autriche à l'espace Schengen.
Nous devons surtout, au-delà de cette approbation, nous féliciter de cette adhésion, laquelle marque une étape significative de la construction européenne, d'une construction que l'Autriche et la France entendent poursuivre ensemble avec la même rigueur et la même passion. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
(M. Jacques Valade remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des projets de loi autorisant l'approbation des accords d'adhésion de la Grèce et de l'Autriche à l'accord de Schengen nous a obligés, avant d'aller plus loin, à voir comment cet accord avait été appliqué et quelles en avaient été les conséquences depuis la première signature entre la France, l'Allemagne et le Benelux, le 14 juin 1985, et, plus récemment, la convention d'application du 19 juin 1990.
Ce bilan vient d'être excellemment dressé d'abord par vous-même, monsieur le ministre, bien que vous m'ayez paru parfois un peu optimiste, puis par notre rapporteur, M. Nicolas About, de façon plus contrastée, et, à l'instant, par MM. Rouvière, Badré et, bien entendu, Paul Masson.
Le long exposé de M. Masson nous dispense, à vrai dire, de revenir sur nombre de questions ; je l'en félicite et l'en remercie.
Pour ma part, je rappellerai simplement que c'est à une large majorité que le Sénat a toujours ratifié les textes portant sur Schengen. Mais il l'a toujours fait en émettant quelques réserves, notamment sur un point qui me paraît d'importance.
Si nous étions d'accord pour nous bâtir un nouveau logis et faire totalement confiance à nos partenaires, à nos voisins, en laissant pour eux nos portes ouvertes, nous souhaitions vivement, en même temps, que les grandes portes sur l'extérieur soient verrouillées, parce que, bien entendu, dans ce logis, regardé avec envie par l'étranger, toutes sortes de gens qui n'y avaient pas droit, au moins pour le moment, cherchaient à y entrer.
C'est là un point essentiel : à l'ouverture des portes intérieures devait correspondre une plus grande surveillance des accès extérieurs. Or, cela n'a pas été fait, du moins pas comme il aurait fallu.
Bien au contraire, à la hâte mise à abattre toutes ces frontières intérieures a trop souvent correspondu une extrême lenteur, voire un certain laxisme, dans la construction des barrières, des gardes pour l'extérieur. D'où nombre de difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.
Au moment de l'adhésion de l'Italie, en juin 1991, j'avais moi-même pris la parole sur ce point précis, en montrant à quel point les frontières de l'Italie - mais il y en a d'autres ! - étaient de véritables passoires.
A l'instant où nous parlons de l'adhésion de l'Autriche, qui a une longue frontière commune avec l'Italie, je rappelle, après M. le rapporteur et M. Masson, que l'Italie nous a promis, notamment lors des entretiens récents de Chambéry, de faire en sorte que la frontière entre elle-même et l'Autriche soit spécialement surveillée.
Tout a été dit sur les progrès faits en matière de libre circulation des personnes. Cette liberté est juridiquement reconnue depuis le traité de Rome ; mais M. de La Malène, dans son rapport sur le traité d'Amsterdam, voilà seulement une quinzaine de jours, nous a rappelé que ce droit pouvait néanmoins avoir des conséquences sérieuses.
L'harmonisation des visas n'est pas si au point qu'on le dit. Ce n'est pas encore fait. Pour ce qui est de la mise en place du système d'information Schengen, le SIS, on a fait des progrès, mais certains pays n'ont pas les moyens de l'utiliser, ne serait-ce que parce qu'ils ne disposent pas du matériel informatique nécessaire.
A ce propos, je traiterai de l'autorité de contrôle commune, l'ACC, qui a été mise en place en application de l'article 115 de la convention et que préside notre excellent collègue Alex Türk.
M. Türk a constaté qu'il existait une grande hétérogénéité des fichiers nationaux de police entre la France et le Luxembourg, d'une part, et les autres pays, d'autre part. Il a également relevé une insuffisance totale des mesures techniques pour garantir la sécurité des fichiers de Schengen, une ouverture excessive de l'accès au système d'information Schengen et une grande incertitude dans la gestion et le transport des supports magnétiques. Il faut perfectionner tout cela.
Reste un problème immense, celui de la drogue. M. Masson a rappelé que, aux termes de l'article 71-2 de la convention, des dispositions ont été signées par les Pays-Bas pour empêcher l'exportation illicite des stupéfiants et, notamment, pour arrêter la culture du canabis et son introduction en Europe. Malheureusement, les mesures prises à cet égard restent très insuffisantes.
Aussi, la France a été obligée de renforcer la surveillance de sa frontière avec la Belgique et d'utiliser très judicieusement la clause de sauvegarde prévue à l'article 2, paragraphe 2, de la convention.
Sont également prévues des mesures pour répondre à la menace que constitue le terrorisme. En ce moment, ces mesures demeurent latentes ; elles n'ont pas à être mises en exécution de manière particulièrement rigide, elles constituent une précaution permanente et nécessaire. A cet égard, il ne faut certainement pas baisser la garde.
Alors, que conclure ? Tout d'abord que l'adhésion de l'Autriche est une adhésion à risque, c'est vrai ; l'Autriche a 1 200 kilomètres de frontières tous azimuts en plein centre de l'Europe. Dans son rapport, M. About note que tous les jours passent au poste frontière de Niekelsdorf, entre Budapest et Vienne, cinq cents camions lourdement chargés, quelquefois avec des clandestins à l'intérieur ; on en découvre quasiment chaque semaine. La Bavière a pris des précautions que M. Masson nous a signalées, et notre rapporteur a dit qu'il fallait veiller à la frontière avec l'Italie.
Mais comment retarder l'adhésion d'un pays comme l'Autriche, avec toute la richesse culturelle et sociale que représente l'héritage de l'empire des Habsbourg et cette présence en plein centre de l'Europe ? Il faut certainement l'accueillir, en lui recommandant la vigilance.
Quant à la Grèce, que peut-elle faire avec ses 3 000 îles qui font comme des passerelles à travers la mer Egée ? Pour venir de Turquie, on pourrait presque, en certains endroits, pratiquement passer à la nage !
Comment assurer la surveillance d'une telle frontière ? Au-delà de la Turquie se trouvent tous les pays du sud de l'ex-Union soviétique. Des milliers d'hommes voudraient aller en Europe, par tous les moyens. C'est là un fait dont il faut avoir conscience.
M. Emmanuel Hamel. C'est aberrant !
M. Jacques Habert. Je comprends votre réaction, monsieur Hamel.
Néanmoins, là encore, comment trop retarder l'adhésion d'une nation qui est le berceau de notre civilisation occidentale ?
C'est cependant à juste titre qu'il est suggéré d'attendre au moins un an pour y voir plus clair avant que l'accord ne soit mis à exécution.
L'adhésion de la Grèce, malgré toute la sympathie que nous avons pour ce pays, est en effet une adhésion à haut risque. Dès lors, il faut se hâter, puisque ces peuples amis sont impatients, mais il faut se hâter lentement.
Veillons à ce que ce soit uniquement le jour venu que les accords que nous allons voter, et qui autoriseront l'adhésion de l'Autriche et de la Grèce à l'accord de Schengen, seront mis à exécution. Et il faudra le faire dans un esprit d'amitié, mais avec toutes les précautions nécessaires pour que notre Europe reste ce que nous souhaitons qu'elle soit. (Applaudissements sur les travées du RPR)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe a eu plusieurs fois l'occasion de faire part de son opposition aux accords de Schengen.
Il ne nous semble toutefois pas opportun de nous opposer ici à des projets de loi qui se limitent à l'approbation de l'accord d'adhésion de deux États, la République hellénique et la République d'Autriche, à la convention d'application de ces accords. Cela pourrait en effet être interprété simplement comme une attitude négative à l'égard de ces pays. Tel n'est pas notre objectif.
Nous tenons cependant, par notre abstention, à réaffirmer notre désaccord de principe sur Schengen dans son ensemble.
Les accords de Schengen affirment la liberté de circulation pour les ressortissants de la Communauté à l'intérieur de l'espace Schengen. Mais, parallèlement, les dispositions s'accompagnent d'un renforcement des contrôles basés sur des logiques contestables, favorisant notamment les discours sécuritaires et les législations discriminatoires.
On aboutit, de fait, à une certaine conception des contrôles qui conduit inévitablement à une construction européenne repliée sur elle-même et inefficace.
La volonté manifeste d'associer dans un même corpus terrorisme, trafic de drogue, libre circulation, trafic d'armes, asile et immigration ne fait que renforcer cette tendance.
Par ailleurs, il apparaît de plus en plus évident que Schengen entraîne une perte de contrôle démocratique et qu'il existe un manque de transparence sur les mesures de sécurité dites « compensatoires ». De quelles informations disposons-nous sur leur mise en application, sur les moyens utilisés, sur leur efficacité, et sur leur coût réel ?
Je tiens également à réaffirmer nos doutes et nos inquiétudes sur la menace que font peser certaines mesures sur les libertés individuelles, en particulier le système d'information Schengen, qui s'avère par ailleurs globalement coûteux et peu efficace au regard des objectifs initiaux. Un rapport de la cour des comptes néerlandaise concernant le SIS révèle, par exemple, plusieurs éléments qui confortent l'idée que son rôle effectif s'apparente plus à celui d'une « super police » d'immigration qu'à un instrument de lutte contre le crime en général.
M. Nicolas About, rapporteur. Cela sert à cela !
M. Robert Pagès. Ainsi, sur les 2 620 personnes « rentrées » dans le SIS néerlandais en 1995, 2051 ont été fournies par l'organisme qui fait en quelque sorte office de police de l'immigration aux Pays-Bas.
M. Nicolas About, rapporteur. Cela sert à cela !
M. Robert Pagès. Même si ces données ne concernent pas directement notre pays, il est évident que, Schengen étant intergouvernemental, les logiques sont les mêmes pour l'ensemble des pays.
Enfin, Schengen implique le développement de pouvoirs de police supranationaux peu et mal contrôlés et la remise en cause partielle de la souveraineté nationale, qui vont à l'encontre de nos principes et de notre conception de l'Europe.
Le cadre étatique nous semble le plus pertinent pour assurer la sécurité de chaque pays et surtout le contrôle démocratique des mesures nécessaires à son maintien.
Cela n'empêche pas, parallèlement, le développement d'une coopération judiciaire et policière, mais avec un contrôle interparlementaire démocratique réel.
Pour ces raisons, je confirme que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ces projets de loi.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai voté contre les accords de Schengen lorsqu'ils ont été soumis à notre approbation, voilà près de dix ans.
J'ai voté contre parce qu'un Etat qui se défait de la mission de protéger ses frontières met en péril la nation qu'il a vocation de protéger, surtout lorsque cette nation et cet Etat sont la France, ce pays si beau, si magnifique, qui suscite de par le monde la volonté et la tentation d'y venir et de s'y installer.
Pourquoi donc aujourd'hui voterais-je l'extension de ces accords ? Non pas que j'ignore, comme l'a évoqué avec le talent qu'on lui connaît notre collègue Jacques Habert, ce que l'Autriche nous a apporté, l'Autriche cette terre si magnifique que je connais depuis plus d'un demi-siècle, avant même que vous ne soyez né, monsieur le ministre. Oui ! je sais tout ce qu'elle a apporté à l'Europe.
Et la Grèce ? La Grèce « ma mère où le miel est si doux, Argos et Ptéleon, villes des hécatombes et Messa la divine, agréable aux colombes », je la connais aussi la Grèce, et je respecte les Grecs comme j'ai de l'amitié et de l'estime pour les Autrichiens.
Mais je ne veux pas voter pour l'extension d'accords dont d'éminents collègues spécialistes de ce problème nous ont dit à quel point leur application était funeste, leur bilan décevant, c'est écrit dans le rapport.
Pourquoi donc aujourd'hui irais-je contredire le vote que j'avais émis lors de la demande d'approbation de ces accords de Schengen ? J'avais voté contre alors, et je vote aujourd'hui contre cette extension.
J'estime dramatique de penser qu'un pays comme le nôtre s'enfonce dans l'erreur tragique qu'il a commise de renoncer à sa vocation d'être un Etat qui défend sa nation, coopère avec les autres mais défend ses frontières et les protège, au lieu d'en faire des passoires pour le crime, pour toute l'immigration clandestine. C'est inconcevable. Hélas, pauvre France !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, j'interviens de nouveau, mais au terme d'un débat de qualité qui témoigne du travail du Sénat et de l'attention qu'il porte aux accords de Schengen. Notre débat d'aujourd'hui n'a en effet rien d'une péripétie.
J'ai apprécié le rapport de M. About : il pose avec clarté les défis que ces adhésions imposent de relever et souligne à quel point il est indispensable de trouver un équilibre entre la liberté de circulation des personnes, qui est le fondement des accords de Schengen, et la sécurité, sécurité des Etats, sécurité des personnes. Là encore, M. le rapporteur relève avec précision les difficultés auxquelles se heurte l'application des accords de Schengen pour l'Autriche et - soyez certains que le Gouvernement en est conscient - plus particulièrement encore pour la Grèce.
Je partage les conclusions de M. le rapporteur. Sa position, je le répète, est équilibrée et sage. Elle tient compte des exigences du comité exécutif et aussi des efforts des Etats qui souhaitent aujourd'hui adhérer à Schengen, souhait dont témoignent les projets de loi qu'il vous est aujourd'hui proposé d'adopter.
Je pourrais m'en tenir là, sans en « rêver la nuit », et sans avoir exploré, comme M. Masson, la mine que contiennent les accords de Schengen ; je veux toutefois répondre aux observations et aux questions que vous avez formulées les uns et les autres, notamment à celles de M. Masson dont j'ai apprécié le long mais très nourri exposé.
Je remercie M. Rouvière du soutien du groupe socialiste et M. Badré de son attachement à l'Autriche.
Je regrette un peu le pessimisme de M. Habert, comme il a regretté mon optimisme.
Je respecte la position du groupe communiste citoyen et républicain.
Je note celle de M. Hamel qui est cohérente avec un engagement de longue date, lequel, à l'évidence, n'est pas le mien.
Je répondrai maintenant à vos interrogations.
Je commencerai par les moyens mis en oeuvre par l'Autriche, question posée, notamment par M. Masson.
L'Autriche exerce un contrôle systématique des véhicules de tourisme et des véhicules commerciaux, d'abord pour le franchissement à l'entrée de ses frontières orientales avec la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie, je reviendrai sur ce point. Elle exerce aussi ce contrôle à la sortie de son territoire aux postes frontières avec la Bavière.
En outre, les autorités autrichiennes ont entrepris une restructuration de leurs moyens en personnels qui, par ailleurs, connaissent une augmentation sensible.
L'Autriche entend remplir ses obligations par le biais d'une coopération renforcée entre la gendarmerie, la police, les services des douanes et l'armée fédérale elle-même.
Ainsi, à l'ensemble des contrôles aux frontières extérieures, 4 566 agents ont été affectés par l'Autriche au 1er janvier 1997. Cet objectif a dû augmenter de près d'un millier, pour atteindre 5 551 agents au 1er juillet 1997, dont 1 950 militaires ; à la frontière austro-hongroise, 2 000 hommes de l'armée renforcent ces effectifs.
La présente période de transition est mise à profit à des fins de formation des agents des différents ministères concernés.
Les équipements ne sont pas en reste, notamment en ce qui concerne les frontières terrestres, afin d'assurer le contrôle des flux vers la voie fluviale du Danube. Un dispositif est opérationnel depuis la fin du mois de mai 1997 dans les deux sens du fleuve au niveau de la ville de Vienne ; des vedettes rapides devraient être acquises prochainement pour assurer essentiellement la surveillance entre Vienne et la Slovaquie.
L'administration douanière a, pour sa part, renforcé aux points de passage frontalier qui présentent le plus grand risque les effectifs de base par des équipes d'intervention en matière de stupéfiants ayant reçu une formation dans ce domaine et disposant de matériels performants.
En outre, des équipes mobiles de surveillance ont été créées.
Par ailleurs, des accords bilatéraux d'assistance administrative ont été conclus par l'administration des douanes. Des salles de contrôle équipées d'endoscopes et de rayons X ont été mises en place aux points de passages frontaliers identifiés comme points d'entrée majeurs de stupéfiants.
Plusieurs d'entre vous ont qualifié cette adhésion d'« entrée à risques ». Il est clair que l'Autriche a effectivement une vaste frontière à contrôler, mais je crois qu'elle a développé des moyens tout à fait importants pour ce faire.
S'agissant plus particulièrement de la frontière austro-hongroise, sur laquelle M. Masson a attiré mon attention, je précise qu'aux travaux menés dans le cadre de Schengen s'ajoutent ceux que nous menons dans le cadre de l'Union, c'est-à-dire du troisième pilier, et dans la perspective de l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale. C'est ainsi que, sur notre initiative et en étroite coopération avec l'Autriche, ont déjà eu lieu des séminaires d'information et de formation sur toutes les questions du troisième pilier avec les pays d'Europe centrale et orientale, candidats à l'adhésion.
Ces travaux seront poursuivis ; ce sera l'un des objets de la stratégie de préadhésion ; des crédits du programme PHARE seront mobilisés à cet effet.
S'agissant de la participation de la France aux négociations - point sur lequel M. le rapporteur a déjà répondu - je m'étonne que M. Masson laisse entendre qu'il y aurait eu une absence de la France.
La France a toujours participé de près aux travaux du comité exécutif. Le sommet d'Innsbruck, provoqué de façon un peu inopinée, avouons-le, ne la concernait pas directement et nous n'y étions pas invités. En revanche, il est vrai que nous avons participé dès la première réunion, le 1er septembre 1997, au groupe d'experts mis en place à Innsbruck ; nous continuons à y participer.
Parallèlement, nous avons traité de manière bilatérale, par de nombreuses rencontres au niveau ministériel, à la fois avec le ministre des affaires européennes et le ministre de l'intérieur - j'y reviendrai - les questions multilatérales.
Je confirme, mais vous le savez, bien sûr, monsieur le sénateur, les signatures des conventions transfrontalières avec l'Italie, à Chambéry le 3 octobre, qui comportent deux accords : un accord de réadmission et une convention de coopération transfrontalière.
Avec l'Allemagne, les arrangements administratifs existants ont été remplacés par une convention en bonne et due forme qui répond, je l'espère, aux préoccupations que vous avez exprimées. Cette convention a été signée par M. Chevènement le 9 octobre 1997.
S'agissant de la Grèce, peut-on dire que c'est sur l'insistance de la France qu'un compromis boîteux a été trouvé ? Je ne le crois pas et je voudrais préciser la façon dont les choses se sont déroulées.
Nous avons, comme d'autres pays - pas avec la même tonalité que l'Allemagne, il est vrai - clairement fait part à nos amis grecs de nos préoccupations quant à leur capacité à assurer les contrôles aux frontières maritimes et aéroportuaires. Ce n'est que pour éviter un blocage complet de l'ensemble des décisions dont les répercussions auraient pu être fâcheuses sur d'autres dossiers européens - je ne pense pas qu'à la Grèce, mais aussi à l'Italie ; nous aurions ouvert à cette occasion une crise tout à fait malvenue - que nous sommes intervenus pour rechercher un compromis dont la teneur est, à mon sens, parfaitement conforme aux attentes qui ont été exprimées par vos collègues parlementaires à l'Assemblée nationale ainsi que par des membres de votre assemblée que nous avons pu rencontrer à l'occasion de la préparation de cette séance.
Nous sommes en effet convaincus qu'en tenant la Grèce en dehors des accords de Schengen nous n'obtiendrions aucune garantie d'aucune sorte que ce pays poursuive les efforts engagés pour remplir les objectifs et les conditions fixés par la convention.
Vaut-il mieux avoir un pays hors de l'accord et qui ne respecte aucune de ses dispositions ou un pays adhérant à l'accord qui, petit à petit, s'adapte sous le contrôle vigilant des Etats membres ?
A notre sens, la deuxième solution est préférable. Elle permettra à la Grèce, si, bien entendu, votre assemblée accepte de ratifier cet accord, de mettre en oeuvre l'ensemble de ses dispositions, excepté celles qui concernent la levée des contrôles.
Comme l'a souligné M. Masson, la décision sur ce point ne sera prise que dans un an. D'ici là, une commission d'experts se rendra sur le terrain et remettra un rapport analysant la situation au comité exécutif, pour éclairer sa décision. Je précise que, si celle-ci est reportée à la fin de l'année 1998, cela ne signifie pas pour autant qu'à cette date le comité exécutif décidera automatiquement de la levée immédiate des contrôles aux frontières : au vu du rapport des experts, il établira un calendrier qui, lui aussi, peut être progressif.
Je crois que nous avons ainsi les garanties nécessaires. Comme vous le voyez, la France ne s'autorise, dans ce domaine essentiel de la sécurité, aucun laxisme.
En ce qui concerne la répartition des compétences entre le ministre de l'intérieur et le ministre des affaires étrangères, ou le ministre délégué aux affaires européennes, j'ai noté le plaisir gourmand que M. Masson avait pris à évoquer longuement et avec talent cette question. Comment s'en étonner lorsque l'on connaît la mission que le précédent Premier ministre lui avait confiée et visant à dresser le bilan de l'application de la convention du fait de l'insatisfaction, très réelle, née au cours de la première phase d'application ?
Dans ce rapport, monsieur Masson, vous aviez été amené à faire des propositions. Je sais tout l'intérêt que vous portez à ces questions. Mais, s'agissant des rôles respectifs des ministères de l'intérieur et des affaires étrangères - vous priant presque de m'excuser d'être devant vous aujourd'hui à défendre ces projets de loi - je tiens à souligner que la fonction de porte-parole de la délégation française, qui revient au ministre délégué chargé des affaires européennes - en l'occurrence moi-même - ne l'a jamais conduit à prendre en quoi que ce soit des positions personnelles.
Je pourrais aussi noter qu'en fait c'est pratiquement la moitié des Etats Schengen qui font conduire leur délégation par leur ministre des affaires européennes - je pense à l'Italie, à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas. Cela sera peut être modifié ultérieurement, mais cela signifie que, dans la phase qui prévalait jusqu'à maintenant et qui continuera d'être en vigueur jusqu'à l'application du traité d'Amsterdam, il y avait un ensemble de questions de sécurité, mais aussi diplomatiques et juridiques, qui exigaient peut-être une vue interministérielle.
A l'instar de la procédure suivie au sein de l'Union européenne, les réunions du comité exécutif comme l'ensemble des groupes d'experts Schengen font l'objet d'une préparation interministérielle sous l'égide du SGCI.
Je tiens à cette occasion, comme vous-mêmes, à saluer à cette tribune le travail du préfet coordonnateur qui a été récompensé par un très beau poste territorial. Nous veillerons bien entendu, avec le ministre de l 'intérieur, à son remplacement prochain.
Chaque fois que des questions à caractère politique se sont posées, soyez certains qu'elles n'ont pas échappé à la vigilance du Quai d'Orsay et qu'elles ont été traitées au niveau adéquat, celui des ministres.
La question italienne, par exemple, nous en avons parlé avec les ministres des affaires étrangères, mais aussi avec les ministres de l'intérieur.
Je peux, par ailleurs, vous assurer que l'expertise du ministère de l'intérieur comme celle des ministères de la défense, de la justice ou celle des autres ministères concernés ont toujours été largement prises en compte.
Je souligne au passage que d'autres pays, en dehors même du ministre des affaires européennes, font conduire leur délégation par le ministre de la justice, ce qui prouve que la réponse à cette question n'est pas d'une évidence totale.
Pour ce qui me concerne, chaque fois que c'est nécesaire, j'évoque, avec le ministre de l'intérieur, les questions à caractère européen qui relèvent également de sa compétence.
S'agissant du trafic de stupéfiants, qui a été évoqué par M. le rapporteur ainsi que par M. Masson, il est clair que cette question préoccupe fortement l'ensemble des Etats Schengen.
Sur l'initiative de la France, une stratégie a été élaborée pour améliorer la lutte contre le tourisme de la drogue entre les Etats Schengen.
Les recommandations pratiques et techniques applicables à tous les aspects de la lutte contre tous les stupéfiants ont été adoptées en application de cette stratégie. En particulier, la coopération entre les services concernés a été intensifiée, ce qui a permis une augmentation des demandes de livraisons surveillées, des commissions rogatoires et des extraditions.
S'agissant plus particulièrement des Pays-Bas, problème qui, là non plus, n'a échappé à personne, un certain nombre d'avancées concrètes - ne les exagérons pas, mais ne les minimisons pas non plus - ont été réalisées à titre bilatéral. Je rappelle pour mémoire la signature d'un accord de coopération douanière prévoyant l'échange de fonctionnaires ainsi que la décision, à notre demande, des Pays-Bas d'installer un dispositif de contrôle des conteneurs dans le port de Rotterdam. Cette coopération se poursuit.
Nous attendons toutefois d'autres résultats, des résultats plus importants. C'est pourquoi, à ce jour, il n'a pas été envisagé de lever la clause de sauvegarde.
J'évoquerai maintenant un dernier point - j'en ai noté d'autres, mais on se doit toujours dans cet exercice d'être un peu sélectif - l'intégration de l'accord de Schengen dans le traité d'Amsterdam.
Ce sujet pose des questions tellement complexes, qui ont été évoquées avec virtuosité par M. Paul Masson, qu'il nous donnera sans doute l'occasion d'avoir d'autres échanges, écrits et oraux. Je m'efforcerai cependant de dresser une brève synthèse sur ce thème.
L'intégration de l'accord de Schengen dans le traité d'Amsterdam n'a jamais figuré au rang des propositions françaises au titre de la Conférence intergouvernementale, même si, je le sais, monsieur le sénateur, elle figurait dans votre rapport de 1996.
La communautarisation d'une partie des dispositions du troisième pilier a fait l'objet d'un arbitrage par le Premier ministre de l'époque, M. Alain Juppé, dès la fin de l'année 1995, et cette idée a été reprise dans la première lettre franco-allemande rédigée par le Président de la République et le Chancelier Kohl en vue de la Conférence intergouvernementale.
M. Masson a plus particulièrement posé la question de la base juridique qui sera retenue. Le protocole de Schengen annexé au traité d'Amsterdam prévoit que le Conseil déterminera à l'unanimité des membres concernés la base juridique pour chacune des dispositions ou décisions constituant les acquis de Schengen.
Concrètement, cela signifie que les dispositions de Schengen seront intégrées, selon leur objet, soit dans le premier, soit dans le troisième pilier. Tant que le Conseil n'aura pas déterminé la base juridique exacte, les dispositions ou décisions constituant les acquis de Schengen seront considérées comme des actes fondés sur le titre VI du traité.
Pour ce qui concerne le Conseil constitutionnel, ce dernier sera bien entendu saisi par le Gouvernement du traité d'Amsterdam. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux pas préjuger aujourd'hui les difficultés qui pourraient survenir. Il s'agit d'un acte substantiel dans la procédure de ratification, qui pourrait, le cas échéant, entraîner une révision constitutionnelle. Mais, nous n'en sommes pas là !
Je souligne au passage qu'à l'occasion de l'application du traité d'Amsterdam et de l'intégration des dispositions de Schengen dans ce traité, la question qui vous tient tant à coeur, monsieur le sénateur, celle des compétences croisées entre, d'une part, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur et, d'autre part, le ministère de la justice, trouvera enfin une solution dans le sens que vous souhaitez, même s'il restera sans doute à définir les liens entre ces trois ministères.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les sénateurs, le Sénat, si j'en crois les interventions qui se sont succédé, s'apprête à voter ces textes. Je crois qu'il s'agit en effet d'une décision sage et équilibrée.
Vous allez ainsi satisfaire une très vive attente dans les pays concernés qui, monsieur Hamel, sont des pays de culture, des pays amis, des pays européens et qui doivent à ce titre pouvoir continuer de participer au mouvement de la construction européenne, principalement fondée sur la libre circulation des personnes.
Soyez assurés, sur tous les bancs de cette assemblée, que l'application de ces accords, grâce à votre vote d'aujourd'hui, ne signifie en rien que le Gouvernement relâchera sa vigilance, bien au contraire.
M. Habert a souligné le problème de l'efficacité des contrôles. Selon certains spécialistes du ministère de l'intérieur, et non des moindres - je pense au directeur général de la police nationale - les nouveaux types de contrôles mobiles réalisés par des patrouilles communes mis en place après les postes de contrôle-filtre traditionnels sont beaucoup plus efficaces.
De manière générale, nous savons bien qu'une action coordonnée, une coopération renforcée aboutissent à de meilleurs résultats que la simple fermeture de toutes les portes et de toutes les fenêtres.
Nous allons, vous allez aujourd'hui permettre à l'Autriche et à la Grèce de mettre en vigueur les accords de Schengen. Je crois que cette juste décision ne nous dispense en aucun cas de l'effort indispensable pour assurer la sécurité des Etats, la sécurité des personnes et celle des biens. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ? ...
La discussion générale commune est close.

