SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 1 ).

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 2 ).

4. Questions orales (p. 3 ).
M. le président.

PROBLÈMES DE SÉCURITÉ LIÉS À LA CONSTRUCTION
DE L'AUTOROUTE A 54 (p. 4 )

Question de M. André Vallet. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. André Vallet.

RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 5 )

Question de M. Edouard Le Jeune. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Edouard Le Jeune.

AVENIR DE L'AÉROPORT DE NANTES (p. 6 )

Question de M. François Autain. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. François Autain.

DIFFICULTÉS DES HÔTELIERS RESTAURATEURS (p. 7 )

Question de M. Daniel Goulet. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Daniel Goulet.

SITUATION DE L'EMPLOI DANS LE MANTOIS (p. 8 )

Question de M. Dominique Braye. - M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; M. Dominique Braye.

MESURES DE PROTECTION
EN FAVEUR DES FACTEURS D'ORGUES (p. 9 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.

ORGANISATION DE LA DISTRIBUTION DU LAIT
DANS LES ÉCOLES (p. 10 )

Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Paul Delevoye.

AVENIR DE LA FÉDÉRATION NATIONALE
DES FOYERS RURAUX (p. 11 )

Question de M. Fernand Demilly. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Fernand Demilly.

RETRAITES AGRICOLES (p. 12 )

Question de Mme Joëlle Dusseau. - M. Louis Le Pensec, ministre de l'agricultue et de la pêche ; Mme Joëlle Dusseau.

MESURES AGRI-ENVIRONNEMENTALES
EN CHARENTE-MARITIME (p. 13 )

Question de M. Michel Doublet. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Michel Doublet.

ALLOCATION DE LOGEMENT TEMPORAIRE (p. 14 )

Question de Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard.

TAUX DE TVA APPLICABLES À LA RESTAURATION (p. 15 )

Question de M. Gérard Fayolle. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Gérard Fayolle.

CRÉATION D'UN SITE DE STOCKAGE
D'ANCIENNES MUNITIONS (p. 16 )

Question de M. Jacques Legendre. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jacques Legendre.

PRISE EN COMPTE DES RÉSIDENTS HELVÉTIQUES EN FRANCE
POUR LE CALCUL DE LA DGF (p. 17 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Pierre Hérisson.

ACTIONS EN FAVEUR DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE (p. 18 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Georges Mouly.

ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
LOCAUX D'ENSEIGNEMENT (p. 19 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Jean-Claude Carle.

COMPENSATION DES AUGMENTATIONS
DE COTISATION MALADIE ET DE CSG
POUR LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p. 20 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Philippe Richert.

5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 21 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

6. Conférence des présidents (p. 23 ).

7. Rappel au règlement (p. 24 ).
Mme Hélène Luc, M. le président.

8. Politique familiale. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 25 ).
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

Mme Dinah Derycke, MM. Jacques Larché, Paul Girod, Mme Nicole Borvo, MM. Alain Vasselle, Daniel Hoeffel.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

MM. Hubert Durand-Chastel, Guy Poirieux, Mme Gisèle Printz, M. Jean Chérioux, Mme Annick Bocandé, MM. Bernard Seillier, Charles Descours, Dominique Braye.
Mme le ministre, M. le président de la commission.
Clôture du débat.

9. Dépôt de propositions de loi (p. 27 ).

10. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 28 ).

11. Dépôt d'un rapport (p. 29 ).

12. Ordre du jour (p. 30 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Raymond Courrière pour siéger, en qualité de suppléant, au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le premier rapport relatif à l'occupation des logements d'habitation à loyer modéré, établi en application de l'article L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 64 de M. Adrien Gouteyron a été retirée, à sa demande, de l'ordre du jour de la séance de ce matin.

PROBLÈMES DE SÉCURITÉ LIÉS
À LA CONSTRUCTION DE L'AUTOROUTE A 54

M. le président. M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les problèmes de sécurité liés à la construction de l'autoroute A 54 reliant Salon-de-Provence à Arles. Cette extension du réseau autoroutier a provoqué l'enclavement d'une cité scolaire regroupant 2 000 élèves, dont l'accès n'est possible que par un cheminement piétonnier particulièrement dangereux. La société concessionnaire, qui s'était engagée auprès du précédent ministre des transports à réaliser de nouvelles voies piétonnes plus sûres, semble aujourd'hui revenir sur cette décision.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quels sont les moyens qu'il entend mettre en oeuvre afin que ces aménagements soient effectués. (N° 49.)
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Madame le secrétaire d'Etat, je veux attirer votre attention sur un problème de sécurité lié à la construction de l'autoroute A 54, axe qui relie l'Espagne à l'Italie, entre Saint-Martin-de-Crau et Salon-de-Provence. Ce problème revêt un caractère primordial puisqu'il concerne la sécurité aux abords d'un site scolaire.
Pour desservir le sud de Salon-de-Provence, secteur fortement enclavé par des infrastructures routières et autoroutières, la ville avait fait réaliser une bretelle de sortie donnant directement sur un carrefour très dangereux situé à proximité d'un important groupe scolaire comportant des écoles maternelle et primaire ainsi qu'un collège de plus de 500 élèves. Ce sont ainsi 2 000 élèves qui empruntent chaque jour ce cheminement.
Or la situation a été encore aggravée par la construction de l'autoroute A 54. La population salonnaise et ses élus s'en sont fortement émus, car il s'agit là, madame le secrétaire d'Etat, de la vie d'enfants.
Je me permets de rappeler très rapidement l'évolution qu'a connue ce dossier.
C'est en 1995 et en 1996 que la Société des autoroutes du sud de la France, ASF, a réalisé la liaison entre Saint-Martin-de-Crau et Salon-de-Provence. Concessionnaire de l'Etat, elle devait respecter l'engagement de rétablir les cheminements piétons vers les établissements scolaires en collaboration avec les collectivités locales et, surtout, d'en supporter la charge financière.
Un projet de passerelle a été étudié, après concertation avec la population. Les ASF ont, dans un premier temps, refusé de prendre en charge cette opération puis, dans un second temps, elles ont accepté d'en financer la moitié.
L'autoroute a été inaugurée le 13 mars 1996, mais le problème du cheminement des piétons de cette cité scolaire vers le centre de la ville n'est toujours pas résolu.
Dans un souci de négociation, la ville a accepté de reprendre le dossier afin que d'autres solutions moins coûteuses soient étudiées.
Le principe d'un passage inférieur sous une bretelle a alors été retenu par la ville en mars 1997 et, en mai 1997, le préfet de région l'a informée que les ASF acceptaient de prendre intégralement en charge le financement.
Cependant, à la vue du projet, la ville a dû faire deux objections, l'une relative au traitement de surface du cheminement, jugé insuffisant, l'autre, à la largeur du passage, jugé trop étroit pour être sécurisant.
Elle a adressé ces remarques à M. le préfet de région le 17 juin, mais, à ce jour, le dossier est toujours en suspens alors que vient de s'effectuer la deuxième rentrée scolaire depuis l'ouverture de l'autoroute.
Madame le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que la continuité républicaine soit assurée, puisque le prédécesseur de M. Gayssot, M. Pons, avait accepté que les ASF prennent en charge les travaux nécessaires. Je demande donc aujourd'hui que ces travaux soient réalisés le plus rapidement possible afin d'assurer la sécurité des 2 000 enfants du quartier.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, compte tenu de l'actualité immédiate, M. Jean-Claude Gayssot ne peut être au Sénat ce matin et m'a demandé de répondre à sa place à votre question.
Un projet d'aménagement d'un cheminement protégé destiné à assurer l'accès des élèves au collège de Lurian, situé à proximité de l'autoroute A 54 à Salon-de-Provence, a été présenté par la société des autoroutes du Sud de la France. Ce projet comprend notamment - et vous y avez fait allusion - la construction d'un passage inférieur sous une voie départementale ; il a fait l'objet de votre part d'une demande d'adaptations, dont la plupart ont été retenues.
Il s'agit du réaménagement complet du chemin situé sur le côté nord du barreau entre la route nationale 538 et la route départementale 572, avec revêtement en enrobés et clôture, et de l'élargissement à trois mètres cinquante du passage inférieur. Par ailleurs, les murets d'extrémité de ce passage auront un angle plus ouvert. La déclivité de la rampe entre l'ouvrage et le giratoire de la route nationale 538 sera adoucie pour atteindre un taux de l'ordre de 7,5 %. Enfin, la totalité du cheminement bénéficiera d'un éclairage.
A la demande de M. Jean-Claude Gayssot, le préfet des Bouches-du-Rhône a sollicité par lettre du 24 septembre dernier votre accord en tant que maire de Salon-de-Provence et celui du conseil général des Bouches-du-Rhône sur ces nouvelles dispositions, ainsi que sur la prise en charge des frais d'entretien et de fonctionnement des installations.
Dès que le préfet aura constaté un accord local sur les propositions, les travaux seront engagés au plus tôt dans l'intérêt de tous, notament des enfants du collège de Lurian.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Je me permets d'insister sur l'importance de la largeur de ce chemin : si elle est supérieure à deux mètres cinquante, voire à trois mètres, les enfants seront beaucoup plus sécurisés.
Ce point étant précisé, je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse, qui me semble satisfaisante et qui donnera un peu d'espoir aux parents des élèves de ce groupe scolaire. Dès que l'accord de la collectivité locale aura été constaté par le préfet, je souhaite que vous puissiez intervenir afin que ces travaux soient très rapidement exécutés.

Renforcement de la sécurité routière

M. le président. M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les mesures relatives à la sécurité routière.
Au cours des derniers mois, de nombreux accidents de la route ont été particulièrement meurtriers. Tout le monde garde à l'esprit les images de ces effroyables drames. Si nos compatriotes confirment, dans un récent sondage, leur attachement pour la route, ils soulignent majoritairement la nécessité d'améliorer les infrastructures routières.
L'insécurité routière constitue encore trop souvent un frein à l'usage de la voiture. Le niveau de sécurité est jugé particulièrement insuffisant pour les rues et les routes départementales par près de la moitié des Français. Cette perception est liée, pour une large part, à l'état de leurs infrastructures.
Ainsi, il s'avère que c'est par la construction d'infrastructures routières que l'on peut améliorer le confort de conduite et donc les conditions de sécurité.
Enfin, les Français attendent de l'Etat un effort en matière de routes. Ils identifient assez bien les prérogatives des différents échelons territoriaux selon le type de routes. Le sondage indique clairement qu'ils souhaitent une implication financière accrue des pouvoirs publics dans l'amélioration de l'état des routes et de la sécurité.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il entend prendre afin de renforcer la sécurité routière et quels moyens financiers il compte affecter à l'amélioration des infrastructures. (N° 81.)
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Madame le secrétaire d'Etat, dans le temps qui m'est imparti, je ne peux qu'aborder un aspect de la sécurité routière, celui de la construction d'infrastructures, mais je n'oublie pas le volet prévention, et j'aurai l'occasion de vous en saisir. En attendant, je rends hommage à toutes les associations qui font un travail remarquable, hommage auquel j'associe la gendarmerie, dont l'action n'est pas seulement répressive mais aussi éducative.
Je rappelle quelques chiffres qui montrent à quel point l'insécurité routière reste importante : chaque année, près de 8 000 personnes sont tuées sur la route et 140 000 sont blessées.
Ce terrible bilan humain et économique supporté par l'ensemble de la collectivité peut pourtant être atténué : les pouvoirs publics doivent investir dans des aménagements routiers destinés à réduire la fréquence et la gravité des accidents.
Ainsi, le passage à deux fois deux voies des routes nationales ayant un trafic supérieur à 10 000 véhicules par jour permettrait d'éviter jusqu'à 2 000 morts par an.
Entre 1983 et 1989, 200 actions menées dans les zones d'accumulation d'accidents ont permis d'empêcher qu'environ 240 personnes ne soient tuées, 830 gravement blessées et 1 400 légèrement blessées, grâce à l'aménagement de carrefours et de ronds-points et à la rectification de certains virages.
Les voies express, sur lesquelles on dénombre beaucoup d'accidents, devraient en particulier être mises aux normes autoroutières le plus rapidement possible.
Sur la RN 164, appelée communément axe central ou axe Rennes-Châteaulin, les tronçons à deux fois deux voies alternent avec des tronçons à deux voies et des tronçons à trois voies. La circulation dans ces conditions est très dangereuse et les accidents de nuit sont nombreux.
Les élus bretons, qui ont été reçus à plusieurs reprises par les ministres précédents, ne peuvent pas admettre que la mise à deux fois deux voies de la RN 164 inscrite en 1959 au plan routier breton ne soit pas encore terminé, ainsi que s'agissant des axes nord et sud de la Bretagne.
Les effets néfastes de ce retard sur l'économie du centre de la Bretagne ne relèvent pas de ma question orale. Cependant le Gouvernement a déjà été alerté et le sera encore : il sait qu'il s'agit d'une priorité. Cet axe doit être impérativement achevé lors de l'entrée en vigueur du XIIe Plan.
Certes, la France a accompli un effort considérable pour moderniser ses infrastructures routières. Mais, aujourd'hui, 23 % du réseau routier national est en mauvais état et nécessite des investissements importants, estimés à 12 milliards de francs. Nous sommes donc conscients qu'il faut du temps, mais nous souhaitons que la remise à niveau de notre réseau se fasse le plus rapidement possible.
Que pensent les usagers du réseau routier ? Un récent sondage, réalisé par l'IFOP, l'Institut français d'opinion publique, traduit l'attachement des Français pour la route, mais ceux-ci soulignent majoritairement la nécessité d'améliorer les infrastructures.
Ainsi, il apparaît que c'est par la construction d'infrastructures que l'on peut améliorer le confort de conduite et donc les conditions de sécurité.
Si les Français attendent de l'Etat un effort en matière de routes, ils identifient assez bien les prérogatives des différents échelons territoriaux selon le type de route. Le sondage indique clairement qu'ils souhaitent une implication financière accrue des pouvoirs publics dans l'amélioration de l'état des routes et de la sécurité.
La modernisation doit être le maître mot pour le troisième millénaire. Pour cela, il convient d'innover ; il faut reconnaître que le financement des routes est aujourd'hui trop cloisonné, ce qui crée une rigidité.
Il faut sans doute remédier à cette situation. Selon M. Christian Leyrit, directeur des routes, l'idée serait d'introduire, dans le financement, un certain décloisonnement, partiel ou total.
Les pays qui ne se développent pas sont ceux qui n'ont pas de voies de communication commodes et modernes.
Quelles mesures M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement compte-t-il prendre pour renforcer la sécurité routière et, surtout, quels moyens financiers affectera-t-il à l'amélioration des infrastructures ?
A ces questions, je souhaiterais que des réponses me soient apportées.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Gayssot m'a également demandé de répondre à votre question.
Pour lutter contre l'insécurité routière, l'action des pouvoirs publics et du ministère de l'équipement, des transports et du logement vise simultanément les trois composantes du système de circulation : l'homme, le véhicule et son environnement.
Rompant avec une politique qui a conduit les ministres précédents à réduire d'année en année les crédits destinés à la sécurité routière, le Gouvernement a décidé, pour 1998, d'en augmenter de 7 % les autorisations de programme.
Même si les facteurs liés au comportement des usagers apparaissent largement dominants, ils ne sont toutefois pas indépendants de l'aménagement des infrastructures et de la conception des véhicules.
L'Etat consacre chaque année une part importante du budget des routes pour les aménagements de sécurité proprement dits, sur le réseau national existant. Les programmes régionaux d'aménagements de sécurité - PRAS - prennent en compte les zones présentant un niveau anormal d'insécurité, qu'elles soient ponctuelles ou linéaires. Celles-ci font l'objet de programmes annuels d'opération d'aménagements de sécurité qui seront poursuivis.
En 1997, la part de l'Etat pour des aménagements qui relèvent strictement de la sécurité routière s'est élevée à 110 millions de francs, dont 70 millions de francs pour des opérations financées dans le cadre des contrats de plan entre l'Etat et les régions, le plus souvent avec la participation d'autres collectivités locales également concernées - départements, communes - et 30 millions de francs hors contrats de plan pour des opérations dont l'enjeu constitue une priorité nationale.
Les directions départementales de l'équipement disposent aussi d'une dotation annuelle globale de crédits de 80 millions de francs, répartis sur l'ensemble des départements, qui leur permet de réagir rapidement par la réalisation d'aménagements légers dès l'apparition de problèmes de sécurité sur le réseau national.
Cet engagement de l'Etat sera poursuivi dans les années à venir.
En ce qui concerne l'amélioration de la sécurité sur l'ensemble des infrastructures routières, notamment sur les routes départementales, l'Etat poursuit, en concertation avec les collectivités territoriales, la mise au point d'outils destinés à aider les gestionnaires de voirie à mieux prendre en compte la sécurité pour les routes existantes et lors de la conception et de la réalisation d'équipements neufs.
Outre la production de réglementations ou de recommandations portant sur la conception et les équipements de la route, les actions ainsi mises en oeuvre visent à rendre la route plus lisible pour l'usager, qui pourra alors adapter au mieux son comportement, et à développer, dans les agglomérations, des techniques de modération de la vitesse.
Il apparaît, dans ces conditions, que l'amélioration du confort de conduite n'entraîne pas automatiquement une amélioration des conditions de sécurité. En effet, de nombreuses études ont montré qu'une amélioration inconsidérée du « confort de conduite » pouvait avoir des effets pervers en permettant des vitesses trop élevées par rapport au contexte d'utilisation de la voie considérée.
Une attention particulière doit donc être apportée à la cohérence entre le « confort » offert par une voie déterminée et la destination de celle-ci. En effet, sans cette cohérence, les efforts déployés risquent d'aboutir à l'effet inverse de celui qui est recherché.
L'amélioration de la sécurité des routes est, enfin, liée à un meilleur entretien, qui contribue à parfaire les caractéristiques du réseau routier et sa lisibilité pour les usagers, notamment dans des conditions de visibilité défavorables de nuit et en période de service hivernal.
Pour 1998, le budget routier permettra d'assurer la priorité annoncée en faveur de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine routier national, avec une augmentation de 4,2 % dans un contexte budgétaire contraint. Je peux vous indiquer que l'effort portera d'ailleurs prioritairement sur le programme de réhabilitation et de renforcement des chaussées.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais apporter à votre question, monsieur le sénateur.
M. Edouard Le Jeune. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. J'excuse bien volontiers M. Gayssot, car je ne suis pas sans savoir les préoccupations qui sont actuellement les siennes avec la grève des routiers.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, des réponses que vous m'avez apportées. J'ai noté que le Gouvernement partage les soucis que j'ai exprimés.
Puisque les crédits sont malheureusement limités, les actions prioritaires doivent être retenues. Si M. Gayssot avait été présent, peut-être aurait-il pu me donner quelques indications supplémentaires à propos de ce serpent de mer qu'est la nationale 164, axe central de la Bretagne, et au sujet de laquelle il a déjà été interrogé, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale.

AVENIR DE L'AÉROPORT DE NANTES

M. le président. M. François Autain rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que le précédent gouvernement avait présenté lors du conseil interministériel d'aménagement du territoire - CIAT - d'Auch un premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire, qui prévoyait, s'agissant de la région Pays de la Loire, parmi les nombreuses orientations retenues, le développement de la plate-forme aéroportuaire internationale de Nantes-Atlantique. Cet aéroport semble en effet promis à un grand avenir car, avec 1,3 million de passagers en 1996, il est loin de son niveau de saturation, qui se situe aux alentours de 4,5 millions de passagers. De plus, il se trouve à proximité immédiate d'une usine de l'Aérospatiale qui fabrique le tronçon central des Airbus.
Il a donc été très surpris d'apprendre, dans une réponse à une question écrite, que le ministre de l'équipement, des transports et du logement envisageait de transférer à moyen terme sur un autre site cet aéroport pour répondre à des contraintes d'environnement et en dépit des conséquences qui en découleraient pour l'emploi, notamment avec la fermeture de l'usine de l'Aérospatiale.
Par ailleurs, il lui rappelle que, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, elle s'était déclarée hostile à l'implantation du troisième aéroport francilien à Beauvilliers en préconisant au contraire le renforcement de trois ou quatre aéroports régionaux pour conforter leurs structures internationales.
Il lui demande si elle pense que les contraintes d'environnement peuvent conduire à moyen terme à la fermeture de l'aéroport international de Nantes-Atlantique et, dans le cas contraire, si elle peut lui indiquer si cet aéroport figurait parmi les trois ou quatre aéroports régionaux évoqués devant la commission. (N° 90.)
La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Ma question a trait à l'aéroport international de Nantes-Atlantique.
Le précédent gouvernement avait présenté, lors du conseil interministériel d'aménagement du territoire d'Auch, le 10 avril 1997, un premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire qui prévoyait, s'agissant de la région Pays de la Loire, parmi les nombreuses orientations retenues, le développement de la plate-forme aéroportuaire internationale de Nantes-Atlantique. Cet aéroport semble en effet promis à un grand avenir car, avec 1,3 million de passagers en 1997, il est loin de son niveau de saturation qui se situe aux alentours de 4,5 millions de passagers. De plus, il se trouve à proximité immédiate d'une usine de l'Aérospatiale qui fabrique le tronçon central des Airbus et qui emploie plus de 2 000 personnes.
J'ai donc été très surpris d'apprendre, dans une réponse à une question écrite, que M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement envisageait de transférer à moyen terme sur un autre site cet aéroport pour des contraintes d'environnement, alors que, à la différence de Roissy où l'on vient pourtant d'autoriser, au mépris des contraintes d'environnement, la construction de deux pistes supplémentaires, il n'existe pas de réactions significatives de riverains ; il est vrai que nous sommes loin des 32 millions de passagers de Roissy que nous n'atteindrons heureusement jamais.
Dès lors, pouvez-vous m'expliquer pourquoi ce qui est acceptable à Roissy ne le serait pas à Nantes dans des conditions beaucoup moins défavorables, d'autant que le transfert de l'aéroport entraînerait inéluctablement la fermeture de l'usine d'Aérospatiale car le transport des pièces vers les zones d'assemblage ne peut plus s'effectuer par la route du fait de la taille des tronçons d'Airbus ?
Par ailleurs, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à qui s'adresse cette question, s'est déclarée hostile à l'implantation du troisième aéroport francilien à Beauvilliers, en préconisant au contraire le renforcement de trois ou quatre aéroports régionaux pour conforter leurs structures internationales.
Pensez-vous, madame le secrétaire d'Etat, que les contraintes d'environnement puissent conduire à moyen terme à la fermeture de l'aéroport international de Nantes-Atlantique ? Dans le cas contraire, pouvez-vous m'indiquer si cet aéroport figurait parmi les trois ou quatre aéroports régionaux que Mme Voynet a cités devant la commission ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, étant ce matin à l'Assemblée nationale où elle présente les crédits de son ministère pour 1998, Mme Dominique Voynet m'a demandé de répondre à sa place.
Nantes-Atlantique est l'aéroport le plus important du Grand Ouest en termes de trafic et de nombre de dessertes.
Nantes est l'une des quelques villes de province dont l'importance pour le développement du territoire justifiera et alimentera une desserte internationale diversifiée, comportant, à terme, une ou plusieurs liaisons intercontinentales, alors que, aujourd'hui, sa desserte internationale est trop largement tributaire du passage vers Paris.
Dans cette perspective, l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique présente encore de larges réserves de capacité. Après l'extension de l'aérogare qui sera inaugurée au mois de novembre, le trafic pourra augmenter de 80 % pour atteindre 2,5 millions de passagers par an.
Toutefois, cet aéroport est situé au sud de l'agglomération nantaise et la piste est orientée nord-sud, ce qui conduit à des survols fréquents de la ville de Nantes. Les analyses actuellement disponibles conduisent à craindre qu'un seuil critique, en termes de bruit et de sécurité, ne soit atteint avec 2,5 millions de passagers, vraisemblablement à l'horizon 2015.
Dans cette perspective, la réservation, depuis une vingtaine d'années, d'un site à Notre-Dame-des-Landes paraît comme une indispensable démarche de précaution.
Une décision de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur ce site ne pourra être prise que lorsque tous les aspects d'un tel choix auront été étudiés.
Ce déplacement n'entraînerait en aucune façon la fermeture de l'usine de l'Aérospatiale de Nantes.
M. François Autain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous venez de m'apporter. Le dialogue se poursuivra avec Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je note que Mme Voynet estime que l'aéroport de Nantes-Atlantique atteindra 2,5 millions de passagers à l'horizon 2015. Il s'agit d'une information intéressante.

Difficultés des hôteliers restaurateurs

M. le président. M. Daniel Goulet souhaite très vivement attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au tourisme sur la situation particulièrement préoccupante des hôteliers et des restaurateurs, confrontés à de multiples et divers problèmes portant sur :
1° Les charges fiscales, et tenant :
a) A la distorsion de la TVA entre les différents établissements français de restauration - repas servis ou emportés - soit 20,6 % et 5,5 % ;
b) A la distorsion de TVA entre les pays de l'Union européenne et la France ;
c) A l'application de cette TVA sur les avantages en nature offerts aux personnels de fabrication et de service.
2° Les charges sociales patronales, dont les taux entre les différents pays de l'Union européenne et la France s'établissent au détriment des professionnels français ;
et enfin,
3° Le paracommercialisme et la nécessité de faire appliquer la circulaire du 10 mars 1979 et l'ordonnance du 1er décembre 1986 afin de contenir le paracommercialisme.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'elle envisage de prendre pour remédier à ces problèmes qui pénalisent très fortement la profession. (N° 76.)
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Madame le secrétaire d'Etat, je suis parfaitement conscient que ma question s'adresse tout autant à vous-même qu'à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. le secrétaire d'Etat au budget qui détiennent en la matière une responsabilité évidente et directe. Mais je sais aussi que personne mieux que vous, madame le secrétaire d'Etat, ne pourrait se faire l'interprète des professionnels d'un important secteur qui dépend plus particulièrement de votre département ministériel.
Je veux appeler votre bienveillante attention sur la situation particulièrement préoccupante que connaissent les hôteliers et les restaurateurs, qui sont confrontés à des problèmes spécifiques à leur profession.
En effet, les professionnels de la restauration considèrent qu'ils font l'objet d'une certaine distorsion de traitement selon qu'ils dépendent de la profession de restaurateur, de traiteur ou de prestataire de services en fournitures de restauration, à savoir les repas servis sur place ou à emporter.
Par ailleurs, cette discrimination de charges et, par voie de conséquence, de concurrence est encore plus vive et totalement incompréhensible entre les professionnels de la restauration et de l'hôtellerie française et ceux qui dépendent des autres pays de la Communauté européenne.
Ces problèmes tiennent à une distorsion de taux de TVA, à savoir 20,6 % pour les uns et 5,5 % pour les autres. Ils tiennent aussi à l'application de cette TVA sur les avantages en nature offerts aux personnels de fabrication et de service selon qu'ils relèvent d'établissements français ou étrangers. Ils tiennent, enfin, à la différence de taux entre les pays de la Communauté en ce qui concerne les charges sociales patronales.
En outre, ces professionnels manifestent quelque amertume, difficilement contenue, voire un total désarroi devant l'inapplication quasiment constante de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des circulaires du 10 mars 1979, dont vous connaissez parfaitement les objets.
Au moment où la tendance doit s'orienter vers une plus juste répartition des impositions fiscales entre les contribuables français et entre les pays de la Communauté, c'est-à-dire vers l'équité entre les citoyens, et alors que l'on constate, au terme de cette année touristique fortement excédentaire en résultats positifs, la place essentielle que prennent les professionnels français de l'hôtellerie et de la restauration dans un secteur d'avenir très prometteur et donc très porteur pour l'économie française, ne vous paraît-il pas nécessaire et urgent, madame le secrétaire d'Etat, d'une part, de réexaminer très sérieusement les charges fiscales et sociales, le plus souvent dissuasives et pénalisantes, qui pèsent sur les professionnels de l'accueil et de l'art culinaire français et, d'autre part, de recourir à de nouvelles méthodes d'intervention, notamment d'information et de concertation, qui seraient de nature à faire appliquer enfin la loi sur le paracommercialisme dans ce qu'elle indique expressément par les ordonnances et les circulaires que je viens d'évoquer ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, je suis comme vous très attentive aux questions que vous soulevez et j'ai souvent eu l'occasion de m'en entretenir avec les professionnels, au ministère comme au cours de mes déplacements sur le terrain.
La législation relative à la TVA est issue des directives européennes de 1977 et de 1992 et distingue la vente de denrées alimentaires, assujettie au taux réduit, et la fourniture d'une prestation de restauration, qui supporte le taux normal.
Il est incontestable que la baisse de la TVA sur les prestations de service à forte intensité de main-d'oeuvre aurait des effets bénéfiques pour la consommation et pour l'emploi et supprimerait la distorsion entre la restauration à emporter et la restauration à consommer sur place.
Une telle baisse se heurte à deux obstacles : le premier est d'ordre politique et juridique et ne peut être levé que par un accord unanime des Etats membres ; le second est d'ordre budgétaire : une telle mesure coûterait, en effet, plus de 40 milliards de francs.
J'ajoute que le problème de l'écart de taux entre la restauration et la vente à emporter est devenu très aigu depuis la hausse du taux normal décidée en 1995. Soucieux de ne pas augmenter leurs prix, les restaurateurs ont été contraints d'amputer leurs marges, ce qui affaiblit leur capacité à se moderniser.
Vous avez évoqué ensuite les charges sociales. M. le Premier ministre a annoncé, lors de la conférence du 10 octobre dernier, l'ouverture d'une réflexion sur l'assiette des cotisations patronales, afin d'alléger les charges des entreprises de main-d'oeuvre. L'hôtellerie et la restauration seront les premières bénéficiaires d'une telle réforme, que je suis avec beaucoup d'attention.
Dans l'attente de cette réforme, nous mettons en place des mesures concrètes : le Gouvernement a décidé de supprimer progressivement les charges sociales patronales qui pèsent sur les avantages en nature des salariés des hôtels, cafés-restaurants. Un crédit de 158 millions de francs est inscrit dans le projet de loi de finances pour 1998. A terme, cette mesure représentera un coût de 1 300 millions de francs.
Au-delà des charges fiscales et sociales, il faut aussi étudier les mesures susceptibles d'alléger les charges financières, qui pèsent beaucoup sur les entreprises. Je souhaite engager à cet égard une réflexion pour être en mesure, en accord avec les professionnels, de présenter des propositions.
Je tiens à vous rappeler que le Gouvernement a d'ores et déjà mis en place un dispositif permettant aux entreprises du secteur de la restauration de bénéficier de prêts bonifiés pour financer des travaux de mise en conformité avec les règles d'hygiène et de sécurité.
J'en viens au paracommercialisme. Les entreprises du secteur hôtels, cafés-restaurants sont souvent victimes de la concurrence déloyale des activités clandestines.
A partir des propositions formulées dans le rapport, célèbre dans la profession, de M. Radelet, inspecteur général du tourisme, les pouvoirs publics ont pris des mesures qui ont été mises en oeuvre, après concertation au plan local, par les préfets de département.
La circulaire du 7 novembre 1995 sur les conditions de fonctionnement de certains établissements de formation hôtelière et l'arrêté du 1er avril 1997 relatif au classement des meublés ont complété le dispositif. Les contrôles réalisés par les services déconcentrés de l'Etat ont été renforcés.
Parallèlement, une action pédagogique a été engagée. Les services de l'Etat et les maires disposent aujourd'hui de deux brochures d'information leur permettant de mieux informer les différents acteurs sur leurs droits et devoirs.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter.
M. Daniel Goulet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Madame le secrétaire d'Etat, compte tenu de l'étendue du chantier auquel vous vous êtes attaquée, des solutions à tous les problèmes évoqués ne pourront pas, à mon avis, être trouvées dans l'immédiat, c'est-à-dire dans les semaines et les mois qui viennent.
En tout cas, j'ai bien noté, et je vous en remercie, que vous avez tout à fait saisi l'importance de cette catégorie de professionnels qui, par leur rôle et leur dynamisme, apportent de la valeur ajoutée à l'économie française et qui, par la présence qu'ils assurent dans les villes et les villages, ont un intérêt incontournable pour l'aménagement du territoire.
Certes, il existe des problèmes financiers et budgétaires. Je comprends parfaitement qu'ils soient difficiles à traiter dans l'état actuel des finances publiques, mais j'ai bien compris que votre volonté était très forte, dans la mesure où vous avez parlé de volonté politique. Nous devons en effet, les uns et les autres, nous pencher sur ce secteur de façon que les professionnels sentent qu'ils ont auprès d'eux non seulement un ministre qui s'occupe bien d'eux, mais aussi une nation qui est reconnaissante de leur action pour l'art culinaire et la gastronomie.

Situation de l'emploi dans le Mantois

M. le président. M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi industriel dans le Mantois, suite à l'annonce d'un plan de restructuration à l'usine Sulzer de Mantes-la-Ville, dans les Yvelines, qui conduirait à la suppression de 238 postes, soit 130 à 140 licenciements secs.
L'entreprise Sulzer, qui produit des moteurs destinés à la construction navale et aux centrales électriques, subit aujourd'hui la loi de la mondialisation de ce marché, et le nouvel actionnaire principal - un groupe finlandais - a décidé une restructuration interne de la production.
Cette restructuration intervient dans un contexte local bien particulier. Ces dernières années, le tissu industriel s'y est gravement détérioré : 800 emplois détruits- Porcher, Driver Harris, Seratherm, etc. - contre seulement une centaine de nouveaux emplois créés. Cette situation désastreuse obère lourdement les résultats attendus de la mise en place du grand projet urbain, dont l'agglomération mantaise est bénéficiaire. Aujourd'hui, les efforts acharnés des élus locaux pour créer de nouveaux emplois et les conditions d'un redémarrage économique du Mantois paraissent ainsi largement compromis.
Face à cette situation dramatique, il est bien évident que ces mêmes élus locaux se mobilisent et mettent à la disposition du personnel licencié l'ensemble des structures ad hoc qu'ils ont mises en place : mission pour l'insertion socio-professionnelle du Mantois - MISPROM - et comité d'expansion économique du Mantois.
Pourtant, il est absolument nécessaire que des mesures exceptionnelles soient prises par le Gouvernement, en particulier grâce à un effort significatif d'aménagement du territoire.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour rendre rapidement le Mantois éligible à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, afin de contrebalancer de manière décisive cet effondrement de l'emploi industriel dans l'agglomération et ainsi de redonner espoir à des acteurs locaux rudement éprouvés par l'ampleur des problèmes socio-économiques du Mantois. (N° 38.)
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur la situation de l'industrie Sulzer, à Mantes-la-Ville, qui produit des moteurs destinés à la construction navale et aux centrales électriques et qui subit aujourd'hui les conséquences les plus négatives de la réorganisation mondiale de l'économie.
L'un de ses principaux concurrents, le groupe finlandais Wartsila, est devenu, en 1996, son principal actionnaire pour mieux la faire disparaître deux ans après, en prétextant une restructuration interne de la production.
Cette restructuration intervient dans un contexte local bien particulier, celui de la Seine-aval ; ces dernières années, le tissu industriel s'y est gravement détérioré : 800 emplois ont été détruits en deux ans contre seulement une centaine de nouveaux emplois créés.
Cette situation est d'autant plus désastreuse qu'elle intervient dans un bassin d'emplois reconnu par tous les acteurs politiques, économiques et sociaux comme particulièrement défavorisé, à tel point qu'il fait l'objet de mesures exceptionnelles que je me dois d'énumérer et pour lesquelles tous les partenaires publics s'investissent lourdement : zone franche urbaine et grand projet urbain pour l'Etat, contrat d'aménagement régional et contrat de développement urbain pour la région, politique d'aide spécifique exceptionnelle pour la Seine-aval pour le département, fonds structurel de l'Union européenne, sans compter, naturellement, les efforts acharnés et les initiatives ambitieuses des élus locaux.
Or, aujourd'hui, ce sont précisément dans les deux agglomérations des Yvelines concernées par ces mesures que, par le biais de restructurations, l'emploi va être touché de plein fouet : à Mantes-la-Ville, l'entreprise Sulzer et ses sous-traitants vont perdre 229 emplois directs et près de 750 emplois indirects ; aux Mureaux, Aérospatiale et ses sous-traitants vont supprimer 300 emplois directs et environ 900 emplois indirects. Sur ce dernier point, je dois d'ailleurs préciser que c'est la diminution des crédits d'équipement du budget du ministère de la défense, amputés de près de 8 milliards de francs en 1998, qui sera responsable de la disparition de ces emplois.
Tous ces fonds de l'Etat, de la région, du département, des collectivités locales et de l'Europe, qui se chiffrent, je le rappelle, en centaines de millions de francs, sont investis pour créer de nouveaux emplois et mettre en place les conditions d'un redémarrage économique. Ces efforts semblent aujourd'hui largement compromis par ces mauvais coups portés à l'emploi industriel et, si rien n'est fait pour empêcher ces licenciements, ils apparaîtront à l'opinion publique et aux élus comme un gigantesque gâchis.
Dans le cas de l'entreprise Sulzer, il semble en effet inacceptable que, d'un côté, l'Etat investisse pour créer de l'activité économique et de l'emploi et que, de l'autre côté, il finance des licenciements de « confort » d'une entreprise étrangère.
Face à cette situation dramatique, les élus locaux, c'est bien évident, se mobilisent et s'apprêtent à mettre à la disposition du personnel l'ensemble des structures ad hoc qu'ils ont mises en place. Mais celles-ci ne sont naturellement pas à l'échelle de la catastrophe annoncée ; il est donc absolument indispensable que des mesures exceptionnelles soient prises par le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous êtes particulièrement sensible au sort que connaîtra le siteSulzer de Mantes-la-Ville, puisque votre père, si mes renseignements sont exacts, fut, voilà quelques dizaines années, le premier directeur de cet établissement.
En conséquence, je vous demande quelles mesures vous comptez prendre, d'une part, pour empêcher ces licenciements d'avoir lieu et, d'autre part, pour rendre rapidement le Mantois éligible à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, ce qui semble être le seul moyen de contrebalancer de manière décisive cet effondrement de l'emploi industriel dans l'agglomération.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, l'annonce récente de la restructuration industrielle de l'usine New Sulzer Diesel, à Mantes, dont l'effectif pourrait, en effet, passer de 440 personnes à 210 personnes dans le courant de l'année 1998, constitue, comme vous venez de le souligner, une nouvelle grave.
Ce projet s'inscrit, un an seulement après le rachat du site, dans une opération de rationalisation de l'outil de production engagée par le groupe Wartsila.
Dès l'annonce de cette restructuration, mon cabinet et, à ma demande expresse, le directeur général des stratégies industrielles du secrétariat d'Etat à l'industrie ont pris des contacts avec Mme Peulvast-Bergeal, député-maire de Mantes-la-Ville, avec les représentants du groupe ainsi qu'avec les représentants des salariés et des organisations syndicales pour procéder à une expertise approfondie de la situation et pour étudier les possibilités, d'ailleurs ténues, de solutions alternatives. La situation générale du marché des moteurs Diesel semi-rapides, spécialité de pointe de l'usine de Mantes, est aujourd'hui difficile et n'a pas permis d'identifier, pour l'instant, de solution de reprise.
Cette restructuration, si elle se confirme, fragilisera encore plus, comme vous l'avez dit avec justesse, un tissu industriel déjà touché par la perte d'emplois sur d'autres sites proches au cours des dernières années. Des efforts de réindustrialisation seront menés sur le site, mais il faut réfléchir plus avant au véritable problème d'aménagement du territoire, qui concerne l'ensemble de la région parisienne, plus particulièrement le Mantois.
La répartition des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels, telle qu'elle a été finalisée tant dans le décret du 6 mai 1982 que dans celui du 6 février 1995, résulte de priorités définies par la Commission de l'Union européenne dans le cadre que celle-ci a fixé en application de ses compétences en matière de contrôle des règles de concurrence. C'est ainsi qu'elle a posé en préalable aux dernières propositions du gouvernement français la réduction de la population éligible à la PAT et le rapprochement du nouveau zonage avec ceux des fonds structurels, objectifs 1, 2 et 5B.
Dans ce contexte, le département des Yvelines, qui fait partie du bassin parisien et qui bénéficie à ce titre des effets de l'attractivité économique de l'Ile-de-France, n'a pu être concerné par ce dispositif, lequel privilégie à juste titre, reconnaissons-le, les régions en retard de développement ou se trouvant confrontées à des difficultés structurelles importantes qui justifient un traitement dérogatoire par rapport aux principes du traité de Rome.
Du reste, le bassin parisien dans son ensemble a été exclu de toute forme d'aide dès l'élaboration du décret du 6 mai 1982, au même titre que l'agglomération lyonnaise. Ce dispositif, dur, il est vrai, a été reconduit par le décret du 6 février 1995, à partir de critères d'appréciation des zones éligibles définis de manière encore plus restrictive, qui n'ont pas justifié de modification par rapport à la situation du bassin parisien.
Toutefois, le Gouvernement est conscient qu'en dépit de la richesse globale de l'ensemble de la région d'Ile-de-France il existe des problèmes spécifiques dans plusieurs points gravement touchés de l'agglomération parisienne, qui connaissent des situations tant économiques que sociales difficiles. C'est le cas du Mantois.
Cette zone urbaine fragile, qui a été reconnue comme pôle de développement dans le cadre du schéma directeur de l'Ile-de-France, doit être traitée avec une grande vigilance. Sa situation fera l'objet, monsieur le sénateur, soyez-en assuré, d'un examen particulièrement attentif à l'occasion de la réflexion sur la révision de l'ensemble des zonages actuellement en discussion avec l'Union européenne. Cela sera fait au cours des mois prochains, dans la perspective de la réforme des fonds structurels à laquelle la France apportera sa contribution.
Je serai personnellement très vigilant sur la situation de l'usine Sulzer de Mantes et si, comme je l'espère, nous avons l'occasion de la réexaminer, nous le ferons avec l'ensemble des élus concernés.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces éléments de réponse.
Ces phénomènes de restructuration apparaissent effectivement sur un territoire déjà particulièrement sinistré. Nous avons connu la disparition de l'usine Porcher de Gargenville, avec la perte de trois cents emplois, celle de Driver Harris, à Mantes-la-Jolie, qui s'est traduite par la perte de quatre-vingt-dix emplois, celle de la Seratherm, avec également une perte de soixante-dix emplois, et c'est maintenant l'usine Sulzer.
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Le département des Yvelines est éminemment dual, avec, d'un côté, une certaine opulence, une certaine richesse et, de l'autre, à l'extrême ouest, dans la vallée de la Seine, toute la pauvreté concentrée ainsi que les problèmes économiques et sociaux.
On en vient même parfois à se demander si le fait d'être compris dans la région d'Ile-de-France ne constitue pas un lourd handicap pour ceux qui sont à l'extrême ouest, dans la mesure où l'aide qui leur fait cruellement défaut est attribuée à des départements voisins qui, pourtant, ne connaissent pas les mêmes problèmes sociaux et économiques qu'eux.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me tenir informé personnellement de ce qui se fera pour le Mantois, notamment sur le site de l'usine Sulzer.

Mesures de protection
en faveur des facteurs d'orgues

M. le président. M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la baisse de 32 % pour 1997 des crédits accordés à la restauration des orgues historiques, et sur les vives inquiétudes qui en résultent au sein de la profession des facteurs d'orgues.
Alors que l'organisation des « états généraux de la facture d'orgues », en 1995, et la création du conseil des métiers d'arts, en 1996, avaient suscité beaucoup d'espoir, l'annonce de cette décision - sans concertation - a déclenché une vive réaction des facteurs d'orgues, qui dénoncent des méthodes déstabilisantes pour les entreprises et pour le bon déroulement des procédures d'attribution des marchés.
Cette diminution d'un tiers des crédits risque par ailleurs d'entraîner la disparition de 30 % des petites entreprises spécialisées dans cette profession, ainsi que de leur savoir-faire spécifique.
L'Alsace, région particulièrement riche en orgues anciennes, est aussi, avec le centre de formation des apprentis d'Eschau, un pilier de la facture d'orgues et se trouve de ce fait particulièrement frappée.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour protéger cette profession garante de la survie des plus belles orgues historiques de France. (N° 9.)
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Madame le ministre, ma question concerne la restauration des orgues historiques.
Les crédits affectés à la restauration de ces orgues ont été réduits de 32 % dans le budget de 1997. Il en résulte, évidemment, une vive inquiétude au sein de la profession des facteurs d'orgues, profession qui avait nourri beaucoup d'espérance à la suite de la tenue de ses état généraux en 1996 et de la création, en 1995, du conseil des métiers d'arts.
L'annonce de cette décision, prise sans concertation, a déclenché évidemment une vive réaction et surtout suscité une grande inquiétude chez les facteurs d'orgues.
Cette diminution des crédits risque d'entraîner la disparition non seulement d'un tiers des petites entreprises spécialisées dans cette profession, mais aussi celle d'un savoir-faire spécifique, celui de la facture d'orgues.
L'Alsace, région particulièrement riche en orgues anciennes, constitue, avec son centre de formation d'apprentis, un pilier de la facture d'orgues, et se trouve, de ce fait, particulièrement menacée.
Madame le ministre, pouvez-vous nous annoncer les mesures qui pourront être prises pour protéger cette profession et, au-delà, pour garantir la survie des plus belles orgues historiques de France ?
Connaissant votre attachement profond à tout ce qui touche au patrimoine, particulièrement à la facture d'orgues, je ne doute pas que vous envisagiez de prendre de telles dispositions pour sauvegarder précisément un élément essentiel de notre patrimoine.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, j'ai plaisir à vous répondre aujourd'hui, sachant que, pour l'exercice 1998, le budget de la culture est plus favorable que pour l'exercice 1997, année où il a connu une baisse de ses crédits, ce qui m'a valu de nombreux courriers, de nombreuses démarches de la part de facteurs d'orgues. Il est vrai que les professionnels s'inquiétaient de l'effet de cette diminution sur leur activité et s'interrogeaient sur la pérennité de leur profession, dans la mesure où celle-ci trouve son équilibre à la fois dans les restaurations et dans la construction de nouveaux instruments, laquelle se ralentit aussi, étant donné les prix de fabrication et le petit nombre d'églises ou de lieux de culte qui sont réalisés aujourd'hui.
Cela étant, la pratique de cet instrument continuera d'être enseignée dans les conservatoires et autres lieux d'enseignement dont nous pourrons engager la réalisation et la facture d'orgues restera le fait des excellents professionnels que nous sommes fiers de compter en grand nombre dans notre pays.
Les crédits affectés à la restauration des monuments historiques avaient, en effet, diminué d'environ un tiers dans le budget de 1997 par rapport au budget de 1996. Cette diminution regrettable avait pénalisé l'ensemble des entreprises du secteur, parmi lesquelles les facteurs d'orgues, sachant que la restauration des orgues historiques constitue une part importante de leur activité.
Dans le projet de budget retenu par le Gouvernement pour 1998, le montant des crédits affectés à la restauration des monuments historiques retrouve un niveau semblable à celui de 1996, ce qui représente une augmentation de 39 % par rapport à 1997.
Ce relèvement très sensible permettra, en 1998, le retour à un volume d'activité plus satisfaisant pour le secteur des monuments historiques. Les opérations de restauration des orgues historiques bénéficieront, bien évidemment, de cette augmentation, au même titre que les opérations de restauration sur les immeubles et les objets mobiliers protégés.
La programmation pour 1998 comprend ainsi plusieurs opérations importantes, dont la restauration des orgues des cathédrales de Blois et de Châlons-en-Champagne ainsi que de l'ancienne cathédrale d'Embrun. En Alsace, seront engagées les restaurations des orgues des deux églises Saint-Pierre et Saint-Paul d'Obernai et de Wissembourg.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Madame le ministre, je ne sous-estime évidemment pas les contraintes budgétaires qui sont celles, à notre époque, de tout gouvernement. Je vous remercie de l'effort entrepris pour 1998 en faveur du patrimoine, notamment de la facture d'orgues. Vous apportez ainsi un élément d'espérance à une profession dont notre pays peut être légitimement fier.

