SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Articles additionnels après l'article 11 (suite) (p. 2 )

Amendements n°s I-49 de M. Laffitte, I-117 de Mme Pourtaud, I-161 de M. Joyandet et I-187 de M. Arnaud. - M. François Lesein, Mme Danièle Pourtaud, MM. Christian de La Malène, André Egu, Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Retrait des quatre amendements.
Amendement n° I-118 de M. Régnault. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-119 de Mme Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-36 rectifié de M. Delevoye et I-120 de M. Sergent. - MM. Christian de La Malène, René Régnault, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Amendements n°s I-55 rectifié bis de M. Seillier, I-162 de M. Marini, I-8 1 de Mme Beaudeau, I-121 de M. Régnault, I-143 rectifié de M. Berchet et I-189 de M. Hérisson. - MM. Christian de La Malène, Mme Odette Terrade, MM. René Régnault, François Lesein, André Egu, Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Louis Souvet, Michel Charasse, Philippe Marini. - Retrait des amendements n°s I-55 rectifié bis, I-162 et I-121 ; rejet des amendements n°s I-81 et I-143 rectifié ; adoption de l'amendement n° I-189 insérant un article additionnel.
Amendements n°s I-37 rectifié bis de M. Marini, I-147 de M. Joly, I-190 rectifié et I-188 de M. Hérisson. - MM. Philippe Marini, Bernard Joly, André Egu, Christian Poncelet, président de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Retrait des amendements n°s I-190 rectifié, I-188 et I-37 rectifié bis ; rejet de l'amendement n° I-147.
Amendement n° I-122 de M. Carrère. - MM. Jean-Louis Carrère, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-123 rectifié de Mme Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Paul Loridant. - Rejet.
Amendement n° I-84 de Mme Beaudeau. - Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 11 bis. - Adoption (p. 3 )

Article 12 (p. 4 )

MM. le rapporteur général, René Régnault, le secrétaire d'Etat.
Amendements n°s I-205 de la commission, I-38 et I-39 de M. Marini. - MM. le rapporteur général, Philippe Marini, le secrétaire d'Etat, Louis Souvet, René Régnault. - Retrait des amendements n°s I-205 et I-39 ; rejet de l'amendement n° I-38.
Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Article additionnel après l'article 12 (p. 6 )

Amendement n° I-40 de M. Marini. - M. Philippe Marini. - Retrait.

Article 13 (supprimé) (p. 7 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendements n°s I-15 de la commission et I-86 de Mme Beaudeau. - MM. le rapporteur général, Paul Loridant, le secrétaire d'Etat, Philippe Marini, Michel Charasse, Josselin de Rohan. - Adoption de l'amendement n° I-15 rétablissant l'article, l'amendement n° I-86 devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 13 (p. 8 )

Amendement n° I-89 de Mme Beaudeau. - MM. Louis Minetti, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-125 de M. Régnault. - MM. René Régnault, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-87 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-88 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-90 de Mme Beaudeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 13 bis . - Adoption (p. 9 )

Article 14 (p. 10 )

MM. Philippe Marini, Claude Lise, Daniel Millaud, Jacques Oudin, le secrétaire d'Etat.
Amendement n° I-41 de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-26 de M. du Luart. - MM. Roland du Luart, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Rodolphe Désiré, Jean-Pierre Fourcade. - Adoption.
Amendements identiques n°s I-16 de la commission et I-142 de M. de Rohan ; sous-amendements n°s I-191 de M. Millaud et I-209 de M. Lagourgue à l'amendement n° I-16 ; amendements n°s I-148 de M. Lagourgue et I-200 de M. Lise. - MM. le rapporteur général, Daniel Millaud, Pierre Lagourgue, Jacques Oudin, Claude Lise, le secrétaire d'Etat, Philippe Marini. - Retrait des amendements n°s I-142 et I-148 ; adoption des sous-amendements n°s I-191, I-209 et de l'amendement n° I-16 modifié, l'amendement n° I-200 devenant sans objet.
Amendement n° I-201 de M. Lise. - MM. Claude Lise, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Roland du Luart. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 15 (p. 11 )

MM. le rapporteur général, Philippe Marini, Bernard Angels, le secrétaire d'Etat.
Amendements n°s I-164 de M. Marini, I-91 de Mme Beaudeau et I-17 rectifié de la commission. - MM. Philippe Marini, Louis Minetti, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Paul Loridant, Michel Caldaguès, Jacques Habert, René Ballayer, Jean Chérioux. - Retrait des amendements n°s I-164 et I-91 ; adoption, par scrutin public, de l'amendement n° I-17 rectifié.
Adoption de l'article modifié.

Rappels au règlement (p. 12 )

MM. Jean Chérioux, le président, René Régnault.

Article additionnel après l'article 15 (p. 13 )

Amendement n° I-92 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean Chérioux. - Rejet.

Article 16 (p. 14 )

M. Bernard Angels.
Amendements n°s I-18 de la commission et I-42 rectifié de M. Marini. - MM. le rapporteur général, Philippe Marini, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement n° I-18 supprimant l'article, l'amendement n° I-42 devenant sans objet.

Article 17 (p. 15 )

MM. le rapporteur général, Marc Massion.
Amendements identiques n°s I-19 de la commission, I-165 de M. Marini et I-192 de M. Badré ; amendements n°s I-126 de M. Roujas et I-108 de M. Loridant. - MM. le rapporteur général, Philippe Marini, Denis Badré, Marc Massion, Paul Loridant, le secrétaire d'Etat, Pierre Laffitte. - Adoption des amendements n°s I-19, I-165 et I-192 supprimant l'article, les amendements n°s I-126 et I-108 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 17 (p. 16 )

Amendement n° I-127 de M. Régnault. - MM. Marc Massion, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Article 18. - Adoption (p. 17 )

Article 18 bis (p. 18 )

Amendement n° I-67 de M. du Luart. - M. Roland du Luart. - Retrait.
Amendement n° I-44 de M. Gérard. - MM. Alain Gérard, au nom de la commission des affaires culturelles ; le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-128 de M. Mauroy. - MM. Pierre Mauroy, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements identiques n°s I-20 rectifié de la commission et I-166 de M. Gérard ; amendements n°s I-45 de M. Gérard et I-23 rectifié de M. Foy. - MM. le rapporteur général, Alain Gérard, en son nom puis au nom de la commission des affaires culturelles ; André Diligent, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait des amendements n°s I-166, I-45 et I-23 rectifié ; adoption de l'amendement n° I-20 rectifié.
Amendement n° I-93 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

Articles 18 ter et 18 quater . - Adoption (p. 20 )

Articles additionnels après l'article 18 quater (p. 21 )

Amendement n° I-130 de M. Moreigne. - MM. Michel Moreigne, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Jean-Philippe Lachenaud. - Retrait.
Amendement n° I-129 de M. Miquel. - MM. Gérard Miquel, le rapporteur général. - Retrait.

Article 18 quinquies (p. 22 )

MM. Jean-Paul Delevoye, Gérard Delfau, Paul Loridant, Michel Charasse, le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 18 quinquies (p. 23 )

Amendement n° I-131 rectifié de M. Régnault. - MM. René Régnault, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 18 sexies (p. 24 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 18 sexies (p. 25 )

Amendement n° I-96 de Mme Beaudeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-132 de M. Régnault. - MM. René Régnault, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau. - Retrait.
Amendement n° I-97 rectifié de Mme Beaudeau. - Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements n°s I-95 rectifié de Mme Beaudeau, I-135 de M. Régnault et I-202 de M. Charasse. - MM. Jean Derian, René Régnault, Michel Charasse, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Retrait des trois amendements.
Amendement n° I-94 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-46 de M. Delevoye. - MM. Jean-Paul Delevoye, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Marini, Jean-Marie Girault, Michel Mercier, Michel Charasse, René Régnault, Gérard Delfau. - Retrait.
Amendement n° I-134 de M. Régnault. - Retrait.
Amendement n° I-61 rectifié de M. Revet. - MM. Charles Revet, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Philippe Lachenaud. - Retrait.
Amendement n° I-60 rectifié de M. Revet. - MM. Charles Revet, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-203 de M. Charasse. - Retrait.
Amendement n° I-133 de M. Régnault. - MM. René Régnault, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° I-133 rectifié repris par M. Marini. - M. Philippe Marini. - Retrait.

Article 18 septies . - Adoption (p. 26 )

Articles additionnels après l'article 18 septies (p. 27 )

Amendements n°s I-168 de M. Marini et I-194 de M. Arnaud. - MM. Philippe Marini, Philippe Arnaud, le rapporteur général. - Retrait des deux amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.

3. Ordre du jour (p. 28 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale [n°s 84 et 85 (1997-1998)].
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 11.

Articles additionnels après l'article 11 (suite)



M. le président.
Je suis d'abord saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-49, MM. Laffitte, Cabanel et Lesein proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 bis du code général des impôts est complété par un alinéa rédigé comme suit :
« ...° CD-ROM, y compris leur location » ;
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-117, Mme Pourtaud, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 6° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6° les livres, CD-ROM et autres supports de contenus interactifs, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-161, M. Joyandet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 sexies du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les CD-ROM et autres supports de contenus interactifs sont imposés au taux réduit de TVA de 5,5 % à compter du 1er janvier 1998. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-187, MM. Arnaud et Egu proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 sexies du code général des impôts est complété in fine par l'alinéa suivant :
« Les CD-ROM et autres supports de contenus interactifs sont soumis au taux réduit de TVA de 5,5 % à compter du 1er janvier 1998. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° I-49.
M. François Lesein. Il serait logique de soumettre les CD-ROM, actuellement assujettis au taux normal de la TVA de 20,6 %, au même régime fiscal que le livre, qui bénéficie du taux réduit de 5,5 % en application du 6° de l'article 278 bis du code général des impôts.
Cette mesure permettrait d'encourager le marché de ces nouveaux produits, donc de stimuler l'édition française de produits multimédia.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter l'amendement n° I-117.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement prévoit d'appliquer le taux réduit de TVA aux supports informatiques, cédéroms et autres.
Ce n'est un secret pour personne : le développement du multimédia représente un enjeu formidable pour notre pays. C'est aujourd'hui, à l'échelle mondiale, le principal outil de présentation et de communication de l'information, qu'il s'agisse d'accès à la connaissance ou de transmission de nouvelles, d'échanges professionnels ou de recherches individuelles.
Cette omniprésence de l'outil multimédia dans tous les domaines d'activité économique, sociale et culturelle, c'est précisément ce que nous appelons la société de l'information.
Face à cette révolution, et afin que la France entre pleinement dans la société de l'information, nous voulons répondre à deux exigences : d'une part, permettre aux entreprises françaises de ce secteur de faire valoir leurs atouts et d'être compétitives sur le marché ; d'autre part, assurer l'accès de tous à la société de l'information, qui ouvre des perspectives importantes en termes de culture, d'éducation et de démocratie.
Le retard de la France dans ce domaine est malheureusement patent. Pourtant, elle dispose d'importants atouts en termes de recherche et d'innovation. Mais le marché français est trop étroit pour qu'elle puisse les faire valoir. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres publiés récemment : 15 % des foyers français sont équipés d'un micro-ordinateur, contre 25 % en Allemagne et 39 % aux Etats-Unis, et à peine 100 000 foyers sont connectés à Internet.
Comme l'a fort bien souligné le Premier ministre : « Agir pour développer l'utilisation des réseaux d'information ne doit pas conduire à favoriser seulement la consommation des services produits par d'autres. » Aujourd'hui, le marché des supports informatiques culturels et éducatifs est à 85 % américain.
Par conséquent, il s'agit d'un enjeu industriel, d'un enjeu en termes d'emploi, mais aussi - est-il besoin de le souligner - d'un enjeu pour la francophonie. Mme Catherine Trautmann le disait récemment : « La présence du français dans la société de l'information est une des priorités de la politique de la France pour la langue française. »
Par ailleurs, nos écoles seront bientôt toutes équipées en matériel informatique. C'est l'engagement qui a été pris récemment par le ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre. Une fois équipées, il faudra bien qu'elles aient accès à des programmes informatiques diversifiés et de qualité.
Nul doute que la baisse du taux de TVA sur les supports informatiques permettrait le développement du marché français.
L'année dernière déjà, on opposait à cet amendement, que nous avions déjà présenté, l'obstacle de la directive européenne de 1992. La liste des produits pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA a, en effet, été arrêtée par cette directive. Cette liste est appelée à évoluer - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - parce que les formes de créations et d'écritures subissent des transformations profondes. Elle va d'ailleurs être renégociée prochainement.
Quoi qu'il en soit, l'annexe H qui dresse cette liste comprend non pas les cédéroms en tant que tels, mais le livre et les droits d'auteur qui lui sont attachés. Nombre de textes juridiques font aujourd'hui des logiciels une oeuvre de l'esprit, au même titre que le livre.
Par ailleurs, la plus-value principale du cédérom est constituée par les droits d'auteur, ce qui devrait permettre de leur appliquer le taux de TVA que l'on applique aux droits d'auteur.
C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'aujourd'hui on ne peut plus raisonnablement nous opposer la directive européenne de 1992 et c'est pourquoi nous vous proposons d'appliquer aux produits multimédia, cédéroms et autres, le taux réduit de TVA.
M. le président. La parole est à M. de La Malène, pour défendre l'amendement n° I-161.
M. Christian de La Malène. Je n'aurai pas besoin de faire un long discours sur un sujet que tout le monde connaît bien. Il s'agit de savoir si nous maintiendrons la TVA à un taux élevé sur les cédérom et autres produits qui suivront celui-ci, ou si nous aurons au contraire la sagesse, afin d'être présents au rendez-vous multimédia qui s'annonce, d'opter pour le taux réduit.
Je crois que, dans la bataille à la fois technique et culturelle qui s'annonce, une telle mesure serait bienvenue.
M. le président. La parole est à M. Egu, pour présenter l'amendement n° I-187.
M. André Egu. La France ne doit pas manquer le rendez-vous du multimédia. Abaisser la TVA sur les cédéroms et sur les supports qui les remplaceront y contribuera.
Il s'agit d'une mesure sectorielle qui ne vise que ce qui est interactif ; elle ne concerne pas ce qui ne l'est pas, comme l'audiovisuel.
C'est, en outre, une mesure d'équité fiscale : en effet, tout comme le livre, déjà soumis au taux réduit de TVA, les programmes interactifs édités sur des supports électroniques tels que le cédérom servent la culture, l'éducation et le divertissement.
De surcroît, le multimédia est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le domaine de l'éducation et de la formation, non seulement par ses contenus, mais également par l'importance croissante que doit prendre, pour l'ensemble des Français, qu'ils étudient ou qu'ils travaillent dans les entreprises ou les administrations, le fait même de savoir utiliser l'outil multimédia.
S'il est exact qu'une telle mesure serait contraire à la réglementation européenne, une négociation est possible dans les semaines ou les mois à venir. La liste des produits et services susceptibles d'être soumis au taux réduit de TVA date de 1992, date à laquelle le cédérom était inconnu du public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-49, I-117, I-161 et I-187 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances connaît bien ce sujet, puisqu'il a été examiné à de très nombreuses reprises. Elle est tout à fait sensible aux arguments qui ont été évoqués tout à l'heure.
Il est vrai que, aujourd'hui, l'information est en train de s'ériger en puissance, peut-être pas une puissance aussi importante que la puissance militaire ou économique, mais elle concourt au rayonnement du pays.
Il demeure que le droit communautaire n'est pas encore adapté pour répondre à la préoccupation exprimée par nos collègues, sur l'ensemble des travées. C'est ce qui conduit la commission des finances à émettre un avis défavorable sur ces quatre amendements. Néanmoins, elle sait que le gouvernement français espère aboutir prochainement pour que le taux réduit de TVA puisse être appliqué à ces produits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. J'ai été impressionné par ces quatre amendements convergents présentés par M. Lesein, Mme Pourtaud MM. de La Malène et Egu, lesquels siègent sur diverses travées de l'assemblée. Cela montre bien qu'il existe une préoccupation commune sur ce sujet. Mme Pourtaud a bien mesuré les enjeux de cette préoccupation, me semble-t-il.
Il s'agit, d'abord, d'un enjeu industriel, celui des technologies d'avenir qui, pour l'instant, sont plus ou moins soumises à une forte présence américaine. Il est important que la France et plus généralement l'Europe soient particulièrement actives en la matière. A cet effet, il importe de disposer d'un vaste marché.
Il s'agit également d'un enjeu industriel, d'un enjeu en termes d'emplois - des emplois hautement qualifiés dans ces technologies d'avenir - et d'un enjeu pour la francophonie. Vous avez eu raison d'insister sur ce point, madame le sénateur.
En conséquence, je considère ces quatre amendements comme des amendements d'appel à prendre des mesures.
Il est vrai que ce sujet n'est pas neuf pour vous : vous avez déjà pressé le gouvernement précédent d'entreprendre une démarche auprès de Bruxelles pour que les cédéroms à caractère éducatif et culturel bénéficient du taux réduit de TVA. Cette démarche n'a pas été fructueuse, mais ce n'est pas parce qu'on a essayé une fois sans succès qu'il ne faut pas recommencer.
M. Egu, notamment, a évoqué le fait que, lorsque la directive européenne a été rédigée, les cédéroms n'existaient pas et qu'il importait de la mettre à jour. Par ailleurs, Mme Pourtaud a établi un parallèle entre le livre et les droits d'auteur qui sont, si je puis m'exprimer ainsi, la communication d'aujourd'hui, même s'il s'agit de la rémunération d'une prestation de services qui n'est pas assimilable à une opération portant sur l'achat d'un bien. Tout cela pourrait s'étendre à la communication de demain.
Je note vos souhaits convergents d'agir en la matière. Le Gouvernement va s'efforcer de « pousser » le dossier, comme l'on dit, auprès de la Commission européenne.
En conséquence, après leur avoir donné cette assurance, j'invite les auteurs de ces quatre amendement à les retirer, faute de quoi, dans la mesure où ceux-ci sont actuellement contraires au droit européen, je serai obligé d'en demander le rejet.
M. le président. L'amendement n° I-49 est-il maintenu, monsieur Lesein ?
M. François Lesein. J'ai bien entendu votre appel, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais à quoi sert d'appeler s'il n'y a personne au bout du fil ?
Je vais bien évidemment retirer mon amendement, mais je vous poserai la même question que Mme Pourtaud : quand pensez-vous nous donner satisfaction ou, pour le moins, ouvrir une réflexion, voire créer une mission d'études sur cette importante question ?
En effet, hier après-midi, il était beaucoup question de cette TVA qui, finalement, constitue un frein à la consommation. Si la baisse de la TVA fait l'objet de tant de demandes, c'est bien qu'un problème se pose.
Le Parlement et le Gouvernement devront être conduits prochainement à légiférer différemment dans ce domaine, ce qui profitera à la consommation, à notre production, et, dans le cas présent, à la culture, ce qui est important.
M. le président. L'amendement n° I-49 est retiré.
L'amendement n° I-117 est-il maintenu, madame Pourtaud ?
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai pris bonne note à la fois de l'accord du Gouvernement sur le fond et de sa volonté d'agir en ce sens. Je souhaite simplement vous reposer la même question qu'hier : quand pensez-vous pouvoir faire aboutir cette relecture de la directive de 1992 ? Je maintiens toutefois pour partie mon argumentation. Il serait possible de l'appliquer dès maintenant en s'appuyant effectivement sur le précédent du livre et des droits d'auteur.
Je retire donc mon amendement, en demandant au Gouvernement de bien vouloir tenir rapidement compte de cette demande qui émane des professionnels du secteur.
M. le président. L'amendement n° I-117 est retiré.
L'amendement n° I-161 est-il maintenu, monsieur de La Malène ?
M. Christian de La Malène. Naturellement, je vais également le retirer, mais nous continuerons de lancer l'appel que nous vous avons adressé, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il est toujours désagréable de constater que la Commission de Bruxelles, en des matières aussi importantes, est plus sensible aux préoccupations d'ordre commercial qu'aux préoccupations de nature culturelle.
Voilà une Commission qui se veut la voix de l'Europe. Or, quand on lui dit que cette dernière a besoin de défendre sa culture face à l'envahissement des productions étrangères, elle ne nous soutient pas. Nous déplorons cette situation qui ne peut pas perdurer.
M. le président. L'amendement n° I-161 est retiré.
L'amendement n° I-187, est-il maintenu, monsieur Egu ?
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, je partage les mêmes espoirs, les mêmes attentes et les mêmes inquiétudes que mes collègues. Je retire aussi mon amendement, par sagesse, mais tous les espoirs sont permis.
M. le président. L'amendement n° I-187 est retiré.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne peux pas promettre à Mme Pourtaud d'aboutir dans un délai précis, car, comme l'a fort bien souligné M. de La Malène, nous pouvons certes interroger, même avec une certaine rudesse, la Commission européenne, mais nous ne sommes pas certains d'obtenir une réponse. Le Gouvernement se sent conforté par vos appels de ce matin pour demander une actualisation de la directive de 1992, et ce dès l'année prochaine. Nous allons donc travailler activement en ce sens.
M. le président. Par amendement n° I-118, MM. Régnault et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Haut, Lise, Massion, Miquel et Moreigne, Mme Pourtaud, M. Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 bis du code général des impôts est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« 7° les supports musicaux à usage personnel, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Pour les sénateurs socialistes, cet amendement répond à une double exigence.
De façon générale, nous sommes attachés à rétablir une justice fiscale et à faire en sorte que les impôts ne pèsent pas sur la consommation des ménages modestes et moyens. Cet amendement s'inscrit donc dans la démarche consistant à diminuer les impôts indirects, qui sont les plus injustes.
Par ailleurs, dans un souci de démocratisation de la culture, les produits culturels de masse ont vocation à bénéficier du taux réduit de TVA, afin d'être accessibles au plus grand nombre.
La directive européenne de 1992, encore elle, a retenu, parmi les produits pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA, la fourniture de livres, les droits d'admission aux spectacles ainsi qu'à la réception de service de radiodiffusion et de télévision.
Il ne fait aucun doute que les supports musicaux représentent, eux aussi, des éléments fondamentaux de notre culture et que leur prix, souvent rédhibitoire, ne les met pas à la portée de tout un chacun.
Si cet amendement était adopté, ce qui irait dans le sens de notre souci de justice et de démocratisation de la culture, il faudrait veiller à ce que la distribution, souvent contrôlée par les industries du disque elles-mêmes, répercute effectivement cette baisse de la TVA sur le prix du disque.
Le gouvernement précédent avait entamé des négociations afin que les disques puissent, eux aussi, bénéficier d'un taux réduit. Il apparaît que la directive de 1992, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, est amenée à évoluer. Nous pourrions peut-être procéder par anticipation. A tout le moins, monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous dire à quel moment le Gouvernement envisage d'oeuvrer à Bruxelles pour que le disque soit inclus dans cette fameuse annexe H de la directive européenne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Pour les mêmes raisons que celles que j'ai indiquées tout à l'heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mon argumentation sera la même que celle que j'ai avancée précédemment.
Cela dit, je ferai remarquer à Mme Pourtaud qu'il n'est pas possible de demander à la Commission européenne de modifier complètement la directive de 1992. Peut-être faudra-t-il, lors de discussions ultérieures, voir ensemble sur quels produits précis il importe de concentrer notre attention. Si le gouvernement précédent a rencontré quelques difficultés, c'est peut-être parce qu'il a présenté une palette un peu trop large.
Ma conviction est qu'il faut concentrer notre effort sur des produits qui sont réellement importants pour la vie culturelle et l'avenir de notre pays. Les disques peuvent en faire partie, mais il s'agit d'une question à débattre. Je demande donc le retrait de cet amendement qui est actuellement incompatible avec le droit communautaire.
M. le président. Mme Pourtaud, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Danièle Pourtaud. Avant d'accéder à la demande de M. le secrétaire d'Etat, je tiens à lui faire observer que la France compte de nombreux artistes. Or nous savons qu'une plus large diffusion de leurs oeuvres constitue aussi un encouragement pour les nouveaux talents. Nous avons pu constater que la mesure qui a consisté à imposer aux radios un quota important de chansons françaises a favorisé, en aval, les ventes de disques.
Dans notre volonté de défendre la culture d'expression française, nous devons être cohérents et aller jusqu'au bout. C'est l'un des points sur lesquels il faut mettre l'accent à Bruxelles.
M. le président. L'amendement n° I-118 est retiré.
Par amendement n° I-119, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Les matériels informatiques à usage personnel. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Par cet amendement, nous proposons de baisser la TVA sur les matériels informatiques.
Comme nous venons de le dire, l'entrée dans la société de l'information n'est plus un pari pour l'avenir ; elle est aujourd'hui une réalité concrète qui représente des enjeux fondamentaux pour notre pays.
Le Premier ministre est décidé à combler le retard de la France dans ce domaine. Pour ce faire, le Gouvernement va prendre un certain nombre de mesures.
Le ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre, vient de présenter son plan « Education 2000 » : toutes nos écoles seront bientôt équipées d'outils informatiques. Nous pensons que c'est par l'école que les nouvelles technologies seront rendues accessibles à tous.
Après les supports informatiques, céderons et autres, nous proposons un amendement visant à baisser la TVA sur le matériel informatique. Nous pensons, en effet, que l'un ne peut aller sans l'autre.
L'étroitesse du parc informatique de la France est un frein au développement des nouvelles technologies. Pour vous donner la mesure du retard français, retenons que notre parc informatique représente le tiers du parc informatique allemand et la moitié de celui de la Grande-Bretagne. A titre de comparaison, en 1994, le Brésil ne possédait encore aucun ordinateur multimédia ; à la fin de 1996, il en détenait deux fois plus que la France.
Par ailleurs, le taux de TVA allemand est de 16 %. De tous les pays d'Europe, nous avons le taux de TVA le plus élevé pour ce type de produit.
Il en va à la fois du développement du marché français des nouvelles technologies et de l'accès de tous à ce qu'il est convenu d'appeler les autoroutes de l'information.
Le retard en équipement informatique rend la sortie des nouveaux logiciels et des services en ligne en langue française plus difficile. Les éditeurs attendent d'avoir un marché d'une taille minimale pour investir dans la francisation.
Mais, comme nous l'avons dit, l'enjeu dépasse largement le seul marché de la micro-informatique. C'est un enjeu national. L'activité économique, dans son ensemble, est traversée par les nouvelles technologies.
La communication de l'information représente environ 40 % de la valeur ajoutée des entreprises. Il s'agit à la fois d'un des facteurs de la croissance et d'un formidable gisement d'emplois. On considère généralement qu'avec les emplois induits c'est la quasi-totalité des emplois tertiaires créés aux Etats-Unis depuis cinq ans qui l'ont été dans ce secteur.
Enfin, l'enjeu, pour nous, est un enjeu de démocratie : c'est toute la richesse des outils informatiques pour la communication, la culture, l'éducation qui reste hors d'atteinte du plus grand nombre marginalisant progressivement la France.
Comme l'a affirmé M. le Premier ministre : « nous refusons que le fossé séparant ceux de nos concitoyens qui maîtrisent ces nouveaux outils du reste de la population s'accroisse. »
A ce titre, les freins sont multiples mais force est de constater que l'équipement des ménages dans ce domaine dépend essentiellement du niveau des prix. Il est d'ailleurs probable que l'accélération de la demande induite par une baisse des prix ferait plus que compenser la diminution des ressources budgétaires qui en résulte théoriquement.
C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cette baisse de la TVA sur le matériel informatique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement a trait à la TVA assise sur le matériel informatique à usage personnel.
La commission des finances se souvient que le Sénat a adopté l'année dernière, en première délibération, un amendement de ce type. Mais, lors de la seconde délibération, nous avions été obligés de revenir sur notre décision.
Le Gouvernement considère-t-il, comme la commission des finances, que le droit communautaire ne nous permet pas de faire droit à cette demande ? En outre, la question du contrôle ultérieur de l'usage personnel ne lui semble-t-elle pas difficile à résoudre ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, vous partagez avec le groupe socialiste la foi de M. le Premier ministre dans les technologies d'avenir et la volonté de voir notre pays au premier rang des technologies du prochain millénaire.
Outre que votre proposition n'est pas conforme au droit communautaire actuel, je formulerai deux remarques.
En premier lieu, il faudrait procéder à des analyses techniques un peu plus poussées, car il n'est pas facile, pour des matériels à usage à la fois personnel et professionnel, d'appliquer deux taux différents de TVA, à savoir le taux réduit pour les premiers et le taux normal pour les seconds. Voilà une difficulté technique qui mérite réflexion.
En second lieu, le prix des matériels que vous évoquez décroît très fortement, ce qui tend à en faciliter l'usage. La démarche du ministre de l'éducation nationale, M. Allègre, qui consiste à former les jeunes dès leur scolarité - et je sais que nombre d'entre vous ont déjà anticipé sa décision - me semble être une bonne méthode pour diffuser la culture informatique et interactive parmi la population française.
Votre préoccupation est donc pleinement partagée par le Gouvernement, madame Pourtaud, mais, comme la disposition serait actuellement contraire au droit communautaire, je vous prierai de bien vouloir retirer l'amendement.
M. le président. Vous me permettrez de saisir l'occasion qui m'est donnée, monsieur le secrétaire d'Etat, pour dire tout l'intérêt que le Sénat tout entier, et notamment son président, porte aux technologies nouvelles et aux multimédias.
M. Michel Charasse. Ainsi qu'aux journalistes !
M. le président. Acceptez-vous de retirer l'amendement, madame Pourtaud ?
Mme Danièle Pourtaud. Je vais accéder à la demande de M. le secrétaire d'Etat, monsieur le président, non sans avoir auparavant attiré son attention sur la raison principale qui a présidé à la présentation de l'amendement.
Il est clair que le prix des matériels informatiques diminue, et c'est fort heureux ; mais il est non moins clair que, entre les enfants, qui n'auront accès à cette technologie qu'à l'école - sachant que, de toute façon, malgré tous les efforts que pourra consentir l'éducation nationale, il n'y aura jamais un ordinateur devant chaque élève - et ceux qui disposeront également de cet outil chez eux, il y aura inégalité des chances.
Notre souhait était donc que la France fasse un véritable effort de démocratisation de l'accès à ces nouvelles technologies.
M. le président. L'amendement n° I-119 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-36 rectifié, MM. Delevoye, Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« h) Les prestations liées au droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-120, MM. Sergent, Régnault et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 bis du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne la location d'installations sportives lorsqu'elles sont la propriété des collectivités locales. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation à due concurrence des taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. de La Malène, pour défendre l'amendement n° I-36 rectifié.
M. Christian de La Malène. Nous retrouvons, une fois encore, la directive d'octobre 1992, mais, cette fois, il nous apparaît qu'elle peut s'appliquer à notre profit.
En effet, cette directive précise que le droit d'admission aux manifestations sportives peut faire l'objet du taux réduit de TVA. Or, il nous semble qu'on peut interpréter le droit d'admission aux manifestations sportives, en droit français, comme le droit, pour les bénéficiaires, d'accéder aux installations sportives et services y afférent et d'en user.
Dans ces conditions, il ne serait pas mauvais, selon nous, que l'on puisse appliquer le taux réduit aux manifestations sportives, d'autant que ces dernières, on le sait, sont les seules activités de loisirs à ne pas bénéficier pas du taux réduit de TVA.
Selon nos estimations, la mesure toucherait un petit nombre d'associations sportives qui se livrent à des activités de commerce. Elle toucherait aussi des sociétés privées et une soixantaine de sociétés d'économie mixte.
Il nous apparaît que, tant sur le plan du sport que sur celui de l'emploi, il y a là quelque chose à faire. C'est la raison d'être de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour présenter l'amendement n° I-120.
M. René Régnault. Cet amendement vise à faire appliquer le taux réduit de TVA à la location par les collectivités territoriales de leurs installations sportives.
Il tend surtout à faire en sorte que cette location par les clubs et les associations sportives puisse se faire à des conditions économiques plus abordables. C'est une façon de soutenir ce type d'activités, voire d'encourager la création d'emplois dans ce secteur d'animation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-36 rectifié et I-120 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Notre éminent collègue Christian de La Malène a raison d'indiquer que le droit communautaire nous permet de faire suite à la demande qu'il a présentée.
Néanmoins - je redoute de le décevoir - sur le fond, la commission des finances s'est posé la question de savoir si l'extension du taux réduit de TVA n'était pas moins urgente du fait que l'essentiel de l'activité sportive en France emprunte la forme associative ou utilise les équipements communaux, ce qui la place hors du champ de la TVA.
Par ailleurs, le taux réduit ne serait pas la panacée pour les installations sportives commerciales, qui sont aussi visées, puisqu'il ne concernerait que le droit d'entrée au sens strict, à l'exclusion des cours et de la location de matériel.
Je serais reconnaissant au Gouvernement de bien vouloir nous indiquer, dans un instant, le coût de cette mesure.
Vous le savez, monsieur de La Malène, nous nous attachons, dans cette discussion, à ne pas aggraver le solde budgétaire. Cela a condamné la commission des finances, qui reconnaît l'intérêt de la mesure à émettre un avis défavorable, ainsi d'ailleurs que sur l'amendement n° I-120.
Là encore, il est vrai que le droit communautaire permet de faire suite à la demande formulée, qui vise à diminuer les charges des clubs et des associations sportifs.
Toutefois, la mesure proposée paraît large, voire trop large, aux yeux de la commission des finances. Elle aboutirait à faire bénéficier du taux réduit, pour les locations, des clubs et des organismes qui sont par ailleurs inclus dans le champ de la TVA du fait de leurs activités commerciales. Or, ceux-ci peuvent déjà déduire la TVA qu'ils supportent en amont sur leurs charges.
M. Michel Charasse. Et les journalistes sportifs, ils n'ont rien demandé ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'analyse du Gouvernement rejoint largement celle que M. le rapporteur général vient de développer.
En effet, la plupart des activités sportives qui sont exercées en France dans un cadre associatif sont exonérées de TVA lorsque les conditions de l'article 61-7-1 du code général des impôts sont réunies, c'est-à-dire lorsque les services à caractère sportif qui sont rendus le sont par une gestion désintéressée.
La question qui est posée au travers des deux amendements est d'abord celle des entreprises à but lucratif qui oeuvrent dans des secteurs sportifs. Par définition puisqu'elles sont à but lucratif, celles-ci sont parfois onéreuses et souvent en expansion : il s'agit, par exemple, des golfs, des centres équestres et des centres de remise en forme.
Ce seraient donc des entreprises à but lucratif qui seraient les principales bénéficiaires de la baisse du taux. Je ne nie pas l'importance de leur rôle, mais, comme le coût de la mesure serait de l'ordre de 500 millions de francs, pour répondre à M. le rapporteur général, la disposition ne m'apparaît pas vraiment comme étant prioritaire.
En ce qui concerne les collectivités locales, monsieur Régnault, il y a, en fait, convergence entre les deux amendements puisque seules les locations d'installation sportive effectuées dans ce que l'on appelle le secteur concurrentiel seraient concernées par la mesure que vous proposez, ce qui nous ramène à peu de choses près au cas précédent.
Ce n'est pas que le sport à but lucratif ne mérite pas un certain intérêt, mais le coût de 500 millions de francs fait que cet amendement n'apparaît pas prioritaire au Gouvernement par rapport à d'autres dépenses.
Voilà pourquoi je demande aux auteurs des deux amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, je demanderai au Sénat de s'y opposer.
M. le président. L'amendement n° I-36 rectifié est-il maintenu, monsieur de La Malène ?
M. Christian de La Malène. Nous n'avons pas de chance, monsieur le secrétaire d'Etat ! Quand c'est Bruxelles qui s'oppose à une décision, vous nous dites que vous le feriez volontiers, mais qu'il y a Bruxelles ! En l'espèce, il n'y a pas d'opposition de Bruxelles, moyennant quoi vous nous dites que vous ne voulez pas le faire. Voilà qui permet de se poser quelques questions sur la valeur de votre premier argument.
Cela étant dit, je n'insiste pas, je retire l'amendement.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que cela coûterait à l'Etat 500 millions de francs, ce qui est sans doute une somme considérable. Mais nous savons bien que le secteur sportif à but lucratif est en pleine expansion, qu'il ne demande qu'à se développer, qu'il se développera, d'ailleurs.
Vous recherchez la création d'emplois ; nous vous ouvrons une voie. Vous estimez que ce gisement d'emplois n'est pas intéressant ; eh bien, nous le regrettons !
M. le président. L'amendement n°I-36 rectifié est retiré.
Maintenez-vous le vôtre, monsieur Régnault ? M. René Régnault. J'ai bien entendu M. le secrétaire d'Etat, surtout lorsqu'il nous a dit que, pour un tel coût, cette proposition, comparée à d'autres que nous allons formuler, ne lui paraissait pas prioritaire.
J'en prends acte et je retire donc le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° I-120 est retiré.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-55 rectifié bis, MM. Seillier et Puech, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 septies du code général des impôts, il est inséré un article 278 octies ainsi rédigé :
« Art. 278 octies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % sur les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés effectués dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements de communes. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-162, MM. Marini, Gouteyron, Vasselle, Leclerc et les membres du groupe du Rassemblememt pour la République proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 septies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % sur les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés, effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements de communes. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-81, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« h) Les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes et de leurs groupements. »
« II. - Le taux visé à l'article 1001 du même code est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-121, MM. Régnault et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Masson, Miquel et Moreigne, Mme Pourtaud, M. Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« h) Les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes et de leurs groupements. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
Par amendement n° I-143, MM. Berchet et Lesein proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Le c de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« c) les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers et assimilés effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-189, MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Pourchet et Egu proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b de l'article 279 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les prestations de collecte, de transport et de traitement des déchets ménagers effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-55 rectifié bis est-il soutenu ?...
La parole est à M. de La Malène, pour défendre l'amendement n° I-162.
M. Christian de La Malène. La collecte des ordures ménagères est le seul service public - les maires ici présents le savent bien - assujetti au taux normal de TVA. Or il s'agit de dépenses qui sont en très forte croissance.
Là encore, nous respectons les engagements européens puisque la collecte et le traitement des ordures ménagères sont classés par les autorités européennes dans les activités pouvant être soumises à un taux réduit de TVA.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° I-81.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à réduire le taux de TVA appliqué à la collecte, au transport et au traitement des déchets ménagers effectués dans le cadre du service public local pour le compte des communes et de leurs groupements.
Une telle baisse aurait, d'abord, un effet immédiat sur les prélèvements directs. En outre, elle irait dans le sens d'une harmonisation de la fiscalité européenne.
Il se trouve que la collecte et le traitement des ordures ménagères sont les seuls services publics locaux à être soumis au taux normal de TVA. Or, les décisions européennes d'harmonisation des taux de TVA classent les services relatifs aux ordures ménagères dans les services à taux réduits.
Par ailleurs, nous sommes confrontés, du fait de directives européennes, à des exigences croissantes de qualité des procédés, qu'il s'agisse de la suppression des décharges, de l'épuration des fumées, du développpement du tri ou du recyclage.
Tout cela concourt à augmenter des coûts qui sont à la charge des contribuables locaux, lesquels voient, de surcroît, le prix de l'eau augmenter, les contributions sociales s'alourdir et les impôts locaux subir les conséquences des transferts de l'Etat vers les collectivité territoriales.
Bref, le contribuable local n'en peut plus !
La réduction du taux de TVA que nous proposons permettrait de faire baisser quelque peu les impôts locaux.
L'ultime avantage de cette réduction serait de faciliter l'adoption par les collectivités locales et leurs groupements des procédés les plus respectueux de l'environnement, ce qui ne compte pas pour rien aux yeux de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° I-121.
M. René Régnault. Il s'agit là d'une disposition extrêmement importante, monsieur le secrétaire d'Etat, et lorsque, voilà un instant, je disais que je comprenais l'invitation que vous nous lanciez, je pensais déjà à cet amendement relatif à la collecte et au traitement des ordures ménagères, qui restent les seuls services publics locaux soumis au taux normal de la TVA, l'écart s'étant d'ailleurs aggravé avec la disposition du 1er août 1995, qui a augmenté encore la TVA de deux points.
Il est indispensable que cette situation dérogatoire soit réglée rapidement, alors même que les décisions européennes en matière d'harmonisation des taux de TVA classent les ordures ménagères dans les services à taux réduit et que les exigences croissantes de qualité des procédés - suppression des décharges, épuration des fumées, développement du tri et du recyclage, tout cela selon un calendrier très strict - font augmenter rapidement le coût à la charge des usagers locaux et surtout des contribuables locaux. En effet, la prestation de traitement étant pour la collectivité une dépense de fonctionnement, sur laquelle elle ne récupère pas la TVA, la charge est supportée par le contribuable local. Une réduction du taux de TVA permettrait donc une baisse des impôts locaux.
Le taux réduit permettrait également de mettre en oeuvre plus aisément les politiques que les élus locaux sont invités à pratiquer en matière d'élimination des déchets.
Enfin, le passage au taux réduit de TVA favoriserait l'adoption, par les collectivités locales et par leurs groupements, de procédés meilleurs sur le plan de l'environnement tout en diminuant le coût pour les ménages de cet effort d'amélioration de l'environnement qui est, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, extrêmement important.
Le taux réduit de TVA permettrait encore de rendre plus satisfaisant le régime de TVA appliqué aux services d'enlèvement des ordures ménagères, qui aggrave en particulier fortement le coût du traitement des déchets pour les communes les plus éloignées du centre de traitement.
Cet amendement vise, en conséquence, à appliquer le taux réduit de TVA sur les prestations liées au traitement et à la collecte des ordures ménagères effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des collectivités locales et de leurs groupements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'hypothèse où le Gouvernement ne pourrait pas souscrire à la totalité de notre démarche, pourrait-il, toutefois, envisager de franchir une étape, par exemple en ne prenant en compte, pour cette réduction du taux de la TVA, que le service de la collecte ? Je serais, au nom de mon groupe, tout à fait disposé à modifier mon amendement en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Lesein, pour présenter l'amendement n° I-143.
M. François Lesein. La collecte et le traitement des ordures ménagères restent le seul service public local soumis au taux de TVA de 20,6 %. L'eau, l'assainissement, les transports sont, eux, soumis au taux réduit.
Les dépenses relatives aux déchets sont en période de forte croissance, du fait de l'application des dispositions de la loi du 13 juillet 1992 par les communes et leurs groupements. Cette croissance est particulièrement importante pour les communes rurales.
L'adoption du taux réduit de TVA aura une répercussion immédiate sur la fiscalité locale, donc un effet positif sur la consommation des ménages et sur la capacité d'investissement des entreprises.
Nous avons noté hier votre refus, monsieur le secrétaire d'Etat, et celui de notre commission des finances, d'accepter une baisse de TVA sur les déchetteries. Il est vrai que, dans ce cas, il y a production de valeur ajoutée ; c'est tout différent de la collecte, qui, elle, n'est qu'un service public obligé.
Les décisions européennes d'harmonisation des taux de TVA classent la collecte et le traitement des déchets ménagers dans les services susceptibles de bénéficier du taux réduit. Monsieur de La Malène, cela joue en notre faveur, à condition de pouvoir appliquer ces dispositions.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'être attentif à cette demande.
M. le président. La parole est à M. Egu, pour défendre l'amendement n° I-189.
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux qu'abonder dans le sens des interventions de mes collègues. La collecte et le traitement des ordures ménagères restent le seul service public soumis au taux de TVA de 20,6 %.
Or, les dépenses relatives aux déchets connaissent une forte croissance du fait de l'application des dispositions de la loi du 13 juillet 1992 par les communes et leurs groupements. Cette croissance est importante pour toutes les communes, particulièrement pour les communes rurales.
Je me suis permis, lors de la discussion générale, de rappeler que les dépenses afférentes aux déchets vont dépasser, dans les années qui viennent, 60 milliards de francs. Le coût de toutes les mises aux normes atteindra 200 milliards de francs. Les communes ne pourront pas continuer à payer autant.
L'adoption du taux réduit de TVA aura une répercussion immédiate sur la fiscalité locale et, par conséquent, un effet positif sur la consommation des ménages et sur la capacité d'investissement des entreprises.
Comme les décisions européennes d'harmonisation des taux de TVA classent la collecte et le traitement des déchets ménagers dans les services susceptibles de bénéficier du taux réduit, vous avez toute facilité, monsieur le secrétaire d'Etat, pour nous donner satisfaction. Je vous en remercie d'avance.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud, pour présenter l'amendement n° I-55 rectifié bis .
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, je vous remercie tout particulièrement de me donner la parole en cet instant, un moment d'inattention m'ayant empêché tout à l'heure de présenter cet amendement déposé au nom du groupe des Républicains et Indépendants.
J'apporte donc ma voix à ce concert en faveur de l'application d'un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les opérations de traitement des ordures ménagères et joins mes arguments à ceux qui ont été précédemment présentés.
Les conseils généraux, les communes et leurs groupements sont, il est vrai, engagés dans un vaste projet en matière de traitement des ordures ménagères. L'audition récente de Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a montré que l'on souhaitait maintenir le délai prévu, 2002, ce qui est extrêmement exigeant, car il s'agit d'investissements massifs, de plusieurs dizaines de milliards de francs. De surcroît, des techniques modernes en constante évolution sont mises en oeuvre, ce qui augmente encore le coût de ces traitements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-55 rectifié bis, I-162, I-81, I-121, I-143 et I-189 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Tout à l'heure, j'ai été très frappé par l'intervention de notre collègue M. Christian de La Malène. Il a eu raison de nous rappeler qu'il nous faut éviter de fonder nos réponses sur des arguments qui, sans être dilatoires, ne sont pas déterminants. Lorsque l'on n'a pas les moyens d'accepter une proposition, il faut non pas se servir du droit communautaire pour la refuser, mais admettre franchement que l'on n'en a pas les moyens.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est vrai !
M. François Lesein. Précautions oratoires !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers amis, vous êtes unanimes à souhaiter que nous progressions. En tant que président d'une association départementale de maires, je ne peux que partager vos préoccupations.
Nous sommes bien d'accord, il n'y a de rémanence de TVA que lorsque la commune finance le service par une taxe, ce qui est le cas le plus fréquent.
Le coût de cet amendement, si je ne me trompe - mais le Gouvernement saura vous le dire mieux que moi dans un instant - avoisinerait 600 millions de francs. Or, dans le même temps, et certains d'entre vous l'ont rappelé, nous sommes à la veille de devoir engager des travaux colossaux en la matière. Il s'agirait, me dit-on, de 60 milliards de francs à la charge des communes, sachant qu'il reste à investir, d'ici à l'an 2000, entre 40 milliards de francs et 50 milliards de francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes confrontés à un problème immense, mais, pour ma part, je veux vous dire en toute simplicité, mes chers collègues, que je n'ai pas trouvé les moyens de financer la mesure proposée sans accroître le déficit budgétaire.
La commission des finances du Sénat s'en remettra donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
De surcroît, à titre personnel, cette fois, je vous indique que, si vous ne retirez pas vos amendements, je voterai contre, et ce, je le répète, bien que je sois président d'une association départementale de maires. Je veux en effet assumer pleinement ma responsabilité.
On ne peut à la fois vouloir maintenir le déficit budgétaire au niveau auquel nous sommes tous ensemble convenus de rester et adopter les unes après les autres des mesures qui le dégradent. J'en suis désolé ; j'espère ne pas m'abaisser trop dans votre estime, mais je crois devoir vous présenter le problème dans ces termes.
M. René Régnault. C'est compréhensible !
M. Alain Lambert, rapporteur général. En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque la question vous a été posée sur toutes les travées de cette assemblée, il faudrait intégrer cette préoccupation dans l'équilibre budgétaire futur, parce qu'elle est capitale.
On connaît votre refus légitime des promesses non financées, mais il serait bon que vous puissiez délivrer aux nombreux élus territoriaux qui siègent autour de vous un message d'espoir leur laissant à penser que le Gouvernement va proposer, dans l'année qui vient, des mesures allant dans le bon sens. C'est non seulement utile, mais aussi nécessaire pour répondre à la préoccupation des maires de France qu'inquiètent les coûts que leurs communes auront à assumer dans les prochaines années.
M. René Régnault. Les communes attendent aussi beaucoup du Sénat !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous en savez maintenant autant que moi, mes chers collègues. La commission des finances vous recommande la sagesse. Je vais donc observer maintenant avec la plus grande attention ce qu'est la sagesse du Sénat, mais je sais par avance qu'elle ne me décevra pas ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. François Lesein. Sagesse en liberté surveillée !
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur général, de cette décision courageuse.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-55 rectifié bis, I-162, I-81, I-121, I-143 et I-189 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme le rapporteur général, le Gouvernement est très sensible à la convergence des préoccupations qui s'expriment en matière d'application du taux réduit de TVA au traitement et à la collecte des ordures ménagères. Il ne manque pas d'arguments qui poussent à agir.
M. de La Malène l'a dit à juste titre, l'application du taux réduit de TVA est possible. Je ne peux donc pas invoquer l'argument de l'« euro-incompatibilité » à l'encontre d'une mesure « euro-licite » ! (Sourires.)
Cela étant, il n'a pas échappé à votre vigilance qu'il ne s'agit ici que des dépenses de fonctionnement. En effet, vous avez évoqué les uns et les autres d'énormes programmes d'investissement exigés par le respect d'une norme européenne et, surtout, d'une loi française tendant à l'élimination des décharges de surface d'ici à 2002. Or les investissements sont éligibles au fonds de compensation pour la TVA. Par conséquent, seuls les services de fonctionnement sont en cause, mais je reconnais que leurs coûts sont importants.
Votre unanimité, la compatibilité avec la norme européenne et, même si le sort des investissements est déjà réglé, l'ampleur de la progression des dépenses de fonctionnement qui en résultera ultérieurement sont trois arguments de poids qui militent dans le sens de la mesure proposée.
Toutefois, je pourrais invoquer trois arguments contraires, quoique d'une ampleur différente.
Tout d'abord, la mise en oeuvre de la mesure soulève un problème technique dans la mesure où les collectivités locales qui sous-traitent leurs activités de collecte et de traitement des ordures ménagères à une entreprise privée pourraient en bénéficier, mais pas celles qui assument ces tâches pour leur propre compte.
Ensuite, deuxième objection technique, M. Régnault, dans un souci de compromis que je respecte, nous propose de commencer par la collecte, laissant le traitement pour la suite. Or, dans la pratique - vous le savez mieux que moi, puisque vous êtes sur le terrain - il n'est pas facile de séparer ce qui relève de la collecte de ce qui relève du traitement dans les prestations d'ensemble qui sont assurées.
Quelle est la position du Gouvernement en la matière ? La mesure proposée, qui ne manque pas d'arguments forts en sa faveur, coûte 600 millions de francs. Compte tenu des contraintes budgétaires qui s'impose au Gouvernement, il y a là une véritable difficulté. C'est, si je puis dire, le volet immédiatement négatif de la réponse du Gouvernement.
Je voudrais maintenant ouvrir une perspective peut-être un peu moins négative.
J'ai déjà eu l'occasion de dire, à l'occasion de l'examen d'autres propositions présentées par la Haute Assemblée - il s'agissait notamment de la pollution de l'air, comme Mme Pourtaud s'en souvient - que le Gouvernement, d'ici à la prochaine loi de finances, allait réfléchir, avec tous ceux qui voudraient bien s'associer à ce travail, à ce que nous appelons une « fiscalité écologique ». La question de la TVA sur les services de traitement et de collecte des ordures ménagères me paraît tout à fait devoir être étudiée dans le cadre de la recherche d'une fiscalité permettant, mieux que par le passé, d'assurer tant la maîtrise de notre développement qu'un plus grand respect de l'environnement.
J'invite par conséquent les sénateurs de toutes sensibilités à étudier, d'ici à la présentation du projet de loi de finances pour 1999, les moyens d'insérer leurs préoccupations, semble-t-il unanimes, dans une réflexion d'ensemble sur une fiscalité plus écologique.
En conclusion, l'avis défavorable du Gouvernement sur les différents amendements s'appuie principalement sur le coût budgétaire. Je suggère donc aux divers auteurs de ces textes de les retirer, en attendant la réflexion commune en vue du prochain projet de loi de finances.
M. le président. Je vais mettre aux voix successivement ces différents amendements.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je retire l'amendement n° I-55 rectifié bis, en raison de son coût. Je regrette néanmoins très vivement d'avoir à agir ainsi, car cette proposition revêtait une très grande importance.
J'ai noté l'ouverture vers la fiscalité écologique, dossier qui avait été lancé, voilà quelques années déjà, par M. Barnier, alors ministre de l'environnement. Nous souhaiterions bien entendu être associés à cette réflexion en profondeur sur les structures fiscales de notre pays.
M. le président. L'amendement n° I-55 rectifié bis est retiré.
M. Christian de La Malène. Je demande la parole.
M. Christian de La Malène. Je voudrais dire, avec quelque malice,...
M. Emmanuel Hamel. Vous en êtes incapable ! (Sourires.)
M. Christian de La Malène. ... à M. le secrétaire d'Etat qu'il prend au fil de cette discussion budgétaire un certain nombre d'engagements pour le projet de loi de finances pour 1999. Nous lui donnons volontiers rendez-vous à l'année prochaine. Nous aurons alors beaucoup de questions et de réclamations à faire valoir. Nous ne les oublierons pas ! (Sourires.)
Cela étant, je retire l'amendement n° I-162, car j'ai tout à fait conscience de son coût important. Je le fais néanmoins avec regret, en raison de priorités dans l'action gouvernementale sur lesquelles je ne suis pas d'accord.
Voilà quelques jours, nous avons débattu d'un projet de directive sur le plomb. N'ayant pas eu connaissance de l'existence actuelle de menaces sur la santé des Français du fait des tuyaux de plomb, nous avons émis un avis négatif.
L'affaire est partie pour Bruxelles, et le Gouvernement français, à notre étonnement, a donné sur ce dossier un avis favorable. Le coût pour notre pays d'une telle mesure s'élève à plus de 100 milliards de francs, pendant cinq ans.
La France et l'Italie sont les pays les plus touchés par ce problème, les pays du Nord n'ayant presque plus de plomb.
M. Michel Charasse. Sauf dans l'aile ! (Sourires.)
M. Christian de La Malène. Je sais bien que ce ne sont pas les collectivités locales qui paieront ces 100 milliards de francs. Mais le poids sera sûrement réparti entre les individus, les propriétaires et les collectivités locales.
Je constate donc que nous nous battons entre nous pour obtenir 100 millions de francs par-ci ou par-là pour des actions nous paraissant tout à fait prioritaires, et que, tout d'un coup, le Gouvernement français abandonne à Bruxelles 100 milliards de francs ! Vous comprendrez alors que j'aie quelques regrets, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° I-162 est retiré.
M. François Lesein. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Peut-être mes propos ne seront-ils pas sages et peut-être gêneront-ils M. le rapporteur général, qui est aussi président de l'union des maires de son département.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, les communes rurales s'asphyxient et ne peuvent plus payer ce qu'elles doivent. Vous le savez d'ailleurs très bien, puisque le ministère du budget reçoit de plus en plus d'appels au secours de communes en difficulté. Cependant, quand M. Régnault a demandé tout à l'heure que le taux réduit de TVA ne concerne que le transport, vous avez dit que tout était lié.
Ce n'est pas vrai, car de plus en plus de communes, notamment rurales, se groupent pour assurer le ramassage et confient le produit de celui-ci à des entreprises industrielles. Pour ma part, j'affirme donc que ce n'est pas du tout la même chose, et je maintiens que le transport au moins pourrait bénéficier d'un taux de TVA réduit.
Les maires de nos communes liront nos propos ! Je demande donc, au nom de toutes les communes, notamment des communes rurales, que le transport bénéficie d'un taux de TVA préférentiel.
Si M. Régnault le veut bien, je cosigne son amendement, et, s'il le retire, je le reprendrai.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le rapporteur général, vos arguments nous ont fait quelque peine, car le Sénat a une lourde responsabilité, dans la mesure où il lui appartient de traiter ce vrai problème. Je ne voudrais pas ajouter aux propos tenus par M. de La Malène à l'instant : il y a les tuyauteries en plomb, les tuyaux fabriqués avec de l'amiante, le problème de l'amiante en général, etc. Tout cela représente, au nom de la qualité de la vie, des dépenses nouvelles qui sont lourdes et qui sont intégralement ou presque à la charge des collectivités locales. C'est dire, par conséquent, l'intérêt que porte la Haute Assemblée à de tels points extrêmement sensibles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous aurais bien dit que nous étions prêts à vous aider à trouver quelques recettes supplémentaires. Nous pourrions retirer notre gage, avec votre accord, et nous procurer, au travers de nos amendements qui doivent encore venir en discussion, quelques recettes permettant de compenser la charge de la dette.
Je vous ai tendu la perche de la dissociation, dans le dispositif, de la collecte et du traitement des déchets. M. Lesein a fort bien dit, à l'instant, que l'organisation sur le terrain, aujourd'hui, est fondée de plus en plus sur une telle distinction. Par conséquent, le repérage des dépenses relatives à la collecte n'est pas extrêmement difficile.
J'entends bien que le Gouvernement va engager dans les prochaines semaines une réflexion sur la fiscalité écologique. Nous y sommes très sensibles. Je souhaite d'ailleurs que cette réflexion s'élargisse aux problèmes de qualité que j'ai évoqués voilà un instant, qu'il s'agisse de l'amiante, de l'air, etc.
C'est avec beaucoup de regrets tout de même, monsieur le secrétaire d'Etat, que je tiens à vous dire avec solennité que nous attachions beaucoup d'importance à cet amendement et que nous espérions du Gouvernement une réponse plus positive.
Mais nous avons entendu votre volonté.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez des engagements solennels au nom du Gouvernement, afin que cette fiscalité écologique ne soit pas une simple promesse de renvoyer le débat à plus tard - certains auraient utilisé une autre expression - et que l'année 1998 soit bien celle au cours de laquelle la France va s'honorer de se doter d'une fiscalité écologique en abordant le problème globalement et en trouvant des réponses équilibrées, même si la mise en place de celles-ci demandent quelques années, afin que, concrètement, nous puissions répondre aux élus et aux usagers que cet important dossier de la fiscalité écologique et des déchets en particulier va trouver ses réponses concrètes dans les mois qui viennent, et, surtout, que le débat va s'ouvrir très prochainement ; il faudra en effet que nous débattions les uns et les autres de ce point.
C'est donc un peu la mort dans l'âme, monsieur le secrétaire d'Etat, que je retire cet amendement.
M. Michel Charasse. Je reprends l'amendement !
M. le président. Vous êtes l'un des signataires de cet amendement, monsieur Charasse. Or, que je sache, M. Régnault vient de retirer ce dernier, au nom du groupe socialiste.
Par conséquent, l'amendement n° I-121 est retiré.
M. André Egu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne puis que répéter ce que je dis depuis le début : quand j'imagine, pour demain et pour l'année prochaine, tout ce qui attend les collectivités locales, qu'il s'agisse du plomb, de l'eau, des pompiers, des 30 milliards de francs de mise aux normes pour les installations sportives ou des 60 milliards de francs pour les déchets, il y a de quoi être effrayé !
Il faudrait donc commencer tout de suite à aider les communes en leur donnant un signe fort à travers, précisément, l'adoption de cet amendement. Quand on est sénateur, c'est la sagesse même de penser à l'avenir et de défendre les communes. Pour ce qui me concerne, je suis donc tout à fait prêt à voter cet amendement. (MM. Machet et Joly applaudissent.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. J'ai écouté avec beaucoup d'attention tous les orateurs et j'ai cru comprendre que M. René Régnault manifestait une certaine déception quant à la réponse que j'ai faite tout à l'heure.
Mes chers collègues, vous connaissez tous très bien le fonctionnement de nos collectivités locales : nous sommes appelés à des financements qui seront de plus en plus lourds, et nous en avons là des exemples. Je voudrais vous demander si vous ne ressentez pas, les uns et les autres, quelques abus dans un domaine précis, qui est celui de la sécurité.
M. René Régnault. D'accord !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Peut-être suis-je l'élu d'un département où le zèle est tel que nous en arrivons à devoir prévoir des issues de secours pour les préaux qui ne comportent que trois murs sur quatre !
M. Jacques Machet. C'est partout pareil !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je me demande donc, mes chers collègues, si nous n'avons pas là une source d'économie...
M. Michel Charasse. Ce sont les procès qui coûtent le plus cher !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... qui nous permettrait de mieux financer d'autres exigences, dont la priorité est évidente.
M. Michel Charasse. Ce sont les juges !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il nous faut donc être responsables en cet instant, cher collègue René Régnault : nous devons bien évaluer les capacités contributives de nos compatriotes, estimer réellement la charge qui doit être supportée par les contribuables de l'année et celle qu'il est légitime de reporter sur les contribuables sur un nombre d'années suffisant, puisque chacun bénéficiera de la contrepartie des investissements et des améliorations que nous apporterons à la vie de nos compatriotes.
J'ai le sentiment, aujourd'hui, qu'en n'adoptant pas les amendements qui nous sont proposés, en faisant en sorte d'être en mesure de les adopter, par exemple, l'année prochaine, nous ne portons gravement atteinte ni à nos compatriotes de notre génération ni aux générations futures. Ce qu'il faut, c'est bien évaluer les besoins et bien évaluer les moyens dont nous disposons.
Je suis convaincu que, s'agissant des immenses travaux que nous devons accomplir pour améliorer la vie quotidienne de nos administrés, nous ne devons pas nous laisser leurrer par des obligations que nous nous assignons à nous-mêmes et dont la priorité me semble devoir être très sérieusement réexaminée.
C'est ce qui m'a conduit, mes chers collègues, à vous alerter, et à alerter le Gouvernement au passage, sur la question de la sécurité. Nous sommes tous attachés à la sécurité de nos concitoyens, mais celle-ci ne doit pas conduire à un pointillisme qui, parfois, frise le ridicule.
M. René Régnault. Sur ce point, je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur général !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Un débat important s'est ouvert, à l'occasion de l'examen de ces amendements, sur le déferlement de normes qui entraîne, pour les collectivités locales, une suite de travaux dont le coût est élevé.
Je rappellerai simplement que M. le Premier ministre, lors du congrès de l'Association des maires de France, a déclaré que le Gouvernement était conscient que cette juxtaposition de normes successives posera aux collectivités locales, qui sont la charpente de notre pays, des difficultés croissantes, et qu'il veillera à consulter non seulement les assemblées, mais aussi les associations de collectivités locales lorsque de nouveaux dispositifs seront proposés.
C'est dire que le Gouvernement est bien conscient qu'à un certain moment on ne peut plus empiler des normes les unes sur les autres, qu'elles soient environnementales ou de sécurité.
Le Gouvernement partage donc le souci de la Haute Assemblée.
M. Louis Souvet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je m'apprêtais à dire que je voterai tel amendement. Maintenant, après la succession de retraits à laquelle nous avons assisté, je dirai : « S'il n'en reste qu'un, je le voterai ! » Je voterai donc l'amendement proposant un taux réduit de TVA à 5,5 %. Je regrette, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous décevoir, mais le non-respect de toutes les normes de sécurité, empilées les unes sur les autres, conduit aujourd'hui les maires en prison.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. François Lesein. Dans les prisons, il y a des tuyaux de plomb !
M. Louis Souvet. Il n'en va pas de même dans d'autres secteurs.
Le rendez-vous pris pour l'an prochain, qui a entraîné le retrait de certains amendements, à mon avis, n'a aucun sens. En effet, l'an prochain nous nous heurterons aux mêmes difficultés, car il n'y a pas de raison que les choses changent.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'Etat, il convient de vous rapprocher de votre collègue chargée de l'environnement, dont les exigences augmentent considérablement à la fois les investissements et les frais de fonctionnement. Les maires le savent bien, eux.
Il convient de respecter les normes européennes en ce qui concerne, par exemple, les rejets dans l'atmosphère d'une usine d'incinération d'ordures ménagères - ce qui représente déjà une performance, car cela coûte très cher en investissements et en fonctionnement. Mais il faut ensuite, c'est nouveau, récupérer les fines. Auparavant, on les mettait dans des sacs étanches ; ce n'est plus suffisant et il faut maintenant les vitrifier. Mais cela n'est pas encore suffisant : il faut déposer ce magma - ce qui nécessite des installations très coûteuses - en des lieux prévus à cet effet, c'est-à-dire dans des endroits préparés, cuvelés, étanches, etc.
Dans un département comme le mien, le département du Doubs, qui est constitué en majorité de sols karstiques, il faut transporter les ordures ménagères, puis les rejets, sur des centaines de kilomètres. Il faut également retirer les piles, les plastiques, que l'on ne peut incinérer en raison des résidus chlorés. Cela implique pour les déchetteries, les points de récupération, des dépenses d'investissement et de fonctionnement colossales auxquelles le Gouvernement doit participer.
Eliminer une tonne d'ordures ménagères représente aujourd'hui presque une petite fortune, et une somme de 600 millions de francs dans le budget de la nation ne me paraît pas excessive au regard des dépenses que votre collègue de l'environnement exige des collectivités locales.
Je voterai donc ce taux réduit de TVA de 5,5 %, car, me semble-t-il, le Gouvernement doit prendre sa part dans cette opération extrêmement coûteuse, délicate et contraignante pour les maires. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je crois que, sur le fond, tout le monde ici est d'accord pour considérer qu'en raison des obligations de la loi, et notamment de l'obligation qui est faite dorénavant à toutes les collectivités, donc à tous leurs contribuables et à tous leurs usagers, de faire collecter et traiter les ordures ménagères, la nature de ces prestations est désormais comparable en tout point à celle des produits et des prestations dits de première nécessité ou de grande consommation taxés au taux réduit de la TVA.
D'où, monsieur le secrétaire d'Etat, la convergence des amendements de toutes origines sur ce point ce matin, d'autant plus que, comme vous l'avez dit et comme nous le savons, il n'y a, dans cette affaire, aucun obstacle européen.
La question est donc finalement et principalement, et M. le rapporteur général ainsi que M. le secrétaire d'Etat l'ont dit, d'ordre financier.
Mais il faudra bien, monsieur le secrétaire d'Etat, se décider, à un moment ou à un autre, à tirer les conséquences sur les conditions de leur financement par les autorités locales de toutes les contraintes législatives ou réglementaires qui leur sont imposées, et dont certains collègues ont évoqué ce matin la réalité. Je pense à l'assainissement, qui doit être achevé partout au problème de l'amiante ; à la loi sur les sapeurs-pompiers, c'est-à-dire à la réforme des services d'incendie, qui est ruineuse ; aux ordures ménagères dont nous discutons actuellement, et aux normes - dont je dis en passant à M. le rapporteur général que, pour ma part, je ne fais pas grief à l'administration de nous imposer souvent des normes - et qui sont stupides et qui nous coûtent très cher.
Si l'on n'avait pas habitué les Français à porter plainte contre les collectivités à propos de tout et de n'importe quoi dès que leur petit chéri se fait une « rougne » au genou parce qu'il est tombé dans un escalier et qu'on nous impose une norme supplémentaire, on n'en serait pas là ! C'est donc aux juges que l'on doit une bonne partie de cela. (Approbations sur de nombreuses travées.) Et il faudra bien trouver un moyen, à un moment ou à un autre, pour qu'on dise dans la loi qu'il y a des limites que la justice ne doit pas franchir. Elle doit s'occuper des choses sérieuses mais pas des boutons de guêtres !
En tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une question financière et je reprendrai ce que disait M. Lesein voilà un instant : la question se pose, notamment pour les petites et les moyennes communes, non pas que je néglige le statut des grandes villes.
Je rappelle qu'il y a un an ou deux nous avons dû voter ici une disposition pour que l'on n'applique pas aux petites communes l'obligation d'équilibrer les services d'eau et d'assainissement, sinon, dans les plus modestes collectivités, avec des tout petits réseaux, on arriverait à des tarifs explosifs. Or, en ce qui concerne cette affaire, nous allons être dans la même situation dans toutes ces petites communes qui doivent maintenant assurer et financer la collecte et le traitement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vraiment que le Gouvernement se préoccupe de cet aspect des choses. Je sais bien qu'on ne peut pas tout financer, je sais bien qu'on ne peut pas tout faire.
Je voudrais vous dire d'une façon un peu humoristique qu'une somme de 600 millions de francs est en jeu. Quand on veut, on peut ! J'en veux pour preuve le fait que tout le monde s'est réuni cette nuit pour trouver 350 millions de francs pour faire plaisir à un lobby qui est couché devant notre porte...
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que les journalistes utilisent eux aussi le système d'ordures ménagères. Il faudrait peut-être penser à eux puisqu'on y a pensé cette nuit... Ils pourraient nous le reprocher, pas forcément pour cette année mais pour bientôt. Imaginez que le tarif de collecte des ordures ménagères devienne hors de prix et que toutes les saletés qui sont dans leurs corbeilles se retrouvent dans les journaux plutôt que dans la poubelle. Que va-t-il nous arriver ? (Rires sur de nombreuses travées.)
Voilà, monsieur le président, quelques observations que je voulais faire en passant. J'en profite pour vous signaler que, cette nuit, sur le vote de l'amendement n° I-210, lors du scrutin public n° 19, j'ai été porté comme m'étant abstenu alors que je voulais naturellement voter contre.
M. le président. Je vous en donne acte, monsieur Charasse.
M. François Lesein. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Je voudrais simplement faire remarquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que les directives européennes se retrouvent aux deux extrémités de ce raisonnement.
En effet, d'un côté, une directive oblige les communes, notamment rurales, à fermer des installations qui rendaient vraiment service à des prix très supportables, mais qui ne sont plus conformes aux normes européennes. Ce faisant, nous sommes contraints de transporter beaucoup plus loin nos ordures ménagères et assimilés.
D'un autre côté, tout le monde a noté qu'une autre directive nous autorise à baisser le taux de la TVA dans ce domaine, n'est-ce pas, monsieur de La Malène ? Pourquoi être plus royaliste que le roi et ne pas le faire ?
Je me permets de souligner que nous représentons les communes et j'en appelle au bon sens de tous nos collègues que je veux rappeler à leur devoir. Les communes attendent une décision !
Monsieur le président, je rectifie l'amendement n° I-143, en rédigeant ainsi le début de l'alinéa c : « Les prestations de collecte et de transport des déchets ménagers et assimilés... » Je supprime le traitement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-143 rectifié, présenté par MM. Berchet et Lesein, et tendant à insérer, après l'article 11, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Le c de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« c) Les prestations de collecte et de transport des déchets ménagers et assimilés effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Devant cette rectification intervenue en séance publique, je ne peux pas m'abstenir d'indiquer que je suis tout à fait défavorable à ce nouveau texte.
En effet, la TVA est en l'occurrence, non pas une charge pour les communes mais une charge pour les usagers ; c'est une facturation à l'intérieur du tarif des ordures ménagères. Si l'on suit cette voie consistant à distinguer les phases de collecte, les phases de traitement et les phases de transport, d'une part on va faire porter la réduction de TVA sur une fraction du coût de revient qui est quand même réduite, même en zone rurale - d'ailleurs, je ne suis pas très sensible à cette distinction entre les zones rurales et les zones urbaines où les difficultés sont également très importantes - d'autre part, on va rendre la facturation extrêmement complexe. Demain, les factures d'ordures ménagères seront encore plus compliquées que les factures d'eau.
Je considère donc que cette rectification n'améliore en rien le dispositif que nous préconisons ; au contraire, elle introduit une complication inacceptable qui, de plus, rendra difficile la réflexion sur la fiscalité écologique qui a été annoncée.

