ACCORD INTERNATIONAL DE 1994
SUR LES BOIS TROPICAUX

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 64, 1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux, qui vous est aujourd'hui soumis a été signé par la France le 13 mai 1996.
Il succède à l'accord international de 1983 et prévoit le maintien de l'Organisation internationale des bois tropicaux, l'OIBT, dont le siège se trouve à Yokohama.
Certains de ses objectifs sont traditionnels et se retrouvent dans la plupart des accords de produits de base, à savoir la fourniture un cadre à la coopération internationale en matière de bois tropicaux, promotion de l'expansion et de la diversification du commerce international de bois tropicaux et l'encouragement de la recherche en vue d'améliorer la gestion des forêt et l'efficacité de l'utilisation du bois.
Mais l'accord de 1994 comporte également des clauses environnementales, commerciales et financières qui lui sont propres.
Dans le domaine de l'environnement, l'accord consacre l'« objectif 2000 », qui consiste à « renforcer la capacité des membres d'exécuter une stratégie visant à ce que, d'ici à l'an 2000, les exportations de bois et de produits dérivés des bois tropicaux proviennent de sources gérées de façon durable ».
Cet objectif s'explique par le souci des pays industrialisés de limiter les risques de déforestation des zones tropicales qu'entraînerait une exploitation incontrôlée des ressources forestières des pays en développement.
En contrepartie de cet engagement, les pays producteurs ont obtenu l'inclusion d'une clause de non-discrimination commerciale qui traduit leur crainte de restrictions à l'importation de bois tropicaux dans certains pays consommateurs, et la création d'un nouvel instrument financier, appelé « Fonds pour le partenariat de Bali », destiné à fournir aux pays exportateurs des ressources nouvelles afin de les aider à procéder aux investissements nécessaires à la réalisation de l'« objectif 2000 ».
Si les pays de l'Union européenne ont décidé de participer à l'accord de 1994, la Communauté n'en a pas moins assorti sa signature d'une déclaration interprétative, en son nom et au nom de ses Etats membres, spécifiant, d'une part, que l'accord se rapportait uniquement aux bois tropicaux et non à l'ensemble des forêts, et, d'autre part, que les contributions au Fonds de Bali et au compte spécial de l'organisation destiné au financement de projets se feraient sur une base exclusivement volontaire.
En effet, nous estimons, comme nos partenaires européens, que l'OIBT doit conserver sa spécificité « tropicale » afin d'éviter tout empiètement sur d'autres institutions multilatérales - l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, le FAO, la Commission du développement durable de l'ONU, en particulier.
Nous estimons également, compte tenu du fait que les bois tropicaux exportés ne représentent qu'une petite partie de la production, que les ressources nécessaires à l'aménagement durable des forêts tropicales ne peuvent provenir uniquement des pays industrialisés.
La participation de la France à l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux se justifie par son rang de deuxième importateur européen de bois tropicaux, par son attachement à une coopération internationale approfondie entre pays producteurs et pays consommateurs de matières premières, et par l'importance qu'elle confère à la défense de l'environnement et à la promotion du développement durable. En outre, les bois tropicaux constituent, pour de nombreux pays d'Afrique francophone, une ressource essentielle dont l'exploitation plus rationnelle pourrait contribuer au développement économique et limiter l'exode rural. La prochaine réunion de l'OIBT se tiendra d'ailleurs à Libreville en mai 1998.
L'accord a été conclu pour une durée de quatre ans et peut être prorogé pour deux périodes supplémentaires de trois ans chacune.
A ce jour, vingt-six pays exportateurs, dont les principaux sont l'Indonésie, la Malaisie et le Brésil, et vingt-trois pays importateurs, parmi lesquels on peut citer les Etats-Unis, le Japon, la Chine et la Corée, sont membres de cet accord. Notre pays est un importateur important mais se trouve dans une situation particulière, car il est également, grâce à la Guyane, producteur - modeste - de bois tropicaux.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux, qui fait l'objet du projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le nouvel accord international de 1994 sur les bois tropicaux a pour objet de réaliser un équilibre, souvent difficile, entre deux préoccupations : d'une part, le développement et la diversification du commerce international des bois tropicaux ; d'autre part, la sauvegarde des ressources forestières de la planète.
Ces deux objectifs paraissent, l'un et l'autre, légitimes. Ils ne sont d'ailleurs pas nécessairement contradictoires. Permettez-moi de développer ces deux points.
