M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et porte sur la crise financière en Asie.
Monsieur le ministre, au départ, cette crise fut limitée à quelques pays : la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie et l'Indonésie. Depuis, elle s'est nettement aggravée. La Corée du Sud, onzième puissance économique mondiale, et le Japon, se sont trouvés entraînés.
Cette crise est une crise boursière, financière et monétaire. A mon avis, elle est appelée à revêtir, dans l'avenir un caractère de plus en plus industriel et commercial.
On prévoit déjà que, dès cette année, les Etats-Unis connaîtront un déficit commercial de 200 milliards de dollars, le Japon un excédent de 100 milliards de dollars.
Partant de cette analyse, je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.
Première question : le Fonds monétaire international aura-t-il les ressources suffisantes pour faire face à la crise ? Le sommet de Vancouver ne semble pas l'avoir démontré.
Deuxième question, et elle nous intéresse tous : quelles conséquences aura-t-elle sur la croissance en Europe et, évidemment, en France ?
On a dit, il y a quelques jours, qu'elle ne coûterait que quelques dixièmes de point de croissance. Maintenant, on entend citer le chiffre de 1 %. Dans ces conditions, pensez-vous, monsieur le ministre, que les hypothèses que vous avez présentées voilà moins d'une semaine devant le Sénat soient toujours valables aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'être inquiet, nous le sommes tous.
Cette crise, qui a commencé au mois de juin en Thaïlande, comme vous l'avez rappelé, et qui a mis longtemps à trouver un début de solution, atteint aujourd'hui d'autres pays.
En Thaïlande et, de façon peut-être plus injuste, en Indonésie - mais les marchés sont ce qu'ils sont ! - un décalage important s'est produit entre les sorties de capitaux et les parités avec le dollar. Ce décalage a fini par faire exploser le système, mettant en évidence la fragilité des structures financières.
A partir d'octobre, le FMI est intervenu en Thaïlande, de façon satisfaisante, je crois. Le régime thaïlandais a accepté la mise en oeuvre du plan proposé par le FMI. Nous avons pu penser alors que nous nous acheminions vers la sortie d'une crise qui, de ce fait, aurait été limitée.
Depuis, deux événements nouveaux sont intervenus, dont l'un intéresse la Corée, l'autre le Japon.
Je dois dire que le cas de la Corée me préoccupe. On ne sait pas encore comment va réagir le gouvernement coréen, qui a déclaré accepter la proposition du FMI, mais qui ne l'a pas encore totalement mise en oeuvre.
S'il le fait, je pense que la situation pourra redevenir normale. Certes, l'économie de la Corée ne représente que 2 % de l'économie mondiale, mais c'est tout de même important !
Essayons de voir les choses du bon côté. Il me semble que, si le FMI parvient à convaincre les dirigeants coréens de mettre en oeuvre rigoureusement le plan qu'il a proposé - c'est l'hypothèse la plus probable -, la Corée devrait rétablir à peu près ses paiements.
En ce qui concerne le Japon, pour le moment, que savons-nous ? En vérité, depuis déjà plusieurs années, l'économie japonaise est dans une situation difficile. La faillite de plusieurs établissements financiers, dont, voilà quelques jours, celle du plus prestigieux d'entre eux, Yamaichi, en est un peu le révélateur.
A l'instar du gouvernement coréen, les autorités japonaises affirment qu'elles ont pris la mesure du phénomène et que, d'une manière ou d'une autre, elles vont fournir les liquidités nécessaires sur le marché - elles ont d'ailleurs commencé à le faire - pour éviter une crise de confiance. Elles ajoutent que, après tout, il peut arriver qu'une maison de titres fasse faillite, qu'il n'y a pas péril en la demeure.
Il reste que l'économie japonaise est aujourd'hui très faiblement porteuse. Les taux d'intérêt y sont déjà tellement faibles - 0,5 % - qu'on peut difficilement espérer la relance par ce canal. La situation budgétaire y est très difficile, et je ne suis pas de ceux qui prônent une relance de l'économie japonaise par la dépense publique.
Ainsi qu'on peut le constater tous les jours sur les marchés, un des problèmes qui risquent de se poser, c'est celui de la parité entre yen et dollar.