Il s'agit là d'une très mauvaise démarche, alors que notre objectif commun est de réduire globalement et de manière significative la charge qui pèse sur les usagers au titre de la TVA appliquée aux activités de collecte et de traitement. On nous pousse tous vers des traitements globaux et vers une facturation globale du service à l'usager.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Il s'agit là d'un sujet de fond, d'un sujet grave pour nos concitoyens. Il préoccupe tous les élus locaux de France et de Navarre, quelles que soient leurs affiliations politiques ou leur idéologie.
Comme l'attestent les différents amendements qui ont été présentés, cette préoccupation est très largement partagée.
Il y a, nous le savons, l'impératif légal pour 2002. Par ailleurs, les progrès en matière de santé publique et d'environnement conduisent logiquement à ne pas repousser sur les générations futures les nuisances résultant de notre production actuelle d'ordures ménagères. C'est aussi simple que cela !
Je prétends pour ma part que la loi de 1992 est une bonne loi, car c'est une loi de responsabilité : elle conduit les collectivités locales, les communes à prendre en charge cette filière, car il s'agit bien d'une filière complète.
Sur ce point, monsieur Lesein, je ne peux pas partager votre approche : la collecte, le transport et le traitement sont une responsabilité indissociable des communes.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Philippe Marini. Cette responsabilité, nous devons l'exercer en nous organisant. C'est ce que nous faisons dans le cadre de syndicats intercommunaux.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat - permettez-moi d'insister sur ce fait - nous travaillons dans un flou absolument inacceptable, tant pour les élus locaux que pour les contribuables.
Les collectivités locales doivent en effet mettre complètement en cause leurs circuits de collecte, elles doivent mettre au point des programmes d'investissements extrêmement importants, des déchetteries dont on parlait hier soir, des unités de traitement, des unités de valorisation diverses et variées pour les différentes catégories de déchets. Or, elles agissent dans le flou fiscal.
Il n'est pas normal effectivement que les prestations dont il s'agit ne soient pas soumises au taux réduit de la TVA. Nous ne pouvons que réaffirmer notre position sur ce point.
S'agissant de votre amendement, qui soulève une discussion de principe, monsieur Lesein, je ne peux pas le voter dès lors qu'il ne porte que sur une partie de la filière. Si vous acceptiez d'en revenir à sa version initiale, je le voterais volontiers, mais, en l'état, je ne le peux pas.
Monsieur le secrétaire d'Etat, un autre problème extrêmement préoccupant se pose également, qui a fait l'objet très récemment d'une question orale posée à M. le ministre de l'intérieur ; nous en reparlerons, je crois, à l'occasion de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances. Il s'agit du régime d'accès au Fonds de compensation pour la TVA pour les unités de traitement des ordures ménagères.
En la matière, nous sommes dans le flou le plus complet : nous devons lancer des programmes d'investissement qui engagent l'avenir, qui représentent des centaines de millions de francs et nous sommes dans l'insécurité fiscale la plus totale. On nous dit : on verra quand l'unité sera mise en service, on vérifiera alors et on vous dira si vous pouvez oui on non accéder au Fonds de compensation pour la TVA. Ce n'est pas acceptable.
Au moment de la conception d'un programme d'investissement engageant l'avenir, monsieur le secrétaire d'Etat, on doit savoir quel sera le régime fiscal. Il est absolument essentiel de répondre à cette préoccupation de tous les élus locaux, quelles que soient leur fidélité politique ou leurs idées par ailleurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Je voudrais faire le point après l'échange que nous venons d'avoir.
Tout d'abord, nous sommes de plus en plus convaincus qu'il faut franchir l'étape de la collecte et du transport, et que la dissocier de celle de l'élimination a tout à fait un sens, quoi qu'on en dise. En effet, les procédés et les techniques d'élimination évoluent, et le partage entre le brûlage et la collecte sélective n'est pas terminé.
La réflexion se poursuit, et je comprends par conséquent qu'il faille ici attendre, si nous devons attendre quelque peu. En revanche, s'agissant de la collecte et du transport, si nous n'agissons pas, nous prenons le risque de laisser les choses en l'état dans certains endroits.
Voulez-vous, parce qu'il y aura beaucoup de kilomètres à parcourir et peu de gens pour régler l'addition, que les choses restent en l'état et que les déchets soient rejetés dans les fossés ? Pour les populations urbaines qui viennent s'aérer en milieu rural, quelle belle image !
C'est la raison pour laquelle, à ce stade de la discussion, nous allons, comme je l'avais suggéré tout à l'heure, voter pour l'amendement de M. Lessein qui traduit le fond de notre pensée à un moment donné, et contre les autres amendements restant en discussion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-143 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, vous me donnez la parole à un moment où je ne la demandais pas !... (Sourires.)
M. le président. L'opinion du rapporteur général est toujours très importante, c'est la raison pour laquelle je me suis permis de vous interroger ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Merci infiniment, monsieur le président.
Mes chers collègues, sur l'objet même des amendements, tout ayant été dit, et bien dit, je voudrais en appeler à votre responsabilité individuelle.
En effet, si le Gouvernement n'accepte pas de lever les gages, l'amendement n° I-81, présenté par le groupe communiste citoyen et républicain, n'est pas acceptable, puisque son gage me paraît notoirement insuffisant.
Quant au gage proposé par M. Lesein, il aura pour effet d'augmenter le prix du tabac à un niveau tel - le Gouvernement pourra utilement nous le signaler - qu'il serait totalement irréaliste.
Je souhaite que nous soyons responsables, mes chers collègues ; il en va de l'honneur du Sénat.
Nous avons largement expliqué les raisons pour lesquelles nous pensons que ce problème doit être réglé rapidement. J'ai eu la sincérité de vous dire au début de notre discussion que, pour ce qui me concerne, je n'avais pas trouvé le financement de cette mesure autrement que par le biais de l'augmentation du tabac. Donc, à titre personnel, je ne la voterai pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, s'agissant de cet amendement n° I-143 rectifié, qui vise à dissocier la collecte et le transport, d'une part, et le traitement, d'autre part, j'ai déjà indiqué qu'il me semblait difficile à mettre en oeuvre.
Il est possible que, dans certaines communes rurales, la collecte et le transport soient effectués par une entreprise, et le traitement par une autre. Il n'en demeure pas moins que l'adoption de cet amendement entraînerait des complications difficiles à maîtriser.
Les orateurs qui ont estimé que le traitement des ordures ménagères constituait une filière, c'est-à-dire un traitement intégré, ont été, me semble-t-il, dans le vrai, au moins du point de vue fiscal. J'invite donc le Sénat à rejeter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-81, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-143 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-189, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Je suis maintenant saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-37 rectifié bis, M. Marini, les membres du groupe du Rassemblement pour la République et M. Adnot proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne l'ensemble du secteur de la restauration, qu'il s'agisse de prestations de restauration à consommer sur place ou à emporter. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-147, MM. Joly et Lesein proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne l'ensemble du secteur de la restauration, qu'il s'agisse de prestations de restauration à consommer sur place ou à emporter. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement du droit de consommation sur les tabacs prévus par l'article 575 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-190 rectifié, MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Egu et Huriet proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281 quinquies du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 281 quinquies . - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % pour la restauration, qu'il s'agisse de la fourniture de repas à consommer sur place ou à emporter. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-58, M. About propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne la vente à consommer sur place dans le secteur de la restauration. »
II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-188, MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud et Egu proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le a quater de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« a quater . - La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-37 rectifié bis.
M. Philippe Marini. Il s'agit d'un amendement de questionnement sur un sujet qui est bien connu de nous tous et qui concerne le secteur de la restauration.
Par cet amendement - je crois que d'autres groupes ont présenté la même suggestion, sans doute dans les mêmes conditions -, nous suggérons la création d'un second taux réduit de la TVA, fixé à 14 %, pour l'ensemble du secteur de la restauration.
Nous sommes bien conscients des modifications que cela apporterait par rapport aux pratiques en cours, mais nous avons la volonté de mettre fin aux distorsions fiscales existantes. Nous avons également la volonté de nous rapprocher de la moyenne des taux européens en vue de l'harmonisation du système commun de TVA. Nous avons surtout l'objectif - c'est notre préoccupation essentielle - de relancer l'emploi dans un secteur qui est particulièrement riche en possibilités de créations d'emplois.
Ce dispositif, à notre avis, n'enfreint aucunement le droit communautaire et s'inscrit dans la réflexion engagée par la Commission et le Parlement européen. En effet, chaque Etat de l'Union européenne peut disposer de deux taux réduits supérieurs à 5 %, conformément à l'article 12 de la sixième directive. La restauration n'est pas directement visée par l'annexe H de la sixième directive sur la TVA qui donne la liste des produits et des services pouvant bénéficier du taux réduit. Cependant, une dérogation permet aux Etats membres d'appliquer le taux réduit à la restauration dès lors que ce secteur en bénéficiait au 1er janvier 1991. Huit Etats membres sur quinze se sont déjà placés sous ce régime.
L'amendement que nous vous présentons, et que nous avons gagé par prudence, monsieur le secrétaire d'Etat, devrait, en toute logique, être neutre pour le budget de l'Etat.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-147.
M. Bernard Joly. L'argumentaire de M. Marini a été très complet et je me bornerai donc à rappeler que j'ai déjà fait une telle proposition voilà quelque temps, que les restaurateurs se sont engagés à créer des emplois et que la Grèce et l'Espagne ont déjà adopté des taux réduits.
M. le président. La parole est à M. Egu, pour défendre l'amendement n° I-190 rectifié.
M. André Egu. La création d'un second taux réduit de TVA fixé à 14 %, qui pourrait être appliqué à l'ensemble du secteur de la restauration, n'enfreint nullement le droit communautaire.
Cette solution permettra, d'abord, de mettre fin aux distorsions fiscales existantes, ensuite, de se rapprocher de la moyenne des taux européens en vue de l'harmonisation du système commun de TVA, enfin et surtout, de relancer l'emploi dans un secteur porteur en terme de développement économique.
C'est une mesure d'égalité et de justice. Prenons l'exemple des communes rurales : puisqu'il n'y a pas de restauration rapide, les consommateurs sont obligés d'acquitter la TVA au taux plein.
Par ailleurs, la restauration dite « traditionnelle » souffre, en ville, de la concurrence déloyale de la restauration rapide, qui ne paie, elle, que 5 %, ce qui lui a permis, au cours des neuf dernières années, de multiplier par huit le nombre de ses points d'implantation.
Pendant le même temps, les cantines, les restaurants d'entreprise ont progressé d'environ 30 %.
Afin de lutter contre cette concurrence déloyale, il serait normal que toutes les formes de restauration soient soumises au même taux.
M. le président. L'amendement n° I-58 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Egu, pour présenter l'amendement n° I-188.
M. André Egu. Il s'agit d'un amendement de repli. Mais nous préférerions que soit adopté l'amendement n° I-190 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-37 rectifié bis, I-147, I-190 rectifié et I-188 ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ces amendements tendent - ai-je besoin de le rappeler ? - à créer un nouveau taux de TVA réduit de 14 % pour l'ensemble des prestations de restauration. C'est un sujet que nous connaissons bien au Sénat. Il a donné lieu, l'an dernier, à de très longues discussions et, depuis la publication du rapport Sallustro, le débat ne fait que s'amplifier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il nous faudra bien, un jour, apporter une réponse à ce problème de distorsion de concurrence qui devient, c'est vrai, insupportable.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cette distorsion de concurrence dans le secteur de la restauration est liée à l'application de différents régimes de TVA selon qu'il s'agit de restauration à emporter ou de restauration sur table. On ne comprend pas une discrimination qui tend même à être défavorable à la qualité gastronomique de notre pays. Mais je n'insiste pas.
La solution à ce problème n'est pas simple. Celle qui est proposée par ces amendements, je le dis sincèrement, n'est pas financièrement possible aujourd'hui.
Il est vrai que le droit communautaire - c'est, je crois, M. Marini qui en a parlé - autorise deux taux : un taux réduit, qui se situe entre 5 % et 15 %, et un taux fort. Le fait de demander un taux de 14 % pourrait donc être considéré, sur le plan communautaire, comme une proposition acceptable. Mais ce taux minoré ne peut s'appliquer aux prestations de restauration, la restauration ne pouvant pas, à l'échelon communautaire, faire l'objet d'un taux minoré. Nous devons en tenir compte, puisque nous sommes partisans de l'Europe, et par conséquent accepter certaines de ses directives.
De plus, la création de ce nouveau taux de 14 % aurait, en quelque sorte, pour effet de tripler la TVA sur toutes les ventes à emporter, aujourd'hui taxées à 5,5 %, y compris celles des traiteurs, des boulangers et des pâtissiers.
Si ces amendements étaient acceptés, ils auraient un coût net particulièrement élevé, qui serait - je parle avec précaution parce que je n'ai pas les indications précises dont dispose M. le secrétaire d'Etat - de l'ordre de 8 milliards à 9 milliards de francs. Aujourd'hui, le budget ne peut supporter un tel coût.
Nous ne pouvons donc accepter une telle proposition. Il n'empêche qu'il conviendra de réfléchir à ce problème et de nous faire des suggestions. Si vous pouviez profiter de la navette pour nous soumettre des propositions, ce serait très bien,...
M. Alain Gournac. C'est même nécessaire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... mais je crains que le laps de temps ne soit pas suffisant.
Cela dit, si aucune solution n'est apportée cette année à ce problème, nous le retrouverons l'an prochain ! Nous n'allons tout de même pas nous poser éternellement la même question !
J'invite donc instamment le Gouvernement à y réfléchir. En attendant, compte tenu de cette obligation de l'exécutif de nous faire des propositions et du coût élevé d'une telle mesure aujourd'hui pour le projet de budget, et sans pour autant négliger l'intérêt de ces amendements, la commission des finances a cru devoir leur opposer un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après le remarquable commentaire de M. Poncelet, il me reste assez peu de choses à dire sur les amendements de M. Marini et de M. Joly, ainsi que sur les deux amendements de M. Egu, l'un principal, l'autre de repli.
Je ferai néanmoins une petite mise au point d'ordre juridique.
Certains d'entre vous ont pu croire qu'il était possible de créer un taux intermédiaire de 14 %. Or il est important de rétablir la vérité sur ce point.
En matière de droit européen, nous sommes sous la houlette, si je puis dire, de la directive européenne du 19 octobre 1992, dont il a été déjà largement question, selon laquelle toutes les opérations de vente à consommer sur place - quelle que soit leur forme - doivent être soumises au taux normal de TVA. Le taux réduit est, lui, réservé aux ventes à emporter de produits alimentaires ou de plats préparés, et exclusivement à ces produits.
La différence vient du fait qu'un restaurateur ne livre pas un produit, mais qu'il assure à ses clients une prestation de service complexe.
Si des Etats pratiquent effectivement des taux différents de ce taux normal, c'est parce que, au 1er janvier 1991, c'est-à-dire avant l'adoption de cette fameuse directive, ils appliquaient déjà un taux intermédiaire qu'ils ont été autorisés à maintenir à titre transitoire. Mais il arrive que le transitoire dure.
De ce point de vue, la France a également obtenu une dérogation : le taux réduit applicable aux services rendus aux cantines par des prestataires extérieurs est maintenu, car il s'appliquait déjà avant le 1er janvier 1991.
S'agissant de la proposition d'un taux de 14 % contenue dans trois des quatre amendements qui nous sont soumis, si elle est gastronomiquement correcte, elle n'en est pas moins juridiquement fausse, car il est, en effet, impossible de créer un taux intermédiaire entre la plage de taux normal et la plage de taux réduit. Il n'existe que deux taux, et pas trois. Les trois amendements ayant pour objet de demander le taux intermédiaire de 14 % sont donc incontestablement « euro-incompatibles ».
Ils ont quand même un mérite : en instaurant un gage de 10 milliards de francs de droits sur le tabac, ils contribuent à lutter contre le tabagisme, et je tiens à féliciter leurs auteurs d'une telle contribution qui s'ajoute à ce qui a été antérieurement voté ! Je remercie la Haute Assemblée de veiller à ce point à la santé de nos concitoyens ! (Sourires.)
Quant au second amendement, n° I-188, de M. Egu, qui suggère d'appliquer à l'ensemble du secteur le taux réduit de 5,5 % qui existe déjà, il aurait un coût deux fois plus important, soit 20 milliards de francs ! Pour le tabagisme, on peut difficilement rêver mieux. Mais, du point de vue juridique, cet amendement est malheureusement également incompatible avec le droit communautaire.
Compte tenu de l'ensemble de ces arguments, j'invite les auteurs de ces amendements à les retirer, faute de quoi je demanderai à la Haute Assemblée de les rejeter.
M. Emmanuel Hamel. Le droit communautaire empêche le progrès !
M. le président. Je vais mettre aux voix successivement ces différents amendements.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Décidément, nous le voyons ce matin, la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas tout à fait un impôt neutre !
Un certain nombre de nos collègues de la majorité sénatoriale demandent, comme l'an dernier et les années passées - dans un contexte politique quelque peu différent, ne l'oublions pas - que soit revu le taux de la taxe sur les prestations d'hôtellerie et de restauration.
En l'occurrence, il s'agit plutôt de la restauration, la question de l'hôtellerie étant résolue puisque l'ensemble des prestations est aujourd'hui soumis au taux réduit.
Chacun sait - M. le secrétaire d'Etat vient de le rappeler - que la mesure n'est pas mince sur le plan fiscal, puisque, si j'ai bien compris, son coût pourrait se chiffrer à une vingtaine de milliards de francs que certaines contraintes ne permettent pas, semble-t-il, de prendre en compte.
Je voudrais revenir sur un point important. Notre pays est un grand pays touristique. Nous ne pouvons pas, en particulier, oublier que la France accueille chaque année un nombre de touristes étrangers équivalant à sa population et que la balance touristique de notre pays concourt de façon spectaculaire à l'excédent de notre balance des paiements.
Pour autant, les qualités de l'accueil touristique tiennent aussi aux multiples efforts accomplis par les professionnels ou les collectivités locales pour valoriser notre patrimoine, qu'il s'agisse de notre patrimoine historique, culturel, naturel ou gastronomique.
La qualité de vie en France est particulièrement recherchée par une clientèle - faut-il le rappeler ? - de plus en plus exigeante, et il est évident que le développement de la filière touristique doit répondre à de telles exigences.
Nous ne pouvons cependant pas oublier ici les problèmes que pose plus spécifiquement le secteur de la restauration.
Le changement des modes de vie a, en particulier, favorisé l'essor d'un nouveau mode de restauration rapide qui a su tirer parti du différentiel de TVA, outre un art consommé - et pas seulement sur place - des techniques de promotion commerciale, et notamment de produits dérivés, qui concurrence la tradition culinaire de notre pays.
Soyons clairs : les frites n'ont pas le même goût partout ! (Sourires.) On peut et on doit se demander s'il n'y a pas lieu de se pencher sérieusement sur la question du devenir de la restauration commerciale.
Je vous invite, monsieur le secrétaire d'Etat, à « missionner » les services de la répression des fraudes pour vérifier en particulier si les deux modes de consommation proposés par les chaînes de restauration rapide font l'objet, de façon systématique, d'une tarification différenciée... Je ne crois pas que cela soit toujours le cas.
Mais il est une autre question clé posée par le niveau de la TVA sur les prestations de restauration : c'est celle de l'état des lieux social du secteur.
La plupart des affaires de restauration sont des sociétés familiales, le plus souvent d'ailleurs constituées sous forme d'exploitations individuelles. Nous avons donc affaire à des artisans du piano et des fourneaux, fiers de leur métier.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'expression est jolie !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour autant, les salaires y sont particulièrement bas et la représentation des organisations syndicales y est assez limitée, le plus grand nombre des entreprises du secteur ne comptant pas dix salariés.
Il existe aussi de grandes maisons, voire des groupes plus importants, qui exercent également des activités hôtelières - la chaîne Concorde, par exemple - mais il n'en demeure pas moins que la question des conditions de travail du secteur est clairement posée.
Dans l'hypothèse où le taux de TVA sur la restauration serait effectivement réduit, quelles conséquences peut-on en attendre sur l'emploi ou sur les salaires ?
Quelles conséquences peut-on aussi en attendre en matière de politique des prix, puisque, nous le savons, il n'y a pas automaticité entre la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée et la baisse des prix ?
Ce sont là des vraies questions, et l'on ne peut, de notre point de vue, les isoler de la proposition qui nous est faite par ailleurs.
L'une des données de la situation pourrait nous être fournie par l'état de la législation européenne, et il faudrait, à mon avis, que l'on puisse y revenir.
Cependant, je le souligne de nouveau, la dimension sociale ne peut être oubliée ; il y va aussi de l'amélioration des conditions de vie de milliers de salariés qui sont aujourd'hui - je dois tout de même le dire - assez massivement surexploités et sous-payés.
Le dernier point, non négligeable également, concerne l'accès au crédit pour les entreprises du secteur, qui sont parmi les plus vulnérables aux incertitudes de l'évolution de la consommation.
Quand un chef comme Marc Veyrat, à l'imagination reconnue par ses pairs, est menacé de devoir fermer son auberge de l'Eridan, au bord du lac d'Annecy, à cause de difficultés financières, on se pose des questions.
La recherche de la qualité des prestations et d'un équilibre des relations sociales plus sain sont-ils impossibles à concilier parce que les taux intérêt des emprunts sont trop élevés ?
Voilà une question qu'il faudra bien un jour aborder.
Pour ces raisons et parce que nous craignons que les propositions qui nous sont faires ne donnent pas satisfaction, nous ne nous associerons pas aux amendements proposant la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée du secteur de la restauration.
M. Emmanuel Hamel. Il faut transmettre cette question à Mme Demessine, un grand secrétaire d'Etat au tourisme.
M. Bernard Joly. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Je voudrais d'abord remercier M. le secrétaire d'Etat, qui a vu, dans le dépôt de cet amendement, un encouragement à l'adresse des non-fumeurs.
Je crois qu'il s'agit aussi d'une incitation à sauvegarder ce patrimoine gastronomique dont vient parler Mme Beaudeau. Sans que l'on y prenne garde, notre cuisine traditionnelle « fiche le camp », au profit, par exemple, de Mac Donald's. Si l'on veut accroître le déclin de ce secteur d'activité, il faut continuer dans la même voie et enterrer cette question qui revient chaque année et dont l'importance primordiale apparaît lorsque l'on prend la peine de rencontrer les restaurateurs.
Personnellement, j'ai apprécié l'argumentaire très charpenté de mon collègue Philippe Marini. Je voudrais, de plus, signaler que cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des réflexions menées par la Commission européenne en ce qui concerne l'application expérimentale d'un taux réduit de TVA pour des activités économiques à fort taux de main-d'oeuvre. Sont ainsi visées les activités de service, d'aide à domicile ou du bâtiment. L'expérimentation, prévue pour trois ans, pourrait être décidée dès l'année prochaine par les Etats membres.
Je considérais donc que tous les éléments étaient réunis, d'une part, pour appuyer l'initiative suggérée à l'échelon européen, afin qu'une décision favorable aux activités de main-d'oeuvre et incluant notamment la restauration soit adoptée par le Conseil ECOFIN dans les plus brefs délais, et, d'autre part, pour que le Gouvernement s'engage ensuite dans l'expérimentation du taux réduit de TVA pour les activités de restauration avec service, ce qui ne ferait que traduire sa volonté de relancer l'emploi et de lutter contre le chômage. Je rappelle que ces professions de restauration s'étaient engagées à créer 20 000 emplois en cas de satisfaction de leurs revendications.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la commission a examiné l'amendement mais, en raison du coût qu'il induirait, elle n'a pu lui donner un avis favorable : il faut être raisonnable en la matière.
L'intérêt de tels amendements, on l'a dit, était surtout de sensibiliser le Gouvernement. En effet, un conseil ECOFIN doit avoir lieu prochainement au cours duquel seront examinées les conditions de l'application expérimentale d'un taux réduit de TVA à certaines activités.
Il serait souhaitable qu'avec d'autres pays qui partagent notre sentiment en la matière nous parvenions à faire en sorte que la restauration fasse partie de cette expérimentation et que lui soit affecté sinon un taux de 5,5 %, du moins un taux de 14 %.
Le Gouvernement ne pourra pas dire demain qu'il n'a été ni informé ni sensibilisé au problème. Il lui appartient maintenant d'engager une action forte auprès de nos partenaires européen.
M. André Egu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce débat sur la restauration m'a laissé sur ma faim ! (Sourires.)
Ce secteur jouit en France d'un certain prestige. Or tous les professionnels de la restauration traditionnelle considèrent qu'il y a une profonde inégalité dans l'application du taux de TVA.
Qui dit restauration rapide, dit aussi très souvent restauration assise. Il est extrêmement difficile de faire la part exacte entre les deux restaurations.
M. Philippe Marini. Restauration à peu près !
M. Michel Charasse. Restauration Canada Dry !
M. André Egu. Tant qu'il n'y aura pas égalité de taux pour les différentes restaurations, il y aura du mécontentement.
J'ai aussi été sensible à l'aspect tourisme du problème. En effet, plus nous accueillerons à un moindre coût les touristes, plus nous en aurons.
Je vais retirer mes amendements, mais c'est à mon grand regret, et j'espère que l'on trouvera un jour une solution qui assure l'égalité entre les différentes formes de restauration.
M. le président. Les amendements n°s I-190 rectifié et I-188 sont retirés.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. M. le président de la commission des finances a eu raison de souligner que ce que nous souhaitons, c'est que le Gouvernement prenne conscience tout à la fois des distorsions de concurrence et des obstacles à l'emploi que peuvent engendrer les règles fiscales applicables dans cette branche.
Notre objectif est de favoriser l'activité et donc la création d'emplois. En outre, si nous pouvons le faire en permettant à nos concitoyens de bien manger et de respecter les règles de la gastronomie, nous en serons d'autant plus heureux. (Sourires.) Je suppose que M. le secrétaire d'Etat a bien perçu le message que nous voulions lui adresser, message qui, bien entendu, devra être relayé auprès des instances communautaires.
Cela dit, compte tenu de tous les arguments qui ont été avancés pour nous inciter à demeurer dans le cadre de l'exercice cohérent que nous nous efforçons de réaliser à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, je vais retirer l'amendement n° I-37 rectifié bis .
Je voudrais toutefois souligner un dernier point.
Lorsqu'on réglera ce problème, il faudra veiller à la situation des artisans et des petits commerçants, inscrits au registre des métiers ou du commerce, qui réalisent occasionnellement des ventes d'aliments à emporter, de façon qu'ils soient traités de manière équitable compte tenu des données économiques de leur exploitation, ainsi que M. le président Poncelet l'a mis en relief tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° I-37 rectifié bis est retiré.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Pour ma part, je ne retirerai pas mon amendement, car je ne souhaite pas que nous nous retrouvions dans la même situation que l'an dernier, alors qu'on nous avait promis que le problème serait examiné, qu'une table ronde serait constituée. Rien n'a eu lieu. Aussi, quitte à ce qu'il soit repoussé, je préfère maintenir mon amendement.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai compris l'appel qu'ont lancé Mme Beaudeau, MM. Joly, Egu et Marini par le biais de leurs amendements.
Mme Beaudeau, en particulier, a bien montré qu'à travers cette question apparemment technique du taux de la TVA se jouait l'avenir d'une profession. Elle a bien souligné les différentes dimensions du problème : l'importance qu'il revêtait pour le tourisme, pour l'activité économique et pour la balance des paiements de notre pays. Elle a bien montré, comme d'autres, l'incidence qu'il pouvait avoir pour l'emploi dans ce secteur, qui utilise une main-d'oeuvre plutôt qualifiée. Elle a évoqué aussi les conditions sociales propres à ce secteur, lesquelles, sur un certain nombre de points, devraient être améliorées.
Je vais essayer de répondre à tous ces arguments.
Tout d'abord, il est vrai que la frontière entre la restauration sur place et la vente à emporter est parfois un peu floue. Certains - et pas forcément les plus petites entreprises par ignorance mais parfois des entreprises importantes - par calcul peuvent être tentés de déplacer la limite. Il est bien certain qu'entre un taux de 5,5 % et un taux de 20,6 % la différence est considérable.
Je tiens à dire que mes services, ainsi que ceux de la répression des fraudes, ont des instructions précises pour faire en sorte qu'au moins le droit soit respecté. Ils contrôleront les situations sur le terrain et sanctionneront, éventuellement, les manquements qu'ils constateront.
Mes collègues chargés du tourisme, du commerce et de l'artisanat sont très attentifs à l'évolution de cette profession de la restauration, je le dis avec une certaine solennité à la Haute Assemblée.
Certains d'entre vous ont fait référence à notre culture. Il est certain que la gastronomie française appartient à notre culture...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ô combien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat... et qu'en la matière la mondialisation entraînerait la suppression d'une diversité et d'un art de vivre...
M. Alain Lambert, rapporteur général. D'une civilisation !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... auxquels nous sommes tous attachés.
A côté de la dimension économique et sociale, ce problème revêt, dans le meilleur sens du terme, une dimension culturelle. On parle d'identité française : la cuisine française en fait partie.
M. Jean-Louis Carrère. La bonne cuisine !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Joly, comme d'autres d'ailleurs, a évoqué l'expérimentation envisagée par la Commission européenne.
Cette expérimentation devrait, selon la proposition de la Commission, porter sur trois domaines.
Tout d'abord, elle devrait concerner la réparation des biens meubles, c'est-à-dire, en langage concret, les téléviseurs, les machines à laver, à l'exclusion des véhicules automobiles.
Ensuite, elle devrait s'appliquer à la réhabilitation et à l'entretien des logements. Le Gouvernement a, en quelque sorte, anticipé sur cette expérimentation. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
Enfin, elle devrait inclure les services d'aide à domicile.
Comme vous le voyez, dans cette liste ne figure pas la restauration, mais le Gouvernement a bien entendu les préoccupations du Sénat à ce sujet.
M. Emmanuel Hamel. Méfiez-vous des suggestions de la Commission.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Hamel, dans la mesure où la Commission sort de son rôle de gardien de la directive de 1992 et propose d'évoluer, nous ne pouvons que saluer son initiative, chacun gardant son opinion personnelle sur les mesures proposées.
Je ne proposerai pas de réunir des tables rondes ou des commissions ; nos prédécesseurs l'ont fait et n'ont pas tenu leurs engagements. Mais, compte tenu de tout ce que je viens de dire, je pense que vous serez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'intérêt que porte le Gouvernement au secteur de la restauration.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-147, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-122, M. Carrère et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b bis de l'article 279 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé : "corridas" ; »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I sont compensées par un relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Avec cet amendement, nous allons passer à un autre genre d'exercice. Tout à l'heure, vous évoquiez la dimension culturelle de la cuisine française, monsieur le secrétaire d'Etat. Je vais maintenant donner la parole à M. Carrère pour nous parler d'une autre dimension culturelle, qui n'est peut-être pas partagée sur la totalité du territoire national, mais qui, au Sud, est particulièrement importante.
M. Michel Charasse. Olé !
M. le président. La parole est donc à M. Carrère, pour défendre l'amendement n° I-122.
M. Jean-Louis Carrère. je commencerai ma faena par une série de naturelles !
M. le président. Dans quel état allez-vous en sortir ? (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Peut-être avec un bon puyazo ! Il y a des taureaux, mais sont-ils braves, avec un peu de caste ?
Plus sérieusement, l'amendement que je soutiens devant vous, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, a pour objet d'instaurer le taux réduit de TVA sur les corridas, afin d'unifier la législation applicable aux spectacles - je fais notamment référence au taux réduit pour les cirques - et de diminuer leur coût pour les organisateurs, s'agissant des communes ou des associations.
La réglementation européenne prévoit d'ailleurs le taux réduit pour ces spectacles puisque figurent, dans l'annexe H de la sixième directive « TVA », les droits d'admission aux spectacles. (Brouhaha sur les travées socialistes.)
Chers camarades, attendez-un peu pour l'enthousiasme ! C'est à la fin de la faena , quand retentiront les clarines !
S'agissant de la corrida, peut-on parler d'un produit de grande consommation ? A l'évidence, pour la totalité de l'Hexagone, la réponse est négative. Pour le sud de l'Hexagone, la réponse est positive.
Dans le même temps, je souhaite attirer respectueusement votre attention sur le fait que ces traditions séculaires, qui survivent dans le sud de la France, ont de plus en plus de mal à être organisées pour des raisons de coût. Elles sont populaires dans la mesure où, justement, les associations et les communes qui organisent des spectacles taurins peuvent mettre en vente des places de corrida à des tarifs très compétitifs, de l'ordre de 50 à 80 francs.
Or, si l'on ne réduit pas le taux de TVA, nombre de communes et d'associations seront contraintes de ne plus organiser de spectacles tels que les corridas. En effet, les tarifs qu'elles devraient alors appliquer rendraient les fréquentations de ces lieux très élitistes.
M. Roland du Luart. Quel taux applique l'Espagne ?
M. Jean-Louis Carrère. Ce que je défends devant vous, mes chers collègues - je sais que le Sénat y est favorable - c'est un mode de vie, c'est une certaine idée de notre société. Force est de constater que, dans le sud de la France, pour beaucoup terre du bien-vivre, que ce soit en matière de chasse, de traditions, de sport ...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Le rugby !
M. Jean-Louis Carrère. ... - notamment le rugby ou le basket-ball - de corrida ou de course landaise, notre patrimoine doit être absolument préservé.
Je compte sur votre soutien, mes chers collègues. Je sais que, dans la nuit, vous avez trouvé...
M. Emmanuel Hamel. La lumière !
M. Jean-Louis Carrère. ... une réponse à un certain nombre d'exigences. La mienne est modeste sur le plan fiscal et financier, mais très importante en matière culturelle. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accomplir l'effort que nous attendons de vous. Je compte sur une réponse positive de votre part.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je tiens à préciser que chaque membre de la commission des finances s'est exprimé non pas par rapport à son appartenance politique, mais eu égard à l'idée qu'il se fait de la législation fiscale devant s'appliquer à ce type d'événement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai écouté M. Carrère présenter avec un panache exceptionnel sa proposition de faire appliquer le taux réduit de TVA aux corridas Je crois que, dans les arènes, il y a un côté lumineux - c'est celui que M. Carrère a développé - et un côté dans l'ombre - il revient au Gouvernement, me semble-t-il, de se situer de ce côté.
Le Gouvernement n'est malheureusement pas favorable à cet amendement, ce à un double titre.
M. Roland du Luart. C'est Mme Voynet qui est contre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Tout d'abord, je ne sais pas si les corridas constituent à proprement parler des entreprises de spectacle, mais il s'agit véritablement d'une demande qui risquerait d'être étendue à de nombreux autres secteurs d'activités également dignes d'intérêt.
Ensuite, les corridas suscitent dans notre pays des passions : la passion positive dont M. Carrère a porté témoignage, mais aussi parfois des passions négatives. Chacun sait que les organismes de protection des animaux ne sont pas favorables aux corridas. (M. Charasse proteste.) En 1992, certains d'entre eux avaient d'ailleurs demandé la remise en cause de la décision ministérielle qui avait été prise le 1er mars 1995, afin que le taux majoré de la taxe soit appliqué aux spectacles tauromachiques. Pour ces deux raisons, une raison un peu modeste de contagion...
M. Michel Charasse. Il faut interdire les tue-mouches !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et une raison qui tient au fait que nous ne devons pas, me semble-t-il, réenflammer l'opinion publique sur ce sujet, le Gouvernement est défavorable à l'amendement que vous avez défendu avec un grand talent, monsieur Carrère.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-122, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Emmanuel Hamel. Mme Voynet sera contente !
M. le président. Par amendement n° I-123, Mme Pourtaud, M. Rinchet et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2,10 % pour les subventions des collectivités territoriales aux services de télévision locale distribués par câble et titulaires d'une convention conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 34-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ou déclarés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986 précitée. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement a pour objet d'aider les télévisions locales dans leur développement, en soumettant les participations financières des collectivités territoriales au taux réduit de TVA de 2,1 %.
Ces télévisions locales du câble contribuent, en effet, au même titre que la presse, au pluralisme de l'information politique et générale et remplissent ainsi, nous semble-t-il, une mission de service public. Or, contraitement à la presse, elles ne bénéficient pas du taux de TVA réduit à 2,1 %. Certes, les abonnements aux chaînes du câble bénéficient du taux réduit de TVA de 5,5 %, mais ce régime fiscal extrêmement favorable profite, en premier lieu, aux câblo-opérateurs et non aux chaînes elles-mêmes.
Les sources de financement des télévisions locales du câble sont limitées, puisque le décret du 27 mars 1992 interdit la diffusion de publicité pour le secteur de la distribution. Les subventions des collectivités territoriales aux télévisions locales représentent environ la moitié du chiffre d'affaires de celles-ci. L'application du taux de TVA normal de 20,6 % à ces subventions constitue un argument dissuasif pour les opérateurs et pénalise le développement de ces canaux locaux et de leurs extensions micro-ondes.
Or il existe aujourd'hui une véritable demande d'informations locales de la part des Français, comme en témoigne le succès des journaux télévisés de France 3.
Les médias locaux constituent des instruments importants d'une démocratie locale vivante et ils contribuent à vivifier la décentralisation.
M. René Régnault. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. C'est pourquoi nous proposons au Sénat de bien vouloir voter cet amendement. Il est très peu onéreux pour les finances publiques, puisque l'ensemble des subventions versées à ce titre doit représenter environ 50 millions de francs ; la perte de recettes serait, quant à elle, inférieure à 10 millions de francs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La proposition a suscité de la sympathie. Néanmoins, il a semblé à la commission des finances qu'une satisfaction ne pouvait pas être donnée immédiatement à la demande de Mme Pourtaud et qu'il paraissait utile d'en étudier le coût.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il est clair que les télévisions locales apportent une réelle contribution à la vie quotidienne et à l'information de nos concitoyens. Nombre de ces télévisions locales ont su faire preuve d'innovation et de dynamisme. L'Etat n'a donc pas d'objection de principe à l'amendement que vous proposez, madame Pourtaud.
A l'heure actuelle, les chaînes locales, au même titre d'ailleurs que les chaînes nationales, bénéficient du taux réduit de TVA de 5,5 %. Votre proposition consiste à soumettre au taux de 2,10 % les subventions qui sont accordées par les collectivités locales.
Or ce taux de 2,10 % qui est, me semble-t-il, en vigueur dans la presse écrite, est appliqué en vertu du principe d'antériorité à la célèbre directive de 1992 qui a fixé les deux taux. Ceux qui bénéficiaient du taux de 2,1 % avant 1992 ont pu conserver cet avantage. Malheureusement, il est devenu inapplicable après cette date.
Par conséquent, c'est non pas le coût financier de cette mesure, lequel est assez limité, qui me conduit à rejeter votre amendement, mais le fait que, malheureusement, cette disposition n'est pas conforme au droit communautaire.
Ayant, sur votre demande, marqué l'intérêt du Gouvernement pour les télévisions locales, je vous suggère, madame Pourtaud, de retirer votre amendement.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je souhaite apporter une précision, afin de permettre à nos collègues et à M. le secrétaire d'Etat de mieux comprendre l'objet de cet amendement.
En fait, aujourd'hui, le taux de 5,5 % s'applique aux abonnements des chaînes du câble. Ce que nous demandions, c'était l'application du taux réduit de TVA aux subventions des collectivités locales, lesquelles sont actuellement soumises au taux de 20,6 %.
Il y aurait bien une diminution du taux importante, mais elle serait peu onéreuse parce que le montant de ces subventions n'est pas énorme.
Monsieur le président, sensible à l'argument développé par M. le secrétaire d'Etat, je souhaite rectifier mon amendement en remplaçant le taux de 2,10 % par le taux de 5,5 %.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-123 rectifié, présenté par Mme Pourtaud, M. Rinchet, les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % pour les subventions des collectivités territoriales aux services de télévision locale distribués par câble et titulaires d'une convention conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 34-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ou déclarés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986 précitée. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° I-123 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances est également défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel et l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le problème reste le même ! On ne peut pas passer de 20,6 % à 5,5 % sans avoir une autorisation européenne qui, en la matière, n'est pas possible ou, en tout cas, pas intégralement.
Par conséquent, vous avez « progressé », si je puis dire, madame Pourtaud, mais pas suffisamment pour entrer dans le champ du droit communautaire.
M. Emmanuel Hamel. On a vraiment perdu la liberté !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-123 rectifié.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je souhaite apporter mon soutien à Mme Pourtaud et la remercier d'avoir déposé cet amendement très intéressant.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que je préside une télévision locale dans le département de l'Essonne et que six collectivités territoriales participent financièrement au fonctionnement de celle-ci, parce qu'elle remplit des missions de service public. En effet, elle diffuse un journal d'information cinq jours par semaine, ainsi que des bulletins qui retracent la vie de nos collectivités locales. Il me paraît important de souligner, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces télévisions assurent une mission de service public local.
Il existe en France, à ma connaissance, soixante-dix télévisions de proximité. La plupart d'entre elles sont diffusées sur le réseau câblé et elles sont de tailles extrêmement diverses : cela va de la très petite station jusqu'à des télévisions beaucoup plus importantes. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit en aucun cas de chaînes comparables aux grandes chaînes nationales ou aux chaînes thématiques du réseau câblé.
Or, pour faire fonctionner ces télévisions de proximité avec des budgets limités, les collectivités locales apportent leur participation, notamment par le biais d'achats de prestations. Nous estimons donc qu'il n'y a pas de raison que cette forme de presse télévisée locale ne bénéficie pas des aides allouées par ailleurs à la presse écrite.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que le taux de 2,1 % ne peut pas s'appliquer en l'occurrence. Cela étant, un taux réduit de 5,5 % permettrait d'aider ces télévisions de proximité et de favoriser leur essor.
C'est pourquoi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'apporte notre soutien total à l'amendement n° I-123 rectifié, présenté par Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, et j'invite nos collègues de la majorité à adopter celui-ci, sachant, par ailleurs, qu'il existe des télévisions de proximité dans tous les départements, quelle que soit leur couleur politique. Je vous rappelle qu'il y en a une à Epinal dont le maire est M. Séguin.
M. Emmanuel Hamel. C'était un grand maire !
M. Paul Loridant. L'information et la démocratie locales se trouveraient renforcées par l'adoption de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-123 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Emmanuel Blanc. C'est triste !
M. le président. Par amendement n° I-84, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur les prestations de services funéraires, concédées ou gérées par une régie municipale, est ramené à 5,5 %.
« II - Le taux prévu à l'article 978 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous proposons, par cet amendement, de ramener de 20,6 % à 5,5 % le taux de TVA portant sur les prestations de services funéraires, concédées ou gérées par une régie municipale. Dans les faits, le taux de 5,5 % est celui qui symbolise actuellement le taux affecté aux produits de première nécessité.
Le législateur, en retirant aux Pompes funèbres générales le monopole, a prétendu qu'il fallait, certes, faire régner l'esprit de concurrence et de libre entreprise, mais aussi tout faire pour aboutir à la baisse des prestations de services funéraires concédées ou gérées par la commune.
Il s'agit donc d'une mesure de justice sociale. De plus, elle s'applique à un moment où les familles sont éprouvées ; la réduction du taux de TVA permettrait de faire diminuer le coût des obsèques.
Le chiffre d'affaires des services funéraires s'élève à 13 milliards de francs. Notre proposition aurait un coût de 2 milliards de francs. Elle serait gagée par une disposition touchant les bons et les contrats de capitalisation. Pour ce faire, nous suggérons que cesse l'exonération, lorsque la durée du contrat est supérieure à six, voire à huit ans pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990.
M. Paul Loridant. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La question évoquée à cet instant appelle le respect. Il n'en demeure pas moins que le coût de cet amendement est de l'ordre de 2 milliards de francs. En conséquence, la commission des finances n'a pas pu émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il serait difficile de limiter la mesure proposée aux seuls services funéraires concédés ou gérés par une régie municipale ; il faudrait l'étendre à l'ensemble du secteur.
Par ailleurs, le Gouvernement estime que le coût de la mesure proposée serait inférieur à celui qu'a indiqué M. le rapporteur général puisqu'il ne serait que de 800 millions de francs. Mais il s'agit d'une raison suffisante pour justifier le rejet de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-84, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11 bis



M. le président.
« Art. 11 bis . _ I. _ Le 1° du 4 de l'article 298 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1° N'est pas déductible la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux achats, importations, acquisitions intracommunautaires, livraisons et services portant sur :
« _ les essences utilisées comme carburants mentionnées au tableau B de l'article 265 du code des douanes, à l'exception de celles utilisées pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d'engins à moteur ;
« _ les gazoles utilisés comme carburants mentionnés au tableau B de l'article 265 du code des douanes utilisés pour des véhicules et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location, à l'exception de ceux utilisés pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d'engins à moteur ;
« _ les gaz de pétrole et autres hydrocarbures présentés à l'état gazeux (position 27.11.29 du tarif des douanes) et le pétrole lampant (position 27.10.00.55 du tarif des douanes) utilisés comme carburants, dans la limite de 50 % de son montant, lorsque ces produits sont utilisés pour des véhicules et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location ;
« _ les carburéacteurs mentionnés à la position 27.10.00 du tableau B de l'article 265 du code des douanes utilisés pour les aéronefs et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour les aéronefs et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location ;
« _ les produits pétroliers utilisés pour la lubrification des véhicules et engins exclus du droit à déduction ainsi que des véhicules et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location. »
« II. _ Après l'article 273 septies A du code général des impôts, il est inséré un article 273 septies B ainsi rédigé :
« Art. 273 septies B . _ Les assujettis peuvent déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'électricité consommée par les véhicules terrestres exclus du droit à déduction, lorsque ces véhicules sont utilisés pour les besoins d'opérations ouvrant droit à déduction et qu'ils fonctionnent exclusivement au moyen de l'énergie électrique. Il en va de même lorsque les véhicules de cette nature sont pris en location et que la taxe relative à cette location n'est pas déductible. » - ( Adopté. )

Article additionnel après l'article 11 bis

M. le président. Par amendemenent n° I-64 rectifié, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra propose d'insérer, après l'article 11 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 5° du 1 de l'article 297-I du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« f) les ventes d'énergie provenant majoritairement de la biomasse. »
« II. - La perte de ressources est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - I. - A compter du 11 janvier 1998, le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes est ainsi modifié :

Goudrons de houille 1 100 kg 7,92
Essences d'aviation 10 Hectolitre 209,31
Supercarburant sans plomb 11 Hectolitre 384,23
Supercarburant plombé 11 bis Hectolitre 411,51
Essence normale 12 Hectolitre 394,92
Carburéacteurs sous condition d'emploi 13,17 Hectolitre 14,56
Fioul domestique 20 Hectolitre 51,01
Gazole 22 Hectolitre 240,79
Fioul lourd HTS 28 100 kg 15,01
Fioul lourd BTS 28 bis 100 kg 10,86
Mélange spécial de butane et de propane destiné à être utilisé comme carburant, sous condition d'emploi 33 bis 100 kg 25,86
Mélange spécial de butane et de propane destiné à être utilisé comme carburant, autre 34 100 kg 70,00
Gaz naturel comprimé destiné à être utilisé comme carburant 36 100 m³ 60,00