ADHÉSION DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE
À LA CONVENTION D'APPLICATION
DE L'ACCORD DE SCHENGEN

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 427.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de l'accord d'adhésion de la République hellénique, signé à Madrid le 6 novembre 1992, à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne le 27 novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la République portugaise le 25 juin 1991, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

ADHÉSION DE LA RÉPUBLIQUE D'AUTRICHE
À LA CONVENTION D'APPLICATION
DE L'ACCORD DE SCHENGEN

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 428.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord d'adhésion de la République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne, le Royaume d'Espagne et la République portugaise, et la République hellénique par les accords signés respectivement le 27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6 novembre 1992, signé à Bruxelles le 28 avril 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

8

CONVENTION ET PROTOCOLE CONCERNANT LA CRÉATION D'UN OFFICE EUROPÉEN DE POLICE

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 363, 1996-1997), autorisant la ratification de la convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un office européen de police (ensemble une annexe et quatre déclarations [Rapports n° 430 (1996-1997)], et n° 24 (1997-1998) et du projet de loi (n° 364 1996-1997), autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité de l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention portant création d'un office européen de police. [Rapports n° 430 (1996-1997) et n° 24 (1997-1998)].
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui au vote de votre Haute Assemblée deux projets de loi relatifs à l'office européen de police Europol. Le premier autorise la ratification de la convention portant création d'Europol, signée le 26 juillet 1995 à Bruxelles. Le second autorise la ratification du protocole concernant l'interprétation à titre préjudiciel de la convention portant création d'un office européen de police, signé à Bruxelles le 24 juillet 1996.
La convention portant création d'Europol constitue une étape importante du développement de la coopération policière entre les Etats membres de l'Union européenne. Motivés par le souci de faire face aux nouvelles formes de criminalité internationale, les Etats membres ont inscrit dès 1992 à Maastricht, dans le traité sur l'Union européenne, la création d'une structure commune compte tenu de l'urgence de lutter contre les trafics internationaux de drogue. Un premier élément de cette structure commune, l'unité drogue Europol, a été mis sur pied dès 1993.
Mais ce n'est qu'en juillet 1995 qu'un accord a pu être trouvé, sous la présidence française de l'Union, sur le texte qui vous est soumis aujourd'hui. Et c'est avec l'entrée en vigueur de la convention Europol que se concrétisera la volonté des Etats membres d'approfondir leur coopération policière.
Ce texte vous est soumis plus de deux ans après sa signature. Cela tient au fait qu'un accord n'avait pu être trouvé, en juillet 1995, sur l'étendue des compétences de la Cour de justice des Communautés pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation de la convention. Le Royaume-Uni refusait, en effet, toute attribution de compétence à la Cour. Une solution de compromis ne se dessina qu'en juillet 1996. Par la suite, certains Etats membres firent de la ratification du protocole ainsi adopté une condition de la ratification de la convention. Malgré l'urgence de la ratification, soulignée en décembre 1996 par la France et l'Allemagne, la procédure fut interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale. Elle se conclut aujourd'hui.
Europol est, pour l'essentiel, une structure intergouvernementale de collecte, d'analyse et d'échange d'informations entre les services répressifs des Etats membres.
Le maintien du caractère intergouvernemental d'Europol est garanti par la répartition des rôles entre les agents de l'office et les officiers de liaison, qui représentent leur unité nationale au sein de l'office.
Surtout, Europol, placé sous l'autorité de son directeur, fonctionnera sous le contrôle de son conseil d'administration, composé d'un représentant de chaque Etat membre.
Enfin, tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application de la convention doit, dans un premier temps, être examiné au sein du Conseil statuant à l'unanimité, en vue de parvenir à une solution.
Outre la mise en commun d'informations collectées par les services répressifs des Etats membres, l'apport le plus novateur d'Europol est la notion d'analyse criminelle à l'échelon européen. Les analystes de l'office traiteront les informations ainsi réunies de façon à améliorer l'efficacité des enquêtes qui s'étendent au-delà des frontières nationales. L'analyse permettra des rapprochements et des recoupements entre des informations émanant de l'ensemble de l'Union, dans les domaines couverts par Europol : la prévention de la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, de matières nucléaires et radioactives, les filières d'immigration clandestine, la traite des êtres humains, le trafic des véhicules volés.
Les résultats de ces analyses seront mis à la disposition des services répressifs nationaux. Ceux-ci disposeront ainsi de toutes les informations leur permettant de démanteler, en coopération avec les polices d'autres Etats membres, des filières internationales de trafic de stupéfiants ou d'immigration clandestine.
Le rôle d'Europol dans le développement de la coopération policière a été consolidé par le traité d'Amsterdam. Ce traité prévoit que le Conseil doit, dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur, encourager la coopération par l'intermédiaire d'Europol. Dans le cadre de cette coopération, Europol doit, de son côté, apporter son appui à la mise en oeuvre d'enquêtes et d'actions opérationnelles menées par des équipes conjointes des Etats membres. Il faudra dans le même délai permettre à Europol de demander aux autorités compétentes des Etats membres de coordonner leurs enquêtes dans des affaires précises.
Le Conseil devra en outre favoriser l'établissement de contacts entre magistrats et enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée, en étroite coopération avec Europol, et instaurer un réseau de recherche, de documentation et de statistiques sur la criminalité transfrontière.
Europol est donc ainsi appelé à se développer et à accroître progressivement son rôle de coordination de la coopération policière tout en conservant - j'insiste sur ce point car il est très important - son caractère intergouvernemental.
En tant que système d'information, Europol devait faire l'objet de mesures de protection des données à caractère personnel et de dispositions spécifiques relatives à l'accès des particuliers aux données les concernant. C'est l'objet d'un titre entier de la convention - le titre IV - relatif au traitement de l'information.
La convention prévoit que les Etats membres doivent adopter, avant son entrée en vigueur, les règles de droit interne garantissant un niveau de protection des données correspondant au moins à la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981. La transmission de données à caractère personnel ne peut commencer qu'une fois ces règles entrées en vigueur.
Par ailleurs, comme vous le savez, les législations nationales dans cette matière sont harmonisées par la directive communautaire 95/46 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Des dispositions détaillées prévoient et encadrent le droit d'accès des particuliers aux données les concernant, ainsi que les conditions d'effacement et de rectification de ces données. Les procédures prévues par la convention Europol assurent aux particuliers, qui peuvent choisir la législation applicable à leur demande d'accès, un accès assez large aux données les concernant, tout en garantissant la protection des intérêts d'ordre public et de sécurité publique des Etats membres.
Les opérations relatives aux données à caractère personnel sont placées sous le double contrôle des autorités nationales - en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL - et d'une autorité de contrôle commune.
L'ensemble de ces dispositions est cohérent avec l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dont le traité d'Amsterdam fait un objectif de l'Union européenne. La coopération policière dans le cadre d'Europol trouve naturellement sa place dans ce projet.
La convention Europol ne serait néanmoins pas complète sans le protocole dont il vous est aujourd'hui demandé d'autoriser la ratification.
Le protocole concernant l'interprétation à titre préjudiciel de la convention portant création d'un Office européen de police, signé à Bruxelles le 24 juillet 1996, prévoit les conditions dans lesquelles la Cour de justice des Communautés européennes sera amenée à statuer sur l'interprétation de la convention portant création d'Europol.
La convention elle-même prévoit d'ores et déjà que les différends entre Etats membres portant sur son interprétation ou son application, après avoir été examinés par le Conseil, font l'objet d'un règlement suivant des modalités définies d'un commun accord par les Etats parties à ces différends.
A l'exception du Royaume-Uni, tous les Etats membres sont convenus que, dans ce cas, ils soumettront systématiquement le différend en cause à la Cour de justice.
Le protocole permet aux Etats parties à la convention de reconnaître la compétence de la Cour de justice pour statuer à titre préjudiciel sur les questions d'interprétation de la convention.
Les Etats qui le souhaitent peuvent déclarer que toutes leurs juridictions nationales ont la faculté de saisir la Cour de justice. Ils peuvent aussi indiquer que seules les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne ont la faculté de saisir la Cour.
Les Etats parties peuvent en outre prévoir que les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel, lorsqu'une question d'interprétation de la convention est soulevée devant elles, sont tenues de saisir la Cour de justice.
Enfin, les Etats membres qui ne reconnaissent pas la compétence de la Cour de justice peuvent cependant intervenir dans les affaires qui lui seraient soumises.
Le Gouvernement français a retenu la formule selon laquelle seules les juridictions suprêmes ont la possibilité de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel. Cette solution permet d'obtenir une plus grande cohérence dans l'interprétation de la convention, tout en autorisant un filtrage des questions d'interprétation les plus importantes par les juridictions suprêmes.
L'extension du contrôle en interprétation de la Cour de justice constitue une garantie de voir respecter, dans le cadre de l'application de la convention Europol, les droits fondamentaux de la personne humaine dont la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu depuis de longues années qu'ils font partie des principes généraux du droit communautaire.
Compte tenu de l'importance de ces deux accords pour le développement de la coopération policière dans l'Europe des citoyens, je vous demande d'approuver les deux projets de loi qui vous sont aujourd'hui soumis.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention portant création d'Europol, signée le 26 juillet 1995 à Bruxelles, et le protocole concernant l'interprétation à titre préjudiciel de la convention portant création d'un office européen de police, signé à Bruxelles le 24 juillet 1996, qui font l'objet des deux projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes formes de criminalité, en particulier le trafic de drogue, ont su tisser des réseaux qui ignorent les frontières et échappent ainsi plus aisément aux investigations policières. Dans ce domaine aussi, la logique de « mondialisation » est à l'oeuvre, mais d'une manière fort préoccupante. En effet les démocraties apparaissent souvent démunies face au défi que soulève le développement de la criminalité internationale. Le renforcement de la coopération apparaît aujourd'hui comme une nécessité et une priorité, même s'il doit, bien sûr, s'inscrire dans le cadre de quelques grands principes.
Quels sont ces principes ? D'une part, le respect des prérogatives nationales dans un domaine qui intéresse au premier chef les compétences régaliennes des Etats, d'autre part, le respect des droits et libertés des citoyens. A cet égard, la création d'Europol, sur laquelle la Haute Assemblée est aujourd'hui invitée à se prononcer, satisfait à cette double préoccupation.
L'Office européen de police n'est pas cette « police fédérale européenne » appelée de ses voeux par le chancelier Kohl sur le modèle du FBI. Son profil est plus modeste et à mon goût peut-être trop modeste. En effet, Europol a pour principale vocation de favoriser l'échange d'informations entre Etats membres et de procéder à l'analyse de ces informations. Il ne dispose pas de compétences opérationnelles, les pouvoirs d'enquête demeurant du strict ressort des Etats membres.
En outre, l'organisme est régi par les principes de la coopération intergouvernementale.
D'abord, parce que si Europol dispose de ses propres agents placés sous l'autorité d'un directeur, il comprend également des officiers de liaison désignés par chacun des Etats membres pour représenter leurs intérêts respectifs.
Ensuite, parce que l'organisation d'Europol est placée sous la double tutelle du Conseil de l'union européenne et du conseil administratif d'Europol, dont les décisions sont, pour l'essentiel, prises à l'unanimité.
Enfin, parce que la compétence de la Cour de justice des Communautés européennes apparaît très encadrée. En effet, s'agissant de l'interprétation de la convention à titre préjudiciel, le dispositif retenu apparaît très souple : d'une part, la reconnaissance de la compétence de la Cour est facultative, d'autre part, selon le choix des Etats signataires, la saisine de la Cour de justice peut être ouverte à toutes les juridictions nationales ou réservée seulement au juridictions suprêmes. La France a opté pour cette dernière solution, ce qui permettra peut-être de limiter le nombre des questions préjudicielles aux seules questions de principe.
Ainsi la création d'Europol répond non seulement au respect du principe de la coopération intergouvernementale, mais aussi au respect des droits et libertés des citoyens. En effet, l'accord réalise un équilibre satisfaisant entre la confidentialité des informations transmises par les Etats à Europol et la protection des personnes.
S'agissant du droit d'accès aux informations, je relèverai cependant que la solution retenue s'écarte de la formule proposée par la présidence française au moment des négociations sur Europol.
En effet, Europol répond directement au requérant même dans les pays qui, comme la France, prévoient, en principe, le relais d'une autorité indépendante. Par ailleurs, toute personne désireuse d'accéder aux informations la concernant peut formuler sa demande dans l'Etat membre de son choix, et le droit à vérification s'exerce alors dans les conditions prévues par le droit national du pays dans lequel la demande a été formulée.
Il est clair ainsi que le souci de placer les citoyens des Etats membres d'Europol dans une situation d'égalité quant à l'accès aux données le concernant a primé sur la prise en compte des spécificités nationales. Toutefois, les clauses de sauvegarde obtenues par la France devraient en principe limiter les possibles inconvénients liés à ce système.
Dans ses grandes lignes, la convention Europol a su conjurer les soupçons qui pesaient, à l'origine, sur l'initiative allemande, et je crois qu'il faut saluer à cet égard le rôle joué dans les négociations par le gouvernement français de l'époque.
En fait, dans la situation actuelle, ce sont les insuffisances de la coopération policière, plutôt que ses excès, qu'il convient de regretter. De plus, il importe d'insister de nouveau sur l'insuffisance de la coopération judiciaire. En effet, la coopération policière se heurtera, à un moment ou à un autre, aux divergences des politiques de répression entre les Etat membres.
Pour conclure, Europol peut constituer une étape décisive dans le renforcement de la coopération policière entre les quinze Etats membres de l'Union européenne. C'est pourquoi, comme notre collègue Paul Masson, je souhaite que la participation de la France au sein de cette instance soit à la mesure de l'enjeu que représente pour notre pays la lutte contre la grande criminalité. C'est dans cet esprit que notre commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à adopter les deux présents projets de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie, pour avis, des deux projets de loi concernant la ratification de la convention portant création d'un office européen de police, Europol, et du protocole fixant les compétences de la Cour de justice des Communautés européennes, au regard de cette convention.
L'un et l'autre de ces deux textes ont été examinés au fond par la commission des affaires étrangères. Je ne reprendrai pas, ici, la présentation exhaustive des structures et des règles de fonctionnement, parfaitement analysées et exposées par notre excellent collègue, M. Nicolas About ; ses observations sont les nôtres, notamment s'agissant de l'accès direct aux données qu'il a fort opportunément évoqué.
Notre commission a, en revanche, analysé l'incidence de ces structures nouvelles et les procédures qu'elles impliquent sur le droit des Etats et des personnes. Elle m'a confié le mandat d'en livrer les observations et les conclusions à l'occasion de ce débat.
Les conceptions, très opposées, conduisirent dès le départ à des contradictions majeures dans l'approche du système. Ces contradictions furent difficiles à réduire. Le traité est le résultat d'une habile synthèse entre les thèses contraires d'une police à vocation fédérale, telle qu'elle était espérée par les Allemands et les Néerlandais, et d'un système d'information et de coopération mutuelles, tel que le souhaitaient les Français et les Britanniques.
Une patiente négociation, conduite dans la phase finale, sous la présidence française, a produit cette synthèse. Telle qu'elle, elle me paraît correspondre au double souci, sans doute partagé par tous ici, d'efficacité dans la coordination des efforts des polices nationales dans leur lutte difficile contre les trafics de drogue et le terrorisme et du respect du droit interne de chacun des Etats, dans la recherche, la poursuite et la répression de cette délinquance.
Dans leur ensemble, ces structures et ces règles garantissent le droit des Etats et des personnes ; c'est pourquoi elles n'appellent, de notre part, aucune objection d'ordre juridique.
En revanche, je voudrais me permettre, monsieur le ministre, à l'occasion de cette séance de ratification, d'appeler l'attention du Gouvernement sur trois points.
Observons, d'abord, que les mécanismes de contrôle institués par la convention, satisfaisants d'un point de vue théorique, pourraient, en pratique, se révéler inefficaces si les Etats n'exercent pas, à cet égard, toute la vigilance nécessaire.
Le directeur d'Europol est, certes, responsable devant le conseil d'administration. Mais que représente ce conseil, composé de personnalités désignées par tous les Etats membres et présidé, tous les six mois, par le représentant du pays assurant la présidence du conseil ? Que représente ce conseil d'administration en face des énormes pouvoirs concentrés entre les mains d'un haut fonctionnaire ayant, de par l'article 29 du traité, la responsabilité générale d'exécution des tâches, confiées à Europol, d'administration et de gestion ainsi que « d'élaboration et d'exécution adéquate des décisions des conseils » ?
Rien ne garantit que ce conseil sera en mesure d'assurer le contrôle effectif et le suivi permanent d'un système complexe, nécessairement technique, par essence secret et tout d'exécution.
On sait, par ailleurs, que les « analyses » produites par des spécialistes induiront progressivement leur propre logique dans ce système.
Une présidence tournante, des rencontres périodiques espacées, un ordre du jour préparé par le directeur, des résolutions élaborées dans le sérail : chacun connaît ces systèmes à l'abri desquels se développent bien des facilités. En France, nous avons de célèbres exemples de dérapages à cet égard.
La compétence d'Europol ira croissant ; l'article 2, paragraphe 2, de la convention est tout à fait clair à cet égard. Dans quelques années, n'en doutons pas, ces orientations seront déterminantes pour les polices nationales. N'est-il pas imprudent d'avoir conçu un système théoriquement parfait mais peu pratique et surtout inefficace ? Une police nationale est, en principe, tenue en main par un ministre responsable devant ses pairs, le Parlement et l'opinion. Qu'en sera-t-il dans quelques années d'Europol ? Où sera le ministre responsable ?
J'en viens à ma deuxième observation. Europol évoluera dans le cadre rénové de l'Union européenne, à partir d'un article K. 2, paragraphe 2 B, du traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre dernier.
Aux termes de cet article, « dans les cinq ans suivant la date d'entrée en vigueur du texte, le Conseil devra arrêter des mesures destinées à permettre à Europol de demander aux autorités compétentes des Etats membres de mener et de coordonner leurs enquêtes dans des affaires précises ».
Savez-vous, monsieur le ministre, ce que veulent dire les termes « demander aux Etats » tels qu'ils figurent dans la version française du traité ? Faut-il comprendre « demander » dans le sens d'« inviter » ou dans celui de « prescrire » ?
Une simple invitation n'empiéterait évidemment pas sur la souveraineté des Etats : les autorités nationales compétentes seraient libres de donner ou de ne pas donner suite. Mais une prescription impérative, à laquelle les polices nationales devraient déférer, impliquerait un véritable pouvoir hiérarchique sur ces polices. Là, nous aurions encore un sérieux problème constitutionnel.
Personnellement, j'incline à penser que la seconde interprétation est la bonne et qu'il faut donc voir, dans cette « demande », une injonction. Pourquoi le traité d'Amsterdam aurait-il stipulé que le Conseil devra, dans les cinq ans, arrêter des mesures spécifiques pour définir des modalités auxquelles les Etats ne seraient pas tenus de déférer ? On voit très bien, en revanche, pourquoi il faudra définir des modalités permettant à Europol d'indiquer des orientations auxquelles les polices des Etats membres devront se plier.
Cette considération m'amène à ma troisième réflexion.
L'influence de la France est faible dans Europol. La direction et la structure dirigeante provisoire d'Europol ne comportent aucun Français, bien que la contribution française représente 18 % du budget d'Europol. Le Luxembourg, pour sa part, dispose d'un poste d'ajoint avec une contribution financière de 0,2 %.
En 1995, l'équipe de direction était composée d'un Belge, d'un Luxembourgeois, d'un Italien et d'un Britanique, sous l'autorité d'un Allemand. Les quatre premiers analystes recrutés pour l'élaboration du système informatique étaient britanniques et néerlandais. Cette équipe provisoire est toujours en place. Dans quelques mois, elle sera renouvelée. Le coordonnateur allemand sera vraisemblablement reconduit. La France aura-t-elle un poste d'ajoint ? Rien n'est moins sûr.
Notre timidité relative devant les problèmes de coopération internationale en matière de sécurité et de police est bien connue. Je rejoins là le débat précédent, monsieur le ministre. Nous ne sommes guère, intellectuellement, préparés à une réflexion commune sur ces thèmes essentiels. Assurés, à juste titre, de l'efficacité de nos polices, nous sommes toujours un peu réticents, pour ne pas dire mal à l'aise, face au développement de ces machines de coopération internationale que certains, chez nous, comparent volontiers à des « usines à gaz ».
D'autres n'ont pas cette timidité. Evoquons simplement ici le cas des Pays-Bas, qui exercent d'ores et déjà une influence décisive au sein d'Europol, dont le siège est installé à La Haye, une influence que nos amis néerlandais font tout pour accroître : ils veulent également installer l'autorité de contrôle commune d'Europol à La Haye ; ils en revendiquent la présidence et aussi celle de son comité d'appel. Si nous cédions à cette amicale pression, l'ensemble du système Europol passerait, peu ou prou, sous le contrôle des Pays-Bas.
Cette attitude, qui a été dénoncée avec force par notre collègue Alex Turk, représentant du Sénat à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et siégeant, à ce titre, comme membre de l'autorité de contrôle commun Schengen, n'est-elle pas de nature à susciter quelques inquiétudes, surtout s'agissant d'un pays dont la politique, en matière de stupéfiants, se développe si fortement en marge des positions européennes, notamment allemandes et françaises ?
Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions que m'inspire ce traité. Etant mandaté par la commission des lois, j'indique que cette dernière s'associera à l'avis de la commission des affaires étrangères pour proposer sa ratification, ainsi que celle du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité de l'Union européenne.
Pour conclure, je formulerai un voeu : que, dans cette affaire-là aussi, le Parlement soit plus associé qu'il ne l'est à l'appréciation de l'évolution des choses, eu égard aux risques que font nécessairement naître ces systèmes communs où, en définitive, la responsabilité politique est toujours diluée et où le dispositif technique a quelquefois tendance à s'autogérer, pour ne pas dire à s'emballer tout seul. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Europol s'inscrit dans le cadre du troisième pilier de l'Union européenne, fondé sur une coopération intergouvernementale, où les décisions sont prises à l'unanimité des Etats membres.
Ce dispositif n'aurait pas de compétences opérationnelles et serait chargé de recueillir et de rediffuser auprès des polices des Etats membres des données relatives à certaines formes de criminalité.
Europol vient donc parachever l'Europe des polices officiellement instituée avec les accords de Schengen.
Je tiens à rappeler que la sécurité et les problèmes de police touchent aux pouvoirs régaliens des Etats. En conséquence, la France doit veiller à conserver la plénitude de ses compétences et à éviter toute dérive de type supranational.
Nous contestons la volonté de certains pays - je pense notamment à l'Allemagne et aux Pays-Bas - de doter Europol de compétences opérationnelles et de lui conférer une certaine indépendance tout en l'intégrant au cadre institutionnel communautaire.
Si la coopération européenne en matière de lutte contre la criminalité internationale ne peut que rencontrer l'adhésion de chacun, elle ne doit pas se faire au prix de la maîtrise nationale, au mépris du contrôle populaire.
En effet, sous des formules et des déclarations d'intention qui se veulent rassurantes à propos de la collaboration des polices pour lutter contre le terrorisme et toutes sortes de trafics, il y a, dans des domaines beaucoup plus vastes, des risques d'instauration de l'arbitraire, en matière de fichage, de surveillance et de répression policière, voire de renforcement des dispositifs judiciaires et administratifs de contrôle social.
Des dérives risquent de se faire jour quant aux contrôles d'identité et au droit d'asile.
Nous redoutons un engrenage policier dont les conséquences seraient graves, dangereuses pour le régime de nos libertés et des droits de l'homme.
La constitution d'un fichier mal contrôlé, l'évaluation et l'exploitation centralisée des informations, la coopération des enquêtes et des recherches, telles qu'elles sont prévues avec Europol, nous apparaissent, en l'état, difficilement conciliables avec le respect des libertés publiques.
Il est, en revanche, notable que les dispositions du traité de Maastricht ne font nullement référence à une politique sociale de prévention de la criminalité et de la délinquance.
Au-delà de la dénonciation de la montée des gangs ou de la flambée des trafics en tous genres, il s'agirait d'engager une réflexion sur l'utilisation de la police au profit de la protection des personnes et des biens.
A partir de la lutte contre le terrorisme, les trafics de stupéfiants et autres graves infractions pénales, toutes les conventions et accords élaborés l'ont été systématiquement à l'écart des gouvernements, des Etats et des populations.
Toutes ces réflexions et réserves amèneront les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à s'abstenir sur le projet de loi portant création d'un office européen de police et, par voie de conséquence, sur le projet de loi concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, de cette convention par la Cour de justice des Communautés européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai brièvement aux observations qui ont été formulées.
J'ai bien noté la position du groupe communiste républicain et citoyen : elle traduit une certaine philosophie de la construction européenne. A mon sens, celle-ci ne pourra se faire qu'à travers la coopération entre les Etats. C'est ce qui conduit aujourd'hui le Gouvernement à proposer la ratification de cette convention et de ce protocole.
L'enjeu est important puisqu'il s'agit tout simplement d'assurer une meilleure coordination entre les Etats membres dans la lutte contre la criminalité, notamment contre le trafic de drogue.
Ce que M. le rapporteur semble regretter, quant à lui, c'est l'insuffissance plutôt que les excès de la coopération policière. Je peux simplement lui répondre que les compétences d'Europol, certes limitativement énumérées, sont évolutives aux termes mêmes de la convention. On peut espérer que, une fois le traité d'Amsterdam entré en vigueur, le Conseil va encourager le développement de la coopération policière à travers Europol. J'ai donc la conviction qu'on pourra ainsi progressivement combler les insuffisances tout en gardant la maîtrise de ces évolutions.
M. Masson a insisté sur le risque de voir Europol échapper au ministre responsable. Je n'y crois guère, je l'avoue, au regard du même principe de coopération mais aussi en raison du maintien de la structure intergouvernementale d'Europol. On peut compter sur la vigilance du conseil d'administration et sur celle des représentants des Etats membres, dont la France.
M. Masson s'est aussi ému de la présence insuffisante de la France dans Europol. Bien sûr, à l'origine, notre souhait était évidemment de voir un compatriote nommé au poste de directeur. C'est finalement, on le sait, le candidat allemand qui l'a emporté.
Nous espérons cependant être en mesure de présenter une bonne candidature lorsque la structure définitive sera mise en place. Une bonne candidature, cela signifie, en l'occurrence, une personne ayant les compétences requises, y compris des compétences linguistiques, ainsi qu'une pratique des relations internationales.
Enfin, monsieur Masson, vous avez exprimé la crainte d'une trop grande influence des Pays-Bas, liée notamment à l'installation du siège d'Europol à La Haye. Je m'en tirerai, si vous le voulez bien, par une boutade : en suivant votre logique, du fait de l'installation d'Interpol à Lyon, on pourrait craindre une trop grande influence française dans cet organisme. Or je ne pense pas que ce soit le cas.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Mais il n'y a pas de trafic particulier à Lyon !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. En conclusion, je dirai, après M. le rapporteur, que, en votant ce texte, vous entérinerez une étape décisive dans un processus qui devra se poursuivre selon l'esprit de coopération intergouvernementale, esprit qui a présidé à la naissance d'Europol. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.) M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION PORTANT CRÉATION D'UN OFFICE
EUROPÉEN DE POLICE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 363.
« Article unique . - Est autorisée la ratification de la convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un office européen de police (ensemble une annexe et quatre déclarations), faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROTOCOLE CONCERNANT LA CONVENTION
PORTANT CRÉATION D'UN OFFICE EUROPÉEN DE POLICE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 364.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention portant création d'un office européen de police, signé à Bruxelles le 24 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

