M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, la Commission européenne a publié le 31 mars un rapport sur la situation du secteur ferroviaire dans l'Union européenne et le Conseil des ministres européen des transports sera invité à discuter de cette approche visant à revitaliser le secteur du fret ferroviaire, lors de sa réunion informelle prévue du 24 au 26 avril à Chester.
Le rapport de la Commission européenne se situe dans le cadre du rapport Sarlis et prévoit une libéralisation progressive du marché ferroviaire en fixant des quotas obligatoires d'ouverture de ce marché - 5 % immédiatement, 25 % dans dix ans - sans prévoir de clauses en ce qui concerne la sauvegarde des notions de services publics où, comme on dit à Bruxelles, de « services d'intérêt général ».
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Bellanger. Au moment où la SNCF s'engage dans une politique de modernisation et de reconquête de marchés, au moment où le Premier ministre M. Lionel Jospin réaffirme que la recette libérale, à savoir découper et privatiser, n'est pas notre référence, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez la position du Gouvernement sur ces propositions.
Les pourcentages d'ouverture du marché ont-ils un sens dans le cadre de l'activité ferroviaire ? Quelles sont les demandes déposées à ce jour en France pour des utilisations privées de nos infrastructures ferroviaires ? Les coopérations engagées par la SNCF avec différents partenaires pour l'exploitation de corridors ferroviaires sont-elles remises en cause, ou peuvent-elles l'être ? Quelles propositions concrètes fera notre Gouvernement pour l'introduction de clauses de services d'intérêt général en matière ferroviaire dans la Communauté européenne ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de situer votre question dans le contexte général, à savoir un moment où l'on est à la croisée des chemins ... de fer ! (Sourires.) Nous devons choisir entre une politique de déclin, qui a trop longtemps prévalu, et une perspective de conquête. Je n'emploie pas le mot « reconquête », car il faut se situer en termes de modernité et de développement ; il n'est pas obligatoire de reprendre exactement ce qui a existé.
Les questions précises que vous posez sont au coeur du débat de fond, y compris sur le plan européen. La Commission européenne souhaite, pour des raisons plus idéologiques qu'économiques et sociales, me semble-t-il, l'ouverture totale des réseaux à la concurrence et la concurrence intramodale au sein même des chemins de fer.
A cette orientation, j'ai opposé, dans le cadre de l'application de la fameuse directive 91-440, la coopération. Des corridors de fret sont actuellement mis en place sur la base de cette proposition - et ils fonctionnent - entre les entreprises gestionnaires des chemins de fer de la Belgique, du Luxembourg, de la France, de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal - où j'étais récemment encore - et peut-être bientôt de l'Allemagne.
Je suis décidé, avec le Gouvernement, à défendre une stratégie de développement du transport ferroviaire européen. J'ai commencé à le faire. Le rapport de la Commission européenne est déjà, je le précise, en recul par rapport au plan qu'elle avait annoncé et aux objectifs qu'elle cherchait à atteindre.
J'en viens aux questions précises et très importantes que vous m'avez posées, monsieur le sénateur.
Tout d'abord, se fixer des pourcentages d'ouverture du marché du fret a un sens et un seul : faire sauter les limitations de l'ouverture prévue actuellement par la directive 91-440. Je ne suis donc pas d'accord.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Par ailleurs, il n'existe pas à ce jour de demande d'utilisation privée de nos infrastructures ferroviaires pour assurer un transport international.
M. le président. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir conclure, monsieur le ministre. (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Laissez-moi quand même présider, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison, monsieur le président, et je vais donc conclure.
Nous travaillons à l'élaboration de propositions pour l'introduction de clauses du service général en matière ferroviaire au niveau communautaire. Cela prend du temps, car il faut en discuter. Mais je peux déjà vous citer deux initiatives que nous proposerons : le transport ferroviaire, parce qu'il est un service d'intérêt général, ne doit pas être traité comme une quelconque activité marchande ; par ailleurs, plus concrètement, nous souhaitons que les accords de coopération soient encouragés et non pas suspectés.
Il s'agit donc pour moi non pas d'opposer le repli national à la construction européenne mais d'opposer une stratégie européenne de développement fondée sur les missions de service public à la stratégie que voudrait faire prévaloir la politique de l'ultra-libéralisme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, ma mission est moins noble que la vôtre : elle consiste à faire respecter les temps de parole, et je n'y arrive pas ! (Sourires.)

PARTICIPATION D'ENSEIGNANTS
ET DE LYCÉENS À DES MANIFESTATIONS