« II. - A compter du 11 janvier 1998, le taux de la taxe prévue à l'article 266 quinquies du code des douanes est fixé à 7,30 F par 1 000 kilowattheure. »
Sur cet article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'article 12 a trait à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.
Depuis 1992, monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat souhaite que la politique de la France en ce domaine soit lisible. Chaque année, il nous est proposé une augmentation de la TIPP et la question qui se pose en permanence est celle de l'écart de taxation existant entre le supercarburant sans plomb, le super plombé, l'essence et le gazole.
En valeur absolue, la revalorisation proposée maintient cet écart. Un tel gel marque une inflexion par rapport à la loi de finances pour 1997 qui, pour montrer le souci du Gouvernement de lutter contre la pollution, avait accru de un centime le tarif de la TIPP applicable au supercarburant plombé.
En valeur relative, la revalorisation proposée revient à restreindre cet écart, puisque le taux de la TIPP applicable au gazole est plus faible. Néanmoins, il importe de souligner que la valeur significative pour le consommateur est l'augmentation en valeur absolue et non en valeur relative. De plus, en dépit de cette disposition, l'avantage fiscal relatif accordé au gazole fait de la France une exception au sein de l'Union européenne.
Cette fiscalité « relativement » plus favorable du gazole explique, en grande partie, la forte progression, au cours des dernières années, de la consommation de ce produit par rapport aux autres carburants routiers.
Mes chers collègues, la commission des finances a cherché, depuis 1992, à définir une orientation pour l'avenir car il faut, dans le domaine de la fiscalité des carburants comme en tout domaine, que la fiscalité ne soit pas vécue comme une sanction. Elle doit être comprise par le redevable afin qu'il puisse adapter ses comportements d'achat et ne pas avoir l'impression d'avoir été trompé.
La politique menée en ce domaine doit donc être la plus lisible possible et celle que propose le Sénat l'est. Puisque nous accueillons un nouveau gouvernement qui nous propose une fiscalité pour les carburants, c'est l'occasion, pour le Sénat, de lui demander quelle politique il entend mener en matière de rééquilibrage de la fiscalité du gazole par rapport à celle des autres carburants.
Afin de ne pas allonger les débats, je ne reviendrai pas sur les arguments avancés, car vous les connaissez.
Le différentiel actuel de taxation entre le super sans plomb et le gazole, qui est de 1,43 francs par litre, est, de loin, le plus élevé en Europe.
Par ailleurs, la France et le Portugal sont les seuls pays d'Europe qui favorisent les possesseurs de véhicules diesel par le biais du mode de calcul de la puissance fiscale, qui constitue l'assiette de la vignette.
De plus, la déformation de la structure de consommation des carburants, sous l'effet de la fiscalité, fait diverger de plus en plus lourdement la demande par rapport aux possibilités de l'outil de raffinage français.
J'ajoute que le développement du carburant le moins taxé, à savoir le gazole, au détriment du plus taxé, c'est-à-dire le super, altère significativement les recettes de l'Etat.
Mes chers collègues, il convient de continuer, comme le Sénat l'a déjà fait à plusieurs reprises, à adresser des signaux clairement perceptibles par les consommateurs et par les constructeurs afin de leur permettre d'adapter leur comportement. C'est pourquoi j'aurai, tout à l'heure, l'occasion de présenter un amendement que je qualifierai d'appel, ainsi que la commission des finances le fait chaque année de manière responsable, puisqu'elle a toujours tenu le plus grand compte des réponses qui lui ont été apportées par le Gouvernement.
Il s'agissait à chaque fois de réduire, par rapport aux augmentations proposées par le Gouvernement, la hausse du taux de la TIPP pour le supercarburant sans plomb et le supercarburant plombé et d'accroître à due concurrence le taux de la TIPP sur le gazole.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire également votre attention sur le fait qu'il convient de trouver une solution technique qui ne pénalise pas les transporteurs.
Par ailleurs, la réforme du mode de calcul de la puissance fiscale des véhicules doit être mise en oeuvre. Il importe de rappeler que le rapport sur ces modalités de calcul demandé par le Sénat dans la loi de finances pour 1997 n'a toujours pas été déposé par le Gouvernement. Or, la loi lui faisait obligation de le faire au plus tard le 30 janvier dernier.
Tels sont donc, mes chers collègues, les termes dans lesquels se pose le problème. Nous ne devons pas l'appréhender en termes d'opposition ou passionnels, car des industries et des emplois sont en jeu dans les secteurs de l'automobile et du raffinage. Les consommateurs de carburant doivent être clairement informés des orientations que nous allons suivre. Il convient donc que le Gouvernement nous indique avec précision sa position.
Envisage-t-il un resserrement très progressif, car il ne peut en être autrement, de l'écart entre les fiscalités ? Est-il également prêt à mettre en oeuvre un dispositif qui permettrait de ne pas pénaliser les transporteurs routiers ? Compte-t-il, dans les prochaines semaines, déposer le rapport sur le mode de calcul de la puissance fiscale des véhicules ?
Tel est l'esprit de l'amendement n° I-205 que j'aurai l'honneur de présenter tout à l'heure, au nom de la commission des finances, mais il m'a semblé nécessaire, pour bien clarifier le débat, de prendre la parole sur l'article 12.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. J'y renonce, monsieur le président, afin de ne pas allonger les débats.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Avant d'ouvrir le débat sur la TIPP, je me dois de faire en quelque sorte un historique. Avant de savoir dans quelle direction nous devons nous engager, il me paraît en effet préférable de faire un bref retour en arrière.
Si la part de la TIPP dans les recettes de l'Etat a légèrement diminué entre 1988 et 1992, passant de 8,7 % à 8,2 %, elle a fortement augmenté sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé. Plus de 30 milliards de francs ont été ponctionnés et la part de cette taxe dans les recettes de l'Etat est alors passée de 8,2 % en 1992 à 11,6 % en 1996, soit de 1,68 % du PIB en 1993 à 1,83 % en 1996. Les gouvernements de MM. Balladur et Juppé ont donc eu la main lourde, c'est le moins que l'on puisse dire, sur la fiscalité de l'essence.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous allez la baisser ?
M. René Régnault. Nous allons y réfléchir.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Donc, vous la maintenez !
M. René Régnault. Concernant le gazole, il faut rappeler les difficultés résultant de la « surdiésélisation » du parc automobile français dont M. le rapporteur général s'est fait l'écho voilà un instant. Plus de 40 % des immatriculations neuves, c'est évidemment substantiel.
D'abord, cette évolution entraîne un déséquilibre dans la demande de produits pétroliers qui contribuent, pour une bonne part, aux problèmes du raffinage en France. Mais, surtout, de nombreuses études convergentes ont mis en évidence que le gazole est le plus dangereux pour la santé en milieu urbain.
Aussi, comme le démontrait le rapport Bellec-Lépine-Martin déposé en octobre 1996 sur les conséquences de l'utilisation du gazole sur l'industrie pétrolière et l'automobile, la santé et l'environnement, « rien ne justifie l'existence d'avantages fiscaux pour la motorisation Diesel ».
Notre différentiel de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb - 1,43 franc au litre - est d'ailleurs le plus élevé d'Europe, en dehors de la Finlande ; vous l'avez également dit monsieur le rapporteur général.
Il est donc important d'aller, dans ce domaine, vers une fiscalité incitative à la défense de l'environnement et de rééquilibrer la fiscalité des différents carburants en fonction de leur caractère plus ou moins polluant. Voilà qui rejoint d'ailleurs la volonté affirmée du Gouvernement d'engager sans délai la réflexion sur la fiscalité écologique.
Mais ce rééquilibrage doit se faire dans un cadre pluriannuel et une fois pris en compte le problème particulier des utilisateurs professionnels, qu'il ne faut pas négliger.
Cette année, il faut, selon nous, avancer sur les avantages annexes du gazole. L'Assemblée nationale a fait un premier pas ; nous estimons qu'il faudra en faire un second sur le calcul de la vignette et, à cet effet, nous déposerons un amendement lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 1998.
S'agissant de la TIPP, nous faisons confiance au Gouvernement pour que ce rééquilibrage soit commencé dès l'année prochaine, à l'issue du débat et des réflexions nécessaires. C'est pourquoi, pour notre part, nous ne voterons pas l'amendement n° I-205.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Interrogé à la fois par M. le rapporteur général et par M. Régnault, j'ai à coeur de leur répondre brièvement dès à présent, étant entendu que l'examen des amendements me permettra d'être plus précis.
M. le rapporteur général a souhaité que la politique du Gouvernement soit lisible. Je veux lui répondre rapidement sur ce point.
A court terme - c'est la proposition qui est faite dans ce projet de loi de finances - le Gouvernement est partisan d'un rééquilibrage prudent par des hausses d'un même montant, quels que soient les carburants - super sans plomb, super avec plomb, gazole - de 8 francs par hectolitre. Il en résultera une convergence relative en pourcentage puisque ces hausses de 8 francs s'appliquent à des prix initiaux qui ne sont pas identiques. Voilà pour le court terme.
L'actualité récente a d'ailleurs montré qu'il fallait faire preuve de prudence en la matière. Après le conflit des routiers, le Gouvernement a, me semble-t-il, montré qu'il pouvait combiner prudence, fermeté et sens du dialogue.
A moyen terme, je l'ai dit, le Gouvernement va engager, avec ceux qui le souhaitent, une réflexion dans l'année qui vient sur la fiscalité écologique - M. Régnault y a insisté à juste titre - de façon à déboucher, comme il l'a souhaité, sur les premières mesures dès la loi de finances pour 1999.
Il est un point sur lequel je peux sans doute répondre plus directement à l'interrogation de M. le rapporteur général : le Gouvernement n'est pas défavorable à une éventuelle fiscalité européenne sur le gazole utilitaire spécifique au transport routier par poids lourd. J'insiste beaucoup sur le mot « européenne », car il y a, en matière de transport routier par poids lourd, une concurrence très forte. La France, si elle ne veut pas désavantager son industrie du transport routier, doit donc, en l'espèce, tendre à une harmonisation, avec les autres pays européens.
Enfin, dernier point, M. le rapporteur général m'a interrogé, sur la sortie d'un rapport - un de plus ! - sur la puissance administrative des véhicules. Je peux lui annoncer que ce rapport sera disponible d'ici à la fin de l'année. Il sortira en temps utile pour être pris en considération et servir de base au calcul des vignettes pour l'année 1999.
M. le président. Sur l'article 12, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-205, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Dans le tableau figurant au I de l'article 12 pour modifier le tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, de remplacer :
- à la troisième ligne - supercarburant sans plomb - le tarif : « 384,23 » par le tarif : « 380,63 » ;
- à la quatrième ligne - supercarburant plombé - le tarif : « 411,51 » par le tarif : « 409,51 » ;
- à la huitième ligne - gazole - le tarif : « 240,79 » par le tarif : « 242,79 ».
B. - Après le I de l'article 12, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'article 265 du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 11 janvier 1998, la taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les personnes physiques ou morales assujetties à la TVA et réalisant des opérations de transport pour autrui ou pour compte propre, au moyen d'un véhicule utilitaire de plus de 3,5 tonnes, est remboursée à hauteur de 2 francs/hectolitre. Cette disposition n'est pas applicable aux actuels bénéficiaires de régimes de détaxe du carburant. Les modalités d'application du remboursement sont fixées par décret. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini.
L'amendement n° I-50 est déposé par M. Lesein.
Tous deux tendent à rédiger ainsi les troisième et quatrième lignes du tableau figurant au I de l'article 12 :
« Supercarburant sans plomb 11 hectolitre, 382,23.
« Supercarburant plombé, 11 bis , hectolitre, 415,61. »
Les deux derniers amendements sont également identiques.
L'amendement n° I-39 est présenté par M. Marini.
L'amendement n° I-51 est déposé par M. Lesein.
Tous deux tendent :
I. - A rédiger comme suit la huitième ligne du tableau figurant au I de l'article 12 :
« Gazole, 22, hectolitre, 242,07 ».
II. - Après le I de cet article, à insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est ajouté à l'article 265 du code des douanes un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 11 janvier 1998, la taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les personnes physiques ou morales assujetties à la TVA et réalisant des opérations de transport pour autrui ou pour compte propre au moyens d'un véhicule utilitaire de plus de 3,5 tonnes est remboursée à hauteur de 3,28 francs/hectolitre. Cette disposition n'est pas applicable aux actuels bénéficiaires de régimes de détaxe du carburant. Les modalités d'application du remboursement sont fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-205.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement a pour objet de réduire l'écart de fiscalité existant entre le gazole et les supercarburants.
Pour ce faire, il est proposé de limiter à 4,4 centimes par litre, contre 8 centimes dans le projet de loi de finances, la hausse de la TIPP sur les supercarburants, à 6 centimes par litre, contre 8 centimes, la hausse de la TIPP sur les supercarburants plombés et de porter cette hausse à 10 centimes, contre 8 centimes, sur le gazole.
Pour éviter de pénaliser les entreprises et les transporteurs routiers, la hausse de la TIPP sur le gazole ne s'appliquerait aux poids lourds que jusqu'à hauteur de l'augmentation du taux prévu par le Gouvernement, c'est-à-dire 8 centimes, le reste étant remboursé selon un mécanisme de remboursement partiel de la TIPP comparable à celui qui est utilisé pour le remboursement de la TVA sur les carburants.
J'indique au Sénat, dans le prolongement du commentaire que j'ai fait sur l'article 12, qu'il s'agit d'un signal assez prudent. Par ailleurs, M. le secrétaire d'Etat lui-même avait bien voulu qualifier sa propre proposition de rééquilibrage prudent. Tous nous observons donc la plus grande prudence.
Ce qui compte, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est de savoir si les messages que nous délivrons sont compris.
Oui ou non l'écart de fiscalité doit-il tendre vers une réduction ? Je souhaite, au nom du Sénat, en tout cas au nom de la commission des finances, obtenir une réponse très claire de votre part.
Dans l'affirmative, de combien doit-on réduire cet écart et en combien d'années ?
Ces questions sont précises ; elles vont permettre à tous les usagers, à tous les redevables de cet impôt, de savoir quelle est la position du Gouvernement.
Enfin, oui ou non un dispositif particulier pour les transporteurs est-il possible, est-il viable ? J'espère que vous pourrez, sur ce point encore, nous apporter des éclaircissements.
Vous avez indiqué que vous n'étiez pas défavorable à une fiscalité européenne. Nous en prenons acte ! C'est un élément intéressant à verser au dossier.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, la réduction en valeur relative est franchement incompréhensible et imperceptible pour les redevables ; seule la réduction en valeur absolue a un effet sensible.
Encore une fois, tous ceux, très nombreux, qui nous observent, notamment les trois agents économiques que sont les consommateurs, l'industrie automobile et l'industrie de raffinage, doivent savoir où nous allons.
A cet égard, mes questions sont extrêmement simples : l'écart doit-il être réduit, de combien, en combien d'années et que fait-on pour les transporteurs ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-38.
M. Philippe Marini. Les amendements n°s I-38, I-39 et I-40 s'inscrivent dans une démarche d'ensemble qui, je le précise d'emblée, est identique à celle de la commission des finances telle qu'elle a été exprimée par son rapporteur.
Cela étant, j'ai éprouvé le besoin de la décomposer par étapes, pour être encore plus méthodique dans le débat et dans la présentation des données. Mais, sur le fond, je le répète, mon objectif est exactement identique à celui de la commission.
L'amendement n° I-38 - c'est la première étape - vise à encourager le transfert de consommation du supercarburant plombé vers le supercarburant sans plomb, en nous efforçant de nous rapprocher des préconisations de l'Union européenne.
En effet, des raisons tant écologiques qu'économiques militent en faveur de cette évolution en termes relatifs. D'un côté, le caractère polluant du plomb est établi, et l'Union européenne a décidé la disparition du supercarburant plombé en l'an 2000. Or, en France, le taux de pénétration du supercarburant sans plomb, avec près de 56 %, reste inférieur à celui de la plupart des pays européens et à celui de l'ensemble de l'Union européenne, dont la moyenne est de 70 %.
Par ailleurs, le parc français des véhicules automobiles à essence équipés de pot catalytique, lequel impose, vous le savez, l'utilisation de carburant sans plomb, n'est encore que de 5 millions sur un total de 18 millions, soit l'une des proportions les plus faibles d'Europe.
En outre, sur le plan économique, une telle mesure contribuerait à atténuer les distorsions fiscales existant entre les accises en France et celles des autres Etats de l'Union européenne.
Bien entendu, c'est une mesure équilibrée n'entraînant pas de perte de recettes budgétaires pour l'Etat.
Il me semble nécessaire, en concluant, d'insister sur la visibilité, le besoin de clarification. Quelles est la politique énergétique en la matière ? Quelle est la politique fiscale que l'on veut poursuivre à moyen et à long terme en ce qui concerne les produits pétroliers ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut cesser de biaiser avec ce problème, de susciter des espoirs écologiques et de ne pouvoir y répondre. Nous avons besoin, en la matière, de signaux clairs, et ce sera encore plus nécessaire dans la seconde étape, que je présenterai dans quelques instants.
M. le président. L'amendement n° I-50 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-39.
M. Philippe Marini. Il s'agit là de la seconde étape, la plus délicate, puisqu'elle concerne le gazole. Cela explique d'ailleurs que l'amendement n'ait qu'un signataire et ne soit pas cosigné par les membres de mon groupe, car il y a, bien entendu, au sein de ce dernier, des positions légitimement différentes sur ce sujet.
L'évolution proposée ici pour la TIPP vise, à recette globale constante, à participer à une meilleure protection de l'environnement.
Nous savons que le très fort développement du moteur Diesel dans le parc des véhicules particuliers a été encouragé de longue date par l'Etat. On ne saurait, dès lors, faire grief aux consommateurs d'avoir répondu aux encouragements de l'Etat. Il faut donc tenir compte de ce qui existe, et, en quelque sorte, de la parole qui a été donnée par l'Etat.
Pourtant, du point de vue de l'environnement et de la santé publique, l'impact de l'utilisation du diesel ne justifie sans doute pas, aujourd'hui, que le gazole bénéficie d'un traitement aussi préférentiel par rapport aux autres carburants.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si nous rapprochions notre fiscalité pétrolière de la fiscalité moyenne en Europe, nos recettes s'en trouveraient gonflées de quelque 7 milliards de francs. Il faut le dire, car c'est un élément auquel le secrétaire d'Etat au budget ne devrait pas être insensible.
La proposition qui est faite vise à réserver, comme l'ont proposé M. le rapporteur général et, avant lui, l'ancien rapporteur général, M. Arthuis, un traitement spécifique aux utilisateurs professionnels, grâce à l'exonération, pour les véhicules utilitaires lourds, d'une partie de l'augmentation de la TIPP ; pour eux, celle-ci serait limitée à six francs par hectolitre.
Afin d'éviter de pénaliser les entreprises et les transporteurs routiers dans la compétition internationale, la hausse des taxes sur le gazole ne s'appliquerait donc que très faiblement aux poids lourds, selon un mécanisme de remboursement partiel de la TIPP comparable à celui qui est d'ores et déjà utilisé pour le remboursement de la TVA, notamment sur les carburants.
Il est à souligner qu'un système de remboursement de ce type est déjà en place en Italie depuis 1994 et que, cette année même, les Pays-Bas ont annoncé à l'Union européenne leur intention d'y recourir.
Tel est l'exposé de cette seconde étape du raisonnement.
M. le président. L'amendement n° I-51 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-38 et I-39 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances aimerait d'abord connaître l'avis du Gouvernement sur les différents amendements. Ainsi, M. Philippe Marini pourra peut-être, comme je le ferai au nom de la commission, à partir des réponses qui seront données par le Gouvernement, juger opportun ou non de les retirer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-205, I-38 et I-39 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'accède volontiers au souhait de M. le rapporteur général et je commenterai à la fois l'amendement qu'il a défendu et les deux amendements présentés par M. Marini. Je m'en tiendrai à l'année 1998 parce que j'ai déjà, me semble-t-il, répondu dans la discussion générale sur l'ensemble du sujet à moyen terme.
Donc, s'agissant de 1998, le point de vue du Gouvernement est clair : sa proposition est équilibrée et il n'y a pas de meilleure solution à cet égard que de majorer de 8 centimes le tarif applicable à l'ensemble des carburants soumis à la TIPP.
M. Lambert propose un crescendo harmonieux, au moins sur le papier, soit 4,4 centimes pour le supercarburant sans plomb, 6 centimes pour le supercarburant avec plomb, 8 centimes pour le gazole utilitaire et 10 centimes pour le gazole des particuliers.
En fait, cette proposition soulève un problème de nature pratique, au moins à court terme, car il serait peu aisé d'organiser un système de remboursement des fameux 2 centimes aux camionneurs français et étrangers qui s'approvisionneraient en carburant dans notre pays. Il manque donc un peu de sens pratique dans cet amendement, raison pour laquelle je demande son rejet.
Quant à M. Marini, il propose d'introduire une double distorsion, d'une part, entre le supercarburant sans plomb, 6 centimes, et le supercarburant avec plomb, 12,1 centimes, d'autre part, entre le gazole des particuliers, 9,38 centimes, et le gazole utilitaire, dont le relèvement du tarif serait réduit à 6,10 centimes, si j'ai bien compris ses calculs.
En ce qui concerne le gazole utilitaire, j'aurai la même objection quant à la difficulté pratique de la proposition. Pour ce qui concerne le supercarburant sans plomb et le supercarburant avec plomb, je crois qu'il vaut mieux en rester, cette année, à la proposition du Gouvernement, quitte à réfléchir dans un an, comme M. Régnault le souhaite, à une fiscalité d'ensemble, avec cette fois le plein accord du Gouvernement.
J'ajoute que la difficulté est d'ordre, ici, non pas pratique mais juridique, car, si l'on veut traiter les transporteurs routiers différemment des particuliers, il faut, au préalable, obtenir une dérogation communautaire. C'est possible, puisque les Pays-Bas - je ne sais comment ils ont fait - l'ont obtenue en juin 1997, mais c'est introduire une complication supplémentaire.
M. Philippe Marini. Oui, mais, pour l'obtenir, il faut la demander !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements n°s I-38 et I-39 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous avez considéré, monsieur le secrétaire d'Etat, que ma proposition manquait de sens pratique. Mais je viens d'un pays simple, d'un milieu simple, et je n'ai pas bien compris la réponse que vous m'avez donnée.
M. Philippe Marini. Moi non plus !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous interroge donc de nouveau : oui ou non, l'écart est-il trop important ? De combien doit-il être réduit ? En combien d'années ? Ces questions me paraissent simples, mais je n'ai pas le sentiment que vous m'avez apporté une réponse compréhensible, du moins pour quelqu'un de simple comme moi !
M. René Régnault. Qu'il est habile !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Faites-moi donc la grâce de me répondre avec mes mots à moi et peut-être alors, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrai-je retirer cet amendement qui ne vous paraît pas très opérationnel. Je serai d'autant plus fidèle à l'égard de la commission des finances en le retirant, que vous aurez répondu très clairement à ces questions.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, je n'ai pas pensé un seul instant que la subtilité que vous déployez depuis le début du débat soit celle d'un homme simple, comme on dit ! Vous souhaitez une réponse simple ? Permettez-moi de paraphraser un mot célèbre : méfions-nous des idées simples. La fiscalité pétrolière est trop compliquée pour que l'on s'y attaque avec des idées toutes simples ! (Rires.)
Peut-être ma réponse va-t-elle vous décevoir, mais plutôt que de céder à l'enthousiasme et d'arrêter des solutions rapides, trop énergiques même, le Gouvernement entend réfléchir sur le sujet.
M. Philippe Marini. La concertation sans doute !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le récent conflit des routiers montre que, sur ces sujets-là, comme le disaient les Plick et Plock de mon enfance, mieux vaut réfléchir avant d'agir !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-205.
M. Louis Souvet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je ne voterai pas des amendements qui aggravent l'écart de prix entre les carburants en augmentant le coût du gazole.
Le gazole pollue, nous dit-on ; le supercarburant aussi, le supercarburant au plomb plus encore et, si vous allez du côté d'Orly, on vous dira que le kérosène pollue également !
Je suis, mois aussi, un homme simple et je représente, dans cet hémicycle, une région qui vit de l'automobile - elle vit mal, je dois le dire, très mal même actuellement - et, surtout, du diesel.
Depuis deux ans, le temps de travail hebdomadaire, dans l'industrie automobile, est voisin de trente heures. La hausse du prix du gazole aura un effet immédiat tant sur la production que sur le nombre de voitures produites. Je rappelle que certaines entreprises ont une forte avance dans la motorisation Diesel et, de ce fait, produisent moins de motorisation essence.
Je lisais ce matin encore, dans un journal régional, que M. Christian Pierret se déclarait hostile à cette aggravation du coût du diesel. « Je roule au diesel », dit-il. Le secrétaire d'Etat au budget n'en demande pas tant. Pourquoi vouloir réduire l'écart de fiscalité ? Faut-il rappeler que l'investissement pour l'achat d'un véhicule diesel est plus important que celui qui est consenti pour un véhicule à essence ? S'il y a un glissement à faire, il se situe entre le carburant plombé et celui qui ne l'est pas.
Est-ce à nous d'augmenter le prix du gazole alors que certains ministres se prononcent contre, n'hésitant pas à marquer leur différence avec leur collègue de l'environnement ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je ne voterai pas un amendement qui, s'il est adopté, augmentera le prix du diesel.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, je retire l'amendement n° I-205, parce que je ne souhaite pas qu'il pose des problèmes insurmontables. J'indique cependant très respectueusement au Gouvernement que sa réponse ne m'a pas tout à fait éclairé et qu'elle reste à parfaire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Elle est trop compliquée !
M. René Régnault. Il faudra encore de l'énergie !
M. Roland du Luart. Que d'énergie dépensée !
M. le président. L'amendement n° I-205 est retiré.
Monsieur Marini, l'amendement n° I-38 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Je maintiens l'amendement n° I-38, qui ne concerne que la première étape, c'est-à-dire un léger rééquilibrage entre le supercarburant sans plomb et le supercarburant plombé, en faveur du premier, et, donc, en faveur des véhicules équipés d'un pot catalytique. L'intérêt est évident, il s'agit de lutte contre la pollution et de défense de l'environnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vos réponses sur le sujet sont particulièrement embarrassées. Pas plus que M. le rapporteur général, je n'ai trouvé dans vos propos un message clair et compréhensible. Je ne voudrais pas que vous preniez cette expression à mal, mais votre réponse s'apparente pour moi à la langue de bois. Et vous savez que le bois est un matériau que j'apprécie beaucoup ! (Sourires.) Nous en avons longuement parlé au cours de la soirée d'hier.
Tout cela n'est que langue de bois, monsieur le secrétaire d'Etat, ce qui se comprend bien car votre majorité plurielle est bien, embarrassée par le sujet. Nous savons, en effet, que Mme Voynet a des vues sur la question qui ne sont pas nécessairement identiques à celles de M. Pierret. C'est de notoriété publique. Et le secrétaire d'Etat au budget s'efforce de « véhiculer » un humble statu quo : pas de changement, maintien en termes relatifs de la fiscalité pétrolière existante.
Vous nous présentez ce non-choix, cette non-décision comme vous le pouvez, c'est-à-dire de façon embarrassée. Comment traceriez-vous des perspectives pour l'avenir, puisque vous ne le pouvez pas ?
Le débat n'a été que provisoirement mis entre parenthèses, mais vous n'en ferez certainement pas l'économie pour les années à venir parce que, au sein de votre majorité plurielle, des personnes ont des convictions différentes sur ce sujet, comme cela peut être d'ailleurs le cas au sein des formations de l'opposition nationale représentées sur les bancs de la majorité sénatoriale.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens l'amendement n° I-38 en souhaitant que la Haute Assemblée puisse se prononcer, à recettes budgétaires inchangées pour l'Etat, sur le principe d'une fiscalité pétrolière plus soucieuse de l'environnement, c'est-à-dire un tout petit peu moins pénalisante pour le supercarburant sans plomb.
Quant à l'amendement n° I-39, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-39 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-38.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Le débat que nous avons est tel que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris qui voulait le maintien du diesélisme et, par conséquent, d'une fiscalité qui ne lui soit pas trop défavorable, et qui voulait une fiscalité plus « écologique ». J'ai cru comprendre en vous écoutant, mes chers collègues, que vos avis n'étaient pas aussi convergents que M. Marini a bien voulu le dire voilà un instant.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous n'avez pas écouté !
M. René Régnault. Monsieur le rapporteur général, vous avez eu le mérite de retirer votre amendement. Mais je me sentais cheminer un peu dans la même direction que vous.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Alors, vous allez à reculons ! (Sourires.)
M. René Régnault. Je crois, encore qu'il me faille être prudent, que vous semblez adhérer à cette perspective que nous essayons de dessiner depuis ce matin et que vous estimez comme nous qu'il faut conduire une réflexion en prenant en compte la dimension écologique du problème. Je n'entends pas pour ma part que l'on désigne untel plutôt qu'un autre pour subir arbitrairement la mesure proposée aujourd'hui, car cela donnerait l'impression que l'on tire les solutions d'un chapeau.
Je souhaite qu'il y ait une réflexion globale, que la concertation s'effectue suffisamment en amont et je plaide, monsieur le secrétaire d'Etat - mais mon plaidoyer est inutile, vous vous êtes prononcé à plusieurs reprises en ce sens - pour que nous menions cette réflexion sereinement, sans effets de tribune, sans médiatisation exagérée, afin d'élaborer une fiscalité marquée d'une volonté écologique qui soit une réponse globale et non pas ponctuelle.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-38, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'amendement n° I-40, tendant à insérer un article additionnel après l'article 12.

Article additionnel après l'article 12



M. le président.
Par amendement n° I-40, M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le I de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 1993 (n° 93-859 du 22 juin 1993) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les véhicules neufs mis en circulation à partir du 1er janvier 1998, les circulaires annexées déterminant le mode de calcul de la puissance administrative sont modifiées comme suit :
« - au dernier alinéa de l'avant-dernier paragraphe du I de la circulaire du 28 décembre 1956, après les mots : "cycles à 4 temps", sont insérés les mots : "équipant les véhicules de plus de 2250 kg".
« - au quatrième paragraphe de la circulaire n° 77-119 du 23 décembre 1977, les mots : "m vaut 1 pour l'essence et 0,7 pour le gazole" sont remplacés par les mots : "m vaut 0,85 pour l'essence et pour le gazole". »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, compte tenu du débat qui a été le nôtre en fin de matinée et qui nous a permis d'aborder en grande partie la question de la fiscalité pétrolière, je ne crois pas utile de maintenir cet amendement.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Philippe Marini. En effet, les choses ne sont pas, me semble-t-il, tout à fait mûres. M. le secrétaire d'Etat nous a indiqué qu'il engagerait à une réflexion. Je ne sais pas ce que cette dernière donnera. J'espère simplement qu'elle permettra d'y voir plus clair dans un an.
Je voudrais néanmoins souligner, comme l'a fait M. Alain Lambert dans son rapport écrit, qu'il paraît quelque peu anormal de maintenir des modes de calcul tels que des acquéreurs de véhicules représentant une valeur d'investissement élevée ou très élevée soient fiscalement mieux traités, s'agissant de la carte grise ou de la vignette, que les acquéreurs de véhicules plus modestes à essence. Mais c'est sans doute un sujet sur lequel nous reviendrons ultérieurement. En tout cas je ne veux pas reprendre le débat de ce matin.
M. Jean Chérioux. Sage décision !
M. le président. L'amendement n° I-40 est retiré.

Article 13 (supprimé)



M. le président.
L'article 13 a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais je suis saisi d'un certain nombre d'amendements tendant à son rétablissement.
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 13 du projet de loi de finances porte - « portait », devrais-je plutôt dire ! - sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il prévoyait à l'origine une évolution du barème de l'impôt en question, évolution qui a été finalement supprimée par l'Assemblée nationale et qui se traduira dans les faits par une majoration des recettes de cet impôt de 90 millions de francs.
Cette charge fiscale demeure à répartir entre les 170 000 contribuables de l'impôt considéré, ce qui signifie que leur quote-part augmentera en moyenne d'environ 500 francs l'an prochain, si rien ne change dans l'équilibre actuel de l'impôt sur la fortune.
Bien évidemment, la majorité sénatoriale nous propose de rétablir l'article 13 en faisant connaître aux tranches de son barème une progression plus importante que celle que la même majorité nous a proposée pour l'impôt sur le revenu et ses différents seuils.
Ce n'est là qu'un épiphénomène, mais il convenait à notre sens de le relever.
Pour ce qui nous concerne, nous avons depuis de longues années une position de fond sur cet impôt de solidarité sur la fortune afin d'améliorer tant l'efficacité que le rendement de ce dernier.
L'amélioration de l'efficacité de l'impôt passe, à notre sens, par un barème plus lisible et plus simple, permettant de majorer sensiblement le produit de l'impôt, même si d'aucuns disent qu'il ne faut pas confondre revenu et capital.
Soyons sérieux toutefois : la plupart du temps, les contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune sont bien loin de crier misère, alors même que certains de leurs actes - je pense ici aux détenteurs de parts sociales, par exemple - peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur la situation de nombreuses personnes.
L'amélioration de l'efficacité de l'impôt passe aussi par une modification sensible de l'assiette de l'impôt de solidarité, qui ne doit pas exclure, à notre sens - mais c'est là l'une des pistes à explorer - l'imposition du capital des entreprises et qui doit donc cesser de se cantonner aux biens immobiliers ou aux parts détenues par les actionnaires dits « minoritaires » pour intégrer les biens professionnels ou les primes d'assurance vie capitalisées.
Nous avons donc le souci d'oeuvrer à une plus grande efficacité de l'impôt de solidarité sur la fortune, en vue d'en faire l'impôt moderne sur le capital dont notre pays a besoin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne cachons pas que nous aurions souhaité que le projet de loi de finances comporte en la matière des mesures plus fortes que la disposition retenue par l'Assemblée nationale.
Nous avons des propositions à formuler ; elles méritent d'être exposées et débattues, même si nous sommes malheureusement convaincus que la majorité de la Haute Assemblée n'y souscrit pas tout à fait.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler au début de la discussion de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune
Par amendement n° I-15, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rétablir l'article 13 dans la rédaction suivante :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :

N'excédant pas 4 750 000 F 0
Comprise entre 4 750 000 F et 7 720 000 F 0,5
Comprise entre 7 720 000 F et 15 330 000 F 0,7
Comprise entre 15 330 000 F et 23 800 000 F 0,9
Comprise entre 23 800 000 F et 46 080 000 F 1,2
Supérieure à 46 080 000 F 1,5


« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par une majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 A et suivants du code général des impôts. »
Par amendement n° I-86, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rétablir l'article 13 dans la rédaction suivante :
« Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :

N'excédant pas 4 000 000 F 0
Entre 4 000 000 F et 8 000 000 F 1
Entre 8 000 000 F et 16 000 000 F 2
Supérieure à 16 000 000 F 3


La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-15.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'année dernière, j'ai beaucoup fait, avec d'autres, pour essayer de rétablir le plafonnement de l'ISF. J'avais en effet pu mesurer les dégâts économiques que produisait la suppression de ce plafonnement, en particulier pour les titulaires de droits sociaux, c'est-à-dire d'actions d'entreprises. De ce fait, ces derniers pouvaient décider de céder leurs titres, ce qui nous faisait courir le risque de voir les entreprises française de taille moyenne devenir la propriété de détenteurs de capitaux étrangers.
Le Sénat avait donc fait clairement le choix du rétablissement du plafonnement de l'ISF. Mais il n'avait pas été soutenu par le gouvernement de l'époque.
Le présent Gouvernement n'annonce rien en la matière, mais évoque une réforme de la fiscalité du patrimoine pour l'année prochaine. Nous verrons ce qu'il en sera.
Ayant exprimé l'année dernière tout ce que j'avais à dire sur ce sujet, je ne voulais pas que l'on me prenne pour un obsédé de l'ISF, et je n'avais donc fait, cette année, aucune proposition à cet égard.
Cependant, mes collègues de la commission des finances m'ont rappelé à juste titre - cela montre toute la valeur de la collégialité - que le fait de ne pas procéder à la réactualisation du barème revenait à alourdir de façon finalement...
M. Philippe Marini. Insidieuse !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... insidieuse, effectivement, voire « hypocrite », cette imposition.
Alors, soyons responsables : soit nous souhaitons l'augmentation de cet impôt, et, alors, soyons-en fiers et votons-le ; soit nous souhaitons que cet impôt ne soit pas augmenté, et procédons alors à la réactualisation du barème, comme nous y procédons pour tous les autres impôts.
L'amendement n° I-15 ne vise donc qu'à soumettre l'ISF aux mêmes règles que les autres impôts. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-86.
M. Paul Loridant. L'amendement n° I-86 tend à accroître sensiblement le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, en aménageant un nouveau barème plus productif de recettes fiscales que le barème actuel.
La démarche qui nous anime est particulièrement simple : il s'agit de donner à l'Etat les moyens d'une intervention plus efficace en de nombreux domaines grâce à une augmentation sensible du rendement de l'impôt sur la fortune.
Nous estimons en particulier, eu égard au patrimoine détenu par les contribuables assujettis à cet impôt, qu'il y a lieu aujourd'hui de faire progresser le rendement de l'impôt sur la fortune pour répondre à des besoins sociaux particulièrement importants.
La lutte contre l'exclusion sociale, l'action publique résolue contre les effets du chômage ou de la précarité nécessitent de disposer de nouveaux moyens d'action tels que ceux qui sont fournis par le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Chacun, ici, aura remarqué que le barème proposé dans l'amendement n° I-86 serait plus efficace : ainsi, pour un patrimoine de 20 millions de francs, le produit de l'impôt serait, selon la commission des finances, de 110 150 francs, hors correctifs éventuels, alors qu'il serait de 320 000 francs avec notre barème.
Sans aller plus loin dans la démonstration, nous disposerions, en adoptant cet amendement n° I-86, de réelles possibilités d'action pour l'intervention publique.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-86 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. A amendement rituel, réponse rituelle : défavorable !
M. Paul Loridant. Quel dommage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-15 et I-86 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'indiquerai tout d'abord à Mme Beaudeau que les préoccupations qu'elle a exprimées pourront être intégrées à la réflexion qui va s'ouvrir sur la fiscalité du patrimoine. Ces contributions seront examinées à côté du reste, et je remercie donc Mme Beaudeau d'avoir exposé son point de vue sur le sujet.
J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° I-15. En effet, l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a jugé qu'il ne fallait pas actualiser le barème. J'ajoute que, avec une inflation extrêmement faible, la pénalisation est, elle aussi, très faible.
Si, d'aventure, l'amendement présenté par M. le rapporteur général était adopté, il faudrait trouver 90 millions de francs qui viendraient s'ajouter aux 350 millions de francs d'hier soir et à un certain nombre d'autres millions !
M. Michel Charasse. Et les tabacs ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais dire à M. Loridant, qui propose une progressivité accrue du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, que sa proposition me semble peu opportune aujourd'hui car, je le répète, une réflexion sera ouverte sur la fiscalité du patrimoine.
Ayant manifesté la préoccupation de son groupe sur ce sujet, je lui suggère donc de retirer son amendement.
Mme Hélène Luc. Donc, on ne perd pas espoir ?...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Jamais !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je veux indiquer au Sénat que l'avis que le Gouvernement vient de donner prend toute sa saveur lorsque l'on sait que l'amendement de la commission vise simplement à rétablir le texte initial du Gouvernement ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Excellent !
M. Charles Pasqua. A la fin de l'envoi, je touche !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-15.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. M. le secrétaire d'Etat nous promet beaucoup de réflexions sur la fiscalité...
Mme Hélène Luc. Il y en a besoin !
M. Alain Lambert, rapporteur général. En effet !
M. Philippe Marini. Nous avons entendu des propos de ce genre tout au long du débat, sur la baisse des taux de TVA, sur la fiscalité pétrolière, sur l'ISF à présent. Des réflexions, toujours des réflexions...
Pour ma part, je suis quelque peu inquiet...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Surtout après les promesses faites à Mme Beaudeau !
M. Philippe Marini. ... quant aux résultats à attendre d'une telle réflexion.
Je crains, en particulier, s'agissant de l'imposition du patrimoine, que l'on n'attache pas une importance suffisante à la situation de bien des entreprises dont le contrôle peut se trouver mis en cause par le fait du seul poids de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Nous avions, l'année dernière, fait clairement cette démonstration et nous avions interpellé le gouvernement d'alors. Nous avions, notamment, évoqué le cas de contribuables dont le revenu peut être tel qu'ils ne peuvent raisonnablement résister à des offres d'achat de titres de sociétés familiales qu'ils détiennent. La vente de ces titres, venant perturber le contrôle des entreprises, peut se traduire par des opérations financières défavorables à l'emploi. Nous avions présenté, sur quelques entreprises que nous avions examinées, des exemples tout à fait probants de ce type de situation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le tissu économique de notre pays, les entreprises moyennes représentent des gisements d'emplois non négligeables. Or celles-ci se trouvent chaque année un peu plus agrégées au sein de groupes beaucoup plus importants, français, européens ou autres, sans préoccupation excessive de l'identité de l'entreprise et du maintien de l'emploi, et cela du seul fait du poids que représente, sur certains détenteurs de participations, l'impôt de solidarité sur la fortune.
C'était l'une des approches que défendait la majorité sénatoriale. Les choses n'ayant pas changé à cet égard, nous ne pouvons que rappeler cette préoccupation qui avait été très largement partagée sur nos travées.
Bien entendu, s'agissant de l'ISF, nous ne pouvons moins faire que de revaloriser le barème au prorata de la hausse des prix et de reprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, le texte qui avait été initialement présenté à l'Assemblée nationale par le gouvernement auquel vous appartenez.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais répondre très brièvement à M. Marini.
Effectivement, dans notre pays, se pose un problème de transmission des petites et moyennes entreprises à capitaux familiaux. Dans la réflexion qui va être menée, il faudra trouver une solution de juste équilibre entre la justice fiscale, d'un côté, et le maintien des emplois et des centres de décision en France, de l'autre. C'est cette volonté qui devra sous-tendre les réflexions auxquelles fait allusion M. Marini.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. La dernière fois que le Sénat a voulu, excusez-moi l'expression, « bricoler » l'impôt de solidarité sur la fortune, les résultats n'ont pas été très flatteurs ni pour notre assemblée ni pour la majorité du moment dont on se rappelle combien elle s'était déchirée à l'Assemblée nationale...
M. Philippe Marini. Quelle sollicitude !
M. Michel Charasse. Il me paraît donc préférable d'être prudent dans cette affaire. Alléger l'ISF, même si peu que ce soit - M. le secrétaire d'Etat a rappelé la modicité de l'inflation en cette période - peut avoir le même effet que notre initiative précédente - retour au plafonnement - dans l'opinion publique qui ne comprend pas très bien la mansuétude dont nous souhaitons faire preuve à l'égard de la catégorie des contribuables concernés.
Pour ces raisons de prudence, et d'autres sans doute que je ne développerai pas, je ne voterai pas l'amendement de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Prudence électorale, cela va de soi !
M. Michel Charasse. Je n'en suis pas sûr !
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Je voudrais simplement répondre à notre excellent collègue Michel Charasse, qui a fait allusion aux tentatives que nous avions faites l'année dernière pour replafonner l'ISF. Ce que nous demandions alors, et qui n'a pas été accordé, c'était simplement de revenir aux dispositions que M. Charasse et ses amis à l'époque avaient instituées. C'est tout.
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Josselin de Rohan. Je lui en donne acte : pour une fois, il avait fait preuve de sagesse. Mais ce n'est pas du tout ce que demande M. Loridant, n'est-ce pas ?...
Je préfère le socialisme première manière sur ce point au socialisme seconde manière que nous vivons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. Michel Charasse. Cela veut dire que quand c'est moi qui m'en occupe, cela marche. Alors, quand je vous donne un conseil, suivez-le ! (Sourires.)
M. Charles Pasqua. Il ne faut pas prendre aux gens plus qu'ils ne reçoivent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. René Régnault. Il y a du monde cet après-midi !
M. le président. En conséquence, l'article 13 est rétabli dans cette rédaction et l'amendement n° I-86 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 13



M. le président.
Par amendement n° I-89, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le début du sixième alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Dans la limite de 7 000 000 F, les biens professionnels... (le reste sans changement). »
« II. - L'article 885 A du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« La limite visée au précédent alinéa n'est toutefois pas applicable aux contribuables dont le revenu est principalement constitué de bénéfices non commerciaux. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Cet amendement porte sur la question de l'élargissement de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il est en effet largement connu de tous les membres de notre Haute Assemblée que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ne représente qu'imparfaitement la réalité des patrimoines.
Le cas le plus connu est celui des biens professionnels dont on sait qu'ils sont placés hors du champ de l'impôt lorsque le contribuable exerce une activité de direction de l'entreprise dont il détient les parts, tandis que les actionnaires minoritaires - parfois issus du groupe familial, d'ailleurs - se retrouvent imposés à ce titre.
Dans l'un des colloques que la commission des finances avait organisé sur le sujet, M. Baudouin Monnoyeur, président-directeur général de la société Bergerat-Monnoyeur et délégué consulaire à la chambre de commerce et d'industrie de Paris, nous avait fait part de ces aspects particuliers de la législation en matière d'impôt sur la fortune, soulignant que les problèmes se posaient notamment dans le cadre des « réunions de famille », la société concernée étant en effet une entreprise dynastique.
Notre collègue M. Marini, à plusieurs reprises, et en fin connaisseur de la législation fiscale, avait, sur la foi de ce genre d'observations, pu proposer que les intérêts minoritaires fussent exclus du champ de l'impôt sur la fortune, ce qui revient, dans les faits, à dénaturer son sens profond, les valeurs mobilières représentant en effet plus de la moitié de l'assiette de l'impôt.
Nous estimons, pour notre part, nécessaire d'établir une égalité de traitement entre contribuables soumis à l'impôt sur la fortune en décidant, comme nous le proposons dans cet amendement, d'ajouter à l'assiette de l'impôt sur la fortune les biens professionnels.
Cela permettrait de mieux caractériser la nature même de l'impôt et de le rendre, par conséquent, plus équitablement réparti, voire d'en accroître le produit par augmentation du nombre des contribuables.
Je soulignerai cependant un point de détail sur la nature de la mesure que nous proposons.
En effet, un problème certain se pose en matière de biens professionnels pour une catégorie particulière de contribuables. Je pense aux artistes dont le revenu, ainsi que nous l'indiquons, est essentiellement composé de bénéfices non commerciaux et dont le travail, bien souvent, est plus porteur de plus-values latentes que de plus-values réalisées.
Le marché de l'art - bien que je n'aime pas cette expression désagréable - est ainsi fait que, parfois, les créateurs - notamment les peintres et les sculpteurs - sont détenteurs d'un patrimoine valorisable mais non valorisé...
M. Michel Charasse. C'est sûr !
M. Louis Minetti. ... qui doit être pris en compte dans l'établissement d'une nouvelle assiette de l'impôt sur la fortune.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-89 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La charge de travail de notre collègue M. Minetti ne lui a sans doute pas permis de rester jusqu'à la fin du colloque qu'il a cité tout à l'heure, car si l'hypothèse de l'élargissement de l'assiette de l'impôt sur la fortune aux biens professionnels a été évoquée, cela n'a jamais été imaginé par personne, sauf à concevoir simultanément une baisse du taux de l'imposition. Cela ne figure pas dans le texte de son amendement, qui mérite donc d'être approfondi.
Il s'agit là d'un amendement rituel. La réponse du rapporteur général de la commission des finances est elle aussi rituelle : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est conforme aux propos que j'ai tenus antérieurement. Cet amendement n'est pas opportun, car il est prévu d'ouvrir une réflexion sur la fiscalité du patrimoine.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-89, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-125, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa du 2° de l'article 885 A du code général des impôts est complété in fine par les mots : "jusqu'au jour des 75 ans du bénéficiaire de l'exonération". »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Du fait de l'exonération de l'outil professionnel, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune apparaît trop étroite. Cette remarque est généralement faite par tous les praticiens de cet impôt. Elle a également été formulée par le conseil des impôts.
Il sera donc nécessaire d'intégrer les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF, affectés d'un taux très réduit. Nos collègues, en leur temps, M. Richard, devenu ministre, et M. Hollande l'avaient dit voilà déjà quelques années. M. Alphandéry lui-même, lorsqu'il était à votre place, monsieur le secrétaire d'Etat, y était favorable. M. Auberger, quant à lui, en son temps rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, le souhaitait aussi.
Nous ne désespérons donc pas de convaincre le Sénat, en particulier sa majorité.
La réforme de l'imposition du patrimoine se fera l'année prochaine, vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat. Toutefois, nous pensons qu'un aménagement devrait se faire dès maintenant, afin de faciliter la transmission des entreprises.
L'exonération des biens professionnels concerne en particulier les détenteurs de parts et actions de sociétés lorsqu'ils détiennent plus de 25 % du capital et exercent à titre principal une fonction de direction dans la société.
Cette disposition constitue, chacun l'aura compris, un frein à la transmission des entreprises puisqu'elle incite certains dirigeants de sociétés à rester en place uniquement pour bénéficier de cette exonération. De plus, cette disposition met en péril quelquefois une entreprise viable en entraînant sa transmission tardive avec tous les risques que cela peut présenter pour le maintien de ses activités et des emplois.
Par conséquent, en conformité avec les avantages accordés aux donations réalisées avant soixante-quinze ans, il serait logique, de notre point de vue, de supprimer cette exonération d'ISF pour les détenteurs de biens professionnels âgés de plus de soixante-quinze ans.
Un amendement identique a d'ailleurs été proposé en commission des finances à l'Assemblée nationale par nos collègues MM. Devedjian et de Courson, qui ne sont pas a priori des pourfendeurs des patrimoines importants !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances s'inquiète toujours lorsque M. Régnault s'en va chercher des exemples dans l'opposition. L'amendement qu'il vient d'évoquer, déposé par des députés de l'opposition en commission des finances à l'Assemblée nationale, n'est pas une référence pour le Sénat. Le Sénat a une réflexion propre sur le sujet, une réflexion qui est d'ailleurs constante.
La proposition de M. Régnault, qui vise à accélérer les processus de transmission de l'entreprise, ressortit à une idée pressante de notre Haute Assemblée qui a trouvé une traduction à travers des réductions de droits sur la transmission des entreprises. C'est donc au titre des droits de mutation à titre gratuit que le dispositif a été amélioré.
Sans doute le dispositif est-il encore améliorable. La commission des finances n'a cependant pas estimé qu'il soit efficace de le faire à partir de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas convaincu qu'à soixante-quinze ans et un jour on devienne un mauvais chef d'entreprise. Si nous sommes effectivement confrontés à un problème de transmission, non pas de la propriété, mais de la gestion des entreprises, je ne suis pas pour autant persuadé que l'impôt de solidarité sur la fortune soit le bon levier.
Nous pensons qu'à l'occasion de la réflexion sur la fiscalité du patrimoine il sera important de prendre en compte la transmission non seulement du patrimoine de l'entreprise, mais aussi de la gestion de cette dernière.
Je vous suggère donc, monsieur Régnault, de retirer votre amendement, parce qu'il n'est pas évident que cette réforme de l'ISF permette d'atteindre l'objectif que vous souhaitez.
M. le président. Monsieur Régnault, l'amendement est-il maintenu ?
M. René Régnault. Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous pensez que la référence à l'âge de soixante-quinze ans constitue un obstacle majeur, je pourrais le faire disparaître en rectifiant mon amendement. (Rires sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Cent ans !
M. Patrice Gélard. Cent dix ans !
M. René Régnault. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous avoir convaincu de l'existence de deux problèmes : d'une part, celui de l'élargissement de l'assiette et, d'autre part, celui de l'encouragement à la transmission des entreprises et, donc, du patrimoine. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Je tenais à m'assurer que le Gouvernement intégrait ces deux données dans sa réflexion. Fort de cette assurance, monsieur le secrétaire d'Etat, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-125 est retiré.
Par amendement n° I-87, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 885 V du code général des impôts est abrogé. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 885 V du code général des impôts dispose que les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune bénéficient d'un abattement de 1 000 francs par personne à charge sur le montant dû en application du barème.
Cette disposition quelque peu surprenante en matière de taxation du capital - en effet, je ne suis pas persuadée qu'il existe des dispositions de même nature pour les autres droits d'enregistrement - est d'un coût relativement limité, mais néanmoins symbolique, à savoir 50 millions de francs, pour le budget de l'Etat.
Pour notre part, nous estimons qu'il y a lieu de s'interroger sur la portée d'une telle disposition au regard de la situation des assujettis à l'impôt sur la fortune.
En effet, chacun de ces contribuables dispose en moyenne d'un patrimoine d'une valeur d'environ 11 millions de francs, et il serait bien surprenant que, en moyenne aussi, ce patrimoine ne soit pas producteur d'un revenu non salarial d'environ 500 000 à 600 000 francs par an.
Les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ne sont donc pas accablés par les difficultés financières et cet abattement pour personne à charge n'a pas véritablement de raisons d'être.
Etant donné que ces personnes sont également assujetties à l'impôt sur le revenu, on peut en déduire qu'elles bénéficient d'une prise en compte de ces charges de famille au titre du quotient familial.
Pour ces quelques raisons, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement de notre groupe permettant de majorer le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune et de renforcer son efficacité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable également, monsieur le président, car je ne suis pas sûr que cette disposition renforce l'efficacité de l'impôt.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-87, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-88, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts, le taux "50 %" est remplacé par le taux "40 %". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement n° I-88 porte sur le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, plafonnement dont on sait qu'il a fait l'objet, l'an dernier, d'un débat particulièrement intéressant au sein de notre Haute Assemblée.
Je constate d'ailleurs que la commission des finances, à tout le moins sa majorité, continue de mener un combat exemplaire en la matière puisque, avec force colloques, propositions de loi ou amendements, elle tente, depuis plusieurs années, de remettre en cause l'impôt de solidarité sur la fortune ou, tout au moins, d'en atténuer les effets sur les contribuables.
Cet impôt est paré de tous les défauts, de toutes les tares.
Je vous rappelle cette argumentation : cet impôt de solidarité sur la fortune épargnerait les milliardaires et s'acharnerait uniquement sur les millionnaires ; nous sommes prêts, s'il le faut, à discuter de la possibilité de réduire cette insoutenable injustice. De plus, il favoriserait la délocalisation des investissements et des placements, pesant par là même sur l'emploi et la croissance en France. J'arrête là la critique de cet impôt.
C'est, à notre avis, faire trop d'honneur à un impôt qui, ramené à ses justes proportions, représente une recette fiscale inférieure à 10 milliards de francs, donc à quelque deux millièmes du revenu de l'ensemble des ménages.
Pour autant, il convient, à notre sens, d'améliorer sensiblement le rendement de cet impôt.
Nous l'avons déjà dit, mais l'occasion nous en est à nouveau offerte par cet amendement qui porte sur le plafonnement de l'impôt sur la fortune.
Notre amendement tend à réduire les effets de ce plafonnement fondé sur la comparaison entre revenu déclaré au titre de l'impôt sur le revenu et le montant de la cotisation d'impôt sur la fortune, en faisant passer la remise sur le montant de l'impôt de 50 % à 40 % de celui-ci.
Toutes choses étant égales par ailleurs, on pourrait attendre de cette mesure un rendement supplémentaire de 200 millions de francs à 300 millions de francs.
C'est pourquoi nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement dans l'attente de la fin de la réflexion sur la fiscalité du patrimoine.
M. le président. Monsieur Loridant, maintenez-vous votre amendement ?
M. Paul Loridant. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-90, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 790 du code général des impôts, les taux "35 %" et "25 %" sont respectivement remplacés par les taux "25 %" et "15 %".
« II. - Dans le troisième alinéa du même article, les taux "25 %" et "15 %" sont respectivement remplacés par les taux "15 %" et "10 %".
« III. - Dans le premier alinéa du I de l'article 779 du code général des impôts, les mentions : "330 000 francs" et "300 000 francs" sont respectivement remplacées par les mentions : "500 000 francs" et "450 000 francs". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'amendement n° I-90 vise à injecter une dose de justice sociale...
M. Charles Pasqua. Fichtre !

M. Guy Fischer. ... dans la législation fiscale en matière de succession et, dans les deux premiers paragraphes, en matière de donation-partage.
Nous proposons d'abaisser les abattements sur les donations entre parents et enfants, en en fixant le taux à 25 % au lieu de 35 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans.
Nous proposons également de ramener le taux de 25 % à 15 % pour les donateurs de plus de soixante-cinq ans et de moins de soixante-quinze ans.
Nous estimons enfin que, pour l'ensemble des autres donateurs évoqués au troisième alinéa de l'article 790 du code général des impôts, l'abattement doit être de 15 % au lieu de 25 % pour les donateurs de moins de soixante-cinq ans, et de 10 % pour ceux qui ont entre soixante-cinq et soixante-quinze ans.
Les dispositions de la dernière loi de finances tendaient en fait, sous couvert d'une réduction de la pression fiscale, à exonérer toujours plus ceux qui disposaient des patrimoines les plus importants. En écartant toute progressivité, le gouvernement précédent avantageait ainsi, par une logique implacable, les plus riches au détriment des plus pauvres.
Je ne reviendrai pas sur les péripéties constitutionnelles qui avaient marqué une disposition de la loi de finances pour 1996 avantageant considérablement la donation-partage d'entreprise, péripéties obligeant l'ancien Premier ministre et son ministre des finances à confirmer, dans un projet de loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier, que les abattements ouverts par cet amendement permettraient d'exonérer les transmissions d'entreprises.
Nous estimons donc que, par souci de la justice sociale, il convient d'éviter les véritables fuites d'impôts organisées ces deux dernières années.
Cependant, selon nous, il est juste de permettre à ceux qui ont acquis des biens au prix de leur travail de transmettre leurs biens à leurs enfants dans de bonnes conditions, sans subir des contraintes fiscales excessives.
L'objet du troisième paragraphe de notre amendement est donc de porter l'abattement forfaitaire de 300 000 francs déductible de toute succession à 500 000 francs. Il est juste, pensons-nous, d'exonérer ainsi, dans une proportion plus large, ceux qui n'ont pas de grandes fortunes à transmettre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
Mme Hélène Luc. Pourquoi ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous l'ai dit l'année dernière !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, car cette modification des donations-partage ou des donations à enfant unique risque de se traduire par de moindres donations, c'est-à-dire par un prélèvement fiscal immédiat réduit. (M. Charles Pasqua s'exclame.)
Je ne suis pas capable de chiffrer le coût de cette mesure, d'autant qu'il faut y ajouter les abattements forfaitaires déductibles de toute succession.
Le Gouvernement souhaite attendre la fin de la réflexion sur la transmission des patrimoines. Je vous conseille donc, monsieur Fischer, de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, votre amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-90, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 13 bis



M. le président.
« Art. 13 bis. _ Dans le dernier alinéa de l'article 790 du code général des impôts, l'année : "1997" est remplacée par l'année : "1998" ». - ( Adopté. )

Article additionnel après l'article 13 bis

M. le président. Par amendement n° I-63, M. Jean Boyer propose, après l'article 13 bis , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts, remplacer les mots : "à l'exception de celles passées depuis plus dix ans", par les mots : "à raison pour ces derniers d'un dixième de leur valeur en moins chaque année".
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par une augmentation des droits sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 14



