Séance du 13 mai 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Commission consultative du secret de la défense nationale. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires russes (p. 2 ).

4. Commission consultative du secret de la défense nationale. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 3 ).
Discussion générale (suite) : MM. Bertrand Delanoë, Jean-Luc Bécart.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 4 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 5 )

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Bertrand Delanoë. - Adoption.
Amendement n° 10 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 6 )

Amendement n° 3 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Penne. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 7 )

Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 8 )

Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 8 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 9 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l'ensemble du projet de loi.

5. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 10 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 11 )

6. Profession d'artisan boulanger. - Adoption d'une proposition de loi (p. 12 ).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; MM. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Pastor, Mmes Joëlle Dusseau, Odette Terrade, MM. Bernard Barraux, Alphonse Arzel.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 13 )

Article L. 121-80 du code de la consommation. -
Adoption (p. 14 )

Article L. 121-81 du code précité
(p. 15 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article du code.

Article L. 121-82 du code précité (p. 16 )

Amendement n° 3 rectifié de Mme Dusseau. - Mmes Joëlle Dusseau, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article du code.

Article L. 121-83 du code précité. - Adoption (p. 17 )

Adoption de l'article unique.

Article additionnel après l'article unique (p. 18 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Vote sur l'ensemble (p. 19 )

Mme Janine Bardou, MM. Louis Moinard, Paul Blanc, Jacques Habert, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de la proposition de loi.

7. Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire (p. 20 ).

