M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-57 rectifié, MM. Pépin, Emin et Mme Bardou proposent d'insérer, après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° du paragraphe II de l'article 1609 sexdecies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2° 1 % de la valeur des produits suivants énumérés selon la même référence :
« a) Sciages...
« b) Bois de placage...
« c) Bois contre-plaqués... »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-199, MM. Faure, Bécot, Lorrain, Le Jeune, Pourchet, Richert et Egu proposent d'insérer, après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 2° du paragraphe II de l'article 1609 sexdecies du code général des impôts, le taux de "1,2 %" est remplacé par le taux de "1 %".
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Bardou, pour défendre l'amendement n° I-57 rectifié.
Mme Janine Bardou. Les industries de la première tranformation du bois assurent la mobilisation de notre ressource forestière nationale et l'approvisionnement des industries en aval, créatrices de richesses et d'emplois.
Les contraintes concurrentielles, issues des dévaluations compétitives des pays clients ou des pays producteurs concurrents, et une conjoncture nationale difficile imposent de réduire très rapidement la charge que représente pour ces entreprises la contribution au Fonds forestier national, le FFN, comparable à une seconde taxe professionnelle.
Il est urgent de revenir au taux antérieur de taxation, soit 1 %, afin de préserver la compétitivité, les emplois et la présence sur le marché des scieries françaises.
La perte de recettes pourrait être compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Pourchet, pour défendre l'amendement n° I-199.
M. Jean Pourchet. Cet amendement rejoint tout à fait la proposition de Mme Bardou.
Je voudrais insister sur le fait que l'on ne compte déjà plus les scieries disparues : c'est particulièrement vrai dans la région franc-comtoise, où la forêt couvre 40 % du territoire, mais c'est également vrai dans d'autres régions, puisque nous sommes plusieurs à présenter un amendement similaire.
Depuis longtemps déjà, les productions de bois d'oeuvre sont achetées par nos voisins italiens ou allemands ; ce bois revient ensuite en France sous forme de meubles.
Pénaliser par des charges toujours plus lourdes nos industries de première transformation peut conduire à la disparition de cette activité : nos produits bruts sitôt exploités en forêt partiront alors directement hors de notre pays, le transport étant de plus assuré par les acquéreurs, ce qui entraînera également la perte de cette autre activité !
La perte de recettes pourrait être compensée par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Il me paraît indispensable de préserver ces activités implantées en milieu rural, qui jouent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire et pour le maintien des emplois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Alain Lambert, rapporteur général. Les amendements n°s I-57 et I-199 sont soutenus avec enthousiasme par les deux sénateurs de l'Orne, dont l'un est M. Daniel Goulet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette taxe sur les sciages représente une seconde taxe professionnelle. Or, il n'est pas juste que cette activité soit frappée par deux taxes professionnelles. Une, c'est déjà lourd, mais deux, cela devient insupportable !
Cela étant, une difficulté se pose puisque le produit de cette taxe est affecté au Fonds forestier national. Or nous sommes les uns et les autres attachés à ce que le Fonds forestier national ne se voie pas privé de recettes dont il a absolument besoin.
Je suis donc obligé de remarquer que le gage proposé ne fonctionne pas puisque, je le répète, la ressource dont nous parlons est affectée directement au Fonds forestier national. Par conséquent, nous ne pouvons parvenir ainsi à l'objectif que nous poursuivons. Seul le Gouvernement peut nous aider dans cette affaire.
Nous espérons donc que, en cette fin de discussion de la première partie du projet de loi de finances, le Gouvernement aura envie de nous faire plaisir (Sourires), tant il est vrai que la Haute Assemblée lui a réservé un accueil...
M. Roland du Luart. Des plus chaleureux !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... bienveillant dirai-je, et qu'elle a essayé de l'aider autant que possible, en particulier dans l'oeuvre qui consiste à contenir la pression fiscale.