M. le président.
« Art. 14. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 163 tervicies ainsi rédigé :
« Art. 163 tervicies. _ I. _ Les contribuables peuvent déduire de leur revenu net global une somme égale au montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisent dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ou réalisant des investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C. En ce cas, la déduction est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement.
« La déduction prévue au premier alinéa est opérée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé.
« Si dans le délai de cinq ans de son acquisition ou de sa création ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'investissement ayant ouvert droit à déduction est cédé ou cesse d'être affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis ou créé ou si l'acquéreur cesse son activité, les sommes déduites sont ajoutées, au titre de l'année au cours de laquelle cet événement est intervenu, au revenu net global du ou des contribuables ayant pratiqué la déduction.
« Toutefois, la reprise de la déduction n'est pas effectuée lorsque les biens ayant ouvert droit à déduction sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées aux articles 41 et 151 octies , si le bénéficiaire de la transmission s'engage à conserver ces biens et maintenir leur affectation initiale pendant la fraction du délai de conservation restant à courir. L'engagement est pris dans l'acte constatant la transmission ou, à défaut, dans un acte sous seing privé ayant date certaine, établi à cette occasion. En cas de non-respect de cet engagement, le bénéficiaire de la transmission doit, au titre de l'exercice au cours duquel cet événement est intervenu, ajouter à son résultat une somme égale au montant de la déduction à laquelle les biens transmis ont ouvert droit.
« Lorsque l'investissement est réalisé par une société ou un groupement visés au deuxième alinéa, les associés ou membres doivent, en outre, conserver les parts ou actions de cette société ou de ce groupement pendant un délai de cinq ans à compter de la réalisation de l'investissement. A défaut, ils doivent ajouter à leur revenu net global de l'année de la cession le montant des déductions qu'ils ont pratiquées, diminué le cas échéant, dans la proportion de leurs droits dans la société ou le groupement, des sommes déjà réintégrées en application des dispositions du quatrième alinéa.
« II. _ 1. Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 30 000 000 francs ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont été portés, préalablement à leur réalisation, à la connaissance du ministre chargé du budget et que ce dernier, dans un délai de trois mois, ne s'y est pas opposé.
« 2. Ceux des investissements mentionnés au I qui concernent les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques, qui comportent la construction d'hôtels ou de résidences à vocation touristique ou parahôtelière ou sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel ou commercial ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget délivré dans les conditions prévues aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du III ter de l'article 217 undecies.
« III. _ Supprimé .
« IV. _ Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
« II. _ Les dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts sont transférées sous un article 217 undecies nouveau et ainsi modifiées :
« A. _ Au I, dans le premier alinéa, les mots : "ou assujetties à un régime réel d'imposition" sont supprimés et les mots : "au montant total des investissements productifs réalisés" sont remplacés par les mots : "au montant des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'elles réalisent" ;
« A bis . _ Le III bis, le III quater et le IV bis sont abrogés ;
« B. _ Au III ter :
« _ au deuxième alinéa, après les mots : "il est réalisé,", sont insérés les mots : "s'il favorise le maintien ou la création d'emplois dans ce département," ;
« _ au dernier alinéa, dans la deuxième phrase, les mots : "elle entend bénéficier de la déduction fiscale" sont remplacés par les mots : "la déduction fiscale est pratiquée" ;
« C. _ Au V, le mot : "décret" est remplacé par les mots : "décret en Conseil d'Etat".
« III. _ Les dispositions de l'article 238 bis HC du code général des impôts sont transférées sous un article 217 duodecies nouveau et ainsi modifiées : les mots "article 238 bis HA" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies ".
« IV. _ L'article 199 undecies du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. _ Au 1 :
« _ au e du deuxième alinéa, les mots : "article 238 bis HA et réalisées à compter du 1er juillet 1993" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies " ;
« _ au septième alinéa, les mots : "article 238 bis HA et réalisées à compter du 1er juillet 1993" sont remplacés par les mots : "article 217 undecies " ;
« B. _ Le 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de la construction d'un ou plusieurs immeubles ayant fait l'objet d'un seul permis de construire dont le prix de revient est supérieur à 30 000 000 francs ou de l'acquisition de logements situés dans de tels immeubles. »
« IV bis. _ Dans le 3 de l'article 223 L du code général des impôts, la référence : "238 bis HA" est remplacée par la référence : "217 undecies ".
« V. _ Les dispositions qui précèdent sont applicables aux investissements réalisés ou aux souscriptions versées à compter du 15 septembre 1997, à l'exception :
« 1° Des investissements et des souscriptions pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant cette date ;
« 2° Des immeubles ayant fait l'objet avant cette date d'une déclaration d'ouverture de chantier à la mairie de la commune ;
« 3° Des biens meubles corporels commandés, mais non encore livrés au 15 septembre 1997, si la commande a été accompagnée du versement d'acomptes égaux à 50 % au moins de leur prix. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je veux dire quelques mots sur un débat bien connu.
Dans un quotidien, j'ai lu récemment une phrase qui m'a paru très significative à propos de nos départements et de nos territoires d'outre-mer, ou du moins de la plupart d'entre eux : « Dans ces îles rattachées à la France, et où il n'y a presque plus aucune autre richesse que le tourisme, les charges sont celles d'un pays riche au nom de l'égalité des droits, alors que le niveau de production est celui d'un pays pauvre. » Cela me semble décrire assez bien la situation économique et sociale difficile de l'outre-mer français.
Dans ces conditions, mes chers collègues, est-il bienvenu de limiter les effets économiques favorables du dispositif dit de la loi Pons tel qu'il a été rectifié, d'ailleurs plutôt opportunément, en 1992 ? Est-il souhaitable de diminuer l'efficacité d'investissements qui, s'agissant seulement des projets agréés par l'administration, ont représenté, en 1996, 5,6 milliards de francs ? Est-il opportun, sous le prétexte de poursuivre une illusoire moralisation, de préférer une logique d'assistance et de subvention à une logique d'incitation économique ?
Je m'arrête là s'agissant de l'enjeu politique important de ce dont nous allons débattre, c'est-à-dire de l'opportunité - qu'il y a lieu, me semble-t-il, de conserver - de maintenir un régime efficace d'incitation à l'épargne privée pour l'investissement productif d'emplois en outre-mer. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rarement débat aura été aussi mal engagé que celui auquel nous assistons depuis quelques semaines sur le régime d'aide fiscal à l'investissement outre-mer.
Il est mal engagé parce que lancé avec précipitation, sans concertation avec les élus représentant les populations concernées, sans bilan sérieux du dispositif mis en cause et sans études prospectives permettant de bien mesurer l'impact des réformes proposées.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Claude Lise. Le débat est mal engagé parce que d'emblée pollué par une campagne de presse lamentable au cours de laquelle on a vu l'à-peu-près prendre le pas sur le précis, le supposé sur le confirmé, l'accessoire sur le principal, l'apparence sur la réalité.
Dans cette campagne de presse, on a vu surtout le parti pris de capter démagogiquement les faveurs de l'opinion l'emporter, et de loin, sur l'analyse objective et le souci d'informer.
M. Roland du Luart. Vous avez tout à fait raison !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Claude Lise. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'on en soit vite arrivé à une situation de blocage entre ceux pour qui la loi de défiscalisation est avant tout un remarquable outil de développement économique pour l'outre-mer et ceux pour qui elle n'est guère autre chose qu'un méprisable instrument d'évasion fiscale.
J'ai pour ma part le plus grand mal à me situer dans cette logique manichéenne.
Je refuse en effet, vous l'avez compris, d'avaliser un certain nombre de critiques sommaires et de clichés faciles.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Je trouve en particulier assez lamentable que l'on essaie de tout ramener aux histoires de bateaux de plaisance utilisés comme de véritables armes médiatiques !
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Mais, pour autant, je ne suis pas un panégyriste du régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Je n'ai jamais considéré que celui-ci pouvait constituer la réponse à la situation de mal-développement des départements et territoires d'outre-mer, une situation qui appelle en fait la mise en oeuvre de véritables plans globaux de développement ainsi que d'indispensables réformes institutionnelles.
Par ailleurs, j'ai toujours tenu un discours très clair et très ferme sur la nécessité de prévenir et de combattre les abus de toute sorte.
J'ai fait partie de ceux qui, en 1991, à la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont réclamé l'envoi d'une mission parlementaire dans les DOM, et j'ai pris une part active aux débats qui se sont engagés par la suite pour assainir et en même temps améliorer le régime d'aide fiscale.
C'est dire, vous en conviendrez, que je peux difficilement me laisser impressionner par les donneurs de leçons en la matière, surtout lorsque, chez eux, l'éthique entretient des relations par trop douteuses avec le médiatique. C'est dire aussi que j'ai du mal à admettre, au niveau des administrations compétentes, qu'on ne mette pas plus d'ardeur à prévenir les abus qu'à les dénoncer, en utilisant plus efficacement les moyens donnés par la loi depuis 1991.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je ne peux rien proposer d'autre que de vous inviter à participer à l'indispensable déblocage de la situation que nous connaissons. Ce déblocage est possible.
Il l'est à condition de regarder la vérité en face et de privilégier l'intérêt bien compris des populations concernées.
Que constate-t-on si l'on accepte d'adopter ce point de vue ?
On constate que, incontestablement, le dispositif incriminé draine outre-mer un très important flux d'investissements, et ce dans de nombreux secteurs qui en ont le plus grand besoin.
On constate encore que personne ne peut dire sérieusement, à l'heure actuelle, combien d'emplois durables sont ainsi générés ; personne ne peut dire sérieusement où en seraient, à défaut, les taux de chômage outre-mer, et personne non plus ne peut dire sérieusement quelles seraient les conséquences d'une modification brutale du système actuel, alors même qu'aucun dispositif « alternatif » n'a été prévu et que l'appareil bancaire et financier demeure outre-mer toujours aussi peu attractif et aussi peu incitatif pour le monde de l'entreprise.
La conclusion paraît claire : on ne peut, pour économiser 200 millions de francs cette année, prendre le risque de déstabiliser gravement des économies que l'on sait particulièrement fragiles.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Claude Lise. Et le risque, il existe avec l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. L'expérience du terrain m'en donne la conviction, plus encore que ce que laissent entrevoir les statistiques, à savoir que 90 % des investissements sont directement concernés par ce qui est remis en cause, et plus encore dans les domaines de l'industrie, de la pêche et de l'artisanat que dans ceux de l'hôtellerie ou de la plaisance.
Alors, que faire en définitive ?
Il faut, d'une part, et je rejoins là la préoccupation du Gouvernement et de notre commission des finances, procéder à une évaluation approfondie du dispositif de défiscalisation pour sortir des incertitudes actuelles, mais aussi et surtout pour permettre d'engager un véritable débat de fond sur le problème du financement du développement dans les départements et territoires d'outre-mer.
Il faut d'autre part, en attendant, ne prendre, selon moi, aucun risque inconsidéré, sans pour autant se priver de la possibilité de se doter des moyens de mieux prévenir les abus et de mieux recentrer la loi sur sa vraie finalité : la création d'emplois pérennes outre-mer ! Il suffit pour cela d'instituer un minimum de contrôles efficaces qui font actuellement défaut. Je vous présenterai tout à l'heure des amendements répondant à ces différentes préoccupations.
J'espère, mes chers collègues, que notre assemblée, en les discutant, montrera son souci de trouver une issue à l'impasse actuelle. Ce faisant, elle prouvera qu'elle ne méconnaît ni les réalités, ni les problèmes, ni les attentes de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Notre collègue, M. Lise, vient de faire un exposé extrêmement complet. Je serai d'autant plus bref que je partage quasiment tous les propos qu'il vient de tenir.
S'agissant de mon territoire, la loi Pons est progressivement devenue, depuis une dizaine d'années qu'elle est appliquée, un instrument indispensable à son développement,...
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Daniel Millaud. ... complétant les conventions passées avec l'Etat.
Il ne faut pas oublier le départ du Centre d'expérimentation du Pacifique, avec ses conséquences économiques négatives, et l'importance de la démographie en Polynésie française, dont la moitié de la population est âgée de moins de 25 ans, ce qui pose un grave problème d'emploi.
La loi de défiscalisation aura permis la création, et cela en moins de trois ans, de plus de 1 500 emplois, maintenant le taux de chômage en dessous de 12 %.
Les investissements ont permis de moderniser la compagnie aérienne locale Air Tahiti, dont la flotte est composée d'avions français achetés en France, et d'augmenter la capacité hôtelière. Ce sont donc là deux éléments importants dans le secteur du tourisme.
Il ne faut pas oublier, bien entendu, le tourisme de croisière, ni la pêche hauturière, dont le développement est assuré par les marchés du Pacifique, notamment le Japon.
Il ne faut pas oublier non plus les effets induits, en particulier l'artisanat et la modernisation des secteurs du bâtiment et des travaux publics, avec l'augmentation des personnels employés. Alors, qu'il y ait un contrôle administratif en cours d'exécution, sans omettre une procédure d'agrément, cela est normal. Mais on ne va quand même pas empêcher des Français d'investir en France car, jusqu'à preuve du contraire, mon territoire est une partie de la France !
M. Charles Pasqua. En effet, la Polynésie, c'est la France !
M. Daniel Millaud. Je pense notamment à ceux qui ont déjà pris leur décision sur le fondement d'un texte libéral. Je vous rappelle que le Conseil économique et social a considéré qu'il était indispensable de maintenir les dispositions de la loi Pons portant défiscalisation des investissements, et cela pendant encore au moins dix ans. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Après avoir écouté M. Claude Lise, je me demande s'il reste encore quelque chose à ajouter ! Il a fait une analyse particulièrement pertinente et approfondie, tout comme MM. Millaud et Marini.
Le débat que nous avons aujourd'hui me rappelle celui d'hier. Nous traitions des incitations fiscales pour le développement de notre flotte et la présence de la France sur les mers du globe.
Nous avons connu une décroissance tout à fait considérable, sur laquelle je ne reviendrai pas : quatrième puissance industrielle et commerciale, la France est maintenant tombée à la vingt-huitième place s'agissant des flottes de commerce.
Y a-t-il un lien entre les deux ? A l'évidence oui. L'action que nous menons dans les départements d'outre-mer et celle que nous menons sur les mers ont un lien : la fiscalité.
Cela nous conduit à un problème important d'action politique : comment aider un certain nombre de territoires ? Quels moyens utiliser ? Quel système choisir ? Faut-il préférer celui de la subvention, dont on pense pouvoir mieux contrôler les effets, à celui de l'incitation fiscale, qui aboutit à drainer une épargne, à susciter un acte volontaire de ceux qui veulent investir et développer un territoire donné ? Je l'ai dit hier et je le répète : l'incitation fiscale est un acte positif, dynamique, actif, alors que la subvention est un acte passif, étatiste, qui, à mon avis, n'aura jamais les mêmes effets que l'incitation fiscale.
Depuis dix ans - vous l'avez dit, mon cher collègue Lise - cette loi Pons est pour certains un épouvantail. Pourtant, elle a eu un succès formidable. Jamais nos départements d'outre-mer ne se seraient développés si ce dispositif n'avait permis de drainer des milliards de francs d'investissements dans ce domaine.
On le sait, au coeur d'une large partie de ce dispositif, il y a l'agrément du ministère des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, on revient au même problème que la dernière fois : si l'agrément a été mal utilisé, si les contrôles ont été mal effectués, il faut vous en prendre à vous-même, et non pas au dispositif !
Dans l'évolution de l'économie des départements d'outre-mer, comme d'ailleurs dans celle de l'économie mondiale, que constate-t-on ? Voilà des îles, un peu éloignées de la métropole, dont l'activité essentielle est, et sera, le tourisme, avec tout ce que cette activité génère.
Dans ces départements, la loi Pons a permis de créer, selon l'étude d'Arthur Andersen, près de 100 000 emplois, de multiplier par 114 % les investissements productifs entre 1986 et 1992 et de réduire la baisse des services non marchands de 32 % à 25 %. On pourrait multiplier les exemples !
Bref, sans la loi Pons, jamais les départements d'outre-mer n'auraient pu connaître le développement qu'ils ont connu. Et pourtant, il faut savoir que les chiffres du chômage, cités par nos collègues, sont extrêmement importants.
Que veut-on ? Alors que le Gouvernement ne propose aucune solution de remplacement - et, vous l'avez dit, nous sommes dans la même situation qu'hier pour la flotte marchande - vous voulez supprimer un système que l'amendement de l'Assemblée nationale a totalement « défiguré », si vous me permettez cette expression. Il n'y a pas eu de concertation avant une modification de ce dispositif !
Le groupe du RPR, qui est si attaché à nos départements et à nos territoires d'outre-mer, ne peut que s'élever vigoureusement contre la modification du dispositif - ce sera l'objet des amendements que nous avons déposés - et soutenir tous nos collègues d'outre-mer et de métropole qui défendent le principe d'une action de défiscalisation, laquelle n'a, je le répète, qu'un objectif : drainer une épargne vers nos départements et territoires d'outre-mer pour soutenir leur développement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec une attention très soutenue l'ensemble des intervenants qui viennent de s'exprimer, et notamment M. Lise, qui nous a suggéré d'abandonner toute passion et toute vision manichéenne des choses.
M. Oudin a déclaré que nous voulions supprimer la loi Pons. Il n'en est pas question. Je m'efforcerai de le démontrer dans un instant.
Je vais donc essayer de me livrer à une analyse la plus objective possible en essayant de trouver un régime efficace.
Deux critères nous permettent d'apprécier l'efficacité du dispositif.
Le premier est son impact économique et ses répercussions sur l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer. Ce critère est extrêmement important. Personne ne nie - en tous cas pas le Gouvernement - que le dispositif en vigueur a permis la création d'activités dans les départements et territoires d'outre-mer.
L'autre critère est celui de la justice fiscale.
Je vais examiner successivement ces deux points.
S'agissant du premier, un élément important est à prendre en considération : l'agrément.
Certains d'entre vous ont critiqué le fait que l'administration, dont le Gouvernement est responsable, n'ait pas délivré l'agrément avec la rigueur nécessaire. Je répondrai que, dans les dispositions actuelles, la délivrance de l'agrément n'est pas expressément liée au développement de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer alors que c'était, me semble-t-il, l'objectif recherché par les initiateurs de cette loi.
C'est pourquoi le Gouvernement propose - et je pense qu'il n'y a pas là matière à protestation - que la création ou le maintien de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer figure désormais parmi les critères à prendre en considération pour la délivrance de l'agrément. Cela répond, me semble-t-il, à un souci d'efficacité, que la Haute Assemblée peut partager.
Venons-en à l'aspect de justice fiscale.
Il est certain que les capitaux qui sont investis dans les départements et territoires d'outre-mer ont un impact parfois bénéfique. Mais il faut également considérer le problème sous un autre aspect.
Cette loi permet à des contribuables qui disposent généralement d'un patrimoine et de revenus importants « d'optimiser » le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune en fonction de leurs revenus en les réduisant par l'imputation de déficits importants. Il y a bien plusieurs milliers de contribuables français qui, sous le couvert d'une cause certainement louable, le développement de l'activité et de l'emploi dans les départements et territoires d'outre-mer, s'exonèrent complètement d'impôt sur le revenu ; cette exonération peut atteindre un million de francs.
C'est pourquoi, sans chercher à supprimer la loi Pons, comme je l'ai entendu dire, le Gouvernement entend l'aménager en proposant deux dispositions allant dans le sens de la justice fiscale.
La première consiste à ne plus inclure les subventions dont bénéficient les projets dans la base défiscalisable.
Dès lors qu'est remboursé un investissement à 100 %, il est peut-être inutile d'y ajouter les subventions dont il bénéficie.
La seconde vise à faire en sorte que la faculté qui est toujours ouverte d'exonération d'impôt sur le revenu par le biais de la loi Pons ne rende pas possible, en outre, une exonération d'impôt de solidarité sur la fortune.
Telles sont les mesures limitées que le Gouvernement a proposées, en première lecture, à l'Assemblée nationale.
Que s'est-il passé depuis ?
Dans un premier mouvement, certains ont suggéré que soit institué un plafonnement, en termes de revenus, de l'avantage tiré de la loi Pons. Ce plafonnement aurait porté soit uniquement sur l'avantage lié à la loi Pons, soit sur l'ensemble des réductions d'impôt et déductions du revenu imposable venant d'origines diverses, les dons aux associations, notamment.
Le Gouvernement s'est opposé à cette proposition au nom d'un argument qui, me semble-t-il, a été fort bien développé par M. Lise : l'institution d'un plafonnement de la réduction d'impôt liée à la loi Pons, pouvait compromettre à la fois la réalisation d'investissements dans les départements et territoires d'outre-mer et la création d'emplois. L'Assemblée nationale s'est bornée à voter une disposition qui porte sur les déficits d'exploitation.
J'insiste à l'intention de l'ensemble des membres de la Haute Assemblée sur le fait que l'investissement dans les départements et territoires d'outre-mer, qui font partie de la France, est évidemment libre. Il y est même favorisé puisque les investissements peuvent être entièrement déduits de l'impôt direct, déduction qui n'est pas applicable aux investissements réalisés en d'autres parties de la France.
J'ajoute, par parenthèse, que le Gouvernement ne classe pas les activités économiques dans les départements et territoires d'outre-mer entre activités nobles et activités moins nobles : le tourisme et le tourisme de croisière sont des activités tout aussi valables que d'autres, dès lors qu'elles sont créatrices d'emplois.
L'Assemblée nationale a donc proposé, dans l'hypothèse où des investissements auraient un résultat malheureux, que les déficits d'exploitation ne puissent être déduits que de bénéfices effectués dans le même domaine. C'est ce que, en jargon, on appelle la « tunnellisation ».
Le Gouvernement ne s'est pas opposé à cette proposition, qui lui semble aller dans le bon sens.
M. Jacques Oudin. Elle va dans le mauvais sens !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le bon sens, monsieur Oudin, c'est d'encourager des investissements efficaces et rentables dans les départements et territoires d'outre-mer !
Voilà ce que je voulais dire en réponse aux différents intervenants. J'espère l'avoir fait de manière objective.
M. le président. Par amendement n° I-41, M. Marini propose :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte présenté par l'article 14 pour l'article 163 tervicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « subvention publique » par les mots : « subvention de l'Etat ».
II. - Dans le A du II de cet article, de procéder à la même modification.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement porte sur un élément technique du dispositif, à savoir la prise en compte des subventions dans la base fiscale.
Je suggère, par cet amendement, que ne soient exclues de la base fiscale que les subventions de l'Etat, dans la mesure où il faut inciter les entreprises françaises, les initiateurs de projets à obtenir des subventions de l'Union européenne.
En effet, celles-ci obéissent à des règles différentes des nôtres. Il me semble que l'emboîtement du dispositif de la loi Pons avec les procédures européennes risque de créer un imbroglio technique inextricable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ainsi que l'auteur de l'amendement le sait, puisqu'il est un membre très éminent de la commission des finances, celle-ci n'a pas émis un avis favorable sur son amendement.
En effet, la commission souhaite que le dispositif de la loi Pons soit préservé pour soutenir l'économie des départements et territoires d'outre-mer et elle craint que l'adoption de cet amendement ne nuise à la logique qu'elle a adoptée.
C'est la raison pour laquelle je demande à mon collègue Philippe Marini de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une autre raison.
Je ne vois pas l'intérêt de cumuler deux aides publiques : l'incitation fiscale, qui est le coeur de la loi Pons, et une subvention qui émanerait soit des collectivités locales soit de l'Union européenne. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on ferait un sort particulier aux subventions de l'Etat.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-41 est retiré.
Par amendement n° I-26, M. du Luart propose, dans le 1 du II du texte présenté par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies du code général des impôts de remplacer les mots : « est supérieur à 30 000 000 F » par les mots : « est supérieur à 10 000 000 F ».
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Cet amendement, que j'ai l'honneur de défendre en tant que rapporteur spécial de l'outre-mer, a pour objet d'abaisser de 30 millions de francs à 10 millions de francs le seuil à partir duquel un agrément doit être délivré pour rendre l'investissement éligible à l'aide fiscale.
En effet, le dispositif de moralisation qui a été introduit depuis 1991 avec l'institution d'un mécanisme d'agrément délivré par les services de la direction générale des impôts constitue une véritable garantie pour la transparence et le contrôle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur cette aide fiscale essentielle au développement économique et social de l'outre-mer.
Tout à l'heure, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat. Sans être en totale contradiction avec vous, je voudrais souligner, après ce qu'ont dit M. Lise et nombreux autres collègues, que l'ajout de l'Assemblée nationale va couper le fameux effet de levier fiscal de la loi.
Je peux comprendre vos raisons, mais n'oubliions pas que la loi Pons ne sera en vigueur que jusqu'en 2001. Le procédé, dit de « tunnelisation », introduit par l'Assemblée nationale, risque de tarir l'investissement, ce que nous voulons éviter.
Le texte qui figurait dans le projet de loi de finances initial était meilleur que celui qui sort de l'Assemblée nationale. Nous ne voulons pas critiquer nos collègues députés - ils sont libres d'amender comme ils le veulent - mais je pense qu'ils n'ont pas mesuré à quel point on peut oeuvrer contre l'outre-mer. Ici, sur différentes travées, nous sommes nombreux à comprendre le problème, et nous souhaitons éviter les à-coups. Si vous introduisez des modifications dans le système actuel, veillez à ce qu'il reste favorable à l'investissement en outre-mer. Ne restons pas avec un système vidé de sa substance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Non seulement la commission des finances ne craint pas l'agrément mais encore, elle le croit utile, ...
M. Roland du Luart. Bien sûr !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ...car il manifeste avec force ce dont chacun est au demeurant convaincu, à savoir que ce dispositif fiscal présente un grand intérêt pour l'économie des départements et territoires d'outre-mer.
En proposant d'abaisser le seuil au-delà duquel l'agrément est nécessaire, notre collègue M. du Luart permet au législateur de montrer sa volonté de voir les contribuables se soumettre à un contrôle quant à l'investissement qu'ils envisagent de réaliser outre-mer pour bénéficier du régime fiscal afférent à ce type d'investissement.
La commission des finances émet donc un avis extrêmement favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur du Luart, votre amendement va, à l'évidence, dans le sens de ce que propose le Gouvernement puisque celui-ci a souhaité préciser la procédure de l'agrément en introduisant une condition relative au maintien ou à la création d'emplois dans les départements concernés.
Le Gouvernement avait retenu le seuil de 30 millions de francs, de façon à limiter le nombre de projets à examiner. Si vous souhaitez que le contrôle effectué par les services des ministères des finances et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer soit élargi, et donc encore plus strict, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. De toute façon, il s'agit bien de conditionner l'agrément à l'intérêt de l'investissement au regard de l'emploi.
Je ne saurais être défavorable à votre amendement dans la mesure où il vient s'ajouter au dispositif proposé par le Gouvernement.
MM. Michel Charasse et Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Roland du Luart. Les grands esprits se rencontrent !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-26.
M. Rodolphe Désiré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole et à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. En vérité, c'est la réponse de M. le secrétaire d'Etat à M. Marini qui me conduit à prendre la parole, car elle a accentué mes inquiétudes.
La plupart des opérations d'investissement lourd qui ont été menées dans les départements d'outre-mer ont été aidées à la fois par des fonds publics nationaux et par des fonds européens. Je suis bien placé pour le savoir, étant maire d'une petite commune qui, en 1990, a décidé de construire un port de plaisance, qui a fait l'objet d'une concession à une société, laquelle peut demander à bénéficier d'aides publiques nationales et de fonds européens.
Or, si j'ai bien compris, la « subvention publique » dont il est ici question peut correspondre aussi bien à une subvention nationale qu'à une subvention européenne.
Permettez-moi de vous dire mon inquiétude, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les conditions dans lesquelles a été envisagée cette nouvelle modification de la loi Pons.
S'il fallait résumer en une image la situation actuelle dans les départements d'outre-mer, je dirais qu'on pourrait planter sur chacun d'eux cet écriteau : Danger ! Explosif .
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Rodolphe Désiré. En effet, le chômage touche plus de 40 % de la population active à la Réunion, ce taux avoisinant 30 % à la Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique.
Cela veut dire que les efforts consentis par les collectivités locales et l'Etat depuis les années quatre-vingt pour améliorer la situation économique de ces territoires, qui n'ont pas achevé leur mutation, entre une économie de plantation et de monoculture et une économie plus moderne, n'ont pas encore porté leurs fruits.
En matière de développement économique, la loi de défiscalisation, depuis 1986, a constitué l'essentiel de la mobilisation des fonds privés locaux et nationaux. Elle doit donc être manipulée avec précaution !
Rappelons que, pour la période s'étalant de 1994 à 1999, les chiffres relatifs aux investissements productifs publics dans les DOM se répartissent de la façon suivante : 8 milliards de francs au titre du XIe plan et 11 milliards de francs au titre des fonds structurels. Dans la même période, l'investissement privé, lié pour l'essentiel à la défiscalisation prévue par la loi Pons, laquelle a été modifiée au moins cinq fois - on pourrait l'appeler la loi Pons-Richard-Méhaignerie - est estimé à plus de 25 milliards de francs, si l'on prend pour référence le chiffre de 5,6 milliards de francs fourni par le ministère des finances pour 1996.
L'Assemblée nationale, sans s'appuyer sur une enquête parlementaire approfondie, a adopté un principe dit de « tunnellisation ». Il semble que, en cela, elle ait été plus guidée par un souci de moralisation que par celui de renforcer l'efficacité de la défiscalisation outre-mer.
En l'occurrence, il faut se méfier de ce qu'un grand économiste appelle la « loi des conséquences contraires aux souhaits et aux prévisions ».
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Rodolphe Désiré. Si cette disposition est maintenue, c'en sera fini des investissements outre-mer dans l'hôtellerie, le tourisme, les transports, les énergies nouvelles, qui seraient touchés à 80 %. Autrement dit, ce serait la mort douce mais certaine de l'investissement privé dans les départements et territoires d'outre-mer. (MM. Marini et Oudin font un signe d'acquiescement.)
Ainsi, dans le secteur de l'hôtellerie, le mouvement de délocalisation des grands groupes privés français - ACCOR, Pierre et Vacances, Nouvelles Frontières et bien d'autres - qui s'était déjà amorcé vers Cuba, Saint-Domingue et dans la Caraïbe anglophone, est en train de s'accélérer.
Il faut dire que, d'ores et déjà, la nouvelle remise en cause de la loi de défiscalisation par l'Assemblée nationale, malgré l'arbitrage du Premier ministre, a provoqué une énorme crise de confiance de la part des investisseurs privés dans les départements d'outre-mer, d'autant qu'aucune proposition pouvant se substituer au système actuel n'a été faite jusqu'à présent.
M. Roland du Luart. C'est tout le problème !
M. Rodolphe Désiré. Telle est la raison pour laquelle il faut, selon moi, éviter de précipiter cette « chronique d'une mort annoncée » de l'économie des départements d'outre-mer, et c'est dans cette esprit que je voterai tous les amendements qui permettront de revenir au texte initial du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques travées socialistes ainsi que sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que l'amendement n° I-26, qu'a présenté M. du Luart, et qui a recueilli l'accord de la commission des finances, montre à tous les détracteurs du Sénat - et Dieu sait s'ils sont nombreux à l'heure actuelle, à tous les horizons ! - que le Sénat travaille sérieusement.
Quel est, en effet, notre objectif ? Il s'agit de maintenir un courant d'investissement pour aider les départements et territoires d'outre-mer à créer non seulement des emplois mais aussi des activités concurrentielles, de telle sorte qu'ils participent au développement économique mondial.
En abaissant le seuil de l'agrément, l'amendement de M. du Luart a le gros avantage de nous prémunir contre un certain nombre d'incidents déplorés dans le passé, liés à des investissements relativement modestes générateurs d'une déduction fiscale importante sans être pour autant nécessairement porteurs d'un effet économique sensible.
C'est la preuve que l'amendement présenté au Sénat répond aux préoccupations exprimés par MM. Millaud, Lise et Désiré : conforter ce courant d'investissement indispensable pour lutter contre les problèmes de chômage et de sous-activité dans les départements d'outre-mer et en Polynésie française.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en répondant tout à l'heure aux orateurs, vous avez d'abord affirmé la nécessité de maintenir ce courant d'investissement, quitte à trouver un certain nombre de dispositifs plus efficaces. Cela nous convient parfaitement.
Vous avez, par ailleurs, évoqué le souci de justice fiscale. Mais comment favoriser l'investissement, sinon en incitant ceux qui disposent de capacités financières à investir ? Il est bien évident qu'un dispositif de cette nature avantage ceux qui ont des revenus plus imporants plutôt que ceux qui ont des revenus faibles !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vouloir à tout prix moraliser et établir la justice fiscale, alors qu'il s'agit de stimuler l'investissement par un avantage fiscal, c'est, permettez-moi de vous le dire, se tromper de combat ! C'est avoir une mentalité d'avant 1914 pour essayer de traiter des problèmes de l'an 2000 !
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous soyons unanimes à voter l'amendement de M. du Luart et les amendements suivants, car, dans cette affaire, l'objectif principal est de favoriser le courant d'investissement.
L'objectif de moralisation introduit par nos collègues de l'Assemblée nationale n'est pas ici à sa place. Il y a, dans la société française, bien d'autres domaines où l'on peut exercer sa volonté de moraliser, avant de couper un système d'alimentation de l'investissement nécessaire à l'outre-mer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Désiré, je vous ai écouté attentivement. Nous aurons l'occasion d'évoquer, dans quelques instants, la disposition introduite par l'Assemblée nationale.
S'agissant des subventions publiques, il est clair que les aides de l'Union européenne sont les bienvenues dans les départements et territoires d'outre-mer : les collectivités locales, les investisseurs et l'Etat doivent donc chercher non seulement à les préserver mais encore à les accroître.
Il ne s'agit pas de déduire ces aides de l'investissement qui est réalisé sur place ; il s'agit de faire en sorte qu'elles ne soient pas prises en compte dans les demandes d'exonération fiscale des contribuables concernés.
Par exemple, si un investissement de 1 million de francs réalisé dans un département ou un territoire d'outre-mer est financé à hauteur de 800 000 francs par des contribuables bénéficiant de la loi Pons et à hauteur de 200 000 francs par l'Union européenne, jusqu'à présent, les contribuables pouvaient déduire le montant total de l'investissement, c'est-à-dire 1 million de francs.
Le Gouvernement propose, et cela ne relève pas d'un quelconque égalitarisme, monsieur Fourcade,...
M. Jean-Pierre Fourcade. Je n'ai pas parlé d'« égalitarisme » une seconde ! J'ai parlé de « moralisation » !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... ou d'une moralisation, si vous préférez, de ne pas permettre aux contribuables qui veulent bénéficier de la loi Pons, laquelle est et sera maintenue, de ne déduire que leurs propres apports de fonds et non pas, en plus, les aides de l'Union européenne.
Monsieur Fourcade, nous avons le même objectif : développer l'emploi et l'activité dans les départements et territoires d'outre-mer. Mais je ne suis pas sûr que, pour ce faire, il fallait accepter n'importe quoi dans le domaine fiscal.
Je rappelle que le Gouvernement a rejeté l'idée d'un plafonnement qui aurait pu être « traumatisant » pour ces investissements. Ce que propose le Gouvernement me semble raisonnable.
Il n'existe aucune justification pour qu'un contribuable qui réalise un investissement entièrement défiscalisé dans les territoires et départements d'outre-mer échappe ainsi, de surcroît, à l'impôt de solidarité sur la fortune. Une exonération fiscale, c'est bien, deux, c'est peut-être une de trop !
M. Michel Charasse. Bonjour les dégâts !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-26, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-16 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-142 est déposé par MM. de Rohan, Oudin, Mme Michaux-Chevry, MM. Debavelaere, Gélard, Lemaire et les membres du groupe du RPR, ainsi que par MM. de Cossé-Brissac, Darniche et Demilly.
Tous deux tendent à rétablir le III du texte proposé par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies à insérer dans le code des impôts dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1er bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables, sous réserve d'un agrément préalable, aux déficits relatifs aux investissements mentionnés au I et qui proviennent des charges de constitution de l'opération, dans la limite de 15 % du montant de l'investissement, des moins-values de revente des biens d'équipement investis lorsqu'elles résultent de restrictions spéciales à l'amortissement du bien prévues par la réglementation fiscale, des autres pertes d'exploitation réalisées dans les secteurs de l'hôtellerie, du tourisme et des énergies renouvelables.
« L'agrément est délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception par l'administration de la demande. »
L'amendement n° I-16 est assorti de deux sous-amendements.
Le premier, n° I-191, est présenté par MM. Millaud, Lagourgue et Henry.
Il vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° I-16 pour rétablir le III de l'article 163 tervicies du code général des impôts, après les mots : « dans les secteurs » à insérer les mots : « de la pêche, ».
Le second, n° I-209, est déposé par MM. Lagourgue, Lauret et Mme Michaux-Chevry.
Il tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° I-16 pour rétablir le III de l'article 163 tervicies du code général des impôts, après les mots : « du tourisme », à insérer les mots : « , du transport aérien ».
Par amendement n° I-148, MM. Lagourgue, Lauret, Mme Michaux-Chevry et M. Millaud proposent de rétablir le III du texte présenté par le I de l'article 14 pour l'article 163 tervicies à insérer dans le code général des impôts dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de l'exploitation des investissements mentionnés au I et qui ont reçu à cet effet un agrément préalable du ministre chargé du budget, dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception de la demande par l'administration.
« Toutefois, le bénéficiaire de l'agrément doit se soumettre à un contrôle des services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal afin de vérifier si les conditions de la réalisation de l'investissement sont conformes au projet soumis à agrément. En cas de non-conformité des conditions de réalisation de l'investissement avec celles prévues dans le projet initial, le ministre chargé du budget peut procéder à la réduction de l'avantage fiscal. »
Enfin, par amendement n° I-200, MM. Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent, dans le texte présenté par le I de l'article 14 pour insérer un article 163 tervicies dans le code général des impôts, de rétablir le paragraphe III dans la rédaction suivante :
« III. - Les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de l'exploitation des investissements mentionnés au I et qui ont reçu à cet effet un agrément spécifique du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au deuxième aliné du III ter de l'article 217 decies. Si l'investissement n'excède pas 3 000 000 F, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception par l'administration de la demande.
« Toutefois le bénéficiaire de l'agrément doit impérativement se soumettre à un double contrôle.
« Le premier est effectué par les services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal et vise à vérifier si les conditions de réalisation de l'investissement, notamment en ce qui concerne les coûts de construction et des équipements sont conformes à celles contenues dans le projet soumis à agrément.
« Le second est effectué par les services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité dans le courant de la 6e année qui suit l'obtention de l'avantage fiscal et vise à évaluer la réalisation des engagements prix initialement en matière de création d'emplois permanents.
« En cas de non-conformité des conditions de réalisation de l'investissement et de création d'emplois permanents avec celles prévues dans le projet initial, le ministre chargé du budget peut procéder à la réduction ou à la suppression de l'avantage fiscal au titre des deux dernières années d'application du dispositif dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-16.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a essayé de traduire par un amendement l'ensemble des préoccupations qui ont été émises depuis le début de cette discussion.
Notre rédaction, monsieur le secrétaire d'Etat, revient, pour l'essentiel, au dispositif que vous aviez proposé et qui a fait l'objet d'une modification substantielle, trop substantielle, à l'Assemblée nationale.
La commission des finances estime que le Gouvernement ne peut pas échapper à la responsabilité politique majeure qui lui incombe sur une question comme celle-ci. Il s'agit, en effet, de l'économie de territoires qui ne sont sans doute pas métropolitains, mais qui sont français.
Que l'Assemblée nationale ait voulu introduire des préoccupations de moralisation, comme le rappelait M. Désiré tout à l'heure, pourquoi pas ? Mais lorsqu'on parle de moralisation, mes chers collègues, il faut pousser la réflexion plus loin.
Qu'est-ce que la moralisation ? Cela signifie-t-il que les avantages fiscaux sont immoraux ? Si tel est le cas, supprimons-les ! Nous aurons alors gagné 300 milliards de francs !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au moins !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Personne n'y songe ! Les avantages fiscaux ne sont donc pas immoraux, mais ils doivent être « calibrés » en fonction des besoins de l'économie tels qu'ils ont été estimés.
S'agissant de l'économie des territoires concernés, le « calibrage » de l'avantage fiscal qui a été accordé est-il excessif ? Ce n'est qu'à partir de l'excès que l'immoralité éventuelle pourrait surgir !
Tout à l'heure, nos collègues nous ont alertés sur les dangers économiques et sociaux que présenterait une remise en cause trop importante de ce dispositif fiscal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles que soient les pulsions, que l'on comprend bien, d'une nouvelle majorité, la responsabilité politique du Gouvernement sera majeure dans cette affaire, et c'est le devoir du Sénat de vous le dire.
MM. Jean-Pierre Fourcade et Roland du Luart. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souhaite également vous dire que l'agrément, dont le seuil vient d'être abaissé sur l'initiative de notre excellent collègue Roland du Luart - il connaît bien le sujet puisqu'il est rapporteur spécial de ce budget - est la preuve, s'il en était besoin, de notre souci de faire en sorte que l'épargne soit investie dans des conditions qui soient contrôlées et qui ne fassent l'objet d'aucune discussion ultérieure sur la moralité de l'investissement concerné.
Par conséquent, on ne pourra pas imaginer un instant - M. le président Fourcade l'a dit mieux que moi tout à l'heure - que le Sénat a voulu, sous une forme ou sous une autre, favoriser des déductions fiscales qui seraient immorales.
Il faut, dans ce domaine comme dans tous les autres, mes chers collègues, assumer pleinement nos responsabilités !
Curieuse société, au fond, quand on y songe, que cette société de fin de siècle. Elle est pour l'emploi, mais elle prélève toujours plus sur les entreprises. Elle est pour la suppression de toutes les niches fiscales mais, en même temps, il faut impérativement soutenir l'initiative économique là où c'est indispensable.
N'ayons pas peur ! Assumons nos responsabilités !
M. Roland du Luart. Vous avez raison !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Si l'économie de ces territoires doit être soutenue, soutenons-là, en ayant le sentiment de faire ce qui est le devoir de la France et ne nous laissons pas intimider, j'allais dire diaboliser, par des pulsions un peu égalitaires et qui sont peut-être liées à l'ivresse d'une nouvelle élection. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, au fond, ce qui compte, c'est l'emploi qui sera préservé sur ces territoires. Tel est l'esprit qui sous-tend l'amendement que la commission des finances m'a demandé de proposer au Sénat cet après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Millaud, pour défendre le sous-amendement n° I-191.
M. Daniel Millaud. Nous proposons d'ajouter le secteur de la pêche s'agissant de la possibilité de déduire du revenu global net des investisseurs les déficits non professionnels, comme le prévoit actuellement la loi sur la défiscalisation dans les DOM-TOM.
Dans les territoires d'outre-mer, en particulier dans le mien, la pêche traditionnelle ne durait qu'une journée. La pêche hauturière est un phénomène très récent. On commence à lancer la construction de chalutiers qui partent pendant plusieurs jours.
Or, comme vous le savez, mes chers collègues - je m'adresse en particulier à ceux qui sont justement de secteurs, j'allais dire « pêcheurs », de nos côtes de l'hexagone - les chalutiers nécessitent plusieurs années d'amortissement et, quelquefois, les déficits sont importants.
Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, dans le Pacifique, nous sommes sûrs que, une durée relativement longue, nous pourrons assurer des marchés. Mais, en attendant, la durée d'amortissement sera effectivement très importante.
C'est la raison pour laquelle, avec plusieurs de mes collègues, nous demandons au Sénat d'adopter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, pour défendre le sous-amendement n° I-209.
M. Pierre Lagourgue. Ce sous-amendement a pour objet de faire entrer le secteur du transport aérien dans le champ d'application de la loi Pons.
L'investissement dans ce secteur se caractérise par une durée d'amortissement longue et des pertes d'exploitation souvent très lourdes.
C'est pourquoi, afin de ne pas pénaliser le développement de ce secteur outre-mer - développement nécessaire, compte tenu de la configuration géographique et de l'éloignement des DOM-TOM - il apparaît indispensable de permettre aux contribuables qui investissent dans le domaine du transport aérien de bénéficier pleinement de la loi Pons.
Je me permettrai de citer un exemple que je connais bien, et je dois remercier ici notre collègue Michel Charasse, qui était à l'époque ministre du budget et à qui je m'étais adressé afin d'obtenir une défiscalisation pour le premier appareil d'une compagnie régionale que nous avions créée à la Réunion, Air Austral. Alors que ses services avaient donné un avis négatif, il nous a réservé un accueil favorable.
Cette compagnie qui, je le rappelle, a été créée en 1990, a pu acheter trois appareils dont le dernier vient d'arriver. Elle dessert tout l'océan Indien : Madagascar, l'Ile Maurice, les Seychelles, Mayotte, l'Afrique du Sud, l'Afrique orientale, etc. Elle a créé cent cinquante emplois et elle économise beaucoup de devises, puisque, autrefois, les passagers étaient transportés par des compagnies étrangères.
Voilà ce que je voulais simplement dire en espérant, mes chers collègues, que vous serez persuadés de la nécessité d'accepter cet amendement, car nous avons encore besoin de nous étendre vers l'est et vers l'ouest, beaucoup plus loin.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Jacques Oudin. Tout à l'heure, le débat s'est porté à un niveau qui convenait, lorsque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général ont parlé de moralisation et de justice.
Pour ma part, je voudrais quand même vous poser une question, monsieur le secrétaire d'Etat. Quand vous parlez de moralisation ou de justice, de quoi s'agit-il ? Uniquement de fiscalité ou également d'économie ?
Est-il moral, est-il juste de laisser les départements d'outre-mer à l'arrière-plan en matière de développemnt économique ?
Est-il moral, est-il juste que ces départements connaissent des taux de chômage de 35 %, sachant qu'ils sont en train de changer de structure économique, comme l'ont excellement dit nos collègues MM. Lise et Désiré, passant d'une économie de monoproduction et de plantation à une économie diversifiée ?
Croyez-vous que l'on pourra faire de ces départements, dont l'espace est restreint, des pôles agricoles, des pôles industriels ? Non ! Ils seront essentiellement des pôles de tourisme, des pôles de pêche où les transports - je rejoins là notre collègue - seront importants. L'Etat a-t-il les moyens financiers d'assumer totalement ce développement à coup de subventions ?
J'ai eu le privilège - ou la difficulté - voilà quelques années, de rédiger un rapport à la demande du Premier ministre sur le développement de la Corse. Sans vouloir à nouveau mettre en avant ce problème, je crois que l'on a vu là la limite de l'efficacité économique des subventions publiques. (M. Charasse fait un signe d'approbation.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, le système dit de la loi Pons - je regrette profondément qu'au fil des ans, par médias interposés et démagogie renforcée, on l'ait diabolisé - était un système d'incitation fiscale - M. le rapporteur général l'a fort bien décrit - tendant à inciter l'épargne privée des particuliers à s'investir dans des projets économiques de ce secteur dans les zones attractives des départements d'outre-mer.
Dans la rédaction initiale de cet article, le Gouvernement avait pour seul objectif d'encadrer plus strictement certains aspects du régime, en conservant l'essentiel du dispositif. C'est à la suite des débats à l'Assemblée nationale qu'un élément essentiel de la loi Pons a disparu, ou plutôt qu'une contrainte inacceptable a été introduite, celle de la « tunnelisation » forcée, c'est-à-dire le fait que les particuliers ne pourront déduire les déficits de leurs revenus que s'ils exercent une activité professionnelle et si les déficits correspondent à cette activité professionnelle.
Or, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, les particuliers non professionnels sont à l'origine de la quasi-totalité des investissements réalisés dans les départements d'outre-mer.
Conserver le texte de l'Assemblée nationale équivaudrait, comme l'ont dit certains de mes collègues, à la mort programmée du courant d'investissement et d'épargne qui s'oriente vers ces départements d'outre-mer.
Cet amendement n° I-142 qui est identique, d'ailleurs, à celui de la commission des finances, tend à rétablir ce que je considère comme étant l'équité et la moralisation de l'action de la métropole en faveur de ses départements d'outre-mer.
Leur économie est fragile : si vous la traitez de façon aussi légère, nous sommes sûrs du résultat, à savoir le décrochage économique et le maintien, voire l'augmentation du taux de chômage. Nous n'en voulons pas !
C'est la raison pour laquelle nous sommes tous unanimes, au moins au sein de la majorité sénatoriale, pour défendre cet amendement.
J'ajouterai d'ailleurs que, pour ma part, je voterai les deux sous-amendements concernant la pêche et les transports, qui viennent d'être défendus par nos collègues.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, pour défendre l'amendement n° I-148.
M. Pierre Lagourgue. Je ne rappellerai pas les raisons - elles viennent d'être exposées - qui avaient conduit à l'adoption de la loi Pons, c'est-à-dire à remédier au retard économique et aux très lourds handicaps structurels des DOM, et de l'outre-mer en général.
Aujourd'hui, je m'élève contre une disposition votée par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de son rapporteur ; je tiens à le souligner, car le Gouvernement n'avait pas envisagé une solution aussi extrême dans le projet de loi qu'il avait déposé devant le Parlement.
C'est d'ailleurs le texte proposé par le Gouvernement que je reprends presque intégralement dans mon amendement ; ce texte avait fait l'objet d'un arbitrage du Premier ministre le 20 septembre dernier.
En supprimant la possibilité de déduire du revenu net global les déficits qui relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, les députés de la majorité ont, en fait, supprimé le levier le plus efficace pour attirer les fonds privés. Je crains qu'ils n'aient pas bien mesuré la portée de leur action.
Les investissements agréés en 1996 ont permis la création de 1 850 emplois directs ; la quasi-totalité a pu l'être grâce au dispositif permettant la déduction des déficits industriels et commerciaux non professionnels. On imagine les conséquences désastreuses sur l'économie et sur l'emploi dans les DOM qu'aurait la suppression votée par l'Assemblée nationale.
A la baisse inéluctable des investissements correspondra une diminution des emplois, ce qui est inacceptable pour nos départements d'outre-mer, si durement atteints par le chômage : 40 % de la population active est sans emploi à la Réunion. Prendrons-nous la responsabilité d'aggraver ce triste record ?
Nous proposons donc de rétablir, comme l'avait initialement suggéré le Gouvernement, l'attrait du dispositif, en y ajoutant, parallèlement à la procédure d'agrément, comme l'ont réclamé M. le secrétaire d'Etat et M. Lise, un contrôle a posteriori de la réalité de l'investissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'économie des départements d'outre-mer est très fragile ; ne la brisons pas et prenons enfin conscience de la situation désespérée de nos compagnons d'outre-mer, qui méritent autant, si ce n'est plus, que ceux de métropole, que l'on se préoccupe de juguler le chômage qui les frappe.
M. le président. La parole est à M. Lise, pour présenter l'amendement I-200.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tout ce qui vient d'être dit mais je souhaite insister sur le fait que les secteurs qui seront touchés sont, outre l'hôtellerie qui a très souvent été évoquée, l'industrie, la pêche, l'agriculture, le bâtiment, l'artisanat et les énergies nouvelles. Pour en être convaincu, il suffit de se reporter aux chiffres figurant à la page 10 du rapport de la direction générale des impôts : ils sont éloquents.
Le système de « tunnélisation » est préjudiciable à court terme à l'outre-mer, ce qui est dangereux. Je le dis d'autant plus aisément que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure dans mon intervention, je ne suis pas un partisan farouche du dispositif de la loi Pons.
La famille politique à laquelle j'appartiens attend, depuis plusieurs années, un véritable plan global de développement qui recouvre de très nombreux aspects, dont l'un a trait au soutien à l'investissement productif. Mais ce plan ne doit pas être élaboré par un quelconque cabinet à Paris ; il doit faire l'objet d'une concertation avec les élus locaux.
J'avoue que cette surdité à laquelle nous nous heurtons depuis très longtemps aura de graves conséquences en termes de RMI. Vous connaissez déjà le montant des crédits qui y sont affectés. Or ces crédits proviennent de l'argent des contribuables et ne sont guère productifs.
Par ailleurs, d'un point de vue politique, si cette surdité persiste, vous entendrez, dans très peu de temps, d'autres intervenants que ceux qui se sont exprimés ici ce soir. Ce phénomène a déjà commencé à l'Assemblée nationale ; peut-être ne s'est-on pas encore très bien aperçu de ces changements. Nous sommes peut-être les derniers à pouvoir venir discuter et négocier comme nous le faisons. Peut-être négocierons-nous, ensuite, sur d'autres bases.
Le système comporte un risque. Je pourrais, bien sûr, soutenir les propositions présentées par mes collègues, mais je suis convaincu qu'elles ne seront pas adoptées à l'Assemblée nationale compte tenu de l'ambiance actuelle, à la suite de la campagne de presse qui a été menée, et de tout ce que j'ai entendu.
Nous devons attendre la conclusion des études avant de modifier le dispositif puis d'en instaurer un nouveau plus global et négocié à long terme. En attendant, il nous faut instituer des contrôles pour répondre à un souci de moralisation.
Je propose donc qu'un contrôle soit effectué par les services fiscaux dans le courant de la deuxième année qui suit l'obtention de l'agrément fiscal afin d'éviter les surfacturations. De nombreux abus ont été commis mais nul n'en parle.
Par ailleurs - et je sais que c'est beaucoup plus difficile à admettre par nombre d'entre vous - en l'état actuel des choses, il est préférable d'accepter un second contrôle par les services du ministère de l'emploi et de la solidarité dans le courant de la sixième année qui suit l'obtention de l'avantage fiscal plutôt que de revenir à l'amendement Migaud dont les conséquences risquent d'être catastrophiques.
Ce contrôle permettra d'évaluer la réalisation des engagements pris initialement en matière de création d'emplois car la loi a bien pour finalité la création d'emplois.
Il ne s'agit pas du tout de proposer des pénalités automatiques, dès lors que la situation au regard de l'emploi n'a pas été exactement celle qui était prévue. En fait, je propose que le secrétariat d'Etat au budget ait la possibilité d'effectuer une étude pour évaluer la situation et constater les abus éventuels.
Si trop d'abus sont constatés, je propose que le secrétaire d'Etat au budget puisse procéder à la réduction ou à la suppression de l'avantage fiscal au titre des deux dernières années du dispositif. Nous ne revenons donc pas sur les trois premières années.
Peut-être existe-t-il une autre solution mais je suis persuadé que celle que je propose est la seule qui permette de parvenir à un compromis avec l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je maintiens mon amendement et je souhaite que le Sénat, après réflexion, s'y rallie. (M. Michel Charasse applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s I-191 et I-209 ainsi que sur les amendements n°s I-142, I-148 et I-200 ?
M. Alain Lambert rapporteur général. La commission des finances est favorable aux sous-amendements n°s I-191 et I-209.
Quand à l'amendement n° I-142, elle estime que M. Oudin pourrait le retirer au profit de l'amendement n° I-16 de la commission des finances, à laquelle il appartient.
M. le président. Monsieur Oudin, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur général ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-142 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Lambert rapporteur général. De même, elle demande à M. Lagourgue de bien vouloir retirer l'amendement n° I-148 dans la mesure où il est satisfait par l'amendement n° I-16.
M. le président. Monsieur Lagourgue, êtes-vous convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur général ?
M. Pierre Lagourgue. Absolument, monsieur le président ; je retire donc l'amendement n° I-148.
M. le président. L'amendement n° I-148 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'agissant de l'amendement n° I-200, la situation est un peu complexe.
Monsieur Lise, soyez assuré que la commission des finances, y compris sa majorité, souhaite le maintien du dispositif de la loi Pons. M. le secrétaire d'Etat n'ignore pas que je n'aime guère que les lois portent des noms de ministre.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai ! Vous faites une exception !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez, monsieur Lise, me gêne quelque peu.
Vous appartenez - c'est un grand honneur que nous partageons avec vous - à la Haute Assemblée de la République française. Je ne crois pas qu'il soit bon que celle-ci soit invitée à renier ses convictions pour essayer d'être plus agréable à l'Assemblée nationale. C'est l'honneur de la Haute Assemblée que de se déterminer en pleine conscience, en pleine responsabilité, sur un enjeu économique comme celui que nous évoquons.
La proposition tendant à introduire un nouveau contrôle a posteriori est en quelque sorte redondante : à ma connaissance, jamais le contrôle fiscal n'a été supprimé dans ce pays. Tout contribuable, quel qu'il soit - et plus particulièrement, sans doute, celui qui bénéficie d'un avantage fiscal - fait l'objet d'une attention toute particulière de l'administration fiscale et peut faire l'objet d'un contrôle. Dès lors que la procédure de l'agrément est soumise à certaines obligations, notamment en termes d'emplois, il sera loisible à l'administration fiscale de vérifier le respect de celles-ci.
Pour être franc, la commission des finances était soucieuse d'être agréable à M. Lise, qui est l'un de ses membres. Elle n'a pourtant pas cru pouvoir émettre un avis favorable sur l'amendement n° I-200, même si elle a parfaitement compris la préoccupation qui le sous-tend.
Elle estime que l'Assemblée nationale a moins de chance que le Sénat, parce qu'elle dispose de moins de temps pour examiner les textes. Je parle sous le contrôle de M. le secrétaire d'Etat au budget.
Néanmoins, l'avantage de ce système est qu'elle a pu depuis, j'en suis convaincu, mener elle-même une réflexion de sorte que les propositions qui lui seront présentées par la Haute Assemblée seront de nature à la convaincre. Je ne doute pas qu'elle fera preuve de sagesse, s'agissant en tout cas des départements et territoires d'outre-mer et qu'elle accueillera avec sympathie la proposition du Sénat.
Je demande donc à M. Lise de retirer son amendement, faute de quoi je serai obligé d'en demander au Sénat le rejet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-16 et I-200, ainsi que sur les sous-amendements n°s I-191 et I-209 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements et sous-amendements, permettez-moi de noter la différence de ton qui a été employé.
Certains ont parlé de « diabolisation », de « pulsion » et d'« ivresse ». Peut-être ces mots ont-ils dépassé la pensée de leurs auteurs. M. Lise, quant à lui, s'est livré à une analyse sérieuse et grave, parce que la question dont nous débattons est importante. Le Gouvernement pencherait plutôt du côté de M. Lise.
M. Jean Chérioux. Vous êtes un donneur de leçons !
M. Philippe Marini. Vous n'avez pas écouté les propos de M. Lise !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas correct !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ces mots ont été prononcés ; ils figureront au procès-verbal. Je les regrette.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne retire pas ceux que j'ai employés.
M. Jean Chérioux. C'est ce que l'on appelle la « justice distributive ».
M. Philippe Marini. C'est du sectarisme !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je préciserai, tout d'abord, avec courtoisie à M. Oudin que, pour moi, la défense de l'emploi et la justice fiscale ne sont pas a priori incompatibles.
En fait, le Gouvernement et l'ensemble du Sénat veulent que ce dispositif produise la maximum d'effets en termes d'emplois en minimisant, si je puis dire, mais non en supprimant, rassurez-vous, la possibilité pour un certain nombre de contribuables de s'exonérer de l'impôt, en violation du principe d'égalité rappelé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que M. Charasse a rappelée fort opportunément tout à l'heure.
J'en viens à l'amendement n° I-16. J'y suis opposé parce qu'il prévoit de revenir sur la « tunnélisation » proposée par l'Assemblée nationale dans un certain nombre de cas.
Le premier cas concerne les frais d'intermédiaire. M. Lise a évoqué, à juste titre, les surfacturations mais nous savons que les frais des intermédiaires chargés de préparer les dossiers de défiscalisation peuvent être relativement élevés. Je ne vois pas pourquoi ils devraient automatiquement bénéficier d'un avantage fiscal.
En deuxième lieu, vous proposez, monsieur le rapporteur général, ce que je respecte tout à fait, de déduire du déficit des pertes qui sont exclues par la réglementation fiscale, telles que les moins-values constatées lors de la revente de biens.
En troisième lieu - et MM. Millaud et Lagourgue ont, peut-être sans le vouloir, abondé dans mon sens - vous proposez de limiter la possibilité de déduction des déficits d'exploitation à des secteurs particuliers, tels que l'hôtellerie, le tourisme et les énergies renouvelables.
Pourquoi ne pas y ajouter la pêche hauturière, comme M. Millaud l'a souligné avec sagesse, ou bien le transport aérien, comme l'a indiqué M. Lagourgue ? Pourquoi ne pas y ajouter le bâtiment et les travaux publics dont les conséquences sur l'économie locale sont dignes d'intérêt ?
Il est difficile d'isoler dans l'économie des départements et territoires d'outre-mer des secteurs particuliers, et le Gouvernement est attaché à une certaine neutralité.
Telles sont les trois raisons pour lesquelles l'amendement n° I-16 ne peut être accepté par le Gouvernement.
La démarche de M. Lise est tout à fait différente. Elle prolonge, dans une certaine mesure, celle qui avait été engagée par M. du Luart et acceptée par l'ensemble de la Haute Assemblée, selon laquelle en contrepartie des avantages fiscaux il doit y avoir des contrôles a posteriori, ...
M. René Régnault. Absolument !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et on ne peut qu'être d'accord avec cette logique.
M. Lise propose donc l'institution d'un premier contrôle deux années après l'obtention de l'avantage fiscal visant à s'assurer de la réalité de l'investissement et d'un second contrôle six années après pour vérifier que les emplois ayant fait l'objet d'une demande d'agrément - demande qui aura été très soigneusement examinée, notamment grâce à M. du Luart - ont été effectivement créés.
Cette démarche me semble aller dans la bonne direction parce qu'elle fait confiance aux investisseurs.
Pour ma part, je n'ai aucune suspicion à l'égard de ceux qui investissent dans les départements et territoires d'outre-mer. Cependant, ils prennent des engagements en contrepartie desquels ils reçoivent une aide de l'Etat, c'est-à-dire de l'ensemble des contribuables français, et ils doivent donc pouvoir prouver, lors d'un contrôle a posteriori , que ce à quoi ils se sont engagés, en termes d'investissements et de créations d'emplois, a été effectivement réalisé.
Toutefois, un point me pose problème, même s'il ne met pas en cause votre démarche, monsieur Lise.
Vous connaissez le principe, qui, je crois, est apprécié par les contribuables, selon lequel on ne peut pas faire de rappel d'impôt au-delà de trois ans. Personne, me semble-t-il, ne veut modifier ce principe.
Dès lors, si on fait un contrôle la sixième année et si on s'aperçoit que les emplois n'ont pas été créés, on ne peut pas rattraper l'essentiel, c'est-à-dire les avantages accordés sur l'investissement et sur les deux premières années d'exploitation.
C'est pourquoi je considère, monsieur Lise, que votre démarche mérite d'être perfectionnée. Je souhaiterais que l'on ait l'occasion de travailler à nouveau sur ce point, car le dispositif que vous suggérez ne me semble pas encore tout à fait conforme à l'objectif que vous cherchez à atteindre.
En résumé, et en vous priant de m'excuser d'avoir été un peu long, monsieur le président, je souhaite le rejet de l'amendement n° I-16 qui a été présenté par M. le rapporteur général, ainsi que des sous-amendements afférents, et je demande à M. Lise de bien vouloir retirer son amendement n° I-200 qui n'atteint pas tout à fait l'objectif qu'il vise et que le Gouvernement considère comme légitime.
M. Philippe Marini. On ne comprend plus rien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-191, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-209, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-16.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Bien entendu, je vais voter l'amendement de la commission.
J'avoue ne pas comprendre - j'ai pourtant été attentif - les propos qu'a tenus M. le secrétaire d'Etat.
Il a distingué - c'est peut-être de bonne guerre - dans une approche distributive, en quelque sorte, les propos des uns et des autres, et je ne ferai pas de commentaire sur cet aspect ; il a surtout renforcé, d'une façon qui m'a semblé tout à fait intéressante, l'argumentation de nos collègues MM. Lise et Désiré. Celle-ci a abouti à un amendement n° I-200 qui me paraît plus généreux sur le plan fiscal que l'amendement n° I-16 de la commission des finances.
En effet, si j'ai bien compris - mais qu'on me dise si tel n'est pas le cas, car le sujet est assez technique et j'ai peut-être été inattentif un instant - l'amendement de MM. Lise et Désiré, dont M. le secrétaire d'Etat a par ailleurs sollicité le retrait - et là, je l'avoue, ma compréhension diminue encore d'un degré - annule la « tunnélisation ».
Je voudrais que cela soit bien clair : il fait tout sortir de la « tunnélisation » avec, pour contrepartie, un processus de contrôle a posteriori portant, notamment, sur les créations d'emplois, le contrôle étant confié, me semble-t-il, aux services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité dans les départements et territoires concernés.
M. le secrétaire d'Etat dispense généreusement des compliments à l'égard de l'amendement tout à fait intéressant de nos collègues du groupe socialiste. Il est, par ailleurs, défavorable à l'amendement de la commission des finances,...
M. Jacques Oudin. Qui va pourtant moins loin !
M. Philippe Marini. ... qui est moins généreux sur le plan fiscal puisqu'il ne fait sortir de la « tunnélisation » que certains éléments, et non la totalité. Inspiré par un souci de réalisme, cet amendement va un peu dans le sens des propres amis de M. le secrétaire d'Etat à l'Assemblée nationale.
M. le secrétaire d'Etat est donc défavorable à l'amendement n° I-16. Il a ajouté, si j'ai bien compris, que tout en étant favorable à l'argumentation et au dispositif proposés par MM. Lise et Désiré, il souhaitait le retrait de l'amendement qu'ils avaient présenté. Tout cela constitue un ensemble d'explications dans lequel, personnellement - mais peut-être est-ce dû à mon inexpérience ? - je me perds complètement.
M. Roland du Luart. Vous n'êtes pas le seul !
M. Philippe Marini. Comme j'ai de la peine à retrouver la logique du propos, je me raccroche à la seule chose qui me semble simple et claire, c'est-à-dire la ligne de la commission des finances du Sénat,...
M. Jacques Oudin. Comme toujours !
M. Philippe Marini. ... et je m'apprête à voter l'amendement que M. le rapporteur général a fort bien défendu.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Marini me laisse penser que je n'ai pas été suffisamment clair. J'ai considéré le dispositif proposé par M. Lise comme un complément de celui qui a été avancé par l'Assemblée nationale, en prévoyant deux procédures de contrôle : l'une après deux ans et l'autre après six ans. Ce dispositif complète donc le dispositif de « tunnélisation », qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Si je n'avais pas été suffisamment clair, j'espère l'être en l'instant. Aussi n'y a-t-il pas d'incohérence dans la pensée du Gouvernement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crains de ne vous avoir blessé tout à l'heure et que les mots que j'ai employés ne vous aient froissé. Je voudrais vous dire que mon estime à l'endroit de votre personne est totale, elle ne changera pas. Mais nous sommes opposés. C'est l'honneur de la démocratie de défendre nos convictions. A une période où les extrémismes montent de toutes parts, peut-être n'est-il pas mauvais pour la nation de savoir ce qui différencie ceux qui, dans notre pays, font de la politique.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. Philippe Marini est l'un des membres les plus intelligents du Sénat.
M. Jacques Oudin. « Murmures d'approbation ! »
M. Alain Lambert, rapporteur général. Lorsque lui-même ne comprend pas, mettez-vous à la place des autres ! (Nouveaux sourires.)
Quand le dispositif que vous êtes en train de préparer sera adopté - à l'Assemblée nationale, nous l'avons tous compris - il faudra regarder ce qu'il comporte. Nous découvrirons alors, mes chers collègues, que toutes les préconisations que le Sénat se sera donné la peine de formuler y seront, parce qu'elles sont fondées sur le souci de l'économie, et non de la politique.
Lorsque ce dispositif sera finalement adopté, les agents économiques, ceux vers lesquels il faut envoyer des messages parce que se sont eux qui créent des emplois, jugeront ceux qui font de la politique et ceux qui font du soutien à l'économie.
Mes chers collègues, puisque nous sommes au moment des explications de vote, n'ayons pas le moindre doute, quelle qu'ait été l'explication donnée par le Gouvernement, insuffisante aux yeux de M. Marini,...
Plusieurs sénateurs du RPR. Et aux nôtres !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... mais peut-être éclairante sous l'aspect politique des choses, que le Sénat, en suivant sa commission des finances, et elle en sera honorée, reste ce qu'il est, fidèle à lui-même, appréciant les dispositifs qui sont proposés avec pour seule préoccupation de soutenir l'économie et l'emploi dans notre pays. C'est ainsi que la Haute Assemblée trouvera toujours sa raison d'exister, c'est ainsi qu'elle montrera à quel point elle est indispensable à la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je viens d'être saisi, par M. Lise, d'un sous-amendement à l'amendement n° I-16.
Mon cher collègue, les explications de vote sur l'amendement ayant commencé, ce sous-amendement n'est pas recevable.
M. Claude Lise. Je le regrette, monsieur le président. Il s'agissait d'une ultime tentative pour trouver une issue. Peut-être y parviendrons-nous dans la suite de la discussion ? En tout cas, pour ma part, j'aurai tout fait pour cela.
M. le président. Je ne fais qu'appliquer le règlement, mon cher collègue.
M. Michel Moreigne. Les opérations de vote ne sont pas commencées, monsieur le président !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-200 n'a plus d'objet.
Par amendement n° I-201, MM. Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent de compléter l'article 14 par un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« ... . - Le Gouvernement présentera avant le 30 juin 1998 un rapport établissant, en concertation avec les élus locaux, le bilan de l'application du dispositif de défiscalisation dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Une commission de suivi se tiendra dans chaque département, territoire et collectivité territoriale d'outre-mer sous la présidence du représentant du Gouvernement. Sa composition, qui prévoira la représentation des élus locaux, sera fixée par décret. »
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement dépose un rapport d'évaluation avant le 30 juin 1998. Il faut fixer une date butoir, afin que nous puissions discuter sur des bases beaucoup plus sûres l'année prochaine, car je suis à peu près certain que le problème de la défiscalisation outre-mer sera de nouveau examiné.
Toutefois, le bilan établi par ce rapport n'a pas seulement pour objet d'améliorer le dispositif à court terme. Il vise surtout, en tout cas dans mon esprit, à préparer le grand débat nécessaire pour trouver un système de financement acceptable et efficace pour le développement de l'outre-mer. Un véritable plan de développement devient urgent, mais il doit être élaboré en concertation avec les élus des départements et territoires concernés.
Par ailleurs, nous proposons un suivi local continu jusqu'à l'extinction du dispositif, même éventuellement modifié, en 2001. Il est important que les élus locaux participent à ce suivi.
On a notoirement oublié les élus locaux, dans la préparation de la réforme actuelle ; espérons qu'à l'avenir on prendra soin de les consulter, car ils sont certainement les mieux à même d'évaluer les dispositifs concernant le développement de leur département ou territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a eu une position constante, soucieuse qu'elle était d'être agréable à tous ceux qui voulaient faire progresser la réflexion sur cette question.
Elle s'est cependant posé la question de savoir si ce rapport était franchement indispensable dès lors que l'Assemblée nationale, de son côté, avait prévu une mission d'information sur le même sujet.
L'avis que j'ai à émettre est donc plutôt défavorable, mais, en tout état de cause, la question est de savoir si ce rapport est utile ou non. A cet égard, il sera intéressant d'entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est très proche de celui de la commission.
J'ai déjà pris l'engagement devant l'Assemblée nationale qu'une telle mission d'évaluation serait constituée. La date du 30 juin me paraît même quelque peu tardive, si l'on veut en tirer des conséquences pour la loi de finances de 1999.
Dans la mesure où cette mission est lancée, il n'est peut-être pas nécessaire de le prévoir ici.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée. Si elle veut faire figurer le dépôt de ce rapport ou la création de cette mission dans le projet de loi de finances, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais, de toute façon, ce sera fait.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-201.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. M. le secrétaire d'Etat s'en remet, s'agissant de ce rapport ou de cette mission, à la sagesse du Sénat.
L'Assemblée nationale, quant à elle, a préconisé une mission spécifique sur tous les problèmes posés par le débat que nous venons d'avoir.
Compte tenu de la qualité des membres de la Haute Assemblée qui sont concernés - MM. Lise, Désiré et bien d'autres - ne pourrait-on envisager la création d'une mission conjointe des deux assemblées, afin que tous ensemble, nous trouvions la solution attendue par l'outre-mer ? (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On ne peut que souscrire à une suggestion aussi sage !
M. Roland du Luart. On gagnerait du temps !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-201, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - Le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables et dans la limite de 500 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 1 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. Lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net global est supérieur au montant de ce revenu, la fraction non restituée de cet avoir fiscal est retranchée des revenus de l'année suivant celle de la perception des dividendes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, il s'agit là d'un nouveau dispositif dont vous n'avez peut-être pas encore entendu parler, mais dont vous entendrez sans doute beaucoup parler dans les mois qui viennent.
L'article 15 a pour objet de plafonner la restitution de l'avoir fiscal à 500 francs pour les célibataires et à 1 000 francs pour les contribuables mariés.
Vous savez tous ce qu'est l'avoir fiscal, et je ne vous ferai donc pas l'offense de le rappeler ; il s'agit d'éviter une double imposition.
Le Gouvernement cherche à éviter un processus d'optimisation fiscale d'environ 120 contribuables. De ce point de vue, il ressemble un peu au précédent gouvernement. (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Quel compliment !
M. Philippe Marini. Il a les mêmes services !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il cherche à éviter que des contribuables n'aménagent leur patrimoine et leurs revenus pour éviter l'impôt sur le revenu. Si mes informations sont bonnes, ce sont environ 120 contribuables qui sont dans cette situation.
Or, pour régler le problème de ces 120 contribuables, il va en pénaliser 330 000.
M. Philippe Marini. Bravo !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est une démarche de législation fiscale dont nous avons eu à connaître, que nous avons tardé à combattre - nous avons commencé à la combattre lorsqu'on a voulu nous proposer un dispositif sur les PEA ; nous y reviendrons lors de l'examen d'un autre article - et qui tend à faire que la loi, sous Portalis, qui nous regarde et qui en est pétrifié,...
M. Philippe Marini. Il l'est déjà, le pauvre ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... règle le cas de chaque contribuable pris individuellement.
Mes chers collègues, je ne vous préconise pas de suivre cette démarche, car elle est vaine, injuste et, en tout cas, elle n'atteint pas l'objectif qu'elle se fixe. C'est pourquoi il y a lieu de critiquer la proposition qui nous est faite.
Sans doute cherchez-vous dans le même temps, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous assurer un rendement de 920 millions de francs. J'ai trop peiné à calculer les coûts des diverses mesures que vous nous proposez pour ne pas savoir que, par les temps qui courent, chaque million de francs compte. Donc, 920 millions de francs, ce n'est pas négligeable !
Simplement, vous qui nous avez appelés à garder en permanence à l'esprit la préoccupation sociale, vous devez nous confirmer que ce sont bien les ménages modestes qui seront pénalisés, en la circonstance, par votre dispositif. J'en veux pour preuve le nombre considérable de feuilles d'impôt que je reçois à titre d'exemple.
Cette mesure est profondément inéquitable, mais je ne vous soupçonne pas de l'avoir proposée sciemment monsieur le secrétaire d'Etat. On peut ne pas être d'accord politiquement et ne pas se faire mutuellement un procès d'intention.
Simplement, en la circonstance, je redoute que vous n'ayez mal calculé votre affaire, sauf à estimer qu'une catégorie de Français - je pense aux retraités, aux épargnants - doit légitimement être mise à contribution pour couvrir un certain nombre de besoins de financement de nos administrations.
Enfin, la mesure proposée a le défaut d'être discriminatoire - en cette période où nous recherchons la justice fiscale - puisque les contribuables qui résident en France seront pénalisés par rapport aux non-résidents.
Voilà, mes chers collègues une série de raisons - j'en aurais bien d'autres ! - qui me font vous recommander d'adopter soit l'amendement de suppression, soit l'amendement d'amélioration, selon les indications que le Gouvernement voudra bien donner.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cette affaire est tout à fait symptomatique et elle est d'une extrême gravité pour l'épargne.
M. Michel Charasse. N'exagérons pas !
M. Philippe Marini. La réforme a manifestement été votée à la hâte.
Il s'agit non pas de créer une imposition plus élevée pour les titulaires de revenus supérieurs à un certain niveau, mais bien de modifier - cela n'avait jamais été fait - le rôle de tiers détenteur de l'Etat d'un impôt forfaitaire de 41,66 %, payé provisoirement par les sociétés dans l'attente du calcul définitif d'un second impôt à un taux progressif de 0 % à 55 % sur les mêmes revenus. Veuillez-me pardonner la complexité de cet exposé, mais c'est bien là le mécanisme de l'avoir fiscal !
Si l'avoir fiscal correspondant à un impôt forfaitaire déjà réglé provisoirement à l'Etat n'est pas déduit des impôts calculés au titre de l'impôt sur le revenu à un taux progressif de 0 % à 55 %, s'il n'est donc pas déduit une seconde fois sur les mêmes revenus, puis automatiquement restitué si l'impôt dû est inférieur, nous arrivons à une double imposition des dividendes concernés et il y a véritablement lésion des épargnants.
La solution que vous préconisez ainsi à la hâte a un autre effet, qui est celui de calculer la CSG - 7,5 % maintenant, ce n'est pas rien ! - sur un avoir fiscal non perçu. C'est une véritable spoliation, une réelle anomalie. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons, à l'évidence, souscrire à un tel mécanisme.
De plus, selon les données du calcul, nous aboutissons à des inéquités de traitement tout à fait manifestes : si les contribuables ont peu de revenus, ils sont plus sensibles à la mesure ; au-delà d'un certain seuil, ils sont, au contraire, immunisés contre cette mesure. C'est vraiment de la politique sociale « à contresens », si je puis utiliser cette expression.
A cela s'ajoute une autre discrimination, tout aussi contestable, entre les contribuables résidents et non résidents, ce qui est contraire au traité de l'Union européenne.
Dans le cas présent, continuer à restituer automatiquement les avoirs fiscaux aux non-résidents fiscaux, qui d'ailleurs peuvent être aussi des Français, et ne plus les rembourser automatiquement aux résidents, qui peuvent être aussi d'origine européenne non française, introduit, de fait, une discrimination arbitraire et une vraie restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette disposition a bien été conçue à la hâte. Elle suscite une grande émotion. Nous sommes nombreux à recevoir du courrier à ce sujet.
M. Jean-Louis Carrère. Pas nous !
M. Philippe Marini. Nous avons lu la presse économique et les journaux consacrés à l'épargne.
Je vous invite, mes chers collègues, à vérifier, dans les courriers que vous recevez,...
M. Jean-Louis Carrère. On ne doit pas recevoir les mêmes !
M. Philippe Marini. ... les décomptes des contribuables modestes, qui sont plus sensibles à la mesure que ne peuvent l'être ceux qui bénéficient de revenus réellement importants. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce serait bien la première fois que vous défendriez les premiers !
M. Philippe Marini. De grâce, monsieur le secrétaire d'Etat, revoyez la copie ! Mettez à profit le temps qu'il faudra pour mettre en place la concertation, pour susciter des rapports. Ne persistez pas dans cette grave erreur de méthode si lourde de conséquence pour l'épargne de ce pays. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cette dispositions vise à rééquilibrer la taxation des revenus du travail et des produits du capital.
Je ne reviendrai pas sur le mécanisme de l'avoir fiscal. M. le rapporteur général l'a rappelé.
Bien entendu, je ne suis pas d'accord avec l'analyse qui vient d'être faite par le précédent orateur et je vais essayer, en citant quelques chiffres, d'en donner les raisons.
Plus de 3 900 000 contribuables bénéficient, aujourd'hui, d'une imputation inférieure ou égale à 500 francs.
Dans le même temps, 1 598 000 contribuables bénéficient d'une restitution de leur avoir fiscal parce que ce dernier excède leur impôt. Parmi eux, 1 179 407, soit 79,24 %, reçoivent une restitution inférieure ou égale à 500 francs.
L'immense majorité des contribuables bénéficiant de cette restitution ne seront donc pas touchés par la présente mesure sur l'avoir fiscal.
Cette mesure était nécessaire.
D'une part, il est inconcevable que, jusqu'à présent, certains contribuables, 120 au total - c'est bien cela, monsieur le rapporteur général - reçoivent du Trésor public une restitution supérieure à 1 000 000 de francs.
D'autre part, cette restitution, dans son principe, pose question : ne constitue-t-elle pas en elle-même un dévoiement du mécanisme de l'avoir fiscal ?
M. Michel Caldaguès. Il n'a rien compris !
M. Bernard Angels. En effet, l'avoir fiscal permet d'éviter la double imposition. Mais, à partir du moment où un contribuable est non imposable, cette double imposition n'existe plus, par définition.
Malgré tout, afin de ne pas pénaliser les revenus modestes, le Gouvernement a prévu avec raison de maintenir une restitution respectivement de 500 francs et de 1 000 francs. Plus de 1 200 000 contribuables concernés par l'un ou par l'autre de ces abattements en bénéficieront.
Ainsi, cette mesure s'applique à ceux de nos concitoyens qui possèdent les revenus de capitaux les plus élevés.
De même, il est prévu, pour tenir compte de certains contribuables se trouvant en situation de déficit, de pouvoir retrancher des revenus de l'année suivante la fraction non restituée de l'avoir fiscal.
Je conclus en rappelant quelques pourcentages éclairants : 1 % des ménages les plus fortunés possède aujourd'hui entre 14 % et 20 % du patrimoine en France. Ces ménages les plus aisés se distinguent par une large place offerte dans leur patrimoine aux valeurs mobilières. Entre 1975 et 1996, ces ménages ont accru leur patrimoine de 70 %, selon l'INSEE.
Il était donc normal, par cette mesure, de rééquilibrer le système de l'avoir fiscal. En effet, l'avoir fiscal ne doit pas être un avantage démesuré dont le coût est supporté, via le Trésor public, par l'ensemble des Français, et ce en faveur d'un petit nombre d'entre eux. Il convenait donc de lui rendre son objet initial en limitant les dérapages qu'il a pu occasionner. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Permettez-moi d'apporter certaines précisions sur la position du Gouvernement et quelques réponses, notamment à M. le rapporteur général.
L'article 15, qui est ici en cause, n'a pas pour objet principal de régler le cas de ces cent vingt contribuables dont le sort semble émouvoir tant de personnes. Il s'agit, d'une part, de revenir à la logique de l'avoir fiscal, qui consiste à atténuer la double imposition des dividendes et, d'autre part, de constater qu'il ne peut y avoir double imposition lorsque le contribuable n'est pas imposable.
Telle est la logique profonde de l'article 15.
Or, comme M. Angels l'a très bien démontré, certains contribuables utilisent ce mécanisme de remboursement des avoirs fiscaux pour mettre sur pied des montages d'évasion fiscale - il faut dire les choses comme elles sont - et obtenir la restitution d'avoir fiscaux importants. De surcroît, outre cette non-imposition au titre de l'impôt sur le revenu, ces mêmes contribuables peuvent bénéficier du plafonnement au titre de l'ISF. Et tout cela sans la moindre conséquence positive sur l'emploi, que nous sommes tous ici attachés à développer. L'article 15 comporte donc également un élément de justice fiscale qui, évidemment, ne concerne pas les contribuables les plus modestes, dans la mesure où les restitutions sont maintenues à 500 francs pour une personne seule et à 1 000 francs pour les contribuables mariés.
M. Marini, dont je respecte la très vive intelligence, comme, du reste, l'ensemble de ses collègues, m'a demandé, sur le ton du professeur à l'élève, de revoir ma copie. Un point a cependant échappé à sa grande perspicacité : l'assujettissement à la contribution sociale généralisée de l'avoir fiscal a été supprimé, dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, en première lecture, à l'Assemblée nationale, à la demande d'un parlementaire non moins intelligent que lui, M. Auberger, cette préoccupation avait déjà été prise en compte par le Gouvernement.
M. le rapporteur général, avec son honnêteté coutumière, a cité lui-même le chiffre : 920 millions de francs ! Par parenthèse, cela ne doit donc pas concerner que des contribuables modestes. Si, mesdames, messieurs les sénateurs, vous adoptiez les amendements de suppression, ce serait encore 920 millions de francs à trouver, encore quelques cauchemars de plus pour votre rapporteur général ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-164, M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer l'article 15.
Par amendement n° I-91, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 15 :
« Le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il n'est pas restituable. »
Par amendement n° I-17 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Après la première phrase du texte présenté par l'article 15 pour le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, d'insérer la phrase suivante : « Toutefois, ces plafonds sont respectivement portés à 10 000 francs et à 20 000 francs lorsque le revenu imposable du contribuable n'excède pas la limite supérieure de la troisième tranche de revenus fixé au 1 du I de l'article 197 et que l'absence d'imposition du contribuable ne résulte pas de déductions sur le revenu imposable ou de réductions d'impôt pouvant être obtenues en application des articles 199 undecies et 238 bis HA à HN. »
B. - Dans la dernière phrase du texte proposé par le présent article pour le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, de supprimer les mots : « Lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net global est supérieur au montant de ce revenu, ».
C. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 15 septembre 1998, un rapport sur les conséquences du plafonnement de la restitution de l'avoir fiscal. Ce rapport devra également dresser un bilan du mécanisme de l'avoir fiscal et de sa capacité à compenser la double imposition pesant sur les bénéfices distribués, pour les personnes physiques et pour les personnes morales. Il examinera enfin le dispositif du précompte, et justifiera notamment son exigibilité pour les dividendes prélevés sur les résultats d'un exercice clos depuis plus de cinq ans. »
D. - En conséquence, de faire précéder le début du premier alinéa de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-164. M. Philippe Marini. Vous n'en serez pas surpris, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement de suppression.
Le Gouvernement a tort de le nier, certaines personnes ont pu, leur vie durant, constituer un patrimoine d'actions et disposent de revenus modestes, notamment des pensions de retraite. Ces personnes sont susceptibles de recevoir en dividendes une grande partie, voire la majorité de leurs ressources. Cette situation est bien réelle et il n'y a certainement pas lieu de défavoriser ces contribuables, qui ont simplement été prévoyants.
Je peux vous donner l'exemple d'un retraité dont le quotient familial est d'une part et le revenu imposable de 94 134 francs. Il perçoit chaque année une retraite de 32 000 francs, des revenus d'actions françaises pour 70 134 francs, soit 46 756 francs de dividendes auxquels s'ajoutent 23 378 francs d'avoir fiscal. Le montant de son impôt brut est de 13 549 francs, mais il dispose bien de ces 23 378 francs d'avoir fiscal. Dès lors, il n'a pas d'impôt sur le revenu à acquitter - c'est la loi telle qu'elle existe jusqu'ici - et l'Etat lui ristourne une somme de 9 829 francs.
Ce contribuable n'est pas un gros capitaliste ; il a peut-être reçu des titres en héritage ou s'est peut-être saigné aux quatre veines pendant toute son existence pour accumuler son épargne et pourvoir à ses vieux jours. Si ce dispositif est adopté, il perdra de l'ordre de 9 500 francs. Or je ne pense pas que sa situation soit celle d'un hyper-privilégié ! Vos services peuvent vérifier, mon exemple arithmétique est parfaitement juste.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je reçois tous les jours, comme nombre de mes collègues, des lettres attirant mon attention sur des cas précis. Nous, parlementaires, nous n'avons pas les moyens dont dispose votre administration pour vérifier la véracité de ce qui nous est indiqué. Mais cela nous paraît plausible.
Il nous semble donc qu'au nom d'une préoccupation légitime, le contrôle fiscal visant une catégorie de contribuables qui évoluent à la limite des bonnes règles, vous avez jeté le bébé avec l'eau du bain. Voilà pourquoi nous combattons cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour présenter l'amendement n° I-91.
M. Louis Minetti. L'avoir fiscal constitue, pour notre groupe, l'une des dépenses fiscales les plus discutables. Nous apprécions donc que le Gouvernement ait enfin décidé de corriger une mesure exorbitante du droit commun, qui ne fait que favoriser, à grande échelle, les ménages aux revenus les plus importants.
L'article 15 tend donc à revenir en partie sur les conditions de remboursement du trop-perçu d'avoir fiscal, en plafonnant le montant de ce remboursement à hauteur de 500 francs pour un contribuable célibataire et de 1 000 francs pour un couple.
Il est vrai que l'avoir fiscal est une dépense importante - plus de 7,9 milliards de francs pour les seuls ménages - et qu'elle est une réduction d'impôt d'un caractère un peu particulier, puisqu'elle est la seule susceptible d'être remboursée à un contribuable.
Il existe d'ailleurs dans ce pays des contribuables dont le remboursement d'avoirs fiscaux est si important qu'ils sont, de ce fait, non imposables. Il y a donc bien un problème d'assiette de l'impôt. De surcroît, ces contribuables acquittent leur impôt de solidarité sur la fortune avec le montant du remboursement qu'effectue sur leur compte le Trésor public !
Il y a donc de multiples raisons tenant à l'équité qui nécessitent que l'on revienne en partie sur les dispositions relatives à l'avoir fiscal, qui est d'autant plus important que les placements sont conséquents et judicieux.
Le caractère opportun de la détention d'actions de telle ou telle entreprise n'a, on le sait, pas grand-chose à voir avec la réalité de la situation économique de l'entreprise concernée. Nombre d'entreprises déclarant des déficits comptables et/ou fiscaux de manière régulière distribuent malgré tout des dividendes, et donc des avoirs fiscaux à leurs actionnaires sans que cela puisse être objectivement considéré comme le remboursement de l'impôt sur les sociétés dû.
Par notre amendement, nous préconisons une rédaction plus précise encore de l'article. Il prévoit en effet que les conditions d'imputation des avoirs fiscaux seront équilibrées entre personnes morales et personnes physiques et que la restitution sera désormais impossible. C'est cette règle qui est aujourd'hui appliquée aux entreprises, et c'est elle que nous souhaitons voir appliquer aux particuliers. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-17 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-164 et I-91.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement présenté par M. Philippe Marini, que je trouve meilleur que celui que je vais défendre, comporte un inconvénient : il coûte cher. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'aboutis pas à la même conclusion que vous. Si cet amendement coûte cher, ce n'est pas parce qu'il touche de gros contribuables ; c'est précisément parce qu'il touche de très nombreux contribuables. C'est l'une des raisons de son coût.
D'ailleurs, il serait intéressant, puisque l'on cherche à fiscaliser séparément les cent vingt contribuables, de savoir quel est le montant de leur avoir fiscal. On pourrait peut-être faire une loi spécialement pour eux, ce qui permettrait de faire échapper les 330 000 autres contribuables au dispositif !
Mes chers collègues, les contribuables dont nous parlons sont extrêmement riches. Si riches que leur revenu s'élève, par exemple, à 47 237 francs ! (Sourires.) C'est en effet un contribuable non pas de l'Orne ni même des Landes mais du Rhône qui m'écrit. Ce contribuable lyonnais va se voir pénalisé de 3 000 francs. Cela signifie que, pour un revenu d'environ 47 000 francs, on peut perdre 3 000 francs. Telle est la catégorie des « gros contribuables » que nous poursuivons de nos foudres, monsieur le secrétaire d'Etat !
Non, vous le voyez, votre dispositif « ratisse » tellement large qu'il frappe des familles de condition vraiment modeste.
Nous vous proposons, pour notre part, un amendement de conciliation, dans la mesure où ce n'est pas un amendement de suppression !
M. Jean-Louis Carrère. Mais qu'entendez-vous par « familles de condition vraiment modeste » ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mon cher collègue, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure en explication de vote et je vous écouterai avec une grande attention !
Notre amendement a un triple objectif, monsieur le secrétaire d'Etat.
Premièrement, il vise à porter le montant des plafonds au-delà desquels l'avoir fiscal ne serait plus restitué respectivement à 10 000 francs et à 20 000 francs, contre 500 francs et 1 000 francs.
Deuxièmement, il prévoit le dépôt d'un rapport. On peut toujours, en effet, réformer l'avoir fiscal. La France est, en effet, désormais soumise à une obligation de compétitivité fiscale, nous ne cessons de le répéter. Donc, s'il faut moderniser l'avoir fiscal, pourquoi pas ? En tous les cas, la commission des finances y est prête. Cependant, la réforme qui nous est proposée aujourd'hui engendrerait des effets de seuil inadmissibles pour elle. C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose de faire précéder la réforme d'un examen et d'un rapport.
Enfin, troisièmement, l'amendement permet la déduction de la fraction non restituée de l'avoir fiscal des revenus de l'année suivant celle de la distribution des dividendes. En l'absence d'une telle disposition, les actionnaires se verraient imposés sur un revenu qu'ils n'auraient pas perçu. Ce serait, si j'ose dire, pardonnez-moi ma trivialité, le clou de la kermesse !
Telle est, monsieur le secrétaire d'Etat, l'économie générale de cet amendement qui, je l'espère, recueillera un avis favorable du Gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° I-164, parlons franchement : en raison de son coût et du mandat que j'ai reçu, qui vise à ne pas dégrader le solde budgétaire, je suis condamné à recommander à son auteur de bien vouloir retirer son amendement.
M. Philippe Marini. Recommandation suivie !
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'agissant de l'amendement n° I-91, la commission des finances y est défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-164 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-91 et I-17 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je tiens à préciser à la Haute Assemblée ce que M. Marini entend par « familles modestes ». (Exclamations sur les travées socialistes.) Je me suis livré à un petit calcul : pour avoir 47 000 francs de dividende par an avec un rendement moyen de 3,5 %, il faut disposer d'un modeste portefeuille de valeurs mobilières de 1 400 000 francs !
M. Philippe Marini. C'est possible à la fin d'une vie !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement, cela peut arriver !
Il n'en demeure pas moins que l'exemple choisi par M. Marini ne me paraît pas pris au bas de la pyramide sociale.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont pourtant les familles modestes qu'il défend !
M. Philippe Marini. M. le rapporteur général vous a donné un autre exemple !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Prenez mon exemple, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-17 rectifié, en raison de son coût, même si ce dernier est inférieur de moitié au coût de l'amendement de M. Marini.
J'en viens à l'amendement n° I-91 de M. Minetti. La proposition qu'il contient me paraît un peu trop sévère, dans la mesure où elle ne prévoit aucun avoir fiscal minimal. Je demande donc à M. Minetti de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Minetti, l'amendement n° I-91 est-il maintenu ?
M. Louis Minetti. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-91 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-17 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, j'apprends beaucoup en étant si près de M. le secrétaire d'Etat, depuis plusieurs jours.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est réciproque !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Hier, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai eu l'imprudence - il faut le reconnaître - de ne pas traiter de l'article 9 relatif aux frais de scolarité en même temps que de l'article 2, puisque les frais de scolarité, vous le savez, avaient été recyclés dans la baisse du barème.
Immédiatement et, si j'ose dire, sans pitié, vous avez dressé une sorte de liste des supposés mauvais traitements que la majorité sénatoriale inflige ou infligerait aux familles.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un flash-back !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je voudrais donc essayer de vous dresser un catalogue très bienveillant - je n'ai pas eu le temps d'aller plus loin ! - du traitement que vous infligez aux retraités.
Vous leur réduisez le plafond de l'abattement de 10 % qui est prévu précisément dans le plan quinquennal de réduction de l'IRPP, passant de 24 000 francs à 12 000 francs, sans réduire le barème ; la CSG sur l'épargne touchera au premier chef les personnes âgées, dont le taux d'épargne est, à l'évidence, supérieur à celui des autres ménages ; l'imposition des produits de l'assurance vie, à l'article 17, concernera directement bon nombre de retraités ; la réduction de moitié du plafond de déduction pour emploi à domicile concernera en tout premier lieu les personnes âgées qui ont besoin d'aide à domicile pour ne pas avoir recours à un hébergement collectif ; la réduction à 5 000 francs de la demi-part pour les personnes seules ayant élevé un enfant exercera également des effets négatifs sur les revenus des personnes concernées ; et j'en termine avec les effets du basculement de la cotisation maladie sur la CSG, qui se révéleront défavorables pour un certain nombre de retraités.
M. Jean-Louis Carrère. Quel niveau de retraite ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous recommande vivement d'adopter l'amendement n° I-17 rectifié de la commission des finances. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Nous voterons bien évidemment contre l'amendement n° I-17 rectifié, présenté par M. le rapporteur général.
Je voudrais profiter de cette explication de vote pour rappeler que, dès que des mesures fiscales d'équité sont proposées, elles sont combattues par les forces conservatrices de ce pays. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Paul Loridant. C'est vrai dans le domaine de l'agriculture, comme dans le domaine de l'épargne. On prend toujours le prétexte de la défense des « petits » ! Souvenez-vous, mes chers collègues : s'agissant de l'agriculture, c'est toujours au nom de la défense des petits agriculteurs que l'on défend la grande céréaloculture de la Beauce et d'ailleurs !
Dans la matière qui nous occupe en cet instant, on prend prétexte du fait que des épargnants modestes ont effectivement un petit portefeuille pour dire que l'on va les brimer. Soit dit en passant, les explications et les réponses données par M. le secrétaire d'Etat au budget nous éclairent particulièrement sur ce que vous appelez « les petits ». En l'occurrence, il faut avoir un portefeuille de plus de 1 million de francs - M. le secrétaire d'Etat évoquait même 1,4 million de francs pour pouvoir commencer à être mordu par la mesure gouvernementale.
M. Philippe Marini. Ce n'est pas « pour commencer » ! C'est faux !
M. Paul Loridant. Permettez-nous, mes chers collègues, de vous dire que nous n'entrons pas dans votre jeu et que nous rejetterons l'amendement de la commission pour voter le texte du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je voterai l'amendement n° I-17 rectifié de la commission des finances, tout d'abord pour des raisons de fond qui ont été énoncées fort excellemment par M. le rapporteur général et par M. Marini.
Mais je le voterai aussi parce que, monsieur le secrétaire d'Etat - je vous le dis très franchement - j'ai été choqué par votre réaction. (Rires sur les travées socialistes.)
Il a été prouvé, chiffres à l'appui, jusqu'à ce que vous le démentiez, que deux contribuables - mais nous savons qu'ils sont beaucoup plus nombreux - peuvent être frustrés respectivement de 9 000 francs et de 3 000 francs, si j'ai bien compris les calculs. Nous attendions que le Gouvernement nous dise si c'était vrai ou non.
Le Gouvernement peut-il admettre que deux contribuables soient frustrés d'une somme à laquelle leur donne droit la législation et qu'ils peuvent légitimement attendre du fait de la publicité financière faite par la société dont ils sont les actionnaires, société qui, dans ses résultats, précise le rendement des titres en incluant l'avoir fiscal ? Or, la seule réponse que vous trouvez, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas de dire qu'il y a une erreur !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas d'erreur !
M. Michel Caldaguès. La seule réponse que vous trouvez est que, avec 47 000 francs de revenus annuels, on n'est pas un petit épargnant ! C'est invraisemblable ! Toutes sortes de circonstances peuvent justifier la possession par une personne d'un capital du montant que vous avez indiqué. J'en citerai une tout simplement : une personne ayant péniblement accédé à la propriété,...
M. Ivan Renar. Cela ne se passe pas comme cela !
M. Michel Caldaguès. ... dans une résidence urbaine, se retire, sur la fin de ses jours, en région rurale, par exemple, en louant l'appartement qu'elle a pu acquérir grâce au fruit de son travail. Pour recueillir un revenu de 47 000 francs par an en milieu urbain, ce ne peut être un appartement bien grand !
Et vous tentez de nous faire croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sont des gens qui ne sont pas à plaindre ! Ils ont le tort, inexpiable à vos yeux, de ne pas être à la charge de la solidarité nationale (Protestations sur les travées socialistes), et vous les épinglez, vous les clouez au pilori, comme s'ils étaient des richards ! C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a des gens qui vous intéressent et d'autres qui ne vous intéressent pas, tels ceux qui ont été prévoyants, qui ont accumulé de l'épargne pendant trente ans ou quarante ans,...
M. Jean-Louis Carrère. Qui ont pu le faire !
M. Philippe Marini. ... qui ont pu le faire, au prix de sacrifices ! Ce n'est pas interdit, que je sache !
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Philippe Marini. Nous ne sommes pas dans un régime soviétique !
M. Ivan Renar. Restons en France !
M. Philippe Marini. Nous sommes dans un pays de liberté, où on a le droit d'accumuler de l'épargne pour des sommes raisonnables. Une personne disposant, au bout de trente ans ou quarante ans, d'1,5 million de francs placé en actions est-elle vraiment un contribuable de niveau élevé ou un privilégié ? Je ne le crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais ce qui est vrai, c'est qu'il s'agit de gens isolés, qui ne sont pas défendus par des syndicats, qui vivent tranquillement chez eux de leur petite épargne.
Cela fait rire un commissaire du Gouvernement, bien sûr, parce que c'est un état d'esprit. Je crois que cette réaction du commissaire du Gouvernement reflète un certain état d'esprit de l'administration ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Oh, ça va, monsieur Marini !
M. Philippe Marini. Il y a des personnes qui n'intéressent ni l'administration ni le Gouvernement, et qui sont les victimes bien innocentes situées dans votre fenêtre de tir !
Vous aviez l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de rectifier techniquement cette mesure et vous ne voulez pas le faire par esprit de doctrine. C'est en tout cas ce que nous constatons !
Ce n'est pas convenable de se comporter ainsi au banc du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. C'est inadmissible !
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. A ceux de nos collègues qui continuent de penser que cette mesure ne frappe que les gens riches, je citerai un exemple, qui n'est pas unique : celui de personnes ayant épargné pendant toute leur vie,...
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. René Régnault. Les petits épargnants ne sont pas concernés !
M. Jacques Habert. ... et comptant absolument sur leur avoir fiscal pour vivre quand l'heure de la retraite vient.
A l'heure actuelle, nombre de personnes prennent leur retraite, volontairement ou non, à cinquante-cinq ans. D'autres, au même âge, ont été licenciés et ne retrouvent aucun emploi. Chômeurs, c'est en vain qu'ils cherchent à travailler.
Pour ceux d'entre eux qui ont pu investir leurs économies dans certaines valeurs, le remboursement de l'avoir fiscal constituait vraiment - je pourrais citer des exemples précis - une bonne partie, voire l'essentiel de leurs ressources.
Le fait de refuser à ces personnes la restitution des avoirs fiscaux auxquels elles ont tout à fait droit et sur lesquels elles comptaient, de par la législation, va les mettre dans une situation très difficile.
En effet, il s'agit non pas de « riches », mais de braves gens n'ayant pour vivre qu'une petite retraite - voire, dans certains cas, presque rien -, quand ils ont dû quitter leur emploi prématurément mais comptant sur les revenus de leurs placements antérieurs.
C'est en songeant à tous ceux de nos compatriotes qui n'ont que des ressources très moyennes et qui risquent d'être privés des remboursements de l'avoir fiscal, auxquels ils ont droit, que nous récusons les dispositions de l'article 15 de ce projet de loi. Ces remboursements sont normaux et légitimes puisque l'Etat les leur avait promis.
C'est en songeant à tous ces Français qui ne sont pas des « riches », qui ont fait confiance au pays et risquent aujourd'hui d'être trompés, et gravement lésés, que nous voterons l'amendement n° I-17 rectifié que nous propose M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je parlerai non pas au nom de mon groupe, car mon ami Paul Loridant l'a fait tout à l'heure, mais en mon nom personnel, tout en étant persuadé que nos propos se rejoindront.
Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais ces explications de vote m'ont convaincu de le faire. Tout de même ! Tout de même ! L'un de nos collègues a dit que certains contribuables seraient « frustrés ». Mais frustrés de quoi ?
L'avoir fiscal ne remonte pas à la nuit des temps. Il est daté : c'est un président de la République, anciennement ministre des finances, qui l'a institué pour les énormes riches de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Les « énormes riches » ! Ce n'est pas vrai !
M. Louis Minetti. L'avoir fiscal ne remonte pas à la nuit des temps, disais-je. Par conséquent, il faut le corriger maintenant que les riches se sont servis ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. François Trucy. C'est la IIIe République !
M. Louis Minetti. Par ailleurs, l'emploi de certains mots n'est pas judicieux. Je vous en prie, mes chers collègues, ne parlez pas d'épargne quand il s'agit des petites gens ! Les petites gens, nous en sommes ! Nous, nous parlons des grandes fortunes de France.
M. Jean Chérioux. Elles ne sont pas en France, hélas ! les grandes fortunes ! Elles sont à l'étranger !
M. Louis Minetti. Il suffit de lire régulièrement les magazines pour connaître les détenteurs de grandes fortunes. Alors, s'il vous plaît, ne parlons pas, pour ceux-ci, d'« épargne » ! Je suis le défenseur des épargnants ; mais ce sont les petites gens, les ouvriers, les employés, les petits paysans,...
Mme Nelly Olin. Arrêtez !
M. Louis Minetti. ... et pas ceux qui placent leur argent en bourse !
Enfin, nous allons bientôt fêter Noël, et nous entrons dans la période difficile au cours de laquelle nous allons voir toutes les organisations caritatives essayer de soulager un peu la misère des quelque sept millions de pauvres au moins qui sont répertoriés dans ce pays.
De grâce, ne leur faisons pas l'insulte de parler de tout autre chose ! Sinon, je serai obligé de vous rappeler - en m'excusant auprès des puristes, car je n'ai pas le texte sous les yeux - ce qu'écrivait, voilà fort longtemps, Victor Hugo : « Dans le siècle où nous sommes, ainsi que des raisins, on écrase les hommes, et l'or sort du pressoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. René Ballayer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La prole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. Je vois dans cette affaire non seulement une question d'argent, mais aussi et surtout une question de confiance.
Quand vous achetez un bien immobilier, après accord avec le vendeur, vous allez voir le notaire qui établit un acte authentique. Quand vous achetez une action ou une obligation en bourse, un accord de confiance lie le vendeur et l'acheteur. Ce dernier sait à l'avance que ladite action ou obligation rapportera tant, et qu'un avoir fiscal lui sera rétrocédée ultérieurement. Cet avoir fiscal fait partie du pacte de confiance passé entre le vendeur et l'acheteur.
Dans cette affaire, on fait maintenant fi de l'honnêteté ; c'est l'honnêteté morale dans son ensemble qui est trahie et cela est très grave.
Il ne faut pas traiter à la légère des choses comme celles-là. Ce n'est pas tant une question pécuniaire qu'une question de confiance, dans la relation entre l'Etat et les actionnaires de l'Etat que sont tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini. Très bien !
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Ce débat vient de prendre un tour singulier, ce qui n'est pas tout à fait coutumier à la Haute Assemblée, où je siège déjà depuis un certain nombre d'années.
Dans la discussion générale j'ai dit - certains, dans les couloirs, m'ont reproché d'être excessif - que le Sénat semblait plus se préoccuper du sort des détenteurs de patrimoine, particulièrement de patrimoine mobilier, que du sort des autres Français.
Nous en avons aujourd'hui la preuve administrée. C'est bien parce que l'on toucherait à quelques-uns, en nombre très limité, cela a été dit, que, subitement, s'est levé un vent de polémiques, voire un vent de terreur. (Protestations sur les travées du RPR.) Nous avons d'ailleurs vu tout à l'heure des gestes de certains collègues pour le moins déplacés.
De nouveau, on se sert d'une masse de contribuables qui ont un petit avoir fiscal, mais qui sont écartés de ce dispositif, pour en faire un bouclier protecteur de quelques-uns qui sont effectivement particulièrement initiés, et bien conseillés.
Je suis sensible à ce que notre collègue M. Bernard Angels a rappelé tout à l'heure : 14 % à 20 % du patrimoine sont détenus par 1 % de la population, par 1 % des foyers fiscaux ! Le Gouvernement l'a dit à plusieurs reprises, il entend entreprendre une réforme de la fiscalité du patrimoine. Nous allons donc devoir réfléchir ensemble à une meilleure répartition et de la fiscalité du capital et de la fiscalité du travail.
Mes chers collègues, je vous prends à témoin des travaux qui nous attendent : vous imaginez déjà quelle sera l'ambiance ! Aujourd'hui, parce que quelques-uns, en nombre très limité, sont touchés par une mesure de rééquilibrage, dont les fondements, au nom de l'équité et de la justice, ne sont pas dénués de sens et d'intérêt, on crie au crime !
Il faut revenir à plus juste raison et savoir que nombre de contribuables bénéficiant d'un avoir fiscal ne seront pas touchés par les dispositions de l'article 15.
C'est pourquoi, en toute honnêteté, je crois qu'il nous faut adopter ce texte, tel que le Gouvernement nous le propose. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je souhaite simplement faire un peu d'histoire. Qu'est-ce que l'avoir fiscal ? C'est le remboursement de l'impôt qui a été, en quelque sorte, précompté aux actionnaires quand les sociétés ont acquitté l'impôt dont elles sont redevables.
Quel est le gouvernement qui a ramené le taux de l'impôt sur les sociétés à 33,33 %. C'est celui de Pierre Bérégovoy, si mes souvenirs sont exacts ! De ce fait, avec un avoir fiscal à 50 %, lorsque les profits étaient distribués, il n'y avait pas double imposition.
Je ne comprends donc pas pourquoi est fait tout ce tintamarre autour des possédants, des non-possédants, etc. Ce système, qui existe d'ailleurs dans de nombreux autres pays, a été mis en place pour éviter une double imposition et pour faire en sorte que tous ceux qui confient leur argent à des sociétés puissent bénéficier des résultats des entreprises de façon complète, en n'étant pas doublement imposés. Un point, c'est tout. Il ne s'agit nullement de faire bénéficier des riches, des potentats, tout ce que vous voulez, de je ne sais quel avantage.
Je ne comprends donc pas tout cet émoi et toutes ces bagarres. L'avoir fiscal est un dû, il doit être payé et il n'est pas normal de ne pas le rembourser. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'intervention de M. Chérioux est de nature, me semble-t-il, à apaiser le débat. L'avoir fiscal, effectivement, c'est un avoir en impôt ; son objet est d'éviter une double imposition. C'est un avoir sur les impôts que le détenteur d'actions paiera. Si le détenteur d'actions ne paie pas d'impôt, l'avoir fiscal pose un problème.
M. Michel Caldaguès. La société les a déjà payés pour son compte en acquittant l'impôt sur les sociétés !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Caldaguès, la société a payé les impôts sur ses bénéfices, qu'ils soient distribués ou non distribués.
M. Michel Caldaguès. La société est indissociable de ses actionnaires !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, et à lui seul !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Lorsque le contribuable ne paie pas d'impôt, il n'a pas à bénéficier d'un avoir fiscal. Il s'agit là d'une disposition très sereine que vous propose le Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Vous modifiez ce que j'ai dit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si ce n'est pas ce que vous avez dit, monsieur Chérioux, c'est ce que je dis !
Certains se sont emportés un peu, ce qui est naturel, et ont dit que le Gouvernement était l'ennemi des épargnants. Non, ce n'est pas vrai, on ne peut pas, à partir de cette mesure, faire une telle déduction.
Je signale, en restant volontairement sur un plan assez technique, pour ne pas participer à l'ébullition générale, que les contribuables épargnants qui placent leur argent dans des plans d'épargne en actions dont les revenus sont capitalisés pendant cinq ans ne sont absolument pas concernés par la mesure dont nous débattons aujourd'hui.
Enfin, si véritablement le Gouvernement avait manifesté une hostilité foncière aux placements d'épargne et aux valeurs immobilières, la Bourse de Paris en aurait tenu compte.
M. Jean Chérioux. Il n'empêche que c'est un dû !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas à m'en féliciter. Je constate simplement que la Bourse n'a pas baissé.
En tout domaine, il faut raison garder et je crois que l'article proposé par le Gouvernement n'est pas si terrible que d'aucuns voudraient le faire croire.
M. Jean Chérioux. C'est quand même un dû !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-17, rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 221
Contre 97