8. Dépôt de rapports (p. 21 ).

9. Dépôt d'un avis (p. 22 ).

10. Ordre du jour (p. 23 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET
DE LA DÉFENSE NATIONALE

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 404, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense nationale. [Rapport n° 422 (1997-1998).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que le Gouvernement vous présente en deuxième lecture a pour objet de créer une commission consultative du secret de la défense nationale.
Cette mesure s'inscrit dans le mouvement, déjà engagé de longue date, tendant à mieux encadrer, au profit des libertés des citoyens, l'action de l'administration dans l'exercice de ses diverses missions. Elle avait en outre, vous vous en souvenez, fait l'objet d'un engagement de la part du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
Ce texte va permettre de bien préciser le régime juridique du secret de la défense nationale en lui conférant un équilibre prenant pleinement en compte la protection des citoyens.
Les débats qui se sont déroulés lors des précédentes lectures ont confirmé que la représentation nationale ne remettait nullement en cause l'existence du secret de la défense, qui est indispensable pour protéger notre démocratie, notamment eu égard à l'ampleur de ses responsabilités internationales, contre les menaces auxquelles elle peut être confrontée.
Dès lors, nous pouvons convenir qu'il est nécessaire de créer une instance permettant de prévenir les abus possibles dans l'utilisation du secret défense.
Compte tenu de la nature même de celui-ci, son régime juridique laisse une importante marge de manoeuvre à l'exécutif, qui est responsable en dernier ressort, sous le contrôle du Parlement, de la sécurité nationale.
Dans l'état actuel du droit, lorsque l'exécutif oppose le secret de la défense à un juge, celui-ci ne peut - il y a une jurisprudence constante en la matière - que prendre acte de cette opposition et rendre son jugement en vertu des éléments en sa possession.
Cependant, les difficultés rencontrées devant certaines juridictions ont suscité des interrogations légitimes quant à l'utilisation parfois détournée du secret de la défense. En particulier dans certaines affaires, le refus de communiquer des informations a compromis le bon déroulement de l'enquête, alors que la légitimité de l'invocation du secret de la défense par l'exécutif pouvait être discutée.
Le présent projet de loi vise donc à dissiper ce doute, et l'Assemblée nationale comme le Sénat ont, lors des précédentes lectures, fait part de leur accord sur cet objectif.
Je veux d'ailleurs vous exprimer la satisfaction du Gouvernement devant l'accueil qu'a reçu ici ce projet de loi puisque la Haute Assemblée en a approuvé l'orientation générale et a loyalement cherché à l'améliorer afin de garantir l'efficacité de la commission consultative du secret de la défense nationale.
Un consensus est déjà intervenu entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la composition de la commission, qui inclura des parlementaires.
Des divergences subsistent, certes, sur certains points, entre les deux chambres, mais elles me paraissent surmontables. C'est bien entendu sur les points en question que va porter notre débat cet après-midi.
J'en retiendrai trois, qui revêtent une certaine importance. Sur les deux premiers, l'Assemblée nationale a modifié le texte que lui avait transmis le Sénat. Le troisième est un peu nouveau, et le Gouvernement s'efforce, à cet égard, de tenir compte de la dynamique du débat entre les deux chambres en envisageant l'institution d'un vice-président au sein de la commission consultative.
S'agissant du premier point, qui est relatif à la compétence de la commission consultative pour les secrets opposés aux commissions parlementaires, y compris les commissions d'enquête, le Gouvernement persiste à estimer, rejoint en cela par l'Assemblée nationale, que le présent projet de loi ne saurait avoir pour objet de prévoir que la commission consultative du secret de la défense nationale se prononce sur la demande d'une commission parlementaire.
Une commission parlementaire, qu'il s'agisse d'une commission permanente ou d'une commission d'enquête, est une instance démocratique, qui exerce un contrôle politique. Par conséquent, confier à une commission qui a plutôt une orientation juridictionnelle le soin d'apprécier un désaccord entre l'exécutif et une commission parlementaire ne paraît pas conforme à l'esprit de nos institutions.
J'en viens au deuxième point de divergence entre les deux chambres.
En première lecture, le Sénat a souhaité que l'autorité responsable ne saisisse la commission consultative du secret de la défense nationale que dans les cas où le Gouvernement ne s'estime pas en mesure de procéder directement à la déclassification demandée.
Le Gouvernement insistera pour maintenir la solution d'une transmission de toutes les demandes de déclassification par l'autorité administrative. Il n'est pas dans l'esprit de ce projet de loi de faire de la commission consultative du secret de la défense nationale une sorte d'instance d'appel après un refus de communication opposé par l'exécutif. Cette commission doit être, conformément à la logique générale des autorités administratives indépendantes, une instance de réflexion permettant aux autorités administratives et, en définitive, à l'exécutif, de prendre ou non des décisions de déclassification en s'appuyant sur un avis éclairé et indépendant, qui sera d'ailleurs, pour l'autorité exécutive, un avis motivé.
De même, il nous paraît important que la saisine de la commission consultative soit exhaustive et qu'elle s'effectue donc dans tous les cas où une demande émane d'une juridiction. Cela permettra en outre aux juridictions de disposer d'une jurisprudence solide de la commission consultative et de procéder à la comparaison de nombreux précédents.
S'agissant, enfin, du troisième point qui donne matière à débat, votre commission propose que la nouvelle autorité administrative indépendante compte parmi ses membres un vice-président qui suppléerait le président en cas d'absence ou d'empêchement.
Cette suggestion peut être mise en regard de celle qui a été émise précédemment, sans recueillir l'accord du Gouvernement, et qui prévoyait qu'un membre de la commission pourrait assister le président dans ses investigations.
