DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Je vous redonne la parole, monsieur Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin. Je vous remercie, monsieur le président.
Je salue, moi aussi, la présence de nos amis irakiens.

Les épargnants français seront parmi les premiers à ressentir dans notre pays le passage à l'euro, puisque les actions et obligations seront désormais cotées en euros.
A notre sens, le Gouvernement prépare mal la France à ce rendez-vous historique. Ainsi l'absence de fonds de pension en France est un handicap majeur par rapport à nos voisins.
Notre retard en matière de capitalisation vient à nouveau d'être stigmatisé par la Commission des opérations de bourse, la COB, dans son rapport annuel présenté la semaine dernière. La capitalisation boursière française représente 60 % du PIB contre 110 % aux Etats-Unis et 139 % en Grande-Bretagne en 1996. La COB note, pour le regretter, le rôle encore insuffisant du marché dans le financement de notre économie. Peut-être le temps est-il venu de doter la France des moyens nécessaires à cette modernisation.
La conséquence majeure de ce retard est une sous-capitalisation de nos entreprises. Si rien n'est fait rapidement, le risque existe de voir la place financière de Paris se marginaliser par rapport à ses concurrentes européennes.
Chacun sait que la mise en place de fonds de pension en France permettrait aux entreprises de renforcer leurs fonds propres.
L'autre vertu bien connue des fonds de pension est d'ouvrir à nos concitoyens un système d'épargne-retraite. Les systèmes de retraite par répartition auxquels nous sommes très attachés ne pourront pas surmonter les conséquences de l'évolution démographique d'ici à une quinzaine d'années. Il faut donc prévoir à côté de ce système un dispositif de retraite par capitalisation.
Pourquoi les Français seraient-ils l'un des derniers peuples européens à ne pas bénéficier de telles possibilités ? Le Gouvernement a assuré qu'une modification du texte en vigueur interviendrait l'année prochaine, mais nous pourrons, selon lui, aborder le sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit non plus d'aborder le sujet, mais d'agir, même si, sur cette question, il est à craindre que la vision du Gouvernement sur les fonds de pension ne soit très éloignée de la réalité économique et financière, ainsi que des besoins du pays ! Si nous continuons à ne pas agir, une année va encore être perdue.
Vous vous félicitiez, monsieur le secrétaire d'Etat, du fait que les entreprises allaient évoluer, avec l'achèvement de l'euro, dans un environnement stable. Or les fonds de pension sont le complément indissociable de cet environnement. Pour notre part, nous nous réjouissons des propositions élaborées par la commission des finances en matière de droit des sociétés, notamment à propos de la notion de contrôle de fait d'une société.
Enfin, il convient de revenir sur le contenu et sur les conséquences de certaines dispositions techniques du texte.
L'article 39 met en place un schéma triennal de desserte gazière. Vouloir améliorer cette desserte est une intention honorable, mais certainement pas dans les conditions prévues dans le texte adopté par l'Assemblée nationale car elles n'assurent pas la sécurité juridique de l'octroi de l'agrément, ce à quoi vise la proposition de la commission des finances, dont nous nous félicitons.
L'article 36 a pour objet d'ouvrir le capital de la société Air France en proposant aux pilotes d'échanger une baisse de rémunération contre des actions dans la société.
Notre position sur ce dossier n'a pas changé : nous avons voté en 1986 pour la privatisation d'Air France et nous pensons toujours qu'il s'agit de la seule solution susceptible de garantir l'avenir de cette société.
Par ailleurs, je constate, avec d'autres, que le Gouvernement n'envisage pas l'abrogation des lois de 1986 et 1993 relatives aux privatisations d'entreprises du secteur public. De même, il refuse, malgré la demande formulée par des membres de sa majorité, d'inscrire dans la loi que l'Etat continuera de détenir 50 % du capital d'Air France.
Malgré les déclarations du Gouvernement, je reste persuadé qu'il ne pourra pas empêcher l'inéluctable. A l'évidence, ce sont les alliances politiques composant la majorité dite plurielle et l'archaïsme idéologique de certaines de ses composantes qui l'obligent à retarder encore l'échéance ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. On ne sait pas qui est le plus archaïque.
M. Jean-Pierre Camoin. Que préfère le Gouvernement ? Une France dotée d'une des compagnies aériennes les plus modernes du monde disposant d'un statut d'entreprise privée lui permettant de signer des alliances internationales ou une France dotée d'une compagnie aérienne publique, isolée, appelée à disparaître à plus ou moins court terme, car incapable de résister à la concurrence internationale ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Une entreprise peut être publique sans être isolée !
M. Jean-Pierre Camoin. On ne peut plus dire aujourd'hui qu'Air France, entreprise publique, a encore un avenir. De récents projets d'alliance avec d'autres compagnies ont avorté pour la seule raison du statut public d'Air France. Cette situation ne durera pas longtemps et l'avenir d'Air France est destiné à l'évidence à ce passage au privé.
M. Henri de Raincourt. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Camoin. Je voudrais également aborder le problème de l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes.
Il faut rendre hommage aux gourvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé, qui ont conclu l'accord avec la Russie. Les premiers versements de la Fédération de Russie ont eu lieu et il est maintenant indispensable que les indemnisations des titulaires des créances soient effectuées le plus rapidement possible.
M. Henri de Raincourt. C'est une misère !
M. Jean-Pierre Camoin. Ce texte prévoit le recensement des porteurs, et le Gouvernement a annoncé que le Parlement serait associé à la définition des modalités d'indemnisation. Nous resterons vigilants. Mais nous demandons au Gouvernement d'accélérer le rythme de règlement de ce dossier.
La disposition créée par l'article 45 instituant un nouveau prélèvement sur l'association de gestion du fonds des formations en alternance, pour un montant de 500 millions de francs, est la marque d'une très mauvaise habitude prise par les pouvoirs publics. Le prélèvement effectué par la loi de finances rectificative pour 1996 avait un caractère exceptionnel et effectuer un prélèvement aussi rapidement après donne à ce dispositif un caractère répétitif choquant.
Il faut cesser de prendre comme justification à ces prélèvements la situation financière excédentaire à l'AGEFAL, et plutôt réfléchir à d'autres dispositions.