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Rappels au règlement



M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi de vous donner lecture de l'article 37, alinéa 2, du règlement du Sénat : « Les commissaires du Gouvernement, à la demande du Gouvernement, peuvent également intervenir. »
Cela signifie que les commissaires du Gouvernement, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, doivent être muets. Ils n'ont donc ni à s'exprimer ni à manifester leur sentiment. Il en a toujours été ainsi.
Les manifestations, les rires sont tout à fait excessifs et en totale contradiction avec notre règlement. Je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir le notifier à M. le secrétaire d'Etat. (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Chérioux.
M. René Régnault. Je demande la parole pour un rappel du règlement.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons eu tout à l'heure une discussion un peu vive, et la remarque de notre collègue M. Chérioux m'étonne.
L'échange a été un peu vif certes, mais tout a été dit dans la dignité et le Sénat a tranché par un vote. Une solution démocratique a été apportée par la Haute Assemblée, et nous devrions nous y tenir.
M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir : c'est une question de tenue en séance !
M. René Régnault. Quant à juger des comportements, mieux vaudrait ne pas nous engager trop dans cette voie. Quelques gestes d'un certain collègue m'ont en effet paru tout à fait déplacés, et je crois qu'en d'autres circonstances le sénateur en question aurait été rappelé à l'ordre.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Régnault.

Article additionnel après l'article 15



M. le président.
Par amendement n° I-92, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatrième alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, les mots : "la moitié" sont remplacés par les mots : "le tiers". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. M. Chérioux, voilà quelques instants, parlait d'or, puisque cet amendement a précisément pour objet de réduire non plus de la moitié mais d'un tiers le montant de l'avoir fiscal, précisément au motif que le taux de l'impôt sur les sociétés est à 33 1/3.
M. Jean Chérioux. Il l'était !
M. Paul Loridant. Certes, je le reconnais, puisque le précédent gouvernement, dont le Premier ministre était M. Juppé, a augmenté le taux de l'impôt sur les sociétés et que, par la MUFF, la nouvelle majorité a accepté, à titre temporaire, une majoration de cet impôt sur les sociétés.
Dès lors que l'avoir fiscal a pour objet d'éviter la double imposition - comme vous le disiez, mes chers collègues - et que cette imposition n'est plus soumise qu'au taux de 33 1/3, l'avoir fiscal doit, lui aussi, être réduit de la moitié au tiers.
Nous avons pu déposer cet amendement tendant à insérer un article additionnel puisque l'avoir fiscal perdure. Je ne doute pas, après avoir entendu les propos tenus par les sénateurs de la majorité, qu'il sera adopté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je crois que la proposition du Gouvernement, qui n'a pas été suivi, suffisait, et je ne suis pas sûr que ce nouvel amendement s'impose.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-92.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je prends la parole, non pas tellement pour m'opposer à cet amendement, que je ne voterai pourtant pas, mais plutôt pour faire une mise au point.
Quand j'ai exposé ce que je pensais être objectivement l'historique de l'avoir fiscal, je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas le rembourser, au contraire. Je considère, en effet, que c'est un dû. C'est tellement vrai que, si vous consultez n'importe quel journal financier, monsieur le secrétaire d'Etat, vous verrez que le rendement des actions françaises est calculé sur le montant du dividende plus l'avoir fiscal.
Par conséquent, lorsque vous retenez cette somme, vous retenez une partie du dividende dû au regard du rendement affiché de ces actions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-92, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - Le 5° bis de l'article 157 du code général des impôts est complété par les mots :
« toutefois, à compter de l'imposition des revenus de 1997, les produits, avoirs fiscaux et crédits d'impôt restitués procurés par des placements effectués en actions ou parts de sociétés qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, à l'exception des intérêts versés dans les conditions prévues à l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération aux titres de capital de sociétés régies par cette loi, ne bénéficient de cette exonération que dans la limite de 10 % du montant de ces placements ; ».
Sur l'article, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Le présent article a pour objet de combattre les abus qui ont été constatés par l'administration fiscale et qui permettent à certains contribuables bien conseillés d'échapper à l'impôt sur le revenu.
Vous le savez, mes chers collègues, le plan d'épargne en actions est un instrument d'épargne défiscalisé destiné à encourager les épargnants à investir en actions afin de renforcer les fonds propres des entreprises.
Les PEA peuvent comprendre des titres cotés en bourse et des titres non cotés. A l'origine, ces derniers étaient admis sur la base de conditions strictes ; mais la loi de finances de 1995 a supprimé ces conditions. Elle a en particulier levé les conditions relatives à l'origine de la détention. Celle-ci ne résulte plus d'une cession à l'occasion de la constitution d'une société ou d'une augmentation de capital. Le titulaire du plan d'épargne en actions, son conjoint, ses ascendants ou ses descendants, n'ont par ailleurs plus l'obligation de détenir plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société.
Du fait de ces modifications, nous avons assisté à des pratiques abusives. Certains détenteurs de PEA ont ainsi acquis des parts de leur entreprise et perçu de substantiels dividendes en lieu et place de leurs salaires, qui ont été minorés d'autant.
Au total, ces versements ont été effectués en franchise d'impôt et les salaires diminués ont été, en proportion, moins taxés à l'impôt sur le revenu.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement propose de plafonner l'exonération des produits afférents aux titres non cotés détenus dans un PEA.
Nous ne pouvons que souscrire à cette mesure, et ce d'autant qu'en la matière les garanties protégeant les contribuables rendent difficile l'application de l'abus de droit et de l'instruction qu'a élaborée récemment l'administration pour sanctionner les abus constatés sur les PEA.
En conclusion, cet article 16 met en place une très bonne mesure.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-18, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de supprimer l'article 16.
Par amendement n° I-42 rectifié, M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le texte présenté par l'article 16 pour compléter le 5° bis de l'article 157 du code général des impôts, de remplacer les mots : « à compter de l'imposition des revenus de 1997 » par les mots : « à compter du 24 septembre 1977 » et les mots : « 10 % du montant de ces placements » par les mots : « 25 % du montant de ces placements ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-18.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, il s'agit par cet amendement de nous poser une question extrêmement importante : à quoi sert la loi dans l'organisation de la société ? Autrement dit, la loi, comme nous le pensons tous, doit-elle avoir une portée générale ou peut-elle être utilisée pour régler des cas particuliers ?
C'est dans ces mêmes termes que j'avais posé la question au précédent gouvernement. L'actuel gouvernement conserve l'héritage du précédent et, en la circonstance, il nous présente à nouveau une mesure que nous avons rejetée l'an passé.
En l'occurrence, l'année dernière, l'Assemblée nationale, dans sa précédente composition, avait adopté une mesure que le Sénat avait ensuite rejetée, et la commission mixte paritaire avait bien voulu se rendre à nos arguments.
Mes chers collègues, même si nos échanges ont été parfois vifs au cours de l'après-midi, je veux éviter la moindre ambiguïté et je me tourne donc vers les travées socialistes de cet hémicycle pour dire qu'il ne s'agit pas de favoriser le comportement que notre collègue M. Bernard Angels a décrit, qu'il n'est pas question de permettre à des salariés de transformer des rémunérations salariales en dividendes et d'utiliser ainsi les PEA pour échapper à l'impôt.
Le procédé qu'a décrit M. Angels - je n'aurais pas su le faire mieux que lui - constitue bien un abus. Mais, pour lutter contre cet abus, il existe une procédure dans notre droit, celle de l'abus de droit.
Or, les gouvernements - je n'aime pas mettre en cause l'administration - hésitent, semble-t-il, à utiliser cette procédure. Monsieur le secrétaire d'Etat, si elle n'est pas performante, réformons-la !
Nous avons d'ailleurs proposé à votre prédécesseur de la revoir afin de la rendre plus facilement applicable. Il n'a pas dit que c'était une mauvaise idée, mais il n'y a pas donné suite.
Lorsque l'instruction fiscale est parue le 30 avril 1997, précisément pour traiter de l'abus de droit en matière de PEA, nous nous sommes dit : voilà un Gouvernement qui tient compte des débats du Sénat et qui se dote de l'outil administratif qui va permettre d'engager des procédures d'abus de droit !
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, de deux choses l'une : soit cette instruction n'atteint pas l'objectif qui lui était fixé, soit vous avez connu, dans les procédures engagées, des déconvenues qui vous ont convaincu que ce dispostif ne fonctionnait pas.
Mais, dans cette hypothèse, vous devez une information au Sénat. Combien de procédures d'abus de droit avez-vous engagées ? Combien n'ont pas abouti ? Combien avez-vous décelé d'abus réels de droit et d'utilisations des PEA pour dissimuler des rémunérations salariales en dividendes ?
Mes chers collègues, j'ai le sentiment, ou le pressentiment, comme je l'ai dit au précédent gouvernement - et je le dis au présent gouvernement avec beaucoup plus de modération - que nous légiférons pour une dizaine de contribuables en France.
Je vous en supplie, mes chers collègues, ne nous laissons pas aller à cette tentation !
Ce qui me fait penser que le Gouvernement a perçu le danger de la législation qu'il nous propose, c'est qu'il a déjà ajouté - ce que le précédent gouvernement n'avait pas fait - les revenus des parts de sociétés coopératives.
Il s'est aperçu, sans doute parce que certains établissements financiers lui ont signalé le danger, que ce dispositif allait avoir des effets extrêmement pervers.
J'ai un autre pressentiment, c'est qu'il y aura d'autres effets pervers et que l'on vous proposera dans les années qui viennent d'ajouter des exceptions aux exceptions afin d'éviter que cette législation ne produise des effets désastreux.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, la recommandation que je fais au Sénat est la même que l'année dernière : il convient de rejeter cette proposition. Cependant, auparavant, nous allons vous écouter, pour savoir combien de procédures en abus de droit ont été engagées au cours de l'année qui vient de s'écouler, combien n'ont pas abouti et pourquoi.
Mes chers collègues, essayons d'avoir une législation fiscale qui soit lisible, qui soit facilement applicable et ne créons pas des incertitudes juridiques ou fiscales auprès des contribuables de bonne foi au motif qu'il existe dans notre pays quelques contribuables qui ne jouent pas le jeu. Ces contribuables-là sont conseillés par des cabinets extrêmement spécialisés ; il faut, certes, les combattre en la circonstance, mais avec les armes qui conviennent, c'est-à-dire avec des procédures qui les condamnent et qui feront que la loi ne sera pas devenue un piège pour les personnes de bonne foi, un piège auquel continueront d'échapper celles qui sont de mauvaise foi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-42 rectifié.
M. Philippe Marini. Il s'agit d'un amendement de repli.
Je partage l'approche, l'analyse, les préconisations de M. le rapporteur général mais, dans l'hypothèse où la solution qui est proposée par la commission des finances ne serait pas retenue, et en fonction, naturellement, des avis qui seront exprimés par le Gouvernement, je défends ce dispositif de repli qui améliore le texte voté par l'Assemblée nationale afin de ne pas pénaliser les investisseurs en capital-risque.
C'est une erreur de fixer le plafond de déductibilité à 10 %, car c'est le taux habituel pour des valeurs cotées sur un large marché.
Or le capital-risque, comme son nom l'indique, présente un risque. Il a un effet de levier qui peut être puissant, mais, dans certains cas, on perd toute sa mise ; c'est dans la nature même du capital-risque.
M. le secrétaire d'Etat en est lui-même convaincu, puisqu'il nous propose, dans le projet de loi de finances, un dispositif, d'ailleurs tout à fait opportun, tendant à favoriser le capital-risque.
Il me semble que la limite prévue par le Gouvernement est un peu basse, et que la mesure serait un peu moins destructrice si cette limite était de l'ordre de 25 %. Voilà pourquoi, dans un souci de réalisme, je suggère cet amendement.
J'y ajoute un dernier élément : il me semble que cette disposition restrictive ne doit pas s'appliquer rétroactivement à des sommes versées ou restituées avant l'annonce du projet de loi de finances car, là encore - je reprendrai l'argument utilisé tout à l'heure par notre collègue M. René Ballayer - c'est une question de confiance.
Modifier après coup les conditions dans lesquelles on a déterminé une décision d'investissement n'est pas correct pour le marché. Voilà pourquoi la remise en cause de cette disposition fiscale incitative ne me semble raisonnablement possible - si l'on veut le faire - qu'à compter de la date d'annonce du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-42 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission pense qu'il serait utile d'entendre le Gouvernement, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-18 et I-42 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Avec ces deux amendements, nous retrouvons la sérénité. En effet, avec le rapporteur général, le Gouvernement est d'accord pour considérer que la plupart des contribuables sont de bonne foi. Mais il existe des contribuables de mauvaise foi, et nos avis divergent sur la façon de traiter leur cas et de les poursuivre.
M. le rapporteur général souligne, une fois n'est pas coutume, la continuité gouvernementale sur ce sujet. Je dois dire que la continuité sénatoriale, notamment celle de votre rapporteur général, est encore plus proverbiale !
S'agissant de l'abus de droit, je peux vous rassurer : un certain nombre de procédures de répression sont en cours, mais elles sont difficiles à appliquer, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, par définition, pour poursuivre des abus de droit, il faut en être informé. Or, pour déceler les contribuables de mauvaise foi, qui sont une toute petite minorité, il faudrait que les services fiscaux effectuent des investigations à très grande échelle, ce qui demanderait des moyens importants.
Ensuite, une fois qu'il y a une présomption d'abus de droit, il faut que l'administration fiscale en apporte la preuve. Il faut que les actes litigieux aient eu un caractère fictif ou il faut prouver que le contribuable a cherché à éluder ou à atténuer la charge fiscale qu'il aurait dû normalement supporter. Vous savez que la jurisprudence, qui est habituellement très soucieuse de protéger les droits du contribuable, est très exigeante quant à la charge de la preuve en la matière.
En théorie, la solution que propose M. Lambert est bonne. Elle traite les cas un par un. Mais elle est très lourde en termes de moyens et elle est aléatoire. Le Gouvernement propose donc une méthode plus sommaire, mais plus efficace.
M. Marini m'a posé deux questions.
La première est relative au capital-risque. Il a tout à fait raison de souligner le fait que nous avons tous intérêt à le développer. Celui-ci se manifeste en général par des parts de société non cotées.
Monsieur Laffitte, vous qui avez aussi quelque compétence en la matière, ces entreprises nouvelles à haute technologie ne distribuent généralement pas de dividendes. Comme M. Marini l'a très bien indiqué, si cet investissement risqué est réussi, le capital est multiplié, mais s'il échoue, le capital est perdu.
Je pense donc très sincèrement que le capital-risque est hors sujet.
M. Marini a enfin évoqué la question de la rétroactivité. Il s'agit de savoir si l'on peut, dans un projet de loi de finances, adopter des dispositions concernant les revenus de cette année qui seront effectivement taxés l'an prochain.
M. Michel Charasse. Voyez plutôt les décisions du Conseil constitutionnel !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Conseil constitutionnel, comme le dit M. Charasse, a effectivement souvent tranché en la matière. Il l'a encore fait récemment à propos des plus-values à long terme qui figuraient dans le projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
Le recours qui a été introduit au nom de cet argument de rétroactivité n'a pas été accepté par l'Assemblée. C'est pourquoi je suis défavorable aux deux amendements proposés, même si je ne suis pas insensible aux préoccupations qui les sous-tendent.
M. le président. La commission est-elle maintenant en mesure de donner son avis sur l'amendement n° I-42 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Au cours de l'après-midi, j'ai invité M. le secrétaire d'Etat, compte tenu de ma constitution quelque peu rustique, à répondre très brutalement à mes questions.
Vous m'avez répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre de procédures d'abus de droit avaient été engagées. Combien l'ont été depuis un an ?
Mes chers collègues, nous sommes en charge de l'une des oeuvres les plus belles d'une existence humaine. Selon Portalis, qui nous regarde : « La loi permet, interdit, ordonne. » Tout est dit dans cette formule ! Ce que nous proposent les gouvernements successifs, c'est que nous soyons les greffiers des services qui rencontrent, toute la journée, des difficultés liées au comportement d'un certain nombre de nos concitoyens.
Dans cette course aux contribuables de mauvaise foi, vous n'en sortirez pas !
M. René Régnault. Surtout si vous les encouragez !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il nous faut une loi de portée générale et des moyens nous permettant d'engager les procédures nécessaires pour faire condamner ceux qui auront abusé du droit. Sinon, c'en est fini : la législation sera un filet effroyable qui enfermera toute initiative honnête des Français, mais les poissons que vous recherchez s'échapperont, car ils auront trouvé d'autres solutions !
Mes chers collègues, sur une question de cette importance, ne reculez pas ! C'est toute l'idée que vous devez vous faire de votre rôle dans la société française qui est en jeu. Vous êtes le législateur, celui qui édicte la norme. Cette norme - organisons-nous pour avoir des moyens procéduraux qui le permettent - doit pouvoir être exécutée. Dotons ceux qui sont au service de la France dans l'administration des moyens de procédures nécessaires pour que tous les abus soient réprimés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre désaccord n'est pas d'ordre politique - je n'ai esquivé aucun désaccord politique depuis le début de cette discussion - mais il porte sur un thème élevé : le rôle de la loi dans l'organisation de la société.
Nous ne devons pas nous laisser conduire sur le chemin que la modernité tente de nous éclairer, celui qui consiste à vouloir régler par la loi les plus menus détails de la société. C'est une impasse dans laquelle la Haute Assemblée, qui est exemplaire en matière de réflexion, ne doit pas s'engager !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-18, repoussé par le Gouvernement.
M. René Régnault. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est supprimé et l'amendement n° I-42 rectifié n'a plus d'objet.