L'institution d'un vice-président apparaît au Gouvernement comme un meilleur gage d'efficacité et de continuité dans le fonctionnement de la commission consulative. En effet, le choix du vice-président est fait en même temps que celui du président et cela évite à ce dernier d'opérer une sélection parmi ses collègues. Le Gouvernement est donc très ouvert à l'amendement de votre commission, qui lui semble de nature à améliorer le texte.
La discussion des articles va permettre de réexaminer l'ensemble du projet de loi et de débattre, notamment sur les trois points que je viens d'évoquer. Je suis convaincu que, au terme de cette discussion ,qui sera certainemement de grande qualité, empreinte du souci de voir cette nouvelle institution réussir, nous disposerons d'un texte faisant réellement progresser le dispositif juridique qui vise à conforter les garanties offertes aux justiciables.
En soumettant cette réforme à votre approbation, le Gouvernement souhaite instaurer un climat de confiance encore mieux établi, en assurant un meilleur équilibre entre le maintien d'un secret efficace et la consolidation des droits des citoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte instituant une commission consultative du secret de la défense nationale, après une deuxième lecture à l'Assemblée nationale, revient devant la Haute Assemblée sans que celle-ci y retrouve les principales modifications qu'elle y avait apportées.
En effet, à l'exception de quelques points d'accord sur des améliorations rédactionnelles qu'avait adoptées le Sénat, des divergences sensibles demeurent sur des dispositions essentielles.
Si l'Assemblée nationale et le Sénat ont pu constater leur accord quant au principe même de la création de la commission consultative, les deux chambres divergent sur l'ampleur des compétences qui peuvent être attribuées à cette dernière.
Notre commission, en effet, reste soucieuse de créer un instrument juridique crédible et de plein exercice, à même de permettre tant à la justice qu'à la représentation nationale - c'est-à-dire, en fait, au citoyen - de bénéficier d'une transparence accrue.
Le premier objectif du Sénat et de votre commission est de donner à la future commission consultative du secret de la défense nationale des compétences plus significatives que celles qui étaient prévues dans le projet initial.
C'est pourquoi la commission proposera à nouveau d'inscrire la possibilité donnée à une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine de la commission consultative.
Deux raisons au moins plaident en faveur d'une telle disposition.
La première raison renvoie à l'avis formulé par le Conseil d'Etat dans son rapport de 1995, où il préconisait la création d'une commission du secret de la défense. Il estimait utile une telle instance pour « satisfaire à la règle d'accès indirect aux données couvertes par le secret défense, quelles que soient les circonstances où se trouve posé un problème touchant à celui-ci [...] y compris en cas de litige devant la juridiction administrative ou judiciaire ».
Le Conseil d'Etat n'entendait donc pas limiter a priori les compétences de la future commission aux seuls procédures engagées devant les juridictions. Le Sénat partage cette ambition que le projet de loi ne retient pas.
La seconde raison se fonde sur l'accroissement - modeste - des pouvoirs de contrôle du Parlement qui pourrait résulter de la possibilité ainsi donnée à une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine. Loin de modifier l'équilibre institutionnel actuel, un tel dispositif laisserait à l'autorité en charge de la classification toute latitude pour décider in fine de ce qu'il lui paraît approprié de faire.
Le deuxième objectif du Sénat est de faire de la commission consultative une instance de plein exercice avec une présidence propre.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, n'a pas retenu la modification, apportée par le Sénat, tendant à permettre de doter d'une présidence spécifique la commission consultative du secret de la défense nationale. Reprenant la formulation du projet de loi initial, elle a réinscrit le principe d'une présidence commune de droit à cette future commission consultative et à l'actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS.
L'argument avancé d'un souci d'économie de moyens résiste mal à l'examen. Il eût été préférable, dans ce cas, d'élargir les conséquences de l'actuelle CNCIS à celles qui sont prévues pour la future commission consultative et de ne créer aucune instance nouvelle. A défaut, la logique tant administrative que juridique est, au contraire, de donner une présidence autonome à la commission consultative.
Au surplus, si les compétences de chacune de ces deux autorités administratives indépendantes sont certes voisines en ce qu'elles ont trait à des informations sensibles protégées par le secret de la défense nationale, elles sont loin de se recouper totalement et l'on pourrait même imaginer des hypothèses dans lesquelles une décision de la CNCIS pourrait être ensuite soumise à la commission consultative du secret de la défense nationale.
La commission vous invitera donc, sur ces deux premiers points, mes chers collègues, à reprendre le dispositif voté par le Sénat en première lecture.
Par-delà ces dispositions, à nos yeux essentielles, il y a d'autres modifications importantes que l'Assemblée nationale n'a pas retenues. Il en est ainsi, tout d'abord, de l'institution d'une double procédure de déclassification, ou plutôt, devrais-je dire, du maintien de l'actuelle faculté de déclassification directe ; ensuite, de la préservation des pouvoirs spécifiques d'investigation du président de la commission consultative ; enfin, des critères de référence proposés à l'appréciation de la commission consultative pour la formulation de son avis.
Sur ces trois sujets, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous préciserai lors de l'examen des articles les raisons qui ont conduit la commission à reprendre, là encore, pour cette deuxième lecture, les modifications que le Sénat avait jugé bon d'apporter au projet de loi initial. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