Pour éviter des excédents que le Gouvernement ne peut s'empêcher de prélever pour financer ses dépenses, ne vaudrait-il pas mieux diminuer les recettes de l'AGEFAL en abaissant le taux de la taxe payée par les entreprises et alimentant cette structure ?
En outre, le Gouvernement devrait préciser quelles affectations il prévoit de donner aux sommes prélevées. A cet égard, les précisions données à l'Assemblée nationale sont, à l'évidence, insuffisantes.
L'article 46 a été présenté par le Gouvernement comme une solution alternative au dispositif quirataire supprimé pour des raisons purement idéologiques à l'occasion de la dernière discussion budgétaire, avant même la véritable montée en puissance de cette mesure incitative.
Pendant l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, le Gouvernement s'était engagé devant le Parlement à remplacer les quirats avant la fin de l'année 1997.
Or, au début du mois de mai, le Gouvernement présente cet article qui limite l'amortissement des biens donnés en location par une société de personnes. Ainsi, durant les cinq derniers mois, rien n'existait plus dans notre législation pour aider notre construction navale.
Je tiens d'ailleurs à préciser que M. Philippe Marini, dans un rapport rendu en mars dernier, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, et relatif aux actions menées en faveur de la politique maritime et littorale de la France, a souligné les effets positifs de la loi quirataire et a dénoncé la gravité de cette politique d'abandon du secteur de l'activité maritime, pourtant stratégique pour notre économie.
Non seulement le système mis en place par le Gouvernement ne concerne pas les seuls navires armés au commerce, puisqu'il touche l'ensemble des équipements lourds, mais, à l'évidence, il ne s'agira pas non plus d'un dispositif fiscalement incitatif.
Bien sûr, le Gouvernement expliquera que les représentants des consommateurs ont manifesté leur approbation face à cette proposition. Nous en prenons bonne note et nous proposons qu'un bilan complet soit établi dans un an, en termes tant de projets agréés, d'emplois créés ou sauvegardés que de sommes investies. Il serait intéressant que le Gouvernement fasse connaître une estimation du coût de ce dispositif pour les finances publiques, qui, nous dit-on seulement aujourd'hui serait inférieur à celui des quirats. C'est, vous en conviendrez, quelque peu insuffisant.
J'aborderai enfin le problème lié au dispositif Périssol, qui avait institué un régime d'amortissement pour les biens locatifs neufs.
Le projet de DDOEF ne prévoyait aucune mesure transitoire à l'extinction du dispositif prévue pour la fin de cette année.
Un amendement adopté à l'Assemblée nationale tend à proroger pour six mois le régime de déduction au titre de l'amortissement des logements neufs donnés en location.
Chacun sait que ce dispositif s'est avéré efficace pour la relance de la construction de logements. Cette prorogation de six mois nous semble insuffisante ; nous attendons d'autres mesures et nous resterons fort vigilants quant à la politique du Gouvernement en matière de mesures incitatives en faveur du logement locatif aidé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, après l'examen de ces diverses dispositions, je constate que le présent texte manque de souffle, à l'image de la politique économique et financière menée par le Gouvernement. Il ne contient pas les mesures dont les entreprises ont besoin et que nos compatriotes attendent pour voir baisser la pression fiscale et décroître les charges qui les étouffent.
Les propositions élaborées par la commission des finances améliorent sensiblement le texte, et le groupe du RPR votera le projet de loi amendé en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'heure est venue de porter un jugement objectif sur l'ensemble des mesures économiques, fiscales et financières proposées par le Gouvernement.
Comme il est d'usage pour ce type de projet, ces mesures sont extrêmement variées. Néanmoins, on appréciera la dimension très large des dispositions qui nous sont présentées. Certaines ont trait à la simplification administrative, d'autres tendent à moderniser nos activités financières et à adapter notre législation aux exigences communautaires. D'autres, enfin, concernent le secteur public, l'environnement et la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on peut, certes, louer l'intention du Gouvernement de contribuer activement à une rationalisation de la gestion des activités économiques du pays, mais on peut également s'interroger sur l'efficacité de certaines mesures envisagées par le Gouvernement et adoptées par l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je profiterai de mon temps de parole pour attirer votre attention sur les difficultés soulevées par la disposition prévoyant d'ajouter une taxe supplémentaire à la taxe d'équarrissage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous proposez de faire payer aux artisans et aux commerçants de notre pays le coût de l'élimination et du retraitement de certains types de farines non conformes aux normes communautaires. A une époque où bon nombre d'entre eux connaissent des difficultés financières une telle mesure est-elle raisonnable ? Au moment où le Parlement adoptait la loi relative à l'équarrissage, j'avais mis en garde contre les répercussions, plutôt négatives, d'une telle politique.
Aujourd'hui, une telle disposition, monsieur le secrétaire d'Etat, risquerait, j'en suis sûr, d'alourdir une fois de plus les charges pesant sur toute une catégorie de travailleurs français. Il est vrai que l'Union européenne exige toujours plus de qualité et de garanties dans la fabrication de nos produits. Comment ne pas comprendre que ces exigences concernent en particulier les produits issus de l'agriculture ?
Cependant, il est étonnant de constater que la nécessité de retraiter ou d'incinérer des farines non conformes vient de ce que notre pays a tardé à appliquer une règle communautaire. C'est pourquoi, trois éléments s'opposent à l'établissement d'une telle taxe : son coût pour les entreprises payantes, l'étroitesse de son assiette et l'inadaptation du niveau auquel elle est perçue dans la filière.
De plus, le choix des entreprises concernées par la taxe laisse à penser que seuls les distributeurs de produits dérivés de la viande sont responsables de l'inadaptation de certaines farines aux normes européennes.
Dès lors, certains de mes collègues et moi-même suggérerons, lors du débat sur la taxe additionnelle à la taxe sur l'équarrissage, soit de la supprimer, soit de ne l'appliquer qu'aux surfaces de ventes inférieures à 300 mètres carrés, et ce pour deux raisons : d'une part, cette taxe est contraire au droit communautaire selon la décision du 25 mars 1998 de la Commission européenne ; d'autre part, il est anormal de faire financer partiellement le service public de l'équarrissage par une catégorie d'entreprises artisanales qui n'a aucune responsabilité dans le processus.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Bernard Joly. Par ailleurs, le quasi-monopole du secteur de l'équarrissage détenu par quelques entités qui se partagent l'activité conduit à s'interroger sur les rapports entretenus avec certains membres de la filière et sur les conditions d'une véritable concurrence.