ORGANISATION DE LA DISTRIBUTION DU LAIT
DANS LES ÉCOLES

M. le président. M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions financières de la distribution de lait dans les écoles, qui concerne en principe 7 à 8 millions d'enfants pour un budget de 200 millions de francs en 1997.
Il s'agit d'une pratique ancienne en France, puisqu'elle date d'environ quarante ans, et dont le financement a été pour partie transféré à la Communauté économique européenne il y a une vingtaine d'années. Ainsi, le budget national n'est-il sollicité qu'à hauteur de 7 à 8 millions de francs pour 1997. Cette distribution de lait revêt une très grande importance à une époque où la malnutrition enfantine est un phénomène en croissance.
Or les municipalités sont confrontées depuis quelques années à une augmentation de l'effort financier qui leur est demandé pour cette distribution, en raison de l'accroissement de l'écart entre le prix du lait et le niveau d'intervention de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l'ONILAIT.
Certaines se voient donc contraintes de diminuer les quantités globales de lait distribuées, voire de renoncer à toute distribution, ce qui est pour le moins fâcheux. Cela est dû à la suppression, en application de la réforme de la politique agricole commune, de la taxe de corresponsabilité, aux termes du règlement n° 1029/93 du 27 avril 1993.
La Communauté économique européenne a alors décidé une économie de l'ordre de 50 % sur le programme de distribution de lait à l'école, dès lors que cette taxe intervenait à hauteur de 75 % dans le financement de celui-ci. Dans le même temps, le niveau de la subvention nationale a lui-même baissé de 25 %.
Il lui demande dès lors s'il considère que la distribution de lait dans les écoles lui semble nécessaire, s'il pense qu'elle a un avenir dans notre pays et quelles initiatives il compte prendre pour assurer la pérennité de son financement dans des conditions convenables et conformes aux habitudes françaises. (N° 2.)
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
L'Association des maires de France a été sollicitée par de nombreux élus qui s'interrogent sur la pérennité de la distribution de lait à l'école et, de façon plus générale, sur les problèmes de malnutrition.
La politique de distribution de lait a été communautarisée voilà une vingtaine d'années. Sur un financement total de près de 200 millions de francs, la participation nationale n'a été, en 1997, que de 7 à 8 millions de francs. Jusqu'en 1994, cette politique était financée à l'échelon communautaire pour les trois quarts par la taxe de corresponsabilité des agriculteurs et, pour le quart restant, par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA.
Or, en application d'un règlement du 27 avril 1993, Bruxelles a décidé de réduire de 50 % le montant de la participation européenne. Dans le même temps, la subvention nationale a diminué de 25 %. Aujourd'hui, la politique de distribution de lait est donc remise en cause.
Monsieur le ministre, peut-on envisager la poursuite de cette politique et, dans cette perspective, quelles modalités de financement conviendrait-il de mettre en place ? Ne devrions-nous pas engager une concertation plus ouverte sur la contribution des élus, des familles et de l'Etat afin de tenter de régler le problème plus fondamental de la malnutrition des jeunes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, la distribution de lait dans les écoles a déjà une longue histoire, puisqu'elle a été instaurée sur l'initiative de Pierre Mendès France en 1954. Le dispositif a été maintenu depuis lors, mais, il faut en convenir, les règles de gestion, elles, ont évolué.
A l'origine, il s'agissait de stimuler la consommation de lait et de certains produits laitiers par les enfants, en créant une habitude alimentaire de consommation des produits laitiers et en offrant une véritable éducation nutritionnelle aux jeunes.
En outre, et c'est probablement cette orientation sociale qui est le plus important aujourd'hui, cette mesure a permis et permet encore de fournir un apport alimentaire indispensable à certains enfants issus de milieux particulièrement défavorisés.
Les règles générales relatives à la distribution de lait et de certains produits laitiers aux élèves dans les établissements scolaires ont été nationales jusqu'à la fin des années soixante.
Les bénéficiaires en sont les élèves des établissements d'enseignement préélémentaire, élémentaire et secondaire. Une aide à l'achat des produits laitiers est versée à l'organisme qui gère leur distribution au cours ou en dehors des repas et qui règle les factures correspondantes. Il peut s'agir d'un établissement scolaire, d'une municipalité ou d'une association gestionnaire d'école.
Afin d'illustrer l'importance de ce programme, je ne citerai qu'un chiffre : pour l'année scolaire 1995-1996, 16 700 organismes gestionnaires ont participé à ce dispositif.
Au 1er janvier 1994, la Commission européenne a mis en place un nouveau régime visant à réduire les dépenses communautaires de 50 %. Depuis, le total des soutiens au programme s'élève en France à environ 190 millions de francs, tous concours confondus.
Les pouvoirs publics français continuent d'apporter leur contribution à ce dispositif original ; la participation nationale, décidée pour l'année scolaire 1997-1998, a été approuvée par le conseil de direction de l'ONILAIT, et ce dès le 3 avril 1997.
Pour juger de l'importance de ce programme, il suffit de rappeler les quantités aidées au cours de l'année scolaire 1994-1995 ; elles représentent environ 11 millions de litres de lait entier et de yaourts, 15,3 millions de litres de lait demi-écrémé, 58,4 millions de briquettes de vingt centilitres de lait entier, ainsi que 12 100 tonnes de fromages, soit au total l'équivalent de 97 millions de litres de lait !
Enfin, je dois indiquer qu'un second programme de distribution de lait dans les écoles se met en place pour la présente année scolaire, géré, lui, par le ministère de l'emploi et de la solidarité, et qui contribue à hauteur de 10 millions de francs à la distribution de produits laitiers dans les zones d'éducation prioritaires.
Les deux ministères, celui de l'agriculture et de la pêche et celui de l'emploi et de la solidarité, travaillent actuellement à assurer la cohérence de ces deux programmes, et je souhaite, en tout cas pour le futur, orienter le plus possible le dispositif vers les zones qui en ont le plus grand besoin.
Monsieur le sénateur, le programme de soutien à la consommation de lait dans les écoles est un programme d'importance non seulement pour les besoins nutritionnels des enfants, mais aussi pour le développement de la filière lait.
J'entends poursuivre, en 1998, la mise en place du programme, qui bénéficie au demeurant d'un soutien communautaire substantiel.
C'est pourquoi j'ai décidé d'engager une réflexion interministérielle, avec, notamment, Mme Ségolène Royal, mais aussi M. Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur le principe et sur le financement du programme dans le respect des règles communautaires.
Il va de soi que les élus concernés au premier chef, les maires, seront consultés dans le cadre de cette réflexion interministérielle que j'entends conduire.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Voilà, quelques années - je pense que vous partagez cet avis - l'Europe avait une vocation économique et financière, alors qu'aujourd'hui elle est obligée de s'investir dans les problèmes sociaux. Dès lors, dans le domaine que vous avez évoqué, marier l'économique et le social est intéressant.
Pour ce qui nous concerne, en tout cas, nous sommes prêts à nous associer à votre réflexion sur ce problème majeur qu'est la luttre contre la malnutrition des enfants dans le milieu scolaire.

Avenir de la Fédération nationale
des foyers ruraux

M. le président. M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la fédération nationale des foyers ruraux et, plus particulièrement, sur une éventuelle diminution de la dotation annuelle dont elle bénéficie.
Une baisse de cette dotation entraînerait des arrêts d'activités et des suppressions d'emplois dans un secteur indispensable à l'activité locale et à la lutte contre la désertification rurale.
En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du ministère de l'agriculture quant à la dotation de la ligne « Animation rurale ». (N° 53.)
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le ministre de l'agriculture, j'ai la plus grande estime pour les foyers ruraux, estime justifiée par le rôle fondamental qu'ils jouent dans notre milieu rural. Ils sont des acteurs importants de la vie sociale et culturelle et des facteurs de développement local et de diversification des activités économiques, contribuant ainsi au maintien d'une qualité de vie dans nos communes à vocation agricole et rurale.
Dans le département de la Somme, département à la ruralité spécifique avec ses 783 communes, ils sont un élément moteur d'actions menées en partenariat avec les collectivités locales, avec les structures intercommunales de développement local et, au-delà même, dans le cadre d'échanges internationaux, notamment avec la Hongrie.
La fédération nationale, fondée, je le rappelle, voilà plus de cinquante ans sur l'initiative du ministre de l'agriculture, est tête de réseau de ce mouvement qui compte 3 500 associations avec quelque 3 000 salariés.
Elle aide au fonctionnement des soixante-seize fédérations départementales, met en oeuvre des programmes de formation des bénévoles et des professionnels, apporte ses appuis aux projets et assiste les structures de ses conseils juridiques et financiers.
Pour réaliser ses missions, la Fédération nationale des foyers ruraux, bénéficie d'aides, notamment du ministère de l'agriculture.
Or, votre ministère, monsieur le ministre, aurait annoncé récemment une diminution de la subvention annuelle de l'ordre de 14 %, avec une éventuelle suppression de postes FONJEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire.
Si de telles mesures devaient être prises, elles auraient des conséquences particulièrement néfastes pour l'animation rurale, avec, notamment, des arrêts d'activités et des suppressions d'emplois.
Face aux inquiétudes exprimées par les foyers ruraux je vous saurais gré, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser les intentions de votre ministère quant à la dotation de la ligne « animation rurale ».
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous le savez, monsieur le sénateur, mais je le rappelle pour la bonne compréhension des choses, de fortes contraintes ont frappé les crédits consacrés à l'animation rurale : ils sont en effet passés de 22,45 millions de francs, en 1996, à 17,07 millions de francs en loi de finances initiale de 1997 ; ils étaient même tombés à 14,5 millions de francs à la suite du gel de crédits qui est intervenu au début de l'année 1997. J'ai tenu à les rétablir au niveau de la loi de finances initiale de 1997.
Néanmoins, la subvention attribuée à la Fédération nationale des foyers ruraux dans le cadre de la convention pluriannuelle a pu être maintenue à 5 millions de francs, ce qui n'a pas été le cas pour les autres réseaux associatifs.
La fédération nationale des foyers ruraux bénéficie également des aides de l'Etat sous forme de quarante-trois postes FONJEP ainsi que sept postes et demi de fonctionnaires mis à disposition par la direction générale de l'enseignement et de la recherche de mon ministère.
L'ensemble de l'aide de mon ministère représente ainsi un montant de 9,2 millions de francs pour l'année 1997, ce qui place la fédération nationale au premier rang des bénéficiaires sur les crédits de l'animation rurale.
J'ai décidé d'accorder un complément de 100 000 francs à la fédération nationale au titre de l'exercice 1997, mais il ne m'a pas été possible d'aller au-delà dans le redéploiement des crédits.
J'ajoute que la fédération nationale peut d'ores et déjà bénéficier du plan emploi-jeunes pour renforcer son potentiel d'animation et d'innovation.
J'ai comme vous en mémoire la création par Tanguy Prigent, voilà maintenant plus de cinquante ans, de cette fédération dont l'implantation dans le milieu rural n'est plus à démontrer.
Hier, les treize réseaux associatifs, dont la Fédération nationale des foyers ruraux, qui ont signé des conventions-cadres avec mon ministère ont été reçus à mon cabinet afin de débattre de leur implication dans la mise en oeuvre du plan emploi-jeunes et afin de préparer les actions communes pour l'année 1998.
A cette occasion, j'ai réaffirmé le prix que j'attache au développement des associations en milieu rural et à la contribution qu'elles apportent, en liaison avec les établissements d'enseignement agricole, à la mission d'animation rurale que leur reconnaît la loi. Les foyers ruraux sont bien l'un de ces partenaires sur lesquels je compte pour l'avenir.
M. Fernand Demilly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Votre réponse me rassure en partie, monsieur le ministre. En effet, si les mesures annoncées devaient effectivement être prises, elles auraient pour conséquence l'arrêt des activités principales de la fédération nationale des foyers ruraux, avec, notamment, l'arrêt de l'appui au financement des postes de délégués régionaux.
Il serait particulièrement néfaste pour le milieu rural de voir démanteler la tête de réseau d'un mouvement d'éducation populaire dont le nombre d'adhérents augmente de 7 000 par an.
Je me permets donc de souhaiter, avec vous, monsieur le ministre, que le budget de l'Etat puisse effectivement prendre en compte ce soutien nécessaire à la tête de réseau de nos associations d'animation rurale et de développement local.

Retraites agricoles

M. le président. Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des retraites agricoles. Les retraites versées aux agriculteurs sont dramatiquement basses, calculées en fonction d'un système d'après-guerre aujourd'hui inadapté et pénalisant ceux qui ont nourri notre pays pendant plus de quarante années de leur vie. Il est désormais urgent d'apporter des solutions pour que les petits exploitants, les conjointes d'exploitants et les aides familiales puissent percevoir une retraite décente.
Elle lui demande que les plus petites retraites soient portées à hauteur de 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
Elle demande aussi qu'un effort soit fait pour les conjointes d'exploitants, souvent sans statut, et qui se retrouvent avec un minimum de retraite très largement en dessous du revenu minimum d'insertion. Elle suggère qu'il soit obligatoire de déclarer les épouses travaillant dans l'exploitation.
Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer le système de retraite actuel et suivant quel calendrier. (N° 74.)
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Ma question porte sur les retraites agricoles et s'adresse donc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Depuis des années, ce problème n'est toujours pas résolu. Certes, des progrès ont été accomplis. Je citerai, pour mémoire, le calcul des cotisations sur le revenu professionnel et non plus sur la base du revenu cadastral, depuis 1990, ou encore la possibilité de cumul pour les veufs, et surtout pour les veuves, entre droits propres et pension de réversion, avec passage de 50 % à 54 % du maximum de ce cumul, depuis 1996.
Cependant, la situation de nombre de retraités agricoles est souvent dramatique : 91 % des retraités non salariés touchent moins de 3 000 francs par mois ; le montant moyen constaté pour 1997, si cette année est celle de la liquidation de la retraite, est de 28 600 francs ; quant à la revalorisation, elle n'a été que de 1,5 % pour 1997.
De plus, les chiffres moyens cachent souvent des situations très différentes selon le cursus professionnel et selon le sexe. Les statuts, chacun le sait, varient au cours de la vie. Beaucoup d'exploitants ont été longtemps aides familiaux, avec des revenus et des cotisations retraite dérisoires. Il en est de même pour les femmes. Actuellement, 30 % des femmes retraitées touchent moins de 1 000 francs par mois et 36 % entre 1 000 francs et 2 000 francs. Plus de 60 % des femmes retraitées exploitantes agricoles touchent moins de 2 000 francs. Elles ont été longtemps non déclarées, ou sous-déclarées, par manque de moyens de l'exploitant, mais en raison aussi de son refus d'envisager l'avenir pour lui, et parfois encore moins, pour son épouse.
Les causes sont bien connues, elles tiennent en partie à ce qui a été longtemps le choix des agriculteurs. C'est sans doute ce que vous allez me dire, monsieur le ministre. Je sais que les agriculteurs ont refusé de participer au régime général à la fin de la guerre, je sais qu'ils ont peu cotisé et que le taux de retour de leurs retraites est un des plus faibles qui soient.
Il n'empêche qu'ils représentent actuellement la catégorie sociale dont les retraites sont de loin les plus faibles et qu'ils vivent souvent dans des conditions financières inacceptables, conditions que, d'ailleurs, ils n'acceptent plus : il n'y a qu'à voir la virulence et l'ampleur des manifestations de l'association des retraités exploitants agricoles, association très dynamique dans ma région, d'où elle est originaire.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que soient revalorisées de manière sensible les retraites agricoles, et notamment pour que les plus faibles d'entre elles, qui concernent nombre de femmes âgées, veuves, solitaires, atteignent un niveau décent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, j'ai entendu ouvrir le dossier des retraites agricoles dès mon arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche.
Particulièrement sensible, comme vous-même, à ce problème, j'ai établi, au cours de l'été, le bilan de la situation de toutes les catégories de retraités agricoles. Cela m'a mis en présence d'un certain nombre de constats, mais je m'exprimerai aujourd'hui sur les points particuliers que vous avez entendu soulever.
Les agriculteurs entrant dans le régime des retraites agricoles bénéficient ajourd'hui, et ce depuis 1990, des mêmes droits que les salariés du régime général. Je pourrais même dire, non pas par goût du paradoxe, mais parce que c'est aussi la réalité, que leur situation est relativement plus favorable que dans le régime général s'ils sont titulaires de faibles revenus, en comparant, entendons-nous, ce qu'ont été les niveaux de cotisation.
En revanche, ceux qui sont déjà dans le régime à cette date - c'est à ceux-là que vous faisiez allusion - perçoivent des revenus d'un montant particulièrement modeste.
J'ai souhaité que l'effort engagé par l'Etat, et sur lequel j'aurai l'occasion de revenir devant votre assemblée lors de l'examen du projet de loi de finances, soit d'abord porté sur les catégories les plus modestes de retraités, c'est-à-dire les anciens aides familiaux, les conjoints d'exploitants et les agriculteurs ayant accompli une carrière mixte afin de ne pas pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques années la conduite de l'exploitation au moment du départ en retraite de leur conjoint.
Dès 1998, une première mesure significative est prévue pour près de 300 000 retraités. Elle se traduit par une revalorisation de 5 100 francs par an de la pension pour les deux tiers des agriculteurs concernés, soit une majoration de 27 % pour ceux qui auront accompli une carrière complète ou quasi-exclusive en agriculture.
Il s'agit donc ici des catégories de retraités qui n'ont pas bénéficié des mesures de revalorisation décidées dans le passé et qui percevaient des pensions de retraite, je le dis, inacceptables.
Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie perçoit, pour la présente année, 18 650 francs et percevra, grâce au relèvement décidé, 23 750 francs.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs. En effet, une augmentation de 100 francs par mois accordée à tous les retraités agricoles a un coût immédiat de près de 2,5 milliards de francs.
Dans le projet de budget pour 1998, cette mesure se chiffre à 760 millions de francs, ce qui, compte tenu, des économies mécaniques sur le fonds de solidarité, correspondra à un coût net de 680 millions de francs.
Il s'agit là d'une première étape.
Pour l'avenir, lorsque les conjointes travaillent sur l'exploitation, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir d'être co-exploitantes ou associées de société. Ces deux statuts reconnaissent pleinement leur activité et leur permettent de bénéficier, notamment en assurance vieillesse, des mêmes droits que le chef d'exploitation.
Quant aux conjointes qui n'exercent pas d'autre activité professionnelle extérieure et n'ont pas opté pour l'un de ces statuts, elles bénéficient d'une présomption de participation aux travaux de l'exploitation qui leur ouvre droit à une retraite forfaitaire.
Le problème ne se pose donc pas en termes d'obligation de déclaration de ces épouses, puisque cela est déjà réalisé, mais en termes d'amélioration de leur statut de manière que celui-ci - sans leur donner une qualité de chef d'exploitation qu'elles ne souhaitent pas - réponde mieux à leurs aspirations légitimes.
Des réflexions sont actuellement menées sur les avancées possibles à ce sujet, et j'aurai, je n'en doute pas, à en rendre compte devant votre assemblée. A l'occasion du débat sur le projet de loi de finances initial pour 1998, je reviendrai sur l'ensemble du dispositif.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions et de ces bonnes nouvelles qui, c'est sûr, vont améliorer la situation.
En relevant la différence de traitement entre retraités actuels et futurs retraités, vous mettez le doigt sur un problème crucial qui concerne de très nombreuses personnes âgées de plus de soixante ou soixante cinq ans ; à travers les réponses qui leur ont été apportées jusqu'à présent, elles ont eu l'impression qu'on attendait leur mort pour traiter le problème ! J'ai personnellement rencontré beaucoup de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans qui m'ont ainsi traduit leur désespoir.
Vous le savez, leur revendication affirmée est toujours d'obtenir à peu près 75 % du SMIC. J'ai pris bonne note de la mesure que vous annoncez et du fait que ce n'est que le début d'un processus qu'il faut poursuivre. Je suis également très sensible à votre propos quant à la nécessité de continuer à améliorer le statut des femmes !

MESURES AGRI-ENVIRONNEMENTALES
EN CHARENTE-MARITIME

M. le président. M. Michel Doublet indique à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche que les mesures agri-environnementales ont permis à la Charente-Maritime d'entretenir et de gérer plusieurs milliers d'hectares de marais, et ce grâce aux contrats signés avec les exploitants agricoles et conchylicoles. Le renouvellement de certaines de ces opérations semble aujourd'hui compromis au motif que l'enveloppe nationale des crédits serait réservée à des opérations bénéficiant d'une participation financière des collectivités territoriales.
En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour assurer la pérennité des opérations groupées d'aménagement foncier OGAF-environnement dans le département de la Charente-Maritime et maintenir la qualité de l'environnement des marais concernés. (N° 84.)
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche et concerne les mesures agri-environnementales.
Les marais littoraux et de fonds de vallées couvrent près de 100 000 hectares du territoire de la Charente-Maritime, soit plus du cinquième de la surface agricole utile de ce département. La richesse écologique de ces milieux artificiels repose sur un travail d'aménagement et d'entretien d'ouvrages hydrauliques fragiles et complexes. Il importe donc, avant tout, de maintenir sur ce territoire une population agricole et conchylicole active, seule capable d'en garantir la pérennité en l'exploitant et en l'entretenant.
C'est la raison pour laquelle, en 1990, le ministère de l'agriculture a initié, à titre expérimental, une OGAF-environnement couvrant 300 hectares. Dès 1991, 2,5 millions de francs étaient attribués pour une durée de cinq ans à des exploitants souscrivant avec l'Etat des contrats de bonne gestion écologique des marais concernés.
Cette première opération ayant connu un succès indéniable avec 3 000 hectares protégés uniquement par voie consensuelle a été étendue à la quasi-totalité des marais du département.
En juillet 1997, six opérations locales agri-environnementales étaient en vigueur ; 15 800 hectares font ainsi l'objet de contrats allant de 300 francs à 1 100 francs par hectare et par an, valables pour cinq ans. Le montant total des primes annuelles s'élève à plus de 20 millions de francs et plusieurs milliers d'exploitants ont signé des contrats.
Or, si la reconduction de l'OGAF Rochefort-Nord n'a pas posé de problèmes, il en va tout autrement des opérations concernant Marennes, dont le contrat expirait le 1er octobre 1997, et Tonnay-Charente, dont le contrat expirera en mai 1998, écartées de l'enveloppe nationale des crédits, ces derniers étant réservés, semble-t-il, à quelques opérations prioritaires bénéficiant d'une participation financière des collectivités territoriales.
L'assemblée départementale de Charente-Maritime, présidée par notre collègue Claude Belot, n'entend pas prendre en charge des primes destinées à compenser le manque à gagner résultant de mesures de protection qui ne sont nullement de son fait.
En conséquence, monsieur le ministre, quels financements comptez-vous affecter au renouvellement des OGAF-environnement venant prochainement à expiration dans les marais de Charente-Maritime, et quelles sont les mesures que le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour maintenir la qualité de l'environnement des marais concernés, sans remettre en cause les fondements du droit de propriété et d'occupation des sols, au cas où l'insuffisance de ces crédits interdirait toute reconduction de cette politique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez brièvement rappelé l'historique de ces mesures agri-environnementales en Charente-Maritime.
En ouvrant ce dossier, lors de mon arrivée au ministère, j'ai découvert que les deux exercices budgétaires 1996 et 1997 n'avaient comporté aucune mesure nouvelle en faveur de l'agri-environnement. Le développement du programme français engagé en 1991 - que vous évoquez - avait alors été suspendu.
Le projet de budget pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale et que je vous présenterai début décembre, permet une reprise très attendue de ce programme. Les montants prévus autoriseront, outre le renouvellement de la prime à l'herbe, de démarrer un programme de développement de l'agriculture biologique par des aides à la conversion, et de tenter ainsi de commencer à rattraper le retard que nous avons accumulé dans notre pays sur ce plan.
Les montants prévus permettront également d'assurer le renouvellement d'opérations quinquennales arrivant à échéance, en particulier dans les zones humides d'intérêt écologique majeur, telles que les grands marais de l'Ouest, notamment en Charente-Maritime.
Enfin, ils permettront de donner une dimension significative aux quelques opérations locales initiées en 1996 et en 1997 avec des budgets de redéploiement assez faibles.
Le projet de budget pour 1998 marque ainsi le souci d'avoir une meilleure gestion territoriale avec l'appui des partenaires locaux.
En conclusion, il me semble que, si l'année 1997 se termine avec la possibilité de poursuivre, à partir de financements nationaux, les opérations renouvelées en premier dans le cadre de plans quinquennaux, il sera cependant nécessaire, dès le début de 1998, de trouver de nouveaux partenariats locaux pour permettre d'assurer l'avenir des zones humides qui sont certainement - c'est ma conviction - un atout de votre région autour de projets nouveaux.
L'expérience de départements voisins du vôtre, tels que les Deux-Sèvres et la Vendée, semble être un bon exemple de ce type d'organisation. Le ministère de l'agriculture est disposé à poursuivre les discussions en vue de l'élaboration de partenariats locaux. Je ne désespère pas de trouver à ce sujet un soutien auprès de votre assemblée départementale et de la région.
M. Michel Doublet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, je suis très inquiet quant à l'avenir de ces marais, en tant que président d'un syndicat mixte qui regroupe 100 000 hectares.
La semaine prochaine, j'organise d'ailleurs une réunion dans mon département avec les sous-préfets pour essayer de trouver les financements qui pourraient faite défaut. L'avenir peut être assuré si chacun y met un peu de bonne volonté.

ALLOCATION DE LOGEMENT TEMPORAIRE

M. le président. Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat au logement sur la possibilité d'étendre le bénéfice de l'allocation de logement temporaire.
Cette allocation, mise en place par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social, est destinée à soutenir les associations à but non lucratif dont la mission est d'accueillir des personnes défavorisées.
Financée par le Fonds national d'aide au logement, elle donne lieu à un conventionnement avec les caisses d'allocations familiales.
Les centres communaux d'action sociale étant de plus en plus impliqués dans la mise en place et la gestion de structures d'accueil pour des publics en difficulté, elle souhaiterait connaître sa position sur l'extension rapide de cette mesure aux CCAS, comme cela avait été envisagé dans le projet de loi de cohésion sociale. (N° 77.)
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi du 31 décembre 1991 a institué une aide aux associations qui logent, à titre temporaire, des personnes défavorisées. Ce texte s'inscrit dans la dynamique de la loi de mai 1990 relative au droit à un logement adapté, décent et autonome pour chacun. Elle fait appel à la mobilisation de l'ensemble des partenaires tant institutionnels qu'associatifs.
De 1990 à 1997, le logement s'impose et de façon de plus en plus prépondérante comme un élément essentiel de l'insertion de nos concitoyens dans notre société. L'absence de logements est le plus souvent synonyme de grande vulnérabilité et d'exclusion totale.
Votre action déterminée, monsieur le secrétaire d'Etat, vise aujourd'hui, tout comme en 1990, à lever des obstacles qui privent de ce droit fondamental qu'est celui de posséder un logement des personnes en difficulté : vous intervenez à la fois sur le parc, sur les aides. Vous sollicitez les partenaires, ceux du terrain plus particulièrement. Vous leur demandez d'agir de façon complémentaire et coordonnée afin que l'accès au logement puisse signifier parcours d'insertion et prise d'autonomie pour les bénéficiaires.
Il faut ici saluer le travail remarquable des associations : non seulement elles « abritent » et logent, mais elles assurent un accompagnement social des personnes accueillies ; elles les orientent vers les services sociaux compétents pour l'attribution d'un certain nombre d'aides.
Toutefois, dans le domaine de l'insertion en général, et de l'insertion par le logement en particulier, l'efficacité et la cohérence imposent l'intervention d'un maître d'oeuvre sur le terrain.
Les municipalités confient le plus souvent ce rôle aux CCAS. Leurs réflexions approfondies sur l'évolution de leurs missions les orientent aujourd'hui tout à fait en ce sens.
A ce titre, ils interviennent fréquemment comme gestionnaires de dispositifs dans les parcours d'insertion, soit en vertu d'une décision politique dans un souci d'efficacité, soit en raison d'un certain « sous-dimensionnement » du secteur associatif.
En l'état actuel des textes législatifs et réglementaires, pourtant marqués par une certaine souplesse, les CCAS ne peuvent percevoir l'allocation de logement temporaire.
Les travaux sur le projet de loi relatif à la cohésion sociale avaient suscité un débat sur cette question, qui avait finalement été tranchée par la négative.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où les municipalités s'apprêtent à confier la gestion de l'accueil d'urgence de personnes privées d'un domicile durant la période hivernale à leur CCAS, ne devriez-vous pas, ne pourriez-vous pas envisager la possibilité d'étendre le bénéfice de l'allocation de logement temporaire aux centres communaux d'action sociale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame le sénateur, comme vous venez de l'indiquer, l'allocation de logement temporaire, l'ALT, a été mise en place par la loi du 31 décembre 1991, afin d'apporter une aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, bien souvent des jeunes.
Son financement est assuré par le Fonds national d'aide au logement, le FNAL, qui bénéficie à cet effet, pour moitié, de crédits inscrits au budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement et, pour moitié, d'une contribution des régimes de prestations familiales.
Le montant de ces aides, qui n'a pas été réactualisé depuis le 1er janvier 1995, le sera au 1er janvier 1998, en application d'un arrêté signé le 10 septembre 1997. Ce montant sera donc revalorisé, comme celui des aides au logement elles-mêmes, qu'il s'agisse de l'aide personnalisée au logement, l'APL, de l'allocation de logement familiale, l'ALF, ou de l'allocation de logement à caractère social, l'ALS.
Lorsque cette allocation de logement temporaire a été instituée, la loi en a toutefois limité le bénéfice, vous l'avez rappelé, aux seules associations à but non lucratif dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées.
De ce fait, les structures de logement temporaire réalisées par les centres communaux d'action sociale, les CCAS, qui sont des établissements publics communaux, ne peuvent bénéficier de cette aide. Cette limitation, alors que la loi du 21 juillet 1994 relative à la diversité de l'habitat leur a ouvert le droit de louer des logements HLM ou des logements conventionnés en vue de leur sous-location à des personnes en difficulté, marque évidemment une contradiction avec la volonté de l'Etat de favoriser les initiatives communales destinées à répondre aux situations d'urgence.
Dans de nombreux cas, pour contourner cette limitation, cette situation a conduit à la constitution d'associations idoines seulement afin de remplir les conditions d'accès à l'ALT.
L'ouverture de l'ALT aux centres communaux d'action sociale ne pourrait que rendre plus transparente la gestion de ces structures et affirmer clairement la volonté de l'Etat d'encourager les initiatives communales en ce domaine.
Cette mesure de bon sens sera inscrite, comme vous le souhaitez, madame le sénateur, dans le projet de loi contre les exclusions qui sera déposé au Parlement dans les premiers mois de l'année 1998.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le secrétaire d'Etat, je me réjouis que vous ayez décidé de faire bénéficier les CCAS de l'allocation de logement temporaire dans la loi sur la lutte contre les exclusions.
Le précédent projet de loi sur la cohésion sociale, qui n'est pas arrivé à son terme, méconnaissait trop le rôle de ces centres en faveur des personnes en grandes difficultés. Je note donc avec satisfaction ce changement d'attitude de la part du Gouvernement.

TAUX DE TVA APPLICABLES À LA RESTAURATION

M. le président. M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les incidences de la disparité des taux de TVA applicables au secteur de la restauration. (N° 52).
La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à appeler votre attention sur la disparité des taux de TVA applicables aux professions de la restauration et sur les incidences d'un telle situation, qui a d'ailleurs déjà été évoquée ce matin par mon collègue M. Daniel Goulet.
Je me permets cependant d'insister sur ce problème complexe car il n'a pas reçu de solution satisfaisante pour le moment.
Les hôtels-restaurants supportent un taux de TVA de 20,6 %, alors que les ventes à emporter, c'est-à-dire la restauration dite « rapide », sont assujetties, elles, à un taux réduit de 5,5 %.
Cette inégalité de traitement défavorise un secteur déjà fragilisé, celui de l'industrie hôtelière, où les entreprises ont vu leur chiffre d'affaires diminuer de 25 % en cinq ans, selon les données de l'INSEE.
Le Gouvernement, puisqu'il a été déclaré que l'emploi était sa priorité, ne devrait-il pas, dans ces conditions, envisager l'application du taux réduit de TVA ? Ce serait d'autant plus envisageable que le Parlement européen s'est lui-même prononcé en faveur d'un tel taux pour toutes les activités de restauration ?
Il semble en effet évident que le maintien d'un différentiel de quinze points entre différents types de restauration, surtout dans une période où un nombre de plus en plus important de nos concitoyens connaissent des difficultés économiques, confère une attractivité à l'activité qui est la moins taxée et donc la moins onéreuse pour eux.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que j'ai interrogé à ce propos voilà plusieurs semaines a donné récemment quelques éléments de réponse à l'un de mes collègues, et Mme le secrétaire d'Etat au tourisme les a confirmés ce matin.
M. Strauss-Kahn a tout d'abord indiqué qu'« il n'y a pas d'exception française en ce domaine », dans la mesure où d'autres Etats membres de l'Union européenne « appliquent aux opérations de vente à consommer sur place des taux de TVA compris entre 15 % et 25 %. »
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, mais, sur les quinze Etats membres de l'Union, huit, notamment les principaux concurrents de la France sur le marché touristique, appliquent un taux réduit à la restauration : Espagne, 7 % ; Grèce, 8 % ; Italie, 10 % ; Portugal, 12 %.
Parmi les sept autres, la Grande-Bretagne et l'Allemagne pratiquent des taux inférieurs au taux français, soit respectivement 17,5 % et 15 %.
Par ailleurs, alléguer la directive du 19 octobre 1992 et prétendre que « seuls les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliqueraient à la restauration un taux réduit ont été autorisés à le maintenir à titre transitoire », c'est faire l'impasse sur l'existence de précédents qui n'ont pas donné lieu à plainte de la Commission.
En effet, la Grèce et l'Espagne ont étendu, postérieurement au 1er janvier 1991, le bénéfice du taux réduit à toutes les formes de restauration. Le cas du Portugal est encore plus révélateur : la restauration est passée d'un taux réduit de 8 % en 1991 à un taux normal de 17 %, pour revenir, en juillet 1996, à un nouveau taux réduit de 12 %.
Dans ces conditions, on voit mal pourquoi une initiative de la France en faveur d'un taux réduit applicable à toutes les formes de restauration pourrait être critiquable, d'autant moins, d'ailleurs, que, dans le cadre du régime transitoire de TVA européenne actuellement en vigueur, elle peut faire valoir qu'au 1er janvier 1991 elle appliquait un taux réduit à une large majorité de prestations de restauration, qu'il s'agisse de la fourniture de repas aux cantines de collectivités, de la restauration à emporter et livrée à domicile et de la restauration sur place dans les surfaces inférieures à 10 mètres carrés, soit de 56 % du total des prestations.
Dans ces conditions, il semble que rien ne s'oppose valablement à une baisse du taux de la TVA de la restauration dite « sur place ». Une telle disposition pourrait avoir un effet bénéfique non seulement sur la santé des entreprises concernées et, par répercussion, sur l'emploi, mais aussi, au bout du compte, sur les recettes fiscales de l'Etat.
Compte tenu de ces considérations, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il, comme l'ont fait d'autres Etats membres de l'Union, placer toute la restauration française sous le régime dérogatoire prévu par l'article 28-2 de la 6e directive européenne et lui appliquer un taux réduit de TVA ?
M. Emmanuel Hamel. Ce serait une bonne disposition !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous avez exposé avec une grande précision la question, très complexe, de la différence des taux de TVA appliqués, d'une part, à la restauration, d'autre part, à certaines ventes à emporter.

Vous savez que ce sujet a fait l'objet de discussions très nombreuses dans un passé récent, et je voudrais vous apporter une réponse aussi précise que possible.
Pour résorber la disparité que vous avez soulignée, deux voies sont possibles. La première est celle que vous recommandez, qui consisterait à abaisser le taux normal de 20,6 % de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la restauration pour l'aligner sur celui qui est applicable aux ventes à emporter, c'est-à-dire 5,5 %.
Mais cette solution n'est pas possible.
En effet, la directive européenne du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de taxe sur la valeur ajoutée prévoit que les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à la restauration, doivent continuer de l'appliquer. En principe, seuls les Etats membres qui, à cette date, soumettaient la restauration au taux réduit, ont été autorisés à maintenir ce taux réduit à titre transitoire.
Sur le plan communautaire, malgré les exceptions que vous avez citées, cette voie est très difficile, pour ne pas dire sans issue. Cela dit, vous avez apporté des arguments que le Gouvernement va examiner avec soin.
J'ajoute un élément qui me paraît important en tant que secrétaire d'Etat au budget, c'est le coût budgétaire de la mesure que vous proposez, qui serait de l'ordre de 20 milliards de francs.
Ce coût serait très difficilement compatible avec les contraintes en matière de finances publiques.
La seconde voie permettant de résorber ces disparités consisterait, à l'inverse, à porter le taux applicable aux ventes à emporter de 5,5 %, taux actuel, à 20,6 %.
Cette voie est compatible avec le droit européen. Mais elle pose deux problèmes très sérieux.
Tout d'abord, le taux de 5,5 % concerne une grande variété de situations. Ce taux vise en effet les ventes de produits alimentaires ou de plats préparés effectués par les traiteurs, les fast-foods , les sandwicheries, etc., et il serait très difficile, mais ce n'est pas ce que vous avez suggéré, de limiter cette mesure aux seules ventes faites par les fast-foods.
M. Emmanuel Hamel. La restauration rapide !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ensuite, cette mesure, qui se traduirait inévitablement par une augmentation des prix, pénaliserait une clientèle qui est plutôt constituée de jeunes et de personnes de condition modeste.
Il est clair que le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie.
Il convient par ailleurs de souligner, pour prolonger le débat que vous avez ouvert, que la restauration et la vente à emporter sont deux opérations différentes. Il n'est donc pas anormal que ces deux formes de vente soient soumises à des taux de taxe sur la valeur ajoutée différents.
En fait, la vraie difficulté est que certains établissements qui bénéficient du taux réduit pour des ventes de plats à emporter pourraient profiter de l'existence de deux taux pour appliquer le taux réduit à des plats qui seraient consommés sur place.
La véritable difficulté, c'est la distorsion de concurrence qui pourrait exister au détriment des restaurateurs. Le Gouvernement partage entièrement votre sentiment : une telle distorsion serait inacceptable.
J'ai donc demandé à mes services de veiller à ce que le taux réduit soit exclusivement appliqué aux opérations de vente à emporter, tout particulièrement dans les établissements qui procèdent à la fois à des ventes à emporter et à des ventes à consommer sur place. Des contrôles seront effectués et, si des abus sont constatés, ils seront punis.
Le Gouvernement est très attentif à la situation de la restauration française sur laquelle vous avez attiré son attention et il veillera à ce que ce secteur bénéficie de conditions équitables dans l'exercice de son activité.
M. Gérard Fayolle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fayolle.
M. Gérard Fayolle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la clarté et de la précision de votre réponse. Malheureusement, elle n'apporte pas une solution globale à un problème que nous savons complexe. Je relève cependant une esquisse de règlement : on peut en effet gagner en précision sur la définition des activités.
C'est important, parce que les professionnels ne comprennent pas, surtout dans un département de tourisme « vert » comme la Dordogne, cette différence de traitement entre deux activités qui sont tout à fait semblables, l'une étant gravement pénalisée, celle du terroir, et l'autre étant beaucoup moins pénalisée, celle qui porte un nom américain !

CRÉATION D'UN SITE DE STOCKAGE
D'ANCIENNES MUNITIONS

M. le président. M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'émotion créée dans le Cambrésis par l'annonce, le 16 septembre dernier, de son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions de guerre sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambrai-Niergnies.
Il ne s'agit pas d'une contestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte des anciennes munitions de guerre. L'Etat est dans son rôle en réorganisant celle-ci.
Mais l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un ensemble foncier de près de 200 hectares que l'armée de l'air avait entrepris de revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce. Un projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles était en cours d'élaboration. L'installation d'un dépôt de vieilles munitions, même limité à cinq tonnes, stérilisera trente hectares et dissuadera les investisseurs éventuels de s'installer à proximité. Et c'est donc toute la zone, essentielle pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée.
Il demande donc à M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut comprendre l'émoi des collectivités locales et de la population, de renoncer en ce lieu à une implantation inacceptable et de faire rechercher ailleurs, dans l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain militaire ou sur une friche industrielle spécialisée dans les installations classées, l'installation de ce dépôt d'anciennes munitions. (N° 48.)
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, qui a annoncé, le 16 septembre dernier, son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions de guerre sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambrai-Niergnies.
Cette annonce a soulevé une vive émotion dans le Cambrésis.
Il ne s'agit pas d'une constestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte d'anciennes munitions de guerre, l'Etat est évidemment tout à fait dans son rôle en réorganisant celle-ci. Mais l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un ensemble foncier de près de 200 hectares, que l'armée de l'air avait entrepris de revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce.
Un projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles était en cours d'élaboration ; or l'installation d'un dépôt de vieilles munitions, même limité à 5 tonnes, obligera à stériliser 30 hectares et dissuadera bien sûr les investisseurs éventuels de s'installer à proximité. C'est donc une zone, essentielle pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée.
Voilà pourquoi je souhaite que M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut donc nous comprendre, perçoive bien l'émoi des collectivités locales et de la population, et renonce à l'implantation, inacceptable en ce lieu, d'un dépôt de vieilles munitions. Il convient de faire rechercher ailleurs, dans l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain militaire ou sur une friche industrielle spécialisée - il n'en manque pas dans la région Nord - Pas-de-Calais - le site d'implantation de ce dépôt, qui constitue une installation classée et qui pourrait effectivement trouver sa place ailleurs sans léser aussi lourdement le Cambrésis.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur Legendre, vous me permettrez de répondre, à la place de mon collègue M. le ministre de l'intérieur, qui n'est plus maire, ...
M. Jacques Legendre. Ah !
M. Emmanuel Hamel. On l'avait remarqué !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... à la question que vous avez posée et, en particulier, aux réserves que vous avez émises quant au projet d'implantation à Cambrai-Niergnies d'un site de stockage dit « tampon » de munitions anciennes collectées dans votre secteur.
Lors d'une réunion qui s'est tenue le 26 septembre dernier à la sous-préfecture de Cambrai et à laquelle vous participiez monsieur Legendre, M. le préfet Monchovet a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre, dans votre région, un plan de traitement des munitions récupérées pour que la sécurité de nos concitoyens soit enfin assurée.
C'est dans ce cadre que le site de l'aérodrome de Cambrai-Niergnies, dont l'aliénation a été décidée par le ministère de la défense, a été envisagé pour l'implantation de ce dépôt sur une emprise suffisante pour répondre aux normes en matière de sécurité.
Dans la mesure où la cession de cette emprise, et ce à titre gratuit sur instruction expresse du cabinet du précédent Premier ministre, n'a pas encore été formalisée, la domanialité n'a pas été transférée au ministère de l'intérieur. Cela explique que la procédure de concertation et d'information prévue pour ce type d'installation, notamment la procédure d'enquête publique, n'ait pas été jusqu'alors engagée.
De la mise en oeuvre de cette solution, retenue - je le rappelle - à défaut de disposer d'un autre site, dépend la collecte, le stockage, puis la destruction des munitions anciennes récoltées dans votre région.
Aussi faudrait-il disposer rapidement d'un site de substitution pour renoncer à l'étude de ce projet. Vos propositions éventuelles, comme celles de tous les élus concernés, seraient les bienvenues, dans la mesure où, à ce jour, aucun autre site n'a pu être trouvé pour accueillir ce stockage tampon.
Le Gouvernement compte donc sur vous, monsieur le sénateur, et sur les élus concernés pour faire avancer cette opération, dont la réalisation, vous l'avez admis vous-même, est indispensable pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprendrez qu'elle ne puisse pas entièrement me satisfaire.
Le fait de me dire que le Gouvernement compte sur moi et sur les élus concernés de l'arrondissement de Cambrai pour trouver la solution est un transfert de responsabilités assez surprenant !
Il s'agit d'implanter une installation de stockage tampon pour les munitions qui ont été trouvées dans la région Nord - Pas-de-Calais tout entière et qui, jusqu'ici, étaient stockées dans le Pas-de-Calais à Vimy.
Nous comprenons très bien, je le répète, que le Gouvernement se préoccupe de rationaliser cette collecte avant de conduire ces munitions sur leur site de destruction définitif. Mais nous ne pouvons pas accepter, sous le prétexte qu'il existait un terrain militaire désaffecté disponible dans cet arrondissement, que cet arrondissement et ses élus soient en quelque sorte pris en otages et considérés comme seuls capables d'apporter la solution.
Nous souhaitons, nous l'avons indiqué, que toutes les pistes soient examinées dans tous les arrondissements concernés - pas seulement dans le nôtre - et avec tous les élus intéressés.
En outre, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous compreniez bien, que l'administration comprenne bien, le sentiment d'injustice qui est profondément ressenti par la population de toute l'agglomération.
Par trois fois, cette population a fait preuve du plus grand civisme.
En 1914-1918, sur le lieu dont nous parlons, c'est le front qui passait. Nous avons donc subi les dommages que l'on peut imaginer.
En 1940-1944, cet aérodrome militaire a attiré sur l'agglomération de très nombreux bombardements. Vous comprenez, là encore, combien ce souvenir nous est douloureux.
Après la guerre, nous avons accepté que le terrain reste dans le domaine militaire, qu'un autre aérodrome militaire soit construit à proximité. Des centaines d'hectares de bonnes terres agricoles ont ainsi été concédés à l'armée pour des besoins de défense nationale que nous comprenons.
Mais aujourd'hui, alors qu'il n'y a plus de nécessité militaire et que nous pourrions donc récupérer ces terres, alors que notre agglomération, qui déplore 18 % de chômeurs, se bat pour trouver des implantations industrielles susceptibles de remédier à cette situation, alors que l'emploi est la première préoccupation du Gouvernement, préoccupation que nous partageons, nous ne pouvons pas admettre que soit gâchée, je ne trouve pas de terme plus juste, cette chance que représente pour nous ce terrain, tout cela pour y stocker quelques tonnes d'anciennes munitions de guerre datant de 1914-1918 !
Le bon sens, c'est de rechercher ailleurs cette implantation ; le bon sens, c'est que le ministère renonce à Cambrai-Niergnies pour un autre site, soit dans le Cambrésis, soit en dehors.
Notre bonne volonté et notre concours sont entiers. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas les seuls. L'implantation d'un tel site de stockage à Cambrai-Niergnies est déraisonnable et inacceptable !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !

Prise en compte des résidents helvétiques
en France
pour le calcul de la dotation globale
de fonctionnement

M. le président. M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'installation des citoyens helvétiques dans les communes frontalières.
Si ceux-ci ont la possibilité d'acquérir une résidence en France, elle ne peut être occupée qu'à titre secondaire. Or la plupart de ces résidents les occupent à titre principal. Ces citoyens helvétiques, bien que représentant des consommateurs potentiels qui paient leurs impôts locaux, ne sont pas totalement comptabilisés dans le recensement de la population pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes. Une résidence secondaire ne compte que pour un habitant, quel que soit le nombre d'occupants. Ces résidents ne donnent pas lieu non plus à la perception, au bénéfice de la commune, de la part du Fonds de rétrocession genevois.
Cet état de fait pourrait conduire, à terme, à un sérieux déséquilibre financier pour les communes, qui doivent malgré tout construire des équipements publics en rapport avec leur population réelle.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qui seront mises en oeuvre pour que les communes frontalières bénéficient d'une DGF et du Fonds de rétrocession genevois en rapport avec un décompte total d'habitants résidant dans ces communes. (N° 8.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les résidents helvétiques en France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, de nombreux élus du genevois Haut-Savoyard à la tête de communes frontalières me font part de leurs inquiétudes concernant un phénomène qui a tendance à s'amplifier.
Les citoyens helvétiques, s'ils ont parfaitement le droit d'acquérir une résidence en France - ce qui, je le souligne, n'est pas réciproque - ne peuvent néanmoins légalement le faire qu'à titre de résidence secondaire. Or la plupart de ces résidences sont, en réalité, occupées par des familles à titre principal.
Un change favorable et un pouvoir d'achat supérieur en France sont autant de raisons qui incitent de nombreux citoyens helvétiques à habiter de manière permanente leurs résidences dites secondaires.
Les communes frontalières souffrent également d'une importante spéculation, qui augmente considérablement la pression foncière et qui rend, par conséquent, difficile l'accession à la propriété pour nos propres concitoyens.
Si la présence même de citoyens helvétiques sur ce territoire frontalier n'est pas tellement, en elle-même, un problème majeur, nos élus déplorent néanmoins le fait qu'elle ne soit pas entièrement prise en compte pour la perception de certaines recettes destinées à couvrir les charges induites au niveau communal, voire départemental.
En effet, ces citoyens helvétiques, bien qu'ils représentent des consommateurs potentiels qui paient leurs impôts locaux, ne sont néanmoins pas totalement comptabilisés dans le recensement de la population communale et, de ce fait, ils ne sont pas pris en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement versée à chaque commune, une résidence secondaire ne comptant, pour l'INSEE, que pour un habitant.
En outre, ils ne donnent pas lieu non plus, malgré leur situation de fait de « frontaliers », à la perception de la part du fonds de rétrocession genevois revenant à chaque commune au prorata de sa population frontalière.
Enfin, étant immatriculés en Suisse, ils ne s'acquittent pas de la vignette automobile française, dont le produit revient au conseil général.
Nos élus craignent réellement que cette situation de fait ne conduise inévitablement, à plus ou moins long terme, à un sérieux déséquilibre financier et civique, puisque la population réelle, en constante augmentation, n'est pas prise en compte au titre de la population recensée.
L'Etat entend-il donner aux communes frontalières les moyens de financer les équipements publics qui sont à leur charge, en tenant compte de la population réelle ?
Qu'envisage-t-il pour la perception de la part du fonds de rétrocession genevois concernant ces habitants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, m'a demandé de répondre à votre question, monsieur le sénateur.
Je commencerai, comme vous l'avez d'ailleurs fait, par rappeler quel est l'état du droit en la matière.
La population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, est la population totale qui résulte des recensements, généraux ou complémentaires, majorée d'un habitant par résidence secondaire, ces données étant recensées par les services de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE.
Les citoyens étrangers, quant à eux, sont recensés comme résidant à titre principal en France s'ils déclarent y occuper leur résidence principale.
A l'inverse, ils sont recensés comme occupant une résidence secondaire s'ils mentionnent que leur résidence principale n'est pas située sur le territoire français. Seuls les personnels d'ambassade dérogent à ces dispositions en raison du principe d'extraterritorialité.
Un Etat peut toutefois n'autoriser ces citoyens à déclarer leur résidence principale à l'étranger que s'ils l'occupent plus d'un certain nombre de mois dans l'année. Tel est le cas des citoyens français, qui ne peuvent déclarer avoir leur résidence principale à l'étranger que s'ils y résident plus de six mois au cours d'une année.
Dans le cas présent, l'opposition soulevée ne peut donc trouver son origine que dans la législation helvétique. Dans la mesure où un citoyen suisse peut déclarer avoir sa résidence principale en France, cette dernière sera recensée comme telle par l'INSEE et prise en compte également à ce titre pour la calcul de la DGF.
Les communes frontalières bénéficient donc d'une DGF calculée selon les règles identiques à celles qui sont mises en oeuvre dans les autres communes, et leur dotation tient compte des charges occasionnées par les résidents à titre principal comme par les résidents à titre secondaire.
Par ailleurs, les communes concernées des départements de la Haute-Savoie et de l'Ain, peuvent, vous l'avez évoqué, bénéficier du Fonds de rétrocession genevois, qui a été institué pour compenser les charges résultant d'un surplus de population en raison des travailleurs frontaliers et qui est affecté au subventionnement d'investissements à caractère collectif.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Vous avez pris soin d'étudier la situation sur le terrain.
S'agissant du département de la Haute-Savoie et du pays de Gex plus particulièrement, il existe effectivement le fonds de rétrocession genevois. Cela m'amène à vous faire une suggestion.
Il serait nécessaire, que le ministère des affaires étrangères examine précisément la méthode de calcul de ce fonds et engage une négociation pour tenter d'atténuer cette injustice qui frappe certes l'ensemble des résidences secondaires ; peu importe que les citoyens soient helvétiques, français ou étrangers.
La suggestion que je vous fais mérite d'autant plus d'attention que les communes frontalières rencontrent des difficultés financières.
Il faut ajouter à cela le taux de chômage très élevé qui est enregistré dans ces communes frontalières, pourtant considérées, à une époque, comme un eldorado où l'on venait s'installer en espérant obtenir par la suite un permis de travail en Suisse, et bénéficier ainsi du change favorable.
Le bénéficiaire direct de ce fonds de rétrocession genevois est le conseil général de la Haute-Savoie. Il est vivement souhaitable que le ministre des affaires étrangères examine avec le plus grand soin ce problème.

Actions
en faveur de l'insertion professionnelle

M. le président. M. Georges Mouly demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité si ne pourraient être envisagés le rétablissement du financement des formations de préparation au CAFAD - certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile - et le maintien d'un niveau de revenu au moins équivalent à ce que perçoit le bénéficiaire du revenu minimum d'insertion - RMI - avant l'établissement d'un contrat de travail, deux mesures qui lui paraissent susceptibles de promouvoir l'action d'insertion professionnelle.
En effet, dans le cadre d'une politique initiée à l'échelon intercantonal pour le maintien à domicile des personnes âgées, force est de constater que, depuis quelque temps, pour l'une et/ou l'autre de ces raisons, les bénéficiaires du RMI ne sont pas toujours encouragés à poursuivre, voire à entamer une action d'insertion professionnelle. (N° 85.)
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question se situe dans le cadre de la politique de maintien à domicile des personnes âgées, dont, voilà quelques instants, Mme Aubry a parlé en commission des affaires sociales, et a trait plus précisément à la formation du personnel, problème sur lequel Mme Aubry a également insisté.
Permettez-moi de vous livrer, de ce point de vue, le fruit d'une expérience vécue.
Il s'agit de quatre instances de coordination gérontologique cantonales du pays de Tulle, en Corrèze, qui ont fondé une association régie par la loi de 1901, dont l'objet est de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées.
A été mis en place, entre autres, un service qui permet aux personnes âgées à revenus modestes de bénéficier de l'intervention d'une garde, afin de ne pas compromettre, alors qu'elles sont en situation de dépendance, soit définitivement, soit provisoirement, leur maintien à domicile.
Le personnel est recruté sous contrats aidés - contrats emplois-solidarité, contrats emplois consolidés - essentiellement parmi les bénéficiaires du RMI, ce qui me semble intéressant.
Lorsque, parmi ces derniers, l'appel à candidatures s'avère infructueux, ce qui arrive fréquemment, la sélection s'effectue parmi un public dit prioritaire, ce qui ne me semble pas non plus inintéressant.
Afin d'offrir une qualification à ce personnel, et pour que l'emploi au sein de l'association soit une première étape, pour le moins, vers une insertion professionnelle durable, des sessions de formations ont été organisées, sanctionnées par l'attribution du certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, le CAFAD.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à ce jour, trois sessions ont eu lieu. Douze personnes ont obtenu ce certificat et sont en situation d'emploi permanent. Voilà qui est très intéressant.
Ces formations ont pu bénéficier d'un financement de l'Etat imputé dans la loi de finances au chapitre 43-33, article 30, sous le titre du ministère des affaires sociales.
Or, en 1996, faisant suite à une circulaire ministérielle, les crédits ont été suspendus et, depuis lors, la ligne budgétaire n'apparaît plus. Or, actuellement, douze personnes employées par ce service sont susceptibles de suivre cette formation. Toutefois, compte tenu de son coût, le financement accompagnant les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi-consolidés étant insuffisant, le service ne peut vraiment pas envisager de prendre en charge financièrement une telle formation, son budget s'équilibrant à peine avec la subvention qui lui est attribuée dans le cadre du plan départemental d'insertion.
Pourtant, cette opportunité de formation est un élément déterminant chez les candidats à un emploi qui n'ont pas toujours la motivation souhaitable. A partir du moment où l'on peut leur laisser espérer une formation, leur motivation est meilleure.
Cette dernière peut en outre être freinée par des décisions administratives pénalisantes, comme par exemple - c'est le deuxième aspect de ma question - la diminution de l'allocation différentielle servie au titre du RMI au-delà d'un nombre d'heures de travail cumulées.
Je citerai un cas précis : je viens d'avoir connaissance de la décision prise par un organisme gestionnaire de prestations familiales à l'encontre d'une employée du service. Il s'agit d'une femme isolée ayant un enfant à charge. Elle accepte un emploi au titre d'un contrat emploi-solidarité au sein du service. Puis, un an après, elle est recrutée sous contrat emploi consolidé, ce qui est un peu moins mal.
Dix mois après, alors que ses revenus sont constitués d'un salaire mensuel de 2 700 francs et d'une allocation différentielle versée au titre du RMI de 1 700 francs, il lui est notifié que, désormais, le montant de l'allocation s'élèvera à 390 francs au lieu de 1 700 francs. En effet, la notification fait état d'un cumul d'heures travaillées supérieur à 750 heures, ce qui justifie, administrativement parlant, la réduction de l'allocation versée.
La réaction immédiate de l'intéressée est bien compréhensible, et vous la pressentez, monsieur le secrétaire d'Etat : cette femme conclut qu'elle « a plus à gagner à rester chez elle qu'à aller travailler ».
Une telle décision est particulièrement démotivante et, avouez-le, regrettable. Il est évident - et j'en arrive à ma conclusion - qu'inciter les intéressés à poursuivre l'exercice d'un emploi sous contrat d'insertion, faciliter la mise en place d'une formation qualifiante sont des mesures susceptibles de renforcer le rôle de passerelle que jouent de façon informelle le service de garde à domicile et les associations oeuvrant au maintien à domicile des personnes âgées.
C'est pourquoi je souhaitais demander à Mme le ministre s'il est envisagé de prendre des mesures concrètes permettant de motiver les candidats à une insertion et, question plus ponctuelle, s'il est envisagé de rétablir une aide au financement des formations au CAFAD.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, je vais répondre à votre question très documentée à la place de Mme Aubry, qui, vous l'avez mentionné, est retenue par la commission des affaires sociales de votre assemblée. Elle m'a donc demandé de répondre en son nom à votre question, qui portait sur le financement des formations du CAFAD, certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, et à la rémunération des stagiaires bénéficiaires du RMI.
Seuls les crédits du budget d'action sociale, d'un montant peu élevé - 13 millions de francs - qui servaient à financer des formations au CAFAD ont été supprimés par la loi de finances initiale 1997. Ils ont été redéployés sur les formations initiales.
Ces crédits, destinés à l'origine à impulser le processus de qualification des professionnels de l'aide à domicile auprès des personnes âgées, n'avaient pas vocation à perdurer dès lors qu'il existe des financements de droit commun aux budgets de l'Etat et des conseils régionaux. En outre, comme vous le savez, ces financements peuvent être complétés par des crédits du fonds social européen, comme le montrent un certain nombre de montages financiers qui ont été réalisés par plusieurs régions et départements.
De plus, s'agissant des bénéficiaires du RMI, auxquels l'accès au CAFAD a été élargi en 1993, tout ou partie, du cours de formation peut être pris en charge par l'Etat ou par le conseil général, avec des formules que vous connaissez de type SAE, stages d'accès à l'emploi, ou SIFE, stages d'insertion et de formation à l'emploi.
Les stagiaires peuvent soit bénéficier de la rémunération publique des stagiaires de la formation professionnelle, soit avoir le statut de stagiaire non rémunéré et, à ce titre, rester bénéficiaires du RMI, sous réserve que la commission locale d'insertion, la CLI, ait accepté cette formation au titre du contrat d'insertion.
Cette formation très « professionnalisante », comme le disent les spécialistes, et d'une durée inférieure ou égale à un an, entre parfaitement dans le champ des exceptions prévues par l'article 7 de la loi qui a mis en place le RMI.
A l'heure actuelle, ni le financement des formations à ce certificat d'aptitudes aux fonctions d'aide à domicile ni la rémunération des stagiaires ne semblent poser de problème particulier.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité m'a demandé de souligner à quel point elle était elle-même très attachée au fait que ces formations puissent être assurées en nombre suffisant, de façon à permettre une intégration professionnelle de personnes qui ne disposent pas d'un haut niveau de qualification.
Elle pense, comme vous, me semble-t-il, monsieur le sénateur, que l'enjeu est important. Il s'agit, en effet, de la professionnalisation des emplois à domicile, particulièrement lorsqu'ils s'adressent à des personnes âgées ou à des personnes dépendantes. Nous connaissons tous les besoins qui existent en la matière et l'exigence de qualité dans les services que nous devons rendre à nos aînés que le grand âge ou la maladie ont atteints dans leur autonomie.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la réponse que vous avez apportée au problème que j'ai soulevé, réponse précise sur bien des points.
Toutefois, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de problème particulier. Nous en retrouvons, sur le terrain.
J'ai noté que nous devrions peut-être rechercher davantage le soutien des régions ou des fonds européens. Nous allons nous y efforcer sur place.
Je ne doute pas de l'intérêt que porte Mme le ministre au problème que j'ai soulevé ; elle l'a d'ailleurs manifesté encore tout à l'heure. Il est vrai que l'enjeu est important, et je veux espérer que, au-delà de la réponse que vous me donnez, qui n'est pas inintéressante, nous irons plus avant et plus concrètement dans la solution de ce que je considère comme un vrai problème.

Organisation des établissements
publics locaux d'enseignement

M. le président. M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème que pose l'organisation actuelle des établissements publics locaux d'enseignement, les EPLE.
En effet, dans les EPLE, le chef d'établissement se trouve être également le président du conseil d'administration, d'où une confusion des rôles et une certaine dévalorisation de chacune de ces fonctions.
Le chef d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les projets arrêtés par le conseil d'administration, il serait préférable de dissocier les deux fonctions d'exécutant et de décideur, qui, actuellement, ne font qu'une.
Renforcer la déconcentration au sein de ces établissements, pour redonner sa dimension réelle à la fonction de président du conseil d'administration, faire en sorte que le chef d'établissement soit véritablement le représentant de l'Etat, qu'il dispose d'une réelle autonomie et puisse se recentrer sur sa mission de base, la pédagogie, pour permettre à de nouveaux partenaires d'accéder au sein de l'établissement, apparaissent nécessaires.
Sachant que le respect de l'autonomie des établissements passe avant tout par le respect de la séparation des fonctions, il serait souhaitable de confier la présidence du conseil d'administration à une personnalité extérieure à l'établissement, comme cela a été suggéré dans le rapport Pour l'école. On reprendrait ainsi un système déjà adopté avec succès dans les établissements publics locaux d'enseignement agricole.
Pour prévenir toute irruption d'une tutelle locale ou nationale, les conseils d'administration ne pourraient être présidés ni par les élus territoriaux ni par des représentants des services de l'Etat.
Aussi, il souhaiterait connaître sa position sur ce point. (N° 75.)
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'organisation actuelle des établissements publics locaux d'enseignement, notamment pour ce qui concerne leurs conseils d'administration, entités primordiales dans la vie des établissements.
En effet, dans les EPLE, le chef d'établissement se trouve être également le président du conseil d'administration. Il en résulte une confusion des rôles et une certaine dévalorisation de chacune de ces fonctions.
Le chef d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les projets arrêtés par le conseil d'administration, il serait souhaitable, à mon sens, de dissocier les deux fonctions, d'exécutant et de décideur, qui actuellement ne font qu'une.
Cette mesure permettrait, d'une part, de renforcer les liens de l'établissement avec le monde extérieur professionnel et associatif et, d'autre part, de donner les moyens au chef d'établissement de se recentrer sur sa mission essentielle et éminente : la pédagogie.
En effet, sachant que le respect de l'autonomie des établissements - à laquelle je vous sais très attaché, monsieur le ministre - passe avant tout par le respect de la séparation des fonctions, il serait souhaitable de confier la présidence du conseil d'administration à une personnalité extérieure à l'établissement, comme l'a suggéré M. Roger Fauroux dans son rapport Pour l'école.
Ce système est actuellement en vigueur, avec succès, dans les établissements publics locaux d'enseignement agricole.
De plus, et afin de prévenir toute irruption d'une tutelle locale ou nationale, les conseils d'administration ne pourraient être présidés ni pas des élus territoriaux ni par des représentants des services de l'Etat.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette proposition.
Je suis conscient du poids des conservatismes et de la lourdeur des corporatismes dans notre système éducatif. Je pense qu'une première expérimentation de cette nouvelle organisation pourrait être entreprise dans les lycées d'enseignement professionnel, avant d'être généralisée à l'ensemble des établissements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je crois qu'il n'y a entre nous, sur ce qui fait l'objet de votre question, aucun désaccord. Sur le fond, votre suggestion m'apparaît tout à fait pertinente, de même que votre idée de faire débuter l'expérimentation dans les lycées professionnels.
En effet, le fait de confier la présidence des conseils d'administration de tels établissements à des personnalités issues du monde professionnel ne pourrait que contribuer au resserrement des liens entre celui-ci et l'enseignement professionnel.
Comme vous l'avez souligné, dans les lyées agricoles, ce système fonctionne déjà, semble-t-il à la satisfaction de tous, et il y aurait avantage à l'étendre progressivement.
Cela étant, quelques précautions s'imposent, car les chefs d'établissement se trouvent actuellement dans une situation très délicate pour des raisons multiples et complexes, mais qui ne sont pas financières puisque leurs traitements ont été revalorisés cinq fois. Malgré ces revalorisations successives, 900 postes de chef d'établissement demeurent aujourd'hui vacants. Une table ronde est d'ailleurs chargée de tenter de cerner les raisons de cette inappétence pour la fonction de chef d'établissement.
C'est pourquoi je ne voudrais pas que, au moment où nous essayons de redonner plus d'attrait à cette fonction, soit prise trop vite une mesure qui apparaîtrait à certains - à tort sans doute - comme un désavoeu de leur action en tant que président du conseil d'administration d'un établissement.
Ne considérez pas, monsieur le sénateur, cette réponse comme une réponse de Normand. Je suis philosophiquement d'accord avec vous ; je suis favorable à ce qu'on expérimente, dans un premier temps, une telle mesure dans les lycées professionnels, mais je souhaite que ce sujet soit abordé par la table ronde qui réfléchit sur les moyens de rénover la fonction de chef d'établissement et de lui redonner l'attrait qu'elle devrait logiquement exercer dans la mesure où le rôle du chef d'établissement est extrêmement important, tant sur le plan éducatif que sur le plan social.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, et je me félicite que nous partagions la même philosophie sur ce sujet. Je suis très heureux que vous estimiez, comme moi, qu'il convient de commencer par une expérimentation au sein des lycées professionnels.
En effet, je crois que c'est par des mesures de partenariat et de proximité, en ouvrant les établissements sur le monde extérieur, notamment sur le monde du travail pour ce qui concerne les lycées professionnels, que nous améliorerons la situation.

Compensation des augmentations
de cotisation maladie et de CSG
pour la fonction publique territoriale

M. le président. M. Philippe Richert rappelle à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que, le 10 mars dernier, le Gouvernement a institué, par le décret n° 97-215, une indemnité exceptionnelle destinée à compenser, pour certaines catégories de fonctionnaires, la perte de salaire occasionnée par la modification, début 1997, des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée. Le décret dispose que cette indemnisation exceptionnelle sera allouée aux militaires à solde mensuelle, aux magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux personnels de la fonction publique hospitalière ou de l'Etat.
L'ensemble des fonctions publiques semble donc concerné, à l'exception notable de la fonction publique territoriale. Une telle mesure, outre qu'elle peut créer un sentiment d'injustice chez les personnels des administrations territoriales, semble en totale contradiction avec le principe de parité entre les fonctions publiques.
Il souhaiterait en conséquence connaître les raisons qui ont motivé une telle exception et connaître sa position sur la question ainsi que les suites qu'il entend y réserver. (N° 87.)
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le ministre, je souhaite appeler attention sur l'application du décret n° 97-215 du 10 mars 1997 portant création d'une indemnité exceptionnelle allouée aux militaires à solde mensuelle, aux magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux personnels de la fonction publique hospitalière et de l'Etat, à la suite de la modification, au début de l'année 1997, des taux de cotisation maladie et de CSG.
Cette indemnité est destinée à compenser les pertes de revenu consécutives à ces modifications, et son montant est égal à la différence constatée. L'article 2 du décret précité précise en effet :
« L'indemnité est servie lorsque la rémunération annuelle perçue au titre de l'activité principale au cours de l'année courante, nette de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée aux taux appliqués au 1er janvier 1997, est inférieure à cette même rémunération annuelle affectée des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée appliqués au 31 décembre 1996. Le montant de l'indemnité est alors égal à la différence ainsi constatée. »
Ce décret semble applicable à l'ensemble des fonctions publiques, à l'exception notable de la fonction publique territoriale. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, connaître les raisons de cette exclusion et savoir si, en vertu du principe de parité entre les fonctions publiques, il vous serait possible de faire bénéficier également les personnels de la fonction publique territoriale de cette mesure de compensation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur Richert, comme vous l'avez rappelé, le 10 mars dernier, le gouvernement précédent a institué par décret une indemnité exceptionnelle destinée à compenser la perte éventuelle de rémunération occasionnée, pour certaines catégories de fonctionnaires, par la modification, intervenue au début de l'année, des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée.
L'assiette de ces deux types de prélèvement est en effet différente : la CSG porte sur l'ensemble de la rémunération, y compris les primes, alors que les cotisations d'assurance maladie ne portent que sur le traitement brut. La modification des taux respectifs entraîne, dans la majorité des cas, une légère augmentation du pouvoir d'achat mais, dans certains cas, notamment pour ceux dont la rémunération comporte une part importante d'indemnités, une diminution. C'est cette diminution que le décret cité vise à compenser.
Ce décret ne peut être mis en oeuvre directement que dans la fonction publique d'Etat et dans la fonction publique hospitalière. En application du principe de libre administration des collectivités locales, seule une loi pourrait rendre obligatoire le versement de cette indemnité compensatrice pour les fonctionnaires des collectivités locales. Vous le savez, il s'agit d'un principe constitutionnel.
Cela étant, les collectivités locales sont juridiquement fondées à transposer ce dispositif indemnitaire, en application du principe de parité entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l'Etat. L'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 les autorise expressément à prendre ce type de décision par délibération. Ces principes fondamentaux ont été rappelés dans de nombreux courriers, en réponse à des questions de parlementaires.
Les collectivités locales disposent pleinement des instruments de mise en oeuvre du mécanisme de compensation défini par le Gouvernement.
Je rappelle qu'une nouvelle substitution entre points de contribution sociale généralisée et points de cotisations maladies interviendra à partir du mois de janvier 1998. Les collectivités locales auront tout loisir d'appliquer ces dispositions à leurs fonctionnaires, et cela leur sera, en tant que de besoin, rappelé par circulaire.
Je précise que le Gouvernement prendra le décret concernant la compensation au bénéfice de la fonction publique d'Etat et la fonction publique hospitalière dès ce mois de novembre.
M. Philippe Marini. Toujours des charges nouvelles !
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision de votre réponse qui, contrairement à ce que vous pouviez penser, ne coulait pas de source pour les collectivités territoriales.
Je puis vous affirmer que, pour certaines catégories de personnels, les pompiers, par exemple, dont la rémunération inclut une part indemnitaire relativement élevée, il leur avait été répondu que les dispositions visées ne s'appliquaient qu'à la fonction publique d'Etat et qu'il n'était pas possible de les transposer.
Le fait de réaffirmer ici que cette transposition est tout à fait possible à partir du moment où les collectivités prennent les délibérations ad hoc est très important.
Dans votre réponse, j'ai relevé un deuxième élément positif : l'annonce de la diffusion d'une circulaire rappelant cette possibilité aux collectivités.

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NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Raymond Courrière membre suppléant du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
A. - Mercredi 5 novembre 1997, à quinze heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, conclusion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines ;
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture ;
La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes les temps réservés au président de la commission des affaires économiques et au président de la commission des finances ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 4 novembre.
B. - Jeudi 6 novembre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Résolution de la commission des finances sur la proposition de directive du Conseil (n° E-785) modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (n° 46, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette résolution.
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n°s 240 et 259, 1994-1995 ; rapport n° 283, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
C. - Mercredi 12 novembre 1997, à seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (AN, n° 303) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 12 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant douze heures, le mercredi 12 novembre.
D. - Jeudi 13 novembre 1997 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 56, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
E. - Eventuellement, vendredi 14 novembre 1997, à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
F. - Mardi 18 novembre 1997 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 18 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (conditions d'attribution des pensions de réversion) ;
N° 34 de M. Franck Sérusclat à M. le secrétaire d'Etat à la santé (prévention des accidents liés aux médicaments) ;
N° 47 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (situation des retraitées agricoles) ;
N° 51 de M. Bernard Dussaut transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget (taux de TVA applicables à la restauration) ;
N° 56 rectifié de M. Jacques de Menou à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (avenir touristique et économique des zones hors PAT) ;
N° 64 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (réaménagement de la route nationale 102) ;
N° 82 de M. Philippe Marini à M. le ministre de l'intérieur (récupération de la TVA sur les investissements relatifs au traitement des ordures ménagères) ;
N° 83 de M. Hubert Durand-Chastel transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (emploi des jeunes à l'étranger) ;
N° 86 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (simplification administrative et réforme de l'Etat) ;
N° 88 de M. Francis Grignon à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (prime de fin d'année aux agents titulaires des collectivités territoriales) ;
N° 91 de M. Jean-Pierre Raffarin à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (réformes des fonds structurels européens) ;
N° 93 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (politique autoroutière) ;
N° 95 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (tracé de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron) ;
N° 97 de M. Jean-Marie Poirier à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (lutte contre les recours abusifs en matière d'urbanisme) ;
N° 98 de M. Fernand Tardy à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (construction de l'autoroute A 51) ;
N° 100 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (avenir du transport routier) ;
N° 102 de M. Serge Vinçon à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (conditions de transposition en droit interne d'une directive européenne) ;
N° 106 de M. Claude Huriet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (distribution des produits d'assurance dommages).
A dix-huit heures trente :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 :
Explications de vote et vote sur l'ensemble.
G. - Mercredi 19 novembre 1997, à quinze heures :

Ordre du jour complémentaire

1° Proposition de résolution de MM. Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués (n° 34, 1997-1998) ;

Ordre du jour prioritaire

2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998).
H. - Jeudi 20 novembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite de l'ordre du jour de la veille ;
A quinze heures :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services (AN, n° 221) ;
A seize heures et le soir :
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998 (AN, n° 230).

Règles et calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 (du jeudi 20 novembre 1997, à seize heures, au mardi 9 décembre 1997 inclus)

Rappel :
- une séance de questions d'actualité au Gouvernement a été fixée au cours de cette période le jeudi 27 novembre, à quinze heures (les inscriptions des auteurs de questions devront être effectuées au service de la séance, le jour même avant onze heures) ;
- il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes en séance publique le mercredi 26 novembre vers dix-sept heures trente.
A partir du jeudi 20 novembre, à seize heures :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998.
Les modalités de discussion et la répartition des temps de parole sont fixées comme suit :
1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limite suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 20 novembre, à seize heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;
- la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;
- le vendredi 5 décembre, à dix-sept heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.
2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, les présidents de commissions saisies pour avis, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;
b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;
- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;
- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition, s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.
Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et un temps de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de quinze minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant dix-sept heures. Toutefois, cette faculté, ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance :
- pour la discussion générale, le mercredi 19 novembre, avant dix-sept heures ;
- pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant dix-sept heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.
La conférence des présidents a adopté les propositions de la commission des finances sur l'organisation et le calendrier du projet de loi de finances pour 1998. Ce calendrier sera adressé à tous nos collègues.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations à l'égard des propositions de la conférence des présidents concernant l'ordre du jour complémentaire ?...
Ces propositions sont adoptées.

7

RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Moins d'un an après une grève de plusieurs jours, les routiers de notre pays sont à nouveau mobilisés afin que soient respectés les engagements pris alors.
Ce matin même j'apportais mon soutien aux routiers du barrage de la SOGARIS au marché de Rungis, dans le Val-de-Marne. Une chose fonde leur détermination aujourd'hui : ils n'accepteront plus d'être trompés.
M. René-Georges Laurin. Cela n'a rien à voir avec notre ordre du jour !
Mme Hélène Luc. Avec un salaire net moyen de 7 000 francs par mois, les chauffeurs gagnent trente francs de l'heure. Disposer d'un tel salaire rend la vie difficile, voire impossible.
Le mouvement des routiers interpelle l'ensemble des acteurs sociaux de notre pays et illustre le devenir d'une profession au sein d'une Europe qui devient de plus en plus celle de la régression sociale.
« Aujourd'hui ce sont les routiers, demain ce seront les sous-traitants de l'industrie étant donné l'absence d'Europe sociale » : cette opinion n'est pas celle d'un responsable de centrale syndicale ouvrière mais celle de « jeunes dirigeants d'entreprise ».
L'attitude du patronat routier, notamment le refus de l'UFT, l'union des fédérations de transport, de négocier alors même que les représentants des PME-PMI des transports acceptent de le faire, est inacceptable.
Tout doit être fait pour sortir de ce conflit par la concertation. L'UFT doit revenir immédiatement à la table des négociations et satisfaction doit être donnée aux justes revendications des routiers pour vivre dignement. A charge pour le Gouvernement de veiller au respect des accords pris, comme il s'est engagé à le faire alors que celui qui l'a précédé n'a, hélas ! rien fait.
Cet après-midi même d'ailleurs, Lionel Jospin et Jean-Claude Gayssot ont concrétisé un certain nombre d'engagements sous forme d'incitation financière afin de parvenir à une solution négociée applicable à l'ensemble du secteur, afin aussi que les différents représentants syndicaux et patronaux renouent le dialogue. C'est là une attitude constructive que nous soutenons.
C'est en effet par la négociation et en évitant l'usage de la force que l'on parviendra à résoudre un conflit prêt de tourner à la révolte et dont l'enjeu est au coeur des menaces que font peser sur notre pays le libéralisme et l'absence d'un volet social européen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)