3

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES RUSSES

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Conseil de la Fédération de la Russie, conduite par son président, M. Egor Stroev, qui est venue en France à l'invitation de M. le président du Sénat et que j'ai eu l'honneur d'accueillir à son arrivée.
Nous espérons tous que cette visite permettra d'approfondir les relations entre nos deux chambres hautes, notamment grâce aux groupes d'amitié qui, dans chaque assemblée, permettent d'enrichir l'amitié entre la France et la Russie. Je salue, à cet égard, la présence, parmi nos collègues russes, de M. Ketchkine, président du groupe d'amitié Russie-France du Conseil de la Fédération, accompagné par notre collègue M. Chaumont, qui est son homologue au sein du Sénat de la République française.
Nous espérons aussi que ce séjour permettra de mettre en oeuvre une coopération dynamique entre collectivités locales russes et françaises.
Au nom de la Haute Assemblée tout entière, je souhaite donc à nos collègues russes et au président de leur délégation la bienvenue, et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à fortifier les liens d'amitié entre nos deux pays. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET
DE LA DÉFENSE NATIONALE

Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 404, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer, en deuxième lecture, sur le projet de loi instituant une commission consultative du secret de la défense nationale.
Selon nous, ce texte a une grande importance dans l'oeuvre de réhabilitation du rôle de l'Etat entamée, il y a un an, par le gouvernement de Lionel Jospin. Il vise principalement, je le rappelle, à écarter les soupçons qui pèsent sur l'utilisation du secret défense et à en limiter les éventuels abus. Le secret défense est nécessaire, il existe un consensus à ce sujet, je crois. Cependant, nous devons veiller à en prévenir les excès et, surtout, à assurer la transparence des règles qui président à son utilisation. C'est en effet un usage perverti du secret défense qui affaiblit l'Etat et accroît la méfiance de nos concitoyens.
Notre assemblée, en première lecture, avait assez profondément modifié la teneur de ce projet de loi, tant et si bien que le groupe socialiste avait dû s'abstenir de le voter, ce qui est un paradoxe. Favorables au dispositif présenté par le Gouvernement, qui allait dans le sens d'un renforcement des libertés individuelles et d'une modernisation de notre démocratie, nous estimions que le projet de loi, tel qu'il avait été amendé par le Sénat, n'était plus équilibré.
Sur deux points plus particulièrement il avait été transformé. Le premier consistait à permettre à une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine de la commission consultative. Le second concernait la saisine automatique de la commission par l'autorité administrative.
Sur ces aspects, à l'occasion de cette deuxième lecture, notre rapporteur réitère ses remarques. Ayant conservé la même opinion, je serai très bref pour exprimer notre position sur ces deux points.
Premièrement, il nous semble qu'il faut garder à cette commission consultative son caractère original : elle doit vérifier si la déclassification d'un document qui lui est demandée, dans un cas particulier, est directement nécessaire pour la bonne administration de la justice.
Nous sommes là au coeur de la nature de cette nouvelle commission. Il ne faut pas que ses avis deviennent des enjeux à caractère politique. Si nous acceptions que les commissions parlementaires, qui sont, elles, éminemment politiques - à juste titre - saisissent la commission consultative, nous risquerions alors de la voir s'immiscer entre l'exécutif et le législatif. Ce n'est pas l'objectif recherché.
En outre, si une commission parlementaire se doit, en effet, d'exercer un contrôle politique, elle ne doit en aucun cas intervenir dans des affaires qui font l'objet d'une action judiciaire. Prévoir la possibilité d'une saisine par une commission parlementaire y conduirait à coup sûr, tôt ou tard.
En ce qui concerne, deuxièmement, la saisine de cette nouvelle commission, il nous apparaît toujours préférable que toutes les demandes soient transmises par l'autorité administrative. Si tel n'était pas le cas, la commission n'interviendrait plus qu'en cas de refus antérieur d'un ministre. Elle verrait alors son rôle s'appauvrir, puisqu'elle ne deviendrait ainsi qu'une instance d'appel. Nous ne sommes pas favorables à une telle dérive de l'action de la future commission, qui se trouverait considérablement affaiblie avant même d'avoir vu le jour.
Malgré les divergences de fond qui persistent, je me réjouis toutefois que nos collègues de l'Assemblée nationale aient repris quelques modifications apportées par le Sénat. Je pense, en particulier, à une disposition que nous avions soutenue ensemble, et qui prévoit que la commission consultative émet son avis de manière publique et de façon concomitante avec l'autorité exécutive. Je crois que, sur des sujets de cette importance, nous y gagnerons tous en sérénité et en sérieux.
Je suis, par ailleurs, toujours favorable à ce que l'on ne prévoie pas, dans la loi, l'automaticité de la présidence commune entre cette nouvelle commission et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Je m'explique. Dans les faits, cette double présidence ne me gêne pas, et je la comprends. Vous le voyez, monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur ce point. En revanche, je ne vous suis pas du tout sur les considérations que vous avez cru devoir ajouter dans votre rapport, faisant du texte gouvernemental un projet de circonstance.
M. Nicolas About, rapporteur. J'ai eu tort ! (Sourires.)
M. Bertrand Delanoë. Alors, si vous le dites, je n'insiste pas ! (Nouveaux sourires.)
Au-delà d'un certain nombre de divergences, nous pouvons cependant constater ensemble que cette loi constituera un réel progrès. Il me semble que, sur l'esprit du texte, nous sommes d'accord.
C'est donc un réel progrès que ce projet de loi consacre, et je tiens à le souligner avec d'autant plus de force que, pour les raisons évoquées précédemment, le groupe socialiste, qui avait été conduit à s'abstenir en première lecture, sera sans doute contraint de s'abstenir encore à l'issue de cette deuxième lecture.
Nous sommes donc favorables à ce projet de loi, car la création de cette commission consultative du secret de la défense nationale, sa composition, qui a, elle, reçu l'assentiment des deux assemblées, et son positionnement, entre l'exécutif et le juge, garantiront une réelle transparence, qui redonnera une nouvelle légitimité au secret défense. C'est une évolution, approuvée, je crois, par l'opinion publique, qui permettra d'en garantir l'emploi à bon escient.
