M. le président. Par amendement n° II-116, MM. Régnault et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne et Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 61 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 1519 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il est institué en faveur des communes une imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est au moins égale à 60 kilovolts. En 1998, le montant de cette imposition forfaitaire est fixée à 1 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est comprise entre 60 et 200 kilovolts, à 6 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est comprise entre 200 et 350 kilovolts, à 12 000 F pour les pylônes supportant des lignes électriques dont la tension est supérieure à 350 kilovolts. Ces montants sont révisés chaque année proportionnellement à la variation du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties constatées au niveau national. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Lorsque nous avions défendu cet amendement à l'occasion de l'examen des articles de la première partie, la commission des finances nous avait demandé de le redéposer au moment de l'examen des articles de la deuxième partie. C'est donc ce que nous faisons.
S'agissant de l'imposition forfaitaire sur les pylônes, cet amendement vise à prendre en compte les pylônes qui supportent les réseaux à haute tension de 90 kilovolts et de 63 kilovolts, car il génèrent, à peu de chose près, les mêmes inconvénients que les pylônes à très hautes tension, sur les plans de l'esthétique et de la gêne en matière d'aménagement. De plus, ils ne font qu'exceptionnellement, comme pour la très haute tension, l'objet d'enfouissement.
J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de générer un surcoût important pour EDF. En effet, le montant choisi est assez faible et les autres taux sont légèrement revus à la baisse. Il s'agit, en revanche, d'apporter aux collectivités locales sur le territoire desquelles ces lignes ne sont pas enfouies une compensation pour les nuisances que de tels pylônes engendrent.
Puisque ce principe de l'imposition forfaitaire existe déjà pour les pylônes des réseaux à très haute tension, il devrait être étendu aux pylônes des réseaux à haute tension qui provoquent des nuisances équivalentes, et cela d'autant plus qu'une telle extension n'engendrerait pas de réel surcoût pour EDF.
Je souligne enfin que ces pylônes étant surtout installés dans des zones rurales à habitat diffus, et donc à économie faible, une telle contribution serait appréciée des collectivités concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ce prélèvement nouveau sur EDF, que notre collègue M. Régnault a qualifié de « modeste », a d'autant plus inquiété la commission des finances qu'il s'éléverait à 200 millions de francs. Evidemment, tout dépend de quel point de vue on se place, mais je ne trouve pas la somme précisément modeste...
De surcroît, ce prélèvement s'ajouterait à d'autres qui ont été décidés très récemment, d'abord à l'occasion du texte dit « MUFF », qui a rendu EDF redevable de l'impôt sur les sociétés, ensuite avec l'article 22 du présent projet de loi de finances, qui double le taux de la taxe sur les ouvrages électriques, portant à 6,8 milliards de francs le total des prélèvements de l'Etat sur EDF.
Je parle sous le contrôle du Gouvernement : il me semble que la barque d'EDF commence à être assez chargée. Faut-il y ajouter 200 millions de francs ? Tel est d'autant moins l'avis de la commission des finances que ces 200 millions de francs viendraient affecter les crédits destinés à l'enfouissement de lignes auxquel nous sommes les uns et les autres attachés.
Si le problème évoqué par les auteurs de l'amendement est incontestablement réel, il me semble qu'il pourrait être mieux résolu par une amélioration de la gestion du fonds d'amortissement des charges d'électrification, notamment par une meilleure répartition des dotations entre les différents syndicats d'électrification.
Voilà, mes chers collègues, le point de vue de la commission des finances.
Si, véritablement, le Sénat insistait sur la nécessité de revoir cette question, peut-être pourrait-on alors envisager de le faire à somme nulle, c'est-à-dire de modifier les taxes sur les différents pylônes selon leur catégorie puisque, vous le savez, des barèmes variant selon l'importance des pylônes ont été introduits par différents textes.
Cela étant, après avoir entendu le point de vue du Gouvernement, peut-être déciderez-vous, monsieur Régnault, de retirer votre amendement, ce qui m'éviterait d'avoir à vous émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est qu'il ne faut pas accrocher trop de taxes aux pylônes d'EDF !
Les taxes qui existent actuellement ont déjà été multipliées par six entre 1980 et 1996. Pour un pylône de 225 000 volts, la taxe est passée de 1 000 francs à 5 891 francs. Pour les pylônes de haute tension de 400 000 volts, elle est passée de 2 000 francs à 11 786 francs. On a donc déjà fait beaucoup sur les pylônes de ligne à haute tension.
Vous suggérez d'ajouter une taxe sur des pylônes de moyenne tension qui serait compensée partiellement par un abaissement de la taxe sur d'autres pylônes. Non seulement cela provoquerait des modifications de taxes à travers le territoire, et donc des transferts de ressources un peu difficiles, mais le coût net d'une telle mesure pour EDF représenterait une charge supplémentaire de 100 millions de francs. Compte tenu de la régularisation de la fiscalité d'EDF en 1998, cela paraît quelque peu excessif !
Par conséquent, monsieur le sénateur, il me semble qu'au vu de ces éléments d'information vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Régnault, maintenez-vous votre amendement ?
M. René Régnault. Nous avons déjà la satisfaction d'avoir posé le problème et d'avoir recueilli un certain écho du rapporteur général, qui fait même une suggestion en faveur de l'évolution du dispositif, et nous ne pouvons, bien entendu, que l'encourager dans cette voie.
Vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous poursuivons deux objectifs.
Le premier est un objectif d'équité.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ce que tout le monde souhaite !
M. René Régnault. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez insisté sur les fortes augmentations qui sont déjà intervenues pour les pylônes. Tant mieux pour les communes qui perçoivent la taxe due sur les gros pylônes ! Mais celles qui ont sur leur territoire des pylônes de réseaux moins importants certes, mais tout aussi encombrants, tout aussi gênants sur le plan esthétique et posant un certain nombre de difficultés en matière d'aménagement, ne perçoivent rien alors qu'elles subissent un préjudice équivalent !
Le second objectif que nous poursuivons est l'enfouissement de ces pylônes, puisque, dans ce cas, le dispositif proposé ne s'appliquerait pas.
Souhaitant qu'EDF renforce son action en la matière et que la commission des finances, avec son rapporteur général, poursuive la réflexion dans ce domaine avec le concours du Gouvernement, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-116 est retiré.
Articles additionnels avant l'article 61 septies