8

POLITIQUE FAMILIALE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique familiale.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous abordons aujourd'hui est sûrement à la fois un des plus essentiels et un des plus difficiles. Chacun de nous, en tout cas la plupart d'entre nous, a l'expérience de la vie en famille, le plus souvent heureuse, mais parfois, nous le savons, douloureuse.
A la base de la filiation, et donc de la vie de chacun, il y a une famille, plus ou moins visible, plus ou moins stable, plus ou moins reconnue ; la vie de chacun d'entre nous a été marquée par notre insertion dans une famille et par notre relation avec cette famille.
Quoi de plus personnel que la famille et, en même temps, quoi de plus essentiel pour construire la société ? Quelle part, dans ce domaine, laisser à l'intimité de chacun et quelle place donner à l'intervention publique ? La réponse est difficile. Elle ne s'accommode ni de simplisme ni de polémique.
Notre objectif est clair, protéger et conforter la famille, parce qu'elle est la cellule de base où l'enfant se construit affectivement et acquiert ses premiers repères. C'est dans la famille que s'exprime en premier lieu la solidarité, que s'apprend le respect de l'autre et que se construisent les premières expériences et les apprentissages. C'est dans la famille que se transmettent les valeurs, que s'éveillent et s'éduquent la créativité et le goût de savoir.
MM. Alain Vasselle et Alain Gournac. Alors il ne faut pas l'attaquer !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous pourriez pour le moins me laisser m'exprimer pendant quelques instants. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur tout mais, sur ces éléments au moins, j'espère que nous pouvons l'être.
MM. Jean Chérioux et Henri de Raincourt. Absolument !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défendre la famille, c'est défendre les valeurs et les objectifs auxquels nous sommes tous particulièrement attachés, c'est-à-dire préserver la cohésion sociale, donner à chacun une vraie place, promouvoir la solidarité.
Quels points de repères se donner, dès lors, pour construire l'indispensable politique familiale dont notre pays a besoin ?
La première exigence qui s'impose est, bien entendu, de prendre toute la mesure des changements qui affectent la famille et la société.
La situation n'est pas la même que celle qui prévalait dans les décennies d'après-guerre, dans les périodes où s'est mis en place notre système de protection sociale.
M. Jean Chérioux. Hélas !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut le rappeler, même si cela peut apparaître une lapalissade.
Il y avait alors une croissance forte, qui permettait à la fois une hausse régulière des rémunérations individuelles et un accroissement important des dépenses sociales collectives, un niveau de vie moindre qu'aujourd'hui, mais un chômage presque inexistant et la confiance que demain serait meilleur qu'aujourd'hui pour soi-même et pour ses enfants était largement partagée.
La solidarité entre les familles et entre les générations était beaucoup plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui, même si, il faut le dire, du fait de la crise, cette valeur tend à réapparaître. Elle s'exerce parfois d'ailleurs des grands-parents aux petits-enfants, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une solidarité presque inverse de celle qui avait généralement cours au début du siècle.
Certes, il y avait et des situations d'inégalités et de misère mais la cohésion sociale était alors plus affirmée. Même si la pauvreté existait, l'exclusion faisait moins de ravages qu'aujourd'hui.
La famille et son rôle dans la société ont beaucoup changé, ce qui nous oblige à prendre en compte les évolutions.
On se marie plus tard, souvent après avoir vécu ensemble ou même après avoir donné naissance à un enfant. D'autres formes de vies en commun existent. Les divorces augmentent, leur nombre, de l'ordre de 30 000 dans les années soixante, s'élevant à plus de 120 000 aujourd'hui. De nombreuses familles éclatent et, si des recompositions ont lieu, le nombre des familles monoparentales a doublé dans les trente dernières années, passant de 650 000 en 1968 à 1 260 000.
Les jeunes, quant à eux, entrent plus progressivement dans la vie active. Le premier enfant naît plus tard. Le nombre moyen d'enfants par famille a diminué. La durée de vie s'allonge. L'enfant est souvent au contact de trois ou quatre générations.
Ces changements sont profonds et modifient fondamentalement la vie même de la famille.
Dans un monde de plus en plus changeant, de plus en plus mobile, où les informations, les personnes, les cultures circulent, les repères s'obscurcissent et se relativisent. Dans une société en crise, la transmission des valeurs, des comportements est plus difficile.
C'est bien ainsi à mons sens que doit s'apprécier le débat sur la politique familiale, dans le cadre d'une approche globale, et non pas seulement à l'aune de l'évolution de telle ou telle prestation.
Tout débat sur la famille doit évidemment prendre en compte la question du travail des femmes. La généralisation de l'activité féminine est une caractéristique majeure de l'évolution de notre société au cours de ces dernières décennies. Si 40 % des femmes travaillaient au début des années soixante, elles sont près de 80 % aujourd'hui. Nous pouvons d'autant plus nous en réjouir que ce taux d'activité est le plus élevé en Europe.
Cet accès au travail a permis aux femmes d'acquérir leur indépendance et leur autonomie, même si - chacun le sait - il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une véritable égalité des salaires et des conditions de travail, ainsi qu'à une plus juste répartition des tâches domestiques au sein du foyer.
Ce fort développement du travail féminin a considérablement modifié l'organisation et la vie quotidienne des familles. La gestion du temps est devenue un problème central, particulièrement pour les femmes même si nous espérons que, dans les jeunes générations, cette préoccupation sera partagée par les deux sexes.
La politique familiale de demain se doit d'intégrer cette question, en facilitant évidemment la conciliation entre le temps de travail et le temps consacré à la famille. Nous nous sommes déjà engagés dans cette voie en prônant une réduction du temps de travail qui, au-delà de son objectif en matière d'emplois, constitue bien un véritable projet de société.
Libérer du temps pour s'occuper de sa famille, de ses enfants, de ses amis, pour créer du lien social, est partie intégrante de notre conception de la politique familiale.
Loin de considérer que la famille s'affaiblit dans la société, je crois au contraire qu'elle reste aujourd'hui la valeur de référence, c'est elle qui tient lieu de filet de sécurité lorsque l'on a un coup dur.
Il n'en reste pas moins que nombre de familles rencontrent aujourd'hui des difficultés : matérielles, dans leur vie quotidienne, dans l'éducation de leurs enfants ou dans l'organisation des transitions de leurs enfants vers des vies d'adultes autonomes. Tout cela est à prendre en compte.
Conforter, renforcer, aider les familles est pour le Gouvernement un objectif fondamental. Il découle, je l'ai souligné, directement de nos valeurs, de la solidarité, du respect de chacun et de la mise en responsabilité.
Plus qu'en tout autre domaine, la solidarité doit prendre ici tout son sens. Solidarité d'abord, bien sûr, entre les familles et les non-familles. Je crois pouvoir dire que, globalement, votre système remplit à peu près bien cet objectif. Solidarité nationale envers les familles les plus démunies dans un esprit non pas d'assistance mais de mise en responsabilités et, là, il reste beaucoup à faire. Solidarité entre les familles pour aider les plus fragiles à retrouver plus de dignité.
Les premières initiatives du Gouvernement au bénéfice des familles me paraissent aller dans ce sens.
Faciliter l'insertion des jeunes, qui restent bien souvent à la charge de leurs parents, à travers le plan emploi-jeunes, n'est-ce pas la meilleure manière d'aider de nombreuses familles ?
Engager un processus de réduction de la durée du travail, n'est-ce pas la meilleure manière de permettre aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle ?
Améliorer le niveau de l'encadrement scolaire, éviter les fermetures de classes, n'est-ce pas un apport essentiel pour l'avenir des enfants ?
C'est ce qu'a fait le Gouvernement avec les premières mesures qu'il a adoptées. Je vous rappelle que le montant de l'allocation de rentrée scolaire a été quadruplé, les allocations logement ont été revalorisées après avoir été gelées depuis 1994, un fonds pour l'accès aux cantines scolaires a été créé, la réhabilitation de 120 000 logements supplémentaires a été financée, la réduction d'impôt pour dépenses de scolarité rétablie. Ce sont donc, au total, plus de 10 milliards de francs qui ont été ainsi transférés en cinq mois aux familles les moins favorisées.
De plus, sachez que nous ouvrirons, dès 1998, le bénéfice des allocations familiales à tous les enfants à charge de dix-neuf ans. Il s'agit d'une mesure d'équité, car rien ne justifie que les familles qui ont à charge des jeunes sans activité soient moins aidées que celles dont les enfants poursuivent des études. Je viens de le montrer, le Gouvernement, par les premières mesures adoptées, a témoigné concrètement que telles étaient sa volonté et son ambition.
Le Gouvernement a pris ces décisions avec le souci parallèle de diminuer fortement le déficit de la sécurité sociale, et en particulier de la branche famille. A quoi sert-il, en effet, de faire des promesses, de faire voter une loi comme la loi famille en 1994, si on ne se donne pas, en même temps, les moyens d'atteindre les objectifs qui sont fixés dans cette loi ? Et défendrions-nous les familles si nous laissions s'approfondir un déficit qui mettrait bientôt les finances de cette branche en quasi-faillite ? Je comprends mal certaines critiques qui visent à nous donner des leçons en matière de réduction du déficit de la branche famille.
M. Alain Vasselle. Qui a fait des prélèvements sur la branche famille ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dois-je rappeler que les gouvernements précédents ont été condamnés par le Conseil d'Etat pour n'avoir pas respecté les prescriptions légales en matière de revalorisation des prestations familiales ?
Dois-je rappeler que les prestations familiales ont été gelées en 1996, que les barèmes des prestations logement n'avaient pas été revalorisés depuis trois ans, que l'allocation de rentrée scolaire a été limitée à 1 000 francs en 1996, ou encore que la hausse massive des prélèvements a pénalisé directement les familles, et tout particulièrement les plus modestes d'entre elles ? Comment pouvons-nous oublier que nos prédécesseurs ont, entre 1993 et 1997, prélevé plus de 120 milliards de francs sur les familles ?
La branche famille sera en déficit de 13 milliards de francs en 1997. Cela est dû en grande partie, je viens de le dire, aux mesures non financées décidées en 1994. Dois-je vous rappeler que la branche famille aurait été en grande difficulté si nous n'avions pas pris immédiatement des mesures d'urgence ? C'est ce qui a conduit le Gouvernement à prendre deux mesures qui permettent des économies. Je l'affirme ici, solennellement, une politique familiale se construit non pas à crédit par des promesses, mais bien par des mesures qui sont financées.
M. Dominique Braye. En matière de promesses, vous en savez quelque chose !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous donne rendez-vous dans deux ans, monsieur le sénateur ! On verra alors qui tient ses promesses !
M. Alain Gournac. On verra ce que dira le pays !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour ce qui nous concerne, nous n'entendons pas poursuivre une telle politique.
La politique familiale doit permettre de redistribuer des non-familles vers les familles. La politique familiale, c'est aussi au moins une égalité de traitement entre les familles favorisées et celles qui le sont moins. Or, en France, notre système de redistribution d'aide aux familles s'avère plus favorable pour les revenus les plus élevés. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR) Lorsque l'on cumule l'impact des prestations familiales et du quotient familial, les ménages les plus aisés bénéficient d'un montant d'aide publique plus important.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Absolument !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est une caractéristique du système français. En effet, dans les pays qui ont une politique familiale importante - ils ne sont pas nombreux et il convient de le regretter -, les solidarités entre non-familles et familles sont à peu près de même nature qu'en France, mais il y a toujours une redistribution du bas vers le haut, alors que dans notre pays elle a lieu du haut vers le bas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours. La politique familiale, ce n'est pas une redistribution !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie, monsieur le sénateur ! Notre débat devant durer quelque six heures, nous aurons l'occasion de parler de ce sujet. Je demande qu'il y ait non pas une redistribution, mais simplement une égalité.
Un couple avec trois enfants bénéficie de 29 000 francs par an, toutes prestations familiales comprises, s'il dispose d'un revenu de 100 000 francs, et de 76 000 francs par an s'il a un revenu de 700 000 francs. Où est l'équité dans cette politique familiale ? Je crois que là nous sommes au coeur du sujet. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. C'est simplement un prélèvement moindre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Un déficit majeur, une redistribution à rebours, les difficultés que connaissent de nombreuses familles modestes, voilà ce qui nous conduit à renforcer l'effort vers les familles les plus en difficulté et à vous proposer de conditionner l'octroi des prestations familiales à un plafond de ressources.
On est loin, me semble-t-il, des craintes exprimées ici ou ailleurs, selon lesquelles on démantèlerait la famille ou il s'agirait d'un hold-up ou d'un matraquage en règle - j'espère que nous le prouverons tout au long de ce débat. Sachons, sur ce sujet, raison garder !
Quelles sont ces deux mesures tant critiquées, au Parlement essentiellement, il faut le dire, et par quelques associations familiales...
M. Charles Descours. Oh !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais oui, parce que nous discutons avec les associations familiales. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Charles Descours. Nous aussi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous le verrons, là aussi, après le débat qui va s'engager dans quelques jours.
M. Alain Gournac. Il n'y a eu aucune concertation !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous en reparlerons ! Je vous montrerai des lettres qui prouvent qu'il y a eu concertation. On peut discuter sur des désaccords, mais les faits sont têtus. Les faits, je vous les apporterai ce soir, par des statistiques et par des courriers. Vous verrez que l'on peut être en désaccord, mais que l'on peut aussi avoir un vrai débat démocratique où on s'oppose sur des faits, sur une conception des choses, et non pas sur des mensonges ou des erreurs projetées d'un débat à l'autre.
M. Jean Chérioux. Le mot « mensonges » n'est-il pas excessif ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis ravie que le Sénat organise ce débat, car cela nous permettra de rétablir une partie de la vérité. Nous verrons sur quoi nous sommes d'accord et sur quoi nous sommes en désaccord. C'est cela, me semble-t-il, l'enjeu d'un vrai débat démocratique.
M. Dominique Braye. Ce que vous allez faire, c'est manipuler les chiffres !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La première mesure est relative à la garde d'enfants. Elle vise simplement à corriger une anomalie. Comment accepter, à un moment où tant de Français sont en difficulté, y compris pour payer la cantine scolaire, et où 40 % des enfants ne partent pas en vacances, que les parents d'enfants de moins de trois ans puissent recevoir jusqu'à 80 000 francs pour financer une employée de maison ? Ceux qui, tous les jours, nous parlent de la baisse des prélèvements obligatoires devraient sans doute y réfléchir. J'attends aussi que ceux qui sont si prompts à dénoncer la spécificité française soient capables de me présenter un seul pays étranger s'approchant même d'un système de cette nature. Pour ma part, je n'en connais pas, et pourtant nous avons bien cherché.
Cette mesure qui touche 66 000 familles, associée à la baisse de la réduction d'impôt pour les emplois familiaux, ne va toucher en réalité que 30 000 ménages. Un amendement a par ailleurs été accepté par le Gouvernement et il vise à atténuer l'effet de la mesure pendant un an pour les ménages qui disposent de ressources annuelles inférieures à 300 000 francs. En effet, on nous a expliqué, sur certains bancs, le cas d'un couple d'instituteurs qui gagnerait 22 000 francs nets par mois et qui embaucherait quelqu'un à 11 000 francs par mois à temps plein. Eh bien, si cela existe, il convient en effet de prévoir une transition pour ces personnes-là.
La mise sous condition de ressources des allocations familiales est une décision d'une tout autre nature. Elle vise à renforcer le principe de solidarité dans notre système de prestations familiales. C'est un sujet central qu'il nous faudra encore approfondir et, sur ce point, le débat peut être entier : sur quelles bases fonder la solidarité avec et entre les familles ? Nous ne pouvons l'éluder au moment où le financement de la sécurité sociale est si fragile et où des besoins importants demeurent aujourd'hui sans réponse satisfaisante. Nous ne pouvons nous contenter des réponses élaborées voilà plusieurs décennies quand le taux de croissance de notre économie dépassait 5 % par an.
La recherche d'une meilleure solidarité pour faire face aux besoins des familles est une priorité pour le Gouvernement. La mesure qui a été présentée cette année est une première tentative pour aller dans ce sens. Comme je l'ai dit, comme un amendement parlementaire l'a inscrit dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, ce système peut évoluer.
J'entends réaliser, dans les mois à venir, un réexamen complet de tous les flux financiers à destination des familles, qu'ils relèvent de la fiscalité ou des prestations sociales. Cette analyse indispensable n'a pas été menée depuis longtemps dans notre pays. Ensuite, c'est avec les organisations familiales, les associations et les organisations syndicales que nous élaborerons, par une large concertation, des propositions qui permettront de mettre en oeuvre une solidarité globale à l'égard des familles, laquelle tiendra naturellement compte de leurs besoins.
Tout au long de l'été, nous avons débattu de cette question avec les représentants des associations familiales et les partenaires sociaux. J'ai bien noté, croyez-le, la prise de position de certaines organisations, au premier rang desquelles l'UNAF, l'Union nationale des associations familiales, en faveur du principe de l'abaissement du plafond familial.
Mais le temps nous était compté, et nous n'avons pu parvenir à un accord, dans un délai si court, sur une question qui relève, tout le monde en convient, d'une réflexion d'ensemble sur la politique familiale. Cette réflexion aura lieu dans quelques jours, et toutes les options seront mises sur la table. Si un large accord est trouvé sur ce point, nous sommes prêts à envisager qu'une réforme fiscale soit substituée à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Par ailleurs, je voudrais réaffirmer ici, comme je l'ai fait, voilà quelques jours, à l'Assemblée nationale, que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'est en aucune manière le prélude à un dispositif de même nature pour l'assurance maladie ou les régimes de retraite.
M. Dominique Braye. Aujourd'hui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je parle pour ce gouvernement, mais peut-être n'avez-vous pas confiance en ce que ferait un gouvernement que vous pourriez soutenir en cas de changement. (Protestations sur les travées du RPR.) En tout cas, pour ce qui concerne le gouvernement auquel j'appartiens, l'engagement a été pris de manière explicite. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Messieurs, je vous réponds !
Je tiens d'ailleurs à rassurer M. Fourcade sur ce point : il n'y aura pas de mise sous condition de ressources « des remboursements des petits risques dans le domaine de la maladie »,...
M. Charles Descours. Aujourd'hui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... comme il l'a écrit récemment dans un journal du soir. Mais j'imagine qu'il exprimait une simple préoccupation, et je souhaitais lui répondre.
Je voudrais bien expliquer que ce régime n'est pas de même nature que celui de la santé et de la retraite.
Le Gouvernement n'a nullement l'intention de moduler les remboursements selon le niveau de revenus. Au moment où nous allons d'ailleurs appeler tous les revenus à participer au financement de l'assurance maladie, il est évident que chacun doit bénéficier d'un même niveau de couverture. Cela n'exclut pas que nous portions une attention particulière à ceux qui, aujourd'hui, sont exclus des systèmes de santé pour des raisons financières. C'est là, selon moi, l'élément essentiel du projet d'assurance maladie universelle que nous vous présenterons l'année prochaine et que nous discuterons dans quelques jours.
J'entends d'ailleurs que ce réexamen de la politique familiale ne se limite pas aux seules aides financières. La politique familiale doit en effet être envisagée dans sa globalité.
Je voudrais d'ailleurs rappeler que la politique familiale n'a jamais été une politique d'assurance. En effet, on met à bas une politique qui existe depuis le début du siècle, me dit-on. Ce sont non pas les salariés, mais l'Etat et les chefs d'entreprise qui financent la politique familiale, contrairement à la santé ou à la vieillesse.
M. Alain Vasselle. Les entreprises, c'est qui ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, on ne s'assure que contre un risque. Or, avoir un enfant est non pas un risque, mais une chance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. On s'assure contre la maladie, la vieillesse, le chômage, et non sur le fait d'avoir des enfants. C'est la solidarité nationale qui doit jouer, c'est l'Etat et, en l'occurrence, rappelez-vous, pour des raisons historiques, les chefs d'entreprise, car il s'agissait de reconstruire notre pays et de trouver une main-d'oeuvre nécessaire pour y parvenir.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. François Autain. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous ne sommes pas dans les mêmes systèmes. Donc, que l'on ne nous dise pas que l'on est en train de mettre à bas un système d'assurance qui n'a jamais existé et qui, à mon avis, n'est pas le fondement de la politique familiale.
Je me suis amusée, si je puis employer ce terme, à relire les textes fondateurs des allocations familiales en France. Si vous les relisez, vous vous rendrez compte qu'il s'agissait véritablement d'une politique de solidarité, donc d'une politique d'Etat, et en aucun cas d'une politique d'assurance.
Donc, nous accroissons la solidarité dans cette politique familiale, mais il n'est pas question de remettre en cause tout ce qui relève de l'assurance, c'est-à-dire les autres régimes : la maladie, la vieillesse, comme d'ailleurs le chômage puisqu'il s'agit aussi d'un régime d'assurance.
Nous allons travailler de nouveau sur ce sujet je l'ai dit. Il nous faut une véritable politique familiale qui soit à l'aune des changements de cette fin du xxe siècle et qui permette de bien augurer du prochain siècle. D'où la réflexion que j'entends mener - avec tous les intervenants - sur l'ensemble de la politique familiale, qui préparera à la conférence de la famille prévue en 1998.
Les besoins des familles ne sont pas seulement financiers. La question de la garde des enfants est naturellement essentielle, à une époque où, de plus en plus souvent, les deux membres du couple travaillent ou cherchent un emploi. Le logement est un élément fondamental de la vie des familles. Aujourd'hui, combien de couples hésitent à avoir un enfant ou à agrandir leur famille parce qu'ils sont trop étroitement logés. Il s'agit d'un élément majeur, qu'il convient de prendre en compte dans une politique familiale.
Par ailleurs, certaines familles ont besoin d'être aidées, accompagnées, tant leurs difficultés sont grandes.
La prise en charge de l'enfant nécessite l'intervention à la fois de la famille et des services publics, d'éducation en premier lieu. Comment permettre aux pères et aux mères de remplir le mieux possible leurs responsabilités ? Comment prendre en compte les situations créées par les familles recomposées ? Comment aménager le temps de travail pour permettre la disponibilité ? Et, symétriquement, quels services publics renforcer et comment faciliter l'accès des familles à ces services ? Quels rôles pour l'Etat, pour les collectivités locales, pour les associations ? C'est par une approche concrète de la vie quotidienne des familles dans leur diversité que nous trouverons les réponses à leurs besoins.
La question de la famille renvoie naturellement aussi à celle de la protection des enfants. Quel équilibre trouver entre le respect de la sphère privée et les garanties que la société doit apporter à tout individu, et en particulier aux plus fragiles ? Quelle place aussi pour les jeunes adultes qui restent au domicile des parents ?
C'est l'ensemble de ces questions financières, juridiques et d'organisation de notre société qu'il convient de reconsidérer, avec le souci premier d'aider les familles et de permettre à chaque enfant de devenir un adulte digne et autonome, respectueux des autres et capable de trouver une vraie place dans la société.
Les questions auxquelles la famille doit faire face changent. Les points de repère culturels des familles sont nombreux et divers. Les valeurs qu'elle porte - nous en sommes, je crois, tous convaincus - sont plus nécessaires que jamais, et les fonctions qu'elle remplit sont irremplaçables.
Cellule tourmentée, fragilisée par la crise de la société et, en même temps, point de repère durable dans un monde en profonde évolution, la famille doit être protégée et renforcée. C'est notre objectif. C'est mon objectif. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je commencerai mon intervention en me déclarant d'accord avec vous sur deux points.
Tout d'abord, comme vous, nous tous, ici, plaçons la famille au centre de l'organisation de notre société ; en effet, la cellule familiale est devenue, du fait de la dureté des temps, l'élément fondamental de la solidarité dans notre pays, et on ne peut la remplacer par des solidarités juridiques ou financières.
Par ailleurs, il existe un déficit persistant dans la branche famille. Vous avez proposé des mesures d'économie, et je vous donne acte de votre volonté de vous rapprocher de l'équilibre des comptes.
Cependant, à partir de ces deux points, vos propos relatifs aux quatre mesures que vous proposez - deux figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous discuterons la semaine prochaine, et deux sont contenues dans le projet de loi de finances pour 1998 - montrent bien qu'il y a eu, de la part du Gouvernement, une volonté de modifier l'équilibre profond de notre politique familiale.
J'ai noté, en examinant le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous deviez présenter, avant la fin de 1998, les lignes d'action d'une politique de la famille « repensée ». Vous venez de nous en donner quelques éléments, mais, en attendant de nous présenter cette politique « repensée », vous demandez à la représentation nationale de voter quatre mesures qui vont frapper de plein fouet plusieurs centaines de milliers de familles de ce pays : la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la diminution de moitié de l'allocation de garde d'enfants à domicile, l'AGED, la réduction de moitié de la déduction fiscale pour les emplois familiaux et le plafonnement de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé un enfant.
M. Alain Gournac. Ça, c'est clair !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Fallait-il, mes chers collègues, concentrer toutes les mesures d'économie - il n'y a que cela dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 - sur la famille ? Telle est la question essentielle que nous devons examiner ce soir.
Vous comprenez sûrement, madame la ministre, que le Sénat ait souhaité discuter de cette politique familiale que vous avez voulu repenser. Ce débat devrait nous permettre d'aborder l'ensemble des problèmes. Or, la difficulté à laquelle nous nous heurtons tient au fait que vous proposez, en fait, quatre mesures : chacune d'entre elles, qui frappe les familles peut susciter la critique mais l'accumulation des quatre est désastreuse. Je les rappellerai rapidement.
La diminution du plafond de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé des enfants, en dépit des modifications introduites à l'Assemblée nationale, portera atteinte à la situation morale et matérielle d'un grand nombre de veuves et de veufs, catégorie de contribuables à laquelle le Sénat s'est toujours montré profondément attentif. Je compte sur le président de la commission des finances du Sénat et sur le rapporteur général pour proposer une augmentation du chiffre plafond adopté à l'Assemblée nationale.
S'agissant de la diminution de l'AGED et de la déduction fiscale pour les emplois familiaux, vous avez indiqué que, à votre avis, ces deux mesures allaient trop loin et conféraient un avantage financier trop important à certaines familles. Je répondrai, quant à moi, en termes d'emplois. D'après les statistiques de l'Institution de retraite complémentaire des employés de maison, l'IRCEM, depuis 1992, plus de 300 000 emplois familiaux ont été créés, soit plus de 70 000 par an, en moyenne ; l'AGED a permis, à elle seule, la création de 40 000 emplois, soit un rythme annuel de 7 000.
Je crains que la réduction de l'AGED et de la déduction fiscale pour emplois familiaux ne risque de casser cette dynamique et n'entraîne un retour au travail au noir, la suppression de la protection sociale des personnes employées et une diminution des rentrées de cotisations sociales. Ces mesures se traduiront forcément non seulement par une baisse de ressources pour les familles que vous avez dites riches, mais aussi par la fragilisation d'une population qui commençait, après quelques années, à s'intégrer dans les circuits normaux du travail.
L'Assemblée nationale a évidemment atténué symboliquement la portée de la mesure concernant l'AGED, mais en introduisant une condition de ressources. Décidément, le problème des conditions de ressources est aujourd'hui le maître mot de la politique familiale !
La mesure la plus grave, qui représente 4 milliards de francs alors que les autres ne coûtent que quelques centaines de millions de francs, est évidemment la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Je ne résiste pas, madame la ministre, à vous lire quelques extraits de la lettre que, en ma qualité de président de la commission des affaires sociales du Sénat, j'ai reçue du président de la Caisse nationale des allocations familiales, M. Jean-Paul Probst.
Me transmettant l'avis rendu par le conseil d'administration de sa caisse, M. Probst m'écrivait ceci : « Vous constaterez l'opposition unanime »...
M. Charles Descours. « Unanime » !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... « des organisations familiales, patronales et syndicales à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
« Au moment où le Parlement va devoir se prononcer sur une mutation fondamentale de notre politique familiale, je souhaite vous redire les trois convictions qui sont celles de notre conseil d'administration.
« La première est que le déficit de la branche famille renvoie à un faisceau de causes complexes. »
Vous avez évoqué tout à l'heure, madame la ministre, l'imprévoyance du gouvernement précédent, qui a fait voter une loi sans prévoir les moyens de financement. Permettez-moi de vous renvoyer la balle et d'invoquer l'imprévoyance du gouvernement de 1988 qui, lorsqu'il a déplafonné les cotisations d'allocations familiales,...
M. Charles Descours. Tout à fait !
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... n'a pas fixé le taux qui permettait de retrouver le même niveau de ressources. Nous trainons depuis cette date, d'abord la disparition des excédents - il y avait à l'époque des excédents dans la branche famille - puis un certain nombre de déficits. Il faut donc que la justice soit distributive et que chacun ait son lot. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Probst poursuivait : « Procéder à une réforme structurelle de la politique familiale du seul fait du déficit de la branche famille alors que les causes de ce déficit ne font pas l'objet d'une analyse objective ne nous paraît pas une bonne décision.
« Notre deuxième conviction est qu'à tous les niveaux de revenus la venue d'enfants fait baisser le niveau de vie, qu'à tous les niveaux de revenus une famille supporte des charges au bénéfice de la collectivité, qu'à tous les niveaux de revenus une famille acquitte des cotisations d'allocations familiales. Afficher au contraire qu'une partie des familles n'a droit à aucune reconnaissance de la collectivité et à aucun retour de son effort contributif nous paraît grave pour l'avenir de la famille et grave »...
M. Alain Gournac. Très grave !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... « pour l'avenir de nos systèmes de protection sociale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
« Notre troisième conviction concerne enfin la méthode de la réforme. Celle-ci a été annoncée sans concertation et sans débat démocratique préalables. »
C'est la raison pour laquelle, grâce au président du Sénat, nous avons pu aujourd'hui organiser ce débat. (M. Machet applaudit.)
La mise sous condition de ressources des allocations familiales nous paraît grave parce qu'elle démantèle un principe fondamental de notre politique familiale, qui consiste à compenser les charges liées à la présence d'enfants afin de rétablir l'égalité entre les familles ayant des enfants à charge et celles qui n'en ont pas. Il ne s'agit pas de rétablir une justice horizontale entre les familles pauvres et les familles riches.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. En effet, s'agissant de ce dernier point, c'est l'impôt direct qui permet de rétablir l'égalité. Ne mélangeons donc pas tous les systèmes de péréquation ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Madame la ministre, si le texte que vous nous proposez est adopté, 350 000 familles se verront privées de toute allocation, ce qui représente un million d'enfants, et 35 000 autres familles ne percevront plus qu'une allocation différentielle.
Mes chers collègues, en plaçant les allocations familiales sous condition de ressources, le Gouvernement transforme radicalement la politique familiale. Les chiffres que je vais vous citer sont très importants : alors que 42 % des prestations versées par la Caisse nationale d'allocations familiales sont aujourd'hui soumises à des conditions de ressources, plus de 85 % des prestations familiales le seraient désormais si la proposition du Gouvernement était adoptée. C'est donc non pas une différence de degré, mais une différence de nature qui est introduite !
M. Charles Descours. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. C'est bien là un bouleversement total de la philosophie qui anime notre politique familiale.
Madame la ministre, le Gouvernement aborde ainsi une zone dangereuse : celle qui verrait un nombre croissant de Français contribuer lourdement, par leurs impôts et leurs cotisations, au financement d'un système de protection sociale dont les prestations leur seraient refusées.
M. Charles Descours. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Et en choisissant la famille, domaine qui devrait faire l'objet d'un consensus...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... tant les enjeux sont importants pour notre démographie, pour l'équilibre et le dynamisme de notre pays, le Gouvernement - je persiste à le dire - commet une erreur grave. Heureusement qu'il y a un parlement pour l'empêcher de la commettre !
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je crois que le Sénat s'opposera fermement à ce démantèlement de la politique familiale. La famille est non pas un coût pour la société, mais un investissement...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... qui assurera l'avenir de la collectivité nationale.
Dans le monde troublé d'aujourd'hui, la protection de la cellule familiale est une exigence et un impératif auxquels personne ne peut se soustraire.
Madame la ministre, j'ai noté que vous étiez prête, après une large concertation, à revoir l'ensemble du mécanisme et peut-être à transformer une mise sous condition de ressources en une fiscalisation des allocations familiales.
Nous avons évoqué ce point ce matin en commission. Il est bien clair que le troc d'un système pour l'autre nécessitera un « tuyau de raccordement » entre les deux systèmes. En effet, une fiscalisation des allocations familiales sans la mise en place d'un « tuyau de raccordement » vers la Caisse nationale d'allocations familiales serait une fausse réforme et aggraverait encore la situation.
Cela étant, j'ai noté votre accord pour essayer de rediscuter de cette question avec le Parlement, avec les organisations familiales et avec la Caisse nationale d'allocations familiales, dont le conseil d'aministration a émis à l'unanimité un avis défavorable à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Sensibles à votre souci de réduire le déficit de la branche famille, nous proposerons, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les moyens d'y parvenir sans pour autant remettre en cause les fondements de la politique familiale.
Unanimement attachés à la politique familiale, nous déplorons que les premiers gestes du Gouvernement vis-à-vis de cette catégorie essentielle de nos concitoyens consistent en quatre mesures, deux d'ordre fiscal et deux d'ordre social, qui remettent en cause les équilibres anciens. Or ce n'est pas un sujet que l'on peut traiter en comparant les riches et les pauvres ou telle région par rapport à telle autre, tant il est fondamental pour notre dynamique, pour notre présence dans le monde et pour notre développement démographique.
C'est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à voir ce débat déboucher sur une remise en question de cette mesure qui est mauvaise, et sans doute sur un réexamen plus raisonnable et plus serein de l'ensemble des thèmes que nous venons d'évoquer. En effet, on ne saurait ainsi, sous prétexte d'économies immédiates, compromettre l'évolution de toute notre société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRESIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 44 minutes ;
Groupe socialiste : 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Derycke. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer un témoignage : « Mes trois enfants sont placés en foyer ; ma fille de quinze ans ne veut plus me voir. Elle m'a dit le mois dernier : "Tu me fais honte." Je n'ai rien dit, mais c'est au fond de mon coeur ; je n'en peux plus. Personne ne voit les efforts que nous faisons. J'ai retrouvé un travail en contrat emploi-solidarité. Ce n'est toujours pas suffisant. »
Ce témoignage a été exprimé lors de la journée mondiale du refus de la misère.
Cette parole forte d'une mère en détresse et d'une adolescente murée dans son refus de la misère devait être entendue dans cet hémicycle en prélude à nos débats. Elle montre bien que politique sociale et politique familiale ne peuvent être dissociées.
Solidarité horizontale ou solidarité verticale ; taux de fécondité et politique nataliste ; égalité ou équité ; politique distributive ou égalitariste ; retour des femmes au foyer ou conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ; garde d'enfants à domicile ou modes de garde collectifs ; tous ces termes sont apparus depuis quelques mois sur le devant de la scène tant le débat autour de la famille semble aujourd'hui essentiel pour l'avenir de notre société.
Malheureusement, la réflexion, la confrontation légitime des idées, voire des conceptions différentes ont cédé le pas à l'insulte, aux accusations infondées et aux procès d'intention.
On a pu lire et entendre, ici ou là, et même dans notre enceinte : « la gauche massacre la famille », « la gauche assassine la famille », « la gauche s'en prend à la famille moyenne ». Bien évidemment, ces propos laissent entendre que le rempart, le recours des familles est la droite qui, seule, pourrait comprendre et défendre la famille.
M. Charles Descours. La CGT aussi !
Mme Dinah Derycke. Mais nul n'a le monopole de la famille ! C'est pourquoi, au-delà des discours, il faut juger les actes.
Faut-il rappeler que, depuis 1993, la droite alors au gouvernement, avec l'assentiment de la majorité sénatoriale, a multiplié les effets d'annonce sans dégager les moyens financiers nécessaires, comme l'illustre parfaitement la loi relative à la famille du 25 juillet 1994 ?
Faut-il rappeler, que ceux-là mêmes qui s'indignent aujourd'hui des projets du Gouvernement ont limité en 1995, puis gelé en 1996 la progression des prestations familiales, et que c'est à la gauche qu'il revient, après décision du Conseil d'Etat, d'honorer cette dette laissée par la droite ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Dinah Derycke. Faut-il rappeler que M. Juppé a gelé les plafonds de ressources pour les années 1996 et 1997, qu'il a assujetti les prestations familiales à la contribution pour le remboursement de la dette sociale à partir de l'année 1997 ? Qu'il a diminué, puis imposé les indemnités journalières de maternité et mis sous condition de ressources l'allocation pour jeune enfant ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Dinah Derycke. Faut-il rappeler encore la réduction de l'allocation de rentrée scolaire, le gel puis la réforme à la baisse des allocations logement, les restrictions à l'allocation de parent isolé ? Faut-il rappeler la hausse de la TVA, qui atteint particulièrement les familles les moins favorisées, celles qui ne peuvent pas épargner ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
A cette époque, la droite conservatrice ne trouvait pas ces mesures scandaleuses. Il est vrai qu'elles ne portaient atteinte qu'aux familles modestes ou en difficulté.
Enfin, faut-il rappeler que le gouvernement actuel a hérité d'une branche famille accusant un déficit de 13 milliards de francs en 1997, et sans doute de 12 milliards de francs en 1998 ? Ce déficit important, dangereux même pour l'avenir de la branche famille, paraît surprenant. Il ne peut être imputé ni à une hausse de la démographie ni à une revalorisation des prestations, comme nous venons de le voir. Il provient en réalité de la propension des gouvernements de droite à légiférer à crédit, voire à se laisser aller aux vieux démons idéologiques prônant insidieusement le retour des femmes au foyer par l'instauration d'un salaire maternel déguisé.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Exactement !
Mme Dinah Derycke. L'extension de l'aide parentale à l'éducation dès le deuxième enfant correspond à cette conception. Le succès de cette mesure ne relève pas d'un partage de cette conception par les familles, mais il tient à la situation économique.
A cet égard, dans son dernier rapport au Parlement, la Cour des comptes constate que cette prestation « aux objectifs insuffisamment définis... est à l'origine de la plus grande partie du déficit de la branche famille », puisqu'elle représente « la principale composante de la progression des dépenses induites par la loi famille ».
La Cour observe que « le succès de l'APE semble dû en grande partie à la dégradation de la situation du marché du travail féminin » et note que, « au-delà de son intérêt évident pour les femmes déjà inactives, cette prestation est attrayante pour les femmes en chômage faiblement indemnisé ou en fin de droits et pour celles qui occupent des emplois précaires ».
La Cour des comptes estime que cette mesure décidée sans étude préalable « a contribué à la détérioration du taux du chômage des femmes ».
Curieusement, ces observations fortes de la Cour des comptes n'ont pas trouvé d'écho dans la majorité de la Haute Assemblée. Le même silence a accueilli les critiques que formulait la Cour des comptes en 1996 sur les largesses de l'AGED, sur leur prise en charge excessive par les deniers publics, sur leur effet anti-redistributif, sur l'absence totale de professionnalisation de ces employées dont le travail est souvent détourné vers des tâches ménagères. Car, dans le même temps où elle réduisait le pouvoir d'achat de millions de familles modestes, la droite libérale au gouvernement a su faire preuve de générosité. C'est ainsi qu'elle a étendu puis fortement revalorisé l'AGED, allocation qui se révèle d'autant plus attractive qu'elle se cumule avec une réduction fiscale, elle-même considérablement augmentée.
Une politique généreuse, certes, mais pour les seules familles bénéficiant de revenus élevés, puisque l'AGED ne prend son plein effet que lorsque le ménage peut déduire de ses impôts, dans la limite d'un plafond de 90 000 francs, la moitié du salaire net versé.
Même si cela déplaît, il faut dire que l'aide publique annuelle pour une famille avec deux enfants et 500 000 francs de revenus nets peut s'élever à plus de 125 000 francs, dont 48 000 francs de prise en charge directe des cotisations salariales de l'AGED, une réduction de 24 755 francs au titre du quotient familial fiscal, à laquelle s'ajoute la réduction de 45 000 francs pour l'emploi à domicile. Bien entendu, cette famille perçoit environ 8 000 francs d'allocations familiales !
Avec une aide publique annuelle de 125 000 francs, l'effet redistributif est évident !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
Mme Dinah Derycke. Certes, on objectera que cette disposition a pour vocation de faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des femmes. Cela est vrai pour les rares bénéficiaires de cette mesure, mais ne peut s'appliquer aux personnes employées dans ce cadre. En effet, avec un salaire avoisinant généralement le SMIC, ces femmes employées à domicile ne peuvent évidemment pas recourir à cette possibilité. Comment font-elles pour garder leurs propres enfants ? Comment font ces millions de femmes qui perçoivent un salaire modeste et sont parfois contraintes à des horaires de travail discontinus ? La question mérite d'être posée.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Dinah Derycke. Un déficit important, périlleux pour le devenir même de la branche famille ; et un accroissement du nombre de familles en difficulté : tels sont les résultats de la politique familiale menée de 1993 à 1997.
Face à cette situation, il fallait réagir. Le Gouvernement l'a fait en prenant en compte la situation réelle de la majorité des familles.
Dès le mois de juin, il a engagé des efforts en matière de justice sociale et de solidarité. Ainsi, plus de 10 milliards de francs ont été consacrés à l'amélioration de la vie des familles les plus modestes. L'allocation de rentrée scolaire a été portée à 1 600 francs, contre 1 000 francs l'an passé, pour un coût de 6,7 milliards de francs au bénéfice d'environ cinq millions de personnes. De même, un fonds social doté de 250 millions de francs a été créé pour favoriser l'accès de tous les enfants aux cantines scolaires. Car, dans un pays riche comme l'est la France, quatrième puissance économique mondiale, des enfants ne mangent pas, ne mangent plus à leur faim !
Le barème des aides personnalisées au logement a été revalorisé au 1er juillet 1997, pour un montant de 2,5 milliards de francs. La réduction d'impôt pour frais de scolarité, dont la suppression était programmée, a été maintenue pour toutes les familles ayant des enfants au collège, au lycée ou à l'université. Enfin, l'allocation familiale sera maintenue dès 1998 pour les jeunes adultes de dix-neuf ans restant à la charge de leurs parents.
Ces correctifs immédiats et importants s'imposaient, mais restent insuffisants au regard du déficit prévu. Le plafonnement de l'AGED et la mise sous condition de ressource des allocations familiales répondent au souci de le limiter rapidement. Est-il scandaleux de réduire le montant de l'AGED pour 66 000 familles disposant d'un revenu convenable ? Est-il scandaleux de mettre sous condition de ressources les allocations familiales de familles de deux enfants disposant d'un revenu net de 300 000 francs lorsqu'un seul parent travaille, ou de 384 000 francs lorsque les deux parents travaillent ou s'il s'agit d'une famille monoparentale ?
En agissant ainsi, le Gouvernement s'en prend-il aux familles moyennes ? C'est ce que d'aucuns, parfois ici, ont voulu faire croire alors même que, comme l'ont montré les sondages, la majorité des Français n'a pas été dupe.
En effet, le mythe de cette famille moyenne a été créé de toutes pièces. Les statistiques de l'INSEE portant sur le revenu des ménages indiquent en effet qu'en 1993 le revenu net moyen annuel des ménages s'établissait à 172 000 francs et que la moitié des ménages en France disposaient de revenus annuels inférieurs à 140 000 francs. Nous sommes donc bien loin du seuil de 300 000 francs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Dinah Derycke. Autre indicateur : 94 % des 6,5 millions de locataires du parc HLM ont un revenu inférieur à deux fois le SMIC et, parmi eux, ils sont un million à disposer d'un revenu inférieur au SMIC. Nous sommes bien loin du débat sur l'AGED.
Telle est la situation réelle de l'immense majorité des familles.
D'ailleurs, le plafonnement des ressources existe déjà dans notre législation sociale, mais en sens inverse, par le bas, du fait de l'instauration des minima sociaux. C'est ainsi que les allocations familiales sont imputées sur le RMI, au même titre que les bourses universitaires.
Prenons le cas d'une famille RMIste qui envoie l'un de ses enfants à l'université. Ce dernier pourra bénéficier d'une bourse eu égard à la faiblesse des revenus familiaux, mais le montant de cette bourse sera imputé sur le montant du RMI, et la famille ne percevra aucune somme supplémentaire.
D'ailleurs, on apprend dans le numéro des Documents du 31 octobre 1997, édités par la revue Liaisons sociales, que la majoration du RMI pour un troisième enfant est beaucoup plus faible que la majoration correspondante des allocations familiales et le complément familial pour un ménage disposant de revenus plus importants.
Ne peut-on considérer qu'il s'agit bel et bien là d'un plafonnement à l'envers ? En quoi serait-il plus tolérable que le plafonnement par le haut ?
Il est vrai que le mouvement familial est attaché au principe de l'universalité des allocations familiales. Perçu comme un élément fondateur de la politique familiale en France, la remise en cause de ce principe peut légitimement troubler.
Le Gouvernement a entendu ces craintes et accepté que les mesures de plafonnement soient provisoires, dans l'attente d'une remise à plat de toute la politique familiale, programmée pour l'an prochain.
Il a annoncé clairement qu'aucun sujet ne serait tabou, qu'il s'agisse de la fiscalisation des allocations familiales ou de la réforme du quotient familial, dont on sait qu'il avantage particulièrement les familles les plus aisées.
Nous verrons, alors, si l'opposition au plafonnement relevait pour tous de la défense du principe de l'universalité ou, pour certains, de la défense financière de quelques privilégiés.
En attendant cette remise à plat, il ne faudrait pas, sous prétexte de défendre un acquis hérité de situations passées, s'opposer à la solidarité nécessaire qu'exigent les réalités d'aujourd'hui.
Oui, en cinquante ans, la famille a changé ! Elle s'est modifiée dans sa structure, mais aussi dans sa représentation. Elle n'en reste pas moins une composante essentielle de notre société. La politique familiale doit prendre en compte ces évolutions.
Le code de la famille de 1939 puis les lois sociales et familiales de 1945 et 1946 correspondaient à des logiques de développement de la natalité et de réconciliation des Français.
Pour ces raisons, les allocations ont été versées à tous, mais seulement à compter du deuxième enfant, avec une prime au troisième enfant. Le modèle familial de référence que le législateur voulait encourager était la famille constituée d'un couple marié, d'au moins trois enfants et où la mère restait au foyer.
M. Jean Chérioux. Il avait raison !
Mme Dinah Derycke. L'évolution des mentalités, l'aspiration à un épanouissement de chaque individu, le combat des femmes pour plus d'égalité, leur entrée massive sur le marché du travail, la maîtrise enfin possible de la fécondité, mais aussi la crise économique, avec le développement de la précarité et du chômage, ont profondément bouleversé le paysage familial.
La famille est désormais diversifiée : à côté de la famille nucléaire sont apparues la famille éclatée, la famille recomposée, la famille monoparentale.
M. Jean Chérioux. Ce ne sont plus des familles ; voilà le problème !
Mme Dinah Derycke. Il y a aujourd'hui environ 1 300 000 familles monoparentales, le parent seul étant presque toujours une femme. Ces familles forment un véritable bloc de pauvreté.
M. Dominique Braye. Vous avez tout cassé !
Mme Dinah Derycke. Toutefois, contrairement à ce que l'on a pu craindre, la famille n'est pas en crise. Elle reste, pour la majorité des Français, la structure de base de notre société.
Chacun peut observer qu'elle est le premier lieu où s'exprime la solidarité. Face à la crise économique, la famille a réagi en développant des réseaux d'entraide, que ce soit pour le logement des enfants majeurs ou la garde des jeunes enfants. Elle a également opéré des transferts importants de revenus entre les générations, des plus âgés vers les plus jeunes. Ces transferts, évalués à 130 milliards de francs, permettent de réduire, sinon de gommer, les effets dévastateurs de la crise économique.
Une politique familiale actuelle doit prendre en compte ces changements de comportement, sinon elle échouera.
Qu'on le veuille ou non, l'aspiration des femmes à travailler est irréversible ; qu'on le veuille ou non, la volonté des parents est de n'avoir que les enfants qu'ils pourront élever décemment, dignement, et auxquels ils pourront préparer un avenir ; qu'on le veuille ou non, le choix d'avoir un nouvel enfant est subordonné au maintien de conditions de vie acceptables pour les autres membres de la famille.
Mme Gisèle Printz. Très bien !
Mme Dinah Derycke. Réformer en profondeur la politique familiale obligera à faire des choix, à arbitrer entre des conceptions qui pourront apparaître conflictuelles ou parfois contradictoires.
Nous ne pouvons pas nous désintéresser de la baisse de la démographie et des conséquences lourdes qu'elle entraînera.
L'allocation au premier enfant, au-delà de son effet de justice sociale, ne serait-elle pas judicieuse pour avancer la date de la première naissance et aider les jeunes couples ?
Sur quelles ressources doit reposer notre politique familiale : sur la cotisation, avec la définition d'une nouvelle assiette, sur l'impôt ou sur une combinaison de ces deux systèmes ? Le chantier est ouvert.
M. Philippe François. Les enfants, ce n'est pas un problème d'argent !
Mme Dinah Derycke. Le nouveau projet doit être élaboré le plus largement possible, dans la plus grande concertation. Il serait dramatique qu'il soit confisqué par quelques-uns, qui s'érigeraient indûment en seuls défenseurs de la famille, d'autant que la politique familiale ne peut être réduite à l'octroi des seules prestations sociales. Elle ne peut qu'être globale ; elle doit aussi être cohérente.
C'est ainsi que le logement constitue le souci prioritaire de bien des familles et un frein à leurs possibilités ou à leur désir d'agrandissement.
Les décisions prises en faveur du logement social dès le mois de juin vont dans le bon sens, de même que le projet de budget pour 1998, qui prévoit la construction massive de logements sociaux, y compris pour les plus démunis.
Mme Gisèle Printz. Absolument !
Mme Dinah Derycke. Ce budget rompt totalement avec les précédents, que, pourtant, la majorité sénatoriale a approuvés sans états d'âme.
Le plan emploi-jeunes, refusé par la majorité de notre assemblée, contribue aussi à l'amélioration de la vie des familles.
Disposer d'un emploi et d'un revenu pour au moins cinq ans permet à chaque jeune de développer un projet de vie et, s'il le souhaite, de fonder un foyer.
Ce plan permettra également de développer des services de proximité pour un meilleur confort de vie. Le développement des activités périscolaires apportera une solution supplémentaire au difficile problème de la garde des enfants.
Dans ce secteur, les besoins sont immenses. Aucune politique familiale ne sera efficace tant que cette question n'aura pas été résolue.
Préoccupations fortes des familles, l'éducation, la formation disposeront d'un budget en augmentation, en 1998. Les mesures de la dernière rentrée scolaire, l'annonce d'un plan Université 3000 garantissent le retour, avec le gouvernement de la gauche, de la priorité éducative.
En fait, toutes les politiques ont des répercussions ou des incidences sur la vie des familles. On pourrait citer, en tout premier lieu, les politiques sociales, l'assurance maladie, la prévention et la santé, mais aussi l'environnement ou même le développement du tourisme social.
Les mutations du monde du travail seront également lourdes de conséquences sur l'évolution des familles.
On ne peut en effet parler de politique familiale et, au nom du libéralisme et de la compétitivité des entreprises, se contenter du niveau actuel des salaires.
On ne peut parler d'épanouissement au sein de la famille et vouloir imposer une flexibilité excessive du travail qui empêcherait les membres d'une même famille de partager une communauté de vie.
On ne peut parler de politique familiale et s'opposer, par principe, à la réduction du temps de travail pour tous.
Tous ces aspects participent de la construction d'une véritable politique familiale.
Projet ambitieux, sans doute ! Projet irréaliste, peut-être !
Projet politique, au vrai sens du terme, puisqu'il organise la vie de la cité et que nos familles constituent le coeur même de la cité.