Il faut également voir, dans ce souci de transparence, le témoignage de l'effort entrepris par le Gouvernement pour restaurer la confiance de nos concitoyens dans la justice et dans l'Etat et pour établir un nouveau pacte républicain fondé sur le retour aux sources de notre démocratie. C'est un processus de longue haleine, dont ce projet de loi marquera certainement une étape importante. C'est la raison pour laquelle nous l'approuvons dans la rédaction qui nous est soumise. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les modifications apportées par les députés lors de l'examen de ce projet de loi en deuxième lecture et les amendements proposés par M. About, rapporteur de la commission des lois du Sénat, illustrent bien la persistance de divergences sérieuses entre nos deux assemblées.
Cependant, il faut se féliciter de ce que les deux chambres aient maintenu le principe de la présence de deux parlementaires au sein de la commission consultative du secret de la défense nationale, alors qu'elle n'était pas envisagée dans le projet initial.
Cet acquis aura pour vertu de conférer une autorité supplémentaire à cette nouvelle commission et ne peut que contribuer à valoriser le rôle du Parlement.
L'accès au secret défense n'est plus le monopole exclusif de l'exécutif sans que cela fragilise pour autant le processus de classification-déclassification de documents secrets.
L'équilibre ainsi atteint par ce texte ne nous interdit cependant pas d'aller plus loin à l'avenir vers une réforme plus ample du secret défense.
Nous ne considérons pas la création d'une commission chargée d'émettre un avis sur la levée ou non du secret défense comme étant une fin en soi. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, que cette autorité nouvellement instituée soit également habilitée pour être consultée par l'autorité politique sur la nécessité de classer des informations ?
En effet, les avancées que contient ce projet de loi ne peuvent occulter le problème de l'abus du secret défense, abus qui demeure possible malgré tout.
Notre souci aura été, au cours des débats, de préserver l'intégrité de la commission consultative dans le cadre défini par le texte. Je veux parler, bien entendu, de son indépendance vis-à-vis de l'autorité politique qui l'a conçue, de sa neutralité par rapport aux pressions qui pourraient s'exercer sur elle et de son efficacité dans la procédure de saisine.
C'est pourquoi notre groupe appuie certaines des propositions de la commission des affaires étrangères et de son rapporteur.
La possibilité, pour une commission d'enquête parlementaire, de saisir la commission consultative, au même titre que n'importe quelle juridiction française, faciliterait selon nous les relations entre le législatif et l'exécutif, sans que la séparation des pouvoirs soit remise en cause.
A l'instar de la mission parlementaire d'information sur le Rwanda - il ne s'agit pas d'une commission d'enquête, il est vrai - l'accès aux documents et informations classés concernant la période du génocide des Tutsi permettrait certainement de démêler les interprétations contradictoires et de mettre un terme aux rumeurs sur la part de responsabilité de la France dans le soutien au régime du dictateur Habyarimana.
Sans préjuger les résultats de ses travaux, il est à craindre que cette mission d'information ne bute, en définitive, sur une zone d'ombre, faute d'éléments suffisants et parfaitement fiables.
C'est la raison pour laquelle notre groupe votera sans réserve l'amendement n° 1 de la commission, qui tend à compléter avantageusement les avancées du texte.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a jugé bon de revenir sur la notion de présidence commune à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et à la commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN.
Sur ce point s'opposent, en vérité, des raisons pratiques, d'un part, et des raisons de principe, d'autre part.
Sans mettre en cause en quoi que ce soit les compétences de l'actuel président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, je suis, pour ma part, convaincu que d'autres personnalités sont à même de remplir les fonctions de président de la future commission consultative du secret de la défense nationale.
La dissociation des présidences permettrait, selon nous, de limiter les risques d'interférences dans les attributions des deux commissions, et d'éviter une confusion des fonctions là où la transparence et la rigueur doivent primer.
Pourquoi ne pas envisager, pendant la période de mise en place de la CCSDN - pour la durée d'un mandat par exemple - de confier à un seul et même titulaire les deux fonctions, pour ensuite revenir définitivement au principe « une fonction, un mandataire » ? Ce pourrait être une solution de compromis.
Néanmoins, nous nous rallierons sur le principe à la proposition du rapporteur, M. Nicolas About.
En revanche, nous continuons à défendre le principe de l'automaticité de la saisine.
La CCSDN, pour s'affirmer comme instance incontournable, doit en effet être en mesure d'examiner les demandes sans exclusive émanant d'une juridiction ou, espérons-le, d'une commission d'enquête parlementaire.
Ces observations étant faites, j'indique que notre groupe votera ce texte en raison des innovations incontestables qu'il comporte pour notre démocratie et pour les libertés publiques.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Il est institué une Commission consultative du secret de la défense nationale. Cette commission est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises.
« L'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction française. »
Par amendement n° 1, M. About, au nom de la commission, propose de compléter in fine le second alinéa de cet article par les mots suivants : « , ou d'une commission parlementaire exerçant sa mission dans les conditions fixées par les articles 5 bis, 5 ter ou 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées Cet amendement prévoit la possibilité pour une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine.
J'ajouterai simplement que j'ai été très surpris de voir l'A1ssemblée nationale privée d'un trait de plume le Parlement de la possibilité, modeste mais malgré tout significative, d'accroître son pouvoir de contrôle, alors même que, selon moi, l'équilibre institutionnel, auquel le Sénat est attaché autant que quiconque, ne s'en trouvait pas modifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Gouvernement maintient sa position et voudrait convaincre M. le rapporteur et la commission que l'enjeu n'est pas un accroissement des pouvoirs des commissions parlementaires puisque leurs pouvoirs découlent des textes constitutionnels, textes que nous ne sommes pas en train de modifier.