En premier lieu, le commerce des bois tropicaux paraît nécessaire pour l'économie de nombreux pays en développement, pour lesquels les ventes de ces produits représentent une précieuse source de devises. Plusieurs Etats, en particulier en Asie, ont cherché à promouvoir une véritable industrie de transformation dans ce secteur, afin d'exporter des produits présentant une valeur ajoutée croissante. Une telle évolution doit naturellement être encouragée.
Cependant, le commerce des bois tropicaux connaît aujourd'hui plusieurs difficultés, liées avant tout à une conjoncture économique déprimée, en particulier dans le secteur de la construction. A cet égard, la crise financière en Asie du Sud-Est, principale zone de production mais aussi de consommation des bois tropicaux risque de peser sur les cours de ce produit dans les mois à venir. Par ailleurs, le commerce des bois tropicaux, se heurte aux préventions des mouvements écologistes. A titre d'exemple, la société Chanel vient de faire les frais d'une campagne contre l'utilisation du bois de rose pour la fabrication de l'un de ses parfums les plus fameux. Certains Etats européens ont même adopté des réglementations restrictives. Contraires aux engagements souscrits dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, ces réglementations ont dû être abrogées.
L'opposition des mouvements écologistes est-elle justifiée ?
Sans doute la sauvegarde des forêts tropicales constitue-t-elle une préoccupation légitime. En effet, les forêts ont une influence décisive sur le climat. Elles contribuent à la protection et à la régénération des sols. Enfin, elles exercent une fonction de conservatoire des formes de vie. Il faut le rappeler, plus de la moitié des espèces terrestres sont originaires des régions tropicales. Or les forêts tropicales représentent un patrimoine menacé : la déforestation a beaucoup progressé en moins d'une décennie.
Toutefois, ce phénomène s'explique principalement par la pression démographique que connaissent la plupart des pays producteurs de bois tropicaux.
L'exploitation de bois d'oeuvre joue, en revanche, un rôle plus contrasté. Si elle a incontestablement conduit à d'importants déboisements dans la zone asiatique, ses effets paraissent plus modestes en Afrique.
En fait, l'exploitation des bois tropicaux peut même se révéler nécessaire lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre d'un aménagement concerté et à l'intérieur de normes précises.
A cet égard, il faut le reconnaître, l'accord sur les bois tropicaux de 1994 ouvre une voie intéressante. Il doit conduire, en principe, à l'échéance 2000, à réaliser l'ensemble des exportations de bois tropicaux à partir des ressources forestières gérées de façon durable. Cet « objectif 2000 » a une valeur principalement indicative, mais il pourra bénéficier du concours du Fonds pour le partenariat de Bali. Ce fonds, comme l'a rappelé opportunément la déclaration interprétative faite par l'Union européenne au moment de la signature de l'accord de 1994, reposera sur des contributions volontaires des Etats. A ce jour, le Japon représente le principal bailleur de fonds de l'Organisation internationale des bois tropicaux créée par l'accord de 1983 et maintenue par le présent texte.
En conclusion, les objectifs recherchés par l'accord sur les bois tropicaux ne pourront se concrétiser sans un double engagement des pays producteurs et des pays consommateurs. A cet égard, la pression accrue exercée sur les donateurs à travers la création du Fonds pour le partenariat de Bali ne saurait exempter les pays producteurs de leurs propres responsabilités au regard de la gestion des ressources forestières dont ils disposent. En effet, les efforts déployés par la communauté internationale resteront vains si les Etats producteurs ne prennent pas, à l'échelle nationale, l'ensemble des mesures à la fois juridiques et économiques pour lutter contre une déforestation inquiétante.
Cette réserve faite, l'accord apparaît comme un instrument utile et la France se doit d'y participer, pour trois raisons principales.
D'abord, les achats de bois tropicaux, même si la part de notre pays a décliné au sein des pays importateurs, demeurent essentiels pour tout un secteur de notre économie, en particulier l'ameublement.
Ensuite, la France a marqué depuis plusieurs années son attachement à la protection de l'environnement, en particulier à la sauvegarde des ressources forestières de la planète.
Enfin et surtout, la diplomatie française a toujours soutenu la mise en place des accords de produit afin, d'une part, de ne pas livrer entièrement le commerce international aux seules lois du marché et, d'autre part, de promouvoir un dialogue Nord-Sud favorable aux pays en développement.
Ces différentes raisons ont conduit la commission à vous inviter, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes), fait à Genève le 26 janvier 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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