Lors de l'examen de l'amendement précité, je développerai plus avant mon propos. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis plus de quinze ans que je siège dans cette assemblée, je n'ai eu que très rarement l'occasion d'intervenir pour évoquer la situation du département de la Marne dans lequel je suis élu en qualité de sénateur et de président du conseil général.
Et je ne serais pas intervenu aujourd'hui si, ces derniers temps, un certain nombre de contre-vérités n'avaient circulé concernant justement la Marne, son conseil général et, surtout, sa « vignette 51 ». (Exclamations amusées sur diverses travées.)
Jusqu'alors, le chiffre 51 n'avait jamais provoqué d'émotion particulière, dans nos rangs ou parmi nos concitoyens ; 51, c'était simplement, pour les amateurs de boissons anisées, l'évocation d'un breuvage apéritif fort réputé. (Sourires.)
Seulement voilà, lorsque, le 4 juillet 1996, le quotidien Le Monde titrait en première page : « Une 51, sinon rien ! », c'était pour évoquer non pas ladite boisson, mais, plus prosaïquement, la vignette marnaise, la désormais fameuse « vignette 51 ».
Avec nettement moins d'humour, la presse a eu récemment l'occasion de reprendre sa plume inspirée pour évoquer désormais « la troisième bataille de la Marne ». Cette bataille aurait été déclarée par les députés Didier Mingaud et Augustin Bonrepaux, qui ont déposé à l'Assemblée nationale, le 2 avril dernier, un amendement au projet de loi portant diverses positions d'ordre économique et financier.
Cet amendement avait en effet deux objectifs : premièrement, fixer un tarif plancher pour la vignette et, deuxièmement, retenir le lieu d'utilisation habituelle d'un véhicule comme critère d'immatriculation et donc de paiement de la vignette.
A un jour près, on aurait pu croire à un amusant poisson d'avril ! Hélas ! ce n'en était pas un. Mais je reviendrais tout à l'heure sur ces deux propositions qui, semble-t-il, ont heureusement fait long feu, au moins pour la première d'entre elles.
Avant d'entrer dans ces détails techniques, je tiens à vous dire que je n'ai personnellement jamais eu l'intention d'engager une quelconque bataille. Je ne suis pas d'un tempérament belliqueux et j'espère qu'il est encore possible, de nos jours, de débattre des questions de fiscalité locale sans déclencher une guerre, fût-elle féodale.
Je me souviens encore qu'en 1988, lorsque j'avais interrogé ici le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Pierre Joxe, sur la possibilité pour un département de supprimer la vignette, celui-ci m'avait demandé de renoncer à mon « funeste projet ». Certains collègues m'avaient, pour leur part, dans les couloirs de cette maison, reproché de « gâcher le métier » en osant proposer ainsi la suppression d'un impôt.
Le même ministre de l'intérieur m'avait, à mots à peine couverts, menacé de représailles, évoquant notamment un réexamen de l'indexation de la dotation globale de fonctionnement si je maintenais ma proposition devant l'assemblée départementale.
Je vous avouerai que je n'en ai gardé aucune rancune. D'ailleurs, quatre jours après cette admonestation, je présentais, lors de la séance d'ouverture de la session d'orientation budgétaire du conseil général de la Marne, ma proposition de supprimer la vignette dans notre département.
Quatre raisons, au moins, me semblaient alors justifier un tel choix.
En premier lieu, le conseil général, profitant d'une conjoncture favorable sur les marchés financiers, venait de renégocier sa dette avec les organismes bancaires. Il me semblait juste, dès lors, de faire profiter les contribuables marnais des économies que nous parvenions ainsi à réaliser grâce à notre gestion rigoureuse.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Albert Vecten. En deuxième lieu, en milieu rural, particulièrement dans un département où les distances sont très importantes, les familles sont souvent, aujourd'hui, dans l'obligation de posséder au moins deux véhicules pour leurs déplacements professionnels. La vignette, dans ce cas, apparaît comme un impôt injuste. La mesure que je proposais allait donc dans le sens de la justice fiscale et de l'aménagement rural.
En troisième lieu, il faut se rappeler qu'à l'origine la vignette était un impôt provisoire, créé en 1956 par un certain Paul Ramadier et destiné à financer les retraites minimales à travers le Fonds national de solidarité. En proposant de supprimer un impôt « provisoire », je n'avais donc pas le sentiment de faire une proposition révolutionnaire !
Enfin, en quatrième lieu, la vignette est le seul impôt dont le produit va en totalité, depuis 1984, aux départements. En proposant de supprimer la vignette, je souhaitais donc également contribuer à la simplification administrative.
Là encore, rien de révolutionnaire : cela a été dit cet après-midi, la simplification administrative figure en bonne place dans le programme de tous les partis politiques de l'Hexagone, et ce depuis des décennies.
La suite est connue. Il m'appartient cependant de rétablir quelques vérités.
En 1988, l'assemblée départementale marnaise n'a pas suivi ma proposition de supprimer la vignette mais elle a consenti deux baisses successives de 10 p. 100, l'une en 1989 et l'autre en 1990. Depuis lors, avec un tarif de base de 146 francs, la vignette marnaise est la moins chère de France.
MM. Philippe Marini et Jean Delaneau. Bravo !
M. Albert Vecten. Cette baisse de la vignette a privé le conseil général, entre 1990 et 1995, de près de 20 millions de francs de recettes annuelles.
M. Jean Chérioux. Mais c'était un bon placement !
M. Albert Vecten. Nous avons pu nous le permettre, non pas parce que le département de la Marne est plus riche que les autres...
M. Philippe Marini. Parce qu'il est bien géré !
M. Albert Vecten. ... mais parce que nous avons fait, depuis la décentralisation, un effort de gestion rigoureuse des fonds publics.
M. Jean Delaneau. Qu'est-ce que ce devait être avant ! (Sourires.)
M. Albert Vecten. Le département de la Marne n'est pas plus riche que les autres puisque son potentiel fiscal par habitant était de 1 325 francs en 1997, soit 10 % de moins que la moyenne nationale, qui s'élevait à 1 472 francs.