Lorsqu'une commission parlementaire dans son activité normale de contrôle ou une mission d'information ou une commission d'enquête parlementaire souhaite accéder à certaines informations ou à certains documents, elle en fait aujourd'hui, de toute manière, la demande au Gouvernement, lequel a la faculté de déclassifier, s'il l'estime nécessaire, les informations et documents concernés.
Pour reprendre l'exemple cité par M. Jean-Luc Bécart à l'instant, je dirai que c'est exactement ce que le Gouvernement a choisi de faire devant la mission d'information qui a été créée par l'Assemblée nationale, s'agissant des événements du Rwanda entre 1990 et 1994. Le fait que cette demande transite par une commission consultative dont ce n'est pas l'objet n'accroît en rien les pouvoirs de l'une ou l'autre des assemblées. C'est toujours le Gouvernement qui appréciera.
Vous pouvez estimer, dans la situation politique dans laquelle vous êtes, que cela mettrait éventuellement en position de faiblesse un gouvernement qui souhaiterait s'opposer à la déclassification, puisque son refus serait éventuellement fragilisé par un avis en faveur de la déclassification émanant d'une commission indépendante, ce qui, dans votre esprit, montre sans doute l'importance morale de cette commission.
Nous pensons véritablement que ce serait dénaturer son rôle, alors que les deux chambres du Parlement et le Gouvernement se sont entendus pour faire figurer des parlementaires dans cette commission, avec une sorte de contrat moral selon lequel il y aura en permanence un parlementaire de la majorité et un parlementaire de l'opposition dans cette commission.
Vous voyez bien que l'autorité morale des trois autres membres de la commission saisie d'une demande qui aura une répercussion politique sur l'actualité, qui se situera vraisemblablement dans un climat un peu tendu, voire polémique, ne pourra pas être renforcée par le fait d'avoir à se prononcer, en plus sans autorité, puisque c'est le Gouvernement, qui tranchera en définitive sur une telle demande.
Je tiens à vous rendre attentifs au fait qu'aucune autre autorité indépendante qui a acquis une véritable crédibilité, une véritable audience dans notre vie institutionnelle, n'est placée dans une telle situation. Ainsi, la commission d'accès aux documents administratifs - qui n'est jamais saisie par le Parlement - la commission nationale de l'informatique et des libertés ou a fortiori les commissions à compétence financière ne sont jamais amenées à jouer un rôle, qui serait forcément artificiel, de prétendu arbitre entre une chambre du Parlement et le Gouvernement.
Par conséquent, je comprends parfaitement, en tant que démarche politique, à un moment où vous vous trouvez dans l'opposition, que cela vous paraisse tactiquement utile, mais il ne me semble pas que ce soit de la législation cohérente. C'est pourquoi le Gouvernement demande au Sénat, dans sa sagesse, de ne pas maintenir cette position.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. _ La Commission consultative du secret de la défense nationale comprend cinq membres :
« _ un président qui est, de droit, le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, et deux membres choisis par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;
« _ un député, désigné pour la durée de la législature par le Président de l'Assemblée nationale ;
« _ un sénateur, désigné après chaque renouvellement partiel du Sénat par le Président du Sénat.
« Le mandat des membres de la commission n'est pas renouvelable.
« Le mandat des membres non parlementaires de la commission est de six ans.
« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu'en cas d'empêchement constaté par celle-ci. Les membres de la commission désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat. Par dérogation au cinquième alinéa, lorsque leur nomination est intervenue moins de deux ans avant l'expiration du mandat de leur prédécesseur, ils peuvent être renouvelés en qualité de membre de la commission. »
Par amendement n° 2, M. About, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : « un président », de supprimer les mots : « qui est, de droit, le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. L'Assemblée nationale a voulu réinscrire le principe d'une présidence commune de droit. Nous considérons, pour notre part, qu'il faut revenir au texte adopté sur ce point par le Sénat, car l'automaticité de cette présidence commune ne nous paraît pas logique. Il nous semble plus cohérent et juridiquement plus clair de ne pas prévoir une telle identité de présidence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En l'occurence, nous sommes beaucoup plus dans l'ordre de la démarche pratique et de la recheche, tout à fait partagée, du bon fonctionnement de cette commission.
Le Gouvernement est principalement déterminé par des préoccupations pratiques. La charge matérielle résultant de la présidence de tels organismes est relativement réduite. Il nous paraît plus simple - c'est une petite réforme de l'Etat mais elle répond à un souci d'efficacité - de ne pas multiplier les membres et les services de telles commissions.
De surcroît, dans la recherche d'un bon équilibre entre des nécessités qui sont éminentes et que chacun, ici, a présent à l'esprit, il nous paraît intéressant que la même autorité dirige les débats des deux instances, puisque l'un des motifs essentiels d'intervention de la CNCIS est précisément la prise en compte des nécessités du secret de la défense. Il s'agit de choses qui ne sont pas faciles à apprécier et qui demandent une habitude intellectuelle. Il nous semble que la présidence commune est un facteur de bonne harmonie entre les démarches des deux instances.
Je tiens à souligner qu'il ne peut y avoir de conflit d'intérêt touchant à la présidence commune puisque la CNCIS est seulement chargée, lorsqu'elle estime qu'une écoute a été autorisée irrégulièrement, d'adresser au Premier ministre une recommandation en vue d'interrompre cette interception. La commission consultative du secret de la défense nationale n'aura jamais à s'exprimer sur ce point ; elle se prononcera seulement sur des documents qu'il lui sera demandé de déclassifier.
Il me semble - c'est la position du Gouvernement, je ne vous apprends rien - que la présidence commune présente une commodité pratique et permettra une plus grande efficacité des deux instances.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Bertrand Delanoë. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë. Je serai bref car, en l'occurrence, nous sommes - et c'est une originalité - plutôt d'accord avec M. le rapporteur qu'avec M. le ministre.
Je comprends tout à fait les arguments de M. le ministre, selon lesquels il serait plus pratique d'avoir le même président pour les deux organismes. Cependant, nous sommes en train d'élaborer la loi. Aussi, sans reprendre tous les arguments qui ont été évoqués par les uns et par les autres, je dirai qu'il s'agit de deux commissions distinctes et que l'exécutif a donc la possibilité de nommer le même président.