Projet politique puisqu'il a pour objet d'organiser la solidarité et la redistribution plus juste des richesses produites.
Madame la ministre, les premières mesures prises cet été par le gouvernement de gauche auquel vous appartenez sont la preuve évidente de l'intérêt porté aux familles.
M. Charles Descours. Elles l'ont dit, d'ailleurs !
Mme Dinah Derycke. C'est donc avec confiance que les socialistes et le groupe socialiste du Sénat aborderont, à vos côtés, cette réforme essentielle pour l'immense majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Larché.
M. Jacques Larché. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j'irai à l'essentiel de ce débat.
En cet instant, madame le ministre, je ne rougis pas de défendre les 400 000 familles et le million d'enfants auxquels vous allez purement et simplement, au-delà des astuces de langage, supprimer les allocations familiales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
De cette suppression, je dirai simplement qu'elle est fondamentalement inconstitutionnelle, et je vais m'efforcer de le démontrer. D'ailleurs, je vous l'annonce par avance, dans la mesure où, comme je le crains, vous inscrirez dans la loi de financement de la sécurité sociale et dans la loi de finances les dispositions que vous nous avez annoncées, nous déférerons ces textes au Conseil constitutionnel pour les raisons que je vais indiquer.
Il existe deux fondements au bloc de constitutionnalité : tout d'abord, ce qu'il est convenu d'appeler - c'est dans la Constitution - les lois et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; ensuite, le bloc de constitutionnalité lui-même.
Les allocations familiales - c'est un premier point - font partie sans aucun doute de ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il faut entendre par là une disposition qui a pour elle le maintien d'une certaine antériorité et en quelque sorte son inscription dans un tableau législatif permanent.
Je ne reviendrai pas sur tous les textes successifs, mais il y a dans ces principes fondamentaux et dans les textes qui les ont reconnus quelques éléments auxquels il faut s'attacher.
Il y a, tout d'abord, l'important décret du 29 juillet 1939. Il y a, ensuite, reprenant les idées qui étaient annoncées, un excellent propos de notre collègue Michel Rocard, alors ministre du Plan, qui est coutumier de phrases que nous nous plaisons parfois à reprendre : « L'enfant est porteur d'une créance, d'un droit sur la collectivité du seul fait de son existence. Ce droit est identique pour tous les enfants, quels que soient leur rang dans la famille, les revenus ou l'état matrimonial de leurs parents... » (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. C'est une belle déclaration !
M. Jacques Larché. Cette philosophie que reprenait Michel Rocard dans le Plan dont il était responsable était très bien résumée dans une phrase extraite du rapport au Président de la République introduisant le décret du 29 juillet 1939 : « L'aide à la famille est égale pour tous les Français, à quelque classe qu'ils appartiennent ; elle est due en contrepartie à la contribution solidaire de tous les Français, quelle que soit leur profession. »
Vous supprimez donc l'allocation familiale et ce faisant - c'est bien là votre intention - vous allez à l'encontre des principes fondamentaux qui ont été reconnus par les lois de la République.
Je vous rappelle d'ailleurs - nous le savons ici - que c'est en nous appuyant sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République que nous avons, contre la volonté des gouvernements de votre tendance, sauvé la liberté de l'enseignement. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Larché. Mais le droit aux allocations familiales - c'est un second point - est plus qu'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Depuis 1946, il s'ancre sur la Constitution elle-même, plus précisément sur deux alinéas.
Ainsi, le dixième alinéa dispose que : « La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » Notez bien cette phrase, madame le ministre, car nous aurons peut-être l'occasion de nous en servir en d'autres occasions, si j'en crois, l'annonce de certains projets !
Quant au onzième alinéa, il prévoit que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs... ».
Le droit aux allocations familiales ne peut pas être isolé. Il est exactement de même nature que le droit à la protection de la santé, garanti, lui aussi, par le préambule de la Constitution de 1946.
Dans la ligne de ce que vous nous proposez, à savoir la mise sous condition de ressources, allez-vous nous suggérer de supprimer le droit à l'assurance maladie pour un certain nombre de Français en fonction de leurs ressources ?
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux. Les riches !
M. Jacques Larché. Cela aurait exactement le même fondement juridique ou, plus exactement, cela serait caractérisé par la même absence de fondement juridique.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Jacques Larché. Le législateur est fondé, bien évidemment, à organiser la mise en oeuvre des droits reconnus par le préambule de la Constitution de 1946. Mais s'il est une chose qu'il ne peut pas faire, c'est de les supprimer pour quelque raison que ce soit.
Le Conseil constitutionnel, et nous nous appuierons sur ses décisions, a déjà censuré des dispositions qui méconnaissent le droit à la protection sociale, au rang desquelles il faut faire figurer les allocations familiales au motif qu'elles avaient pour effet, non pas d'organiser la mise en oeuvre des droits reconnus par le préambule, mais tout au contraire d'en priver les intéressés. La suppression du droit aux allocations familiales pour certaines familles ébranlerait de manière certaine un des piliers de la sécurité sociale à laquelle vous êtes encore attachée, du moins l'espérons-nous.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations que je voulais présenter dans le laps de temps dont je dispose. Je suis allé à l'essentiel.
Ma conception du rôle du Conseil constitutionnel vous est connue. Je n'ai jamais critiqué aucune des décisions prises par le Conseil constitutionnel. Il m'est arrivé de regretter qu'il soit saisi trop souvent, jusqu'à devenir une sorte d'arbitre de nos débats, alors que la souveraineté du Parlement doit être sauvegardée aussi souvent que possible.
Je me suis pourtant toujours associé personnellement à ces quelques recours que nous avons faits devant le Conseil constitutionnel. Ils exprimaient notre attachement à la défense d'un certain nombre de valeurs auxquelles nous croyons et que le Conseil constitutionnel est capable de protéger.
Cette démarche, nous l'entreprendrons et nous pensons - je l'espère en tout cas - que le Conseil constitutionnel saura reconnaître la qualité de notre démarche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Madame le ministre, le début de votre discours comportant l'approbation, l'exaltation de ce qu'est le rôle de la famille ne pouvait que toucher nombre d'entre nous, pour ne pas dire tous ceux qui siègent sur ces travées.
Nous avons de la famille la même conception que vous. Nous avons de son rôle dans la société la même exaltation intellectuelle et morale. Nous avons de son rôle dans la transmission des valeurs, je crois, la même ambition pour les générations qui vont nous suivre.
C'est la raison pour laquelle je suis de ceux qui se sont réjouis que ce débat puisse s'ouvrir ici, spécialement centré sur l'idée que nous nous faisons de la famille et sur la manière, de gouvernement en gouvernement, dont on essaie d'en gérer les aspects éducatifs. Et c'est là, madame le ministre, où je me trouve quelque peu en désaccord avec certains des propos qui ont été tenus à cette tribune par vous-même ou par l'orateur qui s'est exprimé au nom du groupe qui vous soutient le plus, pour ne pas dire le seul en cette matière. (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Philippe François. Le seul !
M. Paul Girod. Si vous le permettez, parce que, selon vous, la façon de mener une politique familiale est une exception française, je ferai un retour en arrière, et remonterai au début du siècle dernier, en considérant ce qu'était à l'époque la population des pays d'Europe. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de rappeler ces chiffres dans un débat relatif à l'aménagement du territoire. Peut-être notre collègue M. Hoeffel s'en souvient-il puisque, à l'époque, il était au banc du Gouvernement.
L'Europe occidentale, l'Europe tout entière, Russie comprise, comptait à peu près un habitant à l'hectare cultivable. Cela donnait vraisemblablement la mesure de ce que pouvait être la limite de la famine dans cette partie du monde.
Ce qui est intéressant, c'est l'évolution des populations dans les pays d'Europe à partir de ce point de repère uniforme. Or, bizarrement, la France a été un pays de faible émigration, un pays de forte immigration et, cependant, la population française n'a été multipliée, entre 1800 et 1950, que par 1,5 environ, toutes immigrations incluses, alors que les autres pays d'Europe connaissaient des coefficients d'augmentation de quatre à douze, toutes émigrations assumées.
Cela revient à dire, de manière simple, qu'il existait dans notre pays un problème de natalité qui ne se posait nulle part ailleurs dans les mêmes termes.
Je suis de ceux qui pensent que, si les patrons et l'Etat ont pris ensemble, après l'effroyable saignée de la guerre de 1914-1918, la mesure du problème et un certain nombre d'initiatives, cela allait au-delà de la fabrication d'une main d'oeuvre dont vous avez dit tout à l'heure qu'elle était probablement l'objet de l'opération.
On a assisté, me semble-t-il, à un véritable réflexe de survie civilisatrice de notre nation qui, devant un problème qui lui était particulier, a mis en place un système spécifique. Dans ce système, l'enfant était considéré comme étant un être en devenir, éventuel fournisseur de cotisations pour les régimes vieillesse. Mais je ne crois pas qu'on se soit posé le problème en ces termes à l'époque !
M. Philippe François. Certainement pas !
M. Paul Girod. L'enfant était bel et bien un véritable citoyen en devenir, qui avait des droits dès sa naissance.
Madame le ministre, je suis un peu surpris, sur le fond, comme sur la forme ou sur les conséquences, des décisions que vous voulez prendre.
Les allocations familiales, selon vous, ce n'est pas une politique d'assurances. Je partage ce sentiment et ce que je viens de dire précédemment va dans ce sens. Peut-on pour autant relativiser les droits à cette prestation ? Ma réponse est négative, d'abord pour les raisons de fond que je viens d'exposer, ensuite compte tenu des conséquences immédiates qu'entraînerait cette relativisation. Elle ne concernerait, selon vous que 30 000 familles, 400 000 pour M. Fourcade. Je suis plutôt proche de ce dernier chiffre que du premier.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'en liant cette disposition à trois autres mesures que vous annoncez, mais surtout à deux d'entre elles, vous allez perturber de manière profonde, au-delà des familles - dont vous jugez plutôt, à priori, que leur situation financière mérite, je ne dis pas qu'on les mette au ban de la nation, mais en tout cas qu'on les juge comme étant hors solidarité ou hors préoccupation du style de celles que je viens d'exposer - les circuits économiques qui sont entre les mains de ces familles-là, avec des conséquences inattendues.
Combien de familles moyennes, super-moyennes, moyennes au-dessus, moyennes en-dessous, qui, étant entrées dans le chemin de l'accession à la propriété pour loger une famille relativement nombreuse, ont-elles vu leur banquier, pour accorder le prêt, intégrer le montant des allocations familiales - qui vont disparaître du jour au lendemain - dans leur revenu ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe François. C'est une mesure typiquement marxiste !
M. Ivan Renar. Pauvre Marx !
M. Paul Girod. Quelles vont être les conséquences sur l'économie de ces familles-là ? Quelle va être la conséquence, sur le marché de l'emploi, de la réduction brutale et unilatérale de l'AGED ? Derrière le marché de l'emploi, il y a les employés !
Quelle sera donc la conséquence de cette mesure sur le marché de l'emploi alors que l'on consacre par ailleurs 100 000 francs, dont 20 000 francs à la charge des collectivités locales, à des emplois plus ou moins artificiels destinés en partie à satisfaire des besoins nouveaux nés de la suppression des emplois familiaux ?
Comment peut-on affirmer qu'il est normal d'attribuer 100 000 francs à un emploi de ce type et, dans le même temps, trouver anormal de consacrer 45 000 francs à un emploi stabilisé au sein d'une famille ? Où est la logique ? Quelles seront les conséquences sur le marché de l'emploi ?
Je suis d'autant plus inquiet, madame le ministre, que vous justifiez vos décisions par des affirmations que je trouve, pour ma part, curieuses.
Vous avez dit que le Gouvernement s'engagerait dans la protection des enfants qui ne peuvent pas manger à la cantine. Vous avez certainement raison, mais êtes-vous sûre d'avoir analysé ce qui se passe sur le terrain, d'avoir mesuré le rôle des caisses d'allocations familiales, des centres communaux d'aide sociale et des départements ?
La somme que vous avez annoncée à l'échelon national, divisée par 100 puisque mon département représente 1 % de la population nationale, constitue 1 % des crédits consacrés par mon département à cette action. Ce petit résultat vaut-il tant de perturbations ?
M. Dominique Braye. C'est de la mousse !
M. Paul Girod. Madame le ministre, je vous ai entendu dire tout à l'heure que vous aviez quadruplé l'allocation de rentrée scolaire.
M. Philippe François. Aux dépens de qui ?
M. Dominique Braye. Et pourquoi faire ?
M. Paul Girod. Vous l'avez fixée à 1 600 francs. Quelques instants après, dans le même discours, vous avez signalé que l'allocation de rentrée scolaire avait été abaissée à 1 000 francs en 1996.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non !
M. Paul Girod. Si, madame le ministre, je vous ai écouté avec une attention scrupuleuse : vous avez bien dit que vous aviez quadruplé l'allocation de rentrée scolaire et, quelques instants après, qu'elle avait été ramenée à 1 000 francs en 1996 !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle a été quadruplée par rapport à son montant moyen qui est de 400 francs !
M. Paul Girod. Madame le ministre, sur ce point, honnêtement, je ne peux pas vous suivre. Cette allocation avait été portée à 1 500 francs. Vous vous êtes indignée qu'elle ait été ramenée à 1 000 francs et vous nous dites qu'elle quadruple en passant à 1 600 francs ! (Sourires.) Il y a là une opération mathématique qu'il faudra expliquer aux Français avec un peu plus de documentation que celle que je possède. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Que l'on remette à plat la politique familiale ne me choque pas, mais je crains que la précipitation et le caractère sommaire des mesures envisagées n'entraînent d'énormes perturbations que vous aurez ensuite beaucoup de mal à gérer et que les familles auront énormément de mal à assumer.
J'aurais de beaucoup préféré que l'on pose tranquillement ce problème, que l'on ne s'abrite pas derrière des déficits sur lesquels il y a beaucoup d'analyses à faire...
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Paul Girod. ... - je crois que cela a été fort bien dit tout à l'heure - et, par conséquent, qu'on essaie de maintenir la situation en posant le problème de façon approfondie plutôt qu'en se contentant de mesures que je crains malheureusement trop caricaturales, trop absolues, et trop groupées pour qu'elles n'aient pas ensuite des conséquences parfaitement dommageables pour l'équilibre psychologique de nombreuses familles et pour l'équilibre du marché de l'emploi dans les conditions que j'ai indiquées tout à l'heure. (Bravo ! Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en annonçant le 19 juin dernier la mise sous condition de ressources des allocations familliales, M. le Premier ministre a provoqué un vif débat sur la politique familiale, certes, mais aussi et plus largement, me semble-t-il, sur la justice sociale.
Ces débats ont été et restent nécessaires, et vous en convenez, madame la ministre, puisque le Gouvernement à décidé de remettre à plat la politique familiale en 1998 et n'exclut pas de revenir, dans cette optique, sur les mesures prises cette année. Je vous en remercie.
Comme vous le savez, nous souhaiterions que la mise sous condition de ressources ne soit pas retenue, dans la mesure où cette remise à plat n'a pas eu lieu.
Je m'empresse de dire que notre opposition à cette disposition ne s'apparente en rien à celle de la droite. Ceux-là mêmes qui, à l'Assemblée nationale, se sont déchaînés contre votre projet de loi et qui se présentent comme les défenseurs de la « famille française » - ils le font ici plus courtoisement (Sourires) - sont bien mal placés pour le faire.
M. Alain Vasselle. Merci pour la courtoisie !
M. Guy Fischer. Cela cache quelque chose !
Mme Nicole Borvo. M. Juppé endosse, si je puis dire, la paternité de la mise sous condition de ressources et de la fiscalisation des allocations, même s'il a dû y renoncer. En outre, c'est la précédente majorité qui a mis sous condition de ressources l'allocation pour jeune enfant, c'est elle qui a refusé de revaloriser les allocations familiales dans les années 1993 à 1996, comme l'y obligeait pourtant la loi, ce qui a valu à l'Etat d'être condamné par le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, depuis que Mme Veil a fait voter la loi « famille », la branche famille de la sécurité sociale a été constamment en déficit.
Ceux-là mêmes qui s'insurgent contre la réforme de l'AGED, dont le financement est d'une injustice flagrante puisqu'elle profite aux plus hauts revenus, dirigent quantité de villes où le manque de crèches et de moyens de garde collectifs est flagrant. A Paris, 47 % des besoins en crèches, plus encore dans certains quartiers populaires, ne sont pas couverts. Y remédier serait, soit dit en passant, créateur d'emplois, et cela semble vous préoccuper, messieurs !
Aussi, bien des familles à salaire moyen qui souhaiteraient recourir à un mode de garde collectif sont dans l'obligation, parfois pendant un certain laps de temps, d'employer une personne à domicile. De ce point de vue, la modulation de la réforme proposée par le Gouvernement est effectivement nécessaire.
J'ajoute que la précédente majorité a divisé par quatre l'allocation de rentrée scolaire, gelé les allocations logement et que le bilan de son action en termes de chômage et de salaire, a gravement mis en cause la situation de nombreuses familles.
En réalité, la politique familiale que la droite défend aujourd'hui avec tant de verve est sélective et quelque peu suspecte.
Lors du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, on a pu constater que certains membres de l'opposition n'hésitaient pas à flatter l'extrême droite, si j'ai bien compris les propos de M. François Coulard, qui se demande « si le Gouvernement compte sur l'immigration pour redresser la France » et de M. Bernard Accoyer qui, lui, « pressent que les régularisations de clandestins ont contribué au déséquilibre des comptes de la nation ». Ils préfèrent peut-être que les travailleurs clandestins le demeurent tels, en dehors de toute cotisation à la sécurité sociale, au plus grand profit de leurs employeurs.
Ce discours, c'est certain, profite exclusivement au parti de M. Le Pen. Il rappelle les pires époques et il a le tort de méconnaître notre histoire et la réalité. Mme Triballat, démographe, ne souligne-t-elle pas que « sans l'immigration de l'après-Deuxième Guerre mondiale, la France serait un pays très vieux comptant 43 millions d'habitants ». Qui peut dire si la sécurité sociale serait en équilibre ?
Cette mise au point étant faite, il va de soi que notre opposition à la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'a pas pour objet de défendre les familles les plus aisées, mais qu'elle vise à préserver l'équilibre de notre système de protection sociale.
Celui-ci reposait sur trois grands principes : il se voulait universel en étant ouvert à tous, unique en regroupant la famille, la maladie, la vieillesse, les risques liés au travail, et uniforme, les prestations et les soins étant identiques pour tous.
Ainsi, les principes d'égalité et de solidarité sur une base horizontale nationale - c'est son originalité - sont intimement liés : chacun cotise en fonction de ses moyens pour recevoir selon ses besoins. Cette conception de la solidarité nationale s'oppose tout à la fois à la logique d'assistance et à la logique assurantielle, qui se combinent en d'autres lieux avec les effets que l'on sait.
Vous prenez l'engagement de ne pas étendre la mise sous condition de ressources à d'autres prestations, notamment à la santé.
Nous pensons, quant à nous, qu'il faut se garder de faire un premier pas dans quelque domaine que ce soit.
M. Charles Descours. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Je vous en prie ! J'ai pris la précaution de dire que je ne souhaitais pas de rapprochement malvenu !
M. Alain Gournac. On a le droit de vous féliciter !
Mme Nicole Borvo. Certes, les conditions ont changé depuis 1945. Les besoins de financement sont bien différents, mais la mise sous condition de ressources ne nous paraît ni contribuer à la justice sociale, ni accroître les moyens de financement. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Tout d'abord, vous en conviendrez, cette mesure est abordée davantage en termes de résorption de déficit - ce qui devrait vous faire plaisir - et de réduction des dépenses publiques qu'en terme de financement durable et de justice sociale.
M. Alain Vasselle. On est d'accord avec vous !
Mme Nicole Borvo. Le parallélisme entre cette mesure et le triplement de l'allocation de rentrée scolaire ne tient pas ; en effet, cette dernière n'est pas une prestation légale et n'est pas financée par les caisses d'allocations familiales.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo. En revanche, si certains salaires ne donnaient plus droit aux allocations, la tentation de supprimer les cotisations serait grande. En effet, les allocations des salariés dont le salaire est élevé sont, tout de même, la contrepartie de leurs cotisations.
La question est d'autant plus sérieuse - vous le constaterez, messieurs, je ne suis pas d'accord avec vous - que la branche famille était, à l'origine, la seule à être uniquement financée par les cotisations patronales. Or, de plus de 16 points dans les années cinquante, elle est descendue à 5,4 points actuellement. Le patronat a déjà obtenu la suppression des cotisations pour les salaires inférieurs à 1,33 fois le SMIC et exprime clairement sa volonté de s'en débarrasser et d'obtenir la fiscalisation de la branche famille.
Le résultat à attendre est donc un tarissement de la source de financement actuel, ce qui pénalisera encore plus les familles les plus défavorisées, le recours à la fiscalisation enfermant encore davantage la protection sociale dans les choix budgétaires de tel ou tel moment. Nous y sommes défavorables et nous souhaitons obtenir des assurances sur ce point.
Pour ce qui concerne la justice sociale, limiter l'accès aux allocations familiales est tout aussi dangereux. Le plafond, nous le savons - hélas ! - devient vite le plancher, ce qui a pour résultat, contrairement à l'objectif assigné, de prendre pour cible les revenus moyens plutôt que les revenus élevés.
Permettez-moi de citer M. Jean-Jacques Dupeyroux, qui, dans un article récent, dépense de louables efforts pour soutenir la mise sous condition de ressources, mais qui commence par dire : « certes, la réduction des droits des catégories modestes est toujours qualifiée de "réforme courageuse", alors que les atteintes aux droits des nantis sont toujours de lamentables erreurs économiques : vieille chanson ! »
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Dupeyroux s'est souvent trompé !
Mme Nicole Borvo. Enfin - c'est une raison supplémentaire de ne pas vous suivre aujourd'hui, madame la ministre - la mise sous condition de ressources rompt la confiance en une politique familiale durable.
Aussi, si je me réjouis de ce que le débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale ait permis, grâce, notamment, aux nombreuses interventions du groupe communiste l'adoption d'un amendement qui en fait une mesure transitoire, encore que le délai demande à être précisé, je me permets de souhaiter que cette mesure soit purement et simplement retirée... (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), ne serait-ce que pour éviter la mise en place de dispositions techniques onéreuses sur lesquelles il faudrait revenir.
D'autres moyens existent pour financer le déficit actuel : comme la réduction des charges incluses da la branche famille...
M. Ivan Renar. Très bien !
Mme Nicole Borvo. ... ou le relèvement un tant soit peu de la cotisation patronale. Je pense que vous n'êtes pas d'accord ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar. Les tentatives de rapprochement s'arrêtent vite !
M. Guy Fischer. Maintenant, vous êtes muets !
M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme Borvo conclure !
Mme Nicole Borvo. J'en viens maintenant à des propositions.
Si l'on veut revoir la politique familiale pour aller vers plus d'efficacité et de justice sociale - je crois que vous êtes d'accord, madame la ministre - il faut à coup sûr tenir compte des évolutions de la société : de l'urbanisation, du travail des femmes, des familles moins nombreuses, de l'allongement de la scolarité, des familles éclatées, des familles monoparentales.
Permettez-moi de le dire, il faut tenir compte de la crise sociale qui fait qu'aujourd'hui sept millions de Français éprouvent de grandes difficultés d'emploi.
Il faut évidemment tenir compte du droit des femmes, tant au travail qu'à la maternité choisie, des droits de l'enfant qu'il convient d'évoquer à quelques semaines de la Journée des droits de l'enfant, mais aussi de la situation sociale actuelle qui fait que de nombreuses familles ont de plus en plus de mal à vivre tout simplement en famille.
En premier lieu, nous pensons qu'il serait juste de revaloriser les allocations familiales pour les porter à 800 francs contre 671 francs aujourd'hui pour deux enfants, et de les faire verser dès le premier enfant. Je me réjouis que vous sembliez l'envisager.
Le versement des allocations familiales dès le premier enfant aurait sans doute des effets démographiques positifs. Il rendrait possible aux femmes qui le souhaitent d'avoir un enfant plus tôt. En effet, l'âge moyen de la première naissance est de vingt-neuf ans. Il permettrait également de participer à la compensation des charges et des contraintes spécifiques attachées au premier enfant.
Cette mesure coûterait 14 milliards de francs, chiffre à mettre en rapport avec celui des exonérations de cotisations familiales des entreprises prises en charge par le budget de l'Etat et dont le montant est de 20 milliards de francs.
Le financement doit s'inscrire, à notre sens, dans une réforme d'ensemble du financement de la protection sociale, destinée à taxer les revenus financiers et, d'abord, ceux des entreprises et des institutions financières - qui ne payent rien et notamment pas la CSG -...
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Nicole Borvo. ... ainsi que les revenus financiers des particuliers, en excluant, bien sûr, l'épargne réellement populaire.
Nous proposons une modulation des cotisations patronales fondée sur le rapport entre salaire et valeur ajoutée visant à pénaliser les entreprises qui suppriment des emplois pour spéculer et à favoriser celles qui créent des emplois.
M. Ivan Renar. Ce ne serait que justice !
Mme Nicole Borvo. Je me réjouis que vous acceptiez d'examiner cette proposition.
Parallèlement, et plutôt que de mettre sous condition de ressources les allocations familiales, ne serait-il pas raisonnable de réexaminer le plafond du quotient familial de l'impôt sur le revenu, actuellement fixé à 55 000 francs de salaire mensuel pour une famille de deux enfants, ou de réfléchir au remplacement de ce quotient familial par un abattement sur le montant de l'impôt pour chaque enfant ? Ce serait une réelle mesure de justice sociale puisque, aujourd'hui, il profite de trois à quatre fois plus, selon le nombre d'enfants, aux familles les plus riches qu'à celles dont les revenus sont modestes. Il semble, madame la ministre, que vous n'y soyez pas hostile.
L'Etat assumerait ainsi son rôle redistributif, ce qui permettrait de ne pas confondre politique redistributive et politique familiale.
M. Guy Fischer. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Les gains financiers d'une réforme du plafond sont estimés à 70 milliards de francs, soit autant que le montant actuel des allocations familiales.
Personne ne pense sérieusement que c'est uniquement en fonction du niveau des allocations familiales que les familles décident d'avoir ou non des enfants.
Cependant, le développement d'une politique familiale ambitieuse a des répercussions sur le nombre des naissances. C'est l'un des mérites de la politique familiale de notre pays. Nous ne devons pas y renoncer. C'est le cas de pays comme la Suède ou le Danemark, qui tentent de concilier vie professionnelle et vie familiale des couples. Cela correspond à un besoin, en France, puisque le taux de natalité est inférieur à 2, alors que le « désir d'enfant » y est estimé à 2,5.
Dans ce cadre, il faut répondre aux besoins des couples qui travaillent et donc tenir compte du droit des femmes à une activité professionnelle.
Le rétablissement de l'allocation jeune enfant sans condition de ressources serait bienvenu. Mais d'autres besoins existent, également, notamment en crèches collectives et familiales, en équipements adaptés et mieux répartis géographiquement pour rendre possible l'accueil en maternelle des enfants de deux ans quand les familles le souhaitent.
Mais aussi, et je dirai surtout, la réduction du temps de travail à laquelle le Gouvernement s'est engagé assurerait plus d'emplois aux jeunes en âge de fonder une famille, plus d'espoir pour les enfants, mais aussi plus de temps pour les familles.
Nous pensons enfin que la politique familiale doit, par des mesures spécifiques, participer à une politique de progrès social qui s'attaque résolument aux cancers de l'exclusion et de la désagrégation des liens sociaux.
La priorité de toute politique familiale est de garantir à tous les enfants un niveau de vie minimum, des droits réels à la scolarité, à la santé, donc à la prévention et à l'aide aux familles, aux vacances.
Cela doit être assuré en France par un niveau important des prestations gratuites, à l'école par exemple, par des prestations à prix réduits pour les familles les plus en difficulté - cantines scolaires, colonies de vacances, activités périscolaires - enfin, par des compléments d'allocations familiales à ceux qui en ont le plus besoin - complément familial, allocation logement, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé - ou par des mesures spécifiques pour les enfants victimes de handicaps.
Dans ce cadre, la revalorisation de l'APL, le quadruplement du montant de l'allocation de rentrée scolaire, la création d'un fonds pour l'accès aux cantines scolaires, le financement de la réhabilitation de 120 000 logements supplémentaires, le rétablissement de la réduction d'impôt pour dépenses de scolarité et l'instauration des 35 heures sont autant d'éléments positifs pour la mise en place d'une autre politique familiale. Nous approuvons et nous approuverons, madame la ministre, tout ce qui va dans ce sens.
Enfin, d'autres questions sont à prendre en considération. L'attribution de logements décents pour les familles monoparentales, dont 22 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, en fonction de leur situation réelle, et un accueil des enfants qui soit plus adapté à leurs situations sont également urgents.
Comme l'a déclaré le Conseil économique et social lors du débat sur le précédent projet de loi sur la cohésion sociale ; « La famille constitue le premier lien de socialisation et de solidarité. A ce titre, elle doit être soutenue dans son rôle de prévention de l'exclusion. » Il faut donc tout mettre en oeuvre, « plus précocement, pour soutenir les parents dans leur rôle éducatif et mieux prévenir les ruptures en amont ».
Le niveau des minima sociaux doit être revu afin de ne pas pénaliser les familles, comme c'est le cas actuellement quand, par exemple, les allocations familiales sont déduites du RMI versé.
Il convient également de mettre fin aux expulsions des familles pour raisons économiques en évitant que lesdites familles ne se trouvent en situation d'être expulsées. Quelle image de la société pour les enfants qui se retrouvent dans la rue avec leur baluchon, après le passage des huissiers et des policiers !
Il importe, enfin, de garantir un minimum de ressources non saisissables en tenant compte du fait familial.
Voilà, madame la ministre, très brièvement exposés les axes d'une politique familiale que le groupe communiste républicain et citoyen développera à l'occasion du débat sur le financement de la sécurité sociale, et lors d'un débat en profondeur sur la politique familiale, que nous souhaitons proche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame le ministre, vous vous posez en égérie d'une nouvelle politique de solidarité familiale. (Sourires sur les travées socialistes.) Soit ! Mais permettez-moi de vous dire que votre politique me fait furieusement penser à ce que disait Jules Romains lorqu'il dénonçait « l'art d'arriver par n'importe quels moyens à une fin dont on ne se vante pas ».
Car, sous le masque d'une prétendue politique sociale de redistribution, les mesures que vous programmez marquent bien la fin d'une politique familiale. Pis, elles marquent la fin de la reconnaissance de la famille en tant qu'institution - oui, j'ose ce mot d'institution -, qui constitue le maillon de base de notre organisation sociale, le lien élémentaire de la solidarité et de la sécurité, de la formation des jeunes et de l'investissement sur l'avenir. La famille est, à ce titre, une cellule sociale reconnue et soutenue par la nation, dont elle garantit le devenir.
Oh ! sans doute cette vision de la famille est-elle, aux yeux du Premier ministre, de vous-même et de vos collègues du Gouvernement, ringarde et réactionnaire, la politique familiale ne pouvant être qu'une politique de droite qu'il faut battre en brèche. En pensant ainsi, vous commettez une erreur à la fois politique et historique.
Mme Nicole Questiaux, dans son Traité du social , explique d'ailleurs fort bien que la politique familiale est « une construction à laquelle ont participé des gouvernements d'orientation très différente » tout au long de ce siècle, une construction fondée sur trois piliers : sécurité du revenu, natalité et responsabilité sociale de la famille. Et c'est bien tout cela que vous remettez en cause aujourd'hui, sans vous en vanter !
En fait, il est facile de comprendre que votre politique vise en réalité deux objectifs totalement étrangers aux problèmes et à l'intérêt tant des familles que de notre pays.
Le premier objectif est d'abord et essentiellement comptable ; vous l'avez d'ailleurs confirmé tout à l'heure. Quant au second, il est purement dogmatique.
Vous imputez le déficit de la branche famille, chiffré à ce jour à 10,4 milliards de francs, à la « loi famille » de 1994. Cette loi n'aurait jamais entraîné de déficit, vous le savez parfaitement, madame le ministre, si aucune ponction n'avait été pratiquée sur la branche famille au cours des quinze dernières années, alors qu'elle était excédentaire : la caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, a été la « vache à lait » du régime général, au bénéfice des branches maladie et retraite.
Nous avons donc, naguère, engagé les courageuses réformes que nécessitait le redressement de ces deux branches, afin d'en finir avec le pillage de la branche famille. D'ailleurs, après les avoir tant critiquées, vous ne semblez pas aujourd'hui les remettre en cause. Espérons que vous aurez le courage de les poursuivre !
Pour contribuer au comblement de ce déficit, vous auriez pu mettre un terme aux charges indues que les gouvernements successifs ont fait peser sur la branche famille, Mme Borvo le rappelait à l'instant même.
M. Alain Gournac. Avec raison !
M. Alain Vasselle. C'est pourtant dans une autre voie que vous avez décidé de vous engager, voie déjà condamnée par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui précise qu'une large partie du déficit s'explique par la reconduction en 1997 de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée par votre propre gouvernement !
Mais cette préoccupation comptable ne vous sert, en définitive, qu'à atteindre votre second objectif, empreint d'idéologie et d'esprit partisan, et qui ramène nos concitoyens à la dure réalité de la lutte des classes.
Ainsi, vous estimez que politique familiale égale politique pour les privilégiés, Vous nous ressortez donc des placards les vieilles idées poussiéreuses et antirépublicaines de lutte des classes. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen s'esclaffent.)
Vous n'hésitez pas davantage à abandonner l'une de nos trois valeurs républicaines, l'égalité, au profit d'une prétendue équité.
Par votre politique, vous allez rompre l'équilibre instauré au cours des décennies précédentes entre solidarité, égalité et paritarisme.
Contrairement aux caricatures que vous en faites, notre politique familiale est une politique égale et équitable en ce sens qu'elle est différenciée selon les besoins des divers types de famille.
Pour justifier votre mesure, vous prétendez que les sommes économisées vont contribuer à financer l'ARS, l'allocation de rentrée scolaire, majorée. Or l'ARS, à vocation essentiellement sociale, est une mesure décidée annuellement, ne correspondant pas à une prestation légale, je suis, sur ce point, d'accord avec Mme Borvo. Elle peut être modifiée à tout moment, et les familles françaises bénéficiaires ne peuvent pas compter sur elle d'une année sur l'autre.
De surcroît, cette mesure, qui ne touche que les enfants en âge d'être scolarisés et scolarisables, ne permet aucunement d'assurer l'entretien de l'enfant durant toute l'année scolaire. Or la fonction de parent ne dure pas que le temps d'une rentrée scolaire ; elle doit être assumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, année après année. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Nos concitoyens pourront vous prendre facilement en défaut en procédant à une lecture attentive des comptes établis par l'administration pour 1998. Ils constateront en effet que vous n'y avez pas reconduit la mesure pour la rentrée scolaire de 1998. Cela n'aura duré que le temps d'un été !
Alors, madame le ministre, ne venez pas nous faire la leçon à propos de promesses non tenues !
D'ailleurs, ne lisait-on pas, dans la proposition n° 31 du programme du parti socialiste que les allocations familiales seraient revalorisées de 50 % ? Vous vous êtes arrêtée au milieu du chemin, à 25 % !
Non, décidément, ce n'est pas à nous qu'il faut donner des leçons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Il doit être clair pour tous aujourd'hui que vous avez décidé de déclencher un véritable matraquage à l'encontre de la famille, ciment de notre société.
La preuve en est que vous allez plafonner les allocations familiales et diminuer l'AGED, sans aucune compensation en matière de création de places en crèches, le fonds d'action social censé les financer n'ayant pas les moyens d'assumer sa fonction, car il manque 600 millions de francs. Ne confondez donc pas politique de l'emploi et politique familiale !
Vous allez encore amputer de moitié la réduction au titre des emplois familiaux, avec rétroactivité à compter du 1er janvier 1997, et supprimer la demi-part des personnes qui ont élevé seules au moins un enfant.
Vous allez aussi augmenter les prélèvements sur la majoration de 10 % que touchent les retraités qui ont élevé trois enfants et plus.
Et, en sus de tout cela, vous allez augmenter la fiscalité sur l'épargne - celle qui se porte sur les plans d'épargne en actions et les plans d'épargne logement - en pensant sans doute que cela ne touchera pas votre électorat, que seules les familles classées « riches » par vous-même seront affectées. Cela va faire plaisir à plus d'une famille titulaire d'un plan d'épargne logement !
Mais le comble est atteint avec votre collègue Mme Guigou, qui se prépare à nous « vendre » une mesure hautement symbolique, le contrat d'union civile sociale, ce qui revient à reconnaître le quotient conjugal aux couples homosexuels et peut-être même à leur permettre d'adopter des enfants ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Est-ce cela que vous appelez une politique familiale ?
Il me semble que, le temps passant, et sous la pression qui s'exerce sur votre gauche, vous êtes en train de prendre conscience, mais un peu tard, que votre politique n'est qu'une mise à mal de tous les principes posés en 1945, lors de la création de la protection sociale par le général de Gaulle. Sinon, pourquoi auriez-vous annoncé récemment votre volonté de remettre prochainement à plat la politique familiale française ?
Historiquement, la politique familiale repose sur le principe fondamental d'universalité, lequel a d'ailleurs été, pas plus tard que ce matin, réaffirmé par votre collègue M. Kouchner, qui semble y êtes plus attaché que vous-même. Dois-je vous rappeler que, à l'époque, ce principe a été adopté massivement, par-delà tous les clivages politiques ? C'est le même principe qui a guidé Jules Ferry lorsqu'il a institué l'école gratuite pour tous. Cela n'a jamais été remis en question !
L'universalité n'est-elle pas l'une des plus vieilles conquêtes de la République ? A ce titre, nous la pensions définitivement acquise. Il est inconcevable que vous envisagiez aujourd'hui de vous y attaquer, au motif, d'ailleurs non justifié, d'une pure idéologie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
En ouvrant cette première brèche, vous faites peser une menace lourde sur tout le système. C'est l'avenir de notre système social que vous remettez en cause.
La brèche ayant été ouverte, qu'est-ce qui nous assure que, demain, ce ne sont pas l'assurance maladie ou les droits à la retraite qui seront plafonnés ou mis sous condition de ressources ? Vous en êtes si peu sûre, madame le ministre, qu'à l'Assemblée nationale et ici même vous vous êtes défendue de cette intention en apportant comme seule garantie la durée de votre présence au Gouvernement. Faut-il vous y souhaiter une longévité illimitée ? Mais vous imaginez bien qu'aucun Français ne pourra se contenter de cet engagement proféré la main sur le coeur. (M. Philippe François applaudit.)
Ce faisant, vous allez accentuer plus en encore la fracture sociale entre ceux qui financent et ceux qui reçoivent.
Mme Hélène Luc. Si elle peut être accentuée, c'est parce que vous l'avez provoquée !
M. Alain Vasselle. En effet, sociologues et économistes sont tous d'accord pour affirmer qu'il serait profondément malsain que certains cotisent sans avoir des droits ouverts en retour : à terme, c'est l'explosion du système. Ce sont pourtant ces derniers qui apportent à notre système de protection sociale une grande partie de ses ressources.
La contribution des entreprises, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue M. Paul Girod, c'est aussi le fruit du travail des salariés, contrairement à ce que vous affirmez.
Non, décidément, ce gouverment fait preuve, à mon avis, d'irresponsabilité. Il n'a pas de perspectives d'avenir. Il tente de limiter le déficit de la sécurité sociale en remettant en cause certains fondements de la politique sociale de notre République.
Par ailleurs, la politique familiale doit être distinguée d'autres politiques publiques à caractère social, telles la solidarité, la lutte contre la pauvreté, l'intégration. Ne confondons pas politique familiale et politique sociale.
M. Dominique Braye. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. N'oubliez pas, madame le ministre, que c'est l'enfant qui est au coeur de cette politique familiale. C'est l'enfant qui est la justification de l'aide apportée aux familles par la société, ce n'est pas le statut et la feuille de paye de ses parents !
La politique familiale ne doit pas être une simple facette de la politique sociale. Elle obéit à sa propre logique.
Vous banalisez la famille, comme s'il s'agissait d'un mode d'organisation sociale parmi d'autres, alors qu'elle est un lien naturel, unique, à préserver, à défendre ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Non seulement votre politique est condamnable sur le fond, mais elle l'est tout autant sur la forme, notamment quant à la méthode de prise de décision.
En effet, sans qu'aucune concertation préalable ait été engagée, comme le président de la commission des affaires sociales l'a rappelé à juste titre, vous avez placé devant le fait accompli à la fois les organisations représentant les familles, les partenaires sociaux et même, apparemment, une bonne partie de votre majorité plurielle, attachée à l'universalité de la politique familiale. Pour un gouvernement qui se dit « de dialogue » la démonstration est brillante ! Elle est révélatrice de votre incohérence !
Si je comprends bien, ce gouvernement s'est fixé pour principe de décider, en engageant le dialogue et la concertation non pas a priori mais a posteriori . Drôle de conception de la démocratie !
Vous n'avez d'ailleurs pas jugé plus opportun de réfléchir sur les conséquences d'une telle mesure, notamment sur le revenu des familles dont vous allez amputer le pouvoir d'achat, ainsi que sur le taux de natalité de notre pays, qui est loin d'atteindre le niveau nécessaire pour assurer le renouvellement de la population.
Comment imaginer que l'anti-politique familiale que vous proposez sera sans conséquences sur le nombre des naissances ? Nous allons vers une démographie pyramidale inversée.
Vous conviendrez qu'il y a de quoi s'inquiéter de ce manque total de prospective. Comment pouvez-vous faire prendre un tel risque à notre pays ? S'il est vrai que l'on peut considérer que l'aide à la famille a un coût élevé en valeur absolue, qu'est-il, comparé à la richesse que les enfants représentent pour l'avenir de notre pays ?
Mme Hélène Luc. Et les milliers d'enfants qui ne peuvent manger à la cantine parce que leurs parents ne peuvent pas payer ? C'est cela votre politique familiale !
M. Alain Vasselle. Je vous invite à méditer cette réflexion du général de Gaulle : « S'il est acquis que, décidément, le peuple français ne se multiplie pas, alors la France ne peut plus rien être qu'une grande lumière qui s'éteint. »
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Je pense qu'en la circonstance vous tenez, au mieux, le rôle d'apprenti sorcier, en acceptant un peu trop vite une recette de logique purement financière et comptable. Un certain général disait que la politique de la France ne se fait pas à la corbeille. J'ajouterai volontiers aujourd'hui qu'elle ne doit pas être déterminée dans les seuls gros ordinateurs de Bercy.
Or, madame le ministre, vous avez cédé aux sirènes de Bercy. Cette idée de plafonnement n'est pas nouvelle. A cette éternelle revendication des hauts fonctionnaires des finances de l'Etat, le général de Gaulle et François Mitterrand avaient su résister !
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Alain Vasselle. Ce n'est pas votre cas. L'idéologie fait, chez vous, force de loi.
M. Philippe François. Idéologie marxiste, en plus !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faudrait savoir si ce sont les ordinateurs de Bercy ou l'idéologie qui nous dictent notre politique !
M. Alain Vasselle. Ainsi, sur les 4,5 millions de familles qui bénéficient aujourd'hui des allocations familiales, plus de 400 000, et non pas 30 000, vont être touchées, ce qui représente, selon certains sociologues, près d'un millions d'enfants.
Madame le ministre, ces familles ont-elles politiquement tort parce qu'elles sont statistiquement minoritaires ?
Vous avez essayé d'expliquer que votre projet ne touchait qu'une minorité de nantis. Nous ne devons pas avoir le même sens des choses de la vie quotidienne. (C'est sûr ! sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ainsi une famille comptant trois enfants et disposant d'un revenu mensuel de 38 000 francs, subit une perte de pouvoir d'achat de 4,7 %, ce qui équivaut, selon les calculs des socio-économistes, au niveau de vie d'un couple sans enfant de deux salariés gagnant chacun le SMIC. Voilà les nantis !
Le plus fort est que, pour des revenus plus élevés, la perte de ressources sera effectivement moindre. Ce seront donc bien encore et toujours les classes moyennes, et non pas les classes élevées, qui vont pâtir le plus de la réforme.
De même, cette réforme sera plus fortement préjudiciable aux familles les plus nombreuses.
Belle logique redistributrice !
En outre, si aujourd'hui ce sont les familles à revenus moyens, que vous dites privilégiées, qui sont touchées, pourquoi ne pas faire jouer demain le curseur à la baisse afin de combler un éventuel futur déficit de la branche ? Nul doute que le Gouvernement saura en user en temps que de besoin !
C'est donc une lourde menace qui pèse sur les familles.
Cependant, votre politique offre tout de même une bonne surprise : les familles viennent, grâce à vous, de découvrir qu'elles étaient les privilégiées de notre société.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui a parlé de cela ?...
M. Alain Vasselle. Vous nous poussez vers une société à deux vitesses : vous favorisez les familles peu aisées à avoir de nombreux enfants et vous encouragez le développement chez les cadres du mode de vie si facile du « deux salaires, zéro enfant ».
Or la France a besoin d'enfants à tous les niveaux de la société. S'il est vrai que l'on ne fait pas des enfants pour l'argent, il est tout aussi vrai qu'il ne faut pas qu'enfant rime avec régression sociale. Il n'est pas possible de maintenir une situation dans laquelle l'effort est personnel et les dividendes sont collectivisés.
Notre politique familiale est complexe, et donc pas toujours très lisible, mais elle fonctionne suffisamment bien pour nous placer au-dessus de la moyenne des pays en ce qui concerne le taux de fécondité.
Il est d'ailleurs intéressant de remarquer qu'en 1995, année qui a suivi le vote de la loi famille, ce taux est remonté à 1,7 contre 1,65 précédemment. D'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, il devrait être proche de 1,72 en 1996. Ce taux, que tous nos voisins européens nous envient, vous le sacrifiez sur l'autel de l'idéologie.
M. Philippe François. Idéologie marxiste !
M. Alain Vasselle. En conclusion, permettez-moi de relever que vous considérez apparemment être seule à pratiquer la solidarité. Mais, la famille, n'est-ce pas le premier lieu de solidarité, le premier rempart contre l'exclusion ? La famille n'est-elle pas la première collectivité dans laquelle adultes et enfants apprennent à vivre ?
Mmes Dinah Derycke et Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. Alain Vasselle. Vos mesures viennent entraver la vie familiale et tendent à faire éclater cette unique cellule de solidarité. Il faut aider la famille et non rechercher à se substituer à elle. Il faut la restaurer dans ses prérogatives, l'encourager et non la remplacer.
M. Tony Blair l'a d'ailleurs bien compris puisqu'il montre la volonté de rompre avec les effets pervers induits par les aides incitant les personnes seules avec enfant à ne pas se marier ou à ne pas travailler.
Vous, vous prêchez l'inverse en défendant une logique de pur assistanat, foncièrement étrangère à une véritable politique de solidarité.
Quel avenir réservez-vous donc à nos familles et, par delà, à notre pays, madame le ministre ? La question reste entière !
Sachez que le groupe du RPR s'opposera au démantèlement du fondement de la politique familiale, car c'est l'avenir de nos enfants et de la nation qui est en jeu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. On se demande pourquoi les familles n'ont pas voulu vous garder au Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Hoeffel. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne sous-estime pas les contraintes et les difficultés qui sont celles de tout gouvernement soucieux d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Ces contraintes ne doivent cependant pas conduire à une remise en cause directe ou indirecte du rôle de la famille et des moyens qui lui sont consacrés.
Les craintes, à cet égard, sont d'autant plus vives que les mesures annoncées récemment par le Gouvernement l'ont été au moment où par ailleurs de vives critiques ont été proférées à l'encontre de la famille, dans des termes, hélas ! parfois calomnieux, par tel ou tel média.
Vous avez, madame la ministre, rappelé à juste titre le rôle central que joue la famille, en particulier dans la période difficile que nous traversons.
En premier lieu, la famille est aujourd'hui, probablement plus que jamais, une référence et un repère dans une société qui en manque singulièrement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Les études qui ont été menées montrent que la famille demeure, de loin, le groupe dont on se sent le plus proche. En 1980, 80 % des personnes interrogées disaient de la famille qu'elle était dépassée, aujourd'hui seuls 17 % le pensent.
En deuxième lieu, c'est précisément en période de crise que la famille joue un rôle essentiel : elle est une sorte de refuge qui permet de traverser une période difficile ; elle est un amortisseur de crise qui peut contribuer à atténuer l'inquiétude légitime des parents, qui, en général, pensent que l'avenir de leurs enfants sera plus difficile que le leur.
En troisième lieu, la famille reste un élément de décloisonnement de notre société tellement cloisonnée. Où, mieux que dans la famille, a-t-on les possibilités de retrouver un esprit de cohésion et de solidarité dont il faut souhaiter qu'il puisse être contagieux pour l'ensemble de la société ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Mais à côté de ces missions incombant à la famille, nous ne devons pas oublier que les raisons démographiques, qui restent essentielles et justifient une politique familiale ambitieuse, non seulement pour la France, mais aussi pour toute l'Europe dont le poids démographique, depuis le début du siècle, a considérablement diminué. Ces raisons expliquent probablement aussi le recul de l'influence française, et en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Le taux de fécondité, cela a été rappelé, est de l'ordre de 1,7. La chute de la fécondité contribue à la diminution du nombre des jeunes et, avec l'allongement de l'espérance de vie, au vieillissement de notre population : entre 2010 et 2020, en France, le nombre des personnes âgées de soixante ans et plus dépassera celui des jeunes de moins de vingt-cinq ans, avec tous les risques que cela comporte pour l'équilibre de tous nos régimes sociaux.
L'augmentation du nombre des personnes âgées affecte, en effet, nécessairement les transferts économiques entre générations et l'ensemble des mécanismes de redistribution des ressources selon l'âge.
Il faut donc, compte tenu de cette situation, encourager et stimuler la natalité, soutenir et valoriser la famille.
Cela m'amène à regretter les mesures récentes prises à l'encontre des familles...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Mais non, pas du tout !
M. Alain Gournac. Si, si !
M. Daniel Hoeffel. ... hélas ! sans concertation préalable, comme l'a rappelé M. Fourcade, et probablement dans la précipitation.
Ces mesures sont interprétées, à tort ou à raison, comme portant atteinte à la valeur de la famille.
M. Dominique Braye. A raison !
M. Daniel Hoeffel. Je vise en particulier la mise sous condition de ressources des allocations familiales, interprétée comme une mise en cause des principes fondateurs de la sécurité sociale qui sous-tendent depuis plus de cinquante ans le société française, et je pose en cet instant une question : ne risquons-nous pas de voir cette remise en cause s'étendre aux autres branches de la sécurité sociale, retraite ou assurance maladie ?...
M. Alain Gournac. J'espère que non !
M. Daniel Hoeffel. Il aurait sans doute été plus juste de répondre par la voie fiscale à la demande de solidarité à l'égard des plus démunis - demande à laquelle nous nous joignons tous - ainsi qu'à la nécessité de rééquilibrer la branche famille.
S'ajoutent à cette mise sous condition de ressources des allocations familiales la baisse de la réduction d'impôt au titre des emplois familiaux et la diminution de l'AGED, qui mettent en péril des dizaines de milliers d'emplois pour personnes peu qualifiées, emplois dont notre société a également besoin.
Certains estiment que le système de l'AGED est trop coûteux par rapport au prix de revient d'une place de crèche. Mais n'oublions pas qu'en France les structures d'accueil des enfants sont loin d'être suffisamment développés.
Je crains également que cette réforme ne vienne frapper de plein fouet les femmes qui travaillent, alors que le travail féminin est par ailleurs un phénomène irréversible dans notre société.
En conclusion, madame la ministre, vous avez annoncé une réforme de la politique familiale pour 1998. Puisse cette réforme être menée avec tous ceux qui sont représentatifs de la famille dans notre pays mais aussi en liaison étroite avec le Parlement !
Les mesures déjà prises, même si de récentes atténuations vont dans le bon sens, dénotent une remise en cause de principes fondamentaux sur lesquels était fondée la politique familiale depuis cinquante ans.
Certes, la politique familiale doit être adaptée à l'évolution d'un environnement qui n'est plus aujourd'hui ce qu'il était au lendemain de la dernière guerre.
Mais la politique familiale doit aussi se fonder sur des repères solides, des principes fondamentaux et un minimum de continuité en tenant compte, d'une part, de la nécessité de consolider la cellule familiale et, d'autre part, des impératifs d'une politique démographique stimulante.
Des principes et des orientations retenus dépendra la capacité de la France, non seulement à préserver dans l'avenir ses équilibres internes, mais aussi à tenir son rang sur le plan démographique, en Europe et dans le monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)



PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la politique familiale.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la famille est la cellule de base de notre société, celle sans laquelle la cohésion sociale, nécessaire à l'existence de toute nation, ne serait qu'un vain mot.
Placer la famille au coeur du débat politique est d'autant plus important que nous vivons une période de mutations sans précédent, avec une remise en question des valeurs traditionnelles, en particulier celles de la famille qui a besoin d'être protégée et reconnue.
Le sentiment d'un droit aux allocations familiales est profondément ancré dans la mentalité française. C'est la raison pour laquelle les Français établis hors de France, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, ne comprennent pas du tout pourquoi, lorsqu'ils quittent le territoire national, ils perdent le bénéfice de ce droit tout en restant bien entendu français à part entière. Ils n'ont jamais obtenu satisfaction en ce qui concerne cette revendication, alors qu'il serait facile d'en tenir compte.
En effet, l'Etat a créé un excellent réseau d'établissements scolaires français à l'étranger, qu'il soutient en y détachant un certain nombre de professeurs titulaires de l'éducation nationale et en octroyant des bourses scolaires aux élèves français dont les parents n'ont pas des revenus suffisants pour leur permettre d'acquitter les droits d'écolage, nos établissements étant payants à l'étranger.
Il suffirait que des bourses-allocations soient attribuées, selon des modalités à déterminer, aux familles nombreuses françaises scolarisant leurs enfants dans nos établissements à l'étranger.
Une telle mesure, dont le coût serait très modeste, madame le ministre, favoriserait beaucoup l'expatriation toujours insuffisante de nos compatriotes, expatriation qui contribuerait au développement de notre commerce extérieur, avec pour conséquence finale la création de nouveaux emplois en France qui nous font cruellement défaut.
Les allocations familiales françaises concrétisaient jusqu'à présent la reconnaissance par l'Etat de l'utilité de chaque famille comme investissement dans notre jeunesse. L'universalité des prestations fondées sur le principe d'une égalité absolue entre toutes les familles, qu'elles soient aisées ou modestes, constituait une véritable motivation morale, en plus d'un soutien matériel non négligeable.
En outre, le principe de base du financement de nos prestations sociales a toujours été fondé sur l'équilibre des recettes, qu'il s'agisse de cotisations, de retenues ou d'impôts, et des dépenses correspondantes. C'est ainsi que récemment, pour faire face au déficit de la sécurité sociale, une contribution spéciale de remboursement de la dette sociale a fait l'objet d'une loi. La formule retenue de mise sous condition de ressources constitue donc une rupture avec le système actuel.
Cette réforme ne serait-elle pas, du reste, le prélude à une extension de la mise sous condition de ressources à d'autres prestations sociales ? Demain, ce pourrait être l'application, selon le même principe, à la branche maladie de la sécurité sociale et - pourquoi pas ? - après-demain, celle de la remise en cause intégrale de la sécurité sociale pour tous les cotisants. En effet, nécessité fait loi, quelle que soit la déclaration que vous avez faite tout à l'heure, madame le ministre.
Ainsi, les mesures retenues par le Gouvernement, sans concertation préalable, remettent en cause les fondements historiques de la politique familiale de notre pays. Elles sanctionnent gravement les familles par la réduction de moitié de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, et par la baisse, également de moitié, de la déduction fiscale pour emplois familiaux d'une personne à domicile. Le Gouvernement pénalise ainsi sévèrement les familles dont les deux conjoints travaillent, et singulièrement les femmes qui sont les plus confrontées à ces problèmes de garde et dont la vie professionnelle sera affectée. Ces deux mesures vont également réduire sensiblement le nombre d'emplois familiaux, qui était passé de 451 500 à 717 500 entre 1991 et 1994 ; elles favorisent également le retour du travail au noir, ce qui surprend pour un gouvernement qui a donné la priorité à l'emploi.
Enfin et surtout, la mise sous condition des allocations familiales est un coup grave porté à la reconnaissance de la famille dans la société, allant à l'encontre des objectifs traditionnels de natalité de notre pays, comme l'ont très bien exposé tout à l'heure nos collègues MM. Paul Girod et Daniel Hoeffel.
Certes, les contraintes extérieures imposent des économies à notre pays. L'engagement de la France sur l'euro nous oblige à prendre, cette année, toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions fixées par le traité de Maastricht, en particulier la limitation du déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut, afin de pouvoir participer dès le début à cette opération monétaire fondamentale. Le respect de ces critères doit évidemment être pleinement approuvé.
Mais parmi les choix d'économies à réaliser, nous regrettons que la famille ait été mise en première ligne. Les mesures retenues, même si elles étaient « transitoires », ne constituent d'ailleurs qu'un palliatif secondaire au grave déficit actuel auquel nous devons remédier. Elles ne correspondent absolument pas aux profondes réformes structurelles que l'Etat doit engager en raison de la situation actuelle de nos institutions en général, et que nos partenaires européens ont déjà accomplies avec succès ; nous formons, là encore, une exception française que nous déplorons profondément.
Mes collègues non inscrits et moi-même seront attentifs, madame le ministre, à vos réponses tant nous tenons à l'aide et à la considération de la France pour toutes les familles, qu'elles résident en France ou à l'étranger. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Poirieux.
M. Guy Poirieux. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la famille survient dans le contexte d'une décision gouvernementale qui bouleverse profondément la politique familiale que la France s'était donnée en 1945 et alors même que voilà tout juste trois ans, en adoptant la loi relative à la famille, le Parlement avait montré l'enjeu que l'institution familiale représentait pour la nation.
Cette décision, annoncée brutalement dans la déclaration de politique générale du Premier ministre le 17 juin dernier, va à contresens de l'ensemble des débats très riches qui, au printemps, ont animé la conférence sur la famille. Elle a pris à contre-pied la totalité des partenaires, associations familiales représentatives, organisations syndicales et le monde politique dans sa globalité, comme l'a bien montré le récent débat de l'Assemblée nationale sur le sujet.
C'est donc dans ce contexte pour le moins orageux que s'inscrit notre réflexion, qui aurait méritée une ambiance plus sereine, car elle touche un aspect fondamental de notre vie collective.
Le Gouvernement aurait été mieux inspiré en ne mélangeant pas un tel enjeu de société à une recherche, si importante soit-elle, de diminution du déficit des comptes sociaux. On a confondu éthique et comptabilité, et le grand débat qui nous a été annoncé pour l'année prochaine risque fort de se dérouler alors que le mal sera fait et que le désenchantement de nos partenaires aura sans doute cassé le ressort de la confiance mutuelle qui est le gage de réussite d'une bonne concertation.
Le moment est donc venu de rappeler, une fois de plus, quelques grands principes qui fondent la place et les missions essentielles de la famille dans la société française d'aujourd'hui.
Tant d'abord, il convient de tordre le cou à une idée reçue, systématiquement répétée chaque fois qu'est évoquée la politique familiale, et qui concerne un prétendu « lobby familial ». La famille n'est pas un lobby comme peut l'être la voiture, les pâtes alimentaires ou la chaussure.
M. Michel Moreigne. Curieuse comparaison !
M. Guy Poirieux. Les associations familiales ne font pas du lobbying, elles remplissent leur devoir d'état en défendant comme elles le font l'institution familiale. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
Non, la famille n'est pas un lobby ; la famille est une institution républicaine qui trouve naissance dans nos mairies où les jeunes qui souhaitent librement fonder un foyer viennent prendre vis-à-vis l'un de l'autre, mais aussi vis-à-vis de la société un engagement public et solennel : « Les époux se doivent fidélité. Les époux pourvoient à l'éducation des enfants. Les époux s'obligent à une communauté de vie... »
Le simple énoncé de ces articles du code civil, que nous connaissons bien, suffit pour prendre conscience de l'exigence du oui que prononcent ces jeunes gens.
Transmettre la vie, mission fondamentale qui incarne la vocation de la société à se pérenniser. La famille est le lieu privilégié où la vie humaine peut être convenablement accueillie et protégée. A travers les siècles, tous les régimes totalitaires ont toujours cherché, peu ou prou, à contrôler le fonctionnement et le développement de la famille, car elle reste souvent le dernier bastion de liberté contre la dictature.
« Les époux pourvoient à l'éducation des enfants. » Ce n'est ni l'Etat ni les collectivités locales ni les enseignants, ce sont les parents, et la famille est le lieu privilégié et irremplaçable de l'apprentissage de l'amour et du « vivre ensemble ».
A un moment de notre histoire où l'on s'interroge sur les moyens pour lutter contre la délinquance juvénile et pour redonner un sens moral à notre vie collective, peut-on croire, ou même seulement espérer, que la solution consiste à mettre derrière chaque jeune un gendarme ou un éducateur de quartier ?
Depuis vingt-cinq ans, on fait le constat de la défaillance d'un nombre de plus en plus grand de parents démissionnaires par des succédanés qui ne peuvent en aucun cas suppléer l'absence du père ou de la mère.
Tous les psychiatres et psychologues du monde sont d'accord pour dire que l'amour paternel et l'amour maternel - les deux - sont indispensables au développement harmonieux de la personne. Il ne s'agit pas de jeter le discrédit sur les familles en difficulté - les familles déstructurées ont besoin d'aide, sans doute plus que toute autre - mais il convient de puiser dans le creuset des familles solides, majoritaires en France, pour y trouver l'effet bienfaisant de l'exemple qu'elles savent donner au prix sans doute de grandes difficultés, mais toujours avec le souci de construire leur bonheur à partir du don de soi.
En voulant remplacer les parents on se trompe. Ce qu'il faut, c'est les aider encore plus, donner aux jeunes la formation élémentaire, j'allais dire la formation professionnelle, qui leur permettra de mieux remplir leur difficile mission de parents.
Pour avoir été le témoin, au cours de mes trente années d'exercice de médecine générale, de l'effet dévastateur d'une rupture familiale, mais aussi de la joie profonde qui se dégage de l'équilibre familial, je veux dire aujourd'hui que la famille est la valeur essentielle sur laquelle repose notre harmonie collective.
Voilà pourquoi tous les responsables de notre pays devraient s'unir pour accorder aux familles, à toutes les familles sans exception, l'aide et l'encouragement dont elles ont besoin.
Dans ce domaine des aides, l'universalité qu'avait institué le législateur de 1945 était sans doute l'élément le plus important d'une loi qui voulait signifier la reconnaissance de l'Etat à l'égard de la famille. Etre reconnue, voilà bien la requête instante formulée de tout temps par les associations familiales, et c'est bien là que se situe la grande erreur du Gouvernement. Vous n'avez pas compris ce besoin profond d'estime et vous avez essayé, au contraire, de diviser les familles en brandissant le fameux carré de soie qui serait, selon vous, l'apanage de celles qui protestent. Permettez-moi de vous le dire, madame le ministre, par ces tentatives de dérision vous n'avez touché ni la droite Hermès ni la gauche caviar, ou vice versa, mais vous avez profondément meurtri des pères et des mères de famille qui étaient en droit d'attendre un argumentaire d'un autre niveau.
Les allocations familiales n'ont rien à voir avec le revenu des familles, ainsi que l'avait compris le précédent gouvernement, qui avait renoncé à les fiscaliser. La mise sous condition de ressources est une erreur de la même veine, car les allocations familiales représentent un droit directement lié au devoir confié aux parents par la société, à savoir le devoir d'éduquer les enfants. Ce devoir est universel. Le droit qui lui correspond doit lui aussi être universel, et le souci légitime d'assurer une solidarité entre tous les Français doit rester du domaine de l'impôt.
Vous tentez d'instaurer un dangereux curseur qu'il sera facile de manipuler, demain, au gré de je ne sais quel trou à combler. Les familles nouvellement touchées seront toujours minoritaires et n'auront aucun moyen de se défendre contre des mesures qui pourront être du simple domaine réglementaire. Vous ne vous êtes d'ailleurs pas privée ces derniers jours, madame le ministre, de faire bouger le curseur face aux protestations unanimes des Français. Demain, le mouvement pourra se faire en sens inverse dans l'indifférence générale, car il n'aura que des répercussions marginales.
Les familles l'ont bien compris, et elles sont unanimes à s'opposer à votre projet. Pour ma part, je conclurai par un exemple qui résume bien votre politique : entre deux familles, l'une qui a des enfants et l'autre qui n'en a pas, vous avez délibérément choisi de pénaliser celle qui avait des enfants. C'est une attaque frontale contre l'enfant.
Je souhaite, madame le ministre, que le Sénat ne vous suive pas dans cette mauvaise action. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique familiale vise un double objectif : assurer le renouvellement des générations et apporter aux enfants les conditions matérielles et morales permettant à leur personnalité de s'épanouir, afin qu'ils puissent tirer le meilleur de leurs possibilités.
Ces deux objectifs complémentaires, qu'il faut chercher à atteindre conjointement de façon coordonnée, interdisent d'adopter une démarche conservatrice. La politique familiale, pour être efficace, doit être adaptée aux réalités et aux évolutions de la société.
Ma collègue du groupe socialiste Dinah Derycke a tracé, par son exposé général très brillant, le cadre d'ensemble dans lequel s'inscrivent les mesures que le gouvernement de Lionel Jospin préconise actuellement.
Confronté à une situation financière très préoccupante et aux difficultés bien réelles que rencontrent de nombreuses familles plutôt modestes, le Gouvernement a eu le courage de faire un choix allant dans le sens de la solidarité. La mise sous condition de ressources des allocations familiales permet le maintien de celles-ci pour 93 % des familles.
Je veux rappeler ici avec insistance qu'une politique familiale n'a de sens que si elle est faite pour l'enfant lui-même.
M. Alain Gournac. Pour tous les enfants !
Mme Gisèle Printz. Ce principe fondamental me conduit à récuser au préalable deux critiques non fondées concernant les mesures préconisées par le Gouvernement.
La première critique porte sur le principe de l'universalité du droit de l'enfant, tel que l'opposition l'interprète. Pour la droite conservatrice, ce principe interdirait que l'on fasse une différence entre les familles selon les ressources dont elles disposent.
M. Charles Descours. Voilà cinquante ans que cela dure !
M. Alain Gournac. Et sous tous les gouvernements !
Mme Gisèle Printz. Naturellement, je suis d'accord avec le principe selon lequel l'enfant a des droits imprescriptibles, qui sont universels. Mais c'est bien parce que je suis d'accord avec cela que j'exige que ces droits soient réellement assurés dans la vie quotidienne. Il est donc indispensable que l'aide apportée aux familles soit en rapport avec les ressources de celles-ci. En fait, c'est par une aide inégalitairement répartie que l'on peut assurer au mieux l'égalité des droits réels.
La droite, en se crispant sur l'idée que l'enfant n'est pas responsable du statut et de la situation financière de ses parents, tolère et aggrave les inégalités sociales telles que nous les constatons aujourd'hui.
M. Alain Gournac. C'est affreux !
Mme Gisèle Printz. Nous savons tous, en effet, que l'épanouissement de l'enfant dépend de tout un environnement matériel, culturel et moral.
Nos concitoyens ne s'y sont pas trompés : ils approuvent l'approche préconisée par le Gouvernement.
M. Alain Gournac. Oh !
Mme Gisèle Printz. Les manifestations que l'opposition souhaitait massives n'ont pas eu d'écho dans l'opinion publique.
La seconde critique, tout autant contestable, consiste à dire que la politique familiale ne doit pas jouer un rôle de redistribution des richesses qui serait dévolu à la fiscalité.
Au nom de quoi la fiscalité serait-elle le seul instrument de la justice sociale ?
Certes, la fiscalité a cette qualité, mais l'attribution de certaines prestations sous condition de ressources a le même effet. Ce qui compte, c'est le résultat que l'on veut obtenir :...
M. Charles Descours. Bravo ! Belle morale !
Mme Gisèle Printz. ... plus d'efficacité économique en pouvoir d'achat, plus de justice sociale.
En outre, le moyen qui repose sur les conditions de ressources est plus simple, plus rapide, plus lisible, et donc mieux accepté que la surtaxation avant redistribution.
Si l'on veut réellement améliorer la situation sociale des familles les plus en difficulté, comme c'est le voeu de la gauche plurielle, le versement des prestations familiales sous condition de ressources apparaît comme efficace, juste et légitime.
Pour autant, le débat n'est pas clos en ce qui concerne la suite de la réforme et son devenir. Le Gouvernement s'est déclaré ouvert à d'autres pistes comme la fiscalisation des prestations familiales ou l'ajustement du quotient familial. Quoi qu'il en soit, tout cela ne doit pas cacher l'essentiel. Et l'essentiel, mes chers collègues, c'est la place et les droits de l'enfant dans notre société.
Nous visons un objectif simple, qui constitue une exigence absolue : l'enfant, quel que soit la famille dans laquelle il naît, doit disposer des moyens qui vont lui permettre d'exprimer les talents dont il est porteur, de prendre dans la société la place la plus appropriée pour lui-même et pour la société tout entière.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Or, nous le savons, les chances qu'a un enfant de réussir sa vie ne sont pas les mêmes selon le milieu de sa naissance. Dire que l'enfant a des droits et que ces derniers sont les mêmes pour tous exige que la nation, par le canal de l'Etat et de son gouvernement, définisse un ensemble de mesures politiques au bénéfice non seulement de la famille et des parents, mais aussi des enfants, ces deux approches étant complémentaires et concomitantes.
Les enfants étant, par essence, dépendants de leurs parents, il faut, si l'on veut aider les enfants, aider les familles,...
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Gisèle Printz. ... car, trop souvent, les ressources dont ces dernières disposent ne leur permettent pas d'avoir une vie décente et d'accéder aux droits de tous.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Des moyens convenables d'existence, des logements sociaux adaptés, à proximité de moyens de transport, un accès à l'école, aux cantines, aux sorties et aux activités d'éveil, la participation aux frais de rentrée scolaire, l'accès à la culture, aux formations, la lutte contre l'illettrisme et, naturellement, une politique de l'emploi, tels sont les éléments forts d'une politique familiale.
A ce sujet, il convient de souligner que plus de 10 milliards de francs ont été consacrés depuis le mois de juin 1997 à l'amélioration des conditions de vie des familles les plus modestes. Dans ce contexte, la modulation de l'AGED et les critiques qui ont été portées à son encontre doivent être ramenées à de plus justes proportions.
Parallèlement à ces mesures d'urgence, nos efforts doivent être orientés vers la sauvegarde des enfants. Il faut protéger ces derniers contre la violence de la société et l'exploitation économique. L'enfant n'est pas une matière première, il n'est ni taillable ni corvéable à merci. C'est pourtant ce que l'on peut constater sur certains sites du réseau Internet sur lequel l'enfant est proposé comme une simple marchandise.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas le sujet !
Mme Gisèle Printz. Avoir le souci de l'enfant, c'est se préoccuper de toutes ces questions à la fois. Réussir une politique familiale est une exigence républicaine forte.
En France, nous comptons 4,4 millions d'enfants de moins de six ans, dont 2,5 millions de moins de trois ans. Sur ces 2,5 millions, la moitié est gardée par les parents, 480 000 fréquentent les crèches, 400 000 sont pris en charge par des assistantes qualifiées et 250 000 sont scolarisés dans les écoles maternelles. Les priorités seront mises en évidence par ces éléments statistiques.
L'unité de la famille est essentielle. C'est pourquoi des aides financières directes doivent être accordées aux familles les moins favorisées pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités.
La qualité du logement, l'environnement social, les investissements collectifs, la fonction de l'école, notamment en zone prioritaire, sont les instruments indispensables de la politique familiale. Ils requièrent une attention particulière et des moyens. La cohésion sociale dépend en grande partie de la possibilité pour les familles d'accomplir leurs missions vitales.
La protection des enfants, leur sérénité et leur dignité dans leur famille, leur sécurité à l'école et hors de l'école sont pour notre société des obligations incontournables.
M. Jean-Claude Peyronnet. Eh oui !
Mme Gisèle Printz. L'accompagnement social, lorsqu'il est nécessaire, doit s'exercer dans le respect et la diginité des personnes.
Les mesures de prévention doivent conforter les efforts des familles en vue d'aider ces dernières à faire face à leurs difficultés. Lorsque le placement devient inévitable, il est vital, pour les familles, que le lieu d'accueil des enfants ne soit pas trop éloigné. Tout doit être mis en oeuvre pour maintenir les liens avec les enfants, et ce jusqu'à leur retour éventuel.
N'oublions pas, mes chers collègues, que l'éducation, la formation et l'emploi permettent l'accès à la culture, et que celle-ci est bien plus que l'acquisition des compétences scolaires ou professionnelles : la culture aide l'enfant à s'épanouir, à aller plus loin dans ses rêves.
Mes chers collègues, vous le savez bien, la famille et les enfants sont indissociables. Si nous voulons assurer la cohésion sociale, si nous voulons réaliser au quotidien la liberté, l'égalité et la fraternité qui constituent l'obligation de la République, beaucoup de nos efforts doivent être dirigés vers la famille et, au coeur de celle-ci, vers l'enfant. En effet, mes chers collègues, n'oublions pas ce qu'écrivait Victor Hugo :
« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
« Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille
« Fait briller tous les yeux,
« Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
« Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
« Innocent et joyeux. »
Telle est notre volonté. Telle sera la politique que les socialistes soutiendront. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la famille est l'une des valeurs essentielles qui fondent notre société. Elle est d'abord, pour chacun, le symbole du bonheur quotidien. Elle est ensuite l'un des lieux où se forge la cohésion sociale d'une nation ; c'est notamment grâce à la solidarité familiale que les effets les plus graves de la crise économique peuvent, pour l'individu comme pour la collectivité, être atténués.
Il est donc conforme à l'intérêt national que les couples soient mis en mesure d'élever autant d'enfants qu'ils le souhaitent. Il s'agit, d'abord, de mieux aider les futurs parents et les parents de jeunes enfants : les contraintes matérielles, un environnement défavorable ou des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale ne doivent pas faire obstacle à la réalisation des projets familiaux.
Ainsi s'exprimaient, dans leur exposé des motifs, les rédacteurs du projet de loi relatif à la famille, devenu la loi du 25 juillet 1994. Ce texte était dans le droit-fil de la politique familiale instaurée en 1945 par le général de Gaulle, politique extrêmement progressiste destinée à aider toutes les familles, quel que soit leur revenu,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Chérioux. ... parce que la classe politique était alors bien consciente que l'avenir du pays dépendait de cette politique familiale. Le natalisme et les valeurs familiales n'avaient pas encore d'adversaires.
En effet, chacun avait alors présent à l'esprit la situation d'une France minée par la dénatalité et qui avait connu la défaite la plus terrible de son histoire. Et l'un expliquait l'autre dans une certaine mesure.
Chacun était également conscient du fait que l'avenir du pays dépendait, pour une large part, de la mise en oeuvre d'une grande politique familiale. C'est ainsi que furent créés les allocations familiales, les primes à la naissance, particulièrement généreuses, les visites médicales et postnatales gratuites et obligatoires ainsi que le quotient familial. Aucune de ces prestations n'étaient soumises à condition. Le rôle de la mère de famille était alors valorisé et respecté.
Pour financer cette politique, le pays acceptait de consentir un effort financier considérable, puisqu'il représentait 45 % - retenez ce pourcentage - du budget social de la France !
De plus, il ne faut pas perdre de vue qu'en mettant en place les caisses d'allocations familiales l'ordonnance de 1945 les intégrait à la sécurité sociale dont elles constituaient désormais une branche à part entière.
Ainsi était institué un système fondé non seulement sur l'égalité et l'universalité, mais également sur la solidarité : solidarité face à la maladie, solidarité entre générations, solidarité entre familles. L'objectif était alors de compenser en faveur des familles la charge que constituaient pour elles l'entretien et l'éducation des enfants qu'elles avaient accepté de mettre au monde, au détriment souvent de leur confort et de leur aisance matérielle.
Certes, cette politique a été quelque peu mise à mal au cours des décennies qui ont suivi.
Tout d'abord, les excédents de la Caisse nationale d'allocations familiales la CNAF, ont été utilisés pour équilibrer l'ensemble des branches de la sécurité sociale. Ensuite, les allocations familiales n'ont pas bénéficié des revalorisations nécessaires, si bien que la branche famille ne représentait plus, en 1994, que 17 % du régime général de la sécurité sociale, contre 50 % en 1948. Enfin, les prestations à caractère social, sous conditions de ressources, se sont développées. En 1974, l'ensemble des prestations à caractère social représentait 14 % de la masse financière dont disposait la branche famille ; en 1995, ces mêmes prestations constituaient 50 % de cette masse. Déjà, deux millions de foyers monoparentaux, que certains s'obstinent à vouloir dénommer abusivement « familles monoparentales », reçoivent quantité d'aides diversifiées et de prestations sous conditions de ressources.
En effet, la politique familiale se décide aujourd'hui à partir d'analyses néo-progressistes dans lesquelles l'avenir démographique de notre pays et sa cohésion ne jouent qu'un rôle mineur. La famille n'est plus donc considérée comme une cellule organisatrice entre l'individu-citoyen et l'Etat. Ce qui est privilégié, c'est la liberté de choix de l'adulte, sans que soient pris en compte les effets désorganisateurs des éclatements familiaux.
Aujourd'hui, madame la ministre, avec les mesures que votre gouvernement envisage, vous rompez définitivement avec la notion de politique familiale traditionnelle ; on peut même dire qu'il y aura non plus une politique familiale à proprement parler, mais une politique sociale mise en oeuvre au profit de certaines catégories de familles, et cela, je le regrette, dans une incohérence déjà soulignée à cette tribune par un certain nombre de mes collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Ainsi, le plafond de ressources, fixé à 25 000 francs, passe à 32 000 francs lorsque les deux parents travaillent. L'exigence de cette bi-activité pénalise par conséquent les mères au foyer, ce qui est tout de même paradoxal pour une politique familiale !
De même, l'enfant gardé à domicile au sein de la cellule familiale déplaît d'emblée à nos idéologues, qui lui préfèrent les modes collectifs de garde, même si, en pratique, ces derniers n'ont pas la capacité matérielle d'accueillir tous les enfants, d'où les suppressions d'avantages fiscaux aux familles qui emploient une garde d'enfant à domicile et la diminution de l'AGED.
Le Gouvernement privilégie l'individualisme forcené. Il ne veut pas savoir que ce que l'on appelle abusivement la famille monoparentale, la famille recomposée ainsi que les couples non mariés, dans la mesure où ils ne sont pas stables, compromettent, en réalité, l'intérêt de l'enfant et, surtout, favorisent l'exclusion, l'isolement des plus pauvres, des plus démunis. La famille traditionnelle est suspecte, car derrière elle se profile l'ordre moral. (Protestations amusées sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est d'ailleurs dans cet esprit, madame la ministre, que votre majorité songe à instaurer un contrat d'union civile, afin de formaliser des « formes de vie commune », succédané du mariage, ouvrant des droits mais ne comportant aucune obligation. (Protestations sur les mêmes travées.) Quand je pense qu'au moment où vous regardez avec une certaine suspicion le quotient familial vous songez à instaurer un « quotient conjugal » dans les contrats d'union civile ! On croit rêver ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il y a d'ailleurs là une contradiction avec les récentes prises de position du Premier ministre et de certains membres de son gouvernement. En effet, au cours d'un récent colloque, tenu, je crois, à Villepinte, il a été envisagé, pour faire face à l'effondrement de la société française, de renouer avec les valeurs de la morale que l'on habille certes du qualificatif de « républicaine ». Mais que l'on ne s'y trompe pas : ce qui est nécessaire pour assurer la cohésion du corps social est absolument indispensable pour le premier maillon qui le constitue, c'est-à-dire la famille.
Par ailleurs, il est à noter, pour le regretter, que le Premier ministre n'a même pas cité le mot « famille » dans sa déclaration de politique générale, préférant insister sur le rôle prépondérant de l'école dans la société. Pourtant, la santé de l'une conditionne le bon équilibre de l'autre, et l'on voit mal comment une « morale républicaine » pourrait s'accommoder des dérives actuelles dont le projet d'union civile et sociale est l'une des formes les plus extrêmes. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gérard Larcher. C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Enfin, pour terminer et sans vouloir jouer les Cassandre, je voudrais signaler que la mise sous conditions des allocations familiales introduit une rupture dangereuse dans l'égalité du droit aux prestations sociales, rupture qui pourrait s'étendre, demain, aux autres systèmes de protection sociale, en particulier à l'assurance maladie. Cette crainte est d'ailleurs partagée par une partie de la gauche plurielle, comme nous l'avons tous entendu tout à l'heure et comme l'attestent les réticences qui se sont exprimées à l'Assemblée nationale au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez dû d'ailleurs en tenir compte, madame la ministre, et, à cet égard, je ne peux résister à la tentation de citer les déclarations faites par le secrétaire général de la CGT... (exclamations amusées sur les travées socialistes), dans un entretien accordé à un grand quotidien.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie, monsieur Chérioux, ne résistez pas à la tentation de vous faire plaisir ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Vous voyez au moins que j'ai de bonnes lectures ! Voici donc la citation : « Nous entrons dans une logique qui ouvre la porte à toutes les dérives ; demain, c'est le smicard que l'on pourrait tout aussi considérer comme privilégié par comparaison au RMIste. »
M. Alain Gournac. Ah !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean Chérioux. Vous comprendrez, madame la ministre, que dans ces conditions mon inquiétude soit grande et que les membres de mon groupe et moi-même souhaitions que vous puissiez nous apporter des apaisements.
En effet, la France a plus que jamais besoin d'une politique familiale (Mme le ministre opine), non seulement sur le plan financier mais également sur le plan moral. Or les mesures que votre gouvernement se propose d'instaurer sont aux antipodes de ce que devrait être une vraie politique familiale ; c'est en quelque sorte logique, puisqu'elles sont avant tout inspirées par des considérations d'ordre idéologique. C'est justement ce que nous déplorons, les familles aussi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui traite donc de la politique familiale, vaste sujet dont l'enjeu est déterminant pour l'avenir de notre pays.
La famille est la cellule de base de la société ; elle assure l'éducation, l'épanouissement des enfants et la transmission des valeurs.
Rappelons qu'en 1946 le gouvernement de l'époque avait misé sur la famille pour redresser la France en créant, notamment, les allocations familiales. Le principe fondateur, admis par tous, était que la baisse de niveau de vie entraînée par la venue d'un enfant devait être compensée.
Désormais, l'aide financière octroyée est la contrepartie du service rendu à la société par la famille : celle-ci permet d'assurer le renouvellement des générations, tout en reconnaissant son rôle moteur dans l'économie.
Les enfants constituent une richesse. Les enfants sont une promesse d'avenir. Ils sont des consommateurs. Ils sont les futurs acteurs économiques et les financeurs de la protection sociale et des retraites de demain, de nos retraites.
M. William Chervy. C'est intéressé !
Mme Annick Bocandé. Renforcer le repère fondamental que constitue la famille devrait faire l'objet d'une véritable politique consensuelle. Au lieu de cela, force est de constater que nous nous divisons.
Pourquoi nous divisons-nous ?
Par souci d'économie, afin de réduire un déficit ? L'objectif est louable, certes, mais cela ne doit pas se faire au détriment des seules familles. L'économie réalisée est relativement faible car, vous le dites vous-même, madame le ministre, ces mesures touchent peu de familles.
Alors, par idéologie ? Sûrement. Au nom d'un soi-disant égalitarisme, vous prétendez vouloir distribuer aux plus défavorisés ce que vous économiserez par ces mesures sélectives.
Vous vous trompez d'orientation, car votre projet encourage la constitution d'une société coupée en deux, avec, d'un côté, ceux qui reçoivent des prestations et, de l'autre, ceux qui alimentent la solidarité nationale. A force d'être ponctionnés, ils seront de moins en moins nombreux à figurer dans cette seconde catégorie. Que se passera-t-il alors ?
Vous entretenez, à mon avis, l'ambiguïté entre les notions d'égalité et d'équité.
Habilement présentées, vos mesures ont pu paraître équitables et séduire une partie de l'opinion publique. Je doute qu'elle reste sur cette position quand elle en mesurera les conséquences.
Je souhaiterais maintenant aborder rapidement vos principales mesures.
Avec la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, vous instaurez une fois de plus, madame le ministre, un barème qui introduit forcément un effet de seuil dont nous connaissons tous les effets pervers.
Vous avez certes décidé de remonter le plafond pour les familles dans lesquelles les deux parents travaillent. C'est habile, notamment pour satisfaire une partie de votre électorat, mais ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de prendre en compte globalement la notion de « revenu familial », qui respecte davantage le choix des familles ?
Nous craignons par ailleurs que ces plafonds ne soient de nouveau revus à la baisse, excluant alors du bénéfice des allocations familiales de nouvelles familles.
Ces mesures ne prédisent-elles pas une généralisation de la mise sous conditions de ressources pour d'autres systèmes, comme celui de la maladie ou de la vieillesse ? Nous ne le souhaitons pas.
De la même façon, la réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile et la baisse du plafond de la déduction fiscale pour les emplois familiaux pénaliseront, on le sait, certaines familles.
Faute de places suffisantes en accueil collectif, les femmes qui ont des activités salariées ou bénévoles seront les premières à faire les frais de ces décisions. Soit elles cesseront leurs activités, soit elles seront tentées, comme par le passé, d'employer des personnes au noir. C'est donc un encouragement à frauder l'Etat en ne payant pas les cotisations.
Il est intéressant de rappeler qu'en 1995 950 000 foyers français déclaraient employer un salarié à domicile ; en 1996, ils étaient 1 060 000. On mesure ainsi l'impact des dispositions prises par le précédent gouvernement en faveur de l'emploi à domicile, au bénéfice des familles.
Aujourd'hui, ce serait 130 000 emplois, ou peut-être plus si l'on en croit certaines informations, qui seraient menacés totalement ou partiellement par les modifications que vous souhaitez apporter.
Vous annoncez la création de 350 000 emplois-jeunes et, parallèlement, vous provoquez la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'emplois par des mesures inadaptées. Où est la cohérence ?
Je ne suis pas opposée à une réforme de la politique familiale, ni surtout à une simplification de l'ensemble du dispositif, bien au contraire, mais il me paraît indispensable de revoir le système dans sa globalité et non partiellement comme vous le faites.
Par ailleurs, des mesures aussi importantes ne peuvent se prendre sans consultation préalable des principaux intéressés.
M. le Premier ministre a beaucoup théorisé durant sa campagne législative et continue aujourd'hui encore sur sa méthode de concertation. Mais quand a-t-elle eu lieu, cette concertation ? En réalité, les familles et leurs représentants ont été placés devant le fait accompli !
Ne négligez pas l'aspect psychologique de l'annonce de vos mesures. Une société qui n'a pas confiance en son avenir n'est pas trop encline à faire des enfants. Notre taux de natalité, déjà trop bas, avec ses 1,6 %, chutera encore, soyons-en sûrs.
Pour certaines fédérations familiales, la fiscalisation de ces allocations aurait été une meilleure approche, plus juste, plus équitable. Je partage ce point de vue, car cette mesure aurait permis le maintien de l'universalité de la compensation moyennant, bien entendu, une certaine adaptation, pour ne pas porter atteinte au niveau de vie des familles. Vous vous êtes engagée à une réflexion dans ce sens ; nous y veillerons.
La famille mérite de faire l'objet d'une politique dynamique, efficace et consensuelle, où l'enfant est, et doit rester, l'unique préoccupation, quel que soit son milieu d'origine. C'est ma conviction profonde. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au fil des ans, la multiplication et la diversification des aides financières aux familles aboutissent à une complexité et à une hétérogénéité telles qu'il est difficile non seulement de maîtriser la totalité du dispositif en termes de connaissance, mais surtout de porter un jugement assuré quant à son équité.
En outre, l'éloignement de l'époque à laquelle furent établies les fondations de notre régime actuel de la politique familiale nous fait oublier ses principes essentiels. Cet oubli ne date pas d'aujourd'hui. Depuis les années soixante-dix, une incontestable distanciation a été observée.
Et pourtant, madame le ministre, la différence de vos propositions avec les dispositions antérieures est considérable, parce que, si elles étaient maintenues, vous auriez procédé à un basculement complet de la politique familiale.
Même si les allocations familiales de base ne représentent plus que 70 milliards de francs, à côté des 130 milliards de francs des autres prestations, déjà largement subordonnées à des conditions de ressources - 50 % en masse financière contre 15 % il y a vingt-cinq ans - elles constituent l'ultime symbole de l'universalité des prestations familiales, voulue par les fondateurs du système au lendemain de la dernière guerre.
L'abandon complet du principe d'universalité en matière de politique familiale au moment où l'on parle, depuis le gouvernement qui a précédé le vôtre, madame le minsitre, d'instituer l'universalité en matière d'assurance maladie constituerait, bien plus qu'un paradoxe, une véritable responsabilité historique qui mérite d'être bien pesée avant d'être assumée délibérément.
Il est encore temps de réfléchir, car l'enjeu est considérable. L'importance réelle de la famille au sein de la société est mal mesurée. Cela ne date pas d'aujourd'hui. L'ignorance la plus complète consiste à ne voir dans la famille qu'une affaire exclusivement privée. Cela n'est pas votre cas, madame le ministre, ainsi que votre discours nous l'a confirmé.
Mais il arrive que l'on imagine trop facilement avoir fait le tour de la question en considérant que, la famille étant la cellule de base de la société, elle doit bénéficier d'une sorte de charité publique dans la mesure où ses revenus seraient trop faibles pour assurer la subsistance de ses membres.
En réalité, nous avons à redécouvrir ensemble une dimension essentielle de la justice sociale en revisitant de fond en comble la politique familiale.
D'une part, en effet, la famille est le lieu unique où s'organise et s'actualise la dynamique du lien social. Je ne crois pas à l'exemplarité systématique des familles. Comme vous, je connais leur fragilité. Je crois que la famille est cependant le lieu social exclusif où peut s'organiser un apprentissage de la relation interpersonnelle, qui conjugue la soumission initiale à une autorité pour aboutir, à sa maturité, à une liberté responsable autonome.
Sur quoi repose l'acceptation de l'autorité de l'Etat chez des citoyens libres et égaux ? Cela existerait-il dans nos gènes ? Non ! C'est d'abord et essentiellement l'oeuvre de la famille. L'école vient ensuite ; sur le travail préparé par la famille.
Si l'on s'attristait sur la dissolution du lien social sans voir la relation qui existe entre cette observation et l'état social de la famille, on serait aveugle. N'oublions pas que la dissolution du lien social, c'est la mort de la démocratie et de la République.
Nous devons nous attacher à promouvoir la seule réalité familiale correspondant à ce que j'oserai appeler une écologie naturelle et sociale générale, celle de l'humanisme familial, seul générateur de l'humanisme universel.
Vos propos, madame le ministre, m'ont semblé orientés dans ce sens, au moins dans la première partie de votre exposé. Cependant, je pense que vous n'avez pas suffisamment souligné la dynamique réelle et réciproque qui existe entre la famille et la société.
Vous avez dit que la famille était fragilisée par l'état de la société. Je crois qu'il faut aussi voir que la société est fragilisée par l'état de la famille.
Une première question consisterait déjà à analyser les altérations de la santé des familles, qui sont imputables à la défaillance de l'Etat en matière d'environnement social et d'encouragement à la responsabilité parentale. Vous avez semblé considérer que ce que j'appellerai pudiquement la « dérégulation », ou encore la « flexibilité familiale », était une évolution historique inéluctable et devait être considérée comme une contrainte à subir. Si telle était votre conception, je vous dirais mon désaccord.
Je ne suis pas partisan d'une dérégulation systématique en matière de droit des relations sociales. Mais je m'étonne souvent d'une rigidité extrême des tenants de certaines thèses en matière de droit du travail et de l'hyperlibéralisme des mêmes personnes en ce qui concerne le droit familial.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Bernard Seillier. Qui ne voit que la relation du travail dans l'entreprise dépend, elle aussi, de l'apprentissage de la relation sociale dans la famille ? Le rôle social de la famille comme creuset formateur du lien fraternel est oublié ou considéré comme marginal, accidentel et purement contingent, alors qu'on le proclame toujours sur nos frontons municipaux. On ne prend pas assez au sérieux cette question, peut-être parce qu'elle mettrait en cause immédiatement la responsabilité de l'Etat.
Il faudra bien se libérer un jour de la servitude imposée à nos institutions et à nos politiques par une grille d'analyse qui n'expliquerait les relations sociales que par la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave. Pour en sortir, il faudra bien voir que la relation entre parents et enfants est existentiellement celle qui, partant d'une relation d'autorité dans la petite enfance, n'a d'autres visées que l'affranchissement des enfants de l'autorité paternelle pour en faire des frères non seulement entre eux mais même à l'égard du père.
Cette réalité est tellement importante qu'il faut dépasser des querelles inutiles pour remettre à plat la condition de la famille, de toute famille, de toutes les familles. Non, la famille n'est pas le fait générateur et « perpétuateur » de la lutte des classes. Au contraire !
Or, votre propos bien orienté débouche, hélas ! sur un projet législatif réducteur et une préoccupation exclusivement comptable et à court terme. L'équilibre de la branche famille ne peut pas être évoqué si n'est pas soulevé simultanément celui des charges indues.
C'est une raison supplémentaire pour faire ce bilan complet des charges et des ressources des familles au sein de la société. Ce bilan est celui des impôts et de toutes les charges, jusqu'au mécanisme de solidarité intergénérations du régime des retraites. Il doit également mesurer tout ce que la famille reçoit à travers les allocations, prestations et dispositions fiscales, mais aussi à travers l'enseignement, l'assurance maladie et tous les services dont elle peut bénéficier.
Je souhaite très sincèrement, madame le ministre, que ce travail d'évaluation exhaustif, objectif et rigoureux soit conduit sous le contrôle aussi bien du Gouvernement que du Parlement et de l'UNAF par un organisme compétent, tel que l'INED ou l'INSEE, pour ne citer qu'eux.
Avant que quelque disposition nouvelle et importante soit prise concernant la politique familiale, un enjeu aussi capital que celui de l'avenir de la société et du lien social doit faire l'objet d'une refondation et ne peut pas être traité de manière précipitée sous forme de mesures trop contestables.
Dans votre projet, les sommes prélevées sur certaines familles ne seraient même pas redistribuées à d'autres. On ne peut pas traiter incidemment un aussi grave problème de justice sociale. Une politique de redistribution verticale ne peut pas être catégorielle et seulement intrafamiliale. Elle doit être universelle pour ne pas être injuste, sinon elle créerait une très grave injustice horizontale puisque des familles de même niveau de revenus se verraient soumises à des prélèvement sociaux en solde net profondément différents selon qu'elles ont des enfants ou non.
Ce bilan doit être, par ailleurs, estimé non seulement ponctuellement mais sur l'ensemble de la vie d'une génération. J'ai cru déceler en filigrane dans la fin de votre discours la possibilité d'une telle démarche. Je souhaite vivement qu'elle soit engagée, car je crois que la réalité familiale mérite d'être véritablement prise au sérieux, alors qu'elle souffre encore trop souvent d'un déficit de considération assez général, même derrière des discours très favorables, d'où qu'ils viennent.
La famille est plus que jamais l'avenir de toute l'humanité ! On a peut-être cru que cela était automatique. Il a fallu, il faut déchanter. Nous devons aujourd'hui aider la famille à assumer sa mission, à devenir ce qu'elle doit être. Cette mission est non pas celle d'un repli sentimental mais celle de la construction irremplaçable d'une fraternité libre et responsable et, souhaitons-le, progressivement universelle après avoir déjà été affirmée à l'échelon national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mise sous condition de ressources, diminution de moitié de l'AGED, diminution de moitié de la réduction d'impôt pour les emplois familiaux, plafonnement de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé des enfants, c'est cette accumulation de mesures antifamiliales qui est vécue comme un véritable démantèlement de la politique familiale. Celle-ci avait pourtant été voulue et mise en oeuvre par les promoteurs de la sécurité sociale et maintenue depuis cinquante ans par les gouvernements successifs de quelque bord qu'ils soient. (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Madame le ministre, vous prétendez opérer une mise à plat de la politique familiale. Les mesures que vous prenez - j'ai le regret de vous le dire - ne sont perçues que comme des mesures comptables. L'une de vos illustres prédécesseurs disait qu'elle ne voulait pas être le ministre des comptes ; je crains qu'avec de telles mesures vous n'ayez pas les mêmes scrupules.
Faire des économies, c'est effectivement une priorité que nul ne peut contester. La maîtrise des dépenses est indispensable et urgente, mais la manière n'est pas tolérable. Le Gouvernement donne l'impression de s'en prendre uniquement aux familles, force vive de la nation, qui assurent bel et bien le renouvellement des générations.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous allons discuter dans les jours qui viennent, seules les économies faites sur les familles sont mises en exergue. Or, nous savons bien, pour avoir lu de multiples rapports, que dans la branche maladie, par exemple, il y a des économies potentielles bien plus importantes.
Les familles, qui sont pourtant un rouage essentiel de notre économie, qui permettent des développements dans le secteur immobilier, dans l'industrie automobile, dans toutes les industries de consommation, vivent d'autant mieux qu'elles sont nombreuses et bien portantes.
Les raisons budgétaires de cette politique ne sont pas plausibles. Cette politique est d'abord contraire au principe de solidarité nationale. Le fait familial en tant que tel n'est plus soutenu ; il est même renié. D'une politique familiale, on passe à une politique sociale. Deux familles de condition égale pourront, à quelques francs près, se retrouver l'une acceptée, l'autre exclue de l'encouragement aux familles. Cet effet de seuil est intolérable.
Cet encouragement aux familles repose, depuis 1945, sur un principe d'uniservalité. Il manifeste un minimum de solidarité nationale envers tous ceux qui prennent le risque d'élever des enfants, quels que soient leur statut et leur niveau de ressources.
Chaque famille doit avoir droit à la compensation d'une partie des charges qu'elle supporte pour élever ses enfants. C'est l'existence de l'enfant qui crée ce droit essentiel et non le statut ou le revenu de ses parents. C'est sur ce principe que nous nous battons.
Les allocations familiales constituent une mesure de justice et de solidarité que la République a mise en place en reconnaissance du service rendu par les familles à toute la société. La présence de l'enfant est une charge que la société se doit de prendre en considération. Ce sont les allocations familiales qui garantissent à tout enfant le droit à sa dignité.
Le Gouvernement, revenant sur ce principe de redistribution entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas, sous-tend que l'enfant est devenu un privilège qu'il ne peut plus aider.
Le vote unanimement hostile des conseils d'administration des CAF et de la CNAF montre bien que le clivage n'est pas de nature partisane, que ce n'est pas la droite, comme on l'a souvent dit sur les travées socialistes, qui s'oppose à ce train de mesures.
Nous avons participé, dans nos départements, à des débats organisés par les unions départementales des associations familiales, les UDAF, sur ces questions. Je dois dire que les parlementaires socialistes y étaient peu nombreux ! En revanche, parmi ceux qui s'opposaient à ces mesures figuraient le parti communiste, la CGT, la confédération syndicale des familles, qui ne sont pas spécialement connus comme étant de ceux qui viennent au secours de la droite.
Il s'agit donc non pas d'un problème gauche-droite mais de la remise en cause d'un principe que nous ne pouvons accepter.
Diminuer de moitié l'AGED revient à surcharger les crèches, qui - M. Fourcade l'a dit ce matin en commission - sont beaucoup plus coûteuses pour la collectivité et qui se situent parfois en zones urbaines inaccessibles.
Réduire à 22 500 francs par an la déduction fiscale pour les emplois à domicile revient, en fait, à augmenter directement le nombre des chômeurs et à inciter au travail au noir.
Selon Familles de France, 230 000 emplois ont été créés depuis 1994 grâce à cette mesure au profit de personnes souvent dépourvues de qualification.
Sachant - vous l'avez vous-même rappelé tout à l'heure - que 80 % des femmes travaillent, cette mesure permet aussi de trouver un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.
Au surplus, la rétroactivité de cette mesure aux revenus de 1997 est scandaleuse. Les contribuables concernés, ayant foi en la parole de l'Etat, ont rétribué des salariés en comptant sur cette réduction d'impôt. Aujourd'hui, les salariés sont payés et la loi abroge la disposition. Un Etat ne peut pas manquer à sa parole, quel que soit le gouvernement qui le dirige.
Dans votre propos initial, madame le ministre, vous avez parlé de l'imprévoyance du gouvernement Balladur. Chacun ses sources : en changeant le mode de cotisation de la branche famille, le gouvernement Rocard a privé cette dernière, chaque année, de 7 milliards de francs. Alors, un peu Balladur, un peu Rocard... tout le monde s'y est mis. Pour parvenir à ce résultat, la responsabilité est collective.
Je dirai maintenant quelques mots des familles qui ont connu des naissances multiples, sujet qui n'a guère été évoqué. Comme vous, madame le ministre, j'ai des tableaux qui établissent le coût familial des naissances multiples. Il est incontestable que les mesures que vous prônez pénalisent lourdement ces familles, quel que soit le mode de garde.
Qu'impliqueront pour de nombreuses familles à naissances multiples des mesures restrictives en matière d'AGED, sinon soit l'arrêt d'une activité salariée - qui va contre le travail de la femme - soit le licenciement de la personne employée à domicile, soit une poursuite d'activités avec une forte réduction du budget familial avec toutes les conséquences imaginables ? Le problème des naissances multiples mérite donc d'être souligné.
Au-delà de toutes les critiques que nous formulons maintenant, c'est le principe de l'universalité qui est remis en cause. Vous nous avez assurés à plusieurs reprises - devant la commission des comptes de la sécurité sociale, devant la commission des affaires sociales, tout à l'heure à cette tribune - qu'avec vous l'assurance maladie ne serait jamais mise sous condition de ressources. Vous oubliez, madame le ministre, que cette mise sous condition des allocations familiales était dans les tiroirs de Bercy depuis bien longtemps. Bercy, vous le savez, n'est rien d'autre qu'une sorte de grand magasin qui, en période d'économie, vous ouvre ses tiroirs et dit « Choisissez ! ». (Sourires.)
Demain, pourquoi un autre ministre que vous, qui devra faire face à un déficit de la branche maladie, ne placerait-il pas la branche maladie sous condition de ressources ?