9

ACCORD EUROPÉEN AVEC LA SLOVÉNIE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 388, 1996-1997) autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part.
Rapport n° 422 (1996-1997).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est maintenant présenté a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part. Cette ratification est justifiée par les dispositions de compétence nationale qui figurent dans cet accord, fondé sur l'article 238 du traité de Rome et sur l'article 98 du traité CECA. Cet accord a déjà été ratifié par quatre Etats membres de l'Union européenne. Il se substituera à l'accord de commerce signé le 5 avril 1993.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un double processus d'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN, s'ouvrira dans les mois à venir. La Slovénie fait de sa participation à ce double mouvement un axe majeur de sa politique. Cela répond, de manière légitime, au double souci de sécurité et d'affirmation de son originalité d'un pays issu de l'ex-Yougoslavie et désireux de concrétiser son ancrage européen.
L'adoption d'un mandat de négociation pour l'accord d'association, finalement acquise sous présidence française en mars 1995, puis sa signature, une fois l'accord paraphé, se sont heurtées, vous le savez, à de grandes difficultés. En accédant à l'indépendance, dans un climat marqué par la fin de la guerre froide, la Slovénie a retrouvé l'héritage de son passé. Derrière les contentieux italo-slovènes qui ont retardé l'aboutissement de l'accord d'association, ce sont en réalité les conditions offertes en Slovénie aux Italiens expulsés de l'ex-Yougoslavie à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui étaient en jeu. L'acceptation d'un compromis a ouvert la voie à la signature, le 10 juin 1996, de l'accord d'association. Cet accord n'a été que récemment ratifié par le parlement slovène.
Ces difficultés, pour réelles qu'elles soient, ne doivent pas occulter le remarquable consensus existant sur le modèle que la société slovène s'est donné, celui d'une démocratie parlementaire, d'une économie de marché, d'une société ancrée dans l'Europe. Le chemin parcouru en ce sens et le développement considérable des relations entre la Slovénie et l'Union européenne, notamment sur le plan commercial, manifestent, sans conteste, la vocation de ce pays à l'adhésion. Ainsi, en 1996, plus de 67 % des importations de la Slovénie provenaient de l'Union européenne, tandis que 57 % des exportations de ce pays étaient destinés aux Etats membres. La Slovénie est devenue, parmi les pays d'Europe centrale et orientale, le quatrième partenaire de la France, avec des échanges croissants et marqués, il faut le souligner, par un excédent en notre faveur. Cela a favorisé le développement sans heurts de relations politiques bilatérales fructueuses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation de ce texte, qui sera suivi des projets de loi autorisant la ratification des accords d'association avec les trois Etats baltes, m'amène à vous présenter, de façon sommaire, les préoccupations essentielles du Gouvernement s'agissant de l'élargissement de l'Union européenne.
Dès le mois de décembre, le Conseil européen de Luxembourg devra prendre les décisions nécessaires pour lancer le processus d'élargissement, sur la base des avis et de l'Agenda 2000 présentés par la Commission le 16 juillet 1997. Quelles que soient les décisions qu'arrêtera le Conseil à propos de l'ouverture pratique des négociations d'adhésion, l'objectif le plus fondamental, pour la France, sera de confirmer le caractère continu et évolutif de ce processus d'élargissement, qui concerne, selon nous, tous les candidats. Le projet de conférence européenne présenté par le Gouvernement français s'inscrit dans cette optique.
La fixation de clauses de rendez-vous annuelles constituera également un élément important. L'évaluation de l'avancement de la préparation de chacun des candidats à l'adhésion que la Commission présentera périodiquement au Conseil pourra déboucher sur une recommandation d'ouverture au fur et à mesure des négociations. Enfin, le processus d'élargissement comprendra la mise en place d'une stratégie renforcée de préparation à l'adhésion.
Comme vous le savez, le Gouvernement estime également nécessaire que soient bien comprises, dès à présent, nos préoccupations s'agissant des réformes institutionnelles. Parce que nous souhaitons l'élargissement, et un élargissement réussi, nous considérons que, avant la réalisation du premier élargissement, devront être réalisées les réformes institutionnelles qui garantiront le bon fonctionnement de l'Union dans l'avenir. Il est de l'intérêt même des pays candidats d'entrer dans une Europe qui fonctionne, dans une Europe qui soit capable de prendre des décisions.
Dans cette optique, le Conseil européen devra prendre en décembre une décision sur la question de l'ouverture des négociations avec la Slovénie, recommandée par la Commission. En tout état de cause, la ratification de l'accord d'association permettra à la Slovénie de bénéficier pleinement de la stratégie de pré-adhésion renforcée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de cet accord d'association ne diffère qu'à la marge de celui des autres accords européens conclus antérieurement.
L'entrée en vigueur de l'accord d'association permettra la mise en place d'un dialogue politique, dans le cadre multilatéral et selon les formes et pratiques établies avec les pays associés d'Europe centrale.
Cet accord, comme les autres accords d'association, tend à créer une zone de libre-échange, réalisée de manière asymétrique sur une période de six ans. Outre des dispositions de nature commerciale, il prévoit aussi des mesures visant à faciliter la circulation des travailleurs et des capitaux. Il prévoit également l'application, par la Slovénie, des règles de concurrence prévues par le traité. Le volet commercial de l'accord d'association est d'ores et déjà mis en oeuvre de manière provisoire dans le cadre d'un « accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement », entré en vigueur le 1er janvier 1997.
Par ailleurs, et comme pour les autres accords, une vaste coopération économique, technique et culturelle est instituée.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la république de Slovénie, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord européen d'association avec la Slovénie ne diffère guère des accords similaires conclus avec les pays d'Europe centrale et orientale. Il tend à réaliser une zone de libre-échange entre la Slovénie et l'Union européenne, et, plus généralement, il constitue un cadre pour le dialogue politique et la coopération économique, culturelle et technique entre les deux partenaires.
La Slovénie offre aujourd'hui l'image d'un pays stable, démocratique et pacifique, qui tranche nettement avec son environnement balkanique. Contrairement à ses anciens partenaires de la Fédération yougoslave, la Slovénie se caractérise par un peuplement très homogène, composé à plus de 90 % de Slovènes catholiques. L'indépendance, obtenue en juin 1991, s'est réalisée sans heurts, dans un climat de cohésion nationale, avec un fort consensus en faveur de l'instauration d'un régime parlementaire et démocratique.
Se tenant à l'écart du conflit yougoslave, la Slovénie a immédiatement affirmé sa vocation européenne. Cette démarche a été rapidement couronnée de succès, puisque ce pays a très vite intégré les différentes enceintes européennes : la CSCE, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, en mai 1992, et le Conseil de l'Europe en mai 1993. Par ailleurs, il participe au partenariat pour la paix de l'OTAN depuis mai 1992, et à l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, en tant que partenaire associé, depuis l'été 1996.
La situation de la Slovénie sur la scène européenne est confortée par son niveau de développement et les bons résultats de son économie. En effet, la croissance économique se situe entre 3 % et 5 % par an depuis 1994, et le budget et les paiements extérieurs sont en équilibre. Les indicateurs de niveau de vie la placent, aujourd'hui, en tête de tous les pays d'Europe centrale et orientale, devant la République tchèque.
Ces différents éléments font de la Slovénie l'un des candidats les plus sérieux à l'élargissement de l'Union européenne, et c'est précisément cette adhésion future que l'accord d'association a vocation à préparer.
On doit toutefois remarquer que la conclusion de cet accord a été retardée, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, par les incidences du différend historique opposant l'Italie à la Slovénie au sujet des propriétés des Italiens ayant quitté l'Istrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un compromis a finalement été trouvé, et le gouvernement slovène s'est engagé à rendre possible, au terme d'une période transitoire de quatre ans, l'acquisition de biens immobiliers par les ressortissants européens. L'accord d'association a pu être signé au mois de juin 1996.
Son dispositif est très proche de celui des accords similaires conclus avec les pays associés d'Europe centrale et orientale.
Ainsi, il fixe un cadre pour le dialogue politique entre la Slovénie et l'Union européenne et comporte un important volet commercial permettant d'établir, à l'issue d'une période de six ans, une zone de libre-échange entre la Slovénie et l'Union européenne, un calendrier spécifique étant établi pour l'acier, les produits textiles et les produits agricoles.
L'accord donne en outre un début d'application à certains principes communautaires, tels que la liberté de circulation des travailleurs et, surtout, la liberté d'établissement, la libre prestation de services et la libre circulation des capitaux.
Enfin, une large part de l'accord est consacrée à l'énumération des domaines de la coopération euro-slovène. En matière financière, le bénéfice des prêts de la Banque européenne d'investissement et des crédits du programme est confirmé à la Slovénie.
Cet accord est conçu par les deux partenaires comme une première étape indispensable sur la voie de l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne. Cet objectif est reconnu dans le préambule, et cette perspective semble désormais se présenter sous un jour favorable : en effet, la Commission européenne a proposé de retenir la Slovénie parmi les premiers pays appelés à participer aux négociations d'élargissement.
Certes, l'avis de la Commission comporte des nuances. Ainsi, la libéralisation du marché se heurte à des réticences liées tout autant à un certain attachement au rôle de l'Etat, hérité du régime précédent, qu'à une crainte de l'ouverture vers l'extérieur. Les tentations protectionnistes demeurent fortes, et les modalités de privatisation laissent peu de place aux sociétés étrangères, si bien que la faiblesse de l'investissement étranger risque de constituer un handicap pour la modernisation de l'économie slovène.
Des efforts restent donc à accomplir pour que la Slovénie réussisse pleinement son insertion dans l'ensemble européen et valorise ses incontestables atouts.
Au terme de cette analyse, on peut souhaiter que cette association européenne soit l'occasion, pour la France, de renforcer ses relations, encore trop modestes, avec la Slovénie, dont le marché offre des opportunités de développement très intéressantes, particulièrement pour des petites et moyennes entreprises.
Dans cette perspective, mais aussi en raison de l'intérêt politique que représente l'ancrage à l'Europe de ce pays jusqu'alors tourné vers les Balkans, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, fait à Luxembourg le 10 juin 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

