M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, mesdames messieurs les ministres, mes chers collègues, la décision constitutionnelle rendue le 31 décembre 1997, déclarant contraires à la Constitution les dispositions du traité d'Amsterdam relatives aux visas, à l'asile et à la libre circulation, nécessite, comme chacun le sait, une révision constitutionnelle.
Le 13 janvier dernier, le Premier ministre se livrait, devant la presse, à une interprétation pour le moins floue de notre Constitution.
Selon lui, en effet, la révision constitutionnelle doit résulter « d'une initiative du Président de la République, même si celle-ci nécessite l'approbation du Premier ministre ».
Il ajoutait qu'il ne provoquerait pas lui-même une initiative qui « revient au Président de la République, quant au choix entre l'approbation référendaire et la voie du Congrès ».
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. C'est vrai !
M. Serge Vinçon. De tels propos entretiennent la confusion dans les esprits entre les modalités de la révision constitutionnelle, à savoir son approbation par la voie référendaire ou par le Parlement réuni en Congrès, et le fond de cette révision, autrement dit son contenu.
Je ne veux pas voir dans ces propos une manoeuvre pour, le cas échéant, repousser au plus tard possible une révision qui gêne manifestement la majorité plurielle.
Aussi, j'aurais aimé demander à M. le Premier ministre s'il pouvait nous éclairer.
Le choix entre la procédure du référendum ou celle du Parlement réuni en Congrès est une prérogative exclusive du chef de l'Etat, contrairement à ce que les propos du Premier ministre pouvaient laisser penser.
M. Emmanuel Hamel. Qu'il choisisse le référendum, comme cela, il pourra partir !
M. Serge Vinçon. Concernant, en revanche, le fond, il appartient bien au Premier ministre, conformément à l'article 89 de la Constitution, de faire une proposition au Président de la République.
Aussi, j'aimerais que l'on puisse nous indiquer quand le Premier ministre compte la faire, et sur quelle base précise. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à l'article 54 de la Constitution, le Président de la République et le Premier ministre ont demandé conjointement - et c'était la première fois qu'une telle procédure était utilisée - au Conseil constitutionnel, le 4 décembre 1997, si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités d'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, l'autorisation de ratifier ce traité devait être précédée d'une révision de la Constitution.
Dans sa décision rendue le 31 décembre, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution certaines dispositions du titre III A insérées par le traité d'Amsterdam dans le traité instituant la Communauté européenne.
Ces dispositions intéressent le franchissement des frontières extérieures et intérieures des Etats membres, la politique de l'asile et la politique de l'immigration.
Je rappellerai, en premier lieu, que cette décision était attendue et qu'elle est conforme à la jurisprudence qui avait été établie dès la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992 relative au traité de Maastricht.
Quant au traité d'Amsterdam, il a été négocié par le Président de la République et par le précédent gouvernement, et c'est bien parce que le Président de la République et le Premier ministre souhaitaient avoir l'assurance que ce traité ne comportait pas de contradiction avec notre loi fondamentale qu'ils ont saisi ensemble la Haute Juridiction.
Je rappellerai en deuxième lieu que le Conseil constitutionnel ne censure pas le traité d'Amsterdam, mais qu'il se borne à dire, comme l'y autorise l'article 54 de la Constitution, que certaines stipulations du traité sont contraires à la Constitution de 1958.
Par conséquent, comme pour le traité de Maastricht, si la France veut ratifier ce traité, elle doit au préalable réviser sa Constitution. Cette révision n'est juridiquement pas obligatoire, mais, tant qu'elle n'est pas intervenue, le traité ne peut pas être ratifié.
Je rappellerai en troisième lieu qu'aux termes de l'article 89 de la Constitution l'initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement.
En ce qui concerne cette perspective de révision constutitionnelle, monsieur le sénateur, j'observe qu'elle est requise en vue d'un transfert de compétences à échéance lointaine - à terme minimum de cinq années - et aléatoire, puisque suspendu à l'accord unanime des Etats membres.
Mais il va de soi que ce délai de cinq ans, qui est celui de la mise en oeuvre des transferts de compétences sur ce point précis, n'implique pas un délai identique pour l'autorisation de ratification, qui doit, elle, intervenir dans un temps beaucoup plus rapproché.
En vertu de l'article 89 de la Constitution, cette révision doit résulter d'une initiative du Président de la République, même si celle-ci nécessite la proposition du Premier ministre.
Les dispositions concernées du traité ont été négociées, d'ailleurs de manière insatisfaisante aux yeux du Gouvernement actuel, par le précédent gouvernement, seule la protection constitutionnelle du droit d'asile ayant pu être préservée, sur l'initiative du Premier ministre, dans les derniers jours ayant précédé la conclusion de l'accord. Dès lors, chacun comprendra qu'il ne provoque pas lui-même l'initiative qui revient au Président de la République.
Quant au choix entre l'approbation référendaire et la voie du Congrès, il relève du seul Président de la République. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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