Le département de la Marne peut en effet se prévaloir de pratiquer la fiscalité la plus légère de France : son taux de taxe professionnelle est également le plus faible de France - il est de 3,72 %, contre un taux moyen national de 6,77 % - et les prélèvements annuels par habitant sont les plus bas de notre pays, avec 1 502 francs par habitant, contre une moyenne nationale de 2 127 francs.
Si le conseil général peut se prévaloir d'un tel niveau de fiscalité, sans pour autant être plus riche que les autres, c'est tout simplement parce qu'il est géré d'une manière très rigoureuse.
M. Jean Delaneau. Merci pour les autres ! (Sourires.)
M. Albert Vecten. Cependant, loin de moi d'idée de vouloir donner des leçons de bonne gestion. Je n'ai jamais attendu qu'on me tresse des lauriers ! Et quand le quotidien Libération écrit que je gère le conseil général avec « un bon sens de paysan », ou même avec « une philosophie de bougnat », ...
M. Philippe Marini. C'est un beau compliment !
M. Henri de Raincourt. Surtout venant de Libération !
M. Albert Vecten. ... je me contente fort bien de ces appréciations !
M. Alain Lambert, rapporteur. Très bien !
M. Albert Vecten. Il convient aussi de souligner que les dépenses de fonctionnement du conseil général sont, dans la Marne, les plus faibles de France : en 1997, elles s'élevaient à 1 817 francs par habitant contre une moyenne nationale de 2 770 francs.
De même, les frais de personnel par habitant s'élèvent à 200 francs contre une moyenne de 394 francs. Chacun peut trouver tous ces chiffres dans les statistiques du ministère de l'intérieur ou dans celles qui sont rassemblées par l'association des présidents de conseils généraux.
J'ajoute que, tout en maîtrisant ses charges de fonctionnement, la Marne conduit une politique d'investissement ambitieuse.
C'est ainsi que, en 1997, les dépenses d'investissement représentaient 49,8 % du total de notre budget, contre une moyenne nationale de 31,9 %. Cette même année, le conseil général a consacré à l'investissement 1 801 francs par habitant, contre une moyenne nationale de 1 298 francs. Il a notamment engagé la réalisation de la première plate-forme européenne multimodale de fret, Europort Vatry, qui représente à elle seule un investissement de 1,2 milliard de francs.
Pour en finir avec les chiffres, je rappellerai qu'en 1997 le conseil général de la Marne était toujours seize fois moins endetté que la moyenne des autres départements, avec une dette par habitant de seulement 159 francs.
Que reproche-t-on vraiment au département de la Marne ?
Si, essentiellement à partir de 1996, le nombre d'immatriculations dans notre département a fortement augmenté, c'est parce que les entreprises de location et de transport ont elles-mêmes calculé les économies qu'elles pouvaient réaliser en immatriculant leur parc de véhicules dans la Marne et en y acquittant donc non seulement la vignette mais également la taxe sur les cartes grises, dont le produit va au conseil régional.
La loi offrant une certaine possibilité de choix quant au lieu d'immatriculation, pourquoi ces entreprises se seraient-elles privées de réaliser des économies tout à fait légales ?
Face à ce phénomène, certains ont cependant jugé que le système de la vignette, avec ses tarifs variables d'un département à l'autre, était injuste. Mais n'en est-il pas de même pour les autres taux de fiscalité locale ?
Pensez-vous qu'il soit juste d'acquitter, selon son lieu de domiciliation, un taux de taxe d'habitation qui peut varier du simple au double ? Pensez-vous qu'il soit juste pour les entreprises d'acquitter un taux de taxe professionnelle variant, pour sa part départementale, de 3,72 % dans la Marne à 6,77 % en moyenne dans les autres départements ?
En fait, je le dis bien haut, le département de la Marne n'a jamais eu l'intention de pratiquer une quelconque politique de dumping fiscal ! Les conseillers généraux marnais n'ont jamais eu, non plus, l'intention de transformer leur territoire en paradis fiscal !
Notre seul péché a été de vouloir baisser les impôts. Est-ce vraiment condamnable ?
M. Philippe Marini. Certainement pas !
M. François Lesein. C'est la liberté !
M. Albert Vecten. Je ne le pense pas.
Pendant longtemps, la question de la fiscalité a été abordée de manière totalement absurde et anti-économique dans notre pays : lors de l'élaboration d'un budget, on prévoyait d'abord les dépenses et l'on ajustait les recettes en conséquence, toujours en augmentant les impôts.
Aujourd'hui, nos concitoyens sont las de ce recours systématique et trop facile à l'impôt. Ces derniers jours, devant les attaques contre la vignette marnaise, le quotidien de notre région, l'Union, a lancé une grande pétition citoyenne : « Touche pas à ma vignette ». Cette pétition a recueilli plus de 12 000 signatures !
Loin de moi l'idée de tenir sur ce sujet un discours démagogique. Bien sûr, il n'existe pas de démocratie sans impôt. Pour autant, nous savons aussi que trop d'impôt finit par tuer l'impôt.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Albert Vecten. Pis, trop d'impôt peut finir aussi par tuer la vitalité d'une économie.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai aussi !
M. Albert Vecten. Pour ma part, je ne défends pas le statu quo. Le problème actuel de la vignette interpelle chacun d'entre nous. Et je serai très satisfait si cela permet d'engager une véritable réflexion sur une profonde réforme de la fiscalité locale de notre pays.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Albert Vecten. Même si certains pensent actuellement que le Sénat est une « anomalie parmi les démocraties », je m'en remets, pour ma part, à la sagesse de cette assemblée pour refuser les bricolages de circonstance.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Albert Vecten. A l'Assemblée nationale, deux députés avaient déposé un amendement proposant de fixer un tarif plancher national pour la vignette. Cette proposition portait une grave atteinte à l'esprit même de la décentralisation, mettant en cause le principe de libre administration des collectivités locales. Le Gouvernement l'ayant lui-même rejeté, je n'insisterai pas.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagé à proposer par la voie réglementaire une réforme du régime d'immatriculation des véhicules. Le lieu d'immatriculation devrait désormais être le lieu de stationnement habituel des véhicules.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Philippe Marini. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Albert Vecten. Pour ma part, je m'opposerai à cette proposition, et ce pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, elle me paraît inapplicable. En effet, comment déterminer le lieu de stationnement habituel d'un camion qui fait du transport international ou d'un véhicule de location ?