ACCORDS EUROPÉENS AVEC LA LITUANIE,
LA LETTONIE ET L'ESTONIE

Adoption de trois projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 392, 1996-1997) autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part. [Rapport n° 429 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 393, 1996-1997) autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part. [Rapport n° 429 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 394, 1996-1997) autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part. [Rapport n° 429 (1996-1997).]
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces trois projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les projets de loi qui vous sont présentés aujourd'hui ont pour objet d'autoriser la ratification des accords d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, les Républiques d'Estonie, de Lituanie et de Lettonie, d'autre part.
Cette ratification, accomplie dans treize des quinze Etats membres de l'Union, est justifiée par les dispositions de compétence nationale qui figurent dans ces accords, fondés sur l'article 238 du traité de Rome et sur l'article 98 du traité CECA.
Ces accords transforment la nature des relations de ces pays avec l'Union européenne, qui ont connu des développements considérables en l'espace de quelques années seulement. Rappelons-nous : voilà quelque six ans, en août 1991, l'Union européenne reconnaissait l'indépendance des pays baltes puis signait avec eux, en mai 1992, des accords de commerce et de coopération, transformés en accords de libre-échange entrés en vigueur le 1er janvier 1995.
Et le chemin parcouru depuis la signature, le 12 juin 1995, des accords d'association qui vous sont aujourd'hui présentés est tout aussi impressionnant.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en oeuvre de ces accords d'association revêt une importance politique majeure.
Le renforcement de la stratégie de préparation à l'adhésion des pays candidats, dont les accords d'association constituent l'un des piliers, présente une acuité croissante, alors que se présentent à nous des échéances, historiques pour l'Europe - en l'occurrence, le mot « historiques » n'est pas trop fort. La réunification de notre continent et le renforcement de sa stabilité sont devenus des perspectives concrètes.
Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer voilà quelques instants lors de l'examen du projet de loi sur l'accord d'association avec la Slovénie, le Gouvernement estime que l'objectif premier du Conseil européen de Luxembourg sera de définir les éléments essentiels du processus d'élargissement, qui inclut, selon nous, tous les candidats. Il faut en effet éviter la création de nouvelles lignes de fracture en Europe. Cette préoccupation est bien sûr particulièrement sensible dans le cas des pays baltes : comme vous le savez, la Commission a recommandé au Conseil l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Estonie, considérant en revanche que les conditions n'étaient pas encore réunies pour la Lettonie et la Lituanie.
Il est pourtant essentiel, comme l'a affirmé M. le Président de la République à l'occasion de la visite en France du président lituanien, de ne laisser aucun doute aux pays baltes sur la place qui est la leur au sein de la famille européenne, dont ils ont été trop longtemps coupés, compte tenu de circonstances historiques que chacun connaît. La France a, pour sa part, à coeur d'y contribuer. Le développement et la qualité de nos relations bilatérales en portent témoignage, même si des potentialités existent sans doute pour développer encore les relations commerciales. La France a également joué tout son rôle dans ce rapprochement progressif entre l'Union européenne et les Etats baltes. Est-il nécessaire de rappeler que les accords d'association ont été signés, là encore, sous présidence française ? Il est de notre responsabilité de poursuivre cet engagement : il est grand temps que les relations de l'Union européenne avec les trois Etats baltes soient mises au même niveau que celles qui ont été nouées avec les pays d'Europe centrale et orientale, lesquels sont désormais tous associés.
Permettez-moi de brosser à grands traits le contenu de ces accords d'association, très proches des autres accords européens déjà en vigueur.
Ces accords visent d'abord à promouvoir le dialogue politique. Celui-ci est à la fois fondamental et original, entre membres d'une future Europe élargie. En effet, l'Union est d'abord un projet politique. Dans cet esprit, des procédures de concertation sont instaurées dans le cadre multilatéral et selon les formes et pratiques établies avec les pays associés d'Europe centrale.
Ces accords visent également à établir progressivement une zone de libre-échange. Si les principales dispositions dans le domaine économique et commercial sont couvertes par les accords de libre-échange entrés en vigueur au 1er janvier 1995, les accords d'association introduisent des dispositions visant à faciliter la circulation des travailleurs et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement en matière de prestations de services. Les accords prévoient aussi l'application par les trois pays baltes des règles de concurrence prévues par le traité.
Une vaste coopération est instituée. Elle porte sur de multiples domaines : la normalisation, la science et la technologie, l'éducation et la formation, l'agriculture, l'énergie, la sûreté nucléaire, l'environnement, les transports, les télécommunications, les services financiers, la protection et la promotion des investissements, la lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue, le développement régional, le tourisme, la coopération sociale, la protection des consommateurs, l'information, les petites et moyennes entreprises, les douanes, les statistiques et la culture. Cette coopération doit aussi promouvoir le rapprochement des législations, afin de faciliter à terme l'adhésion des pays associés.
Enfin, les accords constituent une base pour l'assistance technique et financière de la Communauté.
Ces accords visent donc tout particulièrement à préparer l'entrée des pays baltes dans l'Union. Bien entendu, comme les autres Etats candidats, les pays baltes devront être en mesure de remplir les obligations qui découlent de l'adhésion, en remplissant les conditions économiques et politiques requises et énumérées par le Conseil européen de Copenhague en juin 1993. Ils ont déjà accompli des efforts considérables en ce sens, avec un soutien résolu de l'Union, notamment par le biais d'une assistance technique et financière. La mise en oeuvre des accords d'association concrétisera la poursuite de l'engagement de l'Union dans cette démarche vers l'adhésion, dans le respect de l'égalité de traitement entre tous les pays candidats.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les trois accords d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, les républiques d'Estonie, de Lituanie et de Lettonie, d'autre part, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur trois accords européens - accords d'association - conclus le 12 juin 1995 entre chacun des trois pays baltes - l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie - d'une part, et l'Union européenne, d'autre part.
Je formulerai une observation particulière à propos des territoires d'outre-mer associés. En effet, une déclaration unilatérale du Gouvernement français spécifie que l'accord européen que nous allons ratifier ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer associés à la Communauté européenne. Cette remarque a été incluse dans l'acte final de ces accords d'association.
M. Daniel Millaud. Très bien !
M. André Dulait, rapporteur. Ces accords comprennent, comme tous ceux qui ont été précédemment signés par l'Union européenne avec les autres pays d'Europe centrale et orientale, plusieurs volets. M. le ministre les ayant rappelés, je les évoquerai très brièvement.
Il s'agit, d'abord, d'un volet commercial, dans lequel se trouvent reprises les principales dispositions des accords de libre-échange. Il s'agit, ensuite, d'un volet politique, qui est destiné à associer les trois pays aux activités extérieures de l'Union. Il s'agit, en outre, d'un volet de coopération économique, qui s'étend à de très nombreux domaines. Il s'agit, enfin, d'un volet plus juridique, relatif au droit d'établissement, à la circulation des travailleurs et des capitaux, aux règles de concurrence, ainsi que cela vient d'être souligné.
Pour tenir compte de l'état d'avancement de chacun des trois pays dans leur démarche vers une économie de marché adaptable au cadre communautaire, une période de transition générale a été ménagée pour la Lettonie et la Lituanie, mais pas pour l'Estonie, comme M. le ministre vient de le souligner. A cet égard, il nous a donné un certain nombre d'assurances, en nous indiquant que la négociation devait être continue et évolutive. Cela nous permettra vraisemblablement, le moment venu, de pouvoir harmoniser cette situation qui serait préjudiciable à une entrée cohérente de ces trois pays dans l'ensemble de notre système.
Sur le plan économique, les pays baltes ont engagé de courageuses politiques de stabilisation et des résultats encourageants sont aujourd'hui perceptibles.
Parallèlement aux réformes économiques et politiques qui ont été engagées dès le lendemain de l'indépendance, les pays baltes ont réorienté leur commerce extérieur vers les pays d'économie libérale de marché de l'OCDE, et en particulier vers ceux de l'Union européenne.
Ainsi, la Lituanie réalise 50 % de ses échanges avec les pays de l'OCDE, dont 40 % avec ceux de l'Union européenne. Ses deux premiers partenaires commerciaux restent la Russie et l'Allemagne, qui réalise un niveau d'opérations commerciales avec la Lituanie bien supérieur à celui qui est réalisé par la France, laquelle n'est que son treizième fournisseur.
Par ailleurs, 45 % des exportations de la Lettonie et 50 % de ses importations sont réalisées avec l'Union européenne. Les deux premiers partenaires sont, là encore, la Russie et l'Allemagne. La France n'est que le quinzième partenaire de la Lettonie.
L'Estonie, enfin, réalise 54 % de ses échanges avec l'Union européenne, dont 60 % avec les pays nordiques. Les parts de marché de la France ne s'élèvent, là aussi, qu'à 2 %.
Ces informations démontrent, si besoin était, la regrettable faiblesse de la position française dans les échanges commerciaux que nous réalisons avec les pays baltes.
En termes d'investissements, notre situation n'est d'ailleurs guère plus brillante. En Estonie, notre part dans les investissements étrangers cumulés est de 0,3 %, en dépit d'un environnement juridique très favorable ; elle n'est que de 0,1 % en Lettonie, et nous ne sommes que le vingtième investisseur en Lituanie.
Mes chers collègues, je ne rappellerai pas ici les principales dispositions, très voisines, des trois accords d'association. M. le ministre vient de nous les résumer et elles figurent dans mon rapport écrit.
Par delà leur dispositif commercial, qui prévoit l'institution de zones de libre-échange, les accords d'associations ont également une ambition politique.
Le dialogue qu'ils instituent formellement, et qui pourra se prolonger dans le cadre d'une « conférence européenne » suggérée par la France et réunissant les pays candidats à l'adhésion, est conçu comme une pédagogie communautaire à l'intention des futurs membres. Il prend en compte, en l'occurrence, les préoccupations internationales des trois Etats baltes, que je souhaite à présent rappeler.
D'abord, il existe une méfiance persistante à l'égard du voisin russe. En effet, un climat de suspicion réciproque règne encore sur la question importante des minorités russophones d'Estonie et de Lettonie, sur le sort desquelles la Russie entend exercer une attention vigilante, ou encore sur certains différends frontaliers.
Ensuite, les Etats baltes entendent conjuguer leurs politiques, et chacun des trois Etats a pris conscience de la nécessité d'une coordination de ses efforts avec ceux des deux autres dans les différents domaines économique, diplomatique et sécuritaire. Sur le plan économique et commercial, les Etats baltes ont d'ailleurs signé en 1993 un traité de libre-échange pour les marchandises manufacturées, prolongé en 1996 par un accord de même nature pour les produits agricoles.
Enfin, les Etats baltes ont une volonté d'ancrage à l'Ouest.
Comme les autres pays d'Europe centrale et orientale, les pays baltes ont, comme souci prioritaire, la participation aux organisations ouest-européenne et euro-atlantique.
A l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, les pays baltes ont le statut d'« associés partenaires ». De même, depuis 1994, les Etats baltes sont parties, dans le cadre de l'OTAN, au partenariat pour la paix. Le récent sommet de Madrid n'a pas retenu les pays baltes parmi les pays appelés à faire partie de la première vague d'adhésion à l'Alliance atlantique. En l'occurrence, une telle inscription aurait probablement conduit la Russie, déjà plus que réticente à toute idée d'élargissement de l'Alliance, à provoquer une crise politique majeure avec les alliés. La mention dans le communiqué final de l'importance de la zone baltique pour la sécurité du continent n'a pas véritablement compensé, pour les pays baltes, qui s'estiment toujours menacés, leur maintien en lisière de l'Alliance atlantique. Peut-être convient-il d'étudier, dès à présent, l'élaboration d'une charte prévoyant des relations spéciales entre l'OTAN et les trois Etats baltes.
Enfin, s'agissant de l'adhésion à l'Union européenne, la Commission, dans son avis du 16 juillet 1997, n'a retenu que l'Estonie comme le seul des pays baltes réunissant les critères requis. Quelle que soit la validité des appréciations portées, objectivement, il reste que le choix d'accueillir dans l'Union un seul des trois Etats baltes prête à débat. Mais, là aussi, M. le ministre nous a rassurés sur l'évolution probable du dossier.
S'il semble acquis que l'Estonie a, sur le plan économique, une certaine avance sur ses deux partenaires, le critère « politique » concernant les questions du traitement des minorités russophones place l'Estonie et la Lettonie sur le même plan.
Surtout, comment ces trois pays, qui ont commencé à réaliser entre eux une zone de libre-échange, pourront-ils la faire fonctionner de façon cohérente si l'un d'entre eux participe à une structure d'intégration économique et commerciale plus poussée alors que les deux autres en seraient pour l'heure exclus ?
Enfin, mes chers collègues, aussi souhaitables que puissent être les élargissements à venir, il convient d'avoir présent à l'esprit le difficile problème de la réforme institutionnelle de l'Union, que le traité d'Amsterdam n'a pas résolu. Or les élargissements à venir ne prennent leur sens que dans une Union réformée, condition de son efficacité. Ce sera l'objet d'un prochain débat.
Sur ce point, M. le ministre nous a donné des assurances que nous saurons lui rappeler le moment venu. En attendant, mes chers collègues, suivant en cela l'avis de la commission des affaires étrangères, je vous propose d'adopter les trois projets de loi qui nous sont soumis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je voudrais dire rapidement un mot d'une décision qui m'étonne. Vous en avez parlé, monsieur le ministre, et M. le rapporteur, notre ami André Dulait, vient d'en faire longuement état.
Pourquoi la Commission européenne a-t-elle choisi de privilégier l'Estonie, pourquoi n'a-t-elle, dans un premier temps, retenu que sa candidature, reportant à plus tard les accords avec la Lettonie et la Lituanie ? A mon avis, il semblerait de toute évidence que, pour des raisons historiques, c'est la solution inverse qui eût dû prévaloir.
La Lituanie a constamment été liée à l'histoire de la Pologne ; elle est donc très proche de l'Europe. Quant à la Lettonie, elle a appartenu dès le xiiie siècle aux Chevaliers teutoniques. Depuis le Moyen Age, elle a donc été convertie au christianisme, puis, au xvie siècle, à la Réforme, et elle a été rattachée longtemps à la Suède.
L'Estonie est différente. D'abord convertie au luthéranisme, mais trop proche de la Russie et de sa capitale, Saint-Petersbourg, créée par Pierre le Grand, elle fut conquise dès le début du xviiie siècle et se trouve, maintenant encore, habitée par une population en grande partie russophone.
Quelle est la présence de la France dans ces trois pays ? Elle est faible. Cependant, on compte aujourd'hui 250 Français immatriculés en Lettonie et un lycée franco-lettonien existe à Riga. En Lituanie, on recense près de 200 de nos compatriotes ; Vilnius possède une bonne Alliance française et plusieurs sociétés françaises ont commencé à s'y établir.
Tel n'est pas le cas pour l'Estonie. A Tallin, on ne compte que 38 immatriculés et tout au plus une cinquantaine de Français, y compris les personnels de l'ambassade. Notre influence culturelle et économique y est des plus réduites.
Pour ce qui nous concerne, nous, Français, le choix fait par la Commission européenne n'est absolument pas compréhensible. Il ne présente aucun intérêt et, pourrait-on dire, va même à contresens.
La Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, les trois « pays baltes », ont toujours désiré manoeuvrer ensemble depuis qu'ils ont retrouvé leur indépendance en 1918, avant d'être annexés par l'URSS en 1940. Ils se sont unis dans leur revendication pour la liberté et l'indépendance dès que l'ère Gorbatchev l'a permis.
Dois-je rappeler l'action d'un homme comme Vytautas Landsbergis, qui, avec son mouvement Sajudis, créé en 1988, a lutté courageusement contre l'occupation soviétique en Lituanie ? Son exemple a été suivi par la Lettonie en 1990, puis, plus tard, par l'Estonie, en 1991.
Dans ces conditions, comment expliquer cette décision de la Commission européenne, privilégiant l'Estonie au détriment de la Lituanie et de la Lettonie ?
J'ajoute - M. le ministre et M. le rapporteur l'ont souligné - qu'il existe un traité de libre-échange et une entente économique entre ces trois Etats. De toute évidence, il ne faut pas les dissocier, mais, au contraire, les traiter sur un pied d'égalité.
J'espère, monsieur le ministre, qu'il en sera ainsi, et que, dans le processus que vous avez défini comme progressif et évolutif, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie pourront ensemble, comme elles le souhaitent, être accueillies au sein de l'Europe.
M. André Maman. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Cette question est effectivement l'une des plus sensibles et des plus délicates auxquelles le Conseil européen sera confronté au mois de décembre. J'y suis très sensible pour avoir reçu la semaine dernière, à Paris, le président de l'Assemblée lituanienne, M. Landsbergis, et pour avoir rencontré, à l'occasion du sommet des chefs d'Etat du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, les 10 et 11 octobre, les présidents estonien et letton.
Les travaux menés à Bruxelles montrent des différences d'appréciation entre les Etats membres, même si, il faut le dire, une majorité d'entre eux souscrit à l'analyse réalisée par la Commission.
Outre les mérites propres de chacune des candidatures, les Etats membres souhaitent bien évidemment que l'élargissement contribue à la réunification et à la stabilisation du continent, notamment par le développement de relations de coopération et de bon voisinage entre les pays.
La Commission estime que le niveau de préparation respectif de ces trois pays est de nature à justifier une différenciation dès le sommet de Luxembourg. Elle souligne particulièrement l'avancée de l'Estonie dans le domaine de la stabilisation macro-économique et des réformes structurelles menées - même si elle connaît certains retards dans le domaine économique - ainsi que, dans une moindre mesure, dans la capacité à faire face à la pression concurrentielle.
De l'avis de la Commission, il ressort également que les différences sont moins tranchées en ce qui concerne, d'une part, la reprise de l'acquis communautaire, où chaque pays à ses carences propres, et, d'autre part, la capacité administrative et juridictionnelle à assurer l'application de cet acquis, problème commun à l'ensemble des candidats.
Pour notre part, et sans avoir à ce jour de prise de position définitive - car c'est une question qui, je le répète, reste à trancher - nous estimons qu'il y a effectivement, dans les domaines cités par la Commission, une petite avance de calendrier en faveur de l'Estonie. Pour autant, il convient, je l'ai dit, de ne pas préjuger l'avenir et de prendre en compte la dynamique des réformes menées dans les autres pays baltes.
Dans notre approche, nous faisons un lien entre la question de la liste des pays avec lesquels les premières négociations pourront s'ouvrir et la suite du processus.
A cet égard, j'insiste sur l'importance du projet de conférence européenne que propose la France ainsi que sur celle des clauses de rendez-vous annuels. Ces rendez-vous permettront une certaine flexibilité et, éventuellement, le rattrapage ou l'arrivée au fur et à mesure dans les négociations d'élargissement des autres pays baltes. Si ces derniers n'étaient pas retenus par le Conseil à Luxembourg, il faudrait effectivement que se déroule le processus continu et évolutif que j'évoquais plus tôt.
S'agissant, enfin, de la très forte insuffisance des échanges entre la France et les pays baltes, même si je n'ai pas la prétention d'y remédier, je me rendrai dans les trois Etats baltes dès le mois de décembre, ce qui me permettra peut-être de me faire sur place une opinion encore plus précise, avant le Conseil de Luxembourg.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

ACCORD EUROPÉEN AVEC LA LITUANIE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 392.
« Article unique . - Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, fait à Luxembourg le 12 juin 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Tout à l'heure, M. le rapporteur nous a rappelé que, pour la première fois, le Gouvernement français avait pris une position relative aux territoires d'outre-mer, en application de la quatrième partie du traité de Maastricht ou d'Amsterdam.
Je dois reconnaître que c'est vraiment la première fois - je me répète - que le Gouvernement français lève cette ambiguïté dans nos rapports d'association alors que la plupart des autres Etats membres dont les anciennes colonies sont devenues territoires associés ont posé dès le début des limites très strictes !
C'est une raison supplémentaire pour moi de voter cet accord. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

ACCORD EUROPÉEN AVEC LA LETTONIE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 393.
« Article unique . - Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, fait à Luxembourg le 12 juin 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

ACCORD EUROPÉEN AVEC L'ESTONIE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 394.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part, fait à Luxembourg le 12 juin 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