Nous espérons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, connaissant bien les départements forestiers, vous nous aiderez à trouver une solution à ce problème. Il faudrait en effet parvenir à abaisser le taux de la taxe sur les sciage,s et ce, je le répète, pour éviter que cette activité ne supporte deux taxes professionnelles.
Cependant, nous ne pouvons pas le faire sans vous pour des raisons de procédure, chacun ici l'a bien compris.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement ; elle désire en effet qu'il puisse trouver une solution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il est difficile de résister à des appels aussi sympathiques que ceux de Mme Bardou, de M. Pourchet et de M. le rapporteur général. Je vais donc vous expliquer que l'Etat fait d'importants efforts en la matière.
Les intervenants souhaitent réduire la taxe forestière perçue sur les sciages parce que les entreprises de ce secteur sont dans une situation délicate, ce qui n'est pas niable.
Il s'agit d'alimenter le Fonds forestier national, auquel nous sommes tous attachés. Vous vous souvenez d'ailleurs que, en 1993, ce Fonds a connu une très sérieuse crise financière, qui était principalement due aux difficultés de la filière bois et à la nécessité d'adapter la taxe forestière aux règles communautaires. Il a donc fallu prendre des décisions.
M. Philippe Marini. Grâce au Sénat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en donne acte, monsieur Marini. Il a fallu redresser la situation, et chacun a fait un effort.
Il est vrai que les professionnels ont fait un effort sérieux, puisque cette taxe forestière sur les sciages, qui était de 1 % en 1993, a été portée à 1,65 % en 1994, puis ramenée progressivement à ce niveau de 1,2 % que vous trouvez encore trop élevé.
Les professionnels ont donc fait un effort, c'est tout à fait clair. Mais, puisque vous faites appel à l'Etat, j'insiste sur le fait que ce dernier, de son côté, a lui aussi accompli un effort financier très important, de l'ordre de 230 millions de francs, tout d'abord en affectant au Fonds forestier national le produit de la taxe de défrichement, qui était antérieurement affectée au budget général, et, ensuite, en prenant en charge directement les dépenses en personnels de ce Fonds.
Actuellement, les efforts des professionnels et ceux de l'Etat s'équilibrent. Vous êtes - j'en suis sûr - attachés à ce qu'il en soit ainsi. Il me paraît difficile d'imaginer que cet équilibre soit perturbé par une diminution de cette taxe, même si votre argumentation est pertinente.
On ne peut pas diminuer la taxe forestière sans dégrader la situation financière du Fonds. Il ne faudrait pas que ce dernier, qui a été arraché à la crise en 1993, grâce à un effort collectif, n'y reverse à nouveau en 1998.
C'est pourquoi, tout en comprenant votre plaidoyer en faveur des entreprises de sciage, qui sont parfois, effectivement, dans une situation difficile, je ne peux que vous inciter à retirer votre amendement ; sinon, à mon corps défendant - mais il faut exercer ses responsabilités - je serai obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des finances a relevé que la taxe forestière n'était pas recouvrée auprès de certains redevables pour l'instant. Il s'agit notamment des propriétaires de grandes surfaces qui développent des activités de bricolage. Il conviendrait, selon elle, d'y remédier.
Nous savons que vos services sont experts en la matière - sachons leur adresser des compliments lorsqu'ils les méritent - et peut-être trouveraient-ils là le produit dont nous avons besoin pour réduire la taxe sur les sciages sans pour autant déséquilibrer le Fonds forestier national.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit non pas d'un caprice de la Haute Assemblée - elle n'en a d'ailleurs jamais ! -, mais d'une volonté forte. Ce sont, en effet, de 25 millions de francs à 30 millions de francs qui sont en jeu.
Je rappelle que vous seul pouvez intervenir, car nous n'avons pas de moyens institutionnels à notre dispositions.