M. Philippe Marini. Un véhicule, ça bouge !
M. Albert Vecten. Ensuite, je juge que cette proposition est un simple « bricolage » du code de la route et je refuse de cautionner une telle pratique.
Enfin, cette proposition aura pour seul effet de revenir à la situation antérieure, lorsque le département de Paris bénéficiait d'une véritable rente de situation grâce à la vignette des grandes sociétés de location, au motif que leurs sièges sociaux se trouvaient dans la capitale.
M. Jean Chérioux. N'en profitez pas pour attaquer Paris !
M. Albert Vecten. Etait-il juste que Paris, avec 3,6 % de la population concernée, ait perçu, en 1990, 7,2 % du produit national de la vignette, soit 836 millions de francs ? Personne n'avait alors parlé d'injustice fiscale, et pourtant des départements comme la Seine ou les Hauts-de-Seine...
M. Jean Chérioux. Il n'y a plus de département de la Seine !
M. Albert Vecten. ... ne sont pas, à ma connaissance, parmi les plus pauvres de France : le potentiel fiscal des Hauts-de-Seine, par exemple, est de 3 964 francs, soit plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Mais je ne veux pas ajouter à la polémique stérile. Je demande seulement que la question de la vignette soit étudiée dans le cadre d'une véritable réforme de la fiscalité locale. N'ayant pas l'habitude de pratiquer la langue de bois, je ne cache pas que je serai favorable à toute solution qui tendra à une simplification du système actuel, cette simplification passant notamment, à mon sens, par la suppression de la vignette.
M. François Lesein. Très bien !
M. Albert Vecten. J'attends avec impatience une proposition du Gouvernement dans ce sens, même si je sais que celui qui engagera une telle réforme devra accepter à son tour d'être accusé de « gâcher le métier ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'intervention de ma collègue et amie Marie-Claude Beaudeau, je souhaite évoquer plus particulièrement le titre III de ce projet de loi.
Celui-ci se caractérise, comme de nombreux DDOEF qui l'ont précédé, par de nouvelles atteintes au service public. Je veux parler ici, vous l'aurez compris, des articles 35, 36 et 37 du projet, qui sont relatifs à Gaz de France, à la compagnie nationale Air France et à la société nationale des poudres et explosifs, la SNPE.
Le processus de privatisation, enclenché en 1986, puis relancé en 1993, n'est pas interrompu, malgré le rejet de cette politique manifesté par les Français lors des élections législatives de 1997.
Après France Télécom, Thomson, le GAN-CIC - et l'on entend maintenant parler de l'Aérospatiale - l'engagement du gouvernement de la gauche plurielle de cesser toute privatisation est aujourd'hui confronté au mécontentement et à la frustration légitime des salariés du secteur public.
En fait, il nous semble bien que le souci de renflouer les caisses de l'Etat pour satisfaire aux critères de Maastricht se conjugue avec l'adhésion à un véritable projet politique de déstructuration et de déréglementation de notre économie, au profit des marchés financiers, par le biais de la privatisation.
Les propositions du Gouvernement, s'agissant de Gaz de France, d'Air France et de la SNPE me conduisent à formuler trois observations.
D'abord, je m'interroge : l'apport de capitaux peut-il permettre au service public de mieux assumer ses missions d'intérêt général ? Nous pensons que non.
Les investisseurs privés n'acceptent de participer au capital d'une entreprise que dans la mesure où la liquidité est assurée et la rentabilité immédiate et maximale. Or, selon nous, les missions de service public exigent une politique à long terme privilégiant les critères sociaux, humains et environnementaux et non les seuls paramètres financiers.
Certes, une entreprise publique n'a pas pour seule vocation de demeurer déficitaires, pour faire la preuve de sa fidélité à ses missions...
M. Alain Lambert. rapporteur. Ah, c'est rassurant !
M. Pierre Lefebvre. ... mais elle n'a pas non plus pour objectif de faire du profit comme toute entreprise privée.
On me rétorquera que, si l'Etat reste majoritaire dans le capital, le caractère public de la société est sauvegardé.
En vérité, nous le savons tous, le lien entre répartition du capital, d'une part, mode de gestion, d'autre part, n'est pas purement quantitatif. Il est aussi, et avant tout, qualitatif.
Le ou les opérateurs publics, présents à 51 % dans le capital d'une entreprise, peuvent se retrouver totalement subordonnés aux fluctuations boursières des actions des 49 % restants.
Les libéraux pourront prétendre que le secteur public sera ainsi ramené à la réalité du marché. Cependant, l'évolution de la Bourse constitue-t-elle véritablement un indicateur de la réalité de notre économie ? J'en doute lorsque je compare l'explosion des marchés financiers depuis quinze ans à l'atonie de notre système productif sur la même période.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. La réponse, selon nous, réside au contraire dans la démocratisation de notre service public par l'octroi aux salariés concernés des moyens de mieux contrôler et de mieux intervenir dans le processus de production et dans la gestion des investissements.
Il est tout aussi évident, en effet, au regard des expériences passées, qu'une entreprise nationalisée n'est pas en elle-même nécessairement et systématiquement acteur de progrès social.
La rénovation de notre service public passe aussi par le dialogue social au sein des entreprises et par des pouvoirs accrus du personnel et des usagers.
D'autres solutions existent pour assurer le développement économique du secteur public, à condition évidemment de sortir définitivement de la pensée unique et libérale. On peut envisager, notamment, la création d'accords industriels et commerciaux avec des entreprises dont les activités sont complémentaires et les intérêts réciproques. La place des institutionnels publics pourrait être revalorisée par l'apport de capitaux propres. De même, on pourrait recourir aux institutions financières et de crédit dont le rôle serait réorienté en faveur de l'emploi, de la relance économique et de l'efficacité sociale.
Bien évidemment, cela implique une autre perspective que celle de la monnaie unique et nous oblige à rompre radicalement avec l'entêtement libéral.
Je voudrais maintenant m'attarder sur une autre idée reçue relative aux prétendus bienfaits de la concurrence.
Nous repoussons l'argument selon lequel l'ouverture à la concurrence d'un monopole public permettrait un accès plus large des usagers à certains services et éviterait de surcroît les abus de position dominante.