11

ACCORD AVEC LA CROATIE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 342, 1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. [Rapport n° 419 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements, signé entre la France et la Croatie le 3 juin 1996, a pour objet d'établir un cadre juridique sûr qui permette de favoriser l'activité de nos entreprises dans cette république, qui a engagé un programme de réformes économiques.
Il contient les grands principes qui figurent habituellement dans les accords de ce type et qui constituent la base de la protection des investissements, telle que la conçoivent aujourd'hui les pays de l'OCDE.
Quels sont les principaux traits de ces accords ?
Premièrement, l'octroi aux investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit international et au moins égal au traitement accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée.
Deuxièmement, une garantie de libre transfert des revenus et du produit de la liquidation des investissements ainsi que d'une partie des rémunérations des nationaux de l'une des parties contractantes.
Troisièmement, le versement, en cas de dépossession, d'une indemnisation prompte et adéquate, dont les modalités de calcul sont précisées dans l'accord.
Quatrièmement, la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.
Enfin, la possibilité pour le Gouvernement français d'accorder sa garantie aux investissements que réaliseront à l'avenir nos entreprises dans ce pays, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative pour 1971, qui subordonne l'octroi de cette garantie à l'existence d'un tel accord.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'essentiel des principes auxquels nous sommes attachés et qui fondent la protection des investissements sont inscrits dans le texte que nous avons signé avec la Croatie.
Cet accord s'inscrit, tout d'abord, dans un processus global destiné à offrir la plus grande sécurité possible à nos investisseurs. Cette démarche, suivie avec constance, a permis de passer des accords de ce type avec plus de soixante pays.
Je crois également utile de souligner l'intérêt que présente cet accord dans nos rapports avec la Croatie.
Cet accord a été signé avec un pays qui est en train d'effectuer des réformes de structures importantes. Cette réalité n'a évidemment par échappé aux investisseurs des pays occidentaux, qui y sont déjà implantés de façon plus significative - c'est une caractéristique, hélas, de la France par rapport aux pays d'Europe centrale et orientale - que nos propres opérateurs.
Ce simple constat, à savoir la faiblesse des investissements étrangers, souligne logiquement le souci qui inspire cet accord : aider, autant que faire se peut, les entreprises françaises à renforcer leur présence et à prendre toute leur place dans cette région du monde.
Dans cette perspective, l'accord qui est soumis à votre approbation m'apparaît être un instrument utile et nécessaire.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 3 juin 1996, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord signé avec la Croatie le 3 juin 1996, tendant à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements.
La Croatie présente une situation économique prometteuse, où les entreprises françaises, encore marginalement présentes aujourd'hui, disposent d'intéressantes opportunités.
Le développement économique, en particulier au travers de la réhabilitation des infrastructures, permettra de conforter une démocratie encore incertaine et marquée par les épreuves de la guerre. Le présent accord, en permettant d'encourager les investissements de chaque partie sur le territoire de l'autre, participe à ce nécessaire développement et au resserrement des liens commerciaux entre la Croatie et la France.
Le texte qui nous est soumis est un dispositif classique. Je n'en développerai pas ici le détail, pour lequel je vous renvoie à mon rapport écrit. M. le ministre l'a d'ailleurs très précisément rappelé. Il s'agit, en fait, de donner une meilleure sécurité juridique aux investissements effectués par une partie sur le territoire de l'autre.
Je crois utile également de rappeler les événements qui ont marqué l'évolution de la Croatie depuis l'indépendance.
Après quatre années de guerre, la Croatie a réussi, en 1995, à recouvrer l'intégralité de son territoire, aux dépens des Serbes irrédentistes. Cette reconquête s'est faite militairement en Krajina et en Slavonie occidentale ; elle s'opère pacifiquement en Slavonie occidentale, sous la supervision de l'ONU.
Sur le plan politique intérieur, la démocratie croate est encore largement perfectible.
La domination institutionnelle du parti nationaliste du président Tudjman n'empêche pas la contestation. Celle-ci se nourrit de plusieurs causes : les conséquences sociales de la politique économique d'austérité mais aussi les signes récurrents d'une pratique autoritaire du pouvoir à l'égard, notamment, de la presse. Ces éléments ont d'ailleurs pesé lourd dans la procédure d'adhésion de la Croatie au Conseil de l'Europe.
Cette image d'une démocratie hésitante est également perceptible sur le plan des rapports entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine voisine.
La sincérité de l'engagement croate en faveur d'une application intégrale des accords de Dayton semble parfois sujette à caution. Les difficultés qui ont précédé un accord croato-musulman, encore fragile, à Mostar, le maintien de fait, toléré par Zagreb, de la République d'Herzeg-Bosna, officiellement illégale, la longue réticence de Zagreb jusqu'à ces derniers jours à livrer au tribunal pénal international les personnes accusées de crimes de guerre réfugiées en Croatie en sont autant d'inquiétants témoignages.
La Croatie présente cependant une économie prometteuse et ouverte sur l'extérieur. La thérapie de choc imposée depis 1993 a porté ses premiers fruits.
Ainsi constate-t-on, depuis 1993, une inflation contenue - 3,4 % en 1996 - des réserves officielles importantes en devises et surtout une croissance annuelle de quelque 7 % fondée sur la reconstruction des infrastructures, le tourisme et le rapatriement des capitaux de la diaspora.
Toutefois, le chômage reste relativement élevé, touchant quelque 18 % de la population active.
Depuis 1995, 70 % des échanges commerciaux de la Croatie sont réalisés avec les cinq pays voisins : l'Allemagne, l'Italie, la Slovénie, la Bosnie-Herzégovine et l'Autriche. La France n'est que le neuvième client et le dixième fournisseur de la Croatie.
La présence économique française en Croatie se traduit par une vingtaine d'implantations, sous forme de filiales, de sociétés mixtes ou de bureaux de représentation.
Cela étant, notre pays ne tient encore qu'une place modeste, avec 0,4 % du total des investissements étrangers et le dixième rang des investisseurs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les investisseurs étrangers potentiels bénéficient déjà, de par la législation croate, d'un environnement juridique favorable que le présent accord bilatéral confortera.
Les opportunités d'investissements directs, les privatisations en cours devraient contribuer à attirer les entreprises françaises à la recherche de marchés dans un pays proche et dans une zone appelée à connaître, avec la consolidation de la paix, un essor économique important.
Pour toutes ces raisons, la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de loi qui vous est soumis.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Zagreb le 3 juin 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun d'entre vous a sans nul doute pris connaissance avec intérêt du rapport remis et de l'avis donné par l'assemblée territoriale de Polynésie française. Je suppose que c'est ce document que, les uns et les autres, vous lisez à votre place ! (Sourires.)
Vous avez donc appris sans étonnement que mon assemblée territoriale avait donné un avis négatif.
Pourquoi ? Parce que, monsieur le ministre, malgré les recommandations du Conseil d'Etat dans son rapport de 1990, une fois de plus, on a signé un traité international qui mettait en cause un certain nombre de compétences territoriales et ce n'est qu'après la signature que l'on a demandé l'avis de l'assemblée territoriale.
C'est une politique que je ne qualifierai pas, qui avait un nom particulier du temps des établissements français de l'Océanie, par exemple, et que, tout de même, il faudrait revoir.
Mes chers collègues, l'assemblée territoriale, qui constate que ce sont les autorités du territoire qui donnent les autorisations pour les investissements étrangers, qui constate que les autorités du territoire sont compétentes réglementairement pour fixer toutes les conditions de pêche ou d'exploitation de la zone économique exclusive, ne peut avoir d'autre solution que de dire non. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai contre ce projet de loi.
Mais peut-être serez-vous, monsieur le ministre, celui qui arrivera à changer les habitudes, à convaincre son collègue des affaires étrangères pour que, enfin, nous ayons une politique intelligente avec les territoires d'outre-mer !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

12

PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION-CADRE EUROPÉENNE SUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DES COLLECTIVITÉS OU AUTORITÉS TERRITORIALES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 371, 1996-1997) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations). [Rapport n° 420 (1996-1997)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales manifeste la volonté d'Etats membres du Conseil de l'Europe d'offrir des bases institutionnelles à la coopération décentralisée transfrontalière, qui a connu, au cours des dernières années, un développement accéléré.
Il est destiné à compléter le cadre juridique de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, dite de Madrid, signée le 21 mai 1980 et entrée en vigueur pour la France le 15 mai 1984. Celle-ci visait à encourager et à faciliter la conclusion d'accords entre collectivités territoriales de part et d'autre de la frontière. Elle était toutefois peu contraignante : les Etats signataires s'engageaient seulement à favoriser les initiatives des collectivités territoriales dans ce domaine et à résoudre les difficultés d'ordre juridique, administratif ou technique que celles-ci pouvaient engendrer.
L'évolution du droit interne français, à travers notamment la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, et la réflexion entreprise sur le plan bilatéral par la France et ses voisins ont contribué à la création, au sein du Conseil de l'Europe, d'un comité restreint d'experts pour la coopération transfrontalière : ce dernier, alors sous présidence française, a élaboré, au terme de longues négociations, le protocole additionnel qui a été ouvert à la signature, à Strasbourg, le 9 novembre 1995, des Etats signataires de la convention-cadre.
Le protocole additionnel rappelle que les collectivités locales ont le droit de conclure des conventions de coopération transfrontalière dans les limites de leurs compétences et dans le respect non seulement des engagements internationaux mais aussi des règles de légalité interne propres à chaque Etat dont dépendent les collectivités concernées ; une transposition en droit interne des actes pris dans le cadre des accords de coopération est nécessaire pour qu'ils aient une valeur juridique en droit interne.
Le texte laisse les parties contractantes libres, d'une part, de créer un organisme de coopération transfrontalière, d'autre part, de le doter ou non de la personnalité juridique et de lui attribuer une nature de droit public.
La France a d'ores et déjà indiqué officiellement que, en vertu du choix laissé aux parties contractantes par l'article 8, elle appliquerait l'article 4 et non l'article 5 du protocole additionnel.
En effet, l'article 4 permet de créer un organisme de coopération dont la personnalité juridique est définie par la loi de la partie contractante dans laquelle il a son siège, les autres parties contractantes concernées reconnaissant la personnalité juridique de l'organisme conformément à leur droit national. Il s'agit donc d'une structure existant dans le droit interne des parties contractantes, avec les procédures de contrôle qui s'y rattachent.
En revanche, l'article 5, que la France, en signant, a choisi de ne pas appliquer, permet de créer une nouvelle catégorie d'organisme de coopération, inspirée du régime en vigueur au Benelux et dotée de pouvoirs très importants qui ne s'accordent pas, ou mal, avec le régime juridique français.
A ce jour, le protocole additionnel a été ratifié par le Luxembourg et les Pays-Bas, qui appliqueront, pour leur part, les articles 4 et 5, ainsi que par la Suède, qui appliquera l'article 4. Il a été signé par la France, l'Allemagne, la Belgique, la Suède et la Suisse. Il doit entrer en vigueur trois mois après la quatrième ratification.
L'approbation du protocole additionnel permettra donc l'entrée en vigueur du texte puisque nous sommes précisément en train de voter la quatrième ratification. Son intérêt est double : d'une part, parce qu'il s'est enrichi de l'expérience acquise par la France sur le plan bilatéral et multilatéral du fait de la signature d'accords de coopération transfrontalière avec l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse, il mettra à la disposition des collectivités territoriales un outil qui est apparu indispensable à la mise en oeuvre de la coopération décentralisée, l'organisme local de coopération transfrontalière ; d'autre part, dans la mesure où il sera complété par un deuxième protocole additionnel, consacré, lui, à la coopération interterritoriale, il permettra d'exporter les conceptions françaises en matière de coopération décentralisée vers tous les pays membres du Conseil de l'Europe, lequel - je le rappelle dans cette enceinte - vient de tenir à Strasbourg son deuxième sommet, qui fut un plein succès.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, qui fait l'objet du projet de loi proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a abordé à deux reprises, dans un passé récent, la question de la coopération transfrontalière entre collectivités locales au travers de deux accords internationaux : l'accord de Karlsruhe entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse, et le traité de Bayonne entre la France et l'Espagne.
La coopération transfrontalière est aujourd'hui une composante importante de l'aménagement du territoire. C'est une aspiration forte de nos collectivités qui, sous l'effet conjugué de l'ouverture européenne et de la décentralisation, multiplient les initiatives et les projets communs avec des collectivités de pays voisins.
L'une des difficultés majeures auxquelles se heurtent ces initiatives est d'ordre juridique : comment, tout en respectant la législation française, parvenir à mettre en place, avec des collectivités régies par un droit différent, les instruments capables de réaliser ou de gérer des équipements communs ?
Pour surmonter ces difficultés, un cadre juridique s'est peu à peu édifié, à la fois grâce à l'évolution du droit français et sous l'effet d'accords interétatiques, comme l'accord de Karlsruhe ou le traité de Bayonne. Je rappelle notamment qu'en France la loi de 1992 sur l'administration territoriale et celle de 1995 sur l'aménagement du territoire ont reconnu la capacité des collectivités locales de contracter avec des collectivités étrangères et de participer à des organismes de droit étranger, de même que des collectivités étrangères peuvent participer en France à des groupements d'intérêt public ou à des sociétés d'économie mixte.
Le protocole que nous examinons aujourd'hui participe à cette évolution, mais sur un plan plus général puisqu'il a vocation à concerner l'ensemble des membres du Conseil de l'Europe.
Il complète la convention de Madrid qui a été ratifiée par vingt pays du Conseil de l'Europe, mais qui demeurait un texte très général dépourvu de portée juridique concrète.
Dès 1990 est apparue la nécessité de disposer d'un instrument plus précis et plus complet offrant un cadre juridique solide et permettant à la coopération transfrontalière de se développer concrètement. La France a participé très activement aux négociations qui ont permis l'élaboration de ce protocole, dont l'apport est double.
D'une part, il reconnaît la liberté de principe des collectivités locales de passer des accords de coopération transfrontalière, à condition qu'elles respectent leur domaine de compétence et la législation interne. En vertu de ces dispositions, pour les parties au protocole, la conclusion d'un accord bilatéral entre Etats ne s'imposera plus préalablement aux accords entre les collectivités locales.
D'autre part, le protocole définit un cadre juridique de base pour les organismes de coopération transfrontalière et permet ainsi de fixer les grandes lignes d'un statut de maître d'ouvrage tranfrontalier capable de réaliser des projets et de gérer des équipements.
Le protocole a également défini deux modèles de statuts, l'un s'intégrant dans le droit national du pays où l'organisme siège, l'autre permettant de prendre en compte des formules prévues par la convention du Benelux et conduisant à créer une sorte de collectivité locale transfrontalière. La France mais aussi l'Allemagne et la Suède ont déclaré, lors de la signature, qu'ils n'appliqueront que le premier modèle qui présente l'avantage de respecter la souveraineté des collectivités locales et de s'inscrire dans le cadre des législations nationales existantes.
Au terme de cette rapide analyse, on peut considérer que ce protocole, d'un strict point de vue français, apportera peu d'innovations puisque, par sa législation et par les accords passés avec ses voisins, la France dispose déjà d'un cadre juridique solide et se situe donc « en avance » par rapport à la plupart des membres du Conseil de l'Europe. L'intérêt principal du protocole réside dans l'effet d'entraînement qu'il pourrait provoquer en incitant un certain nombre de pays européens à adapter leur législation.
D'une manière plus générale, il faut souligner le rôle moteur joué par la France dans l'élaboration de ce texte. Ce sont les solutions mises en pratique par la France qui, au travers de ce protocole, vont s'exporter dans les pays membres du Conseil de l'Europe. Aussi le développement de la coopération transfrontalière s'effectuera-t-il en harmonie avec la législation française.
Pour cet ensemble de raisons et en rappelant que la coopération transfrontalière constitue l'une des applications les plus concrètes de la construction européenne, la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protocole qui nous est soumis a une valeur concrète, mais aussi une forte valeur symbolique. En effet, la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales est reconnue depuis 1992 dans la loi ATR, confirmée en 1995 par la loi pour l'aménagement et le développement du territoire.
L'accord de Karlsruhe, qui vient d'être évoqué, franchit une étape de plus, puisqu'il prévoit la création de groupements locaux de coopération transfrontalière entre collectivités locales. Je souhaite d'ailleurs à ce propos que le code général des collectivités territoriales soit le plus rapidement possible adapté en conséquence pour permettre à ces groupements de fonctionner normalement. C'est en l'occurrence un instrument concret pour développer la coopération transfrontalière.
Le protocole additionnel qui nous est soumis doit être considéré au-delà comme un facteur d'entraînement, comme un facteur stimulant pour la coopération transfrontalière. En effet, si l'Europe se construit au sommet, elle doit aussi, je le crois, se construire à la base...
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... et particulièrement dans les espaces transfrontaliers et avec le concours concret des collectivités locales.
C'est avec cet espoir et dans cet esprit que, bien entendu, je voterai le protocole qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations), fait à Strasbourg le 9 novembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

13

CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA RECONNAISSANCE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 338, 1996-1997) autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. [Rapport n° 380 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les relations internationales connaissent, depuis 1945, une catégorie d'acteurs, nouvelle et très active, les organisations internationales non gouvernementales, les OING. Mais celles-ci ne disposent d'aucune existence juridique internationale.
Leur rôle s'est pourtant affirmé en tant que source d'une grande partie du droit international, agent d'intervention humanitaire, promoteur des droits de l'homme et de la démocratie, et comme précieux auxiliaire du développement économique et social. La charte des Nations unies y fait référence dans son article 71 qui invite le Conseil économique et social à recevoir leurs conseils. D'autres institutions internationales ont aménagé des espaces de concertation avec les OING sous la forme de ce qu'on appelle improprement des statuts consultatifs.
Mais aucune législation internationale ne définit leurs contours ni leurs règles de fonctionnement par rapport aux autres participants à la scène mondiale : aucun texte normatif ne régit en particulier leurs relations avec les Etats ou les institutions intergouvernementales.
Au début des années quatre-vingt, le Conseil de l'Europe a entrepris de combler cette lacune. La convention du 24 avril 1986 organisant la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales est venue, en effet, apporter la première base d'un droit international pour cette catégorie d'acteurs.
Ce document normatif, qui est soumis à votre ratification, mesdames et messieurs les sénateurs, était déjà âgé de plus de dix ans lorsque le Gouvernement français l'a signé le 4 juillet 1996.
Ce délai s'explique tout d'abord par le fait que ce texte, en apportant un certain nombre de réponses à des questions de droit, soulevait aussi des questions très politiques : qui sont exactement ces OING ? Comment cerner leur représentativité ? Comment tenir à l'écart celles dont les intentions contreviennent aux règles fondamentales de la vie internationale institutionnalisée ? Ces questions étaient si largement partagées qu'à ce jour seuls sept pays ont choisi de ratifier cet instrument : la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suisse, la Grèce, le Portugal, l'Autriche et la Slovénie.
Le Gouvernement français a longtemps préconisé une voie alternative qui lui semblait préférable : définir au sein de l'Union européenne un statut que l'OING pourrait choisir. Ainsi, de même qu'il existe un statut de groupement européen d'intérêt économique, un statut d'association européenne aurait été créé.
La Commission européenne a adopté en 1987 une directive proposant un tel statut. Mais les Quinze n'ont pu à ce jour se mettre d'accord sur son adoption. Au demeurant, s'il s'agit d'une toute autre approche que celle qui est développée par le Conseil de l'Europe, les deux voies ne sont pas incompatibles. Pour définir une base de droit international, le Conseil de l'Europe est certainement aujourd'hui un cadre plus indiqué, et ses textes ont plus d'une fois été repris dans d'autres institutions internationales.
Par ailleurs, certaines préoccupations se sont exprimées quant au risque que des organismes illicites n'utilisent cette convention pour développer leurs activités en Europe : les sectes religieuses, les mafias, voire les mouvements politiques subversifs. Nous avons donc observé les conséquences que la ratification a pu avoir de ce point de vue ! dans les sept Etats devenus parties à cette convention. Nous constatons, hélas, que ces organismes illicites se passent le plus souvent de structures juridiques pour agir, ou bien se font enregistrer dans un paradis fiscal. De plus, ces dix dernières années ont vu se développer une efficace coopération policière et judiciaire en Europe pour ce qui touche à ces trois types d'activité subversives.
C'est donc avec sérénité que je puis vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette convention ne favorisera en rien les entreprises illicites qui chercheraient à se camoufler sous l'appellation d'OING.
Le Gouvernement s'est également préoccupé des éventuelles conséquences de l'adoption de ce texte sur la fiscalité. Mais cette inquiétude a, elle aussi, été vite dissipée, le principe de territorialité étant déterminant en matière fiscale.
En outre, le Gouvernement français a pris toutes les précautions nécessaires.
Toutes ces raisons, qui ont retardé la ratification, sont aujourd'hui clairement écartées et rien ne s'oppose plus à celle-ci. Mais un autre argument nous fait considérer qu'il est urgent et essentiel que la France réjoigne désormais les grands pays européens qui ont déjà ratifié ce texte.
Depuis 1990, en effet, les Etats issus de l'ex-Union soviétique reviennent peu à peu à une vie démocratique et ont adhéré nombreux au Conseil de l'Europe. La liberté d'association y avait été, durant quarante-cinq ans, presque totalement interdite. Nons constatons que, formellement admise désormais, elle peine encore à s'y épanouir. Or nous avons la conviction que la vie associative est le terreau où la démocratie s'enracine en profondeur.
L'étude que le Conseil national de la vie associative a demandé, voilà un an, au ministère des affaires étrangères d'effectuer sur les pratiques qui font obstacle à la constitution et au fonctionnement des associations, fondations et syndicats dans l'ensemble de l'Europe, a démontré que très souvent en Europe centrale, orientale et balte la pratique administrative restreint une liberté que la plupart des nouvelles constitutions ont pourtant reconnue.
Les associations et fondations françaises qui souhaitent travailler ailleurs en Europe subissent des restrictions et, souvent, vivent en pratique sous un régime de précarité. En ratifiant cette convention - que seule, parmi les anciens pays communistes, la Slovénie a reconnue - la France entend relancer le mouvement des adhésions et permettre ainsi à nos associations humanitaires, mais aussi patronales et culturelles, d'être protégées par un minimum de droits lorsqu'elles exportent leurs compétences.
Cette convention, très simple dans sa rédaction, établit en effet que les Etats qui l'auront ratifiée devront admettre que des organisations internationales non gouvernementales, créées dans un autre Etat contractant, pourront, sans aucune formalité supplémentaire, exercer leurs activités chez eux, y bénéficiant d'une reconnaissance automatique de leur personnalité et des droits qui lui sont attachés dans le pays d'origine.
Cest une chose que, pour notre part, nous admettons déjà. Il existe, en effet, une jurisprudence française qui permet aux OING étrangères d'acquérir des biens, de recruter des personnels, de procéder à des transactions et d'ester en justice sur notre sol sans être obligées d'accomplir une quelconque formalité. De ce point de vue, la convention ne fera que clarifier et stabiliser la jurisprudence.
Les réticences de la France à ratifier, nous dit-on de différentes parts, ont eu un effet fâcheux sur un certain nombre de pays européens. Notre geste devrait relancer le mouvement de ratification. Mais, au-delà, nous entendons mettre en chantier rapidement la négociation d'un protocole additionnel à cette convention.
Le projet de déclaration interprétative, que j'ai déjà mentionné, a été soumis au service juridique du Conseil de l'Europe qui lui a réservé un accueil favorable, cette déclaration ayant le mérite d'éclaircir un certain nombre de points importants. Le principe a été arrêté d'un séminaire placé sous l'égide du Conseil de l'Europe et du Gouvernement français destiné à amorcer la rédaction de ce qui devrait devenir un protocol additionnel. Sa date a été fixée aux 8 et 9 décembre 1997. Ainsi se complètera - du moins peut-on l'espérer - au niveau de l'Europe des quarante, cette base de droit qui faisait jusque-là défaut aux organisations internationales non gouvernementales et que la convention soumise à votre ratification a commencé de fonder.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, s'était engagé devant le Conseil national de la vie associative le 16 janvier 1996 à faire en sorte que la convention du 24 avril 1986 fût ratifiée par la France dans les meilleurs délais. Le nouveau gouvernement, pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, a décidé de reprendre cet engagement à son compte et vous invite à approuver le projet de loi de ratification qui vous est soumis.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Plasait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales a un objectif louable. Elle vise, en effet, à encourager l'action des ONG en leur permettant de bénéficier, dans tous les pays signataires, de la reconnaissance de la personnalité juridique qui leur a été accordée dans leur propre pays. De la sorte, le texte du Conseil de l'Europe les dispense des formalités parfois contraignantes auxquelles sont assujetties les organisations qui souhaitent, comme c'est la vocation de la plupart d'entre elles, s'installer dans plusieurs pays.
Cependant, les ONG constituent une véritable nébuleuse et, dans ce maquis, se dissimulent parfois des organisations dont l'honorabilité apparaît sujette à caution. C'est pourquoi il est indispensable que la reconnaissance de la personnalité juridique de ces organisations soit entourée de garde-fous. A cet égard, il faut en convenir, les garanties apportées par la convention du Conseil de l'Europe ne paraissent pas entièrement satisfaisantes.
A mon avis, la convention encourt deux reproches principaux.
D'une part, d'inspiration libérale, le texte du Conseil de l'Europe pourrait avoir pour effet paradoxal, en France, de placer les ONG étrangères dans une position plus favorable que les associations nationales en les exemptant des procédures auxquelles sont soumises les associations de droit français. Je citerai à titre d'exemple l'autorisation administrative préalable simple pour toute association désireuse de recevoir une libéralité.
Cette situation est d'autant moins acceptable que la convention ne définit pas de façon suffisamment précise la catégorie des ONG appelées à bénéficier du dispositif de la convention. C'est là mon second reproche. La convention requiert en effet que les ONG aient un « but non lucratif d'utilité internationale ». mais cette notion elle-même paraît trop extensive.
Sans doute convient-il de mentionner deux verrous apportés par l'accord à la reconnaissance systématique de la personnalité juridique des ONG hors des pays où elles ont leur siège.
Premier verrou, qui découle d'ailleurs plus de l'interprétation donnée par le rapport explicatif du Conseil de l'Europe que de la lettre, plutôt obscure, du texte : les ONG peuvent se voir appliquer les restrictions ou les procédures prévues pour les associations nationales quand un « intérêt public essentiel » le justifie.
Second verrou : l'application de la convention peut être écartée pour des motifs d'ordre public.
Pour moi, cependant, la garantie la plus convaincante repose sur la déclaration interprétative dont notre Gouvernement accompagnera le dépôt des instruments de ratification de la convention. Cette déclaration, dont le texte a été communiqué à la commission des affaires étrangères, précise en particulier le sens que les autorités françaises donneront au critère de « but non lucratif d'utilité internationale ».
De même, par le biais de la notion « d'intérêt public essentiel » mentionnée à l'article 2 de la convention et interprétée par notre Gouvernement de façon plutôt extensive, les pouvoirs publics entendent appliquer aux ONG étrangères, pour l'exercice de leur capacité juridique, les mêmes règles ou procédures que celles auxquelles sont soumises les associations françaises.
En résumé, la convention aura pour seul effet de dispenser les ONG étrangères de constituer une nouvelle entité en droit interne. Mais, pour exercer une capacité juridique, c'est-à-dire pour bénéficier de libéralités, pour ester en justice ou pour solliciter des subventions, l'ONG sera soumise au contrôle de l'administration qui exercera son pouvoir d'appréciation.
Dans ces conditions, même si le texte ne présente pas toute la rigueur nécessaire sur le plan du droit, la déclaration interprétative du Gouvernement offre les assurances nécessaires.
En outre, il me paraît important d'encourager l'action de certaines ONG françaises dont le dévouement et l'efficacité ont su susciter, bien au-delà de nos frontières, l'estime et l'admiration. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales, faite à Strasbourg le 24 avril 1986 et signée par la France le 4 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