Je vous ouvre une piste supplémentaire : il me semble qu'un produit fiscal peut être dégagé en taxant des redevables qui me semblent avoir les moyens puisque nous voyons qu'ils ouvrent partout en France des surfaces de plus en plus vastes consacrées au bricolage.
Si vous vouliez bien nous dire que vous envisagez d'examiner de plus près cette question, cela nous encouragerait.
En tout état de cause, je vais boire le calice jusqu'à la lie : j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s I-57 rectifié et I-199. Mais je le fais la mort dans l'âme.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements n°s I-57 rectifié et I-199.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Ces amendements posent un problème de fond.
Je fais partie de ceux qui, voilà quelques années, ont essayé, modestement, de contribuer à la sauvegarde du Fonds forestier national, car il est vrai que, en 1993, nous allions vers une impasse totale.
Le taux de la taxe a été progressivement ramené de 1,75 % à 1,2 %. Je souhaiterais, pour ma part, que, lorsque le Fonds sera complètement assaini, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas, ce taux soit de 1 %.
Il ne faut pas oublier que le Fonds forestier national vient en aide non seulement au reboisement, mais aussi aux investissements dans les scieries. Il n'est donc pas totalement négatif pour les entreprises de transformation auxquelles on a fait allusion tout à l'heure.
Cela dit, je suis entièrement d'accord avec l'analyse de M. le rapporteur général quand il dit qu'il s'agit en quelque que sorte d'une deuxième taxe professionnelle.
M. le rapporteur général vous suggère, monsieur le secrétaire d'Etat, de voir si vous ne pourriez pas regarderdu côté des grandes surfaces consacrées au bricolage. Mais seul le Gouvernement peut prendre une décision.
Il est une autre piste que je me permets de vous soumettre. L'Etat est, lui aussi, éligible au Fonds forestier national par l'intermédiaire de l'Office national des forêts. Si l'Etat demandait à l'Office national des forêts de ne pas puiser dans le Fonds forestier national, nous pourrions peut-être trouver un moyen de réduire la taxe de 1,2 % à 1 %, comme c'est souhaitable.
Toutefois, je reconnais que, cette année, il nous faut savoir être raisonnables.
Le plus grave, pour les scieries, c'était la provision pour fluctuation de cours. Or, en relevant le seuil à 60 milliards de francs, vous avez permis de sauver la quasi-totalité des entreprises de transformation du bois, ce qui est positif.
Pour l'année prochaine, essayez toutefois de faire un geste, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est vital pour nos entreprises en milieu rural. Tâchons, tous ensemble, de trouver une solution.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Il est vrai que nos sentiments peuvent être partagés à l'égard des amendements qui ont été présentés par nos collègues, notamment à l'égard de l'amendement n° I-57 rectifié, défendu par Mme Bardou.
D'un côté, nous avons les industries de transformation qui sont souvent dans une situation économique précaire du fait des fluctuations des cours mondiaux sur les marchés. Ces entreprises sont en effet l'objet d'une vive concurrence de la part d'autres opérateurs, notamment d'Europe de l'Est. C'est un fait que nous avions constaté voilà quelques années et qui avait abouti à une véritable crise.
D'un autre côté, nous avons les exploitants forestiers et la nécessité de continuer à investir dans la forêt française et donc de faire fonctionner le Fonds forestier national, qui est un mécanisme incitatif particulièrement utile.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, voilà quelques années, grâce aux efforts conjoints de nos collègues MM. Jacques-Richard Delong, président de l'Association des communes forestières, et Roland du Luart alors rapporteur du budget de l'agriculture, ainsi que de l'ensemble des membres de la commission des finances et de très nombreux collègues membres d'autres commissions, nous avions pu effectuer une remise à niveau des ressources du Fonds forestier national.
Si nous suivions la suggestion de nos collègues, je crains que nous ne nous trouvions dans une nouvelle situation de péril pour l'équilibre financier du Fonds forestier national. C'est pourquoi j'ai tendance à épouser le raisonnement de M. le rapporteur général : avant de prendre une telle mesure, il faut trouver des ressources de substitution.