Article 17



M. le président.
« Art. 17. _ I. _ Supprimé.
« II. _ Le I de l'article 125-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Après le premier alinéa, il est inséré neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les produits attachés aux bons ou contrats d'une durée égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les bons ou contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990, acquis au 31 décembre 1997 ou constatés à cette même date pour les bons ou contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, sont exonérés d'impôt sur le revenu quelle que soit la date des versements auxquels ces produits se rattachent. Il en est de même des produits de ces bons ou contrats afférents à des primes versées antérieurement au 26 septembre 1997, acquis ou constatés, à compter du 1er janvier 1998.
« Sont également exonérés d'impôt sur le revenu les produits des contrats mentionnés à l'alinéa précédent souscrits antérieurement au 26 septembre 1997, lorsque ces produits, acquis ou constatés à compter du 1er janvier 1998, sont afférents :
« _ aux primes versées sur les contrats à primes périodiques et n'excédant pas celles prévues initialement au contrat ;
« _ aux versements programmés effectués du 26 septembre 1997 au 31 décembre 1997 ; les versements programmés s'entendent de ceux effectués en exécution d'un engagement antérieur au 26 septembre 1997 prévoyant la périodicité et le montant du versement ;
« _ aux autres versements effectués du 26 septembre 1997 au 31 décembre 1997, sous réserve que le total de ces versements n'excède pas 200 000 F par souscripteur.
« Sont exonérés d'impôt sur le revenu les produits attachés aux bons ou contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, d'une durée égale ou supérieure à huit ans et dont l'actif de référence est constitué de manière continue pour 50 % au moins de :
« a. Parts de fonds communs de placement à risques, de fonds communs de placement dans l'innovation, actions de sociétés de capital-risque ou de sociétés financières d'innovation ;
« b. Titres admis aux négociations sur le nouveau marché ;
« c. Actions émises par des sociétés qui sont, sans avoir exercé d'option pour un autre régime d'imposition, passibles de l'impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option, qui exercent une activité autre que celles mentionnées au deuxième alinéa du 2° de l'article 44 sexies et dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ;
« 2° Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :
« Il est opéré, pour l'ensemble des bons ou contrats d'une durée égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les bons ou contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990 détenus par un même contribuable, un abattement annuel, de 30 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 60 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune, sur la somme des produits imposables. »
« II bis. _ Le deuxième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est supprimé.
« II ter. _ Le premier alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :
« d. A 7,5 % lorsque cette durée a été égale ou supérieure à six ans pour les bons ou contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et à huit ans pour les contrats souscrits à compter du 1er janvier 1990. »
« III. _ Au pénultième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts, les mots : "Ces durées s'entendent" sont remplacés par les mots : "La durée des contrats s'entend" ».
« IV. _ Au dernier alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts, le mot : « Toutefois, » est supprimé. Cet alinéa devient le onzième alinéa du I du même article.
« V. _ Au deuxième alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et au quatrième alinéa du I de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, après les mots : "abattements mentionnés" sont insérés les mots : "au II de l'article 125-0 A et" ».
« VI. _ Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'article 17 est consacré au traitement de l'épargne dans notre pays.
Notre préoccupation est de voir que nous nous engageons dans une logique qui est inverse de celle qu'il faudrait retenir, c'est-à-dire que nous finirons par mieux traiter l'épargne courte que l'épargne longue. Or nous sommes, je crois, sur toutes les travées, convaincus des vertus de l'épargne longue et de la nécessité de la soutenir.
Le dispositif qui nous est proposé à l'article 17 inverse la hiérarchie normale de la fiscalité de l'épargne. Il prive les épargnants d'un moyen efficace de se constituer un complément d'épargne en vue de leur retraite. Il fait courir un risque important pour le financement du déficit budgétaire ; c'est en tout cas notre crainte. Il peut pousser, je le dis par hypothèse, à la délocalisation de certains épargnants français, en particulier ceux qui sont les mieux conseillés. Il semble que des documents publicitaires de compagnies européennes fassent déjà l'éloge du secret bancaire dont les épargnants pourraient jouir en dehors de la France.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous arrive éventuellement de distribuer des mauvais points à d'autres gouvernements que le vôtre ; nous constatons que, pour la troisième année consécutive, le paysage fiscal de l'assurance-vie va se trouver à nouveau bouleversé si ce dispositif est adopté sans qu'il soit tenu compte du rôle majeur que cette assurance-vie joue dans le financement de l'économie.
Enfin, en raison de cette instabilité de la fiscalité, il est impossible pour les épargnants de fonder un calcul économique rationnel.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des finances a souhaité vous rendre attentifs à cet article, qu'elle vous proposera de supprimer par voie d'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Cet article vise à mieux rééquilibrer le traitement fiscal qui s'applique aux produits de l'épargne, en l'occurrence l'assurance-vie, par rapport aux revenus du travail.
Nous approuvons cette mesure, et ce d'autant qu'elle ménage un abattement à la base permettant d'exonérer les petits épargnants. De surcroît, le nouveau taux de prélèvement libératoire est, somme toute, égal à la moitié de celui qui est en vigueur pour les produits dont la durée des contrats se situe entre quatre et huit ans. Par ailleurs, le Gouvernement a pris des mesures permettant d'assouplir les modalités d'entrée dans le dispositif.
Néanmoins, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur trois points.
Premièrement, en accord avec les organismes professionnels, vous avez obtenu que soit instituée une gestion séparée des contrats, de manière que soit bien dissociés les versements antérieurs au 1er janvier 1998 et ceux qui seront postérieurs à cette date.
Ne risque-t-on pas d'alourdir les coûts de gestion, que les sociétés d'assurances ne manqueraient pas de répercuter sur les souscripteurs !
Deuxièmement, ce nouveau dispositif de prélèvement encourage les contrats constitués en titres non cotés et, plus généralement, ceux que l'on peut considérer comme offrant un risque. On peut comprendre, économiquement parlant, les raisons d'un tel choix. Mais ne pensez-vous pas que c'est là encourager les investisseurs qui, au total, ont les moyens d'assumer un tel risque et courir le danger de mettre en porte à faux les petits épargnants qui préféreront opter pour une gestion plus sage de leurs capitaux ?
Troisièmement, vous introduisez - ce n'est pas nouveau - une distorsion de traitement au profit des contrats à prime périodique par rapport aux contrats programmés, alors que ces contrats périodiques, au demeurant peu nombreux, sont les plus mauvais : ils sont beaucoup moins transparents que les contrats programmés et induisent des frais de gestion plus importants. Ces nouveaux contrats, lorsqu'ils ont été souscrits antérieurement au 26 septembre, ne subiront pas, à l'avenir, de taxation. Nous n'en percevons pas bien la raison.
J'aimerais donc avoir quelques éclaircissements sur ces trois points, monsieur le secrétaire d'Etat.
Enfin - nous avons déposé un amendement dans ce sens - il nous semble nécessaire de revoir l'avantage extraordinaire dont bénéficie l'assurance-vie, je veux parler de l'exonération des droits de succession.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-19 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-165 est déposé par M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° I-192 est présenté par MM. Badré, de Villepin et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous trois tendent à supprimer l'article 17.
Par amendement n° I-126, MM. Roujas, Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le cinquième alinéa du texte présenté par le 1° du II de l'article 17 pour être inséré après le premier alinéa du I de l'article 125-O A du code général des impôts par les mots suivants : « à la condition expresse qu'il soit justifié de l'encaissement effectif des sommes versées avant les dates ci-dessus. »
Par amendement n° I-108, M. Loridant propose de rédiger comme suit le paragraphe II bis de l'article 17 :
« II bis. - Le cinquième alinéa du 1° du II de l'article 125-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Ces produits sont exonérés lorsque la durée du contrat est égale ou supérieure à douze ans. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-19.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Compte tenu des explications que j'ai données sur l'article, il me semble inutile de reprendre la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-165.
M. Philippe Marini. Je trouve moi aussi que la proposition contenue dans le projet de loi de finances va dans le mauvais sens.
En premier lieu, elle est discriminatoire, et c'est l'épargne longue contractuelle qui est touchée alors qu'elle devrait être au contraire encouragée.
En deuxième lieu, je ne souscris pas aux objectifs visés car l'assurance-vie est un moyen de préparer la période de la retraite. Or, en nuisant au mécanisme de capitalisation on ne sert pas cet objectif.
En troisième lieu, elle est surprenante dans la mesure où l'on connaît le rôle de l'assurance-vie pour permettre à l'Etat de financer une partie de sa dette.
Pour l'ensemble de ces raisons, que je ne développerai pas davantage, j'ai présenté avec mes collègues du groupe du RPR un amendement visant à la suppression de l'article.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-192.
M. Denis Badré. Permettez-moi d'ajouter quelques arguments à ceux qu'ont présentés M. le rapporteur général et M. Marini.
Si l'on tient compte des prélèvements sociaux, avec l'article 17 du projet de loi de finances, on assisterait au quintuplement du montant des prélèvements sociaux qui pèsent sur les revenus de l'assurance-vie puisque leur taux, qui est inférieur à 4 %, passerait à 17,5 %. Nous avons là un exemple tout à fait frappant de ces coups de tabac qui secouent régulièrement notre fiscalité.
De telles remises en cause, il faut le savoir, découragent nos épargnants et les poussent à chercher d'autres solutions. Dans le meilleur des cas, ils se tournent vers des produits liquides. Il ne faut pas s'étonner que certains d'entre eux, malheureusement de plus en plus nombreux, recherchent également à l'étranger un port à l'abri des tempêtes.
M. Philippe Marini à l'instant et M. le rapporteur général dans l'après-midi, anticipant sur l'examen de cet article, ont relevé le fait qu'il visait très directement les retraités, qui se trouvent dans l'oeil du cyclone alors qu'ils sont déjà un peu étourdis par bien d'autres mesures. Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne idée.
Permettez-moi enfin de revenir sur le fameux rééquilibrage entre la taxation des revenus de l'épargne d'une part, celle des revenus du travail, d'autre part, sujet sur lequel je suis déjà intervenu lors de la discussion générale.
Je reprends là un point qu'évoquait voilà quelques instants M. Régnault et sur lequel le commissaire Monti était intervenu largement devant les membres de la commission des finances, voilà un ou deux mois.
Tous les pays d'Europe sont engagés dans cette voie mais, malheureusement, alors que nos partenaires s'efforcent de progresser vers ce rééquilibrage en allégeant la fiscalité qui pèse sur les revenus du travail, vous - cela doit être encore une expression de l'exception française - vous choisissez d'alourdir la fiscalité qui pèse sur l'épargne. Nous aurons donc une fiscalité pesant sur les revenus du travail plus lourde et une fiscalité pesant sur les revenus de l'épargne plus lourde. Dans ces conditions, il nous faudra être très forts pour rester compétitifs ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° I-126.
M. Marc Massion. Cet amendement vise à éviter que certaines souscriptions de contrats ne soient antidatées pour échapper au nouveau régime fiscal prévu par l'article 17.
Les mesures prises sur l'assurance-vie les années précédentes ont donné lieu à quelques fraudes par le biais de versements antidatés. Sans vouloir jeter le discrédit sur une profession qui fait très bien et honnêtement son travail, il s'agit d'éviter simplement que certains agents de compagnies d'assurances ne cèdent à la tentation.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-108.
M. Paul Loridant. Je tiens d'abord à préciser que je présente cet amendement à titre personnel et qu'il n'engage nullement le groupe auquel j'appartiens.
Je voudrais attirer l'attention à la fois de M. le secrétaire d'Etat et de la majorité sénatoriale sur l'impasse dans laquelle ils semblent s'être engagés.
Nous abordons un dossier difficile qui est celui de l'épargne longue, élément essentiel pour assurer le financement de l'économie et, finalement, la croissance et l'emploi.
Je ne remets nullement en cause par cet amendement le fait que l'assurance-vie soit désormais soumise au RDS et à la CSG, j'allais dire à la fiscalité générale.
Dans cet article 17, le Gouvernement propose d'instaurer un prélèvement au taux de 7,5 % pour les contrats d'assurance-vie détenus depuis huit ans.
Le sujet est d'importance. Pour ma part, je propose à la commission, à la majorité sénatoriale et au Gouvernement une procédure qui se situe à mi-chemin.
En effet, nous savons que la plupart des contrats d'assurance-vie ont été souscrits dans les années quatre-vingt-dix. Les sorties prévisibles devraient intervenir dans les prochains mois, au cours de l'année 1998-1999. Les montants en jeu sont d'importance, puisqu'ils atteindraient, à ma connaissance, 100 milliards de francs.
Par cet amendement, je propose une nouvelle hiérarchie de la fiscalité des revenus de l'épargne, étant entendu que l'épargne populaire est exonérée de toute fiscalité, que les produits d'épargne classiques ne bénéficient d'aucune exonération et sont donc soumis à la fiscalité, que les produits d'épargne du PEP, le plan d'épargne populaire, ou du PEA, le plan d'épargne en actions, sont soumis à une fiscalité après cinq ou huit ans, que les contrats d'assurance-vie, c'est-à-dire l'épargne très longue, sont exonérés de toute fiscalité, en dehors du RDS et de la CSG, au-delà de douze ans.
Il y aurait donc une hiérarchie dans la fiscalité de l'épargne qui permet, me semble-t-il, à la fois aux pouvoirs publics et à l'économie d'être financés tout en donnant la possibilité à ceux qui pratiquent l'épargne longue de pouvoir être correctement rémunérés et d'assumer leurs risques.
Et je ne parle pas de l'impôt sur les successions, alors que, à titre personnel, je suis favorable à ce que les contrats d'assurance-vie soient soumis aux droits des successions dès lors qu'ils dépassent le seuil de l'impôt sur la fortune.
Dans les autres domaines, la non-fiscalité après douze ans devrait permettre aux sociétés d'assurance ou aux banques, ou, plus généralement, à l'ensemble du système financier, d'adosser les engagements pris sur un certain nombre de placements, soit en obligations, soit, plus sûrement, en actions, contribuant ainsi au financement de notre économie et, de ce fait, à sa meilleure stabilisation.
Je me permets d'attirer l'attention du Gouvernement sur les risques véritables que font peser la compétitivité et la concurrence avec un certain nombre de pays à l'intérieur même de l'Union économique et monétaire.
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Paul Loridant. Si nous ne prenons pas de mesures, nous courons le risque d'assister à une délocalisation de l'épargne à long terme dans d'autres pays, ce qui serait tout de même regrettable !
Enfin, il me semble qu'il est du rôle du Parlement de demander au Gouvernement de veiller au financement à long terme de l'économie sans pénaliser les épargnants.
Telles sont les raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, qui m'ont conduit à proposer cet amendement qui, je me résume, consiste à exonérer de toute fiscalité les contrats de longue durée, c'est-à-dire au-delà de douze ans, à l'exception, bien sûr, de la CSG et du RDS.
Il me semble qu'il y a là une voie qu'il faudrait favoriser et qui permettrait d'instituer une hiérarchie dans la fiscalité de l'épargne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-165, I-192, I-126 et I-108 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Bien entendu, la commission est favorable aux amendements n°s I-165 et I-192, qui sont identiques au sien.
S'agissant de l'amendement n° I-126, qui a été défendu tout à l'heure par notre ami Marc Massion, et qui montre bien que le dispositif du Gouvernement n'est pas parfait, je dois dire que la commission des finances aurait pu le prendre en considération si elle n'avait préféré supprimer l'article 17.
En ce qui concerne l'amendement n° I-108, avant de se prononcer, la commission des finances souhaiterait entendre le Gouvernement. Elle préfère, certes, son propre amendement, mais elle pense que les avertissements lancés par M. Loridant - qui n'est pas soupçonnable de partager les mêmes idées que votre serviteur - doivent être entendus.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-19, I-165, I-192, I-126 et I-108 ? M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je commencerai par dire qu'en matière d'assurance-vie il n'y a pas de tabou fiscal, puisque - vous devez vous en souvenir - en 1995, les avantages fiscaux dont bénéficiaient les versements effectués sur les contrats d'assurance-vie ont été supprimés.
En l'occurrence, le Gouvernement propose un dispositif qui touche les produits des contrats d'assurance-vie ; il ne touche pas aux droits de succession car cette question mérite d'être intégrée dans une réflexion plus large sur la fiscalité du patrimoine et la transmission des entreprises petites et moyennes.
Je crois très sincèrement que le dispositif proposé par le Gouvernement tend à rétablir l'équilibre entre la taxation des revenus du travail et celle des produits du capital. La taxation des revenus du travail, elle, va diminuer grâce au glissement des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée.
Le dispositif est modéré dans ses effets puisqu'il fixe un plafonnement d'exonération ; il institue un prélèvement libératoire de 7,5 %, soit la moitié du taux de droit commun, au terme de huit années et il fait un sort particulier aux contrats d'assurance-vie dont une fraction notable est investie en capital-risque. J'ajoute, pour rassurer M. Massion, que cela n'implique pas une prise de participation dans une entreprise nouvelle. Certains contrats d'assurance-vie seront assortis d'un avantge fiscal dont le but est de favoriser le capital-risque, ce qui je crois est une bonne idée.
Je pense donc très sincèrement que le dispositif du Gouvernement est prudent et équilibré. En conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de rejeter les amendements proposés par votre commission des finances, ainsi que par MM. Marini et Badré.
J'ajoute que le taux de 17,5 %, évoqué par M. Badré, n'est en rien excessif au regard de ce qui se pratique en Europe. Si nous avons ainsi un taux que je qualifierai de « normal », c'est précisément parce que nous avons retenu un taux de prélèvement libératoire égal à la moitié du taux de droit commun de 15 %.
Vous avez fait allusion, monsieur Badré, aux travaux d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. Eh bien, je pense que, avec 17,5 %, la France ne sera pas éloignée de la moyenne.
Quant à M. Massion, il demande la preuve de l'encaissement. Cette précaution me paraît utile, et je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° I-126.
J'en viens enfin à l'amendement déposé à titre personnel par M. Loridant, qui propose que, au terme de douze ans de détention, les produits de ces contrats d'assurance-vie soient exonérés.
Je partage son souci de soutenir l'épargne longue dans notre pays, pour qu'elle s'investisse non seulement en obligations d'Etat mais aussi dans le développement économique de nos entreprises, confirmées ou naissantes.
De même, je partage sa préoccupation de ne pas voir se créer des risques trop importants d'évasion de l'épargne.
Eu égard à ces deux soucis, le Gouvernement a formulé des propositions qui me paraissent équilibrées. Il mène une concertation permanente avec les professionnels pour assurer le développement de l'épargne longue et prévenir les risques d'une certaine évasion de l'épargne.
La crise asiatique actuelle montre d'ailleurs que les paradis à épargne que l'on vantait voilà deux ans se révèlent peut-être moins rémunérateurs que prévu. Même après adoption des mesures proposées par le Gouvernement, là où l'immense majorité de l'épargne française trouvera la meilleure combinaison de sécurité et de rendement, c'est encore auprès de nos banques et compagnies d'assurance.
Voilà pourquoi, monsieur Loridant, tout en partageant vos préoccupations, je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur l'amendement n° I-108 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances voulait donner une chance supplémentaire au Gouvernement de ne pas commettre d'erreur. Puisque le Gouvernement n'entend pas le message de détresse que M. Loridant lui a envoyé, la commission en reste à son amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-19, I-165 et I-192.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ces amendements tendant à la suppression de l'article, il me paraît prudent de prendre maintenant la parole pour dire à M. le secrétaire d'Etat que sa réponse ne m'a évidemment pas donné satisfaction.
En tout cas, ainsi que je l'avais indiqué en commission, il eût été plus sage de suivre la voie que je suggérais plutôt que de se prononcer pour la suppression pure et simple de l'article.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous avez vu le résultat de votre démarche !
M. Paul Loridant. Certes, monsieur le rapporteur général !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je persiste à dire que le financement long de l'économie est un problème majeur ; d'ailleurs, vous en convenez avec moi.
Nous sommes en outre confrontés à de réels problèmes de concurrence à l'intérieur même de l'Union européenne et il existe d'authentiques risques de délocalisation de cette épargne longue.
J'imagine que ce dossier délicat appellera des échanges entre vous-même et les professionnels de la banque et de l'assurance. J'espère que la navette permettra de pousser plus loin la réflexion, car il y a indiscutablement là une voie qui mérite d'être explorée.
Il ne faudrait pas que, dans les semaines ou les mois à venir, à l'occasion du dénouement des contrats d'assurance qui ont été souscrits il y a huit ou dix ans, nous nous trouvions face à un système de vases communicants entre divers circuits d'épargne qui mettrait à mal le financement de notre économie.
Pour l'heure, je ne peux que prendre acte, à regret, de l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement que j'ai déposé et constater que la majorité sénatoriale s'apprête à voter la suppression de l'article 17. Nous sommes donc dans une situation de guerre de tranchées, mais je ne doute pas un seul instant que, dans quelques mois, sur ce sujet si important, le mouvement reprendra ses droits.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le Gouvernement a pris conscience de l'importance d'une orientation de l'épargne d'assurance-vie vers les sociétés innovantes, en particulier vers tout ce qui concerne le capital-risque ; je tiens à lui en donner acte.
Au demeurant, d'autres articles du projet de loi de finances montrent bien que cela fait partie des préoccupation du jour ; ces préoccupations ont d'ailleurs été publiquement exprimées par M. Dominique Strauss-Kahn et concrétisées, notamment, par la remise en chantier des dispositions relatives aux stock options.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous donne rendez-vous dans un an, mon cher collègue : vous verrez que cela ne changera pas grand-chose au résultat !
M. Pierre Laffitte. J'espère que nous pourrons aller plus loin !
En ce qui me concerne, je suis très sensible aux propos tenus par M. Loridant. Ce problème de l'épargne longue en France mérite d'être traité avec d'infinies précautions.
Je me permets de faire observer que l'un de mes anciens élèves, qui fut pendant longtemps « sherpa » d'un ancien Président de la République - vous le connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat - a récemment, dans le journal Le Monde, attiré l'attention sur la fuite des capitaux et sur celle des cerveaux. Il a bien montré que nous devions, en France, être très attentifs à ce que cette partie la plus dynamique de notre population soit choyée plutôt que matraquée.
Aussi bien, une réflexion approfondie sur ce sujet me paraît nécessaire. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de suppression déposé par la commission. Peut-être la navette nous permettra-t-elle d'avancer dans cette réflexion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-19, I-165 et I-192, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé et les amendements n°s I-126 et I-108 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 17

M. le président. Par amendement n° I-43, M. Marini propose d'insérer, après l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 204 A du code général des impôts est abrogé.
« Les dispositions du présent paragraphe entrent en vigueur à compter de l'imposition des revenus de 1997.
« II. - Au 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux de : "16 %" est remplacé par celui de : "15 %".
« Les dispositions du présent paragraphe entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1998.
« III. - La perte de recettes résultant des I et II ci-dessus est compensée par une majoration, à due concurrence, des droits de consommation prévus à l'article 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° I-127, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le II de l'article 757 B du code général des impôts, il est inséré un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A compter du 1er janvier 1998, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation conformément aux dispositions prévues à l'article 777 du code général des impôts, au-delà d'un montant supérieur à 4 750 000 F. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Le régime fiscal de l'assurance-vie est, en France, particulièrement favorable par rapport à ce qu'il est à l'étranger.
L'exonération des droits de succession pour les capitaux versés en exécution de ces contrats en cas de décès, qui est justifiée dans son principe par la nécessité de couvrir les droits de succession lorsque les actifs successoraux ne sont pas liquides, n'est pas plafonnée.
Cette législation pouvait, à l'origine, se justifier par la volonté d'assurer un rattrapage de l'incontestable retard qui avait été pris en France, dans ce domaine, par rapport à l'étranger. Or ce retard est aujourd'hui comblé.
Dans ces conditions, il conviendrait de plafonner l'exonération des droits de succession dont bénéficient les versements effectués sur ces contrats à un montant tenant compte du niveau encore élevé de ces droits en France et qui pourrait être fixé par référence à l'abattement à la base en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.
Je précise que cette explication n'est que la reprise d'une réflexion du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, dirigé par M. de La Martinière. Elle montre qu'il n'est par normal que, par le biais de l'assurance-vie, des patrimoines considérables échappent à toute imposition aux droits de succession.
Cet amendement vise donc à les imposer à partir du seuil de la première tranche du barème de l'imposition à l'ISF.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement préfère que ce sujet soit abordé dans le cadre de la réflexion sur la fiscalité du patrimoine.
Je souhaite donc que M. Massion veuille bien retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Massion, entendez-vous l'appel du Gouvernement ?
M. Marc Massion. Oui, monsieur le président, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-127 est retiré.

Article 18



M. le président.
« Art. 18. _ L'article 45 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est ainsi modifié :
« I. _ Le 1° du A du I est ainsi rédigé :
« 1° Le montant de la taxe est fixé à 50 000 F pour les réseaux couvrant tout ou partie d'une unité urbaine d'au plus 100 000 habitants, 100 000 F pour les réseaux couvrant au plus un département, 250 000 F pour les réseaux couvrant au plus une région, 500 000 F pour les réseaux couvrant au plus cinq régions, 1 750 000 F pour les réseaux couvrant plus de cinq régions, 250 000 F pour les réseaux utilisant exclusivement des capacités de télécommunications par satellite. »
« II. _ Le A du I est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque les autorisations sont délivrées à l'issue d'une procédure d'appel à candidatures décidée en application du V de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, le montant résultant de l'application des dispositions du 1° ci-dessus est multiplié par deux. »
« III. _ Le 1° du F du I est ainsi rédigé :
« 1° Le montant de la taxe est fixé à 50 000 F pour les opérateurs couvrant tout ou partie d'une unité urbaine d'au plus 100 000 habitants, 100 000 F pour les opérateurs couvrant au plus un département, 150 000 F pour les opérateurs couvrant au plus une région, 300 000 F pour les opérateurs couvrant au plus cinq régions, 750 000 F pour les opérateurs couvrant plus de cinq régions, 250 000 F pour les opérateurs ne recourant qu'à un réseau utilisant exclusivement des capacités de télécommunications par satellite. »
« IV. _ Le I est complété par un G ainsi rédigé :
« G. _ Lorsque la zone de couverture d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 ou L. 34-1 du code des postes et télécommunications fait l'objet d'une demande d'extension, le montant de la taxe de constitution de dossier relative à cette modification de l'autorisation est égal à la différence entre les montants résultant de l'application des barèmes définis au A et au F pour la zone de couverture modifiée et la zone de couverture avant modification. Cette disposition n'est pas applicable aux réseaux utilisant exclusivement des capacités de télécommunications par satellite. »
« V. _ Les A, B et C du VII sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le montant annuel de la taxe est égal au double du montant résultant de l'application des dispositions du 1° du A et du 1° du F du I du présent article ;
« 2° Pour un opérateur qui figure sur la liste prévue au 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, le montant annuel résultant des dispositions du 1° du présent VII est multiplié par deux ;
« 3° La taxe est due, pendant toute la durée de l'autorisation, au 1er décembre de chaque année. Le montant correspondant à la première année d'autorisation est calculé prorata temporis à compter de la date de délivrance de l'autorisation. » - (Adopté.)

Article 18 bis



M. le président.
« Art. 18 bis . _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 302 bis MA ainsi rédigé :
« Art. 302 bis MA . _ I. _ Il est institué à compter du 1er janvier 1998 une taxe sur certaines dépenses de publicité.
« II. _ Cette taxe est due par tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée soumis de plein droit au régime réel normal d'imposition.
« III. _ Elle est assise sur les dépenses engagées au cours de l'année civile précédente et ayant pour objet :
« 1° L'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires à l'exception des publications touristiques ;
« 2° Les annonces et insertions dans les journaux mis gratuitement à la dispositions du public.
« IV. _ Le taux de la taxe est fixé à 1 % du montant hors taxe sur la valeur ajoutée de ces dépenses.
« V. _ La taxe est déclarée et liquidée sur l'annexe à la déclaration des opérations du mois de mars de l'année au titre de laquelle la taxe est due, déposée en application de l'article 287.
« Elle est acquittée au plus tard lors du dépôt de cette déclaration.
« VI. _ La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
Par amendement n° I-67, M. du Luart propose de supprimer cet article.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-67 est retiré.
Par amendement n° I-44, M. Gérard, au nom de la commission des affaires culturelles, propose, dans le I du texte présenté par cet article pour l'article 302 bis MA du code général des impôts, après les mots : « 1er janvier 1998 », d'ajouter les mots : « et jusqu'au 31 décembre 2002 ».
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard, au nom de la commission des affaires culturelles. Cet amendement vise à faire coïncider la durée d'application de la taxe sur le hors-média et celle du plan de modernisation de la presse quotidienne et de la presse hebdomadaire régionale annoncé par le Gouvernement. Les recettes de la taxe sont en effet destinées à financer l'exécution du plan.
Il convient de prévenir une pérennisation qui amorcerait inévitablement la débudgétisation des aides directes de l'Etat à la presse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n ° I-44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-128, MM. Mauroy, Allouche, Raoult, Mme Derycke, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le paragraphe II du texte présenté par l'article 18 bis pour l'article 302 bis MA à insérer dans le code général des impôts par les mots suivants : « à l'exception des sociétés de vente par correspondance ».
La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Cet amendement répond à des préoccupations d'ordre économique et social, mais aussi à un souci de justice.
La création d'un fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne est tout à fait légitime : les difficultés de cette presse nous sont connues et nous préoccupent. Mais il est tout aussi légitime de retirer les sociétés de vente par correspondance de l'assiette de la taxe en question. Les y inclure serait à la fois injuste et pénalisant.
Une telle mesure serait injuste parce que la vente par correspondance n'est pas un média ; c'est un mode de vente. Elle ne concurrence aucun média. En outre, les documents commerciaux, mailings et catalogues adressés aux clients ne sont pas des imprimés publicitaires ; ce sont des « lieux de vente », qui remplacent à la fois les magasins, les rayons et les vendeurs.
Cette mesure serait également pénalisante, car la taxation des sociétés de vente par correspondance alourdirait les charges d'exploitation de ces entreprises, qui consacrent entre 15 % et 30 % de leur chiffre d'affaires aux catalogues et mailings , avec le risque d'un report de coût sur le consommateur. Elle créerait, de surcroît, une distorsion de concurrence, avec d'évidentes répercussions sur l'emploi.
Si le groupe socialiste propose, en conséquence, qu'il soit clairement précisé que les sociétés de vente par correspondance sont exclues de la taxe sur les imprimés publicitaires, c'est parce qu'il y va, croyons-nous, de l'avenir d'un secteur économique qui constitue un marché de 50 milliards de francs pour la vente aux consommateurs, de 13 millions de francs pour la vente aux entreprises et de 12 milliards de francs pour la vente à l'étranger, sous enseigne française.
La vente par correspondance représente ainsi trente mille emplois directs et soixante mille emplois chez ses partenaires et fournisseurs. Dès lors qu'un foyer français sur deux apprécie les prestations de ces sociétés de vente par correspondance et que tant d'emplois sont concernés, il s'agit d'un enjeu économique et social majeur. Aussi comprendrai-je mal qu'on puisse maintenir une taxe sur des documents qui ne sont pas des imprimés commerciaux normaux.
M. Emmanuel Hamel. Bonne suggestion !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, j'ai été un peu perturbé, tout à l'heure, parce que je m'attendais à une discussion commune de tous ces amendements, ce qui m'a fait émettre un avis défavorable sur l'amendement n° I-44 de M. Gérard.
Cela me conduit également à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° I-128, étant entendu que la commission des finances vous proposera tout à l'heure un amendement qui satisfait totalement vos préoccupations, monsieur Mauroy ; il rassemblera un peu, me semble-t-il, les préoccupations des uns et des autres.
La commission des finances s'est retrouvée sous une pluie d'amendements qui comportaient des dispositions légèrement différentes. Elle s'est efforcée de synthétiser les diverses préoccupations. Je vous donnerai toutes les explications nécessaires lorsque je défendrai l'amendement n° I-20 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Mauroy a posé une vraie question. Le secteur des entreprises de ventes par correspondance revêt, en effet, une très grande importance pour l'économie nationale. Il faut donc veiller à ce qu'une taxation des imprimés publicitaires adressés à leurs clients ne porte pas atteinte à leur développement.
Le Gouvernement est donc en accord avec le sens de la démarche de M. Mauroy. C'est la raison pour laquelle il étudie des mesures qui permettraient d'éviter que la perception de cette nouvelle taxe ne pénalise cette forme particulière de vente.
Cela dit, il est apparu que d'autres dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale nécessitaient également des aménagements. Leur réexamen est d'ailleurs en cours et je peux vous dire, monsieur Mauroy, que vos préoccupations seront complètement prises en compte.
Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. René Régnault. Bonne réponse !
M. le président. Monsieur Mauroy, l'amendement n° I-128 est-il maintenu ?
M. Pierre Mauroy. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-128 est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-20 rectifié est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-166 est déposé par MM. Gérard, Vasselle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous deux tendent, dans le 2e alinéa (1°) du III du texte proposé par l'article 18 bis pour l'article 302 bis MA du code général des impôts, après les mots : « L'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires » à insérer les mots : « non adressés ».
Par amendement n° I-45, M. Gérard, au nom de la commission des affaires culturelles, propose :
I. Dans le deuxième alinéa (1°) du III du texte présenté par l'article 18 bis pour l'article 302 bis MA du code général des impôts, de remplacer les mots : « à l'exception des publications touristiques » par les mots : « à l'exception des catalogues des entreprises de vente par correspondance » ;
II. De compléter in fine le III dudit texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses de promotion effectuées par les personnes morales de droit public ou par les organismes sans but lucratif ne sont pas soumises à la taxe. »
Par amendement n° I-23 rectifié, MM. Foy, Schumann, Diligent, Dulait, Legendre, Habert et Turk proposent, au 1° du paragraphe III du texte présenté par l'article 18 bis pour l'article 302 bis MA du code général des impôts, après les mots : « publications touristiques » d'ajouter les mots : « ainsi que des catalogues et documents distribués pour des opérations de vente à distance ; ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-20 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vais essayer de synthétiser les préoccupations qui ont été exprimées depuis le début de la discussion de cet article. Elles sont tout à fait légitimes et vous verrez que la commission des finances les partage totalement.
Je souhaite convaincre le Gouvernement que le Sénat sait, lui aussi, élaborer une bonne législation fiscale et qu'il n'y a pas que l'autre assemblée qui soit apte à le faire. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons apporter notre contribution et nous espérons qu'elle vous sera utile.
De nombreux amendements avaient été présentés : un amendement de suppression de M. du Luart, mais il n'a pas été défendu ; un amendement de M. Gérard limitant la durée d'application de la taxe ; un amendement de Mme Beaudeau et de M. Loridant - il sera présenté tout à l'heure - augmentant le taux de la taxe en le portant de 1 % à 1,25 % ; enfin, des amendements, ce qui rend l'examen difficile, portant sur l'assiette elle-même et tendant à ne plus exclure a priori les imprimés touristiques - c'était le cas de l'amendement de M. Gérard - à exclure, au contraire, les administrations et les associations, ce qui rendait inutile l'exclusion a priori des imprimés touristiques - il s'agissait toujours d'un amendement de M. Gérard - et à exclure la vente par correspondance, mais sous trois formes différentes.
Pour exclure la vente par correspondance - cette préoccupation est largement partagée, me semble-t-il - trois formules sont possibles : une option large, qui exclut tous les courriers adressés - c'est l'option qui a été adoptée par la commission des finances ; une option médiane, qui exclut les catalogues et documents distribués pour les opérations de vente par correspondance - c'est celle qui est présentée par MM. Foy et M. Schumann ; enfin, une option étroite, qui n'exclut que les catalogues des entreprises de vente par correspondance - c'est celle qui est proposé par M. Gérard.
Mes chers collègues, il nous faut arbitrer : ou bien nous préserverons un certain rendement à cette taxe, si nous la pensons utile ; ou bien nous essayons de ne pas entraver l'activité des entreprises de vente par correspondance, en particulier.
Peut-être le moment est-il venu de préciser ce qu'il adviendra du produit de cette taxe.
La commission des finances ne s'est pas opposée au principe de la taxe, puisqu'il s'agit de la presse. Mais un fait nouveau serait intervenu - je m'adresse au Gouvernement : il s'agit de l'admission au bénéfice du fonds de l'AFP. Dans cette hypothèse, les besoins de cet organisme étant apparus importants à la commission des finances, ils pourraient peut-être « absorber » la totalité des crédits, ce qui rend le dispositif assez aléatoire.
Mes chers collègues, nous devons choisir entre une option large, une option médiane ou une option étroite. Je crois avoir marqué assez souvent mon souci d'élaborer une législation fiscale facilement applicable.
Je pense pouvoir dire à M. Mauroy que l'option de la commission des finances est sans doute celle qui, sur le plan rédactionnel, donne le plus de sécurité fiscale et permet aux agents économiques, auxquels nous voulons épargner des coûts trop élevés, de savoir où ils vont.
Bien sûr - c'est mon devoir de le dire ! - cela a pour effet de faire baisser le produit de la taxe. Mais, la politique, c'est faire des choix, et, en la circonstance, faire le choix d'une taxe puisque le principe de son institution a été décidé.
Toutefois, faire ce choix ne doit pas nous amener à fragiliser nos entreprises de vente par correspondance, d'une part, parce qu'elles ont une importance considérable en termes d'emplois, d'autre part, parce que, étant donné leur situation géographique, nous pourrions facilement les tenter d'aller s'installer sous d'autres cieux.
Par ailleurs, le coût des éléments compris dans l'assiette fiscale représente un montant considérable dans leurs postes de charge, ce qui a conduit la commission des finances à préférer à tous les autres amendements, y compris ceux qui seront présentés tout à l'heure, cet amendement n° I-20 rectifié.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est avec humilité, mais avec l'espoir d'être utile au Gouvernement, que la commission des finances vous fait cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° I-166.
M. Alain Gérard. Je ne peux rien ajouter aux explications qui viennent d'être données par M. le rapporteur général. Je retire donc cet amendement, qui n'a plus lieu d'être.
M. le président. L'amendement n° I-166 est retiré.
La parole est à M. Gérard, pour défendre l'amendement n° I-45.
M. Alain Gérard, au nom de la commission des affaires culturelles. L'objet de cet amendement est, d'abord, d'intégrer, dans l'assiette de la taxe sur le hors-média, les dépenses publicitaires des professionnels du tourisme ; M. le rapporteur général l'a fait remarquer.
Il s'agit, ensuite, d'exclure de l'assiette les catalogues des entreprises de vente par correspondance - ce qui rejoint la préoccupation commune - qui, à vrai dire, ne sont pas des imprimés publicitaires, mais constituent le mode d'activité commerciale de ces entreprises.
Enfin, nous souhaitons exclure de l'assiette les dépenses de promotion des personnes morales de droit public - telles les dépenses de promotion touristique des offices de tourisme et syndicats d'initiative - ainsi que les dépenses de promotion des organismes sans but lucratif, comme les appels à contribution lancés par les organismes caritatifs. Dans les deux cas, en effet, il ne s'agit pas de véritables dépenses publicitaires, dans la mesure où elles ne sont pas liées à la réalisation d'opérations commerciales.
Cela étant dit, je veux bien me rallier aux explications données par M. le rapporteur général et, par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-45 est retiré.
La parole est à M. Diligent, pour défendre l'amendement n° I-23 rectifié.
M. André Diligent. Nous nous rallions à la position adoptée par M. le rapporteur général et nous faisons également confiance au Gouvernement pour trouver la meilleure des solutions possible dans une affaire où, évidemment, la concertation est indispensable. Or la preuve a été apportée que l'on peut parvenir à un large accord dans cet hémicycle.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-23 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-20 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, autant la proposition présentée par M. Mauroy est ciblée sur une activité précise, à savoir la vente par correspondance, autant - vous l'avez dit et je respecte votre choix - le fait de couvrir un champ assez large, c'est-à-dire de ne soumettre à la taxe que les dépenses de publipostage non personnalisé, prive la mesure de la moitié de son efficacité. Ce sont autant de recettes qui ne financeront pas la modernisation de la presse.
J'ajoute que la mesure ne contrarierait pas ce qui se trouve à l'origine même de la proposition qui a été avancée par l'Assemblée nationale et reprise par le Gouvernement, à savoir lutter contre la publicité hors média, qui fait concurrence, chacun le sait, à la presse écrite.
Parce que votre amendement a un champ trop large, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement suggère de le repousser.
M. Gérard a évoqué la question des publications d'associations de tourisme. Comme celles-ci ne sont pas assujetties à la TVA, elles ne seraient pas concernées par cette taxe.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-20 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Sauf erreur de ma part, l'article 18 bis est une disposition d'initiative parlementaire. S'il fut un temps où l'essentiel de la fiscalité émanait du Parlement - c'est d'ailleurs ce qui a donné lieu aux meilleurs textes depuis la Révolution française - la complexité des choses a conduit peu à peu à transférer la réalité de l'initiative fiscale à l'exécutif.
C'est la raison pour laquelle je suis réservé à l'égard de ce genre de taxes, non pas sur le fond - après tout, ce n'est pas une mauvaise idée ! - mais sur le dispositif. Je me souviens, en effet, du succès d'un certain nombre d'initiatives semblables, prises un soir de discussion de projet de loi de finances.
Monsieur le rapporteur général, la longue expérience du Parlement qui est la mienne - elle a commencé dans une autre assemblée, alors que j'étais très jeune et que j'exerçais d'autres fonctions - fait que je me souviens de la taxe sur la force de frappe, inapplicable et qui ne rapporte rien, de la « serisette », qui n'a jamais été appliquée et, monsieur le secrétaire d'Etat, de la taxe que je commentais à votre place il fut un certain temps sur le Minitel rose, qui n'a jamais été appliquée parce qu'elle est inapplicable.
Quand je lis le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, tout en rendant hommage à ses auteurs, je me pose un certain nombre de questions et je crains beaucoup de difficultés d'application et de nombreuses contestations.
J'ai bien entendu M. le secrétaire d'Etat nous dire : on va essayer de mettre le texte au point. Toutefois, pour l'instant, celui-ci a une portée tellement générale qu'au fond on ne sait pas trop ce qui est visé et ce qui ne l'est pas.
Qu'en est-il des publicités électorales, politiques, professionnelles, syndicales ou associatives ?
Quid des affiches électorales ? Ce sont des imprimés, publicitaires s'il en est : « Votez pour ma tête, c'est la plus belle ! »
M. Emmanuel Hamel. Dans votre cas, c'est vrai ! (Rires.)
M. Michel Charasse. Merci, monsieur Hamel ! C'est à dessein que je l'ai dit, pour voir si quelqu'un allait relever. Je pensais à cette dame... ou à celle-là. (L'orateur se tourne vers Mme Olin puis vers Mme Printz.) Mais peu importe !
Qu'en est-il des professions de foi, des journaux électoraux gratuits, puisqu'on vise aussi les journaux gratuits ? Il existe des journaux électoraux gratuits !
Quid des ventes sur catalogue ou des ventes aux enchères ? Comment voulez-vous procéder à des ventes aux enchères, notamment dans le domaine des oeuvres d'art, sans un catalogue d'information et de publicité ? Quid des imprimés des ventes de charité, dont les produits sont versés à telle ou telle oeuvre ?
Qu'en est-il des imprimés publicitaires que l'on trouve, par exemple, dans les avions des compagnies aériennes et qui sont édités pour leur propre compte ? Quid des objets qui sont en vente avec une publicité au dos ? En effet, souvent, un ticket de théâtre ou de cinéma comporte au dos une publicité pour une marque quelconque. J'arrête là mon énumération, car je lasserais l'attention du Sénat. A l'occasion de la navette, il faudra préciser le champ d'application.
Le deuxième point que je voudrais aborder est le suivant : quid du paragraphe VI ? Je ne comprends peut-être plus rien à la fiscalité, mais cela signifie-t-il que cette taxe nouvelle, puisqu'elle suit le même sort que la TVA, est déductible ? En effet, elle est « recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures que la taxe sur la valeur ajoutée ». Or, dans la procédure de la TVA, il y a déductibilité de la taxe payée antérieurement. En outre, cet article précise que « les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe ». Ces réclamations relèveront-elles des tribunaux de l'ordre judiciaire ? Si tel est le cas, ce n'est pas du tout la même chose que les tribunaux de l'ordre administratif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'attends pas que vous m'apportiez des précisions sur tous ces points. Je ne veux pas entrer dans les détails. S'agissant de ce dispositif, je suis plutôt réservé, non pas sur l'idée elle-même dont nous sentons tous l'utilité, voire l'ingéniosité, pour alimenter un certain nombre d'activités de presse, mais sur des modalités arrêtées à la va-vite.
M. Joël Bourdin. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. J'envie la capacité pédagogique de notre éminent collègue Michel Charasse.
M. Emmanuel Hamel. Elle est immense !
M. Alain Lambert, rapporteur général. En effet, il vient d'expliquer beaucoup plus éloquemment que je n'ai su le faire les raisons pour lesquelles nous avons choisi une solution juridiquement sûre.
Certes, nous avons un peu dégradé le produit de la taxe - le Gouvernement me l'a reproché voilà un instant - mais au moins c'est applicable.
Mes chers collègues, je vous dis en toute humilité que, parmi tous les amendements qui vous sont proposés, celui de la commission des finances sera celui qui donnera le moins de difficulté d'application.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce texte comporte, certes, quelques imperfections, qui devront être corrigées au cours de la navette. Je voudrais tout de même rassurer M. Charasse sur un certain nombre de points.
M. Michel Charasse. Les cartes de voeux de l'UNESCO ? (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les partis politiques ou les associations de financement électoral n'étant pas soumis à la TVA, ils ne seront pas concernés par ce texte.
M. Michel Charasse. Ceux qui fabriquent les documents si !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le contentieux relèvera des tribunaux administratifs. Enfin, cette taxe sera déductible du bénéfice imposable.
Je ne vais pas répondre à toutes les questions fort judicieuses que M. Charasse a posées. Je veux tout de même lui montrer que la rédaction, si elle mérite d'être perfectionnée, n'est pas aussi défectueuse qu'il a, avec la sagacité que chacun lui connaît, voulu le prouver.
M. Emmanuel Hamel. Il y est parvenu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-20 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-93, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le IV du texte présenté par l'article 18 bis pour l'article 302 bis A du code général des impôts, de remplacer le taux : « 1 % » par le taux : « 1,25 % ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Il s'agit de porter le taux de la taxe qui vient d'être créée à la suite du vote qui est intervenu à l'instant de 1 % à 1,25 %, non pas pour le plaisir de l'augmenter, mais parce que nous préconisons une utilisation ponctuelle de cette taxe.
Je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, et celle du Gouvernement sur l'avenir des télévisions de proximité.
Nous sommes tous attachés au développement du pluralisme, et donc aux mécanismes d'aides à ce secteur essentiel pour la vitalité de notre démocratie que représentent les médias. Pourtant, curieusement, les télévisions de proximité n'ont jamais été intégrées dans le dispositif de soutien aux médias.
Personne ne peut songer sérieusement à contester leur apport en matière de renforcement de la démocratie locale, notamment dans des régions où certains groupes de presse sont en situation de quasi-monopole.
Personne ne peut nier leur contribution en termes de cohésion sociale. En rapprochant les citoyens de leurs élus et de leurs institutions, elles participent à la consolidation d'un espace de citoyenneté. Par ailleurs, elles favorisent une meilleure intégration en développant le sentiment d'appartenance à une même collectivité.
Ces aspects positifs ne sauraient nous faire oublier les difficultés auxquelles ces télévisions locales sont confrontées.
En premier lieu, il convient de souligner l'attitude des opérateurs, partenaires des collectivités locales. Je suis moi-même président d'une télévision locale, et, comme bien d'autres maires, j'ai dû faire face aux défaillances financières ou aux réductions de financement de l'opérateur avec lequel la collectivité avait signé un accord.
Vous connaissez aussi bien que moi la situation financière de nos collectivités locales. Autant dire que l'avenir des télévisions locales, si nous ne faisons rien pour améliorer leur situation, est plein d'incertitudes.
Pour bien comprendre les difficultés des télévisions de proximité, il faut savoir que, à la différence de la presse écrite, elles ne bénéficient d'aucune exonération de taxe professionnelle, elle paient une TVA au taux normal de 20,6 %, y compris pour les financements des collectivités locales concernant le câble. Nous avons eu l'occasion, cet après-midi, d'examiner un amendement présenté par Mme Pourtaud et portant sur ce point.
De plus, les télévisions de proximité n'ont accès à aucun fonds de soutien comme il en existe pour les radios locales ou pour la presse écrite. Enfin, le seul gisement naturel de ressources, à savoir la publicité, leur est interdit, afin de protéger la presse écrite.
D'où notre idée de demander, tout naturellement, que les télévisions de proximité puissent bénéficier des financements créés par ce fonds issu d'une initiative prise, à l'Assemblée nationale, par notre collègue M. Le Guen.
La levée éventuelle de cette interdiction de recours à la publicité ne relève pas du projet de loi de finances et suppose une concertation avec tous les acteurs. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous savez combien la presse écrite, en particulier la presse régionale de province, est chatouilleuse à cet égard.
L'amendement que je vous propose d'adopter vise à faire passer de 1 % à 1,25 % le taux de la taxe assise sur les dépenses de publicité, c'est-à-dire l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ou les journaux mis gratuitement à la disposition du public, la différence de 0,25 % servant à alimenter un fonds en faveur des télévisions de proximité. Cet amendement a, en outre, le mérite de mettre un terme à l'affrontement presse écrite-presse audiovisuelle, en faisant porter le financement sur le secteur du hors média.
Je proposerai, évidemment, lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement pour répartir le surplus qui, je n'en doute pas un instant, mes chers collègues, va être voté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Dans la mesure où les débats ont montré que l'impact de cette taxe sur les redevables était encore à peine maîtrisé, la commission des finances a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'accroître le taux de ladite taxe. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a déjà eu l'occasion de manifester tout l'intérêt qu'il porte aux télévisions de proximité. Cependant, je ne pense pas que ce soit par le recours à une majoration de cette taxe, encore balbutiante, que des moyens supplémentaires doivent leur être apportés. Cette taxe, qui vise les concurrents de la presse écrite, a pour objet d'apporter des moyens à cette dernière. J'estime qu'il faut garder à cette taxe la vocation qui est actuellement la sienne.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-93.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'ai écouté attentivement les argumentations du Gouvernement et de la commission. Les télévisions de proximité sont des médias comme les autres et elles n'ont pas de soutien de financement.
J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, l'intérêt général, voire philosophique, que vous portez aux télévisions de proximité. J'eusse aimé que vous traciez quelques pistes pour que ces télévisions de proximité trouvent, au-delà de cette sympathie théorique, quelques résonance concrète leur permettant de passer le cap difficile auquel elles sont confrontées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-93, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 bis , modifié.

(L'article 18 bis est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1998.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'article 18 ter.

Article 18 ter

M. le président. « Art. 18 ter . - Dans les articles 750 bis A et 1135 du code général des impôts, l'année : "1997" est remplacée par l'année : "2000". »
Par amendement n° I-65 rectifié, M. de Rocca Serra propose :
I. - A la fin de cet article, de remplacer la date : « 2000 » par la date : « 2002 ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant de la prorogation jusqu'en 2002 des mesures transitoires sur les partages successoraux en Corse prévues aux articles 750 bis A et 1135 du code général des impôts est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
III. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
L'amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 ter .

(L'article 18 ter est adopté.)

Article 18 quater



M. le président.
« Art. 18 quater. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 314-4 du code forestier, les mots : "équipements d'intérêt public" sont remplacés par les mots : "équipements, aménagements ou constructions destinés à un service public ou répondant à un besoin collectif de nature économique ou sociale". » - ( Adopté. )

Articles additionnels après l'article 18 quater



M. le président.
Par amendement n° I-130, MM. Moreigne, Sergent, Régnault et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 quater, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 1519 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il est institué en faveur des communes une imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est au moins égale à 60 kilovolts. En 1998, le montant de cette imposition forfaitaire est fixé à 1 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est comprise entre 60 et 200 kilovolts, à 6 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est comprise entre 200 et 350 kilovolts, à 12 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est supérieure à 350 kilovolts. Ces montants sont révisés chaque année proportionnellement à la variation du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties constatées au niveau national. »
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Cet amendement a pour objet d'apporter une recette aux communes.
Il tend à prendre en compte, pour l'imposition forfaitaire sur les pylônes, ce que l'on pourrait appeler les petits pylônes, qui ne sont d'ailleurs pas si petits que cela puisqu'ils supportent des réseaux haute tension de 90 kilovolts et 63 kilovolts. Ces pylônes génèrent les mêmes inconvénients - tous les élus locaux le savent - que les pylônes des réseaux très haute tension et ne font qu'exceptionnellement l'objet d'enfouissement dans les zones sensibles, comme pour la très haute tension.
Tel est, monsieur le secrétaire d'Etat, brièvement résumé, l'objet de cet amendement, que je vous demande d'examiner avec la plus grande bienveillance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Parler de finances locales sous la présidence de M. Paul Girod est toujours très intimidant. (Sourires.)
Aux yeux de la commission des finances, la proposition de M. Moreigne trouverait mieux sa place dans la seconde partie.
M. Michel Charasse. Ah oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mais pour ne pas émettre un avis défavorable spontanément en début de soirée, ce qui pourrait être mal apprécié par un excellent collègue comme M. Moreigne, j'aimerais, avant de formuler l'avis de la commission, recueillir celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je dois vous dire d'emblée, monsieur Moreigne, que je ne suis pas favorable à cet amendement.
En effet, l'imposition communale sur les pylônes a été instituée en contrepartie des préjudices occasionnés par la présence des lignes à très haute tension. C'est pourquoi cette imposition a été limitée aux lignes dont la tension est supérieure à 200 000 volts.
Descendre, si j'ose dire, à un voltage inférieur serait moins justifié et créerait, pour EDF, un coût supplémentaire de l'ordre de 25 %, qui s'ajouterait aux 700 millions de francs que l'entreprise acquitte déjà au titre de cette taxe.
Votre proposition, monsieur Moreigne, pourrait aussi avoir pour conséquence de réduire les ressources tirées de la taxe sur les pylônes par certaines communes, dans la mesure où les tarifs actuels seraient légèrement révisés à la baisse.
Vous avez eu raison d'attirer l'attention sur ce problème, mais son examen n'est peut-être pas tout à fait à sa place dans cette première partie.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer l'amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous indiquer quel serait l'impact financier de la mesure et nous dire si EDF, qui est placée sous le contrôle de l'Etat, pourrait supporter la dépense, sachant que nous l'avons déjà mise à contribution à l'occasion de l'examen du projet de loi dit « MUFF ».
Me tournant maintenant vers notre collègue Michel Moreigne, je dirai qu'il perd peut-être une chance que s'ouvre un débat utile en seconde partie. Mais il fait ce qu'il veut !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne saurai que répondre aux questions de M. le rapporteur général.
J'ai dit - peut-être trop rapidement ! - que le surcoût était de l'ordre de 25 %, soit, par rapport à une somme déjà acquittée de 700 millions de francs, soit une charge variant entre 150 millions de francs et 200 millions de francs.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Comme je ne me vois pas donner un avis favorable, au nom de la commission des finances, dans une semaine, si j'émets maintenant un avis défavorable, que notre collègue Michel Moreigne décide : soit il retire son amendement, soit j'émets aujourd'hui un avis défavorable au nom de la commission des finances.
M. le président. Maintenez-vous l'amendement monsieur Moreigne ?
M. Michel Moreigne. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° I-130.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec attention vos explications et je dois dire, à mon grand regret, car j'ai de l'amitié pour vous, qu'elles ne m'ont pas convaincu, pas plus que ne m'ont convaincu, d'ailleurs, les explications, il faut bien le dire plus cursives, du rapporteur général. (M. le rapporteur général sourit.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut être maire d'une commune rurale ou d'une semi-commune rurale...
M. le président. Mon cher collègue, il y a peut-être des communes semi-rurales, mais il n'y a pas de semi-communes !
Un sénateur socialiste. Il y a bien des semi-conducteurs ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Vous avez raison, monsieur le président, il n'y a pas de semi-communes, sauf peut-être dans l'Aisne ! Je ne sais pas !
En tout cas, il faut être maire en zone rurale pour apprécier, si je puis dire, au sens du dictionnaire, les nuisances et les difficultés que provoque pour la gestion des communes ce type d'installations d'EDF.
Certes, il faut bien qu'EDF plante ses poteaux, mais il en découle une kyrielle de nuisances, de contraintes surtout, de servitudes. Nous n'avons pas la possibilité de faire passer une route, de faire passer un chemin ou de l'élargir et, chaque fois que nous demandons à EDF de déplacer un poteau de quelques centimètres, d'une dizaine de centimètres, d'une quinzaine de centimètres, c'est à la charge des collectivités locales.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Michel Charasse. Cela nous coûte un argent fou !
Jusqu'à présent, nous avons obtenu, à la suite d'un long combat des maires - le président de l'Association des maires de France retrouvera dans les archives de l'association les traces de ce long combat - l'imposition des plus gros pylônes.
Mais il reste les autres, et lorsque M. Moreigne nous propose d'instaurer une taxation symbolique - elle est tout de même moins symbolique que celle qui existe actuellement ou que celle qui n'existe pas du tout ! - il nous soumet vraiment une disposition qui vise à conduire EDF, qui a aussi ses contraintes et ses difficultés, à faire un peu attention dans ses implantations d'installations et à tenir compte un peu plus des nuisances et des difficultés qu'elle crée pour les communes.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que, pour l'instant, pour les gros pylônes, cela coûte à EDF 700 millions de francs. Le chiffre est sûrement exact. Quant à la présente proposition, vous évaluez son coût à 150 millions ou 200 millions de francs.
Mais c'est là le prix des difficultés que cela provoque dans les communes, et que doit supporter financièrement EDF !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Donc, cela ne coûte rien !
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ferai une proposition - je ne sais ce qu'en fera notre collègue M. Moreigne.
Ou bien M. le rapporteur général souhaite disposer d'un peu de temps d'ici à la discussion de la deuxième partie de la loi de finances pour examiner l'affaire de près.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Exactement !
M. Michel Charasse. Je suis persuadé que la commission des finances, parce que je connais son objectivité, celle de son rapporteur général, aboutira aux mêmes conclusions que M. Moreigne... J'allais oublier le président Poncelet qui, toutes les fois qu'il s'agit d'une question d'argent, dresse l'oreille quelle que soit l'heure et quel que soit son état de fatigue, ce qui prouve qu'il a une espèce de réflexe pavlovien de teneur de caisse ! (Rires.)
Si ce délai est utile à la commission des finances pour étudier sérieusement cette question - et je ne doute pas, je le répète, qu'elle arrivera aux mêmes conclusions que M. Moreigne - dans ce cas, notre collègue peut accepter de renvoyer son amendement à la discussion de la deuxième partie de la loi de finances.
Sinon, passons au vote. Nous sommes ici les représentants des collectivités locales ; nous pouvons tout de même dire un certain nombre de choses lorsqu'une entreprise nationale, si honorable soit-elle, provoque des difficultés dont tous les maires de France connaissent et subissent les conséquences !
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si c'est une question de tarif, je suis persuadé qu'une discussion avec l'auteur de l'amendement pourrait le conduire à proposer une autre tarification.
Cela dit, 700 millions de francs d'un côté et 150 millions de francs de plus de l'autre, ce n'est pas la mer à boire ! Je vois défiler dans cet hémicycle des amendements qui concernent souvent des non-nécessiteux. On ne peut pas dire qu'en l'espèce EDF soit un très grand nécessiteux - c'est d'ailleurs très bien, c'est la preuve que ça marche.
Par conséquent, bien entendu, je voterai l'amendement si son auteur le maintient ; s'il le retire, c'est pour le renvoyer à la deuxième partie, après une étude sérieuse de la commission des finances, parce que, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, croyez-moi, cela mérite attention !
M. Jean-Paul Delevoye. Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mes chers collègues, pourquoi renvoyer à demain une bonne action ?
M. René Régnault. Bien sûr !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je suis convaincu que c'est une bonne mesure. Il suffit de parcourir la France - qu'il s'agisse d'une zone rurale de l'Auvergne ou d'une zone rurale du Vexin, dans le Val-d'Oise - pour s'en persuader. Alors, le mieux, c'est de la voter dès ce soir !
M. le président. Je viens d'être saisi par la commission d'une demande de scrutin public.
M. Michel Moreigne. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Il est très difficile de réagir sous la menace, et la menace telle qu'elle est brandie est plutôt désagréable.
Je n'ai pas voulu agresser EDF, dans mes propos comme dans mes écrits. Je ne voudrais pas être désobligeant, loin de là, envers la commission des finances, et je ne tiens pas à être désagréable à l'égard de M. le secrétaire d'Etat.
Compte tenu des propositions qui me sont faites et de la menace brandie par ce papier vert que, d'ailleurs, je n'ai pas encore vu, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-130 est retiré.
Par amendement n° I-129, M. Miquel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 quater, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1522 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1522. - La taxe est établie d'après le nombre de mètres carrés pondéré. »
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. La collecte et le traitement des déchets posent un problème à l'ensemble des collectivités de notre pays, et l'application de la loi de 1992 va engendrer une augmentation des coûts, en particulier des coûts de traitement.
Notre système de perception - la taxe d'enlèvement des ordures ménagères - est quasi généralisé. Or, le système de calcul de cette taxe est très inégalitaire. En effet, si l'incidence du système de calcul n'était pas très importante lorsque les coûts étaient faibles, il n'en est plus de même avec des coûts élevés, et nous sommes alors confrontés à une injustice qu'il faut corriger.
La taxe est calculée sur les bases du foncier bâti. Or, ces bases peuvent varier du simple au double d'une commune à l'autre.
Il me paraîtrait donc beaucoup plus juste que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères soit calculée sur le nombre de mètres carrés pondéré. Tel est l'objet de l'amendement n° I-129.
J'ajoute que nous nous adressons souvent à des syndicats beaucoup plus vastes pour régler ce problème. Là, le phénomène de la différence des bases du foncier bâti est encore plus accentué.
Il nous faut donc réviser tout cela rapidement, car nous devons appliquer la loi de 1992. Or, si nous n'instituons pas un système de prélèvement fiscal approprié, nous accentuerons les injustices que nous déplorons aujourd'hui dans l'application de l'actuel système de calcul de la taxe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Malheureusement, il est le même que pour la proposition présentée tout à l'heure par M. Moreigne. Il s'agit là de l'introduction d'un nouveau critère pour l'établissement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui est de nature à modifier le montant de la cotisation individuelle acquittée à ce titre.
Comme il s'agit, à l'évidence, d'un amendement de seconde partie du projet de loi de finances, nous pourrions, si notre collègue M. Miquel nous indique qu'il y tient, l'expertiser, puis l'examiner dans de meilleures conditions, lors de la discussion des articles de la seconde partie.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. J'accepte la proposition de M. le raporteur général, et je retire donc l'amendement n° I-129, en espérant que nous pourrons examiner ce point lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° I-129 est retiré.