14

CONVENTION POUR LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L'ATLANTIQUE DU NORD-EST

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'orde du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 386, 1996-1997) autorisant la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes et deux appendices). [Rapport n° 421 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 22 septembre 1992 était signée à Paris, au terme d'une conférence réunissant les ministres chargés de l'environnement des Etats riverains de l'Atlantique du Nord-Est - l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Royaume-Uni, et la Suède - de la Suisse, du Luxembourg ainsi que la Commission de l'Union européenne, la convention pour la protection des eaux de l'Atlantique du Nord-Est.
Due à une initiative conjointe des gouvernements français et norvégiens, cette convention actualise les dispositions d'instruments dépassés. Il s'agit, en l'occurrence, de la convention d'Oslo de 1972 pour la prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et les aéronefs et de la convention de Paris de 1974 pour la prévention de la pollution marine d'origine tellurique.
La nouvelle convention est conforme aux orientations de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro en 1992. De plus, elle intègre un certain nombre de principes et de concepts répondant aux développements les plus récents en matière de protection de l'environnement : principe de précaution, meilleure pratique environnementale, meilleures techniques disponibles, principe pollueur-payeur, etc.
Destinée à se substituer, dès son entrée en vigueur, aux conventions d'Oslo et de Paris que j'ai citées, cette nouvelle convention a pour objectif, par le biais d'une approche intégrée de la protection du milieu marin et de ses écosystèmes, de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, de supprimer les apports de polluants dans les eaux concernées, quels que soient leur origine - urbaine, industrielle ou agricole, ponctuelle ou diffuse - ou leur mode d'introduction dans le milieu - conduites, fleuves et rivières, retombées atmopshériques, immersions. Elle dispose à cet effet d'un certain nombre d'annexes thématiques relatives, respectivement, aux rejets telluriques, aux immersions - y compris les immersions de déchets radioactifs qui échappaient à la convention d'Oslo de 1972 - à l'exploration et à l'exploitation « en zone maritime ».
Une dernière annexe prévoit, en outre, une surveillance continue du milieu marin et la publication régulière de bilans de qualité.
Cette nouvelle convention traduit également le souci des signataires de disposer d'un instrument qui, comparé aux textes précédents, présente un processus décisionnel renforcé et plus efficace. La convention prévoit en effet la possibilité d'adopter des « décisions » ayant un caractère juridiquement contraignant à l'égard des parties qui, souscrivant aux dispositions qu'elles contiennent, se sont prononcées en leur faveur.
Enfin, la convention reconnaît le droit d'accès du public aux informations relatives à la protection du milieu marin et la contribution des organisations non gouvernementales aux travaux de la commission, instance décisionnelle instituée par la convention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à ce jour, treize Etats - les Pays-Bas, l'Espagne, la Suisse, la Suède, l'Allemagne, la Finlande, la Norvège, le Danemark, l'Islande, le Royaume-Uni, l'Irlande, le Luxembourg et la Belgique - ont déposé leur instrument de ratification auprès du Gouvernement français, qui est le dépositaire de cette convention.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Habert, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est signé à Paris le 22 septembre 1992 par quinze Etats européens : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, pays ayant des côtes sur l'océan ou sur des mers qui s'y rattachent, auxquels se sont ajoutés deux Etats enclavés, le Luxembourg et la Suisse, intéressés par le fait que les cours d'eau qui les arrosent coulent vers le Rhin et la mer du Nord. La Communauté européenne, en tant qu'organisation régionale, a également signé la convention et participera à sa mise en oeuvre dans ses domaines de compétence.
La convention a été paraphée en 1992 par un membre du gouvernement Bérégovoy, Mme Ségolène Royal, alors ministre de l'environnement. La décision de la soumettre à l'approbation parlementaire a été prise en 1996 par le Premier ministre, M. Alain Juppé. Elle arrive enfin, sous le couvert de M. Lionel Jospin et du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine. Voilà un parcours de cinq années qui constitue un bel exemple de la continuité de l'Etat.
La protection des mers contre les différentes formes de pollution est une préoccupation relativement récente. Elle date d'une quarantaine d'années et a été prise en compte par de nombreux instruments internationaux. Certains d'entre eux ont une portée mondiale, comme la convention de Bruxelles de 1954 sur la pollution par les hydrocarbures et les accidents pétroliers, la convention de Londres de 1972 sur l'immersion des déchets. D'autres ont une portée régionale. Tel est le cas de deux conventions internationales dont nous allons maintenant parler : la convention d'Oslo de 1972 sur la prévention de la pollution marine par immersion et la convention de Paris de 1974 sur la prévention de la pollution tellurique, provenant de la terre. Ces deux textes ont favorisé des avancées importantes, notamment l'arrêt des immersions de déchets industriels, l'arrêt de l'incinération en mer et la mise en oeuvre de mesures limitant très fortement les rejets de métaux lourds tels que le mercure.
Adoptée le 22 septembre 1992, la nouvelle convention que nous examinons permet d'aller plus loin. Instrument unique, elle remplace, conjugue et unit les deux conventions précédentes, celle d'Oslo et celle de Paris, d'où ce nom inhabituel de « convention OSPAR ». Cette convention témoigne d'une approche beaucoup plus globale de la prévention de la pollution du milieu marin.
Elle prend en compte l'ensemble des risques de pollution dans l'Atlantique du Nord-Est et définit des obligations générales inspirées des travaux menés par la conférence des Nations unies qui s'est tenue à Rio en 1992. Parmi ces obligations figurent le principe du pollueur payeur et le principe de précaution générale, principes dont l'application demeure toutefois parfois délicate à mettre en oeuvre.
La nouvelle convention constitue un cadre très large et évolutif tout en définissant, dans ses quatre annexes, des mesures concrètes de lutte contre la pollution. A ce titre, on peut noter des améliorations certaines.
Les dispositions de la Convention de Paris sur la pollution tellurique sont actualisées, le principe de l'interdiction de l'immersion de tous les déchets est posé et les exceptions sont limitativement énumérées. Ces dernières concernent notamment les matériaux de dragage, les matières inertes d'origine naturelle ou les déchets de poissons provenant des usines de transformation, dont l'immersion reste toutefois encadrée et soumise à des autorisations spéciales.
Un sort particulier a été réservé à l'immersion des déchets radioactifs. Le Royaume-Uni et la France avaient obtenu une dérogation de quinze ans pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs. Cette clause est toutefois aujourd'hui devenue sans objet puisque, depuis, les gouvernements français et britannique ont officiellement renoncé à toute immersion de déchets radioactifs.
Notons à ce propos que les rejets depuis la terre de substances radioactives demeurent un problème, et que certaines dispositions de la présente convention en traitent avec précision. Cela est important, notamment pour l'usine de retraitement de la Hague, qui est un sujet d'actualité auquel Mme Heinis, sénateur de la Manche, porte un intérêt tout particulier.
Les parties contractantes de la présente convention s'engagent à réduire ces déchets et suivre les recommandations des autorités internationales, notamment de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Une troisième annexe traite d'un aspect nouveau : la pollution provenant des plates-formes pétrolières ou gazières. L'immersion de déchets à partir des plates-formes est interdite. L'immersion ou l'abandon sur place de ces plates-formes n'est autorisé que sous des conditions très strictes, afin d'éviter les effets les plus sensibles de cette pratique, qui concerne surtout la Norvège et le Royaume-Uni.
Enfin, la quatrième et dernière annexe aborde, elle aussi, un domaine nouveau. Elle préconise la surveillance continue de la qualité du milieu marin et prévoit la mise en place de programmes de recherche et le développement des échanges d'information.
En conclusion, il apparaît que, tout en s'inscrivant dans la continuité des conventions d'Oslo et de Paris, la nouvelle convention OSPAR est de nature à donner une impulsion nouvelle à la coopération européenne dans la lutte contre la pollution marine, même s'il faut bien constater que, dans ce domaine, les impératifs économiques et industriels n'autorisent pas de progrès aussi rapides qu'on le souhaiterait et ne permettent pas toujours des mesures d'interdiction totale et absolue.
Soulignons un point notable : les décisions de la commission intergouvernementale chargée de mettre en oeuvre la convention ne s'imposeront qu'aux Etats qui les auront votées. Ainsi la souveraineté des Etats limite considérablement la portée du texte.
Enfin, il est envisagé d'élaborer une cinquième annexe consacrée à la protection des espèces et des habitats, qui concernerait les activités d'extraction de sables et de granulats.
Tout cela suppose que cette convention entre en vigueur, ce qui nécessite la ratification par l'ensemble des quatre parties. La France, pourtant dépositaire du texte, ne l'avait jusqu'à ce jour, pas fait. Cette ratification est désormais urgente et, pour cette raison, mais aussi compte tenu des progrès nouveaux que ce texte laisse espérer dans la lutte contre la pollution des mers, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter ce projet de loi. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. ) M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes et deux appendices) signée à Paris le 22 septembre 1992, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention du 22 septembre 1992, dite OSPAR, dont on vous demande d'autoriser la ratification, est une étape importante dans la lutte contre la pollution des espaces maritimes et doit donner à cette lutte une impulsion nouvelle.
L'élue du littoral que je suis désire vivement que la France procède rapidement à la ratification d'un texte qui laisse espérer des progrès dans ce domaine.
Mais je souhaite attirer l'attention de la Haute assemblée sur l'échéance suivante, c'est-à-dire la réunion qui devrait se tenir en juillet 1998 à Lisbonne, afin de définir un objectif commun : l'engagement de réduction programmé des rejets de substances radioactives, qui fera l'objet d'une déclaration ministérielle.
Or, parmi les représentants des parties à la convention OSPAR, deux thèses s'affrontent : une proposition maximaliste visant au rejet zéro et une position qui a toujours été celle de la France et qui est de considérer que, conformément aux engagements pris à l'article 2 de la convention OSPAR, tout apport de radioactivité inférieur ou égal aux limites réglementaires et aux recommandations des organisations internationales compétentes ne peut constituer une pollution.
Bien entendu, et j'y insiste, cela ne dispense pas d'appliquer le principe ALARA, qui est de rechercher systématiquement à abaisser le niveau des rejets aussi bas que cela est raisonnablement possible.
La position de la France sur ce point doit rester intransigeante, car le rejet zéro n'a aucun sens, non seulement pour l'industrie nucléaire, mais également pour toute activité humaine. Ce serait la porte ouverte à l'interdiction de fait de toute l'industrie nucléaire, ce qui est le but clairement visé par les antinucléaires et leurs organisations internationales.
Je terminerai en citant les bons auteurs, en l'occurrence notre ministre de l'éducation nationale, M. Allègre, scientifique connu, qui déclarait récemment : « Si l'on vit dans l'optique du risque zéro, on va multiplier les peurs collectives. Une société qui n'assume pas les risques est une société vouée à la mort, car seule la mort est sans risque. » ( Applaudissements sur les travées des Républicains Indépendants. )
M. Jacques Habert, rapporteur. Très bien ! M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