Je pense aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'imagination de vos services en la matière est par nature très grande et que vous trouverez sans doute, au sein de la filière de commercialisation du bois, des idées qui permettront de restituer au Fonds forestier national les ressources qui lui seraient soustraites si l'on améliorait le traitement des industries de sciage et de transformation du bois.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il vous sera possible de poursuivre des travaux en ce sens, ce qui irait vraiment à la rencontre de nos préoccupations tant vis-à-vis des exploitants forestiers et de l'investissement dans les forêts, qui est un investissement à long terme, qu'à l'égard des industries de transformation du bois.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Je m'en remets à l'avis de la commission et du Gouvernement. Je me permets cependant d'insister pour qu'une solution soit trouvée.
Bien entendu, nous ne voulions pas réduire les crédits affectés au Fonds national forestier. Il n'en demeure pas moins qu'il est urgent de trouver une solution, car nos petites entreprises éprouvent de grandes difficultés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très juste !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-57 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-199, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-139 rectifié, M. Oudin, Mme Bardou, MM. Bizet, Blaizot, de Bourgoing, Cazalet, César, Collard, de Cossé-Brissac, Debavelaere, Dejoie, Doublet, Dupont, Durand-Chastel, Egu, Gaillard, Paul Girod, du Luart, Neuwirth, Pluchet, Trucy, Valade, Vasselle, Hérisson et Torre proposent d'insérer après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif de la redevance instituée par l'article 2 du décret n° 54-982 du 1er octobre 1954 créant un Fonds national pour le développement des adductions d'eau dans les communes rurales, modifié par l'article 46 de la loi des finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993), est porté, pour l'eau tarifée au mètre cube utilisée pour les besoins domestiques, de 14 centimes par mètre cube à 16 centimes par mètre cube au 1er janvier 1998.
« II. - Les tarifs de la redevance par tranche de consommation pour l'eau tarifée au mètre cube utilisée pour les besoins industriels ou agricoles, sont uniformément relevés dans les mêmes proportions de 2 centimes par mètre cube au cours de la prochaine année.
« III. - Les tarifs de la redevance selon les diamètres de branchement pour l'eau tarifée suivant d'autres systèmes ou ne faisant l'objet d'aucune tarification, quel qu'en soit l'usage, sont relevés dans les mêmes proportions que le tarif au mètre cube de la redevance pour les besoins domestiques. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parmi les grandes priorités de l'environnement, nous savons qu'il y a les déchets, l'air, la protection des sites naturels et l'eau.
Voilà plusieurs années que nous avons engagé une politique de l'eau dynamique pour tenter de résoudre ces problèmes, que ce soient ceux de la pollution ou de la qualité de l'eau potable. Nous l'avons fait au travers de deux lois que nous avons adoptées : celle de 1964, qui a institué les agences de bassin, et celle de 1992, qui l'a complétée, notamment avec les SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.
Cela étant, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, qui est un compte spécial du Trésor géré par le ministère de l'agriculture et dont l'objectif est d'aider les communes rurales à financer leur réseau d'eau potable et leur réseau d'assainissement, existait déjà depuis 1954.
Ce fonds est alimenté par deux ressources : premièrement par une redevance, et, deuxièmement, par une partie des recettes des jeux, notamment du PMU.
C'est une particularité quelque peu curieuse mais qui a des conséquences non négligeables sur les ressources du fonds.
En effet, si nous avons, c'est vrai, majoré les redevances du FNDAE, nous ne l'avons pas fait en proportion de l'inflation. Si tel avait été le cas, nous en serions à 25 centimes le mètre cube alors, que nous en sommes actuellement à 14 centimes. Les ressources issues des redevances sont donc passées, de 1990 à 1996, de 336 millions de francs à 474 millions de francs.
En revanche, le PMU, qui subit une concurrence très forte, a vu sa part baisser de 484 millions de francs à 456 millions de francs.