M. Maurice Lombard. Parfaitement !
M. Bertrand Delanoë. Compte tenu de l'amendement de la commission, rien n'empêche de le faire. L'hésitation que l'on peut avoir porte sur le point de le rendre obligatoire, dans la mesure où il y a deux commissions différentes. Les membres du groupe socialiste n'ayant pas été complètement convaincus, ils voteront l'amendement présenté par M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10, le Gouvernement propose, dans le deuxième alinéa de l'article 2, de remplacer les mots : « et deux membres » par les mots : « un vice-président qui le supplée en cas d'absence ou d'empêchement et un membre ».
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. La question de la présence d'un « coadjuteur » du président a été débattue au sein des deux assemblées. Les députés ont souligné que les fonctions du président pouvaient être interrompues, ne serait-ce que par une indisponibilité personnelle de ce dernier, pendant une période de congé où il serait trop éloigné pour être facilement atteint par un hélicoptère. Il nous a donc paru raisonnable de prévoir une forme de suppléance.
Pour autant, un certain nombre de responsabilités s'attachent à la fonction du président. En effet, il n'a pas simplement pour tâche de statuer, avec ses collègues, sur l'opportunité ou non de déclassifier un document ; il a également - c'est une des prérogatives morales, en quelque sorte, de la commission - la possibilité de procéder à des investigations sur les conditions dans lesquelles a été classé un document ou sur le contenu de documents annexes afin de mieux comprendre l'enjeu de la demande de déclassification. Il dispose donc de pouvoirs d'investigation spécifiques et il nous a paru difficile de partager ceux-ci avec un membre de la commission qui n'aurait pas été choisi par les mêmes autorités.
Le Gouvernement, après mûre réflexion et sur la suggestion d'un député, propose l'instauration d'un vice-président qui soit en mesure de suppléer le président de la commission en cas d'absence ou d'empêchement, ce qui aboutit à modifier le premier alinéa de l'article 5 dans le sens proposé par la commission. En effet, l'amendement n° 6 qu'elle présente vise à prévoir les conditions de désignation du vice-président, sur lesquelles nous sommes d'accord. Or la rédaction proposée par l'amendement n° 10 que j'ai l'honneur de soutenir est plus simple et répond tout à fait au souci qui anime la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. La commission n'a pas eu l'occasion de débattre de cet amendement puisqu'il a été déposé à midi, mais, à titre personnel, j'y suis favorable parce qu'il répond au souci que nous avons exprimé dans l'amendement n° 6.
La commission avait en effet souhaité rejoindre la proposition du Gouvernement tendant à suppléer le président en cas d'absence ou d'empêchement. Nous souhaitions en tout cas que le vice-président n'accompagne pas le président dans ses investigations et, par sa proposition, le Gouvernement répond complètement à notre préoccupation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. _ Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification.
« Cette demande est motivée.
« L'autorité administrative saisit sans délai la commission consultative du secret de la défense nationale. »
Par amendement n° 3, M. About, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « engagée devant elle », d'insérer les mots : « , ou une commission parlementaire dans les conditions fixées à l'article 1er, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement relatif à la saisine par la commission parlementaire, que le Sénat a adopté tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Défavorable par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :
« Si l'autorité administrative ne procède pas directement à la déclassification demandée, elle saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement tend à réintroduire la procédure, votée par le Sénat en première lecture, permettant à l'autorité responsable de déclassifier d'elle-même, dans les cas les plus simples, les documents faisant l'objet d'une demande émanant soit d'une juridiction, soit d'une commission parlementaire, et réservant la saisine de la commission consultative aux cas les plus complexes qui requièrent une investigation plus poussée et une analyse particulière.
Relevons que, aujourd'hui, l'autorité a déjà la possibilité de déclassifier à tout moment, même à la demande d'une juridiction ou d'une commission, comme l'a rappelé M. le ministre. Il paraît donc un peu incohérent de lui ôter ce droit, comme le fait le texte adopté par l'Assemblée nationale : la rédaction qui nous est soumise impose en effet une saisine automatique de la commission consultative, sans plus aucune possibilité pour l'autorité de déclassifier, ce qui ne me paraît conforme ni au fonctionnement actuel ni au fonctionnement désiré.
Nous souhaitons par conséquent que soit maintenue la possibilité pour l'autorité de déclassifier et que, chaque fois que l'autorité ne veut pas immédiatement déclassifier, la commission consultative soit saisie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, je voudrais rappeler au Sénat que, si ce texte a été élaboré avec la cohérence qui est la sienne, c'est parce que nous pensons que la recherche de la vérité devant une juridiction et la préservation de l'outil de sécurité que représente le secret sont des valeurs de même importance. Si la commission n'était saisie par le Gouvernement qu'en cas de refus de déclassifier, cela instaurerait une sorte de charge de la preuve. La demande de levée serait la règle et le refus de levée deviendrait une exception. Or je ne crois pas du tout que tel soit le cas.
On peut parfaitement imaginer que, lors d'un procès médiatisé, soit présentée une demande de déclassification fortement appuyée par une campagne d'opinion et qu'un membre du Gouvernement, cédant à la pression, accepte la déclassification alors que celle-ci serait peu favorable aux intérêts de l'Etat.
Il me semble que cette commission a une double fonction : protéger la libre investigation des juges lorsque celle-ci est nécessaire à la manifestation de la vérité mais aussi assurer la démarche de continuité et de permanence de l'Etat qui conduit l'exécutif à protéger le secret de la défense nationale.