L'une des règles fondamentales du service public est la péréquation tarifaire et l'égalité de traitement pour tous les usagers. En revanche, la concurrence, par définition, engendre l'inégalité et l'exclusion, car l'offre de service d'un opérateur privé est tributaire de la solvabilité du client et de la rentabilité de ses capitaux.
La légitimité de tout monopole public repose sur sa capacité à satisfaire la demande des usagers en minimisant les coûts. Tout manquement aux missions de service public reflète, le plus souvent, une démission de la puissance publique.
Imputer les faiblesses du secteur public à sa nature même est donc erroné et pernicieux, car celles-ci résultent d'un désengagement de l'Etat, financier mais aussi politique et démocratique.
Il serait trop simple, aujourd'hui, de critiquer l'incapacité du secteur public à accomplir ses missions alors que les politiques n'ont pas créé les conditions nécessaires pour mieux assurer leur fonction de contrôle et d'orientation.
Les insuffisances des services publics, au lieu de donner raison aux libéraux et aux « privatiseurs » de tout poil, les accablent et les accusent.
Enfin, on prétend que tout accord international est impossible quand il s'agit d'une société d'Etat comme la SNPE.
Ainsi, une entreprise publique n'aurait aucune chance de négocier des partenariats avec des sociétés étrangères, parce qu'elle serait publique ?
Des entreprises nationales ont pourtant montré au contraire qu'elles pouvaient se développer sur les marchés mondiaux et conquérir des parts de marché au même titre que des entreprises du secteur privé.
Ensuite, par la mise en valeur des compétences technologiques et industrielles acquises dans le cadre de l'économie française, des groupes étrangers auraient tout à gagner à s'associer avec un groupe public.
Il conviendra d'être vigilant sur la nature et la forme de ces accords afin qu'ils ne tendent pas à satisfaire des stratégies de domination et d'appropriation à long terme.
En conclusion, je sollicite le Gouvernement, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, pour que soit interrompu tout processus de privatisation et, par la même occasion, je rappelle notre proposition en faveur d'un grand service public de l'eau. Cela devient une exigence.
Face à ce que nous ressentons comme une offensive libérale, nous appelons à la démocratisation et à la rénovation du service public et non à son abandon. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme d'un échange de grande qualité, je relève la diversité des propos échangés, mais quoi de plus normal dans notre France diverse ?
Au risque de paraître bien immodeste, je reprendrai le propos de M. Lesein, qui voit dans ce texte l'un des meilleurs DDOEF de la décennie. Il s'agit, en effet, d'un bon cru, monsieur Lesein, et le compliment est mérité car, si j'ajoute aux quarante-sept articles du projet de loi initial les quinze qui ont été insérés par l'Assemblée nationale, j'obtiens un total de soixante-deux articles, c'est-à-dire moins que les soixante-dix-sept articles du texte de 1997, qui avait, à l'époque, suscité quelques critiques de la part du Président de la République !
Heureusement, pour éviter que le Gouvernement ne s'endorme sous les compliments, M. Camoin a eu la gentillesse de critiquer vigoureusement le projet de loi et, ne trouvant peut-être pas suffisamment de prise sur ce texte-là, s'est lancé dans une critique d'ensemble des budgets passés, présents et à venir présentés par le Gouvernement.
Le débat d'orientation budgétaire vous montrera, je l'espère, que le Gouvernement n'est pas optimiste, mais qu'il est résolu à renforcer la croissance solidaire. Vous constaterez également, quand nous aurons l'occasion d'en débattre, que les perspectives de croissance, de rentrées fiscales et de baisse du chômage sont réalistes. A cet égard, je fais volontiers mien le propos de M. Régnault, qui résume bien la situation économique actuelle : les indicateurs sont au vert !
Je vais maintenant reprendre les différents volets sur lesquels les orateurs ont fait porter leurs interventions, en commençant par la simplification.
M. Arnaud a exprimé sa « satisfaction ». M. Raffarin, orfèvre en la matière, a parlé de « bonne action », avançant l'idée, au demeurant intéressante, d'un bilan simplification-complexité. Dans quatre ans, nous aurons l'occasion, je pense, de dresser ensemble ce bilan car, en matière de simplification, Mme Lebranchu vous présentera des propositions tout à fait spectaculaires.
M. Raffarin a par ailleurs évoqué, à juste titre, les droits de l'entreprise. Cependant, qu'il s'agisse des entreprises ou des simples particuliers, on ne peut considérer les droits sans les devoirs, et l'on doit parfois insister sur ceux qui pèsent sur l'entreprise dans les domaines économique et social afin que l'équilibre entre les droits et les devoirs soit maintenu.
M. Régnault, parlant de consensus, a insisté, après M. Raffarin, sur le fait qu'il ne suffit pas à une entreprise de naître : il lui faut encore, si je puis dire, parvenir au stade du sevrage, c'est-à-dire dépasser l'âge difficile de cinq ans.
Il y a là, selon moi, un dossier sur lequel, dans l'esprit de consensus qu'a prôné M. Régnault, nous pourrions travailler - et quand je dis « nous », je veux dire l'Etat, les collectivités locales, les chambres consulaires et les banques - de façon que la mortalité infantile des PME diminue dans notre pays.
Vous l'aurez remarqué, le Gouvernement a récemment tiré des recettes de la vente d'une partie minoritaire du capital de France Télécom, soit une somme de 650 millions de francs, qui va permettre de compléter les efforts privés dans le domaine du capital-risque, efforts qui, tout en étant non négligeables, sont encore insuffisants.
J'en suis persuadé, une telle initiative permettra à de nombreuses jeunes entreprises d'atteindre l'âge adulte, comme nous le souhaitons.
M. Régnault a aussi mentionné la simplification du système comptable pour les très petites communes, ce que l'on appelle la M 14.
Cette comptabilité a été prévue, il est vrai, pour les communes de toute taille et pose quelques problèmes aux plus modestes d'entre elles. Sachez, monsieur Régnault, que le Gouvernement sera particulièrement attentif aux travaux actuellement menés par les associations d'élus sur ce sujet.