En conséquence, le FNDAE dispose de ressources fluctuantes. De surcroît, ses potentialités de financement des collectivités s'affaiblissent en proportion.
Actuellement, le FNDAE finance 10 % des investissements. C'est peut-être faible, mais tout de même significatif parce que, depuis 1991, il a engagé une politique de contractualisation, de conventionnement avec les départements. Soixante-dix départements ont d'ores et déjà signé de telles conventions.
A l'heure actuelle, non seulement les ressources n'ont pas évolué de façon proportionnelle aux ambitions de la politique de l'eau, mais, de surcroît, l'an dernier, le Gouvernement a ponctionné 150 millions de francs sur ce Fonds pour les affecter au ministère de l'agriculture, plus particulièrement au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA. Certes, cela contribue, en amont, à favoriser la lutte contre les pollutions, mais tel n'est pas l'objectif propre du FNDAE.
Résultat, toutes les conventions qui ont été conclues entre le FNDAE et les départements ont vu leur montant financier réduit de 15 %. Cette situation est-elle tenable ? Difficilement, à mon avis.
Chaque année, ce débat sur le FNDAE revient au Sénat. Pourquoi ? Parce que ce fonds permet une péréquation intelligente entre les zones urbaines et les zones rurales.
Tout à l'heure, on a évoqué la préservation des espaces naturels. Avec cet amendement, il s'agit d'aider les communes rurales - dont les moyens, on le sait, sont faibles - à financer leurs investissements. A cet effet, je propose, avec tous mes collègues du groupe de l'eau du Sénat, une revalorisation de la redevance de deux centimes.
Je me doute des arguments qui vont m'être opposés, tant par le Gouvernement que par la commission des finances. J'ajoute donc par avance que les conséquences de cette revalorisation sur la hausse des prix sont négligeables : cinq millionièmes. N'en parlons pas.
De plus, depuis l'année dernière, les redevances des agences de l'eau sont bloquées. Une augmentation de deux centimes par mètre cube cette année aiderait beaucoup les communes rurales et pèserait très peu sur le reste.
Enfin, je voudrais que l'on cesse de m'opposer l'argument selon lequel il y aurait des reports importants, et je vais m'en expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat.
Voilà quelques années, nous avons mandaté M. du Luart, qui rapportait le budget de l'agriculture, pour examiner la situation. Il est vrai que 70 % des crédits sont reportés d'une année sur l'autre. Mais il s'agit d'un mécanisme normal des comptes spéciaux du Trésor.
M. le président. Mon cher collègue, il faudrait conclure.
M. Jacques Oudin. Je termine, monsieur le président.
En tant que compte spécial du Trésor, ce sont les dispositions de l'article 25 de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances qui imposent que le solde de ce compte soit non seulement créditeur, mais également supérieur aux restes à payer sur toutes les opérations en cours sur lesquelles l'Etat s'est engagé.
Cette règle de fonctionnement relativise donc l'importance réelle du solde du fonds. Il n'est pas anormal de disposer de reports,...
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Oudin !
M. Jacques Oudin. ... puisqu'il faut couvrir tous les engagements, notamment ceux qui sont prévus par les conventions pluriannuelles.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La charge d'exprimer le point de vue de la commission des finances est lourde pour le rapporteur général, car M. Oudin a été très convaincant. Toutefois la commission des finances, et il le sait, ne souhaite pas accroître les prélèvements, quels qu'ils soient.
En l'occurrence, M. Jacques Oudin nous a dit que l'augmentation proposée était faible : il s'agit de deux centimes qui s'ajoutent aux quatorze centimes actuels, ce qui porte le total à seize centimes. L'augmentation est mesurée, mais elle existe néanmoins.