Je crois que vous ouvrez la voie à ce qui risque d'être un démantèlement de la sécurité sociale. Comme l'a dit le président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade, il s'agit non pas d'une question de degré, mais d'une question de nature. C'est là le reproche fondamental que l'on peut vous faire.
Enfin, je voudrais rappeler que, en prenant ces mesures, le Gouvernement crée une nouvelle fracture entre ceux qui donnent sans rien recevoir et les autres, alors que même les familles les plus modestes ne profiteront pas de ces mesures.
Le problème, aujourd'hui, c'est que les gens qui paient ont le sentiment que c'est à fonds perdu. C'est évidemment très nuisible à la cohésion républicaine.
Bref, madame le ministre, en raison de cette mise en cause des principes fondateurs de la sécurité sociale, avec le risque d'extension aux autres branches, cet effet de seuil, la non-progressivité aux revenus de l'effort demandé aux familles, nous ne pouvons pas accepter ces mesures. C'est pourquoi nous vous proposerons d'autres solutions lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les Français sont inquiets, le sentiment d'insécurité économique devient omniprésent chez nos concitoyens et l'ensemble des classes moyennes s'interroge gravement sur son avenir. Assistons-nous aujourd'hui, en plus, au démantèlement de la politique familiale ?
Mais qu'est-ce, au juste, que la politique familiale ? C'est une politique d'incitation non seulement à mettre au monde, mais aussi à élever des enfants pour tous les foyers, quelles que soient leurs ressources.
Or les mesures que vous nous proposez, madame le ministre, vont toutes, sans exception, à l'encontre d'une telle politique. Entre la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la diminution de l'allocation de garde d'enfants à domicile et du crédit d'impôt pour les emplois familiaux, la réduction de la demi-part des personnes seules ayant élevé des enfants, toutes ces dispositions vont décourager les jeunes couples d'avoir des enfants.
Ce qui me choque le plus, c'est que vos projets trahissent un mépris pour nos concitoyens et une méconnaissance totale de leur vie et de leurs difficultés quotidiennes. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe François. Parfait !
M. Dominique Braye. N'est-ce pas les mépriser que de les soumettre à des mesures rétroactives et ne pas respecter la parole donnée, en envisageant que la diminution du crédit d'impôts soit effective sur les revenus 1997 ? Une parole donnée, surtout si c'est celle de l'Etat, doit être respectée. Si vous ne le faites pas, madame le ministre, vous participerez activement au rejet de l'Etat et de la classe politique tout entière par nos concitoyens. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Philippe François. Bravo !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Dominique Braye. Pour faire passer la pilule à vos alliés de la majorité, vous avez proposé à la dernière minute de verser les allocations familiales dès le premier enfant et vous nous promettez l'application de ces mesures pour la seule année 1998 et la remise à plat l'an prochain de l'ensemble de la politique familiale.
C'est bien la première fois que j'entends un ministre avouer qu'il prend de mauvaises mesures et qu'il reviendra donc sur elles dès l'année suivante mais qu'il les prend quand même !
Non, madame le ministre, mieux vaudrait commencer dès maintenant la concertation - votre méthode de gouvernement, d'après ce que l'on dit - et prendre calmement les décisions qui s'imposent. A moins que vous n'ayez pris ces mesures pour frapper là où vous pensiez que cela ferait le moins mal et dans le seul but de trouver de l'argent afin de combler les déficits que vous avez déjà créés depuis votre arrivée au pouvoir. Ou bien s'agit-il de satisfaire au respect des critères de convergences pour faire partie de l'euro en mai prochain ? Oserez-vous alors expliquer honnêtement aux Français que l'euro justifie la fin de la politique familiale ?
Mais je crois que le mépris, l'escroquerie intellectuelle à laquelle se livre votre Gouvernement, atteint son paroxysme quand il s'agit des emplois familiaux.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est exagéré !
M. Dominique Braye. Où est votre fameuse priorité à l'emploi, madame le ministre ?
D'un côté, vous faites subventionner massivement des emplois-jeunes aux Français, emplois dont on cherche encore l'utilité et, de l'autre, vous supprimez, sans état d'âme, des milliers d'emplois familiaux qui fonctionnent bien, qui font rentrer des cotisations dans les caisses de la sécurité sociale (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) et qui donnent - c'est le plus important ! - des qualifications à des jeunes femmes qui, sinon, n'auraient jamais eu accès au marché du travail.
Que vont devenir toutes ces jeunes femmes ? Chacun d'entre nous le sait : pour la plupart d'entre elles, elles auront le choix entre chômage et travail au noir. Quel progrès social, quelle solidarité ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Mme Dinah Derycke. C'est scandaleux de parler ainsi !
M. Dominique Braye. Garde d'enfants ou cavalier vert, ainsi que se nomme un de vos emplois-jeunes ? Lequel est le plus utile à la société française, de façon concrète, immédiate et à long terme, sachant que le cavalier vert revient trois fois plus cher au contribuable que la garde d'enfant ?
Personne ne peut contester que les gardes d'enfants rendent un service majeur aux parents, aux mères en particulier. Surtout, elles offrent aux enfants un cadre de vie sécurisant, le mieux adapté à leur rythme, eux qui ne vivent pas forcément bien les emplois du temps frénétiques de leurs parents.
Le bonheur familial, la stabilité et l'équilibre des enfants, madame le ministre, ne doivent pas être mis sous condition de ressources.
M. Philippe François. Parfait !
M. Dominique Braye. Quel mépris pour les mères qui travaillent, par exemple, quand vous objectez à ces jeunes mamans qu'elles n'ont qu'à prendre une place à la crèche, alors que l'on sait bien que c'est un véritable privilège aujourd'hui d'en obtenir une, tant elles sont rares ! Leur nombre, je vous le rappelle, est seulement d'environ 200 000 aujourd'hui, alors que le besoin estimé par la caisse nationale des allocations familiales est trois fois plus élevé.
En reniant l'allocation de garde d'enfants à domicile et l'aide fiscale, vous vous attaquez aux femmes qui travaillent. Ces aides ne sont pas le privilège pour familles aisées, bien pensantes, comme vous voudriez le faire croire. Elles sont le moyen pour de nombreuses familles de concilier vie professionnelle et vie familiale...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Dominique Braye. ... sans que les enfants en pâtissent trop.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Dominique Braye. On dirait que cela vous gêne. Si l'objectif inavoué de vos mesures est le retour des femmes dans leur foyer pour laisser leur emploi aux chômeurs, alors dites-le ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe François. Bravo !
M. Dominique Braye. Renoncer aux mesures d'aides aux emplois familiaux, c'est obliger toutes les femmes, quel que soit leur niveau de qualification, soit de faire le choix entre travail et enfant, soit de travailler sans pouvoir éduquer convenablement leurs enfants.
Mme Nicole Borvo. Vous êtes bien placé pour dire cela !
M. Dominique Braye. Tous les hommes politiques,...
Mme Gisèle Printz. Les hommes ?
M. Dominique Braye. ... madame Borvo, de droite comme de gauche, se sont suffisamment battus pour l'émancipation des femmes (Sourires sur les travées socialistes) depuis 1945 pour que nous continuions aujourd'hui à nous battre, afin de leur permettre de concilier leur désir légitime et indispensable pour notre pays d'avoir des enfants, et celui tout aussi légitime de s'épanouir intellectuellement et socialement dans une profession.
M. Philippe François. Bravo !
M. Dominique Braye. Madame le ministre, en agissant comme vous le faites, vous remettez en question le principe républicain d'égalité. Les prestations familiales de toutes les familles ne sont-elles pas la contrepartie des cotisations prélevées sur les salaires ? Si vous choisissez de ne plus les leur verser, j'ai bien peur que demain, malgré ce que vous nous avez dit aujourd'hui, vous trouverez de bons arguments pour diminuer ou supprimer leurs remboursements de santé ou leurs droits à la retraite ?
M. Philippe François. Bien sûr !
M. Dominique Braye. Si vous touchez au principe d'universalité des prestations sociales mis en place à la Libération, c'est la confiance en l'ensemble du système qui est remise en cause.
La question de fond n'est pas le déficit de la branche famille derrière lequel vous vous retranchez. Votre motivation, vous le savez bien, est purement idéologique. Certains socialistes ont un parti pris sectaire contre l'emploi à domicile, contre la famille et, plus encore, contre les familles aisées !
M. Philippe François. Un parti pris raciste !
M. Dominique Braye. Ils sont sectaires contre l'emploi à domicile. Mais, madame le ministre, nous ne sommes plus au xixe siècle ! Vous voyez des domestiques et des bonnes partout, des bonnes d'enfants, des bonnes à tout faire. L'époque des grandes maisons bourgeoises est révolue, madame le ministre ! Zola est mort !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ça c'est vrai !
M. Dominique Braye. Les jeunes couples qui ont embauché une personne pour garder leurs enfants de moins de six ans ne sont pas ces privilégiés que vous clouez au pilori. Ce ne sont pas non plus des exploiteurs de personnel de maison.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui a dit cela ?
M. Dominique Braye. Ce sont tout simplement des jeunes couples aux revenus moyens.
Avant la mise en place de l'AGED et du crédit d'impôt, ils n'auraient jamais imaginé pouvoir un jour devenir employeurs. Cela leur est devenu accessible et cela répond exactement à leurs besoins.
Alors, pourquoi les en priver et, surtout, pourquoi leur en faire honte ? Prendre la responsabilité de devenir employeur, surtout à notre époque, est une décision courageuse, honorable, que notre société se devrait de faciliter.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Surtout lorsque c'est l'Etat qui paie tout !
M. Dominique Braye. Ouvrons plutôt le système à ceux qui n'y ont pas accès.
Les socialistes sont également sectaires sur la famille. Dans ce parti, parler « famille » vous catalogue aussitôt comme vichyste, comme le rappelait récemment Yvette Roudy.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est grotesque !
M. Dominique Braye. La méfiance envers la famille est une constante chez vous, car la famille serait l'ennemie de l'égalité. Pire, elle serait même facteur d'inégalités. La famille, avec vous, devient un privilège qu'auraient certains enfants par rapport à d'autres.
Votre projet de société a des relents de collectivisme.
M. Philippe François. Marxiste-léniniste !
M. Dominique Braye. Pour vous, le meilleur moyen de remédier aux inégalités entre les enfants, serait de les mettre tous dans les mêmes conditions de garde, c'est-à-dire tous dans les mêmes crèches, et ensuite tous dans les mêmes écoles.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quelle horreur !
Mme Dinah Derycke. Pourquoi pas ?
M. Dominique Braye. Enfin, les socialistes font preuve de sectarisme contre les familles aisées, qui consacrent des moyens plus importants à l'éducation de leurs enfants, ce que dénonce François Hollande. Plutôt que de vous réjouir des efforts de ces familles, efforts grâce auxquels l'ensemble de la société se trouve gagnante, vous le leur reprochez !
L'éducation familiale n'est pas seulement une question de moyens financiers ; c'est d'abord et avant tout une question de responsabilité. Regardez un peu dans nos banlieues ; je suis président du district urbain de Mantes-la-Jolie ! Demandez donc aux enseignants des zones d'éducation prioritaires s'ils ne préféreraient pas que leurs élèves soient un peu mieux élevés, un peu plus obéissants, en un mot plus respectueux. Ces enseignants doivent se substituer de façon permanente à des parents démissionnaires ou défaillants.
L'éducation commence et se poursuit dans la famille et rien ne pourra jamais la remplacer. (MM. Philippe François et Alain Gournac applaudissent.) D'ailleurs, les courbes de l'insécurité, de la délinquance, du mal de vivre de nos compatriotes suivent fidèlement celle de la déstructuration des familles.
Il nous faut donc aujourd'hui nous battre tous ensemble, à droite comme à gauche, pour une vraie politique familiale, car notre pays a besoin d'enfants, d'enfants équilibrés et éduqués.
La famille n'est ni de droite ni de gauche : elle est vitale à l'équilibre de notre société et aux intérêts de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Dominique Braye. « La France sera forte de ses familles et s'épanouira dans ses enfants. Les générations nombreuses sont des générations créatrices. » Ce n'est pas un homme de droite qui a fait cet éloge de la famille ; c'est François Mitterrand, en 1988.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous voyez !
M. Dominique Braye. Je pense qu'une vraie politique familiale n'est pas un vestige du passé ; c'est au contraire, une politique d'avant-garde. Il faut donc tout mettre en oeuvre aujourd'hui pour favoriser la natalité et la stabilité de la famille.
Je fais mien l'appel SOS Jeunesse, lancé en 1995 par Mme Sullerot, cofondatrice du planning familial. Cet appel cosigné notamment, madame le ministre, par votre collègue Jean-Pierre Chevènement, mettait en garde contre les dangers de la dénatalité. Qui dit aujourd'hui que, si vos mesures sont adoptées, c'est la solidarité nationale que l'on assassine ? C'est cette même Mme Sullerot.
Alors, madame le ministre, abandonnez donc toutes ces mesures archaïques que vous vous apprêtez à instaurer. Personne ne vous en voudra. Bien au contraire, et vous éviterez ainsi de porter un mauvais coup supplémentaire à notre société, qui manifestement n'en a pas besoin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de partir des faits, loin des insultes et des procès d'intention, encore que je sois heureuse de constater que les sénateurs qui ont préféré choisir ce ton ont cité François Mitterrand, Michel Rocard, Nicole Questiaux et Louis Viannet. Cela montre que, finalement, l'idéologie, en matière de famille, n'est peut-être pas là où l'on croit.
Je voudrais donc, à l'instar de certains orateurs, en revenir aux faits, et je remercie ceux d'entre vous qui, n'étant pas d'accord avec les mesures proposées, ont néanmoins accepté le débat démocratique et ne se sont pas laissés aller au débat d'insultes, qui est bien loin de ce que peuvent attendre les familles de notre pays.
Je commencerai par la situation de la branche famille. A cet égard, on peut faire de grands discours, se lancer dans des diatribes, la réalité est là, et personne ne s'y trompera : en arrivant aux affaires, nous avons découvert 13 milliards de francs de déficit. M. Braye peut nous dire que c'est nous qui l'avons constitué en quinze jours...
M. Dominique Braye. En quatre mois, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Excusez-moi, monsieur le sénateur, les mesures sont prêtes depuis le mois de juin dernier. Vous avez vous-même dit que le Premier ministre les avait annoncées le lendemain de son arrivée. En un jour, nous n'avons tout de même pas creusé un déficit de 13 milliards de francs dans la branche famille des allocations familiales !
En tout cas, nous enregistrons un déficit de 13 milliards de francs en 1997, de 11 milliards de francs en 1998 et, si nous appliquions la loi « famille » - aujourd'hui nous devrions l'appliquer puisqu'elle devrait rester en vigueur jusqu'en 1999 - cela engendrerait 10 milliards de francs de déficit supplémentaire. Telle est la réalité !
Comme M. Fourcade l'a dit à juste titre, des mesures prises précédemment ont entraîné ce déficit de la branche famille. Il est vrai que le déplafonnement intervenu en 1990 a entraîné une perte de 7 milliards de francs, mais on doit dire aussi que, en 1993, 63 milliards de francs ont été repris à la branche famille et réintégrés dans les déficits du régime général.
Donc, pour le passé, acceptons de dire que nous avons tous une part de responsabilité au lieu de nous envoyer des chiffres à la figure. C'est d'ailleurs ce qu'a fait M. Fourcade, et je l'en remercie.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Elle est simple : nous avons un système de protection sociale dont les dépenses, qu'elles soient de la branche famille ou de la branche maladie, évoluent plus vite que les recettes, l'assiette étant assise sur les salaires, dont la part baisse, année après année, dans le revenu national. C'est la raison pour laquelle nous devons changer d'assiette et l'élargir, ce qui sera profitable aussi bien à la branche maladie qu'à la branche famille dont nous parlons aujourd'hui.
Je voudrais redire que la loi de 1994, qui n'a pas été financée, pèse également sur la situation actuelle. Monsieur Braye, je ne sais pas où est le mépris, mais faire voter une loi en sachant pertinemment que l'on n'a pas prévu les moyens de la financer, pour moi, c'est avoir du mépris pour la famille ; en la matière, le clientélisme est la pire des choses. Il vaut mieux affronter la réalité telle qu'elle est, envisager des mesures, puis en discuter. Telle est ma conception de la politique, et Dinah Derycke l'a très bien dit. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Après le vote de la loi de 1994, après la transformation de l'allocation parentale d'éducation en allocation pour le retour des femmes à la maison, ce qui coûtera 18,5 millards de francs en 1998, 500 000 femmes sont rentrées à la maison. Alors, que l'on ne vienne pas nous dire que les mesures relatives à l'AGED, qui toucheront 30 000 familles, vont à l'encontre du travail des femmes !
M. Jean Chérioux. C'est la liberté de choix !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La réalité est celle-là ! Peut-être vous déplaît-elle, mais ce sont les chiffres.
Nous avons, dès cette année, essayé d'intégrer des recettes complémentaires à la branche famille, en étendant l'assiette du 1 % affecté à la CNAF sur celle de la CSG ; cette mesure doit rapporter 3,6 milliards de francs à la branche famille. Il s'agit d'une mesure structurelle et permanente grâce à laquelle les revenus du capital, qui n'étaient pas encore touchés aujourd'hui par ce 1 % de la CSG, contribueront désormais au financement de la branche famille comme c'est déjà le cas pour la branche maladie.
Vous prétendez également que la politique familiale a un lien majeur avec la natalité. Je ne vais pas revenir sur ce débat, car de nombreux démographes se sont exprimés sur se sujet, au cours de ces derniers mois. Je crois pouvoir affirmer que la grande majorité d'entre eux, pour ne pas dire la totalité, ne considère pas aujourd'hui qu'il existe un lien direct entre les allocations familiales et la politique de natalité, et j'ajouterai heureusement. J'ai entendu certains d'entre vous, messieurs les sénateurs, qui soutenaient la famille nous expliquer que celle-ci décide d'abord d'avoir un enfant parce qu'elle va bénéficier d'une aide de l'Etat. J'ai une autre conception de la famille, une autre conception de la volonté d'avoir des enfants. Je crois que celle-ci est partagée par beaucoup sur les mêmes travées que vous et sur celles qui soutiennent la politique du Gouvernement. Il faut arrêter de considérer que tout est financiarisé dans notre société. Certaines actions sont menées, certains choix sont opérés dans la vie parce qu'on en a envie. Il en va ainsi du désir d'avoir des enfants, de leur donner une éducation et une place dans la société. Cela n'a pas été dit ce soir, et je le regrette profondément.
Je ne reviens pas sur les 10 milliards de francs que nous avons accordés aux familles en cinq mois. Effectivement, les familles les plus favorisées seront touchées, à concurrence de 4 milliards de francs, par certaines mesures, mais 10,5 milliards de francs ont été distribués aux familles les plus défavorisées. Je n'en ai pas entendu parler comme je n'ai pas entendu de voix s'élever lorsque la base des allocations familiales n'a pas été revalorisée en 1993 et en 1995, conformément aux prescriptions légales, ce qui a entraîné une condamnation par le Conseil d'Etat, ni lorsque la TVA a été augmentée, ce qui a touché d'abord les familles, notamment celles qui consomment la quasi-totalité de leur revenu, donc celles qui ont le plus besoin de cet argent, ou lorsque 120 milliards de francs ont été prélevés sur les familles pendant deux ans.
En conséquence, soyons modestes. L'avenir de la protection sociale pose un problème. Nous avons tous recherché des moyens de la financer. Il n'y a pas, d'un côté, la raison et, de l'autre, comme je l'ai entendu dire, le mépris et je ne reprendrai pas les autres termes que j'ai entendus.
Pour nous, la défense des familles, c'est la défense de toutes les familles.
J'ai entendu dire que le Gouvernement ne connaissait pas la réalité des familles. Moi, je voudrais vous rendre sensible à la situation d'une famille au chômage qui ne sait pas comment payer la cantine scolaire, qui ne peut pas envoyer ses enfants en vacances qui, parfois, ne peut pas payer son loyer et à qui on coupe l'eau ? Parce que telle est la réalité dans nos quartiers. Où est le choix pour cette famille ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
Peut-on véritablement la comparer avec la famille qui va perdre le bénéfice de l'AGED ? Je reconnais que cette perte peut poser des problèmes d'organisation. J'ai été du reste la première à le reconnaître mais comment peut-on mettre en parallèle de telles situations ?
M. Alain Vasselle. Vous affirmez des choses inexactes. C'est honteux d'entendre dire des choses pareilles !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Vasselle, Mme le ministre n'a interrompu personne. Si vous souhaitez l'interrompre, demandez lui l'autorisation.
M. Alain Vasselle. Je suis maire et je sais qu'aucun maire ne laisserait une famille de sa commune dans une telle situation.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez peut-être la chance, monsieur le maire, d'avoir dans votre commune des ressources qui vous permettent de remédier aux situations que je décris.
M. Alain Vasselle. Non, je suis maire d'une petite commune.
M. Dominique Braye. Cela se fait peut-être à Lille, monsieur Vasselle ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Des situations comme celles-là existent en effet dans le Nord parce qu'il y a 25 % de chômage en moyenne, parce que, dans le Nord, le revenu moyen de la population est de 20 % au-dessous du revenu national, parce que, dans le Nord, il y a 30 % de moins de lits d'hôpital que dans l'Ile-de-France, parce que, dans le Nord, aujourd'hui, on ne paie pas l'impôt sur les grandes fortunes comme dans l'Ile-de-France. Voilà la réalité, monsieur le sénateur ! Voilà quelques raisons qui expliquent la situation de cette région et voilà pourquoi nous voulons aujourd'hui aider ces familles.
Nous avons réouvert des écoles que vous aviez fermées ; nous avons augmenté l'allocation de rentrée scolaire ; nous avons augmenté l'allocation de logement - Mme Derycke l'a souligné - parce qu'un million de personnes vivent aujourd'hui en HLM - il n'y en a peut-être pas chez vous, monsieur le maire, vous n'avez peut-être pas de HLM - avec un revenu inférieur au SMIC mensuel.
M. Alain Gournac. Il n'y en a pas que chez vous !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà la réalité. Vous pouvez affirmer que le Gouvernement ne la connaît pas, mais, pour autant, les faits sont têtus et voilà, malheureusement, ce que vivent les gens.
M. Alain Gournac. C'est une caricature !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes qui souffrent. Je vous invite quand vous voulez dans les quartiers pour les rencontrer.
J'en viens aux mesures que nous avons prises.
S'agissant de la suppression des allocations familiales au-dessus d'un certain plafond, je rappelle qu'elle concernera les familles ayant deux enfants dont le revenu mensuel est supérieur à 32 000 francs nets par mois et les familles de trois enfants dont le revenu est supérieur à 37 000 francs nets par mois. Cette mesure doit toucher, c'est vrai, 350 000 familles.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je l'ai toujours dit, monsieur le président. Ce chiffre figure même dans le rapport que je présente en même temps que le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas un scoop. Sont concernées, très exactement, 7,8 % des familles qui perçoivent des allocations familiales et 4 % des familles avec enfants. Que l'on ne nous dise pas, dès lors, que l'ensemble de la politique familiale est remise en cause.
Nous pouvons être en accord ou en désaccord sur cette mesure spécifique, mais la politique familiale en France, heureusement, ne se résume pas uniquement aux allocations familiales. Peut-être fallait-il toucher une autre mesure. Nous en parlerons dans le débat que nous allons lancer. En tout cas, on ne peut pas dire, parce que l'on supprime des allocations familiales à 4 % des familles françaises, que la totalité de la politique de la famille s'effondre brutalement. Là aussi, sachons raison garder ! Une politique familiale se mesure toutes prestations comprises. Monsieur Chérioux, on ne peut pas dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de politique familiale.
M. Jean Chérioux. J'ai parlé de « la politique familiale traditionnelle menée depuis cinquante ans ». De fait, maintenant, il s'agit d'une politique sociale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, par le quotient familial, la collectivité aide de manière importante les familles, y compris celles qui, cette année, ne percevront pas les allocations familiales.
On ne peut pas dire que, brutalement, il n'y a plus rien pour ces familles qui disposent d'un revenu supérieur à 32 000 francs pour deux enfants ou supérieur à 37 000 francs pour trois enfants.
Le quotient familial existe. Il faut même rappeler que ce quotient familial est fortement redistributif vers le haut.
Je citerai simplement un chiffre : pour une famille de deux enfants, un enfant rapporte, si je puis dire...
M. Jean Chérioux. Il ne rapporte pas !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai entendu ce terme, il a été dit à deux reprises, ce n'est pas le mien. Disons, il apporte...
M. Dominique Braye. Vous vous raccrochez aux branches !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, se raccrocher aux branches, c'est coller à la réalité. Elle vous gêne peut-être, monsieur le sénateur, mais c'est ainsi.
M. Jean Chérioux. Il réduit la progressivité, c'est tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il apporte 550 francs par an à une famille dont le revenu annuel est de 100 000 francs. Il apporte 6 500 francs à une famille percevant 300 000 francs par an. Il apporte 12 400 francs à une famille dont les gains s'élèvent à 500 000 francs et il apporte 16 200 francs à une famille gagnant plus de 700 000 francs par an. Certes, ce sont ces familles-là qui seront touchées par nos mesures. Mais elles bénéficieront toujours des dispositions liées au quotient familial, qui demeurent en vigueur et qui font toujours partie de la politique familiale. Peut-être est-ce là qu'il faudrait faire bouger les choses. Nous en reparlerons. En tout cas, on ne peut pas dire qu'il ne reste aucune disposition favorable à ces familles.
Je voudrais aussi rappeler le caractère familial de l'assurance maladie. Ainsi, une même contribution, proportionnelle aux revenus, couvre l'ensemble de la famille, et on sait l'importance des dépenses remboursées au titre des enfants dans les premières années de leur vie. Je me réjouis de l'existence de cet aspect de politique familiale au coeur même de notre dispositif d'assurance maladie.
J'ai entendu certains nous reprocher de mettre à bas le principe de base des prestations familiales, à savoir leur universalité.
M. Charles Descours. Mais oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'aujourd'hui 41 % des montants versés au titre des prestations familiales sont d'ores et déjà sous conditions de ressources.
M. Charles Descours. On en a ajouté au fur et à mesure.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes ! Mais, sans vouloir être désagréable à l'égard de M. Fourcade, qui ne l'a pas été avec moi - d'ailleurs, je suis personnellement d'accord avec lui sur ce point, je ne vais donc pas le critiquer - je ferai observer que les premières mesures de mise sous condition de ressources datent de 1974 : je pense à l'allocation de rentrée scolaire...
M. Dominique Braye. Ce n'est pas payé sur la branche famille ! Cela n'a rien à voir !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je pense également à l'allocation de parent isolé. M. Fourcade était ministre de l'économie et des finances à l'époque, et je crois qu'il a bien fait de prendre ces mesures. Mais de grâce, arrêtons...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certainement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, en 1974, sous l'impulsion d'un certain nombre de penseurs de haut niveau, nous avons commencé à nous engager dans la politique des prestations sous condition de ressources. Mais il a été bien clair dès 1974 - je l'ai dit moi-même partout : en cette enceinte, à l'Assemblée nationale et devant l'UNAF - que notre système de prestations familiales comporterait dorénavant deux secteurs : d'une part, des allocations familiales universelles, versées à tous sans autre condition que le nombre d'enfants et, d'autre part, des prestations destinées à compenser un certain nombre de problèmes sociaux qui se posaient à des familles en difficulté.
M. Alain Vasselle. C'est une autre approche !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. La mesure que vous prônez aujourd'hui, madame le ministre, remet en cause ce mécanisme de 1974, qui a pourtant tenu depuis vingt-cinq ans.
Puisque nous en sommes à faire l'historique, je rappelle que la déviation est intervenue au moment où l'on a considéré comme des familles - M. Chérioux l'a excellemment dit - les personnes seules ayant des enfants, c'est-à-dire les familles monoparentales. Nous sommes alors entrés dans un processus de généralisation de mise sous condition de ressources des prestations. Aujourd'hui, vous mettez la dernière main à ce processus en portant un coup à l'universalité des allocations familiales.
M. Alain Gournac. C'est cela !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Pour ma part, j'aurais préféré que l'on soumette les allocations familiales à l'impôt sur le revenu, impôt progressif, ce qui aurait permis d'épargner les familles moyennes et de faire contribuer davantage les familles ayant les revenus les plus élevés.
M. Alain Gournac. C'était beaucoup plus juste !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. A l'inverse, cette suppression des allocations familiales à partir d'un certain niveau de revenu m'apparaît comme le mécanisme le plus anti-démocratique qui soit parce qu'il va obliger tous les Français à se promener avec une petite plaque indiquant leur niveau de revenu. Pour n'importe quelle opération de la vie civile, il faudra maintenant déclarer son revenu !
Par cette mesure anti-démocratique, on met à bas tout l'édifice de 1945 ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Madame le ministre, veuillez poursuivre, je vous prie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi, j'entends bien ce que vous dites, monsieur Fourcade, mais ce sont vos amis qui ne vous ont pas entendu.
Vous dites que, en 1974, vous avez défini un système, et vous avez affirmé que ce serait une fois pour toutes. Mais, en 1976, a été créée l'allocation de parent isolé, alors que vous étiez ministre de l'économie. En 1977, Mme Veil a mis le complément familial sous condition de ressources. En 1986, M. Séguin et Mme Barzach ont fait de même pour l'allocation pour jeune enfant. Et cela a continué !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Nous en sommes à 42 % aujourd'hui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 1996, sous le gouvernement de M. Juppé, MM. Barrot et Gaymard l'ont fait pour l'allocation d'adoption.
M. Jean Chérioux. Amalgame !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 1977, monsieur Fourcade, vous étiez ministre de l'équipement et Mme Veil était ministre de la santé : que s'est-il passé, alors, pour les aides personnalisées au logement ?
Quand, en 1974, vous avez dit : « C'est l'allocation de rentrée scolaire, et rien de plus », vous n'avez donc pas été suivi, pour diverses raisons que, au demeurant, je ne critique pas du tout. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, nous en sommes à 42 % des prestations familiales qui sont sous condition de ressources. Alors, ne dites pas qu'il s'agit, avec les allocations familiales, d'une exception au principe de l'universalité !
J'ai bien compris quel système avait votre préférence, monsieur Fourcade. Ce sera un des éléments de la discussion. Faut-il aller vers le quotient familial, vers la fiscalisation des allocations familiales ? J'ai déjà dit que, dans le cas d'un large accord, le Gouvernement serait prêt à changer de position.
Mais, encore une fois, ne tenons pas des propos qui ne sont pas conformes à la réalité.
J'en viens maintenant à une mesure qui n'est pas une mesure de solidarité mais qui correspond à la nécessité, selon nous, de revenir sur une anomalie de notre système : celui de l'ampleur de l'AGED cumulée avec les emplois familiaux.
Là encore, je voudrais rappeler les chiffres, chiffres qui ne sont pas contestés. Ce matin, en commission des affaires sociales, il m'a été dit qu'ils étaient contestés par l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF. Or, après avoir été entendue par la commission, j'ai contacté M. Brin par téléphone et celui-ci m'a confirmé qu'il reconnaissait ces chiffres comme exacts. Il m'a même faxé les documents de l'UNAF : nous avons les même chiffres puisqu'ils viennent tous de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. Vous avez entendu les déclarations du président de la CNAF : on ne peut pas penser qu'il est favorable à ce que nous sommes en train de faire.
Ces chiffres ont également été repris par l'association de retraite des employés de maison, que M. le président de la commission a évoquée tout à l'heure.
Ces chiffres, quels sont-ils ? Ce sont 75 000 foyers fiscaux qui vont être touchés par cette réduction de 90 000 francs à 45 000 francs, soit 0,25 % des 30 millions de foyers fiscaux.
M. Charles Descours. Mais c'est rétroactif !
Mme Martine Aubry ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Braye, je ne suis pas contre les « bonnes », comme vous dites, d'abord, parce que je ne m'exprime jamais comme cela et, ensuite, parce que je n'ai rien contre les employés de maison. C'est moi-même qui ai créé le système d'aide aux emplois familiaux en 1992. Seulement, à partir d'un système qui visait à aider les familles moyennes, on a fait un privilège.
Je le répète, il n'y a aucun pays au monde où l'on rembourse 80 % à 85 % - avec le cumul entre emplois familiaux et AGED - de ce que coûte un employé de maison à domicile. Telle est la réalité !
J'entends dire qu'il faut du courage pour employer quelqu'un. Quel courage faut-il lorsque l'Etat vous rembourse 85 % de 110 000 francs ? Il faut simplement avoir les moyens de payer les 2 500 francs qui restent ! Aujourd'hui, la totalité des familles qui ont un employé de maison à temps plein ont un revenu supérieur à 32 000 francs par mois, ce qui signifie que le revenu moyen de ces familles doit se situer entre 40 000 et 45 000 francs. Ces familles payent 2 500 francs un employé de maison à temps plein, alors qu'elles paieraient 3 000 francs si l'enfant fréquentait une crèche.
Est-ce démocratique ? Est-il normal, dans notre pays, que l'on paye 80 % du coût d'un employé de maison à domicile ? Bien sûr, celui-ci va garder les enfants - et nous ne pouvons que nous en réjouir -, mais il fera également le ménage et effectuera un certain nombre d'autres tâches qui faciliteront la vie de la famille.
Eh bien, quand on gagne 40 000 francs nets par mois, on peut faire le choix d'avoir un employé de maison, d'autant que l'aide va subsister, mais elle ne sera plus que de 40 % à 60 %, ce qui reste très important !
Même dans ces conditions, la France restera le seul pays au monde à aider autant les foyers qui emploient un employé de maison. Voilà la réalité !
Par conséquent, 75 000 foyers fiscaux sont touchés par la baisse de la réduction de 90 000 francs à 45 000 francs et 66 000 foyers sont concernés par la réduction de l'AGED. Inutile de dire que ce sont souvent les mêmes : 0,7 % des 9 millions de familles qui ont un enfant.
Quand est-on touché par ces deux mesures ? Selon la caisse de retraite des employés de maison à domicile, un peu moins de la moitié seulement des familles concernées vont être touchées par le cumul de ces deux mesures. En effet, un certain nombre de ceux qui, jusqu'à présent, bénéficiaient de l'exonération à 100 % n'utilisaient pas leur déduction fiscale en totalité, alors que, grâce au nouveau plafond, ils vont pouvoir l'utiliser.
Autrement dit, ce sont environ 30 000 familles qui vont effectivement être touchées, 30 000 familles dont, je le rappelle, le revenu net moyen se situe entre 40 000 et 45 000 francs. Si j'ai un jour des chiffres plus précis, je vous les communiquerai.
Alors, quand j'entends dire : « La politique familiale est à terre, les familles n'en peuvent mais » - et il y a des sondages qui indiquent le contraire -...
M. Dominique Braye. C'est ce que disent les associations !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... je réponds que la réalité est pourtant bien telle que je la décris.
On me dit que certaines familles sont confrontées à des problèmes d'organisation, car elles avaient pris un employé de maison à domicile à cause de ces avantages. J'ai donc proposé - un amendement a été présenté à l'Assemblée nationale - une mesure pour cette année, en faveur de ceux qui gagnent moins de 300 000 francs nets par an, car ceux-ci, ayant pu croire que ces avantages allaient être maintenus, auraient effectivement des difficultés à garder leur employé de maison. En tout cas, pour elles, le plafond de 45 000 francs va jouer à plein, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent avec une AGED à 100 %.
D'ailleurs, la remise en cause de l'AGED n'est pas une mesure farfelue, proposée par un gouvernement de gauche qui en veut aux plus favorisés. Relisez le rapport de la Cour des comptes qui vient de paraître !
La Cour des comptes, c'est tout de même un organisme officiel. Bien sûr, on peut tout dénigrer et considérer que tout, dans ce pays, n'est qu'idéologie, mais moi, je n'oublie pas que nous avons certaines institutions.
Eh bien, selon la Cour des comptes, l'AGED ne contribue pas à améliorer la qualité des modes d'accueil, car cette allocation est accordée sans aucune condition de qualification préalable du salarié.
La Cour des comptes précise que l'AGED correspond par ailleurs à un mode de garde très coûteux. Pour un enfant de moins de trois ans, le coût total annuel en 1995 est estimé à 64 000 francs dans une crèche collective, à 50 000 francs dans une crèche familiale, à 38 000 francs chez une assistance maternelle et à 121 000 francs pour la garde à domicile avec l'AGED. Le coût représente donc 1,9 fois celui de la garde en crèche collective.
Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, le cumul de l'AGED et de la réduction d'impôt représente une subvention élevée et croissante avec le revenu.
J'arrête là : le rapport contient quatre pages de critiques de cette nature, concluant que l'AGED contribue à une ségrégation sociale et qu'il s'agit d'un dispositif qui n'est pas juste. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes.
Vous citez François Mitterrand et Louis Viannet. J'en suis ravie. Moi, je cite la Cour des comptes.
M. Jean Chérioux. En l'occurrence, elle est sortie de son rôle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous affirmez qu'il est normal d'accorder 85 000 francs à une famille, mais que 92 000 francs pour un emploi-jeune, c'est beaucoup trop.
Dois-je rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que chaque emploi-jeune sera utile à des dizaines de nos concitoyens et non pas à une seule famille ? Il s'agit bien d'une aide apportée par l'Etat pour installer des jeunes dans la vie active et pour créer des nouveaux métiers. Il ne s'agit pas d'une aide individuelle à une personne ou à une famille.
M. Alain Vasselle. On en reparlera !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. On en reparlera en effet ! Si vous ne voulez pas créer d'emplois-jeunes, n'en créez pas ! Nous verrons effectivement où des emplois-jeunes auront été créés et où l'on n'en aura pas créé ! Nous étudierons les conditions de vie de nos concitoyens et nous verrons comment vivent les jeunes dans les différentes communes.
Monsieur Braye, vous dites que le bonheur familial, pour un enfant, c'est d'avoir sa mère auprès de lui. Moi, je dis : le bonheur familial, pour un enfant, c'est d'avoir son père et sa mère.
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais dit cela ! J'aurais aimé que vous m'écoutiez un peu mieux !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh ! je vous ai écouté complètement. Je ne pouvais d'ailleurs pas ne pas vous écouter...
M. Dominique Braye. J'ai mon texte sous les yeux, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, relisez-le, monsieur le sénateur ! Je ne pense pas vous trahir en disant cela.
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais affirmé que c'était d'avoir sa mère à côté de lui ! J'ai dit : « ses parents ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je crains que non, monsieur le sénateur, mais nous vérifierons. Si nous sommes d'accord, tant mieux !
Vous avez tout de même parlé à plusieurs reprises du retour de la femme à la maison. Et pourquoi l'homme ne reviendrait-il pas à la maison ?
M. Dominique Braye. Souvent, il travaille !
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, faites cesser cette comédie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand je parle d'évolution des familles, je pense qu'il convient aussi d'organiser la répartition des tâches. Chaque père, comme chaque mère, doit pouvoir avoir le temps de s'occuper de ses enfants. C'est la raison pour laquelle nous réduisons la durée du temps de travail. Il s'agit également d'une amélioration de la vie de tous.
M. Dominique Braye. Il n'y a que les enfants de chômeurs qui peuvent avoir leurs deux parents à côté d'eux, madame le ministre !
M. le président. M. Braye, je vous en prie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sauf dans la commune de M. Braye, où il n'y a pas de chômeurs et pas de familles en difficulté !
M. Dominique Braye. Il doit y en avoir beaucoup chez vous, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en viens à la critique qu'a fomulée M. Larché, en faisant référence au préambule de la Constitution, qui prévoit que la nation assure à l'individu et à sa famille les moyens nécessaires à leur développement, qu'elle protège la santé et la sécurité matérielle.
Il y a tout de même lieu de penser que, compte tenu des niveaux de revenu concernés, les mesures prises n'affecteront pas la sécurité matérielle des enfants en question. Ces mesures laissent bien à leurs familles les moyens matériels nécessaires à leur développement.
Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel nous dira ce qu'il en pense.
Au demeurant, bien entendu, si ces familles connaissaient des revers, elles rentreraient aussitôt dans le dispositif.
On nous a également dit que ces mesures risquaient de faciliter le travail au noir et de faire revenir les femmes à la maison.
S'agissant de ce dernier point, c'est l'APE, transformée en salaire maternel par Mme Barzach et modifiée en 1994, qui a entraîné, effectivement, le retour d'un certain nombre de femmes à la maison.
MM. Jean Chérioux et Dominique Braye. C'est leur libre choix !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, mais ce sont quand même les femmes qui retournent à la maison, ce ne sont pas les hommes !
M. le président. Monsieur Braye, monsieur Chérioux, Mme le ministre ne vous a pas interrompus pendant vos interventions ;...
M. Charles Descours. Elle en avait pourtant envie ! (Sourires.)
M. le président. ... je vous demande de faire preuve de la même courtoisie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Merci, monsieur le président.
MM. Fourcade, Paul Girod et Durand-Chastel, en particulier, ont soulevé le problème du travail au noir, et je reconnais que cette question mérite d'être examinée.
Je ne dis pas que, à la marge, n'existera pas la tentation de revenir au travail au noir. Cependant, si les familles font le calcul - encore faut-il qu'elles le fassent, me direz-vous avec raison - avant de décider de ne pas déclarer leur garde à domicile, elles constateront que le cumul de la réduction d'impôt et de l'AGED, même réduite, reste extrêmement intéressant.
Je vous donnerai deux exemples, qui ne sont pas choisis à dessein.
Pour une famille de deux enfants dont le revenu annuel est de 250 000 francs, après l'adoption de nos mesures, l'AGED représentera 37 451 francs et la réduction d'impôt, 14 729 francs. Cela signifie que cette famille touchera plus de 52 000 francs d'aides publiques, tandis que ses charges atteindront 49 000 francs. Une telle famille aura donc intérêt à continuer à déclarer la personne employée à domicile.
Pour une famille de trois enfants dont le revenu est de 350 000 francs, nous parvenons à une égalité, à 100 francs près, des charges par rapport au total des aides publiques.
Lorsqu'il s'agit d'un emploi à mi-temps, dans tous les cas, les familles y gagnent, car elles n'atteignent pas le plafond de la réduction pour emplois familieux.
Autrement dit, les seules familles susceptibles d'être globalement perdantes sont celles qui emploient une personne à temps plein et dont les revenus sont extrêmement élevés.
Ces familles choisiront-elles le travail au noir ? Peut-être ai-je tort, mais je fais tout de même confiance à nos concitoyens, notamment à ceux qui ont la chance d'avoir une place dans notre société, leur permettant de vivre convenablement.
Si nous considérons que, pour que nos concitoyens appliquent la loi de la République qui consiste à cotiser pour la personne que l'on emploie,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... il faut que l'Etat participe à concurrence de 80 %, c'est que véritablement nous n'avons confiance ni dans la démocratie, ni dans nos concitoyens !
Mme Gisèle Printz. Parfaitement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdame, messieurs les sénateurs, comme vous, j'ai reçu des lettres de gens qui n'étaient pas d'accord avec les mesures gouvernementales.
Cependant, j'ai aussi reçu des lettres de personnes percevant l'AGED et bénéficiant de la réduction d'impôt de 90 000 francs mais qui admettaient que ces avantages étaient injustifiés, notamment en période de crise, et qu'ils soient remis en cause.
Eh bien, moi, je compte sur le sentiment de solidarité de nos concitoyens et, plus simplement d'ailleurs, sur leur bon sens, car, encore une fois, aucun pays ne propose autant d'aides.
A ceux qui parlent de chômeurs supplémentaires, je crois avoir démontré que, parmi les 30 000 familles environ qui seront concernées par cette réduction des avantages, seules celles qui ont recours à une personne employée à temps plein et dont les revenus sont les plus élevés seront perdantes avec le nouveau système.
Que l'on ne nous dise donc pas que 200 000, voire 300 000 emplois vont être supprimés !
Je rappelle d'ailleurs que les chiffres qui ont été cités prennent en compte tous les emplois à domicile, notamment ceux qui ont bénéficié aux personnes âgées et aux handicapés au cours de ces dernières années. Or, ces emplois ne sont absolument pas concernés.
Peut-être y aura-t-il en effet quelques milliers de personnes qui passeront « au noir », et je le regretterai mais je ne suis pas sûre que ce sera le cas, car, encore une fois, je crois que nos concitoyens sont un peu plus responsables qu'on ne le croit.
Je veux maintenant répondre très sérieusement à certaines critiques fondées sur des mots que nous aurions prononcés.
Personnellement, monsieur Poirieux, je n'ai jamais qualifié les associations familiales de « lobbies ».
Je connais depuis longtemps déjà leurs membres puisque cela fait vingt ans que je travaille dans le secteur du travail, de l'emploi et des affaires sociales ; je les connais et je les apprécie. Je puis donc affirmer que s'ils ne sont pas dans la rue aujourd'hui mais dans mon bureau, où ils discutent avec mes collaborateurs, c'est parce que nous avons établi une relation de confiance.
Je peux certes accepter que l'on dise que certaines associations sont opposées aux mesures proposées par le Gouvernement mais pas que l'on remette en cause la confiance que nous avons forgée ensemble depuis des années.
Je n'ai pas parlé de « lobbies » et je défie d'ailleurs quiconque de relever dans mes discours un terme qui se rapproche de celui-ci.
Il a également été dit que je suspectais les familles classiques de représenter l'ordre moral. Sur ce point aussi, il faut savoir raison garder !
Ce que j'ai dit, au contraire, et le Sénat devrait suffisamment me connaître pour savoir qu'il n'est pas dans mes habitudes de faire des discours auxquels je ne crois pas, c'est que « la gauche », comme vous dites, ne considère pas les familles comme les représentantes de l'ordre moral.
Ce sont là des débats du début du siècle !
M. Dominique Braye. Vous y êtes encore !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons tous évolué, nous, mais vous aussi, bien que les propos que j'ai entendus ce soir m'amènent parfois à en douter. Changeons notre manière de voir les choses !
Nous estimons, je le répète, que la famille est la première cellule dans laquelle se construit l'enfant en termes d'affection et d'éducation. Nous ne montrons, monsieur Vasselle, aucune famille du doigt. Faire appel à la solidarité, ce n'est pas diviser les familles ; c'est, au contraire, les rapprocher. Ce n'est pas opposer deux catégories de Français ; c'est, au contraire, leur demander de s'aider.
La solidarité, ce n'est pas la division ou, vraiment, c'est que nous n'avons ni les mêmes valeurs, ni les mêmes conceptions de ce que doit être la vie en société !
M. Dominique Braye. Il y a l'impôt pour cela, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Peut-être faut-il recourir à l'impôt. Nous en reparlerons bientôt et nous verrons, à ce moment-là, si vous défendrez de telles mesures. Si tel était le cas, je m'en réjouirais.
Je n'ai donc pas parlé des familles en ces termes. Je n'ai pas parlé de privilégiés, de nantis et encore moins de « carrés de soie ».
La solidarité, je le répète, réunit les Français ; elle ne les divise pas.
Mon souci n'est pas non plus que l'Etat assiste les familles les plus défavorisées, mais seulement qu'il leur donne les moyens d'assumer à nouveau leurs responsa- bilités.
Quand on ne sait pas quoi donner à manger à ses enfants, quand on ne sait pas comment payer son loyer, on a beaucoup de mal à jouer pleinement son rôle de père ou de mère. Il faut donner à chacun les moyens de reprendre en main ses fonctions - primordiales, nous en sommes d'accord - de parents.
Je veux terminer mon propos sur une vision plus optimiste.
A cet égard, je remercie MM. Paul Girod et Daniel Hoeffel d'avoir reconnu, eux, que nous étions d'accord sur le rôle essentiel de la famille dans la société comme vecteur des valeurs et repères.
Je suis en particulier totalement d'accord avec ce qu'a dit M. Hoeffel du rôle de la famille en période de crise : quand tout va mal, le refuge, la défense, la protection, c'est d'abord la famille.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Malheureusement, toutes les familles ne peuvent pas apporter cette protection à leurs enfants.
Il faut donc revoir notre politique familiale et d'abord, comme Mme Dinah Derycke l'a souligné, la question des prestations familiales. Faut-il recourir à des mesures fiscales plutôt qu'aux mesures de plafonnement que nous avons mises en place, comme le souhaite M. Fourcade ? Nombre d'entre vous en ont parlé, M. Hoeffel, mais aussi Mme Borvo.
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mme Borvo a aussi le droit d'exprimer son avis !
M. Dominique Braye. Personne n'a dit le contraire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je redis ici très clairement que l'accord que nous n'avons pas pu obtenir avant que ces mesures soient arrêtées, nous l'obtiendrons peut-être avec les organisations syndicales et les associations familiales dans les mois qui viennent, et je suis convaincue que le Premier ministre en tirera alors toutes les conséquences.
Cependant, la politique familiale, Mmes Borvo et Printz l'ont souligné, dépasse largement la question des prestations familiales : logement, éducation, vacances scolaires, activités périscolaires, culturelles, artistiques et sportives, tous ces domaines en relèvent, car il s'agit de faire des enfants des personnes autonomes.
Nous allons aborder la situation de deux manières, d'abord, en demandant un diagnostic à des experts, ensuite, en établissant une large concertation avec les organisations familiales et syndicales. Nous ne partons d'ailleurs pas de rien : le travail réalisé par Mme Gisserot, notamment, constitue un des éléments de base qui seront soumis à la réflexion des uns et des autres.
Certains, parmi lesquels M. Durand-Chastel, ont évoqué, pour s'en inquiéter, le risque d'une extension de la mise sous condition de ressources aux prestations servies par les branches maladie ou vieillesse. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il s'agit de systèmes différents, et ce serait d'ailleurs une aberration, au moment où nous mettons à contribution tous les types de revenus, d'établir une distinction entre les prestations servies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la famille mérite mieux que des procès d'intention ou des insultes. A cet égard, je remercie bien évidemment ceux qui approuvent l'action gouvernementale, mais aussi M. le président de la commission des affaires sociales et certains d'entre vous, notamment MM. Seillier et Hoeffel.
En démocratie, on a certes le droit d'être en désaccord mais mieux vaut avancer des idées et des contre-propositions plutôt que de s'envoyer des insultes ! Cela ne grandit pas la démocratie et n'en donne pas une très bonne image aux jeunes dont nous avons tant parlé ce soir.
En conclusion, je répèterai ce que j'ai dit en introduction, comme beaucoup d'entre vous d'ailleurs, notamment Mme Dinah Derycke. Notre objectif est de protéger et de conforter la famille ; et les mois qui viennent vous permettront de le vérifier.
M. Dominique Braye. Pas de paroles, des actes !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez tous affirmé que la famille est la cellule de base où se construit l'enfant, où il acquiert ses premiers repères. Nous sommes d'accord. C'est dans la famille que s'exprime en premier lieu la solidarité, et de cela nous devons être tous convaincus car nos sociétés n'avanceront pas sans solidarité. C'est dans la famille que s'apprend le respect de l'autre et que s'effectuent les premières expériences et les apprentissages.
Défendre la famille, c'est défendre ses valeurs et les objectifs auxquels nous sommes tous particulièrement attachés, c'est-à-dire préserver la cohésion sociale, donner à chacun sa vraie place et promouvoir la solidarité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 68 et distribuée.