Toujours sur le thème de la simplification, je rassure Mme Beaudeau, qui a critiqué une disposition relative aux emplois occasionnels : le fait de simplifier leur gestion n'a pas pour but de rendre ces emplois plus précaires qu'ils ne le sont déjà ; au contraire, le Gouvernement souhaite que cette gestion simplifiée soit conduite avec les partenaires et les organismes sociaux, de façon que ces emplois occasionnels, qui sont répandus dans certaines activités, notamment saisonnières, bénéficient à l'avenir d'une meilleure protection sociale.
J'en viens maintenant aux questions relatives à l'euro et à certaines mesures de modernisation financière.
Là encore, je relève la satisfaction de M. Régnault, sentiment qui est sans doute partagé par d'autres de ses collègues. Notre pays fait en effet partie des onze pays qualifiés pour la monnaie unique, ce qui n'était pas évident il y a un an. Nous devons donc nous en réjouir collectivement.
M. Régnault a soulevé avec une grande sagacité le problème de l'adaptation des entreprises petites et moyennes à l'euro. Il est vrai que certaines d'entre elles ont attendu que la décision soit irréversible pour chercher à en mesurer les conséquences sur leur propre activité.
Le Gouvernement est d'ores et déjà très attentif à la préparation des entreprises au passage à l'euro, l'échéance étant fixée au 1er janvier 1999. Une charte de préparation des PME à l'euro a été signée, voilà un mois, entre l'Etat et vingt-deux organisations représentatives, la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, les chambres de commerce et les banques, notamment : des engagements ont été pris pour diffuser l'information nécessaire et pour sensibiliser les PME à l'échéance du 1er janvier 1999. Les commissaires aux comptes, qui ont un rôle particulièrement important, se sont engagés à faire un effort d'information sur l'avenir auprès des entreprises au moment où elles clôtureront leurs comptes de l'année 1997. Les banquiers se sont également mobilisés sur ce point.
Il s'agit là d'un effort collectif pour aller dans le sens que vous souhaitez, comme, d'ailleurs, l'ensemble de la Haute Assemblée.
Par ailleurs, un serveur Internet et des numéros verts gérés par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont au service des PME.
La gestion de fait, que vous avez abordée, monsieur Régnault, est un sujet très délicat d'un point de vue juridique. Il faut procéder, sur ce point, à une expertise conjointe des ministères concernés, à savoir le ministère de l'économie et des finances, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. J'ai pris bonne note de votre souhait en la matière.
Madame Beaudeau, vous avez déclaré que la réduction des déficits va à l'encontre de la croissance. Cela était vrai, nous devons le reconnaître, en 1995, lorsqu'un coup de frein brutal à la consommation a arrêté net le processus de reprise qui était en cours. Mais le Gouvernement - nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre - veut réduire les déficits sans aller à l'encontre de la croissance mais grâce à celle-ci. Il s'agit d'affecter une partie des ressources issues d'un retour à la croissance à la réduction des déficits. Telle est la politique menée par le Gouvernement. Nous en reparlerons lors du débat d'orientation budgétaire.
Puisque vous avez insisté sur un aspect particulier mais très important du budget de l'éducation nationale, je vous rappelle que le montant des intérêts de la dette dans le budget de l'Etat est égal au budget de l'éducation nationale. Nous ne pouvons donc à la fois accroître les intérêts de la dette et le budget de l'éducation nationale. Il est de l'intérêt de tous d'accroître celui-ci - telle est bien l'orientation du Gouvernement - et de limiter progressivement, d'ici à la fin du siècle, la progression de la dette publique, qui mange, si je puis dire, des marges de manoeuvre.
Vous avez évoqué des créations d'emploi, dans le domaine de l'enseignement, pour la Seine-Saint-Denis. Une telle mesure relève non pas du cadre juridique d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier mais, aux termes de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, d'un projet de loi de finances. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce point lors des prochains débats budgétaires.
En ce qui concerne le secteur public, la Haute Assemblée a été témoin d'un débat en son sein. En la matière, la position du Gouvernement est assez claire. La Société nationale des poudres et explosifs a été évoquée d'abord sous l'angle de la Charente, par MM. Arnaud et Raffarin, puis sous un angle plus général, par M. Lefebvre.
Dans le domaine des industries de l'espace et de la défense, nous sommes confrontés à la formidable concurrence de géants américains. Rester immobile, ce serait consentir à être dominé par cette industrie d'outre-Atlantique. Il me semble important d'appliquer avec nombre de précautions, notamment dans le domaine social, l'adage selon lequel l'union fait la force. En l'occurrence, c'est la seule façon de ménager et même de retrouver le chemin de la création d'emplois dans notre pays en général et en Charente en particulier.
Il a été question de Gaz de France. Nous aurons l'occasion d'y revenir. M. Lesein a dit que l'on consolidait Gaz de France. C'est, me semble-t-il, une réponse aux propos de Mme Beaudeau et de M. Lefebvre. M. Régnault a parlé de l'attachement du Gouvernement et de la majorité qui le soutient à une desserte plus vaste avec des garanties et des moyens amplifiés ; je vais y revenir dans un instant. En la matière, la politique du Gouvernement est de préserver le service public en lui permettant d'évoluer pour faire face à un nouveau contexte.
Monsieur Régnault, vous avez proposé l'élaboration d'un rapport annuel sur l'état de la distribution. Il s'agit d'un très bon amendement, qui sera retenu par le Gouvernement. Vous avez suggéré que, sur le plan de desserte, le conseil supérieur de l'électricité et du gaz soit consulté. Il est clair que ce souci de concertation rejoint la volonté du Gouvernement. Vous avez même suggéré, ce qui était plus difficile à accepter de la part du Gouvernement, de revoir légèrement à la hausse l'enveloppe d'investissement afin que Gaz de France puisse déployer ses activités vers des communes où la rentabilité n'est pas avérée, mais où la volonté de service public du Gouvernement et de sa majorité doit être affirmée. Je peux vous dire - nous aurons l'occasion d'en débattre - que le Gouvernement est prêt à ce que 400 millions de francs supplémentaires sur deux ans y soient consacrés. Ainsi, le périmètre de desserte par Gaz de France serait étendu à 700 nouvelles communes, ce qui est significatif. S'agissant de l'exemple particulier de Gaz de France, le respect que le Gouvernement porte aux entreprises publiques est particulièrement affirmé.