M. Oudin a également évoqué le fait que la sous-consommation des crédits n'était pas significative. C'est un argument auquel M. le secrétaire d'Etat répondra peut-être plus éloquemment que moi, mais quels sont les montants en jeu ? Nous pouvons espérer de ce relèvement de tarif de la redevance un produit supplémentaire de plus de 50 millions de francs. Il faut savoir que la sous-consommation de crédits est d'environ 400 millions de francs puisque, actuellement, quelque 400 millions de francs sur 800 millions de francs sont reportés.
M. Jacques Oudin. A cause des engagements, monsieur le rapporteur général !
M. Alain Lambert, rapporteur général. A cause des engagements, c'est vrai, mais ces engagements n'ont pas lieu d'être payés alors qu'ils ne sont pas encore exécutés.
M. Jacques Oudin. Ils doivent êre couverts !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous réponds, monsieur Oudin, ce que la commission des finances m'a demandé de vous dire ...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je confirme !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... et j'assume pleinement !
Nous sommes dans une période où il n'est peut-être pas souhaitable de relever le coût des redevances prélevées sur l'usager. Telle est la raison qui a conduit la commission des finances à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Oudin, vous êtes, à l'évidence, convaincu et convaincant, mais pas suffisamment pour emporter l'adhésion du Gouvernement.
Vous proposez une hausse de deux centimes. Peccadille, certes, mais une hausse de deux centimes sur quatorze centimes est tout à fait substantielle et reviendrait à faire payer aux consommateurs d'eau une somme de l'ordre de 80 millions de francs. Cette hausse, dont le montant est apparemment minime, n'est donc pas négligeable.
Sans reprendre l'argument des prélèvements obligatoires, qui a sa force, je voudrais dire malgré tout que nos concitoyens sont de plus en plus émus de voir le prix de l'eau augmenter de façon importante depuis quelques années. Je ne suis pas sûr qu'ils trouveraient cette nouvelle hausse de deux centimes véritablement acceptable.
S'agissant du PMPOA, dont vous avez parlé, il est vrai que le Fonds a été appelé à participer à ce programme, sur lequel, je crois, tout le monde s'accorde au sein de la Haute Assemblée. Mais, en compensation, les agences de l'eau, dont vous connaissez les moyens financiers, ont décidé d'accroître fortement leurs interventions en milieu rural.
Je veux donc dire à M. Oudin ainsi qu'à tous les signataires de l'amendement n° I-139 rectifié que, si le Gouvernement en propose le rejet, c'est, d'une part, parce que son adoption induirait une hausse sensible du prix de l'eau pour les consommateurs alors que ces derniers sont déjà fort sollicités et, d'autre part, parce que le fonds a les moyens de ses interventions.
Enfin, je ne parlerai pas des crédits de report parce que je souhaite véritablement que nous ayons un débat de fond et non pas un débat de technique financière.
En tout état de cause, les deux arguments que j'ai avancés me paraissent suffisants pour justifier l'avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-139 rectifié.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. J'ai siégé pendant des années au FNDAE et j'ai été amené, en tant que commissaire aux finances, à faire une enquête sur pièces et sur place sur la gestion du fonds.
Je suis donc en mesure de confirmer ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue Jacques Oudin, qui est par ailleurs un membre éminent de la Cour des comptes détaché ici (Sourires) : il est exact que l'on ne peut pas faire autrement s'agissant d'un compte spécial du Trésor. Il faut donc qu'une masse d'argent soit reportée d'une année sur l'autre.
Il faut aussi, je tiens à le dire, une accélération des procédures d'instruction des dossiers de la part des services de l'Etat, à savoir du ministère de l'agriculture, pour que les délégations de crédits dans chaque département soient rapidement opérées dans le cours de l'année. C'est la raison pour laquelle nous avions mis en place un système de conventionnement, et, aujourd'hui, soixante-dix départements sont conventionnés afin d'assurer le bon fonctionnement du fonds.