9

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Paul Loridant, Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade, M. Paul Vergès, une proposition de loi relative à la taxation des mouvements de capitaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 66, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Hubert Falco une proposition de loi tendant à assurer une meilleure répartition de la contribution des communes aux centres de gestion de la fonction publique territoriale en faveur des agents des catégories B et C privés d'emploi.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 67, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE (quatrième directive assurance automobile).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-945 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CE n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-946 et distribuée.

11

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Josselin de Rohan, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 69 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 5 novembre 1997, à quinze heures et le soir :
1. - Discussion des conclusions du rapport (n° 69, 1997-1998) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
2. - Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
Aucune inscription de parole dans ce débat n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Résolution de la commission des finances (n° 46, 1997-1998) sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (n° E 785) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n° 283, 1996-1997) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (AN, n° 303) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 novembre 1997, à douze heures.
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 56, 1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT

Mercredi 5 novembre 1997, à 15 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes les temps réservés au président de la commission des affaires économiques et au président de la commission des finances ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 4 novembre 1997.)

Jeudi 6 novembre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Résolution de la commission des finances sur la proposition de directive du Conseil (n° E 785) modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (n° E 46, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette résolution.)
A 15 heures :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n°s 240 et 259, 1994-1995 ; rapport n° 283, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 12 novembre 1997,
à 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (AN, n° 303).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 12 novembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 12 heures, le mercredi 12 novembre 1997.)

Jeudi 13 novembre 1997 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 56, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 novembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Eventuellement, vendredi 14 novembre 1997, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Mardi 18 novembre 1997 :

A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 18 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Conditions d'attribution des pensions de réversion) ;

- n° 34 de M. Franck Sérusclat à M. le secrétaire d'Etat à la santé (Prévention des accidents liés aux médicaments) ;

- n° 47 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Situation des retraitées agricoles) ;

- n° 51 de M. Bernard Dussaut transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget (Taux de TVA applicables à la restauration) ;

- n° 56 rectifié de M. Jacques de Menou à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Avenir touristique et économique des zones hors PAT) ;

- n° 64 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Réaménagement de la route nationale 102) ;

- n° 82 de M. Philippe Marini à M. le ministre de l'intérieur (Récupération de la TVA sur les investissements relatifs au traitement des ordures ménagères) ;

- n° 83 de M. Hubert Durand-Chastel transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Emploi des jeunes à l'étranger) ;

- n° 86 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Simplification administrative et réforme de l'Etat) ;

- n° 88 de M. Francis Grignon à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Prime de fin d'année aux agents titulaires des collectivités territoriales) ;

- n° 91 de M. Jean-Pierre Raffarin à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Réformes des fonds structurels européens) ;

- n° 93 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Politique autoroutière) ;

- n° 95 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Tracé de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron) ;

- n° 97 de M. Jean-Marie Poirier à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Lutte contre les recours abusifs en matière d'urbanisme) ;

- n° 98 de M. Fernand Tardy à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Construction de l'autoroute A 51) ;

- n° 100 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Avenir du transport routier) ;

- n° 102 de M. Serge Vinçon à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (Conditions de transposition en droit interne d'une directive européenne) ;

- n° 106 de M. Claude Huriet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Distribution des produits d'assurance dommages).

A 18 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 : explications de vote et vote sur l'ensemble.
Mercredi 19 novembre 1997, à 15 heures :

Ordre du jour complémentaire

1° Proposition de résolution de MM. Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués (n° 34, 1997-1998).

Ordre du jour prioritaire

2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998).

Jeudi 20 novembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Suite de l'ordre du jour de la veille.
A 15 heures :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l'approbation du quatrième protocole (Services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services (AN, n° 221).
A 16 heures et le soir :
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998 (AN, n° 230) ( cf. ci-après).

Règles et calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 (du jeudi 20 novembre 1997, à 16 heures, au mardi 9 décembre 1997 inclus)

Rappel :
- une séance de questions d'actualité au Gouvernement a été fixée au cours de cette période le jeudi 27 novembre 1997, à 15 heures (les inscriptions des auteurs de questions devront être effectuées au service de la séance le jour même, avant 11 heures) ;

- il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes en séance publique le mercredi 26 novembre 1997, vers 17 h 30.

A partir du jeudi 20 novembre 1997, à 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998.
Les modalités de discussion et la répartition des temps de parole sont fixées comme suit :
1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 20 novembre 1997, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 5 décembre 1997, à 17 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes ainsi que, le cas échéant, les présidents de commissions saisies pour avis, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;

- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et un temps de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de quinze minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance :
- pour la discussion générale, le mercredi 19 novembre 1997, avant 17 heures ;

- pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.

En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

A N N E X E I
Calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 1998
adopté par la conférence des présidents du 4 novembre 1997


DATE

DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 20 novembre 1997
A 16 heures et le soir. Discussion générale 6 h 30

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 16 heures.

Vendredi 21 novembre 1997

A 9 h 30 . Discussion générale (suite et fin) 2 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira l'après-midi pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

Lundi 24 novembre 1997

A 10 heures, 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie 10 h 30

Mardi 25 novembre 1997
A 9 h 30, 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 11 heures

Mercredi 26 novembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et le soir.
Nota. - La discussion relative aux affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 24. Nota. - A 17 h 30, dépôt du rapport de la Cour des comptes.


Examen de l'article 24 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes
Examen des articles de la première partie (suite et fin)
Eventuellement seconde délibération sur la première partie Explications de vote sur l'ensemble de la première partie. Scrutin public ordinaire de droit



3 heures

8 heures

Jeudi 27 novembre 1997

A 9 h 30, 16 heures et le soir. Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures.


Education nationale, recherche et technologie :
I. - Enseignement scolaire
II. - Enseignement supérieur
III. - Recherche et technologie
Affaires étrangères et coopération : II. - Coopération (et francophonie)


3 h 30
2 h 30
1 h 30
2 h 30

Vendredi 28 novembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et le soir.

Affaires étrangères et coopération : I. - Affaires étrangères

4 heures
. Culture 4 heures
. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; article 48 et lignes 46 et 47 de l'état E annexé à l'article 44) 3 heures

Lundi 1er décembre 1997

Nota. - Nouvelle lecture de la loi de financement de la sécurité sociale à 9 h 30. A 15 heures et le soir.


Emploi et solidarité : I. - Emploi
3 h 30
.
II. - Santé, solidarité et ville : - santé et solidarité
3 heures
. - ville et intégration 1 h 30

Mardi 2 décembre 1997

A 10 heures, 15 heures et le soir. Agriculture et pêche 4 h 30
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
.

Intérieur et décentralisation : - sécurité

2 h 30
. - décentralisation 2 h 30

Mercredi 3 décembre 1997

A 9 h 30, 15 h 30 et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.


Economie, finances et industrie :
I. - Charges communes (et article 63)
Comptes spéciaux du Trésor (articles 34 à 43)
Economie, finances et industrie : II. - Services financiers (et consommation)


1 heure
1 heure
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 30
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
.
Economie, finances et industrie : III. - Industrie (et poste)
3 heures
. IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure

Jeudi 4 décembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement : I. - Urbanisme et services communs

1 heure
.
II. - Transports :
1. Transports terrestres
2. Routes 3. Sécurité routière

2 h 30
.
4. Transport aérien 5. Météorologie
2 heures
.
Budget annexe de l'aviation civile :
IV. - Mer :
- marine marchande - ports maritimes
1 h 30
. V. - Tourisme 1 heure
. III. - Logement 3 heures

Vendredi 5 décembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 17 heures.


Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire
II. - Environnement Défense
5 heures
.
- exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 30).
- dépenses ordinaires (article 29).
2 h 30 2 heures
. Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30

Samedi 6 décembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et éventuellement le soir. Outre-mer 4 heures
. Anciens combattants (et article 62) 2 heures
. Jeunesse et sports 2 h 30
. Eventuellement discussions reportées.

Lundi 8 décembre 1997
A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (et article 67) 3 heures

A 16 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Mardi 9 décembre 1997

A 9 h 30, 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.


A N N E X E I I
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 18 novembre 1997

N° 18. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'insuffisance et l'injustice des conditions d'attribution des pensions de réversion (cumul, plafond, âge). Elle lui fait remarquer que les bénéficiaires de ce droit, généralement des femmes, doivent vivre avec la seule pension de réversion de leur conjoint(e) décédé(e) et que si, pour le régime général, le taux de réversion est de 54 %, il demeure toujours fixé à 50 % dans la fonction publique et dans la plupart des régimes spéciaux. Elle lui fait remarquer également que le passage à cinquante-cinq ans de l'ouverture des droits de réversion de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et de l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) crée une situation financière de plus en plus difficile pour les bénéficiaires entre cinquante et cinquante-cinq ans. Elle lui demande quelles mesures elle envisage pour fixer à cinquante ans le bénéfice de la pension de réversion avec, dans l'immédiat, un passage du taux à 60 % et à plus long terme à 75 % de la retraite du conjoint(e) décédé(e). Elle lui demande enfin quelles mesures elle envisage pour réparer l'injustice due au non-cumul de la pension de réversion et d'une retraite professionnelle, en permettant désormais le cumul des deux.
N° 34. - M. Franck Sérusclat attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur sa volonté de mettre en oeuvre une politique globale de prévention en matière d'alcool au volant, mais aussi d'accidents liés aux médicaments. Ces derniers sont nombreux et meurtriers, dans la mesure où les Français figurent parmi les plus grands consommateurs de psychotropes et détiennent le triste record pour les médicaments antidépresseurs. Cette consommation, alliée à celle de l'alcool, entraîne une polytoxicomanie qui a des conséquences importantes sur la vigilance au volant jusqu'à être à l'origine d'accidents mortels. Ne devrait-il pas être envisagé de mener une grande campagne d'information et de prévention, à l'instar de celles réalisées dans les pays nordiques, afin que nos concitoyens soient réellement conscients des dangers qu'ils font courir aux autres, mais également à eux-mêmes ? Par ailleurs, il semble indispensable d'accentuer la formation des médecins qui prescrivent ces médicaments et n'informent pas assez leurs patients des dangers encourus. Enfin, une modification du conditionnement des produits neuroleptiques avec une mise en garde claire et forte pourrait également s'avérer une mesure efficace. Il demande au secrétaire d'Etat à la santé s'il compte prochainement engager une politique dans ces directions, afin de continuer à faire baisser le nombre d'accidents de la circulation.
N° 47. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation des retraitées agricoles conjointes qui doivent se contenter d'une retraite de 1 400 francs par mois pour une moyenne de cinquante années de travail. Il lui rappelle que ces agricultrices ont souvent commencé à travailler dès l'adolescence pour aider leurs parents à relever les exploitations. Dans la période des années soixante, les agriculteurs ont dû investir pour acheter les terres, construire les bâtiments agricoles et acquérir du matériel agricole. Il souligne que tous ces efforts ont permis au secteur agroalimentaire de réaliser d'énormes profits et qu'aujourd'hui les terres et les bâtiments agricoles ne représentent plus aucune valeur, faute de repreneur. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin que les retraitées agricoles conjointes d'exploitant puissent bénéficier d'une retraite agricole égale au moins à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
N° 51. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la disparité des taux de taxe sur la valeur ajoutée applicables au secteur de la restauration. En effet, actuellement, les ventes à consommer sur place, qui caractérisent essentiellement la restauration classique - libre-service ou traditionnelle -, sont assujetties au taux normal de 20,6 % alors que les ventes à emporter, majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux de 5,5 %. Ces distorsions fiscales ont des conséquences multiples : au niveau de la concurrence européenne, puisque huit Etats de l'Union européenne appliquent déjà un taux réduit unique ; au niveau de l'emploi, puisque cette disposition freine le potentiel de développement de ces petites entreprises, qui sont pourtant les plus utilisatrices de main-d'oeuvre ; mais également au niveau culturel, puisque c'est la restauration classique, composante à part entière de notre patrimoine culturel et touristique, qui est directement touchée. Il lui demande s'il envisage de remédier à cette regrettable situation. (Question transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget.)
N° 56 rectifié. - M. Jacques de Menou alerte Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le projet de plafonnement des aides à l'investissement touristique dans les zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire (PAT) et ses conséquences sur les zones hors PAT. La notification initiale du régime d'aide cadre dans le secteur du tourisme désavantagerait gravement les zones hors PAT (aides plafonnées à 15 %, voire 7,5 %, contre 30 % en zones PAT), dont l'activité touristique s'avère pourtant si nécessaire à leur développement. Il semble aussi injuste qu'inadapté à un aménagement harmonieux de notre territoire que les zones hors PAT, qui déjà ne bénéficient pas de grands projets industriels, soient écartées également des aides aux emplois touristiques. Au cas où cette mesure serait confirmée, il souhaiterait connaître les dispositions qu'envisage le Gouvernement pour pallier ce cumul de handicaps dans les zones hors PAT. A la suite du comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) d'Auch, ces zones hors PAT devaient pouvoir bénéficier à nouveau des aides aux bâtiments industriels. Il lui demande si cette disposition est confirmée.
N° 64. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'inadaptation de la RN 102 au trafic routier et sur les graves conséquences que cette situation entraîne. Il lui rappelle la cruauté des chiffres des accidents mortels : depuis le 1er janvier 1997, à la fin du premier semestre, neuf accidents sont ainsi à déplorer (seize en tout pour l'année 1996). Il tient à lui rappeler que la RN 102 est désormais sous-dimensionnée et devient dangereuse en raison de la croissance du trafic routier en raison de son rôle de liaison entre Le Puy et l'autoroute A 75, qui, à Lempdes, relie la Haute-Loire à la capitale (axe Clermont-Paris). Il rappelle également que cette route est vitale sur le plan économique comme liaison d'aménagement du territoire et qu'elle devrait être classée comme telle. Face à cette situation, des mesures urgentes doivent être prises et surtout un projet et un programme d'investissement pour cet axe sont à envisager pour éviter de nouvelles hécatombes. Citons par exemple le passage à quatre voies du tronçon Brioude-Lempdes compte tenu de l'importance de son trafic, le classement de ce segment en bretelle d'autoroute pour en faire une pénétrante. Il souhaiterait sur tous ces points connaître sa position et, le cas échéant, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour mettre fin à cette préoccupante situation.
N° 82. - M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes d'éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée FCTVA des investissements effectués par les communes et leurs groupements dans le domaine du traitement des ordures ménagères. Dans un domaine où les collectivités locales doivent assumer les conséquences des prescriptions législatives issues de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets et mettre en oeuvre d'ici au 1er juillet 2002 les obligations de mise en extinction des décharges et de valorisation des déchets, il semble anormal que le régime de l'éligibilité au FCTVA des investissements effectués dans ce domaine puisse comporter les importantes incertitudes qui le caractérisent actuellement. Les équipements de traitement des déchets construits par les communes ou leurs groupements intègrent en effet souvent un objectif de valorisation des déchets, ce qui constitue à la fois une stricte application de la loi du 13 juillet 1992 et un moyen de financer une partie du coût du traitement, limitant de la sorte le recours à la fiscalité locale. La part de cette activité de valorisation des déchets est, très logiquement, soumise à la TVA, la récupération de celle-ci s'effectuant par la voie fiscale de droit commun au prorata des recettes de valorisation sur la totalité des recettes. Pour le reste, les communes ou leurs groupements peuvent prétendre à l'éligibilité de leurs dépenses d'investissement au FCTVA. Or, l'éligibilité de ces dépenses d'investissement n'est admise qu'à la condition que la part de l'activité assujettie à la TVA reste « accessoire », c'est-à-dire en pratique inférieure à 20 % du chiffre d'affaires. Cette situation fait non seulement peser une lourde incertitude sur les plans de financement des projets de construction d'usines d'incinération d'ordures ménagères, mais fait en outre ressortir une contradiction avec l'objectif de valorisation des déchets de la loi du 13 juillet 1992, puisque l'éligibilité au FCTVA est d'autant plus assurée que la part de la valorisation dans l'activité est faible. C'est pourquoi il lui demande d'adapter ces règles afin que la partie de la TVA non récupérée par la voie fiscale, supportée sur les investissements relatifs aux installations de traitement des déchets, puisse ouvrir droit aux attributions du FCTVA, et ce, quelle que soit l'importance de la part des recettes de valorisation dans le chiffre d'affaires.
N° 83. - Au moment où la priorité du Gouvernement est à l'emploi des jeunes, M. Hubert Durand-Chastel attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fait qu'à la suite de la suppression du service national obligatoire les coopérants du service national vont disparaître. Ces formules, en favorisant une première expérience professionnelle à l'étranger, représentaient un puissant facteur d'intégration des jeunes dans la vie active et constituaient en outre un vivier intéressant pour l'expatriation et l'implantation des entreprises françaises à l'étranger. Le texte de réforme du service national présenté par le gouvernement de M. Alain Juppé et qui avait été voté par les deux assemblées, prévoyait, en remplacement des CSN, des formules de volontariat civil, dont une pour la coopération internationale et l'aide humanitaire. Or, le texte de la réforme qui vient d'être examiné se limite au volontariat militaire dans les armées, renvoyant éventuellement à un texte ultérieur le volontariat civil. Par ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'emploi des jeunes, l'extension du dispositif pour les emplois à l'étranger a été refusée malgré l'adoption par le Sénat d'un amendement à ce sujet. De fait, le développement de l'emploi des jeunes à l'étranger n'est plus pris en compte, alors même que les besoins existent, en particulier auprès des petites et moyennes entreprises désirant exporter, des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, ainsi que des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle. La mondialisation réclamant une ouverture de nos forces de production et de services vers l'extérieur, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet. (Question transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.)
N° 86. - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les intentions du Gouvernement en matière de simplification administrative et de réforme de l'Etat. Il rappelle qu'en dépit des réformes entreprises depuis une vingtaine d'années pour décentraliser et déconcentrer la prise de décision et améliorer les relations entre le citoyen et l'administration l'Etat conserve, dans notre pays, la profonde empreinte de deux siècles de centralisation. Or les innovations apparues en moins d'une décennie, dans les techniques de traitement de l'information et de télécommunications, ont fait de la rapidité de la décision un enjeu essentiel dans l'ensemble des sociétés occidentales. Dans ce contexte, la complexité et la lenteur de nos procédures administratives contrastent au point de devenir un facteur de dégradation des relations entre le citoyen et l'administration et de contrainte pénalisante pour les entreprises. C'est pourquoi de nouvelles avancées dans la modernisation de notre système administratif et de ses procédures de décision et l'allégement des contraintes qui pèsent sur les particuliers et sur les entreprises s'imposent afin de libérer, notamment, les initiatives propres à favoriser le développement économique et l'emploi. L'Etat, pour sa part, gagnerait beaucoup en efficacité par de nouvelles déconcentrations de ses procédures de décision. Le précédent gouvernement avait, poursuivant un objectif de simplification administrative, élaboré un projet de loi, voté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 janvier 1997, puis le 24 février par le Sénat et, en seconde lecture, le 27 mars dernier par les députés. Le changement de majorité gouvernementale n'a pas permis l'adoption définitive de ce texte en deuxième lecture au Sénat. Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions à l'égard des mesures contenues dans ce projet de loi, et plus particulièrement en matière de réforme de l'Etat.
N° 88. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur le problème du versement d'un complément de rémunération sous forme de prime de fin d'année aux agents titulaires des collectivités territoriales. La plupart des communes du Bas-Rhin ont adhéré au groupement d'action sociale du Bas-Rhin (GAS) afin d'offrir à leurs agents des avantages liés aux adhérents du GAS, notamment le versement d'une prime de fin d'année. Or il semble que seules les collectivités ayant institué un complément de rémunération avant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 peuvent effectuer les versements correspondants, en application de l'alinéa 2 de l'article 111 de la loi précitée. Ainsi, de nombreuses communes rurales, qui ont adhéré au GAS après 1984, se trouvent dans l'impossibilité d'accorder à leur personnel un avantage qui vient en complément de rémunérations modestes. Or les agents concernés exercent leurs fonctions le plus souvent dans des conditions difficiles, avec des responsabilités plus importantes que dans les grandes collectivités. Il lui demande ce qu'il entend faire afin de mettre un terme à une situation qui pénalise fortement les communes et leurs personnels, et en particulier les petites communes rurales.
N° 91. - M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur la réforme des fonds structurels communautaires. La Commission européenne va formuler dans les prochaines semaines ses propositions pour la réforme des fonds structurels pour la période 2000-2006. Il lui demande de lui indiquer les positions de la France sur le montant de la politique régionale européenne ; sur le rapprochement de l'objectif 2 et 5 B ; sur l'introduction de mesures spécifiques en faveur des régions ultra-périphériques ; sur le nouveau programme d'initiative communautaire pour la coopération interrégionale.
N° 93. - M. Jacques Oudin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incertitudes qui pèsent actuellement sur l'ensemble de la politique autoroutière du Gouvernement et l'inquiétude des élus et des responsables professionnels. Compte tenu de sa situation géographique, la France se doit d'être la « plaque tournante » du réseau autoroutier européen. L'importance de la politique des grandes infrastructures a été confirmée par la loi d'aménagement du territoire n° 95-115 du 4 février 1995. Les élus et les professionnels de toutes les régions attendent l'aménagement des nouvelles sections autoroutières avec d'autant plus d'impatience qu'aucune entreprise ne souhaite s'implanter ou se développer loin d'un échangeur autoroutier. Actuellement, plusieurs centaines de kilomètres d'autoroutes attendent leur inscription au schéma autoroutier national ou leur financement. Or certaines informations récentes sur les modifications éventuelles de la politique autoroutière sont profondément inquiétantes. Dans ces conditions, il lui demande de lui indiquer : tout d'abord, si le Gouvernement compte actualiser rapidement le schéma autoroutier national en y intégrant toutes les sections autoroutières en attente et, si oui, dans quel délai ; dans le cas où le Gouvernement entendrait définir une nouvelle politique autoroutière, s'il envisage d'engager un débat national devant le Parlement tant il est vrai que les élus nationaux ont, à la quasi-unanimité, souhaité l'achèvement aussi rapide que possible du schéma autoroutier national ; enfin, de quelle manière le prochain comité des investissements économiques et sociaux affectera les crédits au réseau autoroutier pour la fin de 1997 et l'année 1998 ? A cet égard, l'assemblée générale de la route des estuaires, qui s'est tenue au Sénat le 7 octobre 1997, s'est particulièrement émue des retards constatés pour la réalisation des autoroutes A 28 entre Rouen et Alençon, A 831 entre La Rochelle-Rochefort et Fontenay-le-Comte, A 65 entre Bordeaux et Pau, et de l'aménagement de la RN 10 sur l'axe Bordeaux-Bayonne. Or il lui rappelle que cet axe a été jugé comme la première priorité d'aménagement du territoire lors du comité interministériel d'aménagement du territoire de Mende le 12 juillet 1993.
N° 95. - M. Jean Boyer appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur sa décision, en date du 10 juin 1997, de suspendre l'ouverture de l'enquête publique relative à la section médiane de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron, entre le col de Fau et La Saulce, conformément au tracé retenu en 1991 passant par l'est de Gap. Il lui rappelle que ce tracé complète le dispositif mis en place par les sections Grenoble-col du Fau et Sisteron-La Saulce, déclarées d'utilité publique respectivement le 31 décembre 1993 et le 20 juin 1994. Il souligne que ce tracé a été approuvé par sept de ses prédécesseurs et qu'il offre, par rapport au tracé passant par Lus, des avantages sensiblement comparables en termes de coût, d'économie d'infrastructures à réaliser, de rapidité de mise en service en raison de l'extrême précision des études confirmées par une mission géologique internationale, de réponses aux impératifs d'aménagement du territoire (ouverture vers l'Italie, désenclavement des Hautes-Alpes et du sud de l'Isère, desserte touristique et de protection de l'environnement). Il insiste sur l'urgence de réaliser une liaison autoroutière Alpes du Nord-Alpes du Sud pour l'est de Gap, d'économiser le temps et l'argent nécessaires pour des études et la réalisation de solutions alternatives de mise à deux fois deux voies de routes nationales, et lui demande de bien vouloir préciser ses intentions concernant le règlement de ce dossier.
N° 97. - M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences dommageables pour l'intérêt général et sur les risques financiers que font peser sur les collectivités locales les abus de recours contentieux en matière d'urbanisme. Sans qu'il soit question de faire supporter au juge le poids de l'insécurité dans l'application qui est faite du droit de l'urbanisme, ni même d'accuser le développement constant du recours contentieux qui manifeste la participation active et l'intérêt légitime des citoyens pour leur cadre de vie, force est de constater la lourdeur et les limites de la voie contentieuse lorsqu'il s'agit de trancher certains différends. Certains recours, où l'on distingue d'ailleurs l'expression d'intérêts particuliers qui se drapent d'intentions environnementales pour se faire reconnaître le droit à agir, peuvent avoir des conséquences économiques et financières particulièrement graves pour les aménageurs, les constructeurs et, naturellement, les collectivités locales engagés ensemble dans une opération. Même lorsque le recours en cause n'est pas assorti de sursis à exécution, les délais d'instance et l'insécurité qui pèsent sur une opération sont largement dommageables à l'économie du programme concerné. Deux risques majeurs pèsent en effet sur la collectivité locale engagée dans une opération. D'une part, les partenaires de la collectivité d'accueil peuvent se retirer de l'opération en s'appuyant sur les clauses de non-recours parfois incluses au contrat de concession. D'autre part, les délais imposés par l'instruction de l'affaire allongent la durée de portage du programme et peuvent ainsi entraîner les concessionnaires dans de graves difficultés financières. Dans les deux cas, la collectivité locale hérite de la lourde charge d'assumer les conséquences financières du litige. Depuis quelques années, des propositions ont été faites pour rendre plus efficace le droit de l'urbanisme et pour rechercher les voies de régler autrement les conflits, par la conciliation, la médiation ou l'arbitrage en matière administrative. Cela permettrait de limiter l'inflation contentieuse, source d'encombrement des tribunaux, et d'éviter que des recours juridiquement injustifiés ne viennent mettre à mal des initiatives porteuses pour le développement local. Par ailleurs, compte tenu des masses financières en cause, la question d'un dédommagement de la collectivité abusivement attaquée se pose avec acuité. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre les recours abusifs en matière d'urbanisme.
N° 98. - M. Fernand Tardy rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement que lors du changement de Gouvernement, certains grands travaux ont été abandonnés ou gelés. C'est le cas de l'autoroute A 51 qui doit relier Marseille à Grenoble. Les travaux de cette autoroute sont programmés jusqu'à La Saulce (Hautes-Alpes) et commencés sur une portion à partir de Grenoble. Le gel des travaux, initialement prévus sur la partie médiane, inquiète les élus des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes. En effet, on ne saurait concevoir un axe routier important s'arrêtant à La Saulce et, de ce fait, ne remplissant pas les services attendus : doublement de l'axe rhodanien et débouché rapide et direct sur Nice par le barreau Peyruis-Digne et la Glat N 85-D 202. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la reprise et la finition de l'autoroute A 51 et, subsidiairement, quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la réalisation du barreau autoroutier Peyruis-Digne.
N° 100. - Alors que le climat social dans le domaine des transports routiers semble se dégrader, M. Gérard Roujas souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'importance toujours croissante du transport routier de marchandise et plus particulièrement de matières dangereuses. L'accroissement de ce mode de transport fait peser un risque majeur tant au niveau de la sécurité routière que de l'environnement. Ces dernières semaines, des accidents tragiques ont mis en cause des poids lourds. Il est à craindre que, malgré l'amélioration constante des infrastructures routières, des accidents de ce type se multiplient, d'une part en raison du nombre croissant de poids lourds en circulation, d'autre part en raison des conditions de travail des salariés de ce secteur d'activité. Il lui demande donc quelles sont les mesures qu'il entend prendre, premièrement afin de favoriser d'autres modes de transport de marchandises (rail, association rail-route, etc.), deuxièmement afin d'assurer un strict respect de la réglementation du travail dans ce secteur d'activité.
N° 102. - M. Serge Vinçon demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes de bien vouloir lui expliquer les raisons pour lesquelles la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 (concernant l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté) jugée de nature législative lors de l'examen du projet par le Conseil d'Etat le 14 avril 1995 et, par conséquent, rentrant dans le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution, fait l'objet d'un projet de décret, afin de procéder à sa transposition en droit interne sans l'examen du Parlement. L'examen du Parlement apparaît d'autant plus nécessaire que cette directive semble poser des questions de fond, eu égard au droit de la concurrence et notamment à l'ordonnance de 1986.
N° 106. - M. Claude Huriet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'accord conclu entre La Poste et le groupe d'assurances Assurances générales de France, relatif à la distribution de produits d'assurance dommages. Selon les informations disponibles, l'accord concerné prévoit que la responsabilité de la formation des personnels chargés de gérer les contrats d'assurance reviendrait aux AGF. Quant à La Poste, elle serait chargée d'assurer la commercialisation de ces nouveaux produits. Le Gouvernement s'est engagé à examiner la compatibilité de cet accord avec les règles du droit de la concurrence dans le cadre de la négociation du contrat de plan avec La Poste. Il lui demande ce qu'il entend faire afin de protéger les mutuelles et les compagnies d'assurance d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait découler de l'intervention d'un opérateur public sur le marché de l'assurance dommages.

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES POLITIQUES PUBLIQUES
Bureau

Au cours de sa séance du jeudi 30 octobre 1997, l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a procédé au renouvellement de son bureau qui a été ainsi constitué :
Président : M. Henri Emmanuelli, député, président de droit.
Premier vice-président : M. Christian Poncelet, sénateur, vice-président de droit.
Vice-présidents : MM. James Bordas, sénateur ; Michel Charasse, sénateur ; Laurent Dominati, député ; Didier Migaud, député.
Secrétaires : M. Gérard Bapt, député ; Mme Nicole Bricq, député ; MM. Pierre Fauchon, sénateur ; Serge Vinçon, sénateur.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Guy Fischer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 52 (1997-1998) de M. Louis Minetti tendant à créer les conditions permettant d'établir un taux de pension de retraite équivalant à 75 % du salaire minimum de croissance aux agriculteurs affiliés au régime agricole.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ETD'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Michel Dreyfus-Schmidt a été désigné rapporteur de la proposition de loi n° 56 (1997-1998) de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Lors de sa séance du 4 novembre 1997, le Sénat a désigné M. Raymond Courrière pour siéger, en qualité de suppléant, au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, en remplacement de M. Claude Pradille.
En application de l'article 9 du règlement, M. le président du Sénat a été informé que, le 4 novembre 1997, la commission des affaires sociales a désigné M. Jean-Pierre Cantegrit pour siéger au sein du conseil d'administration du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, en remplacement de M. Jean-Louis Lorrain, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Ratification de la charte européenne des langues régionales

104. - 31 octobre 1997. - M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra rappelle à Mme le ministre de la culture et de la communication que, lors de sa visite dans l'île, Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a annoncé que le Gouvernement souhaitait lever les obstacles à la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales, du moins pour celles de ses dispositions applicables sans difficulté juridique. Il s'en réjouit d'autant qu'il s'agit là d'une revendication ancienne des Corses mais aussi d'autres régions françaises à longue et culture spécifiques. Dès 1981, le président Mitterrand avait affirmé à Lorient, son désir de voir les langues et cultures régionales dotées d'un statut. Plus récemment, en 1996, le président Chirac s'est déclaré, quant à lui, favorable à la ratification de la Charte par la France, en affirmant que les langues régionales n'étaient pas une menace pour l'identité nationale et qu'elles constituaient, au contraire, un moyen de résistance face au risque d'uniformisation américaine. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, en avril 1996, à propos du statut d'autonomie de la Polynésie française et le Conseil d'Etat, dans un avis de février 1997, toujours indisponible, et dont, par conséquent on ne connaît pas le détail, ont tous deux affirmé qu'eu égard à l'article 2 de notre Constitution aucune langue régionale ne pouvait se voir reconnaître une existence légale. Il souhaite savoir comment le Gouvernement entend lever les obstacles à cette ratification, déjà réalisée par bon nombre de nos partenaires européens : soit en réformant la Constitution de manière à rendre juridiquement possible la signature de la Charte ou en préférant la ratification d'une charte « au rabais », en n'appliquant que les seules dispositions qui ne se heurtent pas à l'écueil de l'inconstitutionnalité. ? Il la remercie de bien vouloir l'éclairer sur ce point.

Avenir de l'Agence France Presse

105. - 31 octobre 1997. - M. Ivan Renar rappelle à Mme le ministre de la culture et de la communication que le développement économique et le rayonnement de l'Agence France Presse constituent un enjeu important pour notre presse et pour la francophonie dans les années à venir. Afin de maintenir et de développer le rôle mondial de la seule agence francophone de taille internationale, il est nécessaire de doter l'AFP de moyens financiers importants. Le statut de l'AFP, tel qu'il est défini par la loi du 10 janvier 1957, permet à celle-ci une grande autonomie qu'il convient de maintenir, et ne constitue pas en soi un frein au développement de l'entreprise. En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre afin d'assurer un nécessaire développement de l'Agence France Presse, tout en maintenant le principe de l'autonomie et l'originalité de cette agence.

Distribution des produits d'assurance dommages

106. - 1er novembre 1997. - M. Claude Huriet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'accord conclu entre La Poste et le groupe d'assurances Assurances générales de France, relatif à la distribution de produits d'assurances dommages. Selon les informations disponibles, l'accord concerné prévoit que la responsabilité de la formation des personnels chargés de gérer les contrats d'assurance reviendrait aux AGF. Quant à La Poste, elle serait chargée d'assurer la commercialisation de ces nouveaux produits. Le Gouvernement s'est engagé à examiner la compatibilité de cet accord avec les règles du droit de la concurrence dans le cadre de la négociation du contrat de plan avec La Poste. Il lui demande ce qu'il entend faire afin de protéger les mutuelles et les compagnies d'assurance d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait découler de l'intervention d'un opérateur public sur le marché de l'assurance dommages.

Dégâts causés par les buses
aux élevages de volaille de Bresse

107. - 4 novembre 1997. - M. André Pourny attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les dégâts très importants que provoquent les buses dans les zones d'élevage de volaille de Bresse. Etant protégées, celles-ci prolifèrent de façon excessive, causant, au détriment des éleveurs, de lourdes pertes financières. Face aux arguments apportés concernant le biotope ou les agissements des mustolidés ou des rapaces, ainsi que certaines propositions évoquées pour lutter contre l'action de ces redoutables prédateurs sur les élevages de volaille de Bresse, peut-être serait-il bon, de préserver ce mode d'élevage. Celui-ci est en Bresse, naturel, de type expansif, offrant de vastes parcours sur lesquels les volailles sont lâchées, garantissant un produit d'appellation d'origine contrôlée qui fait la gloire d'une vaste région regroupant deux départements (l'Ain et la Saône-et-Loire). Si les espèces de bondrées-apivores, qui n'ont de la buse que l'apparence, demeurent certes insectivores, il est indéniable que les espèces telles que les buses butéo-butéo recherchent, en revanche, la proie facile et sont friandes de volaille. En outre, il demeure impensable de vouloir protéger les parcs d'élevages par la mise en place de filets aériens, une telle entreprise étant tout à fait irréalisable si l'on songe aux hectares à recouvrir. Aussi, il serait intéressant d'adapter l'autorisation exceptionnelle permettant, dans un but de sécurité, la limitation des rapaces sur les zones d'aéroports, telles que Saint-Yvan en Saône-et-Loire et de l'appliquer aux élevages bressans. D'autres autorisations exceptionnelles ont également été données, notamment pour lutter contre les méfaits des cormorans sur les étangs de la Dombes ou ceux du lynx dans le Jura. Selon les mêmes critères, il serait opportun de pouvoir adapter de telles dérogations en faveur des élevages des volailles de Bresse d'appellation d'origine contrôlée dans le but de limiter la prédation qu'elles subissent.

Situation des anciens fonctionnaires
d'Afrique du Nord

108. - 4 novembre 1997. - M. Georges Mazars appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur la situation des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord. L'ordonnance du 15 juin 1945 a permis, à ceux qui ont subi un préjudice, du fait de la guerre ou des lois de Vichy, d'avoir la même carrière que celle des fonctionnaires demeurés à l'abri des conséquences de la Seconde Guerre mondiale. Cette ordonnance concernait alors les seuls fonctionnaires métropolitains. En décembre 1982, le gouvernement socialiste a étendu ces droits aux anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord. En 1985, des commissions administratives chargées de traiter les dossiers des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord ont été mises en place par M. Laurent Fabius. Composées notamment de 6 représentants de rapatriés, ces commissions ont donné pleinement satisfaction, puisque plus de 3 000 dossiers ont été examinés de fin 1987 à début 1994. Mais, brutalement, sans consultation des associations d'anciens combattants et rapatriés, ni des syndicats de fonctionnaires, le gouvernement de M. Edouard Balladur a, par le décret du 16 novembre 1994, profondément modifié la composition de ces commissions, en réduisant notamment la représentation des bénéficiaires à 2 membres, au lieu de 6. Cette nouvelle composition, totalement déséquilibrée, ne permet pas la reconnaissance des droits des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord. Cette situation, qui perdure depuis lors, est pour le moins fâcheuse, en particulier parce que ces anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord, qui attendent légitimement la prise en considération de leur dossier, sont maintenant âgés de plus de 70 ans. Il souhaite donc savoir quelles dispositions il compte prendre concernant les commissions chargées d'étudier les dossiers de ces anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord.

Situation fiscale des structures culturelles

109. - 4 novembre 1997. - M. Ivan Renar constate qu'un nombre de plus en plus élevé de structures culturelles est confronté à des contrôles et à des redressements fiscaux. Les services du Trésor assimilent en effet l'activité culturelle, la création et la diffusion à des opérations commerciales. De fait, les structures se trouvent assujetties aux différentes taxes et impôts commerciaux. Une telle situation est grave à double titre. D'abord d'un point de vue général parce qu'elle réduit la culture à un service lucratif et commercial. En second lieu, parce que les structures concernées ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour faire face aux redressements parfois importants qui leur sont imposés. En conséquence, il demande à Mme le ministre de la culture et de la communication de bien vouloir lui donner sa position sur ces questions et de lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour régler cette ambiguïté.