15

ACCORD AVEC L'ESPAGNE CONCERNANT LA CONSTRUCTION ET L'EXPLOITATION D'UNE LIGNE FERROVIAIRE À GRANDE VITESSE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 201, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne (façade méditerranéenne). [Rapports n°s 252 et 253 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord signé à Madrid le 10 octobre 1995 par la France et l'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre les deux pays concrétise la volonté des deux gouvernements de favoriser leurs échanges en développant le réseau ferroviaire à grande vitesse dans le cadre du réseau transeuropéen de transports et des schémas directeurs nationaux de lignes ferroviaires.
Cette volonté s'est en fait manifestée dès 1992, lors du sommet franco-espagnol d'Albi. Elle a été réaffirmée lors du sommet de Tolède en novembre 1993, lorsque les ministres français et espagnol des transports ont décidé la réalisation d'une ligne ferroviaire à grande vitesse à écartement international entre Montpellier et Barcelone.
Celle-ci a été inscrite à l'ordre du jour des réunions européennes au sommet de Corfou et d'Essen parmi les quatorze projets prioritaires retenus au titre de l'initiative européenne de croissance, et un groupement européen d'intérêt économique, un G.E.I.E., a été créé le 6 avril 1995 entre les chemins de fer français et espagnols afin de finaliser les études relatives à ce projet. Cet accord conclut les études menées conjointement par la France et l'Espagne sur cette liaison par l'adoption des dispositions que je vais énoncer.
Tout d'abord, au sein de la ligne nouvelle entre la France et l'Espagne, le tronçon Perpignan - Figueras est défini comme la « section internationale » que les deux Etats envisagent de réaliser en concession à une ou plusieurs sociétés, le reste de la liaison étant du strict ressort de chaque Etat.
Ensuite, cette section internationale est prévue à double voie et à écartement international. Elle est conçue pour permettre à la fois un trafic de voyageurs et un trafic de marchandises. Elle représente une portion de ligne nouvelle de 26,6 kilomètres en France entre la frontière - le Perthus - et Perpignan. Du côté espagnol, le choix de limiter la section internationale à Figueras résulte d'un souci de symétrie de part et d'autre de la frontière.
Par ailleurs, la réalisation de cette section internationale permettra, grâce à un raccordement à la ligne existante à Perpignan, une exploitation de services dans la continuité du réseau existant.
Enfin, du côté espagnol, en revanche, l'exploitation d'une liaison jusqu'à Barcelone sans rupture de charge nécessite la création d'une ligne nouvelle à écartement international entre Figueras et Barcelone. Cette ligne devra être achevée en même temps que la construction de la section internationale.
Une fois la section internationale réalisée dans les conditions prévues par l'accord, il sera possible d'exploiter des liaisons Perpignan - Barcelone, Montpellier - Barcelone ou même Londres - Barcelone.
Pour ce qui concerne la France, l'obligation « conditionnelle » correspondante sera limitée à la réalisation du raccordement à la ligne existante à Perpignan, accompagnée de quelques investissements de capacité nécessaires entre Montpellier et Perpignan.
L'Espagne prend, elle, un engagement financièrement plus lourd puisqu'il s'agit bien d'obligations conditionnelles en ce qu'elles ne produisent tous leurs effets que le jour où les Etats engageront effectivement la construction de la section internationale.
En vue de préparer la réalisation de la section internationale, il est créé une commission intergouvernementale. Son rôle consistera à piloter les études nécessaires pour préparer la concession.
Ces études à venir, dont une partie sera confiée au groupement européen d'intérêt économique créé entre les deux réseaux, permettront de définir les conditions techniques, juridiques et financières d'une telle concession.
Compte tenu de l'inscription de ce projet sur la liste des projets prioritaires des réseaux transeuropéens, un soutien financier de l'Union européenne est attendu pour cette réalisation en complément du soutien financier déjà obtenu pour les études à mener.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord du 10 octobre 1995 entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne - façade méditerranéenne - qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. Emmanuel Hamel. Projet de loi que nous allons approuver !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord relatif à la ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne, signé lors du sommet franco-espagnol de Madrid le 10 octobre 1995, concerne le tronçon à statut international de cette ligne, long d'une cinquantaine de kilomètres, qui se situera entre Perpignan et Figueras.
L'accord s'insère dans le projet plus vaste de liaison à grande vitesse entre Montpellier et Barcelone. Ce projet baptisé TGV sud-européen est un élément très important pour la coopération franco-espagnole.
Je rappelle simplement que la France est le premier partenaire économique de l'Espagne, son premier client comme son premier fournisseur, et également le premier investisseur. La question des infrastructures de transport occupe une place centrale dans ces relations.
En effet, les échanges entre les deux pays, en forte expansion, mais aussi, plus largement, l'intégration de l'Espagne et de la péninsule ibérique dans l'espace européen dépendent largement de l'amélioration des communications terrestres, qui sont tributaires du franchissement de la barrière pyrénéenne. Pour l'Espagne, plus encore que pour la France, l'amélioration des communications transpyrénéennes représente un enjeu vital.
La modernisation des infrastructures ferroviaires constitue un impératif, tant elles paraissent inadaptées aux besoins des échanges franco-espagnols.
La quasi-totalité du trafic ferroviaire entre la France et l'Espagne s'écoule par deux lignes qui passent par Irun à l'Ouest et Port-Bou à l'Est. La seule ligne franchissant la partie centrale des Pyrénées, par La Tour de Carol et Puigcerda, ne reçoit qu'un trafic marginal.
Ces liaisons ferroviaires souffrent d'un double handicap : l'inévitable rupture de charge liée à la différence d'écartement entre les voies espagnoles et les voies françaises et l'état du réseau ferré espagnol qui ne permet pas de liaisons rapides avec Madrid et les grandes agglomérations du pays.
L'inadaptation de ces liaisons explique la très faible part du rail dans la circulation entre les deux pays. Pour les moderniser, l'Espagne s'est engagée dans un ambitieux programme de réseau à grande vitesse impliquant la réalisation de lignes nouvelles à écartement standard - cela est très important - et leur raccordement au réseau européen. Une première ligne à grande vitesse fonctionne entre Madrid et Séville depuis 1992.
Je rappelle, par ailleurs, que les schémas directeurs espagnol et français prévoient deux liaisons nouvelles à grande vitesse entre les deux pays : l'une sur la façade méditerranéenne, par Montpellier et Barcelone, l'autre sur la façade atlantique, entre Bordeaux et Madrid. Elles constituent les deux branches d'un même projet, le TGV sud-européen, inscrit depuis 1990 au réseau européen de trains à grande vitesse et retenu en 1994, lors du sommet d'Essen, parmi les quatorze grands projets d'infrastructures prioritaires de l'Union européenne.
La liaison par la façade atlantique se limite actuellement à la ligne Paris-Tours.
Permettez-moi à cet égard, monsieur le ministre, de vous poser une question, même si elle n'entre pas tout à fait dans le cadre de la présente discussion. Vous serait-il possible, aujourd'hui ou ultérieurement, de nous indiquer s'il existe un calendrier prévisionnel concernant cette liaison de la façade atlantique ?
M. le président. Très bonne question ! (Sourires.)
M. André Rouvière, rapporteur. La liaison par la façade méditerranéenne est, en revanche, déjà largement entamée. Le TGV relie Paris et Valence. Les travaux sont engagés entre Valence et Nîmes, ainsi que, du côté espagnol, sur certaines sections entre Madrid et Barcelone. Les acquisitions foncières sont en cours entre Nîmes et Montpellier et l'avant-projet d'itinéraire entre Montpellier et la frontière a été approuvé en 1995.
Tous ces éléments permettent de mesurer l'importance de l'accord du 10 octobre 1995, qui doit donner l'impulsion décisive pour la réalisation rapide du tronçon Perpignan-Barcelone.
Concernant la section internationale, longue de 52,7 kilomètres, entre Perpignan et Figueras, dont 26,6 kilomètres entre Perpignan et la frontière, l'accord définit trois caractéristiques majeures : il s'agit d'une ligne nouvelle à grande vitesse, à écartement européen standard et conçue pour un trafic mixte, voyageurs et marchandises.
Ce dernier élément mérite d'être souligné : il est novateur et très important pour l'avenir dans la mesure où, jusqu'à présent, la grande vitesse ne concerne, en France, que le trafic voyageurs.
La possibilité d'acheminer, sans rupture de charge et par une ligne nouvelle à grande vitesse, des marchandises jusqu'à Barcelone devrait être un élément décisif pour rééquilibrer la part du transport ferroviaire dans les échanges avec l'Espagne et pour limiter un trafic de poids lourds en augmentation constante, avec tous les effets que cela induit sur l'environnement.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Absolument !
M. André Rouvière, rapporteur. Je crois également important de souligner que, par cet accord, la France et l'Espagne s'engagent à raccorder au réseau européen standard la section internationale dès sa mise en service, afin d'assurer une continuité de la liaison Montpellier-Barcelone.
Si cela suppose, du côté français, un simple embranchement sur la ligne actuelle à Perpignan, l'engagement est beaucoup plus lourd pour l'Espagne, qui devra obligatoirement réaliser dans le même temps une ligne nouvelle de 120 kilomètres entre Figueras et Barcelone. Il est bien entendu indispensable que la partie espagnole respecte cet engagement, faute de quoi la construction de la section internationale ne présenterait plus aucun intérêt.
La mise en oeuvre effective de l'accord repose en grande partie sur la commission intergouvernementale qu'il institue.
Celle-ci sera chargée de poursuivre les études techniques et financières et de lancer la mise en concession du projet. Le choix de la concession est cohérent avec les orientations nouvelles en matière de lignes à grande vitesse, qui préconisent la recherche de modes de financement spécifiques pour la réalisation de nouvelles infrastructures. C'est la commission intergouvernementale qui préparera le contrat de concession en prévoyant les conventions techniques, juridiques et financières ainsi que la durée de la concession.
Il est clair que le projet ne pourra entrer dans sa phase concrète de réalisation qu'une fois la commission intergouvernementale mise en place. De ce point de vue, on ne peut que regretter le retard pris dans la ratification de l'accord, alors que le texte a été transmis au Sénat dès la fin du mois de janvier.
La commission des affaires étrangères a statué sur l'accord du 10 octobre 1995 au mois de mars. Elle a considéré que ce texte apportait des perspectives concrètes à un projet essentiel pour les relations franco-espagnoles et pour l'ancrage de la péninsule ibérique à l'ensemble européen.
Ce progrès majeur pour les communications entre la France et l'Espagne résultera autant de la grande vitesse elle-même que du raccordement de l'Espagne au réseau à écartement européen et donc de la suppression de cette fameuse rupture de charge si pénalisante pour les relations ferroviaires avec l'Espagne.
La réalisation de cette liaison ouvrira des perspectives nouvelles pour les régions concernées, au premier rang desquelles le Languedoc-Roussillon et la Catalogne, mais aussi la région toulousaine.
Le gain de temps prévu est considérable puisque la durée du trajet sera ramenée de trois heures six minutes, à cinquante minutes entre Barcelone et Perpignan, de quatre heures quarante à deux heures vingt entre Barcelone et Montpellier et de neuf heures trente-cinq à cinq heures trente-cinq entre Barcelone et Paris.
Cette liaison contribuera au développement de relations franco-espagnoles déjà intenses.
Elle présente, enfin, une dimension européenne évidente, qui vaut au TGV sud-européen de figurer parmi les quatorze grands projets d'infrastructures prioritaires de l'Union européenne.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des affaires étrangères a unanimement approuvé ce projet de loi.
Au-delà de cet avis très favorable, nous voudrions cependant faire part au Gouvernement d'une double préoccupation. Tout d'abord, quel sera le calendrier de réalisation de la ligne Perpignan-Figueras ? L'horizon 2004 a été évoqué à plusieurs reprises pour la mise en service. Cette échéance sera-t-elle respectée, alors que, comme je l'ai déjà indiqué, les Espagnols auront également à assurer dans le même temps la prolongation de la ligne jusqu'à Barcelone ?
Il nous semble que, compte tenu du caractère bien délimité du projet, de son coût évalué à 4 milliards de francs, dont 2,9 milliards de francs à la charge de la France, de son intérêt européen, de la part qu'il réserve au transport de fret, toutes les conditions sont réunies pour qu'il fasse l'objet d'une attention prioritaire. Les gains de temps attendus sont considérables.
Notre seconde préoccupation concerne la réalisation de la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, pour laquelle aucune échéance n'est évoquée.
Depuis l'approbation de l'avant-projet sommaire en mai 1995, la procédure est au point mort. Il en résulte pour les régions concernées de très graves inconvénients car, en l'absence de précisions supplémentaires sur le tracé, toutes les transactions foncières, tous les projets d'aménagement des particuliers, des entreprises ou des collectivités sont actuellement suspendus. Cela devient très préoccupant pour les uns et pour les autres. Nous assistons, dans la zone susceptible d'être traversée, à un véritable gel des terrains, qui va se prolonger tant que les procédures n'avanceront pas. Les propriétaires et les riverains sont ainsi gravement pénalisés.
La liaison Montpellier-Perpignan constitue, certes, un projet de grande ampleur. Il existe cependant des solutions qui permettraient de dissocier les décisions en matière foncière de la réalisation de l'infrastructure, par exemple la conduite d'un programme d'intérêt général.
Il est important que le Gouvernement se prononce sur cette question afin de ne pas laisser les populations concernées dans une incertitude très préjudiciable à la vie économique de la région.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas fréquent que la commission des affaires économiques souhaite se saisir d'un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord international. Tel a pourtant été le cas pour celui-ci. Cela s'explique par ses incidences en matière d'aménagement du territoire et de développement économique.
Cet accord prévoit, on l'a dit, la construction de 26,6 kilomètres de ligne nouvelle entre le Perthus et Perpignan et presque autant du côté espagnol. La réalisation de la section sera effectuée par une société concessionnaire dont le statut reste à déterminer, le reste de la liaison demeurant du ressort de chaque Etat.
C'est l'accord signé le 10 octobre 1995 à Madrid qui a prévu la création et l'exploitation de la section internationale, entre Perpignan et Figueras, d'une ligne TGV à écartement européen.
La signature de cet accord avait été précédée par le sommet franco-espagnol d'Albi de 1992, puis par ceux de Tolède et de Foix.
Ainsi, la ratification de cet accord, qui permet la construction et l'exploitation d'une ligne à grande vitesse entre la France et l'Espagne par la façade méditerranéenne, constitue bien un événement très attendu des deux côtés de la frontière.
En effet, dès la réalisation de cette section internationale de 52 kilomètres environ, dont un tunnel de 8 kilomètres, Montpellier ne sera plus qu'à deux heures vingt de Barcelone, au lieu de quatre heures quarante actuellement, et Paris à cinq heures trente-cinq de Barcelone, contre neuf heures trente-cinq aujourd'hui, Narbonne ne sera qu'à une heure trente-cinq de Barcelone et à trois heures quarante-cinq de Paris, Perpignan sera à quarante-cinq minutes de Barcelone.
Il est également à noter que cette liaison à grande vitesse franco-espagnole ne pâtira plus de la différence d'écartement des voies. L'effet positif sera immédiat : dès la réalisation du tronçon Barcelone - Perpignan, un réel équilibrage entre les différents modes de transports est attendu, tant en ce qui concerne les voyageurs que le fret, sur l'axe Montpellier-Narbonne-Perpignan-frontière espagnole.
Bref, avec la ratification de cet accord, une porte s'ouvre sur la Catalogne et l'Espagne toute entière.
Cependant, on ne peut saisir toute la dimension de l'accord de Madrid si l'on n'a pas présent à l'esprit que la section internationale de Figueras à Perpignan n'est que le premier élément d'un projet à grande vitesse plus complet, reliant Barcelone jusqu'à Montpellier.
C'est donc au regard d'un projet global - qui comprend une première phase, la liaison Perpignan-Figueras, objet du présent projet de loi, et une deuxième phase, la liaison Perpignan-Montpellier - que nous avons, dans notre rapport, analysé les implications économiques de l'accord, selon une logique non seulement française mais aussi européenne, tant sur l'axe Londres-Paris-Montpellier-Barcelone-Madrid-Séville qur sur la liaison ferroviaire Rhin-Rhône-Méditerranée.
Vu sous cet angle, il s'agit en effet du plus européen de tous les projets européens en cours, tant par l'immense marché des transports qu'il représente que par la cohésion qu'il apporte.
C'est d'ailleurs, selon les experts, le projet le plus rentable, qui présente de surcroît l'immense avantage d'être le plus « phasable ». Il s'agit bien là d'une liaison stratégique à l'échelle de l'Europe.
En prolongeant la ligne TGV Méditerranée Valence-Nîmes-Montpellier jusqu'à la frontière espagnole, un tel projet se coulerait dans « l'arc méditerranéen », favorisant les échanges avec l'ensemble de l'Europe et rapprochant le marché européen des forces industrielles viticoles et agricoles des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.
En, effet, cette ligne TGV Languedoc-Roussillon, que nous appellons de nos voeux et qui relierait Montpellier à Barcelone, constituerait, grâce au tronçon Montpellier-Narbonne, avec ses raccordements au réseau existant, une partie de la relation transversale à grande vitesse « grand Sud », entre Montpellier et Toulouse.
Il est clair que l'effet TGV, en divisant par deux les temps de parcours depuis l'Europe du Nord, aura un impact considérable, sur les plans touristique et économique, pour ces régions du Sud.
En effet, à l'horizon 2010 et dans l'hypothèse où le schéma européen des lignes à grande vitesse serait achevé, il suffirait d'une heure trente pour rallier Barcelone depuis Narbonne, de trois heures pour se rendre de Montpellier à Paris, de deux heures quinze pour aller de Toulouse à Barcelone et de quatre heures pour voyager entre Toulouse et Turin.
D'ores et déjà, la réalisation du tronçon Figueras-Perpignan permettra de répondre, d'une manière satisfaisante, à la demande de transport, sans cesse en accroissement sur cet axe, mais la seconde phase, correspondant à la liaison Perpignan-Montpellier, devra obligatoirement suivre, avec notamment ses raccordements vers Carcassonne et Toulouse.
Actuellement, les flux de transport à travers la frontière franco-espagnole, dans les deux sens, font apparaître - cela a été souligné par M. Rouvière - la part modeste qu'occupe le transport ferroviaire, avec 3,8 % des voyageurs contre 32 %, par exemple, pour le transport par autocar.
S'agissant du fret, on enregiste actuellement un trafic de 2 millions de tonnes pour le transport ferroviaire, contre 26 millions de tonnes pour la route et 20 millions de tonnes pour les transports maritimes. C'est dire si la part du trafic qui revient au transport ferroviaire est actuellement faible sur cet axe.
Les experts de la SNCF ont estimé que, lors de la mise en service de la ligne TGV Barcelone-Perpignan, le trafic sur cet axe nord-sud atteindrait près de 4 millions de voyageurs, puis 6 millions à 7 millions en 2010.
Quant au trafic du fret par le rail, il pourrait être de l'ordre de 5 millions à 6 millions de tonnes à l'horizon 2005.
Dans ces conditions, on peut donc envisager des incidences nettement favorables en termes de développement des sites ferroviaires de Perpignan, de Narbonne, de Béziers et de Montpellier, ou encore des plates-formes multimodales existantes ou à créer.
S'il fallait avancer des arguments supplémentaires justifiant la réalisation d'un projet complet de ligne TGV Figueras-Perpignan et Perpignan-Montpellier, on les trouverait aisément, mes chers collègues, en prenant en compte les problèmes de saturation que connaissent les axes routiers entre Montpellier, Narbonne, Perpignan et la frontière.
Certaines études démontrent que l'évolution des trafics routiers devrait conduire, dès l'an 2000, à des problèmes de saturation nécessitant la construction, au droit de Montpellier, d'un détournement autoroutier doublant l'autoroute A 9 et la mise à deux fois trois voies de l'autoroute jusqu'à la frontière, voire son doublement sur certains tronçons.
En effet, le trafic actuel de transit atteint, à Montpellier, 60 000 véhicules légers par jour, et peut culminer à 90 000 véhicules quotidiens en été. Le trafic de poids lourds est, quant à lui, de 9 500 unités par jour.
En outre, à la frontière franco-espagnole, on enregistre le passage de 5 500 poids lourds par jour, dont 53 % transitent par la France. Ce nombre pourrait atteindre 10 200 en 2005 et, dès 2015, en l'absence de liaison ferroviaire, la contribution des poids lourds au trafic frontalier serait supérieure à celle des véhicules légers, avec plus de 17 000 poids lourds en moyenne journalière. La contribution du ferroviaire à cette « décongestion » pourrait donc être déterminante et permettrait de freiner la croissance du nombre des poids lourds. La réalisation de la ligne à grande vitesse Perpignan-Barcelone passant sous les Pyrénées y contribuera.
Cependant, sa mise en service vers 2004 entraînera elle-même, sur le réseau ferré languedocien, une augmentation importante de la circulation journalière de TGV ou d'autres trains de voyageurs ou de fret.
Etant donné ces problèmes de capacité du réseau ferroviaire, et si l'on veut « décongestionner » les axes routiers, il faudra bien considérer la réalisation de la ligne noiuvelle Saint-Jean-de-Védas-Narbonne comme une priorité. Ce n'est pas mon collègue M. Vezinhet qui me contredira sur ce point ! Elle permettrait d'acheminer de 8 millions à 9 millions de tonnes par jour, soit l'équivalent de 2 400 camions. N'oublions pas non plus la réalisation, notamment, de la gare TGV Plaine-de-l'Aude, qui doit être assortie de raccordements véritablement structurants...
Pour en revenir à l'accord franco-espagnol, j'aborderai, en conclusion, le problème du financement et de la mise en concession du tronçon Figueras-Perpignan.
Le coût global de l'investissement, cela a été précisé à plusieurs reprises, sera de l'ordre de 4 milliards de francs, dont un milliard de francs pour la partie espagnole et quelque 3 milliards de francs pour la partie française. Il faut noter que la participation des Etats s'accompagne de l'octroi de fonds européens, à hauteur de 400 millions de francs.
Je souligne à ce propos que les fonds publics pourront être facilement récupérés, grâce notamment à l'augmentation du PIB national qui sera engendrée par le projet. Le calendrier de mise en concession devrait permettre une désignation du concessionnaire en juillet 1999 et un début des travaux en 2000, pour une mise en service en 2004.
Je souhaite par ailleurs indiquer, à titre personnel et à la suite des auditions auxquelles j'ai procédé, que plusieurs interrogations et remarques se sont fait jour, notamment à propos de l'éventuelle contribution des collectivités publiques, de la durée de la concession et du caractère privé ou public du concessionnaire.
Pour ma part, et toujours à titre personnel, je souhaite préciser qu'il importe que cette concession soit publique. Un communiqué du ministère des transports en date du 27 juillet dernier paraît d'ailleurs indiquer que l'on s'orienterait dans cette voie. Je m'en réjouis.
Ma dernière remarque sera relative à la position adoptée par trois départements concernés par le projet, lesquels demandent que la DUP porte sur l'ensemble du tracé Montpellier-Le Perthus, et non pas seulement sur le tronçon Perpignan-Le Perthus. Je veux espérer que cette demande sera satisfaite.
En conclusion, les analyses montrent qu'un trafic même faible suffirait à rentabiliser un tel montage, avec des contributions publiques limitées. L'hypothèse la plus probable est cependant que le trafic sera significatif.
En tout état de cause, les perspectives ouvertes par ce projet sont plus qu'encourageantes, et l'accroissement espéré des échanges entre la péninsule Ibérique et le reste de l'Europe est prometteur. Il devrait permettre de financer, dans une seconde phase, le tronçon Perpignan-Montpellier, sur lequel j'insiste bien évidemment.
Tous ces éléments conduisent donc la commission des affaires économiques à donner un avis favorable sur le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bien évident que je ne pouvais que me réjouir de l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne. Il s'agit, je l'espère, de la dernière étape d'une longue, trop longue procédure dont je ne referai pas l'historique, mais dont je ne peux que déplorer l'extrême lenteur.
En effet, le texte a été discuté et adopté par l'Assemblée nationale le 29 janvier 1997, et il n'est examiné par le Sénat que le 14 octobre. Je crois qu'il nous faudra inventer la navette à grande vitesse...
Cela étant, ce projet est essentiel pour le développement de la région Languedoc-Roussillon et du département des Pyrénées-Orientales, bien entendu, mais aussi pour le sud de l'Europe. En effet, il permettra l'accélération des échanges, la multiplication des voies de communication et l'accès à l'ensemble du réseau européen, puisque l'accord retient l'écartement européen pour la construction de cette nouvelle ligne raccordant enfin la péninsule Ibérique au reste du continent. Cette ligne constitue en effet, à nos yeux, le meilleur moyen de prolonger, en quelque sorte, le TGV Rhin-Rhône, ainsi que la ligne TGV Lyon-Turin.
Au-delà, cette convention aura des répercussions économiques très importantes et immédiates dans l'optique du pacte régional pour l'emploi, puisque le recours aux travailleurs locaux sera privilégié sur le chantier. Bien entendu, les élus de la région ne peuvent que s'en réjouir.
Il ne vous reste plus, monsieur le ministre, qu'à faire en sorte que, très rapidement, l'enquête d'utilité publique soit effectivement engagée. A titre personnel, je souhaiterais que cette enquête porte sur le tronçon Montpellier-frontière espagnole.
En effet, comme l'ont souligné MM. Rouvière et Courteau, nous sommes actuellement confrontés à de sérieux problèmes fonciers. Ainsi, dans le département des Pyrénées-Orientales, des terres agricoles de très grande valeur seront traversées par la nouvelle ligne, et les propriétaires doivent être fixés le plus rapidement possible sur le sort qui les attend, de façon qu'ils puissent redéployer les activités de leur exploitation agricole.
En conclusion, je me réjouis que ce texte soit enfin discuté par notre assemblée. Je souhaite bien entendu qu'il soit adopté à l'unanimité, ce dont je ne doute pas un seul instant. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Belle conviction !
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l'élargissement de l'Europe à l'Espagne et au Portugal, voulu par François Mitterrand, la région Languedoc-Roussillon a perdu sa peu enviable condition de cul-de-sac de l'Europe et trouvé une vocation, bien préférable, de passage obligé entre le nord et le sud de l'espace européen.
On se plaît désormais, cela a été rappelé à plusieurs reprises, à imaginer et surtout à prévoir la réalisation de liaisons ferroviaires rapides entre Londres et Madrid, entre l'Europe de l'Est ou l'Italie et la péninsule Ibérique.
Pour arriver à ce résultat, il aura fallu rassembler bien des volontés. Nous avons connu, M. Paul Blanc le rappelait à l'instant, l'alternance de moments de doute et de moments d'espoir. Dans cette optique, l'initiative de M. Jacques Delors visant à lancer de grands travaux européens, incluant la liaison TGV Nord-Sud, a été déterminante.
Cependant, je me souviens encore de cette réunion organisée à la préfecture de région à Montpellier, où nous avions connu la déception de ne pas voir retenu lors du sommet européen d'Athènes notre projet de liaison entre Perpignan et Barcelone. Tous les parlementaires de la région Languedoc-Roussillon, ainsi que le maire de sa capitale, Georges Frêche, et les maires des grandes villes, avaient fait connaître avec force leur volonté que, lors du sommet de Corfou, cette mesure soit inscrite parmi les priorités.
Il fallait notamment que fut levé le verrou qui s'opposait à la création de la liaison internationale Perpignan-Barcelone. Vous nous avez, monsieur le ministre, ainsi que MM. les rapporteurs, exposé tout à l'heure les modalités de la levée de cet obstacle. C'est à ce sujet qu'est consacré aujourd'hui notre débat, dix mois après que l'Assemblée nationale en eut débattu. Je déplore moi aussi ce délai, imposé, peut-être, pour les raisons que l'on sait...
Cependant, monsieur le ministre, de grâce, conduisons les opérations rapidement !
Ratifions d'abord l'accord international relatif à la réalisation de la liaison Perpignan-Figueras, qui fait l'objet de notre discussion.
Ensuite, en concertation avec votre collègue du Gouvernement, M. Gayssot, préparons les DUP pour le tronçon de Perpignan à la frontière, ainsi que pour les non moins indispensables tronçons de Montpellier à Béziers puis de Narbonne à Perpignan.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. André Vezinhet. Ces deux dernières DUP ouvrent des perspectives de liaison ferroviaire respectivement de Narbonne à Toulouse, comme l'a dit M. Courteau - c'est un sujet d'actualité dans notre région - et de Béziers à Neussargues puis à Clermont-Ferrand.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, si les réservations de terrain ne sont pas effectuées longtemps à l'avance, nous rencontrerons d'extrêmes difficultés, dans une région où les terres agricoles occupent une surface importante et où une démographie galopante conduit à la réalisation de très nombreux projets immobiliers. De réelles difficultés existent donc pour libérer les espaces nécessaires à l'emprise des voies de liaison.
Bien entendu, nous faisons une entière confiance, côté espagnol, et à la volonté du gouvernement central du Royaume d'Espagne, à Madrid, et à celle de la Generalitat de Catalogne, pour faciliter la traversée du territoire catalan espagnol.
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, qui s'ajoutent celles qui ont été avancées par MM. André Rouvière et Roland Courteau, j'exprime, au nom du groupe socialiste, notre pleine approbation du texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Emmanuel Hamel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de décevoir, je tiens, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à faire part de mon inquiétude quant à certains points de l'accord entre la France et l'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre ces deux pays.
Plus précisément, mon inquiétude concerne, comme chacun s'en doute, les dispositions relatives à la concession. En effet, comme cela est mentionné dans le rapport n° 252 de notre excellent collègue M. Rouvière, selon l'accord, « les parties se déclarent désireuses de permettre à l'initiative privée de participer à la construction et à l'exploitation de la liaison ». Par ailleurs, l'accord « ne prévoit pas quelle sera la part de capitaux privés dans la structure qui sera chargée de la concession ».
Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur les évolutions possibles en termes de perte de coût public, d'ouverture à la concurrence et de libéralisation à terme, avec toutes les conséquences négatives que l'on connaît sur l'emploi et, surtout, sur la qualité des services.
Nous nous félicitons, bien entendu, des garanties obtenues à ce sujet par le ministre français des transports lors de sa rencontre avec son homologue espagnol à l'occasion du sommet d'Ibiza en juillet dernier, même si, au regard d'un risque de privatisation lancée, elles ne nous suffisent pas.
Nous sommes favorables - je le dis très clairement - à la construction de cette section internationale de ligne ferroviaire, mais avec des garanties affirmées de service public, dans un souci d'amélioration des transports trans-européens grâce à la coopération interétatique, et non dans une logique étroite de rentabilité et de concurrence.
La concession, par sa nature même, ne nous semble pas offrir les garanties, bien au contraire, pour éviter l'ouverture aux capitaux privés, donc leur prédominance dans les décisions à prendre.
Pour l'ensemble de ces raisons, et malgré, je le répète, notre attachement à la construction de cette ligne, nous nous abstiendrons lors du vote sur ce projet de loi.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. En autorisant l'approbation de cet accord, le Sénat va prendre une décision importante en vue de la construction de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse, décision qui, comme l'a dit M. Vezinhet, supprime un verrou.
J'ai pris note des observations formulées par plusieurs d'entre vous et concernant le délai qui s'est écoulé entre le vote de l'Assemblée nationale et celui qui va intervenir dans quelques instants. Cela s'explique aussi en grande partie par une dissolution à grande vitesse. (Sourires.)
J'ai noté les exigences, les ambitions et les inquiétudes qui se sont fait jour dans le débat ; j'en ferai part au ministre de l'équipement, des transports et du logement, mon excellent collègue M. Jean-Claude Gayssot, qui connaît mieux que personne ce dossier.
Il s'agit bien de lancer un réseau transeuropéen qui aura un caractère structurant et permettra de contribuer au désenclavement de cette belle région. Personnellement, je n'aurais pas osé dire, pour y avoir vécu et travaillé, qu'elle a été à un quelconque moment de son histoire le « cul-de-sac de l'Europe » ; je ne le crois pas.
Je formulerai quelques remarques ponctuelles sur diverses questions qui ont été évoquées au cours du débat.
S'agissant de la liaison Tours-Bordeaux, le Gouvernement a lancé les études préliminaires au TGV-Aquitaine qui constitue la première phase du TGV sud-européen en direction de l'Espagne. Ces études se déroulent actuellement. Elles font suite au débat sur la légitimité du projet qui a donné lieu à un cahier des charges de l'infrastructure. Celui qui occupe le fauteuil de la présidence en cet instant est bien au courant de ce projet...
M. le président. Monsieur le ministre, je suis avec beaucoup d'attention votre déclaration, qui est parfaitement conforme à la réalité.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. La consultation des collectivités se déroulera au cours du premier semestre de 1998. Tels sont les éléments dont je dispose en matière de calendrier.
En ce qui concerne le projet dont nous parlons aujourd'hui et sur le calendrier y afférent, il est encore un peu tôt pour répondre avec précision. Il appartiendra à la commission intergouvernementale de prendre les décisions de mise en oeuvre.
Mais il faut être conscient que la réalisation du programme TGV nécessite des investissements considérables, qu'il faudra sans aucun doute étaler dans le temps.
S'agissant du tronçon Montpellier-Perpignan, le ministre des transports est bien conscient des difficultés provoquées localement, pour les riverains notamment, depuis l'approbation de l'avant-projet sommaire au mois de mai 1995.
A cet effet, le ministre des transports s'est attaché à lancer une concertation avec les collectivités territoriales concernées - plusieurs d'entre vous y ont fait allusion - et, par ce biais, à chercher des solutions permettant de lever ou de réduire ces sujétions.
Cela se traduit par une réduction de la bande, c'est-à-dire du tracé issu de l'avant-projet sommaire, réduction dont l'étude a été demandée à la SNCF. Cela se traduit aussi par la mise en place d'un fonds qui permettra de procéder aux acquisitions foncières les plus urgentes et les plus justifiées. L'Etat participera activement à la mise en place de ce fonds.
Quant aux conditions de la concession, elles seront fixées ultérieurement. Il faudra en effet examiner la question posée par M. Pagès, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, et relative à la capacité à mettre en place des organismes publics ou des financements privés. Cette question sera bien sûr évoquée, comme je l'ai dit, avec le ministre compétent pour l'essentiel, c'est-à-dire le ministre de l'équipement, des transports et du logement, M. Jean-Claude Gayssot. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Blanc applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. _ Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne (façade méditerranéenne), signé à Madrid le 10 octobre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, votre jeunesse résiste à la fatigue et à cette heure tardive vous êtes capable, si vous le voulez, d'écouter l'appel que j'ose vous adresser à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
Cet accord est important puisqu'il permettra d'intensifier et d'accélérer les liaisons entre la France et l'Espagne. La nuit est tombée sur notre hémicycle. Nous pensons à la luminosité, à la beauté de l'Espagne et à l'apport de ce pays à l'histoire de l'Europe. Ma génération a connu le drame de la défaite, de l'Occupation, de la guerre puis la Libération. Nous comprenons donc la nécessité d'un retour à l'amitié entre le peuple français et le peuple allemand, ainsi que d'une coopération fructueuse entre la France et l'héritier de l'empire germanique. Il s'agit non pas d'oublier les drames du passé, mais de construire, dans l'entente et le respect mutuel, une Europe autour de l'amitié franco-allemande.
Ce texte, monsieur le ministre, est l'occasion de vous adresser une supplique : je souhaite que votre volonté d'intensifier la coopération franco-allemande n'occulte pas la mission qui est celle de la France, compte tenu de ce qu'elle est et de son histoire. Ne soyez pas obsédé par les devoirs du couple franco-allemand, mais imaginez le rôle de la France dans l'Europe comme le pays central qui non seulement coopère avec l'Allemagne mais aussi, en jouant les atouts de son histoire et son amitié pour les peuples latins, intensifie sa coopération avec l'Italie mais aussi avec l'Espagne.
Des siècles d'histoire ont été vécus en commun. Les Bourbon sont encore aujourd'hui sur le trône de ce noble pays qu'est l'Espagne.
A cette occasion, j'exprime en mon nom personnel, écho du sentiment collectif du peuple français, mes voeux de bonheur pour la princesse Christina et son heureux époux Inaki Urdangarin.
Mais, au-delà de ce souhait, je vous adjure de faire en sorte que nous rééquilibrions notre politique européenne et que nous intensifiions, de ce fait, nos relations avec l'Espagne afin que la France soit, au coeur de l'Europe, le noyau central d'une coopération non seulement entre l'Europe du Nord et la Germanie mais aussi avec l'Europe méditerranéenne, notamment la glorieuse et magnifique Espagne. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