Article 18 quinquies



M. le président.
« Art. 18 quinquies. - L'article 1417 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les impositions établies au titre de 1998, les dispositions de l'article 1414 C sont applicables aux contribuables dont le montant des revenus de 1997 n'excède pas la somme de 102 370 F, pour la première part de quotient familial, majorée de 23 920 F pour la première demi-part et 18 830 F à compter de la deuxième demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de 1997. Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les montants des revenus sont fixés à 123 730 F, pour la première part, majorée de 26 260 F pour la première demi-part, 25 030 F pour la deuxième demi-part et 18 830 F pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième. Pour la Guyane, ces montants sont fixés à 135 600 F pour la première part, majorée de 26 260 F pour chacune des deux premières demi-parts, 22 370 F pour la troisième demi-part et 18 830 F pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la quatrième. » ;
« 2° Au début du IV, les mots : "des I, II et III" sont remplacés par les mots : "des I et II" ;
« 3° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du second alinéa du III s'appliquent dans les mêmes conditions aux impositions établies au titre de 1999 et des années suivantes. Toutefois, chaque année, l'indexation des montants de revenus est identique à l'indexation de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
Sur l'article, la parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article a trait notamment à la modification des dégrèvements liés à la taxe d'habitation.
Ce sujet est politiquement difficile puisque chaque élu local souhaiterait que les contribuables locaux paient le moins d'impôts possible.
Il y a cependant un discours de responsabilisation à tenir.
Quelle était la mécanique enclenchée ? On pouvait comprendre qu'un article de la loi de finances pour 1997 modifiant l'impôt sur le revenu cherche à neutraliser, par rapport à la fiscalité locale, celles et ceux qui sortaient de l'impôt sur le revenu.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez participé, ce dont je vous remercie, aux débats du dernier congrès des maires. La conviction générale est que, aujourd'hui, nous sommes dans une mécanique infernale qui aboutira, si nous n'aidons pas l'Etat à sortir du piège des dégrèvements et des compensations, à ce que ce dernier s'asphyxie et asphyxie les collectivités locales.
Je peux comprendre qu'un certain nombre de députés aient pu s'émouvoir - d'ailleurs, la commission des finances du Sénat avait accepté la proposition du Gouvernement sous bénéfice d'inventaire - du fait que les mécanismes de sortie d'un certain nombre de contribuables aient engendré des augmentations fortes de taxe d'habitation, notamment pour les contribuables situés « à la frontière ».
Je voudrais attirer votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, et connaître votre position sur ce délicat sujet.
Il y a souvent opposition entre l'intérêt macro-économique de l'Etat et l'intérêt des collectivités locales. Lorsque le Premier ministre, avec raison, décide d'exonérer de taxe professionnelle les routiers, afin de sortir d'un conflit difficile, lorsque des parlementaires décident de modifier les règles d'exonération et de dégrèvement, c'est alors, compte tenu du pacte de stabilité qui nous lie, le montant des dotations délivrées aux collectivités locales qui diminue. Les communes, voyant leurs recettes diminuer, sont obligées d'augmenter les impôts locaux des contribuables acquittant de tels impôts. Ainsi, l'esprit même de la fiscalité locale, qui est de répartir sur une population communale le coût d'une politique communale, est aujourd'hui mis à mal par ces mécanismes qui modifient les relations entre l'Etat et les collectivités locales, rendant ces dernières difficiles.
Il y a donc peut-être, à mon avis, une proposition à faire. Vous avez décidé d'ouvrir un certain nombre de chantiers sur la fiscalité locale. Voilà quelques années, un certain nombre d'entre vous avaient essayé de réfléchir à la capacité contributive du contribuable et de faire en sorte de lier l'impôt local au revenu. Cela avait créé une grande émotion dans l'opinion.
Nous étions aussi un certain nombre à nous demander si, à un moment où nous réfléchissions à l'éveil de la citoyenneté, il était opportun ou non d'étudier l'instauration d'un impôt local minimal, sans lequel nous laissions croire que tout ce qui est public, notamment tout ce qui est financé par les communes, doit forcément être gratuit.
Un piège est en train de se refermer sur nous. Les choses sont d'autant plus difficiles que, politiquement, personne n'ose dire qu'il faut augmenter les impôts, et que celles et ceux qui défendent l'Etat savent bien que, plus on prend en charge l'impôt local, moins on donne de dotations et plus on pénalise les collectivités locales, ces dernières devant forcément, à un moment où à un autre, entrer en conflit avec l'Etat.
J'ai vu que la commission des finances avait adopté la disposition de l'Assemblée nationale. Je crois qu'il nous faut réfléchir aux conséquences des décisions que nous prenons, en tant que législateurs, et qui, quelquefois, se retournent contre nous.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez proposer que, dans l'analyse du pacte de stabilité ou du pacte 1998-2000, soient sorties de l'enveloppe normée tant les dispositions prises pour l'allègement de la taxe professionnelle en direction des chauffeurs et des transporteurs routiers que les dispositions qui auraient pu être prises par des parlementaires. En effet, à l'évidence, le montant des compensations et des dégrèvements serait payé par les autres contribuables locaux.
Aujourd'hui, cette mécanique devient suicidaire pour l'Etat, pour les collectivités locales et pour les contribuables locaux, qui se sentent un peu piégés dans cette affaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. La taxe d'habitation est l'impôt le plus injuste : elle concerne le plus grand nombre de contribuables, pèse très fortement sur certains foyers modestes, ne repose plus sur une assiette équitable et est dégressif par rapport au revenu. Un chiffre est révélateur : en 1993, elle représentait 2,3 % des revenus annuels inférieurs à 150 000 francs contre 0,9 % pour les revenus supérieurs à 500 000 francs.
Pour lutter contre cette injustice, les gouvernements socialistes ont institué à partir de 1981 des dégrèvements et plafonnements de la taxe d'habitation en fonction de la cotisation d'impôt sur le revenu, afin de mieux prendre en compte les capacités contributives des redevables.
Or, l'équilibre ancien a été rompu dans la loi de finances de 1996, le gouvernement Juppé ayant largement réduit la principale disposition : le plafonnement des cotisations de taxe d'habitation à 3,4 % du revenu pour les redevables dont la cotisation d'impôt ne dépassait pas un certain seuil - environ 16 000 francs, ramené à 13 000 francs.
Cette mesure a augmenté la cotisation de taxe d'habitation de nombreux contribuables modestes, parfois dans des proportions très lourdes : plus de 50 % d'augmentation.
Dans la loi de finances de 1997, le même gouvernement a modifié les seuils, ce qui a parfois entraîné de nouvelles hausses d'impôt. Cette mesure a surtout conduit des familles à revenus modestes non imposables à payer pour la première fois une taxe d'habitation.
L'article 18 quinquies du projet de loi de finances pour 1998, introduit par l'Assemblée nationale, revient sur cette mesure en relevant le seuil à 16 940 francs. Il profitera à 300 000 contribuables et allégera l'imposition pour de nombreux Français modestes. Le groupe socialiste du Sénat, qui avait proposé sans succès cette mesure de justice sociale l'année dernière, se réjouit de son adoption. Il se réjouit également de la nouvelle mesure, contenue dans l'article 18 sexies, qui instaure un nouveau dégrèvement de taxe d'habitation pour les contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 25 000 francs par part, à concurrence du montant de l'imposition excédant 1 500 francs.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet article 18 quinquies du projet de loi de finances modifie les conditions d'application du plafonnement de la taxe d'habitation.
Il revient à la situation antérieure à la loi de finances de 1996, qui avait réduit de manière substantielle le nombre de ménages bénéficiant de cette mesure de plafonnement en faisant jouer à plein des effets de seuil particulièrement douloureux pour les contribuables, notamment les plus modestes.
Vous ne serez donc pas étonnés, mes chers collègues, que nous partagions la philosophie de cet article 18 quinquies, qui rouvre la possibilité d'un plafonnement de la taxe d'habitation pour les plusieurs centaines de milliers de ménages qui n'en avaient plus le bénéfice depuis 1997.
Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous prendrons cet article comme le premier élément d'une réforme plus globale de notre fiscalité directe locale, qui, selon nous, doit obéir à plusieurs principes essentiels.
Tout d'abord, il importe de réfléchir au devenir des impôts directs locaux, en particulier à l'évolution de leur assiette.
Les deux questions en la matière sont connues : comment mettre en oeuvre la révision indispensable des bases d'imposition et comment modifier les règles de définition de l'assiette de la taxe professionnelle ?
J'évoquerai un second aspect de la réforme que je juge souhaitable.
La fiscalité directe locale est largement prise en charge par l'Etat au travers de multiples allégements, exonérations et dégrèvements, dont les plus importants concernent la taxe professionnelle.
On sait en particulier que l'allégement transitoire des bases de 16 % et son corollaire, la dotation de compensation, sont régulièrement discutés devant les assemblées. Il conviendrait donc de déterminer une solution plus adaptée, et notamment plus proche de la réelle capacité contributive des assujettis.
Par ailleurs, se pose la question de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui n'est pas ou est peu allégée, et dont la contrainte pèse de plus en plus lourdement sur le budget de nombreuses familles modestes. Nous pensons que des mesures devraient être prises dans le sens de son allégement.
Enfin, le dernier aspect de la réforme est celui du lien qui demeure, en matière de fixation des taux, entre les impôts locaux dus par les ménages et la taxe professionnelle.
Il nous semble que ce lien devrait être sinon coupé, du moins distendu afin de rendre aux collectivités locales une certaine maîtrise de leur politique fiscale, si ce n'est la pleine maîtrise de leur politique fiscale, d'autant que toute réforme de la taxe professionnelle devrait, à notre sens, accroître le potentiel fiscal soumis à la péréquation.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que je voulais présenter au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette disposition, qui a été adoptée à l'Assemblée nationale, comme l'a rappelé M. Delevoye voilà quelques instants, creuse un peu plus la charge de l'Etat en matière de dégrèvements.
Il se trouve que le gouvernement - depuis plusieurs années, il y a une certaine continuité en cette matière - nous a dit, notamment au moment où nous mettions au point le pacte de stabilité, et le gouvernement actuel l'a répété, que les charges de l'Etat au titre des dégrèvements d'impôts locaux ne pouvaient être accrues indéfiniment. Il se trouve que, en même temps qu'il nous disait cela, le Gouvernement a accepté l'amendement à l'origine de ce texte à l'Assemblée nationale.
Je ne souhaite pas, monsieur le secrétaire d'Etat que, lorsque vous allez nous proposer la sortie du pacte, c'est-à-dire une nouvelle formule, on vienne nous l'opposer. On ne peut pas dire oui d'un côté et nous dire après : c'est de votre faute !
De ce point de vue, je partage assez largement l'appréciation de M. Delevoye, qui correspond d'ailleurs à ce que nous avons dit au bureau de l'Association des maires de France pendant son congrès.
La deuxième observation que je voudrais faire, monsieur le secrétaire d'Etat, est que, comme vous le savez et comme nous le savons tous, les dégrèvements en matière de taxe d'habitation et de taxe sur le foncier bâti - je ne parle pas de la taxe professionnelle - qui bénéficient aux personnes physiques sont de plus en plus nombreux, de plus en plus lourds et de plus en plus chers.
Or, pour le contribuable, ils sont totalement invisibles. Les avertissements qui leur sont adressés, même s'ils comportent tous les détails - et je rends hommage à l'administration qui parvient à caser sur les feuilles tous les éléments qu'il faut caser - font que les gens lisent le total en bas de page. On peut leur accorder tous les dégrèvements du monde par des votes législatifs successifs, ils ne s'en apercevront jamais.
M. Guy Fischer. Il y a une ligne spécifique !
M. Michel Charasse. Oui, il y a une ligne, mais personne ne la lit ! On regarde le fond et on dit : cela a augmenté de 3 % ou de 5 %. Or, dans le lot, il y a 2 000 francs ou 3 000 francs de moins mais cela, personne ne s'en aperçoit.
Ce que je voudrais vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est de faire étudier par vos services la possibilité de faire apparaître clairement ce geste de solidarité de la nation, quitte à rajouter aux avertissements un papillon indiquant noir sur blanc : « vous bénéficiez d'un dégrèvement, voir ligne n° x », sinon on peut voter tous les ans tous les dégrèvements que l'on veut, on aura toujours les mêmes réclamations dans nos permanences, parce que les gens n'en ont pas conscience, parce qu'ils ne lisent pas le détail de feuilles qui sont pour eux souvent très compliquées.
Les citoyens, notamment les plus modestes, qui bénéficient de ces dispositions, doivent connaître l'effort que la collectivité fait pour eux et dont les collectivités locales paient, dans une certaine mesure, les conséquences, à travers le pacte puisque, à l'intérieur de celui-ci, il y a l'enveloppe normée et l'enveloppe non normée.
Je terminerai, monsieur le secrétaire d'Etat, en disant que je suis de tout coeur avec vous quand vous vous inquiétez de la montée de vos charges. On n'en serait pas là si on avait appliqué plus tôt la révision des propriétés bâties !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je répondrai aux interventions de MM. Delevoye, Delfau, Loridant et Charasse.
J'indiquerai d'abord que, lorsque j'ai eu l'occasion de dialoguer avec les maires de France, qui avaient été réunis en grand nombre par leur association, j'ai réaffirmé, car je crois que le principe n'est pas nouveau, qu'il y a une fin aux majorations successives des concours de l'Etat, lesquelles font que, maintenant, supportant à peu près un tiers des impôts locaux, l'Etat est devenu le premier contribuable local.
Tous les grands principes souffrent parfois des exceptions. Vous avez fait allusion à la réduction de la taxe professionnelle au profit des entreprises de transport. Mesdames, messieurs les sénateurs, le règlement de ce conflit, qui aurait pu perturber très gravement la vie économique de notre pays, méritait, me semble-t-il, cet effort.
L'article 15 quinquies prévoit un allégement de la taxe d'habitation. En fait, c'est non pas un nouvel allégement, si je puis dire, mais la révision d'une mesure qui avait été prise dans le projet de loi de finances pour 1996 ; M. Delfau l'a très clairement expliqué. Cette mesure frappait lourdement 300 000 contribuables non pas aisés, mais modestes. C'est pour cette raison que le Gouvernement a accepté à l'Assemblée nationale cet amendement qui lui a été suggéré par la majorité qui le soutient, même si cela avait pour conséquence de majorer les charges de l'Etat.
J'apporte une précision à MM. Delevoye et Charasse : les remboursements, les dégrèvements ainsi que les exonérations et compensations ne s'imputent pas sur le pacte de stabilité. Celui-ci comprend un ensemble principalement composé de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, de la DGD, la dotation générale de décentralisation, de la DGE, la dotation générale d'équipement, et de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, que chacun d'entre vous connaît.
Cela dit, nous devrons réfléchir ensemble à la sortie du pacte de stabilité et à l'évolution de la fiscalité locale qui ne peut pas se poursuivre tout à fait sur sa lancée actuelle.
MM. Delevoye et Loridant ont avancé des idées qui me semblent constructives et méritent d'être débattues. Je crois que nous allons pouvoir étudier ensemble ces questions.
M. Charasse a fait allusion aux bases locatives. Je ne peux que confirmer à la Haute Assemblée que le Gouvernement, alors que les bases ont été recalculées en 1990, prendra dans l'année qui vient une décision définitive sur ce sujet, dont le règlement n'a que trop tardé.
Telles sont les réponses que je voulais apporter aux différents orateurs qui se sont exprimés sur l'article 18 quinquies.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Les services de M. le secrétaire d'Etat ne l'ont sans doute pas complètement informé - sinon, comme il est très intelligent, il aurait vite compris - sur la manière dont s'applique le pacte à l'égard des collectivités locales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, savez-vous ce qu'est la « variable d'ajustement » ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Michel Charasse. Eh bien, la variable d'ajustement, c'est l'élément qui figure dans l'enveloppe non normée et qui fait que, toutes les fois que l'on accorde un cadeau supplémentaire en dégrèvement, l'Etat rabote sur les remboursements directs qu'il accorde aux collectivités locales, notamment sur le fonds de compensation pour la taxe professionnelle.
M. René Régnault. Bien évidemment !
M. Michel Charasse. Cela ne joue pas directement dans l'enveloppe normée, mais cela joue quand même sur les concours de l'Etat et, à la sortie, pour compenser le manque à gagner des cadeaux que fait la loi, nous sommes obligés d'augmenter nos impôts locaux. Par conséquent, ce sont les collectivités locales et leurs contribuables qui paient.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Ce que je voulais dire, monsieur le secrétaire d'Etat - mais j'admets que je me suis peut-être mal exprimé tout à l'heure, ou de façon trop rapide (Sourires.) - c'est qu'il ne faudra pas l'année prochaine, à propos de l'enveloppe normée, venir nous dire : « J'ai pris un petit coup de plus l'année dernière et, par conséquent, je suis obligé de vous raboter un petit coup de plus la dotation de compensation de la taxe professionnelle. »
M. René Régnault. Très bien !
M. Michel Charasse. Voilà ce que je voulais dire, et je suis très heureux d'avoir appris au statisticien inspecteur général des finances que vous êtes ce qu'est « la variable d'ajustement », ce que, manifestement, on vous avait caché. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 quinquies.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 18 quinquies.)

Article additionnel après l'article 18 quinquies



M. le président.
Par amendement n° I-131 rectifié, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 18 quinquies, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du 2° du I de l'article 1414, et des articles 1414 A, 1414 B, 1414 C du code général des impôts, ainsi que du I de l'article 18 sexies de la présente loi ne sont pas applicables aux contribuables passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année précédant celle de l'imposition à la taxe d'habitation. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Nous allons nous occuper d'une catégorie de contribuables qui a eu la chance d'échapper à notre vigilance au cours de ces dernières années.
En effet, cet amendement a pour objet de rectifier un oubli de 1988, lors de la réinstauration de l'impôt sur la fortune.
A l'origine, en 1982, lorsque les socialistes avaient prévu un dégrèvement d'office de taxe d'habitation pour les contribuables non imposables à l'impôt sur le revenu, de plus de soixante ans ou veufs ou veuves, il avait été précisé que ces derniers ne devaient pas non plus être assujettis à l'IGF. Cette dernière condition a été oubliée par la suite, ce qui, de mon point de vue, est regrettable, et ce d'autant qu'avec justesse nous avons multiplié le nombre des dégrèvements partiels pour les contribuables, lesquels, sans être non imposables sur le revenu, acquittent une modeste cotisation pour cet impôt.
Que l'on ne parle pas de la situation précaire des pauvres contribuables qui seraient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune et qui auraient du mal à joindre les deux bouts, ou alors comment qualifier les autres !
Je vous parlerai des classes moyennes qui s'acquittent de la taxe d'habitation dans les mêmes proportions et qui n'ont pas la chance d'avoir un patrimoine important.
Mon raisonnement se trouve renforcé lorsqu'on se souvient de la mesure prise par le gouvernement de M. Juppé, en 1995, et qui a consisté à mettre en place un dispositif du plafonnement du plafonnement prévu à l'ISF, pour prendre en compte le fait que de nombreux redevables dévoyaient le système en minorant artificiellement leurs revenus par le biais de la création artificielle de déficits BIC - bénéfices industriels et commerciaux - non professionnels imputables sur le revenu global ou par le dégagement systématique d'importantes moins-values en fin d'année.
Le plafonnement du plafonnement a permis de régler ces cas précis de contribuables qui, désormais, sont passibles de l'ISF. En revanche, il n'a pas fait disparaître ces pratiques qui perdurent et qui permettent à des assujettis à l'ISF de présenter des revenus faibles, sans être pour cela nécessiteux.
Rappelons que, depuis quelque temps, l'administration, prenant acte d'une jurisprudence de la Cour de cassation, a accordé une réfaction notable sur le logement principal occupé par l'assujetti à l'ISF, dans le calcul de cet impôt, ce qui a permis d'exonérer de cet impôt environ un millier de contribuables.
Nous pensons, par conséquent, qu'on ne peut vraiment pas, en toute honnêteté, dire qu'il existe aujourd'hui des redevables que le paiement de cet impôt met dans une situation difficile. Ils doivent donc, de notre point de vue, payer, sans réfaction aucune, leur taxe d'habitation.
Tel est le sens de l'amendement que nous avons déposé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je crains que notre éminent collègue M. Régnault n'ait pas pris connaissance des dispositions adoptées en 1991.
En effet, la cotisation d'impôt sur le revenu est recalculée pour apprécier les facultés contributives réelles des redevables. Celles-ci sont, en effet, augmentées des revenus exonérés en France ainsi que du montant des prélèvements libératoires supportés sur les produits des placements à revenus fixes. Cette cotisation de référence ne tient pas compte des différentes réductions d'impôt : avoirs fiscaux, crédits d'impôts ou retenues à la source non libératoires.
Ce système de calcul, applicable depuis 1991, permet donc une prise en compte de la capacité contributive réelle - en tout cas celle que l'on sait calculer - des contribuables ; il rend l'amendement que vous avez déposé, monsieur Régnault, déjà très largement satisfait, car très rares seraient - le Gouvernement pourra peut-être dire qui y échappe - les contribuables soumis à l'ISF qui, avec ce mode de calcul, pourraient accéder aux allégements de taxe d'habitation.
Telles sont les raisons pour lesquelles l'avis de la commission des finances est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La disposition que propose M. Régnault, au nom du groupe socialiste, me paraît frappée au coin du bon sens et de la justice.
Du bon sens d'abord, parce qu'il s'agit, en fait, de rétablir une disposition qui existait à l'époque de l'impôt sur les grandes fortunes et qui a été fâcheusement supprimée en 1986.
De la justice ensuite, parce qu'il apparaît effectivement paradoxal de ne pas payer de taxe d'habitation lorsqu'on acquitte l'impôt de solidarité sur la fortune. Il y a donc une logique à cet amendement.
Cette mesure serait-elle aussi mineure qu'on le dit ? Je voudrais préciser à M. le rapporteur général qu'elle concernerait tout de même 12 000 personnes, ce qui n'est pas complètement négligeable, et rapporterait une cinquantaine de millions de francs, ce qui n'est pas non plus négligeable.
Le Gouvernement apporte donc son plein accord à cet amendement qui a été défendu par M. Régnault.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-131 rectifié, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Gérard Delfau. C'est choquant !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oh, oui !

Article 18 sexies



M. le président.
« Art. 18 sexies. - I. - Après l'article 1414 du code général des impôts, il est inséré un article 1414 bis ainsi rédigé :
« Art. 1414 bis . - Pour les impositions établies au titre de 1998 et des années suivantes, les contribuables qui occupent leur habitation principale dans les conditions prévues à l'article 1390 et dont le montant du revenu de l'année précédente n'excède pas la limite prévue à l'article 1417 sont dégrevés d'office de la taxe d'habitation y afférente à concurrence du montant de l'imposition excédant 1 500 F. Cette limite est révisée chaque année proportionnellement à la variation de la cotisation moyenne de taxe d'habitation constatée l'année précédente au niveau national. »
« II. - L'article 1417 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Au début de cet article, il est inséré un I ainsi rédigé :
« I. - Pour les impositions établies au titre de 1998, les dispositions de l'article 1414 bis sont applicables aux contribuables dont le montant des revenus de 1997 n'excède pas la somme de 25 000 F pour la première part de quotient familial majorée de 10 000 F pour chaque demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de 1997. »
« 2° Le I devient I bis.
« 3° Le IV est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, la référence : "I" est remplacée par la référence : "I bis" ;
« b) Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du I s'appliquent dans les mêmes conditions aux impositions établies au titre de 1999 et des années suivantes. Toutefois, chaque année, l'indexation des montants de revenus est identique à l'indexation de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
« III. - A l'article 1414 C du code général des impôts, après les mots : "articles 1414", il est inséré la référence : ", 1414 bis" . »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article 18 sexies du projet de loi de finances pour 1998 a été ajouté à la suite d'une longue bataille d'explication et de réflexion sur la fiscalité directe locale.
En effet, pour la première fois depuis longtemps - comprenez que nous voulions le noter ! - une loi de finances contient une mesure tendant à alléger le montant de la taxe d'habitation des ménages.
On connaît la situation particulière quant à cette taxe : un nombre important de ménages payent la taxe d'habitation alors qu'ils ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu et alors que la progression de cette taxe s'avère particulièrement plus dynamique que celle des revenus des ménages.
On sait aussi que la législation en vigueur pour les impositions directes locales prévoit plusieurs situations en matière de taxe d'habitation.
Ainsi, certains contribuables sont totalement exonérés, pour des raisons d'âge ou de catégorie de revenu ; d'autres, les non-imposables, bénéficient d'un plafonnement de leurs versements ; d'autres enfin versent une contribution limitée car partiellement dégrevée.
L'élément principal de notre réflexion, qui est important pour le devenir de l'ensemble de la fiscalité directe locale, c'est la prise en charge par l'Etat d'une part du produit des impositions votées par les collectivités locales, qui est assez inégalement répartie et favorise, à notre sens de manière trop unilatérale, la seule taxe professionnelle.
Il y a notamment, de notre point de vue, une contradiction qu'il faudra bien résoudre un jour : pour certains contribuables, la taxe d'habitation est plafonnée et la taxe foncière ne l'est pas parce qu'il n'existe pas ou parce qu'il n'existe plus de disposition de correction.
L'article 18 sexies du projet de loi de finances recueille notre assentiment car il va dans le sens d'un rééquilibrage des efforts de l'Etat - donc de l'ensemble des contribuables - en matière d'allégement du poids des impôts locaux.
Il permet notamment de rendre à un certain nombre de familles un peu de pouvoir d'achat, et il est tout à fait bien venu de ce point de vue.
Dans le même temps, monsieur le secrétaire d'Etat, cet article nécessite d'être appréhendé dans la globalité de la question de la fiscalité directe locale, dont nous attendons toujours qu'elle soit l'objet d'une attention toute particulière, dès cette loi de finances - nous avons, vous le savez, des propositions dans ce sens - où à l'occasion de discussions prochaines.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 sexies.

(L'article 18 sexies est adopté.)

Articles additionnels après l'article 18 sexies



M. le président.
Par amendement n° I-96, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer après l'article 18 sexies , un article addionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1414 C du code général des impôts, le taux "3,4 %" est remplacé par le taux "3 %".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, le taux prévu au 9° du paragraphe III bis de l'article 125 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous souhaitons faire un pas de plus avec cet amendement n° I-96 qui tend à réduire les contraintes fiscales pesant sur les ménages.
L'article 1414 C du code général des impôts prévoit un dégrèvement de la taxe d'habitation pour les personnes qui payent moins de 15 000 francs d'impôt sur le revenu.
Notre amendement vise à réduire le taux de dégrèvement de 3,4 % à 3 %, ce qui aboutit à augmenter le nombre de personnes qui bénéficieraient d'une réduction d'impôt. Cette mesure concernerait 200 000 à 300 000 ménages.

Cet amendement va, selon nous, tout à fait dans le sens qu'a voulu donner le Gouvernement à l'article 18 sexies du présent projet de loi de finances.
Notre proposition ne se borne donc pas uniquement à augmenter le nombre des personnes exonérées de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; elle vise aussi à faire bénéficier les familles aux revenus moyens d'un dégrèvement supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable également. En effet, plusieurs mesures concernant la taxe d'habitation ayant déjà été adoptées, cette proposition pèserait trop sur les finances de l'Etat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-96, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-132, présenté par MM. Régnault, Angels, Mmes Bergé-Lavigne, Pourtaud, MM. Charasse, Haut, Lise Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1388 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette déduction est ramenée à 20 % pour les logements du parc privé vacants depuis plus de deux ans, n'appartenant pas à une succession non réglée, à moins qu'un contrat de location effectif soit en cours de validation ou que des travaux de rénovation soient effectivement en cours. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Une fois encore, je vais proposer des recettes. Voilà un instant, il s'agissait de 50 millions de francs, mais l'amendement n'a pas été adopté. Il s'agit probablement ici d'un peu moins, mais la somme n'est pas sans importance.
Cet amendement traite d'une question que le groupe socialiste du Sénat fait avancer, année après année, à savoir celle des logements vacants. Cette question se situe dans le prolongement de la discussion de la loi d'orientation sur le développement et l'aménagement du territoire du 4 février 1995.
Dans les villes importantes, d'une part, nombre de personnes ne trouvent pas de logement. Elles sont donc obligées de se loger en dehors de la ville. De plus, malheureusement, certaines sont finalement mal logées, voire sans toit. Pourtant, mes chers collègues, de très nombreux logements sont vacants. On en dénombre 200 000 rien qu'en région parisienne.
Dans les communes rurales, d'autre part, de nombreux logements vacants ne sont pas entretenus, sont laissés à l'abandon. Les collectivités locales mettent donc en place des équipements, des réseaux par exemple. Mais, en l'occurrence, personne ne se branche sur ces réseaux.
De nombreuses incitations existent, mais elles ne suffisent pas à résoudre le problème. Il est donc nécessaire de pousser les propriétaires à louer ou à vendre et de les dissuader de laisser les logements à l'abandon.
Plusieurs dispositifs sont envisageables. Le plus simple serait de restreindre la déduction du montant de la taxe foncière appliquée sur les propriétés bâties de 50 % à 20 % pour les logements vacants depuis plus de deux ans.
Cette déduction de 50 % est d'ailleurs accordée en considération des frais de gestion, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation des logements, ce qui ne concerne pas réellement des logements non occupés et a fortiori des logements laissés à l'abandon.
Toutefois, cette réduction de la déduction ne sera pas effectuée si le propriétaire peut apporter la preuve que le caractère de vacance prolongée n'est pas volontaire. C'est pourquoi il faut faire abstraction du cas des successions non réglées, des logements pour lesquels un contrat de location effectif est en cours de validation ou encore des logements où des travaux de rénovation sont réellement effectués.
Ainsi conçu, le dispositif me paraît simple et incitatif, tout en étant protecteur des propriétaires qui ne réussissent pas à louer.
D'autres modes d'intervention sont envisageables et cet amendement est certainement améliorable, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez d'ailleurs indiqué, voilà quelques jours devant les députés, que vous souhaitiez travailler avec la commission des finances de l'Assemblée nationale pour élaborer un texte avant la fin de l'année. Sachez que nous serions très heureux de participer, nous aussi, à l'élaboration de ces dispositions tant il est vrai que nous avons de nombreuses suggestions à faire du fait de notre expérience.
La France s'honorerait si elle cessait d'être en permanence à la recherche de logements de qualité pour des familles qui en sont privées alors que, dans le même temps, de nombreux logements sont inoccupés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La question évoquée par M. Régnault est très ancienne. Chacun souhaite en effet depuis longtemps que l'ensemble des logements soient occupés.
Envisager une pénalisation des propriétaires de logements vacants, c'est partir du principe qu'il faut conserver dans la cible exclusivement les cas de vacances volontaires. C'est ce que M. Régnault a tenté de définir, mais c'est très difficile.
Après s'y être essayée, l'Assemble nationale a dû y renoncer. Cela signifie que la contrainte n'est pas la meilleure solution pour résorber la vacance des logements.
Je peux comprendre que l'on s'agace de voir que le temps passe et qu'il existe toujours des logements vacants dans le parc privé.
Je remarque - et je sais que cela ne vous aura pas échappé, monsieur le sénateur, puisque vous êtes un expert en la matière - que, y compris dans le parc social, la vacance est en train d'augmenter, ce qui montre qu'elle obéit à d'autres critères que celui de la volonté de louer ou de ne pas louer.
Monsieur Régnault, lorsque vous aurez examiné par le menu toutes les raisons qui font qu'il faut exonérer tel ou tel propriétaire parce que la vacance du logement est liée non pas à sa volonté mais à des circonstances qui lui sont extérieures, il ne vous restera plus personne à taxer !
La vraie politique, la meilleure politique, c'est de soutenir la réhabilitation systématique du parc ancien.
Je le reconnais, beaucoup a été fait pour le parc HLM récent, construit ces vingt dernières années. Il faudrait mener la même politique en faveur de l'habitat ancien. C'est ainsi que nous arriverons sans doute à réduire de manière très sensible le nombre des logements vacants.
Je suis convaincu que nombre de nos compatriotes ignorent encore les aides qui peuvent leur être accordées, par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, par exemple. Bien des dispositifs existent pour réaliser des opérations de réhabilitation collective d'habitat ancien, et celles-ci méritent d'être soutenues. C'est ainsi que nous résorberons la vacance des logements.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances estime que la solution de la contrainte est promise à l'échec. Elle a donc émis un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un problème très ancien, M. le rapporteur général l'a dit, c'est aussi un problème très lancinant, ce qui suppose qu'on ne baisse pas les bras face aux difficultés techniques.
Il est vrai qu'il existe un contraste choquant dans les grandes agglomérations entre, d'un côté, des logements vacants et, de l'autre, des personnes qui ne trouvent pas de logement.
La voie de la réhabilitation est effectivement, comme l'a dit M. le rapporteur général, une voie constructive, si je puis employer cette expression. C'est d'ailleurs la justification du fait que, dans le projet de loi de finances pour 1998, on constate une progression considérable des crédits de réhabilitation.
Mais M. Régnault et le groupe socialiste auquel il appartient souhaitent poursuivre la recherche d'une modalité fiscale qui permette d'introduire un élément d'incitation pressante en la matière. Sur le principe, il ne faut pas renoncer à une telle mesure.
J'ai effectivement déclaré, en première lecture à l'Assemblée nationale, que j'étais favorable au principe d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à condition que les modalités techniques en soient convenablement définies.
A ce propos, monsieur le rapporteur général, vous avez eu raison de le dire, il est difficile de distinguer les logements vacants volontairement des logements vacants involontairement.
Le Gouvernement est favorable sur le principe. Il considère cependant que M. Régnault propose une modalité qui est trop complexe dans la pratique. En effet, l'administration devrait pouvoir juger, d'une part, que le logement est vacant, d'autre part, qu'il y a ou non un contrat de location et que des travaux de rénovation sont prévus ; il s'agit là d'une surveillance très difficile àexercer.
Je ne voudrais pas offenser M. Régnault en lui disant que la modalité qu'il propose n'est peut-être pas la meilleure, mais que la démarche qu'il entreprend me semble, elle, excellente.
Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement, sachant que nous allons réfléchir à des modalités techniques plus satisfaisantes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-132.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Résorber progressivement notre parc de logements vacants est une nécessité, M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé après M. Régnault. Nous en avons tous conscience à la fois en tant que parlementaires et, pour la plupart d'entre nous, en tant que maires.
M. le rapporteur général ne peut pas nier que certaines situations sont choquantes. Ainsi, des immeubles de centres-villes, du fait de la spéculation foncière, restent vacants pendant des années entières. Un Premier ministre, M. Juppé, et un président de la République, le président actuel, s'en étaient aperçu ! Ils avaient désigné les propriétaires concernés à la vindicte de l'opinion publique et lancé à cette époque-là, à juste titre, un plan de réquisition pour les sans-abri. Il s'agit là, monsieur le rapporteur général, d'un fait avéré.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous n'aviez pas été convaincus à l'époque !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, laissez parler M. Delfau !
M. Gérard Delfau. Peut-être, mais les Français, quelle que soit leur opinion politique, avaient estimé que la mesure était bonne, et c'était d'ailleurs mon cas.
Je soutiens la position de M. le secrétaire d'Etat, suite à la demande formulée par M. Régnault au nom de notre groupe, et je vais vous faire une suggestion.
Nous rencontrons un autre problème, monsieur le secrétaire d'Etat, qui est lié au précédent : celui des immeubles qui sont à l'heure actuelle abandonnés au sein du tissu urbain de nos villages et de nos petites villes et qui présentent des risques tant pour la sécurité des citoyens qu'en termes d'insalubrité.
Dans une telle situation, les maires sont complètement démunis pour des raisons non seulement juridiques, mais aussi financières. En effet, acheter le moindre appartement ou la moindre maison de village coûte aujourd'hui de 150 000 francs à 200 000 francs, ce qui représente, pour une commune de 5 000 habitants, une somme exorbitante !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suggère donc que nous nous engagions dans cette voie et que nous affections la ressource obtenue à un fonds de modernisation et de rachat par les communes, afin de régler ces problèmes lancinants qui, chacun d'entre nous le sait sur ces travées, reviennent sans cesse quand nous discutons avec nos collègues maires.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Tous les propos qui viennent d'être tenus, en particulier les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, me donnent à penser que nous allons travailler sur cette question.
Si les dispositions que je vous ai soumises vous ont paru complexes, je souhaite, avec votre concours et celui de vos collaborateurs, que nous puissions améliorer le dispositif. Nous devrions ainsi, à une échéance prochaine, reparler de cette question en étant, cette fois, en mesure de progresser concrètement.
Cela dit, monsieur le rapporteur général, nos divergences sont faibles. Les mesures qui existent sont insuffisantes ; il faut les compléter. C'est ainsi que nous ferons du bon travail. En tout cas, j'y crois, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-132 est retiré.
Par amendement n° I-97 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Pour les impositions établies à partir de l'année 1998, le taux prévu au premier alinéa est porté à 4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs, et 4,5 % pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite. »
« II. - Au II de l'article 1641 du code général des impôts, les taux "5,4 %" et "4,4 %" sont respectivement remplacés par les taux "5 %" et "4 %". »
« III. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement est un peu original, puisqu'il vise, en fait, à proposer le gage de la mesure au paragraphe I, et la mesure nouvelle motivant une réduction des recettes de l'Etat au paragraphe II.
Au-delà de cette approche formelle, je me permets toutefois de souligner deux questions tout à fait fondamentales qui sont contenues dans cet amendement.
Il s'agit, d'une part, de la question du plafonnement à la valeur ajoutée de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises assujetties et, d'autre part, de la question de la pérennisation de la majoration des frais de rôle et de gestion des impositions directes locales liée à la mise en oeuvre de la révision des bases cadastrales d'imposition.
Nous sommes donc en face d'une question toute simple : celle de la modification de l'amendement Arthuis sur le plafonnement de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée et celle de l'amendement Lambert, qui a fini par pérenniser la majoration temporaire.
Venons-en au fond.
Le plafonnement à la valeur ajoutée de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises est une charge importante pour le budget de l'Etat, actuellement fixée à plus ou moins 40 milliards de francs.
Pour prendre une image, on peut aujourd'hui presque dire que le montant de cette prise en charge se rapproche de celui des impositions nettes de taxe d'habitation acquittées par les redevables de cette taxe.
Nous proposons donc de revoir la question de ce plafonnement en relevant de manière relativement sensible le niveau de ses seuils d'application, ce qui permettra dans les faits d'infléchir la courbe de la progression de cette charge budgétaire.
On ne peut en effet oublier que l'une des conséquences du système actuel est de plafonner largement la taxe professionnelle à un niveau inférieur à celui que les impositions locales dues par les ménages leur font supporter effectivement.
Il est en fait plus facile, en général, à une entreprise de payer sa taxe professionnelle qu'il n'est aisé à un particulier de payer sa taxe d'habitation et, a fortiori, sa taxe foncière s'il est propriétaire.
La seconde disposition concerne, nous l'avons vu, le problème de la révision des bases cadastrales et de la majoration du taux forfaitaire de prélèvement par l'Etat qu'elle a entraînée.
Soulignons d'ailleurs ici l'un des effets particuliers de cette mesure.
Mécaniquement, le produit de l'imposition des frais de rôle progresse avec le montant des impositions votées par les assemblées délibérantes des collectivités locales. Un point de fiscalité directe locale en plus signifie, dans les faits, un point de progression du montant des frais de rôle.
Le montant de la majoration exceptionnelle aujourd'hui pérennisée est estimé à environ 1,5 milliard de francs.
Supprimer cette majoration particulière reviendrait à rendre cette somme aux redevables locaux et donc, en fait, à partager le bénéfice de la mesure de manière équitable entre les ménages et les entreprises pour 650 à 750 millions de francs pour chaque catégorie.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne suis pas très favorable à cet amendement ou, plutôt, j'y suis défavorable parce que nous allons engager une réflexion sur la fiscalité locale qui réunira tous les partenaires concernés. C'est à cette occasion, je crois, qu'il conviendra de réfléchir à l'avenir de la taxe professionnelle, y compris à celui des mécanismes de plafonnement qui la commandent.
C'est pourquoi cet amendement me semble sinon inadapté, du moins prématuré.
M. le président. L'amendement n° I-97 rectifié est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-97 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-95 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, le taux "0,35 %" est remplacé par le taux "1 %".
« II. - Ce même alinéa est complété par les dispositions suivantes : "Ce taux est porté à 1,5 % lorsque ce chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions".
« III. - Le supplément de recettes résultant de l'application des I et II ci-dessus est affecté au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
Par amendement n° I-135, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1647 E du code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Après le premier alinéa du I, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de 1998 et des années suivantes, le taux de valeur ajoutée figurant au premier alinéa est fixé à 1 %. »
« b) Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Cette imposition minimale ne peut avoir pour effet de mettre à la charge de l'entreprise un supplément d'imposition dépassant un seuil fixé par décret. »
« c) Le paragraphe II est ainsi rédigé :
« II. - Le supplément d'imposition, défini par différence entre la cotisation résultant des dispositions du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III, est versé au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
« II. - L'augmentation des ressources du fonds national de péréquation de taxe professionnelle résultant de l'application du I du présent article n'est pas prise en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une réduction à due concurrence de la dotation budgétaire de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et par le relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-202, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, les mots : "et, pour 1998, quatre fois la cotisation définie au III." sont supprimés. »
« II. - Après le deuxième alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de 1998 et des années suivantes, le taux de valeur ajoutée figurant au premier alinéa est fixé à 1 %. »
La parole est à M. Derian, pour défendre l'amendement n° I-95 rectifié.
M. Jean Derian. Cet amendement a pour objet de renforcer les outils de péréquation de la taxe professionnelle en rehaussant la cotisation minimale de cette même taxe.
Cette cotisation minimale a été créée dans la loi de finances de 1996 au taux de 0,35 %. Il avait été décidé que, dans les années ultérieures, on l'augmenterait régulièrement.
On n'en a rien fait en 1997 et il semble, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on ne l'envisage pas non plus pour 1998.
Je crois savoir que nos collègues socialistes étaient prêts à accepter un taux de 0,70 %. Nous perdrions encore une année si cet amendement n'était pas pris en compte.
Si un plancher a été instauré, c'est parce qu'un plafond avait été créé en 1989. Cela a coûté 4 milliards de francs à l'Etat cette année-là ; cela lui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs.
Si l'on ne met pas en place un système de plancher qui remonte doucement, on va se priver, comme le soulignent très justement les collectivités locales, d'une ressource absolument nécessaire à la péréquation et à la réforme de la taxe professionnelle.
Cette proposition va, me semble-t-il, tout à fait dans le sens de ce que souhaite, par exemple, l'Association des maires de France.
De plus, l'argument avancé par les directions d'entreprises pour justifier des décisions de délocalisation serait considérablement réduit dans la mesure où ce relèvement limiterait les fortes disparités de taux de taxe professionnelle et, donc, la mise en concurrence des communes à laquelle se livrent les entreprises.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° I-135.
M. René Régnault. Je pense que vous tous ici serez sensibles à la proposition que nous faisons. Elle est fondée sur l'équité à établir entre les redevables de la taxe professionnelle afin que ceux qui contribuent peu puissent, lorsqu'il y a un effort à fournir, contribuer davantage et que nos collectivités locales, très solicitées aujourd'hui, puissent assumer non seulement les charges qui sont déjà les leurs, mais aussi celles qui seront liées au plan pour l'emploi des jeunes, par exemple, ou encore les charges liées à la qualité de vie - eau, assainissement, environnement, et j'en passe - qui résulteront des nouvelles normes qui se succèdent.
Tout cela explique l'importance toujours plus grande de la taxe professionnelle et de son système de péréquation.
Notre amendement n° I-135 a donc pour objet d'augmenter les moyens de cette péréquation par le biais d'un relèvement de la cotisation minimale de la taxe professionnelle.
L'instauration d'une cotisation minimale de 0,35 % de taxe professionnelle qui était proposée dès 1996 par le groupe parlementaire socialiste du Sénat a constitué une avancée intéressante face aux inégalités des entreprises devant la taxe professionnelle.
Cette disposition constitue également un premier pas vers une modification de l'assiette de la taxe professionnelle permettant une moindre pénalisation de l'emploi et une meilleurs prise en compte des secteurs capitalistiques.
Elle aurait pu également constituer un bon outil pour renforcer les moyens de la péréquation financière entre les collectivités locales.
Mais la mesure de la loi de finances pour 1996 a manqué d'ambition puisque le taux retenu de 0,35 % est très faible, puisque ne sont pas prises en compte les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs et puisqu'un plafonnement strict de la hausse est effectué. Au total, très peu d'entreprises sont concernées pour un rapport symbolique.
Il convient donc de revenir à l'intention initiale du législateur, qui escomptait un produit de 500 millions de francs alors qu'il n'a représenté que le dixième.
Il faut aller dans la direction que nous nous étions tous fixée ici à l'époque. Le gouvernement précédent avait attribué au budget de l'Etat le produit de cette cotisation minimale alors que, de notre point de vue, il s'agit pourtant bien clairement d'une imposition locale.
Je le répète, il faut relever ce taux minimum, et faire en sorte que le produit espéré soit au rendez-vous et que la recette revienne aux collectivités locales.
L'objet de cet amendement est donc de relever à 1 % le taux de la cotisation minimale, ce qui permettra réellement à cette cotisation de remplir ses objectifs. Le plafonnement devra être établi afin de permettre une augmentation réelle mais progressive de la ressource.
En second lieu, l'amendement prévoit l'attribution de cette cotisation minimale aux sociétés locales par le biais du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui pourra ainsi être mieux à même de remplir son rôle de rééquilibrage des ressources entre les collectivités locales et, surtout, en fonction de leur richesse respective.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° I-202.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous tournons autour du même sujet : mon amendement est d'une inspiration analogue à celle de l'amendement que vient de présenter M. Régnault, avec, toutefois, quelques variantes.
Les allégements de taxe professionnelle qu'il a fallu décider après le vote de la loi de 1975 se sont empilés d'année en année, au point de devenir ruineux pour les finances publiques en général et pour celles de l'Etat en particulier ; notre collègue du groupe communiste a avancé tout à l'heure des chiffres qui ont de quoi faire frémir mais qui reflètent la réalité.
Mais il faut bien reconnaître que la mesure de plafonnement par rapport à la valeur ajoutée que nous avons introduite voilà quelques années a fait complètement exploser le système !
C'est à l'occasion de l'examen des conséquences de cette mesure que nous nous sommes interrogés, au sein de l'Association des maires de France, puis, presque simultanément, dans cette assemblée, sur le problème de la solidarité entre les entreprises. Nous nous sommes dit que, après tout, l'ensemble de la collectivité nationale payait la solidarité envers les entreprises trop imposées et que cela avait pour résultat de remettre des sommes astronomiques à la charge du budget de l'Etat par l'intermédiaire du plafonnement par rapport à la valeur ajoutée, même si nous avons légèrement réduit et adapté ce plafonnement au cours des années passées.
Cependant, nous avons constaté que, à côté des sommes démentielles parfois réclamées à certaines entreprises, qu'on pouvait alors à juste titre qualifier de surimposées, il y avait des contributions véritablement dérisoires, tenant soit à un taux taxe professionnelle très bas, soit à un système conduisant à calculer des bases excessivement modestes. Autrement dit, il y avait des rentes de situation et cela n'était pas supportable.
C'est ainsi que nous avons été conduits à chercher ceux qui étaient favorisés par le système. Bien sûr, ils restaient tranquillement dans leur coin, ils ne se faisaient pas remarquer, il ne la « ramenaient » pas ! Ce n'est pas eux qui nous écrivaient tous les ans pour protester !
Nous avons d'abord découvert que ces violettes cachées, c'était les banques, les compagnies d'assurance, les sociétés de crédit-bail et les grandes surfaces, et nous avons considéré qu'il était parfaitement possible de leur réclamer un supplément, que nous avons appelé la « cotisation minimale ». Puisqu'il existait une cotisation maximale par rapport à la valeur ajoutée, au-delà de laquelle c'est l'Etat qui prend en charge, nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas faire payer un minimum ? »
Nous avions demandé, monsieur le secrétaire d'Etat, aux services de Bercy de faire un certain nombre de simulations. Les simulations ont été faites sur la base de trois hypothèses, 0,5 %, 1 % et 1,5 %, avec 50 millions de francs de chiffre d'affaires au minimum puisque nous ne voulions pas frapper en dessous.
Nous avons ainsi obtenu des chiffres variant entre un milliard et deux milliards de francs ; au taux de 1 %, c'était 1,8 milliard de francs.
Là-dessus, on nous a dit : « Mais il faut être prudent, il faut examiner, il faut essayer, il ne faut pas monter directement à 1 %. » Nous avons donc adopté le taux de 0,35 %. On nous a affirmé que cela rapporterait à peu près 400 millions de francs. Et, aujourd'hui, on nous dit qu'on en est à peu près à 50 millions de francs, qu'on ne comprend pas, qu'on s'est « planté » dans les calculs...
Rassurez-vous, monsieur le sercrétaire d'Etat, vos services sont remarquables. Ils ne se sont pas trompés, mais nous avons introduit un dispositif...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Michel Charasse. ... tel que, quand on ne payait rien, on ne pouvait pas payer plus de deux fois rien et que, quand on n'avait pas pu payer plus de deux fois rien, on ne pouvait pas payer plus de trois fois rien ! C'est le système qui prévoit que, la première année, on ne peut pas payer plus de deux fois ce qu'on payait l'année précédente. Mais zéro multiplié par deux, cela fait toujours zéro !
Voilà pourquoi, au lieu d'être à 400 millions de francs, on est à 50 millions de francs !
Le système que je propose avec cet amendement est très simple. Il consiste à dire que, d'une part, 1 % de valeur ajoutée, c'est toujours très bas par rapport aux 3,5 % et 4 % de ceux qui sont plafonnés et qui montent jusqu'à ces niveaux élevés, et que, d'autre part, 1 %, c'est le taux qui correspond à la demande réitérée de l'Association des maires de France, mais sans le cliquet de la multiplication par deux, par trois, etc., ce que, en termes savants, on appelle le « lissage ».
Mon amendement vise donc à passer à 1 % et à « lisser ».
Vous remarquerez, monsieur le président, que je me suis « lissé » moi-même puisque mon intervention n'a pas excédé cinq minutes. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-95 rectifié, I-135 et I-202 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est un sujet dont nous ne cessons de parler mais sur lequel nous nous sommes, jusqu'à présent, toujours refusés à légiférer à l'aveugle.
Comme Michel Charasse vient de l'expliquer, et plus plaisamment que je ne saurais le faire, nous souhaitions ne légiférer qu'à partir de simulations. Celles-ci ont été demandées, mais on n'a pas fait preuve, de l'autre côté, d'une hâte excessive. Nous avons donc fini par prévoir ces simula«tions dans la loi. Malheureusement, donner à notre demande valeur législative n'a eu qu'un effet tout relatif, mes chers collègues, puisque le rapport que nous avions imposé dans la loi devait nous être rendu le 31 mai dernier. Or, en ce 25 novembre, je n'en dispose toujours pas. M. le secrétaire d'Etat nous l'a promis et, comme je crois tout ce qu'il me dit, je ne doute pas que ce document nous parviendra bientôt.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez raison !
M. Michel Charasse. C'est un honnête homme !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Personne n'en doute et, dès lors, il n'est pas nécessaire de le rappeler ! (Sourires.)
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déjà admis devant le Sénat que le résultat des simulations était quelque peu décevant, en ce sens que l'on n'obtient pas, comme Michel Charasse l'a souligné, le produit qu'on pouvait espérer.
Ce qui demeure intéressant, c'est de voir quelles catégories de contribuables se trouvent avantagées par l'enchaînement des dispositifs que Michel Charasse vient de nous décrire. Mais il l'a fait si vite que je crains que certains n'aient eu un peu de mal à suivre ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, le système est tel que ceux qui ne payaient rien continuent de ne rien payer. Il faut donc examiner, par catégorie de contribuables, de quelle façon le dispositif doit être modifié pour le rendre juste, puisque c'est notre préoccupation commune.
Cependant, serait-il bien sage de légiférer tout de suite, alors que nous sommes théoriquement à la veille de recevoir ce fameux rapport que nous attendons depuis un an et demi ? Devons-nous vraiment prendre dès maintenant des dispositions, alors que l'instrument qui est censé nous aider à légiférer le moins mal possible va nous être enfin fourni ? La commission des finances, pour ce qui la concerne, ne le pense pas.
Il y a sans doute des redevables qui sont, selon Michel Charasse, susceptibles d'être appelés à contribuer à un niveau plus haut.
Mais je crains qu'il n'y en ait aussi qui en soient incapables.
Soyons lucides, mes chers collègues : dans notre pays, le produit de la taxe professionnelle est actuellement supérieur au produit de l'impôt sur les sociétés.
M. Michel Charasse. Oui, mais sans dégrèvement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous légiférons sous les yeux de ceux qui assurent aujourd'hui l'emploi en France. Je vous invite donc à la plus grande prudence et à la plus grande mesure, même si les besoins des collectivités locales sont réels, ainsi que nul ne l'ignore dans cette enceinte.
La position de la commission des finances demeure, à regret, la même : puisque l'instrument dont elle a besoin pour vous donner un avis responsable n'est toujours pas à sa disposition, elle ne peut qu'émettre un avis défavorable sur les trois amendements en discussion, que leurs auteurs accepteront peut-être de retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous sommes à l'évidence confrontés à un sujet palpitant, celui de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
A ce sujet, cinq questions se posent.
La première paraît réglée : depuis 1996, personne ne remet en cause le principe d'un prélèvement minimal de taxe professionnelle.
Restent les questions du taux, du rendement, de l'affectation et du calendrier.
Il est exact que le rendement de la mesure prise en 1996 est décevant : il se réduit à 50 millions de francs, au lieu des 500 millions de francs annoncés. Cela mérite un diagnostic.
Un rapport a été promis. Il sera remis dans les jours qui viennent, au plus tard dans une ou deux semaines. Vous disposerez donc, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, sinon d'explications lumineuses, du moins d'éléments de clarification.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Quand ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Dans une ou deux semaines.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il est important que vous nous disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, si nous disposerons de ce rapport au moment de la discussion du collectif budgétaire.
M. Michel Charasse. Et nous reprendrons ce débat lors de l'examen du collectif budgétaire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cette question revient chaque année ! Il nous faut donc un engagement très précis du Gouvernement ! Lors de la discussion du collectif budgétaire de fin d'année, nous pourrons reprendre la discussion et proposer un amendement si besoin est.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, à votre question vigoureuse, je ferai une réponse vigoureuse : vous aurez ce rapport avant l'examen du collectif budgétaire.
M. René Régnault. Merci et très bien !
M. Michel Charasse. Alors, je vais retirer mon amendement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de terminer !
Trois dispositifs sont proposés, qui diffèrent selon le taux et selon l'affectation. M. Dérian a proposé un système qui fait varier le taux selon la taille des entreprises - 1 % pour les moyennes, 1,5 % pour les grandes - et une affectation au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, ce qui pose un problème.
M. Régnault propose 1 % pour tout le monde, avec une affectation aux collectivités locales.
M. Charasse suggère deux innovations : un taux unique de 1 %, mais avec une taxe minimale en quelque sorte débridée - qu'il me pardonne cette expression ! c'est-à-dire sans aucune contrainte susceptible de freiner son développement, avec affectation à l'Etat, ce qui ne peut, bien sûr, que satisfaire le secrétaire d'Etat au budget.
Le débat sur ces trois amendements est probablement prématuré. Je suggère qu'ils soient retirés. Lorsque nous aurons pu prendre connaissance du rapport que j'ai promis pour le collectif budgétaire, nous serons en mesure de reprendre cette discussion à partir d'informations précises.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, me paraît important, indépendamment de la question relative à la taxe professionnelle. En effet, en 1998, interviendra la fin du pacte de stabilité, et nous aurons alors besoin de connaître ces éléments pour pouvoir définir, avec le Gouvernement, le nouveau mode des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Vous prenez donc un engagement très fort, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous veillerons à ce qu'il soit respecté.
M. le président. Monsieur Régnault, votre amendement est-il maintenu ?
M. René Régnault. Je le retire, monsieur le président.
M. Michel Charasse. Je retire également le mien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et nous retirons le nôtre !
M. le président. Les amendements n°s I-95 rectifié, I-135 et I-202 sont retirés.
Par amendement n° I-94, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le II bis de l'article 1648 D du code général des impôts, les taux "1,70 %", "1,25 %" et "0,8 %" sont respectivement remplacés par les taux "2,20 %", "1,70 %" et "1,1 %".
« II. - Le produit de l'imposition perçu en application du I ci-dessus n'est pas pris en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996 (loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995). »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Notre amendement tend à renforcer les moyens de péréquation de la taxe professionnelle.
L'article 1648 D du code général des impôts, je le rappelle, prévoit « une cotisation de péréquation de la taxe professionnelle à la charge des établissements situés dans les communes où le taux global de cette taxe est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national ».
Nous vous proposons de relever le taux de cette cotisation de 1,7 % à 2,20 % pour les établissements situés dans les communes où le taux moyen de la taxe professionnelle est inférieur à la moitié du taux moyen national.
Pour les établissements situés dans les communes où le taux de la taxe professionnelle est compris entre 0,5 et 0,75 fois le taux moyen national, nous proposons de porter le taux de cette cotisation de péréquation de taxe professionnelle de 1,25 % à 1,7 %.
Pour les établissements situés dans les communes ayant un taux de taxe professionnelle compris entre 0,75 fois et une fois le taux moyen national, cette cotisation serait relevée de 0,8 % à 1,1 %.
Au total, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle augmenterait d'environ 200 millions de francs.
Cet amendement se justifie par la nécessité de trouver de nouvelles ressources et de les affecter à la réduction des inégalités territoriales. Vous savez que nous ne sommes pas partisans des mécanismes de redistribution à enveloppe constante qui, au bout du compte, créent une division entre les communes.
Le mécanisme que nous proposons permettrait de répondre en partie aux revendications de certains membres de l'Association des maires de France, qui regrettaient l'absence de loi de péréquation financière.
La lecture - quotidienne, cela va de soi ! - des chiffres de l'annuaire statistique de la direction générale des impôts nous conforte dans notre analyse.
C'est pourquoi, convaincus que c'est à l'Etat de prévoir, par le biais d'une telle cotisation, les mécanismes de péréquation assis sur la richesse produite au sein des entreprises, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je pense que nous pourrons réfléchir tous ensemble, l'an prochain, à de meilleurs mécanismes de péréquation, qui n'entraînent pas forcément une augmentation de la pression fiscale pesant sur les entreprises, comme ce serait le cas si l'amendement de M. Loridant était adopté.
Je suggère donc le retrait de cet amendement et l'amorce d'une discussion approfondie sur la taxe professionnelle.
Si cette suggestion n'était pas suivie, le Gouvernement demanderait le rejet de cet amendement.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° I-94 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Compte tenu de la simplicité du sujet, je le retire, monsieur le président. (Rires.)
M. le président. L'amendement n° I-94 est retiré.
Par amendement n° I-46, MM. Delevoye et Marini proposent d'insérer, après l'article 18 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I - Après le 2° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis - A compter de l'année 1998, la taxe professionnelle acquittée par France Télécom est perçue selon les conditions du droit commun et selon celles prévues au 4° du I du présent article. »
« II - Le 6° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« A compter de l'année 1998, le produit de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom dans les conditions visées au 2° bis ci-dessus est réparti en trois fractions.
« La première fraction, représentant 30 % du produit de cette taxe, est réparti, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, entre les communes sur le territoire desquelles sont implantés des établissements de France Télécom.
« La deuxième fraction, représentant 20 % du produit de la taxe visée à l'alinéa précédent, est divisée en deux parts égales. La première part finance les dispositions spécifiques relatives au maintien et à la création d'activités et d'emplois dans certaines zones urbaines prévues par le titre II de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. La seconde part est versée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle visé à l'article 1648 A bis du code général des impôts et sera réduite de 25 % par an, au bénéfice du Fonds national de développement local visé à l'aliné ci-dessous, pour disparaître le 31 décembre 2001.
« La troisième fraction, représentant le solde du produit de la taxe visée aux précédents alinéas, est versée au Fonds national de développement local visé à l'article 1648 E du code général des impôts.
« III - Après l'article 1648 D du code général des impôts, il est inséré un article 1648 E ainsi rédigé :
« Art. 1648 E : I. Il est institué un Fonds national de développement local dont la gestion est confiée à un comité comprenant 14 membres, à savoir deux sénateurs, deux députés, un représentant des régions, un représentant des départements, un représentant des communes et de leurs groupements et sept représentants de l'Etat. Les membres autres que les parlementaires sont nommés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le président est nommé parmi les représentants de l'Etat et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage égal des votes.
« II. Ce Fonds dispose comme ressource de la part du produit de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom dans les conditions visées au dernier alinéa du 6° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
« III. - Les ressources du Fonds national de développement local sont allouées :
« - à des opérations d'amélioration et de réhabilitation du parc des logements sociaux situés dans les zones urbaines sensibles définies à l'article 42 (3) de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 portant loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« - à des opérations de démolition ou de changement d'usage de logements gérés par les organismes d'habitations à loyer modéré, visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, situés dans ces mêmes zones ;
« - à des opérations de même nature que celles mentionnées aux deux alinéas précédents et concernant des logements situés dans les territoires ruraux de développement prioritaire définis à l'article 42 (2) de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée ;
« - et à des actions de modernisation et de dynamisation du réseau des points de contact de La Poste situés dans les départements dont plus de 50 % du territoire sont classés en zones de revitalisation rurale créées par la même loi, ces actions ne pouvant mobiliser moins de 20 % des ressources du Fonds et devant porter prioritairement sur le développement des services de La Poste dans ces départements.
« IV. Le Fonds national de développement local finance les opérations visées au III ci-dessus, qui auront été sélectionnées par ses soins après présentation par le représentant de l'Etat dans le département intéressé. Les modalités de cette présentation et la procédure de sélection sont définies dans des conditions fixées par décret.
« IV - La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'application des I, II et III ci-dessus est compensée à due concurrence par un rélèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. J'ai cru comprendre que cette séance était fertile, puisque vous avez pris tout à l'heure l'engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'engager une réflexion sur la cotisation minimale de 1 %, que je soutiens dans son principe.
Par le biais de cet amendement, un autre problème de fond est posé à propos de la relation entre l'Etat et les collectivités territoriales : il s'agit, bien évidemment, de celui de la taxe professionnelle due par France Télécom.
La loi de juillet 1990 avait transformé les statuts de La Poste et de France Télécom et avait organisé notamment leur assujettissement à la taxe foncière et à la taxe professionnelle à compter du 1er janvier 1994.
Pour des raisons tout à fait particulières, l'Etat a considéré que les collectivités locales n'avaient aucun droit sur le produit des taxes perçues.
La justification avancée à l'époque était l'existence de flux financiers entre La Poste et France Télécom, d'une part, et l'Etat, d'autre part. L'Etat ne voulait pas voir ses recettes amputées.
Ensuite, la différence entre le produit indexé au titre de 1994 et le produit effectif des impositions a été versée au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle pour financer un certain nombre de politiques, notamment le plan national d'intégration urbaine.
Nous avons souvent dénoncé ce détournement par l'Etat du produit de la taxe professionnelle - en tout cas, il s'agit d'une règle un peu particulière - et nous étions unanimes à le faire. Cela avait d'ailleurs été repris dans le rapport Delafosse.
Nous étions de plus en plus convaincus que ni La Poste ni France Télécom n'avaient à obéir à un dispositif particulier. J'en veux pour preuve le rapport qui a été remis au Gouvernement, en septembre 1997, par Michel Delebarre et qui précise, à la page 52 : « L'ouverture à la concurrence fait que France Télécom ne se trouve plus, sur ce plan, dans la même situation que ses concurrents dans ses relations avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, il est permis de s'interroger sur la suite qui serait donnée à un éventuel recours d'une collectivité territoriale. »
Nous voudrions, monsieur le secrétaire d'Etat, échapper à ce recours, mais nous n'y échapperons pas très longtemps.
Aujourd'hui, un certain nombre de collectivités locales sont tout à fait prêtes à soulever devant les tribunaux cette question particulière de la taxe professionnelle de France Télécom.