Si nous parvenons à en rester là, c'est parce que le FMI sera intervenu de façon suffisante dans les pays en développement concernés, y compris la Corée - je ne parle évidemment pas du Japon -, et que nous aurons réussi à rendre multilatéral, collectif, le traitement de cette crise.
A cet égard, il est heureux que le FMI se soit doté de moyens nouveaux. Vous savez que, de manière constante, la France a souhaité que les quotes-parts soient augmentées. A Hong-Kong, tout récemment, avec d'autres pays, elle a précisément obtenu que l'augmentation de ces quotes-parts donne au FMI des moyens supplémentaires pour intervenir.
En tout cas, il est clair que c'est bien de façon collective et multilatérale que nous devons gérer ce genre d'accidents, et non pas de façon locale ou régionale, car cela pourrait avoir des effets de contagion importants.
Pour ce qui concerne la seconde partie de votre question, qui portait sur la croissance, je suis moins pessimiste que vous, monsieur de Villepin.
Certes, ces pays vont voir leur croissance se ralentir. Mais ils partent de niveaux très élevés : ils étaient à 8 % ; ils ne seront plus que de 4 % pendant un certain temps. Nous aimerions bien avoir 4 % de croissance ! Il reste que, pour eux, c'est un ralentissement.
Pour autant, je ne pense pas que cela va affecter les fondements de leurs économies. Simplement, pendant quelques mois, leur croissance conjoncturelle sera moins vive.
Je rappelle que ces pays ne représentent que 3 % à 5 % de nos exportations, ce qui n'est pas considérable. Dès lors, ce ralentissement de leur croissance n'aura qu'un effet assez modeste sur notre commerce extérieur.
Celui-ci devrait d'autant moins souffrir que les prévisions que je vous ai fournies il y a quelque temps se fondaient sur l'hypothèse d'un ralentissement assez rapide dans le monde anglo-saxon, notamment aux Etats-Unis, mais que les données réelles font apparaître un infléchissement moins brutal que prévu. Ainsi, au total, les uns allant plus mal et les autres plutôt mieux, l'environnement international m'apparaît, en moyenne, à peu près de même nature que celui que l'on avait pu espérer, à condition, bien sûr, que nous en restions là.
Je pense donc que nous n'avons donc pas trop de craintes à nourrir quant à notre propre croissance, et les chiffres que vous évoquez - j'ai moi-même pu les lire - me paraissent assez fantaisistes.
Je vous disais tout à l'heure que la Corée représentait 2 % de l'économie mondiale ; or l'Espagne, c'est aussi 2 % de l'économie mondiale, et il est clair que ce qui se passe en Espagne est pour nous infiniment plus important que ce qui se passe en Corée. Eh bien, l'Espagne prévoit un taux de croissance supérieur à 3 %, et nos flux d'exportation vers ce pays sont particulièrement satisfaisants.
Au point où nous en sommes, on peut considérer que le FMI est en train de contrôler la crise purement financière, que ses conséquences sur l'économie réelle locale ne sont pas négligeables mais que ses conséquences sur l'économie réelle internationale sont encore extrêmement limitées.
Si d'aventure la crise devait s'étendre à d'autres pays, si d'autres accidents devaient survenir, il faudrait peut-être réviser notre jugement. Mais, pour l'heure, je ne pense pas qu'il faille craindre de devoir revoir à la baisse nos prévisions de croissance, qui étaient d'ailleurs plutôt prudentes : je vous rappelle que, voilà six mois, le FMI prévoyait pour la France un taux de croissance supérieur à celui que nous avons inscrit dans le projet de loi de finances.
Vous avez pu le constater, les statistiques relatives à la consommation qui ont été publiées hier font ressortir une croissance de 2,2 %, ce qui correspond tout à fait à la tendance que nous espérons pour l'année. Je pense que le taux de croissance de 1997 sera un peu élevé que ce qui était escompté - 2,3 % au lieu de 2,1 % - fournissant par la même pour 1998 un socle, un acquis de croissance un peu plus élevé que ce qui était prévu.
Pour le moment, je reste donc tout à fait serein sur la prévision de croissance que nous pouvons escompter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous venons de passer sur deux questions le temps normalement dévolu à trois. Il est vrai qu'il s'agissait de sujets importants. Mais je vous demande de bien vouloir, dorénavant, faire preuve de davantage de concision.

DEVENIR DES RÉGIMES DE RETRAITE
PAR RÉPARTITION