J'en viens à Air France.
A l'évidence, il existe, je le dis en toute courtoisie, un fossé entre la position de M. Lambert et plusieurs autres sénateurs, qui veulent la privatisation, et celle du Gouvernement, qui considère que Air France doit rester dans le secteur public. Comme M. Lefebvre l'a dit en termes excellents, le fait d'appartenir au secteur public ne constitue pas un handicap dans la compétition internationale. La France est fière de ses entreprises publiques, qui comme Gaz de France et Electricité de France, travaillent à l'étranger. Cela prouve bien que ces entreprises publiques ont une véritable efficacité économique.
M. Michel Charasse. En ce qui concerne la régularité des horaires d'Air France, parlons-en de l'efficacité ! Il est des mots qu'il est préférable de ne pas employer !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, votre attachement au service public d'Air France est bien connu !
M. Michel Charasse. Surtout aux horaires ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Air France a encore des progrès à faire !
M. Michel Charasse. S'agissant de ses horaires, c'est scandaleux !
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Enfin, je voudrais rassurer Mme Beaudeau : il n'est pas question, ni de près ni de loin, que la CNP quitte le secteur public. Ce qui vous est proposé, c'est que le personnel fonctionnaire qui y travaille actuellement soit mis à disposition pour dix ans de plus et que, ensuite, la gestion par la Caisse des dépôts et consignations se fasse en totale concertation avec le personnel. Très sincèrement, il n'y a aucune menace...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Alors, il faut retirer la CNP de la liste des entreprises privatisables !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et les éléments du dispositif doivent rassurer le personnel de la CNP.
J'en viens au quatrième point, à savoir le volet santé et environnement, et notamment à la fameuse taxe d'équarrissage.
M. Arnaud, avec l'honnêteté que chacun lui connaît, a dit qu'il ne fallait pas répéter le fâcheux précédent de 1996. M. Régnault a rappelé que, à l'époque, ce dispositif avait été pris pour ne pas imposer aux maires la charge d'éliminer les carcasses abandonnées au hasard des terrains ruraux. Il est clair qu'il importe de trouver une solution pour éliminer ces farines animales. Nous examinerons les chiffres : 80 % ou 90 % ; quoi qu'il en soit, le seuil qui a été fixé par le Gouvernement est suffisamment élevé pour épargner les artisans importants du secteur de la boucherie et de la charcuterie. Nous reviendrons sur ce point.
S'agissant de la vignette automobile, M. Vecten a fait un exposé remarquable en ce qui concerne tant la conviction que l'argumentation. Il a souligné, et c'est un fait, que dans le département de la Marne, le nombre d'immatriculations avait augmenté. En effet, celui-ci est passé de 25 000 véhicules en 1989 à 165 000 en 1997.
Le problème, monsieur le sénateur, n'est pas la Marne ; personne n'en veut particulièrement à ce département, qui a toute sa place au sein de notre République. Le problème provient du fait que des contribuables trop habiles et avisés ont profité de la disposition concernée pour localiser dans ce département des véhicules qui n'y séjourneront jamais. Si 165 000 véhicules parcouraient chaque année les routes de la Marne, les frais de fonctionnement seraient considérables !
C'est pourquoi je vous confirme que le Gouvernement propose un dispositif visant à interdire la localisation fictive des véhicules dans un quelconque département français. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Hilaire Flandre. C'était vrai à Paris avant !
M. Philippe Marini. On sanctionne la bonne gestion !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai dit : « un quelconque département » ! Donc, les choses sont claires.
J'en viens aux dispositions diverses, mais importantes.
M. Régnault a ouvert un certain nombre de pistes en ce qui concerne les réformes fiscales : fiscalité du patrimoine, fiscalité locale, fiscalité des associations et fiscalité écologique. En la matière, le Gouvernement en est au stade de la réflexion. Il écoute les idées qui sont émises dans notre pays et il arrêtera ses choix le moment venu, et il reviendra bien évidemment au Parlement de prendre les décisions ultimes.
S'agissant des collectivités locales, les idées développées avec insistance par M. Régnault et qui concernent la péréquation renforcée ainsi que l'intercommunalité constituent des pistes précieuses, sur lesquelles le Gouvernement travaille avec une attention particulière et entend débattre rapidement tant avec les parlementaires qu'avec les associations d'élus.
A l'évidence, certaines communes ne disposent pas des ressources nécessaires pour leur permettre de développer leur projet de développement et de résoudre les difficultés générées par un taux de chômage particulièrement important dans certains quartiers. La péréquation renforcée et l'intercommunalité constituent incontestablement des pistes pour dégager des ressources supplémentaires en faveur des communes les plus nécessiteuses.
Je ferai encore deux remarques pour répondre à M. Camoin, et j'en terminerai là, monsieur le président.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le dispositif Périssol.
Nous avons souhaité le prolonger pour qu'il n'y ait pas, entre l'application de l'ancien dispositif et la mise en place, sur proposition du Gouvernement, du futur dispositif, de hiatus qui pourrait porter un coup à l'industrie du bâtiment, laquelle est importante en termes d'emplois.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais je voudrais tout de même dire que ce dispositif est onéreux - il coûtera plus de 2,5 milliards de francs en l'an 2000 - alors que son équité est plus que discutable puisqu'il bénéficie de façon privilégiée à des ménages qui ne sont pas parmi les plus modestes dans notre pays. Nous cherchons donc un dispositif, et la Haute Assemblée aura l'occasion d'en débattre.
En ce qui concerne les quirats, le Gouvernement a décidé, l'an dernier, d'en proposer la suppression. Le coût de ce dispositif s'élevait à 2 milliards de francs par an, le coût par emploi sauvegardé ou créé étant de 5 millions de francs. Ce dispositif n'était donc pas le plus performant. Nous nous étions engagés à trouver un dispositif de substitution pour soutenir la flotte de commerce. La mesure proposée va, je crois, dans le bon sens, et les armateurs, qui ont été associés à cette réflexion, approuvent d'ailleurs le dispositif qui vous est suggéré. Je crois que, en la matière, nous avons travaillé correctement, c'est-à-dire dans le sens de l'emploi et de la justice fiscale.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je voulais apporter aux très intéressantes interventions qui se sont succédé dans cette discussion générale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Vecten applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.

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