M. Jean-Marie Girault. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye. A partir de ce moment-là, deux options peuvent se présenter.
La première option consiste à retablir le droit commun. Dans ce cas, la totalité des collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouvent des établissements de France Télécom perçoit cette taxe professionnelle. Ce serait probablement juste, mais peut-être passerions-nous à côté d'une politique de redistribution aujourd'hui nécessaire puisque chacun parle de solidarité et de péréquation.
C'est la raison pour laquelle l'une des propositions qui figurent dans cet amendement est de diviser le produit de la taxe professionnelle de France Télécom en plusieurs fractions : l'une retournerait, bien évidemment, aux communes sièges ; l'autre financerait des politiques soit de maintien du service public de La Poste, soit de développement du logement en milieu rural ou en milieu urbain, toutes les idées en la matière étant évidemment recevables.
Lors du dernier congrès de l'Association des maires de France, une seconde option avait été proposée : elle consistait à affecter une partie de la taxe professionnelle de France Télécom au financement de l'intercommunalité ou à l'abondement du pacte de stabilité. En effet, chacun sait aujourd'hui que le système est voué à l'asphyxie.
L'amendement n° I-46 a pour objet de vous entendre sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment en ce qui concerne les promesses que vous pourriez éventuellement formuler.
A l'évidence, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui France Télécom par rapport au droit commun n'est plus tenable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement qui vient d'être présenté par M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, traduit une légitime revendication et fixe un objectif qui devra être atteint.
Il invite à une démarche réfléchie de retour du produit de la taxe professionnelle de France Télécom aux collectivités locales. Je dois cependant rappeler que la perception de cette taxe constitue, depuis l'origine, la contrepartie de la compensation par l'Etat des allégements de taxe professionnelle.
Toutefois, comme M. Delevoye vient de le dire, il convient d'entendre le Gouvernement sur cette importante question à l'effet de connaître le délai dans lequel il envisage de donner suite à la légitime préoccupation des collectivités locales exprimée par Delevoye.
Dans la fonction parfois ingrate mais gratifiante sur le plan intellectuel que vous m'avez confiée, j'ai le devoir de vérifier ce qu'il en est pour le budget de l'Etat. L'enjeu est extrêmement important, mes chers collègues, puisqu'il s'agit de 5 à 6 milliards de francs. Mais l'importance de l'enjeu s'agissant du budget de l'Etat vaut également pour les collectivités locales, ce qui justifie qu'une réponse soit donnée par le Gouvernement. La réponse très encourageante que le Gouvernement ne manquera pas de faire à M. Delevoye lui permettra de prendre la bonne décision quant à l'avenir de son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement n'est pas très encourageant, mais je répondrai aussi clairement que possible à la proposition deM. Delevoye.
Je commencerai par une critique, certes mineure, mais que je tiens à formuler : dans le dispositif que vous proposez de perception de la taxe professionnelle de France Télécom au profit des collectivités locales, monsieur Delevoye, le taux appliqué est un taux national. Cela conduirait à une situation pour le moins baroque dans laquelle, au sein de la même commune, à côté du taux de taxe professionnelle appliqué aux entreprises présentes dans la commune figurerait le taux de France Télécom. Il s'agit peut-être d'une imperfection dans le système que vous proposez.
Mais je voudrais être plus grave sur ce point. La comparaison que vous faites avec les concurrents de France Télécom ne me paraît pas valable car, entre les concurrents privés de France Télécom, qui développent avec talent des activités de téléphonie mobile, et France Télécom, il existe une grande différence : les concurrents de France Télécom ne développent leur activité que dans les agglomérations où celle-ci est rentable, alors que France Télécom propose à tous les Français, où qu'ils habitent, la même qualité de service de télécommunication.
Par conséquent, il convient d'insister sur le fait que France Télécom n'est pas une entreprise tout à fait ordinaire, en raison non seulement de son statut et du statut de son personnel, mais également de la mission de service public qui est celle de cette puissante entreprise.
M. Jean-Marie Girault. Et les centrales nucléaires ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je poursuis mon raisonnement, si vous le permettez, monsieur le sénateur !
France Télécom assure un service égal sur l'ensemble du territoire. Or, si l'on suivait votre proposition, monsieur le sénateur, eh bien ! la taxe professionnelle serait perçue de façon inégale. En effet, les investissements de France Télécom sont assez peu nombreux en pleine campagne ; ils sont généralement situés dans les agglomérations. Il y a donc là une véritable difficulté.
J'insiste - il s'agit d'une question de principe ! - sur le fait que France Télécom ne peut pas être mise sur le même plan que ses concurrents, qui n'assurent pas une mission de service universel.
Vous avez parlé de La Poste et vous avez évoqué, avec la grande courtoisie qui sied à un sénateur, la possibilité de recours en justice. Le mode de calcul de la taxe professionnelle due par La Poste a été contesté devant la Commission européenne, puis devant la Cour de justice européenne. L'une et l'autre ont rejeté les recours.
M. Gérard Delfau. Exactement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas vous dissuader d'introduire des recours. Je souhaite simplement vous dire que votre argumentation n'est peut-être pas suffisante pour atteindre le résultat que vous souhaitez.
J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que France Télécom n'est pas une entreprise ordinaire ; c'est une entreprise de service universel. Il faut donc veiller à ce que la logique de rentabilité à laquelle vous poussez implicitement ne conduise pas à mettre en place un service de télécommunication différent, selon que l'on est prospère ou non.
J'ajoute un argument que M. le rapporteur général a cité avec sa probité habituelle : est en jeu, pour l'Etat, une somme d'environ 5 milliards de francs ; par ailleurs, l'Etat assure une charge de plus de 40 milliards de francs au titre de la taxe professionnelle.
En outre, ces 5 milliards de francs qui sont perçus par l'Etat ne sont pas pris aux collectivités locales, puisqu'une fraction croissante est versée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle : elle s'élevait à 300 millions de francs en 1995 et elle atteindra 1,3 milliard de francs en 1997.
Je suis donc au regret de vous dire, monsieur Delevoye, que, en la matière, je ne peux pas faire de promesses encourageantes. La situation actuelle se justifie par le poids du passé et par la nécessité de maintenir un service universel de télécommunication que les sociétés privées n'assureront jamais et dont seul France Télécom pourra se charger.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, dont elle ne doute pas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-46.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Il est vrai que cet amendement est important. Peut-être dérange-t-il, mais il pose un vrai problème. J'avoue être déçu, monsieur le secrétaire d'Etat, par votre analyse.
En effet, vous nous dites que, finalement, la situation actuelle est satisfaisante, qu'il n'y a absolument pas lieu de la changer, qu'il n'y a même pas lieu d'envisager qu'elle soit modifiée. Voilà ce que j'ai compris ! Il s'agit d'une fin de non-recevoir, immédiate et pour l'avenir, complète et définitive.
Je suis déçu, car votre argumentation me semble négliger l'articulation même de cet amendement.
Dans le paragraphe II, nous avons prévu des modalités de répartition, qui sont bien sûr perfectibles, maisqui tiennent compte du fait que, précisément, FranceTélécom réalise des investissements dans différents lieux du territoire. Comme vous le voyez, nous n'avons envisagé de faire bénéficier les collectivités sièges des installations de France Télécom que de 30 % du produit de la taxe, le reste faisant l'objet d'un mécanisme un peu complexe d'affectation à des activités d'intérêt général facilitant la création d'emplois et de nature à accroître les moyens de l'aménagement du territoire.
Nous avons même prévu un mécanisme qui associe un comité de gestion d'un fonds national de développement local.
Tout cela n'est certainement pas parfait, mais répond à l'un des arguments que vous avez utilisés : le transfert du produit de la taxe professionnelle de l'Etat aux collectivités locales pourrait créer des inégalités injustifiées ou des iniquités entre les collectivités locales.
Nous avons voulu par ce mécanisme un peu fouillé mais, je le répète, perfectible, lutter contre le sentiment que vous avez exprimé, sans avoir véritablement analysé à fond notre texte, me semble-t-il.
Je suis également surpris par la crispation que vous exprimez alors que France Télécom a tout de même un peu évolué. Cette entreprise, qui conserve certaines obligations de service du public, est bien une entreprise concurrentielle, sur un marché ouvert, dans le cadre des règles européennes auxquelles nous avons souscrit.
France Télécom est donc, sur le plan économique, une entreprise comme les autres. Le fait que le gouvernement auquel vous appartenez ait accepté l'ouverture du capital de France Télécom traduit d'ailleurs l'arrivée de cette entreprise dans la compétition. En 1990, il s'agissait d'un opérateur public qui n'était même pas doté de la personnalité morale et qui a été transformé en société anonyme de droit commun sur un marché concurrentiel. Or, rien n'a changé, dites-vous, monsieur le secrétaire d'Etat. Cette argumentation me paraît singulièrement courte.
Pour ma part, si cet amendement était maintenu, je le voterai. En effet, on ne peut pas, me semble-t-il, justifier de façon durable le maintien au seul profit de l'Etat de la taxe professionnelle de France Télécom.
France Télécom pourrait être pénalisée par ce dispositif, avez-vous ajouté. Je ne le crois pas. En effet, elle paie la taxe professionnelle, qui est une charge de son compte de résultat, mais à l'Etat, et non aux collectivités locales comme toutes les autres entreprises de notre pays. France Télécom est bel et bien devenue une entreprise concurrentielle, une société qui a ouvert son capital au public,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme EDF !
M. Philippe Marini. ... et c'est le gouvernement auquel vous appartenez qui a pris la responsabilité de cette ouverture du capital, après avoir adopté des positions peut-être un peu fluctuantes, même si cela n'a pas été pendant très longtemps. Au total, vous avez pris une décision qui, selon moi, va dans le bon sens. Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut en assumer toutes les conséquences !
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Voilà trois ou quatre ans, lorsque le gouvernement de l'époque a voulu confisquer la taxe professionnelle que France Télécom devait désormais payer, j'étais intervenu devant un autre ministre du budget...
M. René Régnault. Ici présent !
M. Jean-Marie Girault. ... pour regretter que l'on confisquât une ressource qui allait naturellement aux collectivités territoriales. J'avais alors été applaudi par M. Régnault.
M. René Régnault. Effectivement !
M. Jean-Marie Girault. Nous n'avons pas la mémoire courte. J'attends, bien sûr, que, ce soir, il vote un amendement similaire à celui que j'avais proposé. A l'époque, il m'avait été répondu que mon amendement n'était pas recevable car l'article 40 de la Constitution était applicable. D'entrée de jeu, une ressource qui n'avait jamais existé, qui venait d'être créée, allait profiter directement à l'Etat, les collectivités territoriales s'en trouvant privées.
On a changé de majorité, mais ma conviction est toujours la même. Je souhaite que mon collègue M. Régnault n'ait pas lui-même changé de conviction. En effet, il s'agit bien d'une ressource qui doit aller naturellement aux collectivités territoriales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué, tout à l'heure, l'aspect service public de France Télécom, qui est côté en Bourse comme une société anonyme, et compte tenu des intérêts qu'elle défend aujourd'hui, cela me paraît très bien. Je vous ai alors interrompu et je vous prie de m'en excuser. S'agissant des centrales nucléaires, allez-y, gardez-la, vous l'Etat, la taxe professionnelle qu'elles génèrent et essayez donc de la faire voter par le Parlement !
Vous évoquiez la notion de service public : n'est-ce pas le cas des centrales nucléaires ? Alors, pourquoi la taxe professionnelle qu'elles génèrent profite-t-elle aux communes et aux agglomérations où elles sont intallées ?
France Télécom exerce une activité commerciale. Les communes, les collectivités territoriales ont été dépouillées. D'ailleurs, votre explication est embarrassée, monsieur le secrétaire d'Etat. Je me dois de vous le dire, quelle que soit la sympathie que j'éprouve pour vous.
Depuis trois ou quatre ans environ, me semble-t-il, monsieur Régnault,...
M. René Régnault. Au moins !
M. Jean-Marie Girault. ... le problème demeure. Née avec une autre majorité, la difficulté se poursuit aujourd'hui sans aucune raison valable.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Alors, ce n'était pas la peine de changer de majorité !
M. Jean-Marie Girault. Que se passera-t-il le jour où la concurrence s'installera pour un problème de télécommunication au sein de la ville que j'ai l'honneur d'administrer ? Eh bien, je choisirai la société qui, elle, paiera à ma commune la taxe professionnelle !
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Jean-Marie Girault. Je suis persuadé que cela pose, de surcroît, un problème constitutionnel ; je me permets de vous le signaler.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où, au terme de cette séance, vous allez enfin vous endormir, j'aimerais que votre réflexion se poursuive dans votre inconscient afin que le Gouvernement soit persuadé de la réalité du problème. Je suis convaincu que nous partageons tous ici la même analyse. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Avec leur amendement, MM. Delevoye et Marini posent une vaie question. A l'évidence, aucun principe ne justifie que La Poste et France Télécom ne soient pas soumises au droit commun.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme EDF et GDF !
M. Michel Mercier. Comme EDF, sans aucune difficulté, que ses installations soient situées en ville ou à la campagne. Il y a là une règle qui devrait s'imposer à nous.
Voilà quelques instants, nous avons débattu de la cotisation minimale de taxe professionnelle, de son taux et de son affectation. Le problème de l'affectation de la cotisation de taxe professionnelle de France Télécom se pose de la même façon. Si nous devons avoir, dans quelques semaines, un débat sur ce sujet, il me semble tout de même que les deux questions doivent être liées.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Michel Mercier. On ne peut pas d'un côté abonder un fonds et, de l'autre, le vider. Se pose, à l'évidence, le problème du financement de ce fonds. Pour la bonne compréhension des choses, nous devrions lier les deux questions et en discuter à ce moment-là.
Je suis tout à fait d'accord avec les propositions que font nos collègues. Elles sont sages, elles prévoient une taxe professionnelle moderne puisqu'elle est répartie non seulement entre les communes sièges, mais également entre les communes qui ont besoin de ressources. On ne peut pas examiner cette question sans discuter de la cotisation minimale ; il faudrait le faire à ce moment-là.
Dans ces conditions, je ne vois pas comment, ce soir, je pourrais voter simplement un amendement sans me prononcer sur les deux aspects du problème.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'assiste en quelque sorte, depuis un moment, à un procès qui me concerne directement puisque je suis le coupable auteur de la loi du 2 juillet 1990. (Exclamations sur plusieurs travées.) Heureusement, je suis devant des juges amicaux et bienveillants !
Le système qui, ce soir, est sur la sellette, c'est celui que j'avais arrêté à l'époque avec mon collègue M. Quilès et qui a été approuvé par le Parlement.
Certes, je comprends les motivations du président de l'Association des maires de France et de M. Marini, qui sont les auteurs de l'amendement. Mais je partage aussi l'analyse de M. le secrétaire d'Etat. Dès lors, mon exercice n'est pas facile...
Avant la loi de 1990, il n'y avait pas d'impôts locaux sur les installations de La Poste et de France Télécom. Donc, les collectivités locales n'ont rien perdu. Certains élus locaux disent : « On nous a enlevé... » On ne vous a rien enlevé puisque vous n'aviez rien.
M. René Régnault. Exact !
M. Michel Charasse. On a simplement dit : maintenant que La Poste et France Télécom ressemblent de très près à des établissements publics - ce n'est pas exactement l'appellation retenue alors - ...
M. Gérard Delfau. Opérateur public autonome !
M. Michel Charasse. Effectivement. Dès lors qu'il s'agit d'opérateurs publics autonomes, ils entrent dans le cadre des personnes morales qui doivent être redevables des impôts locaux.
A l'époque, l'Etat - et c'est un système dont j'avais hérité des gouvernements précédents - prélevait tous les ans 14 milliards de francs sur les bénéfices de France Télécom. Il a alors été décidé de geler cette somme, mais de la compléter par la perception directe des impôts locaux, pour un certain nombre de raisons qui tenaient d'ailleurs aux disparités entre collectivités, à la difficulté de faire une péréquation, etc., bref, une partie des problèmes que le président Delevoye a rappelés, ainsi d'ailleurs que M. le secrétaire d'Etat.
Nous sommes restés là et nous en sommes toujours là. Est-ce très choquant ? Cela dépend de la manière dont on regarde les choses.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pour les collectivités territoriales, oui !
M. Michel Charasse. Ce qui est choquant en tout cas, monsieur le président Poncelet, c'est que, à l'époque, nous n'avions pas encore les opérateurs privés et que, aujourd'hui, nous les avons !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'était le bon temps !
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, si la nature des activités n'est pas exactement la même, puisque l'un a une vocation de desserte générale du territoire alors que les autres n'ont qu'une vocation de desserte particulière, nous nous trouvons tout de même dans une situation où deux contribuables qui exercent la même activité ne sont pas soumis aux mêmes règles.
J'ai bien entendu que vous avez dit tout à l'heure que les instances européennes n'avaient pas condamné le système « Charasse-Quilès », si je puis dire. Mais quand on l'a jugé, les autres opérateurs n'existaient pas encore !
Si, au nom de la concurrence, un opérateur privé va devant la Cour européenne,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Michel Charasse. ... je vous dis, monsieur le secrétaire d'Etat : il va gagner.
M. Jean-Paul Delevoye. C'est clair !
M. Michel Charasse. Nous ne pouvons donc pas, me semble-t-il, régler cette affaire ce soir, car elle soulève des problèmes beaucoup trop compliqués. Mais je n'ai pas l'habitude d'enterrer les questions.
Ce que je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez dit que l'année 1998 serait une année de réflexion sur la réforme de la fiscalité locale, et, je l'espère aussi, sur la réforme de la taxe professionnelle, c'est que vous n'échapperez pas à l'obligation de mettre cette question dans le paquet de la réforme. Cela ne veut pas dire qu'il faut que vous preniez l'engagement ce soir de restituer les sommes en jeu, puisque les collectivités ne percevaient rien avant. Car 5 ou 6 milliards de francs, c'est énorme, M. le rapporteur général l'a rappelé tout à l'heure, et je comprends votre prudence ! Mais je crois qu'il faut absolument, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous engagiez à procéder à une réflexion sur ce point pour que l'on en sorte sinon en 1999, du moins à partir de 1999, même si on doit le faire progressivement. Telle est ma proposition.
L'Etat paie 40 milliards de francs et plus au titre des allégements de taxe professionnelle. Il faut bien qu'il prenne l'argent quelque part. Cela fait aussi partie, président Delevoye, mais vous le savez, de notre réflexion d'ensemble, notamment dans la perspective du futur pacte.
J'ajouterai, mes chers collègues, mais ce n'est pas une méchanceté, que, cet après-midi, M. le rapporteur général a dit des choses fort peu aimables sur un gage identique, qui représentait pourtant moins de 5 milliards ou 6 milliards de francs ! Donc j'ai les plus grands doutes sur le sérieux du gage,...
M. Philippe Marini. On fait ce qu'on peut !
M. Michel Charasse. ... et si on avait introduit dans la jurisprudence de l'article 40 la notion de caractère sérieux ou non des gages - mais cela nous entraînerait très loin, président Poncelet, et cela nous conduirait peut-être à rogner excessivement sur les droits des parlementaires - l'amendement n'aurait sans doute par eu le bonheur d'être imprimé !
Je ne voterai pas cet amendement, mais j'attends de M. le secrétaire d'Etat qu'il nous dise qu'en 1998, dans la réflexion à laquelle il nous invite pour l'application de la révision, de la réforme des impôts locaux et de la réforme de la taxe professionnelle, il ajoutera cette affaire dans le paquet, parce que nous courons un risque à Bruxelles, et que le premier risque couru dans cette affaire à Bruxelles concerne, monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'Etat, ce qui ne m'est pas indifférent.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. Philippe Marini. Les souvenirs de M. Régnault !
M. René Régnault. Si j'interviens, ce n'est pas parce que j'ai fait l'objet d'une interpellation. Pour autant, je veux rétablir la vérité et dire à notre collègue Jean-Marie Girault que je me souviens bien de ce débat. Nous nous sommes d'ailleurs souvent rencontrés sur plusieurs points en matière de fiscalité locale...
M. Jean-Marie Girault. Effectivement !
M. René Régnault. ... et ce soir, je pense que nous sommes à nouveau d'accord sur l'essentiel. En effet, il est un principe, constitutionnel, me semble-t-il, selon lequel les collectivités locales se financent à partir d'un certain nombre d'impôts locaux dont le produit leur est acquis. Par conséquent, quand l'Etat, comme il l'a fait avec la contribution minimale de taxe professionnelle voilà deux ans, prélève, encaisse une part du produit de l'impôt local, cela me paraît effectivement discutable sur le plan constitutionnel. Ce que j'ai dit à l'époque, je le dis de nouveau aujourd'hui, et ce que je pensais alors, je le pense toujours.
Cependant, et cela a été dit voilà un instant, nous ne sommes plus tout à fait dans la situation de 1990, compte tenu de l'évolution des conditions faites depuis à France Télécom, de la déréglementation et de la mise en concurrence. J'ajoute - personne n'y a fait référence - que nous attendons de l'opérateur, dont le statut vient d'évoluer, qu'il participe de façon originale mais effective à l'aménagement du territoire, dans le cadre d'un service d'intérêt général qu'il doit rendre à l'ensemble de la population. Cela fait partie de ses obligations. Je comprends que l'on ne puisse pas supprimer ces éléments d'un trait de plume.
Je précise au passage, monsieur le président, que nous allons retirer notre amendement suivant, d'autant que nous l'avions gagé sur la contribution minimale de taxe professionnelle, sujet que - on vient de le dire à l'instant - nous réexaminerons dans quelques semaines.
Tout comme M. Mercier, j'estime qu'il nous faudra traiter conjointement la question que nous évoquons ce soir et celle de la contribution minimale de taxe professionnelle, lorsque, dans quelques jours, nous reviendrons sur le problème de la taxe professionnelle et de sa répartition. Et nous devrons alors y intégrer la donnée que constitue la taxe professionnelle de France Télécom.
Je ne crois pas être très éloigné de M. Jean-Marie Girault, si ce n'est dans la prise en compte du fait qu'au cours des sept dernières années un certain nombre d'éléments nouveaux sont apparus. Pour autant, il doit être établi que le produit d'un impôt local doit revenir aux collectivités locales, et ce quel que soit l'assujetti.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. René Régnault. Je comprends qu'il faille définir les conditions dans lesquelles l'opérateur France Télécom doit être assujetti. C'est une question dont on devrait reparler incessamment.
Je souhaite que le Gouvernement nous le confirme dans le cadre de cette discussion et complète ainsi la réponse qu'il nous a apportée en exposant l'avis du Gouvernement sur nos amendements à propos de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement a déjà atteint en partie son but.
Je veux d'ailleurs rassurer M. Michel Charasse sur le gage dont il était assorti : le but n'était pas que cet amendement soit adopté ; ce que l'on voulait avant tout, c'était soulever le problème.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été quelque peu surpris par les réponses que vous avez formulées et qui, me semble-t-il, prouvaient l'embarras du Gouvernement - ce serait le cas de n'importe quel Gouvernement confronté à ce problème.
Je partage totalement l'analyse de M. Charasse quant au recours. Il a évoqué un recours concernant La Poste et pas France Télécom.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Jean-Paul Delevoye. Je crains, effectivement, qu'un recours ne puisse aboutir. Mais ne faisons pas ce type de pari !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que vous regrettiez que notre proposition comporte un taux unique. Paradoxalement, vous étiez en train de regretter que nous soyons allés un peu trop loin dans le souci de péréquation. Si l'amendement avait consisté à appliquer le droit commun et à laisser chaque collectivité locale fixer le taux de sa taxe professionnelle communale pour prélever l'impôt qui lui est dû, nous revenions à 4,5 milliards de francs, ce que nous ne voulions pas.
Nous estimions que, si nous en revenions au droit commun, nous pourrions être un peu plus intelligents pour éviter la situation que M. Jean-Marie Girault a évoquée tout à l'heure.
A l'époque, nous aurions dû éviter que l'installation d'établissements d'Etat, notamment de centrales nucléaires, du fait de l'absence d'un outil de péréquation, ne génère des rentes de situation extraordinaires au profit de certaines collectivités locales, alors qu'il s'agissait d'investissements de dimension nationale, européenne ou internationale.
En présence de très grandes infrastructures, comme le tunnel sous la Manche, par exemple, il nous faudrait mettre en place un système de péréquation nationale, régionale ou départementale et non pas uniquement communale. Sinon, nous assistons même, parfois, à la constitution d'intercommunalités qui n'ont d'autre objet que d'accaparer le gâteau.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. L'humble parlementaire que je suis avait l'intention non pas de faire une construction qui soit des plus satisfaisantes sur le plan intellectuel, mais d'engager une démarche vers quelque chose d'innovant en matière de taxe professionnelle, qui concilie l'intérêt communal et les outils de péréquation.
En troisième lieu, vous vous êtes étonné de la démarche capitalistique, qui consistait à fixer un taux unique pour France Télécom et qui faisait en sorte qu'étaient favorisées les entreprises qui investissaient dans des zones urbaines rentables et non pas dans des zones rurales.
Or, paradoxalement, cet argument peut se retourner pour les raisons que vous avez évoquées en refusant d'accepter l'amendement sur la cotisation minimale de 1 %. Pourquoi avons-nous soutenu cet amendement de 1 % à la valeur ajoutée ? Parce que, à l'évidence - nombre de collectivités locales aujourd'hui nous alertent sur ce point - lorsque ces entreprises se développent, lorsqu'elles deviennent, le cas échéant, des multinationales, on assiste d'une année sur l'autre à des basculements de masses salariales vers des collectivités locales où les taux de taxe professionnelle sont très faibles.
Ainsi, des collectivités locales importantes, voire des communautés urbaines, font brutalement le constat que vingt millions, trente millions ou quarante millions de francs de taxe professionnelle ont disparu, et ce tout simplement parce que l'entreprise multinationale a fait basculer, d'un coup d'ordinateur, des masses salariales importantes de l'endroit où la taxe professionnelle était élevée en raison de politiques urbaines lourdes vers des lieux beaucoup plus privilégiés, quand il ne s'agit pas de pays européens où les masses salariales sont quelquefois plus faciles à gérer.
Par conséquent, l'argument que vous évoquiez à propos de cet éparpillement de postes, dans la mesure où nous assistons à ce type de gestion nationale des entreprises privées, capitalistiques, se retourne également contre vous.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, j'estime qu'aujourd'hui l'Etat ne peut plus tenir un discours à géométrie variable selon que les principes qu'il défend le servent ou le desservent.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. Si nous voulons parvenir à ce partenariat que vous appelez de vos voeux, un partenariat très franc, très loyal, très lisible, très équilibré, très juste, entre les collectivités locales et l'Etat, il faut tout mettre à plat,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Voilà !
M. Jean-Paul Delevoye. ... probablement reprendre le rapport Delafosse, lui donner suite et, surtout, ne pas dire, dans le dialogue ainsi engagé, que l'on ne veut pas aborder tel sujet parce que cela coûterait quatre milliards de francs, mais qu'en revanche on est prêt à discuter de tel autre.
Si nous voulons, une bonne fois pour toutes, clarifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, faire en sorte que, année après année, on ne « bidouille » pas le dispositif pour essayer de passer budget après budget et éviter que les représentants des collectivités locales ne viennent dire un jour à l'Etat qu'ils ne peuvent plus faire face, il nous faut profiter de l'ouverture que vous avez annoncée tout à l'heure sur la cotisation minimale pour, ainsi que le proposent un certain nombre de nos collègues, mettre tout à plat, y compris France Télécom, quelles que soient, par la suite, les conclusions de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je souhaite formuler deux remarques.
Je veux d'abord dire la satisfaction du groupe socialiste et sa reconnaissance envers le Gouvernement de le voir se prêter à ce débat qui, je le dis avec beaucoup de courtoisie à M. Delevoye, n'a pas été engagé si facilement les deux années précédentes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais il a été engagé !
M. Gérard Delfau. C'étaient des débats qu'il n'était pas aussi simple de nourrir sur l'ensemble des travées de cette assemblée. Je tenais à le dire pour la suite de nos travaux.
Ensuite, il est important de bien rappeler que, désormais, La Poste et France Télécom suivent des chemins très différents, pour ne pas dire divergents : La Poste est restée un opérateur public autonome, aux termes de la loi du 2 juillet 1990 ; France Télécom est une société anonyme cotée pour partie en bourse.
Manifestement, nous avons là deux statuts juridiques, deux types de fonctionnement et, forcément, deux évolutions très différentes.
D'ailleurs, c'était déjà en quelque sorte inscrit dans les faits puisque la Cour européenne de justice a justement - vous le disiez, monsieur le secrétaire d'Etat - reconnu la possibilité d'un assujettissement différent pour La Poste.
Je doute, moi aussi - mais je ne suis pas magistrat, a fortiori européen - qu'une décision analogue pourrait être prise s'agissant de France Télécom.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, je souscris pleinement à votre argument relatif au statut, qui reste néanmoins spécifique, de France Télécom, à sa vocation de desserte générale du territoire, à sa fonction de garant du service universel - je préfère dire, de façon qui reste pour moi moderne, de service public, même si celui-ci est exercé sous d'autres formes.
Il n'empêche : mes collègues MM. Régnault et Charasse ont bien montré qu'il y a, depuis les origines, une espèce de disparité, quelque chose qui, dès le départ, avait un caractère dérogatoire.
Il est donc vrai que la discussion doit s'engager sur l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle, et je pense que vous allez me le confirmer.
Enfin, je vois avec beaucoup de plaisir, et presque quelque fierté, revenir une idée que j'avais avancée dans mon rapport sur la présence postale en milieu rural, en 1990, qui déjà, avant le rapport de notre collègue Gérard Larcher, avant l'amendement Delevoye-Marini, proposait que France Télécom, qui fait des bénéfices très importants, participe, au nom d'une histoire commune, à un fonds de modernisation du réseau postal, et tout particulièrement peut-être du parc immobilier.
C'est une suggestion de plus, monsieur le secrétaire d'Etat, que je fais en bonne compagnie. Dans les discussions qui auront lieu sur l'évolution de l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle, peut-être cette voie pourra-t-elle être explorée. Cela soulagerait utilement ceux qui sont chargés de négocier en ce moment même - ils devraient bientôt nous donner des informations - le contrat de plan entre l'Etat et La Poste.
M. Jean-Paul Delevoye. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous l'avez dit, monsieur Delfau, il s'agit d'un débat de grande qualité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention tous les arguments qui ont été échangés. Je proposerai que, ce soir, nous limitions le débat à France Télécom.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Compte tenu de l'heure tardive, il ne faut pas commencer à traiter plusieurs sujets à la fois.
Monsieur Delevoye, j'ai relevé dans votre propos des pistes intéressantes de réflexion, notamment s'agissant de ces grands équipements qui sont installés sur plusieurs communes, comme c'est le cas de l'aéroport de Roissy, où trois communes débordent, si je puis dire, de taxe professionnelle, alors que les communes voisines, qui subissent parfois les nuisances liées à la présence de cet équipement, n'en tirent aucun profit.
L'idée que vous avez avancée d'une sorte de taxe professionnelle de zone de couverture d'un grand équipement peut être versée au dossier, en vue du débat que nous pourrons avoir ensemble, l'an prochain, sur la réforme de la taxe professionnelle.
M. Charasse a fait un historique qui me paraît extrêmement utile, mais dont je ne tire pas la même conclusion que lui. M. Charasse nous a dit qu'avant 1990 France Télécom ne payait pas de taxe professionnelle. Mais à l'époque c'était un monopole et cette situation n'était choquante pour personne.
M. Michel Charasse. Il y avait un budget !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après 1990 - M. Marini l'a dit avec pertinence - la structure juridique de France Télécom a évolué. Toutefois, France Télécom n'est pas devenue tout à fait une entreprise comme les autres, car, s'il y a eu récemment une ouverture du capital, France Télécom reste majoritairement la propriété de l'Etat.
Il y a donc eu une évolution juridique, une évolution de la concurrence et, maintenant, pas forcément systématiquement dans les mêmes services mais quelquefois dans les mêmes services, comme la téléphonie mobile, concurrente entre France Télécom, d'un côté, et telle ou telle compagnie privée, de l'autre.
D'où viendrait la distorsion de concurrence ? Du fait que l'un paierait la taxe professionnelle et l'autre non.
Telle n'est pas la situation. La situation, c'est que les sociétés privées auxquelles vous avez fait allusion paient la taxe professionnelle aux collectivités locales, et France Télécom, pour des raisons historiques, paie à l'Etat l'équivalent de la taxe professionnelle, dont une partie - mais là n'est pas l'objet du débat - est d'ailleurs recyclée.
Par conséquent, du point de vue de la concurrence, je ne pense pas qu'il y ait de distorsion, même si les tribunaux n'en ont pas encore jugé ; en effet, dans la structure de coût des entreprises privées et publiques de téléphone, le même prélèvement figure, même si la destination est évidemment différente.
La question posée porte sur les fameux 5 milliards de francs. Ces derniers me semblent trouver leur justification dans la servitude de service universel qu'assure France Télécom. Or, la situation des finances publiques de l'Etat, que vous connaissez bien et qu'un audit a confirmée au mois de juillet dernier, ne permet pas de prendre d'engagement, à terme, sur ces 5 milliards de francs.
Je suis donc désolé de tirer de l'excellent historique brossé par M. Charasse la conclusion qu'il n'y a pas de distorsion de concurrence, au moins de ce point de vue. Peut-être y en a-t-il à d'autres points de vue, qui sont intéressants, mais ils relèvent alors d'une grande négociation entre l'Etat et les collectivités locales. Voilà ce que je voulais dire, certes à regret.
Il n'en demeure pas moins que, comme l'a indiqué M. le rapporteur général, il faut quelquefois savoir assumer ses responsabilités en toute clarté. Pour ma part, j'ai la responsabilité, que je partage avec vous, d'équilibrer le budget de l'Etat ou de limiter son déséquilibre. Sur ces 5 milliards de francs, je ne peux prendre aucun engagement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. le secrétaire d'Etat vient de nous inciter à assumer nos responsabilités. Je souhaite que nous le fassions totalement.
Qu'il soit clair que je pensais que M. Delevoye retirerait son amendement. S'il décide de ne pas le faire, j'invite le Sénat à voter contre l'amendement.
Je crois qu'il nous faut adopter une attitude très claire dans cette affaire. Ce débat, qui devait avoir lieu, dure depuis une heure. Le sujet le mérite. Mais - je m'adresse à tous les sénateurs qui sont en séance et qui voteront tout à l'heure - il ne doit y avoir aucune ambiguïté. L'enjeu porte, en effet, sur 5,5 milliards de francs.
Je me tourne vers la majorité sénatoriale : moi, je ne peux pas tenir l'équilibre budgétaire que vous m'avez confié avec 5,5 milliards de francs en moins !
M. Delevoye fait ce qu'il veut : c'est sa responsabilité. Toutefois, s'il ne retire pas son amendement, sachez que je souhaite vraiment que le Sénat le rejette !
M. le président. La commission des finances modifie donc sa position.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Delevoye, l'amendement n° I-46 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Delevoye. Ma position ne surprendra personne. Je n'ai absolument pas été inconséquent !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je pensais que la commission avait la parole quand elle la demandait !
M. le président. Vous l'aurez immédiatement après que M. Delevoye aura répondu à ma question, monsieur le rapporteur général.
M. Jean-Paul Delevoye. M. le rapporteur général n'avait pas besoin d'exprimer cette position, car il est bien évident que l'on ne peut pas supprimer 5,5 milliards de francs de recettes.
Je souhaite néanmoins que nous prenions une position très ferme, monsieur le secrétaire d'Etat. Si vous ouvrez le chantier de la fiscalité locale et des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, ce dossier ne pourra pas échapper à l'analyse, quelles qu'en soient les conclusions, dussent-elles rester identiques.
Vous ne pouvez pas tout balayer d'un revers de la main et dire que la question des relations entre France Télécom, l'Etat et les collectivités locales n'entre pas dans le chantier de nos discussions. Elle y entre obligatoirement.
Aujourd'hui, cet amendement - je l'ai dit au départ - avait pour objet de poser le problème.
M. le président. Monsieur Delevoye, je vous avais donné la parole uniquement pour dire si vous mainteniez ou non votre amendement !
M. Jean-Paul Delevoye. Je retire cet amendement, mais je maintiens ma demande de négociation.
M. le président. L'amendement n° I-46 est retiré.
Monsieur le rapporteur général, je vous donne maintenant la parole.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, je voulais préciser que, lorsque j'utilise la première personne du singulier, comme je l'ai fait tout à l'heure, j'engage ma personne seule !
M. le président. Par amendement n° I-134, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1998, les pertes de recettes dues à l'application du paragraphe B de l'article 4 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville sont compensées intégralement par l'Etat.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat dues à l'application du I sont compensées à due concurrence par une hausse du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-134 est retiré.
Par amendement n° I-61 rectifié, M. Revet propose d'insérer, après l'article 18 septies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article 1473 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La partie des bases visées au b) du 1° de l'article 1467 est répartie par établissement entre les communes en fonction du nombre de salariés résidant sur leur territoire. »
« II. - Le 2° du II de l'article 1648 A du code général des impôts est supprimé. »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Il a été fait allusion, dans ce débat fort intéressant et important,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Charles Revet. ... à une comparaison avec un certain nombre de grands établissements qui existent dans différents départements, comme en Seine-Maritime.
Nous avons été conduits, voilà quelques années, à engager une étude comparative, par habitant, de la situation entre les 745 communes du département de Seine-Maritime. Le résultat est éloquent. Le différentiel va de 1 à 600 pour les ressources directes de chacune des collectivités.
Bien entendu, tout cela est corrigé par les dotations d'Etat, telle la dotation de fonctionnement, et par le fonds départemental de taxe professionnelle. Toutefois, il subsiste encore un différentiel important, qui va, dans notre département, de 1 à 60, ce qui nous a incités à mettre en place un dispositif correctif de modulation des taux de subvention qu'accorde le conseil général, avec un plus ou un moins selon la situation de chaque commune.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement n° I-61 rectifié vise à rendre plus équitable la répartition de la taxe professionnelle entre les communes.
La taxe professionnelle s'appuie essentiellement sur deux éléments : l'investissement et les salaires. Ma proposition est simple, et peut-être sera-t-elle même qualifiée de simpliste : elle tend à établir un lien direct entre la provenance de l'impôt et son attribution. Cet amendement vise en effet à répartir la part communale de la taxe professionnelle en deux : la part qui s'appuie sur l'investissement pour la commune d'implantation et la part qui s'appuie sur les salaires pour la commune d'habitat.
Cette démarche répond à une certaine logique : la part s'appuyant sur l'investissement serait versée à la commune d'implantation, car, très souvent, un établissement peut créer des nuisances dans cette commune, voire dans les communes voisines. Mais c'est bien la commune de résidence du salarié qui supporte les charges scolaires et les équipement divers. La part s'appuyant sur les salaires l'aiderait donc à financer les investissements qu'elle doit réaliser pour répondre aux besoins des populations.
C'est dans cet esprit que je propose cette répartition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'idée apparemment simple de répartir la part salariale de la taxe professionnelle en fonction du lieu de résidence des salariés serait d'une complexité administrative absolument épouvantable.
Par conséquent, le Gouvernement, souhaitant ne pas rendre plus complexe un impôt déjà très difficile à gérer, émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je souhaite me prononcer contre cet amendement. J'en suis tout à fait désolé pour mon collègue Charles Revet, mais ce texte est inapplicable pour les raisons de complexité rappelées par M. le secrétaire d'Etat.
En outre, il est contraire à l'un des principes fondamentaux régissant la taxe professionnelle : si le produit peut être réparti, on ne peut découper les bases en fonction de leur analyse pour en attribuer une à une collectivité donnée et une autre à une autre collectivité.
Je ne voudrais pas dire que le dispositif proposé est simpliste : mais s'il est possible de répartir le produit en fonction des taux respectifs décidés par les différentes collectivés, la séparation des bases serait vraiment une initiative tout à fait contraire aux principes fondamentaux gouvernant la taxe professionnelle.
Je répète qu'une telle disposition serait totalement inapplicable. On jetterait à bas, tout en s'y référant, les fonds départementaux de taxe professionnelle et le système de collectivités de type communautaire. Par exemple, le dispositif proposé serait totalement impossible à mettre en oeuvre à l'intérieur des syndicats d'agglomération nouvelle, parce que le principe de l'unité du bénéficiaire de la taxe professionnelle dans les groupements de villes nouvelles ne serait plus respecté.
Par ailleurs, ayant été chargé par le gouvernement précédent - cette mission a d'ailleurs été confirmée par le gouvernement actuel - d'une étude sur la répartition du produit des taxes professionnelles dans le secteur de Roissy, je dois souligner que l'adoption de l'amendement n° I-61 rectifié rendrait toute cette étude absolument sans objet et qu'il ne resterait aucune possibilité de la conclure. Imaginez l'effet d'une proposition telle que celle qui a été avancée sur la répartition du produit des taxes professionnelles versées dans le secteur de la Défense ou dans celui de Roissy !
J'en suis vraiment désolé, mais je souhaitais exprimer mon total désaccord avec cet amendement.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° I-61 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-61 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-60 rectifié, M. Revet propose d'insérer, après l'article 18 septies, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 1648 du code général des impôts, il est inséré un I sexies ainsi rédigé :
« I. sexies. - A compter du 1er janvier 1998, lorsqu'à la suite d'une opération intervenue après le 31 décembre 1995, d'apport ou de scission d'entreprise, d'une part, de cession ou de mise à disposition à titre gratuit ou onéreux de biens visés à l'article 1469, d'autre part, les éléments d'imposition d'un établissement qui a donné lieu, l'année de l'opération, au prélèvement prévu au I sont répartis entre plusieurs établissements imposables dans la même commune au nom de personnes différentes ; ces établissements sont réputés constituer un seul établissement pour l'application des dispositions du I . »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. S'agissant de l'amendement précédent, je suis un peu en désaccord avec M. le secrétaire d'Etat, ainsi qu'avec M. Lachenaud. En effet, on a la preuve, avec les répartitions opérées dans le cadre du fonds départemental de la taxe professionnelle, que les répartitions sont possibles. On trouve bien l'origine d'un habitat, et on peut appliquer cette répartition ; mais je ne reviens pas sur ce point.
L'amendement n° I-60 rectifié est d'une nature quelque peu différente. Dans le département de Seine-Maritime, comme dans un certain nombre de départements où sont implantés des établissements importants, nous constatons que de nombreux grands groupes français, notamment du secteur de la pétrochimie et de l'automobile, procèdent actuellement à des ajustements fiscaux visant à présenter leur base taxable en plusieurs établissements. Cette façon de procéder étonne. Comment une entreprise peut-elle avoir ses immobilisations, ses investissements à un endroit et ses personnels ailleurs ? Je ne sais pas comment cela peut fonctionner. Toujours est-il que cela se développe.
Ce mouvement de « filialisation » a des conséquences directes sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle dont le calcul est assuré « établissement par établissement ».
Cet amendement vise à préserver cette péréquation départementale en permettant aux services fiscaux, lors du calcul de l'écrêtement, de passer outre ces divisions de bases et de faire masse de tous les éléments d'imposition.
Cet amendement est sans conséquence ni sur les finances de l'Etat ni sur le montant global de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises : il ne tend qu'à modifier, en la préservant, la répartition entre la commune d'implantation, déjà largement pourvue en taxe professionnelle, et les communes avoisinantes et défavorisées des départements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a trouvé ce dispositif extrêmement compliqué à mettre en oeuvre. Aussi souhaite-t-elle connaître l'avis du Gouvernement.
Si le point de vue du Gouvernement était conforme au sien, la commission des finances émettrait alors un avis défavorable.
M. René Régnault. C'est un vrai problème !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les amendements de M. Revet se suivent et ne se ressemblent pas !
Celui-ci traite d'un vrai problème...
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... sur lequel de nombreux maires du département de Seine-Maritime - mais pas seulement de Seine-Maritime - ont écrit au Gouvernement pour signaler leur inquiétude.
Si la loi de finances pour 1998 ne constitue pas le cadre approprié à la disposition dont vous suggérez l'adoption, le vrai problème que vous soulevez devra néanmoins être rapidement résolu.
M. René Régnault. Merci !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En conséquence, monsieur Revet, je vous suggère de retirer votre amendement. Sinon, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° I-60 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Je le retire, monsieur le président ; je le représenterai à un autre moment !
M. le président. L'amendement n° I-60 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-203, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1648 D du code général des impôts, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - A compter du 1er janvier 1998, lorsque, dans une collectivité territoriale ou un groupement doté d'une fiscalité propre, le taux d'évolution des bases d'imposition de la taxe professionnelle constaté au 1er janvier de l'exercice est supérieur à plus de deux fois le taux d'évolution des prix de l'année précédente, il est procédé à l'écrêtement du montant des bases excédant ce dernier taux. Il est fait application à ces bases excédentaires du taux voté par la collectivité ou par le groupement doté d'une fiscalité propre concernés.
« Le produit de cet écrêtement est versé au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
« II. - L'augmentation des ressources du fonds national de péréquation de taxe professionnelle résultant de l'application de cet article n'est pas pris en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une réduction à due concurrence de la dotation budgétaire de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et par le relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'auteur de cet amendement m'a fait savoir qu'il le retirait et qu'il le représenterait lors de l'examen du prochain collectif budgétaire.
Par amendement n° I-133, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Au II de l'article 1641 du code général des impôts, le taux de 5,4 % est remplacé par celui de 5 % et celui de 4,4 % par celui de 4 %.
« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. M. Revet présentera sans doute de nouveau son amendement lors de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. René Régnault. En effet, je traduis des propos de M. le secrétaire d'Etat que c'est dans ce texte que pourra être apportée une solution au problème qu'il a soulevé.
Quant à mon amendement, monsieur le secrétaire d'Etat - ce n'est pas la première fois que je le présente, et j'espère que c'est la dernière - il concerne cette petite contribution de 0,4 %, anodine par son taux, mais importante par son coût. En effet, chaque année, 1 milliard de francs sont versés par les collectivités locales pour accompagner la réforme de la fiscalité locale.
Depuis de nombreuses années, nous nous agenouillons devant les gouvernements en présentant cette requête. En fait, nous les encourageons à ne rien faire puisque, année après année, l'Etat empoche 1 milliard de francs sans accorder aucune contrepartie.
Il faut mettre un terme à cette situation.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, les engagements que vous avez pris s'agissant de la réforme de la fiscalité locale, en particulier de ses bases, y compris en matière de taxe professionnelle pour 1998. Je n'insiste pas davantage.
C'est pourquoi j'ai dit, en commençant mon propos, que j'ai déposé cet amendement en espérant bien que c'était la dernière fois. Si vous nous rendez ce milliard de francs en 1998, monsieur le secrétaire d'Etat, en le versant à nos collectivités locales, celles-ci en seront fort contentes. Ce serait d'ailleurs un double contentement, celui de voir la réforme enfin mise en oeuvre et celui de constater la restitution de ce qui nous appartient. Je vous en remercie d'avance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a considéré qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Par conséquent, si M. Régnault ne le retire pas, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement répond à l'appel de M. Régnault et, en conséquence, verse sa contribution au débat qui aura lieu sur l'évolution de la taxe professionnelle.
J'ai entendu M. Régnault, je lui suggère de retirer son amendement, sinon l'avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Régnault ?
M. René Régnault. Je le retire, monsieur le président, bien qu'il m'en coûte un milliard de francs (Sourires), car je ne doute pas des engagements de M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. L'amendement n° I-133 est retiré.
M. Philippe Marini. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-133 rectifié, présenté par M. Marini, qui reprend le texte même de l'amendement n° I-133.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je reprends cet amendement avec d'autant plus de facilité que j'avais présenté le même l'an dernier (M. le secrétaire d'Etat sourit.) et qu'à la demande du ministre ami qui siégeait à votre place, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'avais retiré ! Je comprends donc tout à fait la situation dans laquelle se trouve notre collègue M. Régnault.
Sur le fond, je poursuis bien entendu le même objectif, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agit d'une spoliation parmi d'autres. Nos collectivités locales sont spoliées chaque année de plus d'un milliard de francs qui figurent sur les feuilles d'impôt comme prélèvement de l'Etat alors que ce n'est plus justifié.
Il faut, là aussi, que, dans le grand débat qui va s'ouvrir pour définir un nouveau pacte de stabilité, ce sujet, comme celui de la taxe professionnelle de France Télécom, soit abordé et traité. C'est une dette de l'Etat à nos collectivités territoriales.
Ayant répété ce que j'avais dit l'année dernière à ce sujet à un autre ministre, monsieur le président, et pour éviter à M. le rapporteur général de me faire remarquer, à juste titre, que je risque de mettre à mal l'équilibre délicat de l'édifice patiemment construit avec rigueur par notre commission des finances, et pour ne pas m'exposer donc à un avis défavorable de celle-ci qu'elle ne peut que m'opposer, naturellement, je retire aussitôt cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-133 rectifié est retiré.

Article 18 septies



M. le président.
Art. 18 septies. - Le dernier alinéa de l'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale bénéficient, en lieu et place des communes membres propriétaires, des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses d'investissement exposées dans l'exercice de leurs compétences. » - ( Adopté. )

Articles additionnels après l'article 18 septies



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-168, MM. Marini, Gouteyron, Vasselle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, après l'article 18 septies , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. L'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent également ouvrir droit à une attribution du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, les dépenses d'investissement exposées par les communes et leurs groupements, lorsque ces dépenses permettent la valorisation des déchets au moyen de la production de matériaux recyclables, de compost et d'énergie ».
« II. La dotation globale de fonctionnement est majorée à due concurrence.
« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-194, MM. Arnaud, Pourchet et Egu proposent, après l'article 18 septies , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les investissements relatifs aux installations de traitement de déchets réalisés par les communes et leurs groupements sont éligibles au FCTVA pour la partie non récupérée par la voie fiscale, et ce quelles que soit leur part de recettes de valorisation. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-168.
M. Philippe Marini. Il s'agit encore d'un petit sujet qui ne concerne qu'un nombre considérable de collectivités locales, sujet que nous avons d'ailleurs déjà effleuré au cours du débat : le statut fiscal des équipements de traitement des déchets construits par les communes et leurs groupements conformément aux objectifs de la loi de 1992, dont je rappelais ce matin que c'était une bonne loi, puisque, visant à la suppression des décharges, elle vise également à respecter nos successeurs et les générations à venir.
Nous sommes actuellement en train de mettre au point des projets d'investissements très importants dans tous les départements pour le traitement des déchets. Ces installations de valorisation des déchets, ou incinérateurs, sont destinées bien sûr prioritairement au traitement de nos déchets, mais peut-être aussi, marginalement ou accessoirement, à produire de la chaleur utilisée par des industriels ou par des réseaux de chauffage urbain.
Dès lors se pose le problème de l'accès de ces syndicats intercommunaux au fonds de compensation pour la TVA. Nous nous trouvons dans une situation qui est actuellement trop floue. En effet, selon une circulaire du ministère de l'intérieur, cet accès au fonds de compensation pour la TVA n'est possible qu'à la condition que les recettes de valorisation demeurent accessoires. Or, aux termes de certaines décisions ministérielles, il a été décidé qu'un taux de 20 % était la limite de l'accessoire. Mais, aux termes d'autres décisions, cette limite serait plutôt de 15 %. Nous ne savons donc pas très bien où se situe la vérité.
Nous sommes dans une situation absolument paradoxale puisque la récupération intégrale de la TVA via le FCTVA est réservée aux collectivités qui valorisent peu ou pas du tout leurs déchets et aux collectivités dont l'équipement est le plus éloigné des objectifs fixés par la loi de 1992.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est indispensable de prendre conscience de ce problème qui concerne, je le répète, tous les départements. Les élus sont confrontés à des programmes très difficiles à mettre en oeuvre. En outre, ils ont des difficultés à expliquer à l'opinion publique qu'ils doivent pour cela alourdir les prélèvements obligatoires, taxes d'enlèvement des ordures ménagères, redevances ou impôts locaux, selon les options retenues. Ces programmes d'investissements inéluctables et nécessaires, devraient être élaborés dans un climat de stabilité fiscale et avec toute la clarté et toute la sécurité nécessaires dont nous ne disposons pas aujourd'hui.
C'est au besoin de clarté et de constance du cadre fiscal que répond cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° I-194.
M. Philippe Arnaud. Mon amendement a le même objet que celui que vient de défendre M. Marini. Je n'ai rien à ajouter, sauf peut-être que le dispositif actuel est complètement paradoxal. Il aboutit à une récupération de TVA intégrale pour les collectivités qui ne vont pas dans le sens des objectifs souhaités par la loi puisque ce sont celles qui ne valorisent pas ou peu leurs déchets.
Cela dit, je retire l'amendement n° I-194 et je me rallie à l'amendement n° I-168, proposé par notre collègue M. Marini.
M. le président. L'amendement n° I-194 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-168 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le Sénat a contribué l'année dernière à faire avancer le débat sur cette question. Les préoccupations qui viennent d'être exposées par nos collègues sont tout à fait justifiées et parfaitement légitimes. Il faut donner une nouvelle impulsion à ce processus.
C'est pourquoi j'invite M. Marini à retirer son amendement et à le déposer à l'occasion de l'examen des articles de la deuxième partie du projet de loi de finances où il pourra alors, si les dispositifs après expertise le permettent, recevoir un avis favorable.
J'espère vous avoir donné, monsieur Marini, des signaux suffisamment favorables pour que vous puissiez accueillir avec bienveillance mon invitation à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Marini, votre amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. En remerciant M. le rapporteur général de l'appréciation qu'il a bien voulu porter sur cet amendement, je le retire, mais je le représenterai à l'occasion de l'examen des articles de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° I-168 est retiré.
La suite de la discussion des articles de la première partie du projet de finances est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Article additionnel après l'article 18 septies à article 25 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.
A quinze heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Article 24 (évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes).
M. Denis Badré, rapporteur spécial (rapport n° 85, tome II, fascicule 2 : affaires européennes et article 24).
Suite de l'examen des articles de la première partie (à l'exception de l'article 24).
Eventuellement, seconde délibération :
Explications de vote.
Vote sur l'ensemble de la première partie.
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire.
En outre, à dix-sept heures trente, il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 26 novembre 1997, à zéro heure trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE
ET DES FORCES ARMÉES

M. Maurice Lombard a été nommé rapporteur du projet de loi n° 103 (1997-1998) adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services.
M. Claude Estier a été nommé rapporteur du projet de loi n° 104 (1997-1998) adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945 sous forme de mémorandum d'accord et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement du 9 mai 1945.

NOMINATION DU BUREAU
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Dans sa séance du mardi 17 décembre 1996, la commission mixte paritaire a nommé :
Président : M. Jacques Valade.
Vice-présidents : M. Claude Belot, M. Jean Besson.
Rapporteur : M. Henri Revol.
Secrétaires : M. Georges Berchet, M. Pierre Lefèbvre.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Conditions de retransmission
de la coupe du monde de football

124. - 25 novembre 1997. - M. Robert Calmejane attire l'attention de Mme le ministre de la jeunesse et des sports sur les conditions dans lesquelles s'organisent les retransmissions des matchs de la Coupe du monde de football 98 dans le département de Seine-Saint-Denis, qui aura l'honneur à coup sûr mais pas forcément l'avantage d'accueillir les principaux moments de cette manifestation sportive. Ainsi, grâce à votre intervention, les zones urbaines sensibles (ZUS) bénéficient de l'exonération des droits de diffusion, mais 56 quartiers seulement, répartis sur 22 communes parmi les 40 que compte le département, sont concernés. Et encore, plusieurs grandes villes comme Bagnolet, Bondy, La Courneuve, Noisy-le-Grand, Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-Sec ne le sont que par un ou deux secteurs classés en ZUS, tandis que d'autres, telles Livry-Gargan, Romainville, Rosny-sous-Bois, Saint-Ouen, Tremblay ou Villemomble ne sont pas accessibles du tout à ces dispositions et devront, si elles désirent faire profiter leur population d'une retransmission, payer des droits qui atteignent 500 000 francs par écran pour la totalité des épreuves. Il lui demande instamment de faire pression, au nom du Gouvernement français, sur le comité d'organisation et le groupement des radio-diffuseurs afin que les démarches engagées par le conseil général de Seine-Saint-Denis pour le compte des communes séquano-dyonisiennes aboutissent à ce que l'ensemble de ce département bénéficie de l'exonération des droits de retransmission. En effet, les habitants du 93 ont largement contribué, par leurs impôts locaux, aux plus de 100 millions de francs investis par le département pour les infrastructures en périphérie du Grand Stade. De surcroît, plusieurs communes ont accepté, sur la suggestion de la Fédération française de football, d'accueillir des équipes étrangères de jeunes et de mettre leurs installations sportives à disposition. Par ailleurs, le morcellement géographique des sites actuellement autorisés à retransmettre les matchs risque de poser d'insolubles problèmes de sécurité et d'ordre public, tant il paraît difficile de refuser à certains ce qui est offert à d'autres, sous le fallacieux prétexte que la cité qu'ils habitent est située à quelques mètres d'une ZUS. La conurbation séquano-dyonisienne peut, à juste titre, et doit être considérée comme une entité sociale globale où les interactions des populations ne permettent pas de traiter différemment chaque quartier selon sa localisation.

Situation des apiculteurs du Loiret

123. - 20 novembre 1997. - M. Paul Masson attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation des apiculteurs du Loiret. Les nouveaux proccédés de traitement insecticide des semances de tournesols par trempage ou enrobage semblent entraîner un affaiblissement très important des populations d'abeilles et une forte diminution des récoles de miel. Les conséquences économiques sur les exploitations apicoles sont dramatiques : les pertes financières sont de l'ordre de 40 % du chiffre d'affaires. Le miel de tournesol représente 50 % de la production de la région Centre et assure l'essentiel des ressources de beaucoup de ces exploitations. Il lui demande les mesures qu'il envisage pour remédier à cette situation. Va-t-il, notamment, prescrire une enquête épidémiologique et des études expérimentales sur les conséquences de l'utilisation de certains produits insecticides sur les plantes butinées par les abeilles ?



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 25 novembre 1997


SCRUTIN (n° 21)



sur l'amendement n° I-17 rectifié, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, à l'article 15 du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (relèvement du plafond de restitution de l'avoir fiscal).

Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 220
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention : 1. _ M. Pierre Jeambrun.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra


Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret



Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk



Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstention


M. Pierre Jeambrun.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 318
Majorité absolue des suffrages exprimés : 160
Pour l'adoption : 221
Contre : 97

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.