16

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 10 octobre 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire E 795 « proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de l'île Maurice concernant la pêche au large de Maurice, pour la période du 1er décembre 1996 au 30 novembre 1999, et proposition de règlement CE du Conseil relatif à la conclusion du protocole définissant pour la période du 1er décembre 1996 au 30 novembre 1999 les possibilités de pêche et la contribution financière prévues par l'accord conclu entre la Communauté européenne et le gouvernement de l'île Maurice concernant la pêche dans les eaux mauriciennes » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 7 octobre 1997.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 10 octobre 1997, l'informant que la partie de la proposition d'acte communautaire E 908 concernant la « proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la côte sénégalaise pour la période du 1er mai 1997 au 30 avril 2001 » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 7 octobre 1997.

17

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 26, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant réforme du service national.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 30, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

18

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 27, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

19

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi, tendant à donner à la Cour d'assises la possibilité de délivrer mandat de dépôt contre un accusé en liberté provisoire.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 29, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

20

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Lefebvre, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet et Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer et Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Conseil conncernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 28, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

21

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à un programme TACIS de développement de la société civile en Biélorussie pour 1997.

Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-933 et distribuée.22

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 26, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 31 et distribué.
J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 438, 1996-1997) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Jacques Oudin sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 32 et distribué.

23

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 octobre 1997, à dix heures et, éventuellement, à quinze heures :
Discussion en troisième lecture du projet de loi (n° 437, 1996-1997), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Rapport (n° 19, 1997-1998) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 26, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 octobre 1997, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (n° 281, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n°s 284 et 306, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Daniel Hoeffel et plusieurs de ses collègues relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 410, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'éducation nationale :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 21 octobre 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en Polynésie française (n° 261, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 21, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 octobre 1997, à dix-sept heures.
Projet de loi portant transposition de la directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 octobre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 14 octobre 1997
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 15 octobre 1997 :
A 10 heures et, éventuellement, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Troisième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (n° 437, 1996-1997).
(La conférence des présidents avait fixé au mardi 14 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Jeudi 16 octobre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant réforme du service national (n° 30, 1997-1998).
A 15 heures :
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 26, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)

Mardi 21 octobre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (n° 281, 1996-1997).
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n°s 284 et 306, 1996-1997).
A 16 h 15 :
3° Proposition de loi de M. Daniel Hoeffel et plusieurs de ses collègues relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 410, 1996-1997).
4° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en Polynésie française (n° 261, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes.)

Mercredi 22 octobre 1997 :

A 16 h 15 :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'éducation nationale.
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires culturelles ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 octobre 1997.)

Jeudi 23 octobre 1997 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture du projet de loi organique déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les seuls citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 21, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.)
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.
3° Projet de loi portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

5° Suite de l'ordre du jour du matin.
6° Question orale avec débat portant sur un sujet européen de M. Pierre Fauchon à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la constitution d'un espace judiciaire européen.
(La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)

Mardi 28 octobre 1997

A 9 h 30 :
3° Quinze questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 6 rectifié de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'intérieur (Conséquences de la régularisation de la situation des étrangers en situation irrégulière) ;

- n° 15 de M. Jean-Pierre Fourcade à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Situation des caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements sanitaires déficitaires et financés par le système du prix de journée) ;

- n° 23 de M. Gilbert Chabroux à M. le ministre de l'intérieur (Difficultés d'indemnisation rencontrées par certaines victimes d'attentat) ;

- n° 27 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés des producteurs de fruits et légumes) ;

- n° 30 de M. François Gerbaud à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Conséquences de la non-privatisation d'Air France) ;

- n° 35 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Réglementation du droit de passage sur le domaine public routier) ;

- n° 36 de M. Michel Doublet à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Difficultés d'accès aux fonds structurels européens) ;

- n° 41 de Mme Danièle Pourtaud à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Fiscalité des carburants et lutte contre la pollution) ;

- n° 42 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Politique en faveur de l'emploi) ;

- n° 50 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le Premier ministre (transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité) (Situation des résidents de la cité des Courtillières à Pantin) ;

- n° 54 de M. Bernard Barraux à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Aménagement des axes routiers de l'Allier) ;

- n° 55 de M. Jacques de Menou à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Développement du réseau multimodal en Bretagne) ;

- n° 58 de M. Gérard Delfau à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Situation critique des tribunaux de l'Hérault) ;

- n° 59 de M. Xavier Dugoin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Protection des riverains de l'autoroute A 6) ;

- n° 71 de M. Jacques Valade à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Prise en charge de l'autisme).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 28 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 27 octobre 1997.)

Mercredi 29 octobre 1997

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi relatif à la prévention des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).

Jeudi 30 octobre 1997

A 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi relatif à la prévention des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).

A N N E X E
Question orale avec débat portant sur des sujets européens
inscrite à l'ordre du jour du jeudi 23 octobre 1997

N° QE 2. - M. Pierre Fauchon expose à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, que, face au développement de la criminalité transfrontalière, il est nécessaire de constituer un espace judiciaire européen. Il souligne que le résultat des actions menées dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union européenne est sans commune mesure avec l'ampleur des défis et que le traité d'Amsterdam ne paraît pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait indispensable. Il demande quelles initiatives sont envisagées par le Gouvernement pour tenter de donner plus d'efficacité à la coopération en matière judiciaire et policière et pour progresser vers l'unification du droit pénal et la mise en place d'un ministère public européen, dans le sens du rapport n° 352 (1996-1997) de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Pierre Laffitte a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 416 (1996-1997) de M. Serge Mathieu visant à améliorer la protection des ayants droit dont les droits sont gérés par des sociétés de perception et de répartition relevant du titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan a fixé au mardi 21 octobre 1997, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E 211).
Le rapport n° 32 (1997-1998) de M. Henri Revol sera mis en distribution le mercredi 15 octobre 1997.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des affaires économiques et du Plan et seront examinés par la commission lors de sa réunion du mercredi 22 octobre 1997, à 10 heures.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Conséquences de la régularisation de la situation
des étrangers en situation irrégulière

6. - 13 octobre 1997. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des régularisations d'étrangers en situation irrégulière prévues par la circulaire du 24 juin 1997. Peu avant la parution de ce texte, le Gouvernement avançait le chiffre de 10 000 à 40 000 étrangers qui pouvaient être concernés par cette mesure. Mais le 27 septembre dernier, le ministre de l'intérieur déclarait que 110 000 étrangers avaient déjà demandé à être régularisés. Cette circulaire et l'annonce de la modification des lois Pasqua et Debré vont conforter à l'étranger l'idée que la France est à nouveau ouverte à une immigration non maîtrisée. Elles vont inévitablement avoir pour conséquence une hausse de l'immigration irrégulière et un développement des réseaux d'acheminement des clandestins. Enfin, elles provoquent un afflux supplémentaire de demandes de logements et d'emplois. On peut légitimement se demander comment notre pays sera en mesure de répondre à de nouveaux besoins locatifs et comment sera supporté socialement et économiquement un surcroît de candidats sur le marché du travail. Il lui demande, d'une part, si le Gouvernement a fait une étude détaillée sur les répercussions de ces régularisations en matière sociale, de logement, d'emploi et s'il est prévu d'aider les collectivités qui devront supporter les décisions du Gouvernement en accueillant des nouveaux immigrés. Il lui demande, d'autre part, s'il peut lui communiquer le nombre exact de dossiers déjà traités ainsi que le pourcentage de réponses positives.

Examen des dossiers de demande
de prestations spécifiques dépendance

65. - 10 octobre 1997. - Mme Dinah Derycke appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les fortes disparités qui marquent la mise en place de la prestation spécifique dépendance dans des conditions différentes selon les départements. Aujourd'hui, dans le département du Nord, la durée d'instruction du dossier est d'environ une année alors que la loi prévoit un délai de quarante jours suivant la date du dépôt du dossier complet. On sait que cette prestation d'aide sociale qui est gérée par les départements va inéluctablement accroître l'inégalité de traitement des personnes sur le territoire national. Il ne faudrait pas que les disparités de traitement des dossiers viennent renforcer cette inégalité de traitement. De plus, il n'est pas acceptable que des personnes fortement dépendantes restent un an sans prestation. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'elle entend prendre afin de remédier à cette situation.

Régime fiscal des groupements d'employeurs du secteur agricole

66. - 13 octobre 1997. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation défavorable, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, où se trouvent les groupements d'employeurs dans le secteur agricole notamment. En effet, ceux-ci sont soumis à une avance mensuelle de la TVA qui grève leur trésorerie et freine le développement de cette forme d'emploi salarié stable. Il lui demande s'il ne serait pas envisageable que l'avance de TVA devienne annuelle, sur le modèle du régime fiscal simplifié des agriculteurs. Les groupements pourraient ainsi constituer une provision en vue d'une dépense qui, de toute façon, leur serait remboursée au terme d'un mois.

Parution du décret organisant la carrière des directeurs généraux
et directeurs généraux adjoints des conseils régionaux et généraux

67. - 13 octobre 1997. - M. René Marquès appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur un projet de décret organisant la carrière des directeurs généraux et des directeurs généraux adjoints des conseils régionaux et généraux ayant reçu, en décembre 1996, un avis favorable du conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Le texte, transmis au Conseil d'état en janvier 1997, est encore, à ce jour, entre les mains de cette haute juridiction. Or, dans cette attente, les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des conseils généraux demeurent sans statut ni carrière, alors que les fonctions qu'ils occupent les soumettent à de lourdes responsabilités juridiques et financières. La publication du décret organisant leurs emplois devient donc urgente. Il lui demande de bien vouloir lui préciser la date prévisible de parution de ce texte ainsi que les raisons qui pourraient éventuellement s'opposer à cette parution.

Statut des maires des communes rurales

68. - 13 octobre 1997. - M. Bernard Barraux attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'urgente nécessité d'améliorer le statut des élus locaux et notamment des maires des communes rurales. Il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre visant à donner suite à cette préoccupation.

Travaux d'isolation phonique de l'autoroute A 6
à la hauteur de Chilly-Mazarin

69. - 13 octobre 1997. - M. Paul Loridant souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le retard intolérable pris dans la réalisation des travaux d'isolation phonique sur l'autoroute A 6, à hauteur de la commune de Chilly-Mazarin. Depuis plus de dix ans les élus et les citoyens de Chilly-Mazarin se battent pour obtenir des travaux de protection phonique afin de réduire les nuisances sonores liées au flux important de véhicules. La situation est réellement préoccupante lorsque l'on sait que Chilly-Mazarin, commune de près de 20 000 habitants, détient un record de France dont elle se passerait bien volontiers, celui de la plus forte fréquentation autoroutière. En effet le trafic peut, lors des pointes, atteindre le chiffre de 160 000 véhicules par jour et provoquer des nuisances insoutenables pour les riverains. Les élus de cette commune ont à plusieurs reprises entamé des actions en vue d'obtenir une aide de l'Etat. Au total ce sont près de quatre délibérations successivement votées en 1987, 1993, 1995 et 1996 pour demander ces travaux plus que nécessaires à l'amélioration des conditions de vie des riverains de cet axe routier, soixante-trois interventions écrites faites au responsable de l'Etat, douze questions posées par des parlementaires et quarante-neuf réponses officielles reconnaissant le caractère prioritaire de ces travaux. L'Etat, par l'intermédiaire du préfet de région, a, dans un premier temps, informé le maire de Chilly-Mazarin que l'opération ne pouvait être réalisée dans le cadre du contrat de plan Etat-Région 1994-1998. Face à la mobilisation des élus des communes concernées, le préfet de région avait pris des engagements pour la réalisation d'un revêtement drainant sur les deux voies de l'A 6 financé sur les crédits d'entretien routier du département de l'Essonne, l'installation d'un mur antibruit pris en charge dans l'actuel 11e plan, par le jeu d'un redéploiement de crédits sans doute possible compte tenu du retard des opérations Val-de-Marne, soit dans le futur Contrat de Plan, et enfin le remboursement des travaux d'isolation phonique pour les habitants les plus exposés qui malgré les mesures précédentes ont encore un taux de décibels supérieur à soixante-cinq. Malgré des assurances données par les responsables de la direction départementale de l'équipement que les travaux de revêtement auraient bien lieu en septembre 1997, le maire de Chilly-Mazarin s'est vu informé d'un report d'un an de ce projet au motif que le marché n'a pu être signé, l'entreprise retenue n'ayant pu satisfaire aux exigences du marché, selon la D.D.E. Face à cette situation incompréhensible et à l'urgence de ce dossier qui n'a que trop traîné, il lui demande de préciser les mesures qu'il compte prendre afin d'accélérer la réalisation des travaux d'isolation phonique auxquels les habitants de cette commune ont légitimement droit.

Réalisation de la Tangentielle Sud,
axe ferré entre Massy et Evry

70. - 13 octobre 1997. - M. Paul Loridant attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la réalisation de l'axe ferré entre les communes de Massy et Evry, communément appelé Tangentielle Sud. Cette liaison banlieue-banlieue, inscrite au schéma directeur régional d'Ile-de-France dès 1994, fait l'unanimité des élus tant elle apporte des réponses aux problèmes de transport et de désengorgement des réseaux routiers existants. Elle a fait l'objet d'une étude approfondie des élus des communes concernées dans le cadre des travaux des syndicats intercommunaux d'étude et de programmation et a été intégrée dans les schémas directeurs locaux. L'avantage d'une telle réalisation n'est plus à démontrer. Cette Tangentielle Sud répond de manière satisfaisante aux impératifs d'aménagement du territoire et de développement économique tout en améliorant la qualité de vie de nos concitoyens par la diminution du temps perdu dans le trajet emploi-domicile. En outre, ce projet ferré peut contribuer, de manière significative, à la lutte contre la pollution de l'air en réduisant les flux de voitures. A l'heure où le Gouvernement tente de trouver des solutions durables contre le fléau de la pollution urbaine, il convient de donner un signal fort en matière de transports en commun. Ce projet doit bien entendu prendre en compte d'une part, les programmes existants, notamment l'aménagement d'une gare de correspondance sur la commune d'Epinay-sur-Orge et le programme d'aménagement de Grigny et d'autre part, respecter autant que possible les programmes d'urbanisation et, le cadre de vie des habitants des communes concernées. Au regard des études sur la restructuration des gares de Massy, qui prévoient une amélioration importante de la liaison entre la gare SNCF, la gare RATP, du RER B, la gare d'interconnexion des TGV et de deux gares routières existantes, la réalisation de cette Tangentielle Sud semble acquise. Aussi, il lui demande de veiller à son inscription au prochain contrat Etat-région (1999-2004).

Prise en charge de l'autisme

71. - 14 octobre 1997. - M. Jacques Valade rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que la prise en charge des autistes dans notre pays pose différents problèmes, tant sur l'adaptation des structures nécessaires, que sur l'incertitude des modes d'accueil et surtout sur leur nombre. Il convient pourtant d'offrir aux autistes, jeunes, adolescents et adultes la possibilité d'un droit à une vie digne, à un certain niveau d'éducation et de leur fournir les moyens d'accéder à la meilleure autonomie humaine et sociale possible. Un certain nombre de places dans des établissements spécialisés a été créé depuis 1995, mais il est trop faible et il y a encore beaucoup d'exclus. Un nombre considérable d'adolescents et d'adultes restent dans leur famille, dans des conditions de vie quotidienne très difficiles, faute d'un lieu d'accueil convenable en dehors de l'hôpital psychiatrique. Ce type d'internement est inacceptable aux yeux des parents et des professionnels, il n'est pas justifié sur le plan médical, il est complètement inadapté à la spécificité de l'autisme et constitue enfin une démission de notre société à l'égard de cette catégorie de défavorisés. Les établissements scolaires ou médico-éducatifs devraient avoir les moyens financiers nécessaires pour créer des sections spécialisées, des structures de vie et de travail pour les enfants et les adultes autistes et disposer de personnels professionnels formés spécifiquement aux problèmes liés à l'autisme. En 1996, le Parlement a adopté la proposition de loi tendant à assurer une prise en charge de l'autisme. Cette étape décisive ne saurait être efficace si elle n'est assortie de moyens importants et d'une mise en oeuvre d'une politique volontariste. Le Gouvernement entend-il mobiliser les moyens nécessaires pour que soit apportée une réponse concrète aux besoins reconnus par tous et aux attentes légitimes des milliers de famille concernées ?