Si j'interviens pour défendre l'amendement de notre collègue M. Oudin, c'est parce qu'il existe en France une loi sur l'eau qui est de plus en plus stricte et qui s'accompagne de mesures très fortes dans le domaine de l'assainissement. Le programme des années 1996-2000 représente 42 milliards de francs en milieu rural.
Nous avons donc besoin de cet effet de levier du FNDAE pour parfaire les besoins, et cela d'autant plus que nous nous sommes aperçus, ces dernières années - je crois savoir que Mme le ministre de l'environnement est assez suspicieuse à ce sujet - que certaines agences de l'eau n'auraient pas fait ce qu'il fallait et qu'elles auraient notamment augmenté leurs tarifs de façon déraisonnable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit tout à l'heure que l'augmentation serait trop lourde en pourcentage. Mais comparez les augmentations des agences de l'eau avec celles du FNDAE sur les dix dernières années. Vous constaterez que les augmentations du FNDAE sont peccadilles puisque, comme l'a très justement précisé notre collègue M. Oudin tout à l'heure, une revalorisation de deux centimes représente cinq millionièmes dans l'indice de l'INSEE, c'est-à-dire peu de chose !
Maintenant, si vous trouvez vraiment cette augmentation trop importante, nous pouvons peut-être - car ici nous savons négocier ! (Sourires) - transiger à un centime, ce qui représenterait alors 35 millions de francs.
Pourquoi cette proposition à minima ? Parce que nous ne pouvons vraiment pas laisser les choses se dégrader dans la mesure où les recettes sont gagées pour moitié sur le PMU et pour moitié sur la consommation en eau. Or les recettes provenant du PMU ne progressent pas. En effet, depuis quatre ou cinq ans, elles ont stagné en francs constants en raison de problèmes de fonctionnement du PMU et du léger retrait des Français par rapport aux jeux de courses de chevaux.
Je considère qu'il est donc essentiel d'abonder ce fonds qui est utilisé - vous pouvez en être absolument certains, puisque c'est le ministère de l'agriculture et les commissaires du Gouvernement qui proviennent du ministère du budget qui en contrôlent la parfaite transparence - de la façon la plus pertinente possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite véritablement que la Haute Assemblée vote une augmentation de la redevance.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je voudrais compléter ce que vient de dire excellement notre collègue M. du Luart.
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon vous, les consommateurs vont rechigner à accepter cette augmentation. Mais vous savez bien que leurs exigences croissent en fonction des obligations qui pèsent sur les élus dans le domaine de l'eau, que ce soit pour l'eau potable ou pour l'assainissement.
Or savez-vous, mes chers collègues, que ces obligations résultent, comme c'est souvent le cas, de directives européennes, et qu'elles sont incluses dans trente-deux d'entre elles ! Sans compter que les obligations se renforcent d'année en année.
Il faut savoir ce que l'on veut ! Si l'on impose aux maires - ce qui, au demeurant, n'est pas anormal - d'avoir une eau de la meilleure qualité, d'épurer leurs effluents, donc de faire un effort financier important, il est normal qu'on leur en donne les moyens.
Or, quand on voit que les ressources du FNDAE en provenance du PMU sont tombées de 484 millions de francs en 1992 à 450 millions de francs en 1996, on comprend pourquoi il faut être raisonnable !
On ne peut pas non plus être insensible au fait que 70 % des départements ont passé des conventions avec le FNDAE et ont vu leur montant se réduire de 15 % l'année dernière à cause du prélèvement du PMPOA.
Enfin, dernier argument, mes chers collègues, ces deux centimes dont nous parlons, nous les avions votés l'année dernière à l'unanimité ! Ce n'est qu'en commission mixte paritaire qu'ils ont disparu.
Je vous demande simplement de les rétablir et d'accepter cette augmentation attendue par tous les maires des communes rurales dans le cadre d'un effort national destiné à faire face aux objectifs de la politique de l'eau, objectifs sur lesquels, je crois, nous sommes tous d'accord.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-139 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Article 20