Il serait donc beaucoup plus judicieux que, dans certains cas, la commission propose au Gouvernement un refus de déclassifier, et ce même en cas de pression médiatique il faut tout de même, en effet, que la légitimité de chacun des pouvoirs garde sa place - afin qu'un membre du Gouvernement qui, sous la pression, serait tenté de céder de manière tactique puisse résister à cette tentation. C'est la raison pour laquelle, entre autres - il y a par ailleurs la préoccupation de clarification juridique des enjeux, pour bien éclairer les demandes futures des juridictions - le Gouvernement souhaite que la commission soit saisie dans tous les cas, ce qui ne représentera ni une charge anormale ni une prolongation de délai trop difficile puisque tout permet de prévoir que le nombre de demandes de déclassification s'élèvera à quelques dizaines par an.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 4 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Je crois que nous ne nous comprenons pas très bien, et je souhaite donc apporter quelques précisions.
M. le ministre propose de s'interdire une possibilité de déclassifier, quand il le souhaite, alors que, dans notre rédaction, le Gouvernement pourrait saisir systématiquement ladite commission. Je ne vois pas en quoi notre proposition est désobligeante ou présente une difficulté.
De la même façon, notre texte prévoit que la commission consultative sera saisie non lorsque le Gouvernement ne voudra pas déclassifier mais uniquement quand il ne pourra pas déclassifier immédiatement : s'il ne peut pas répondre à la demande sans délai, il sera alors tenu de saisir la commission. Ce n'est pas du tout pareil. Mais, dans tous les cas, la possibilité est donnée au Gouvernement de saisir systématiquement la commission, pour répondre au voeu de M. le ministre.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
M. Guy Penne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Je partage tout à fait l'interprétation de M. le ministre et souhaite dire à M. le rapporteur que l'amendement n° 4 rectifié, s'il était adopté, amoindrirait le rôle de la commission consultative et pourrait nuire finalement à sa légitimité auprès des juridictions des citoyens.
Or, actuellement, la légitimité des commissions revêt une grande importance.
Il ne me paraît donc pas bon de s'en remettre uniquement à la bonne volonté du Gouvernement, même si je ne doute pas de celle des gouvernements et des ministres quels qu'ils soient. Je préfère donc qu'il y ait une automaticité de la saisine de la commission consultative.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ Le président de la commission peut mener toutes investigations utiles. Il peut se faire assister par un membre de la commission.
« Les membres de la commission sont autorisés à connaître de toute information classifiée dans le cadre de leur mission.
« Ils sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions.
« La commission établit son règlement intérieur. »
Par amendement n° 5, M. About, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du premier alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Le Sénat n'a pas estimé opportun de prévoir l'assistance du président par un membre de la commission consultative dans l'exercice de ses pouvoirs d'investigation.
En effet, reconnaître au seul président certaines compétences d'investigation et d'enquête se justifie pleinement au regard du domaine particulièrement sensible dans lequel il aurait à exercer ses compétences.
De surcroît, le choix du membre qui l'assistera risque de se révéler particulièrement délicat.
L'amendement n° 5 tend donc à supprimer la seconde phrase du premier alinéa de l'article 5. Je pense que le Gouvernement sera favorable à cet amendement puisque la disposition relative au suppléant du président, adoptée tout à l'heure par le Sénat, répond pleinement à la demande.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Il s'agit là, effectivement, d'un des nombreux points d'accord entre la commission et le Gouvernement. Ce dernier émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 5.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. About, au nom de la commission, propose de compléter in fine le dernier alinéa de l'article 5 par une phrase ainsi rédigée :
« Celui-ci prévoit notamment les conditions de désignation d'un vice-président chargé, le cas échéant, de suppléer le président dans l'exercice de ses fonctions d'investigation visées au premier alinéa. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 5, cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président, et je le retire donc.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. _ La commission émet un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cet avis prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Le sens de l'avis peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable.
« L'avis de la commission est transmis à l'autorité administrative ayant procédé à la classification. »
Par amendement n° 7, M. About, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « les missions du service public de la justice » par les mots : « d'une part les missions incombant à la juridiction. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Le Sénat avait, en première lecture, remplacé l'expression : « missions du service public de la justice » par la formulation : « missions incombant à la juridiction. »
L'Assemblée nationale n'ayant pas retenu cette modification, je vous propose donc, par l'amendement n° 7, d'en revenir à la rédaction que nous avions déjà adoptée : la formulation du Sénat, plus précise, entend bien indiquer qu'il s'agit de faciliter in concreto l'activité d'une juridiction dans le cadre d'une affaire particulière et non de prendre en compte globalement la notion excessivement large de service public de la justice.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Si la nuance est mince, il semble toutefois au Gouvernement que les termes : « missions du service public de la justice » sont plus larges et aussi compréhensibles que les termes : « missions incombant à la juridiction ».
La première proposition se réfère aux principes généraux qui guident l'action de justice dans l'ensemble de ses attributions, alors que la seconde, exprimée par les termes : « missions incombant à la juridiction », vise des contingences plus immédiatement liées à une affaire donnée.
De ce fait, il pourrait être fait une interprétation restrictive de la notion de « missions incombant à la juridiction ». C'est pourquoi le Gouvernement préfère sa formulation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. About, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article 7, après les mots : « de la défense », de rédiger comme suit la fin de la phrase : « , ou l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, d'autre part les intérêts fondamentaux de la nation tels que définis à l'article 410-1 du code pénal et la sécurité des personnels. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement vise à faire explicitement référence aux « intérêts fondamentaux de la nation » tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.
Le Sénat avait justifié cette modification, en première lecture, en précisant que le respect des engagements internationaux de la France et la nécessité de préserver ses capacités de défense figurant dans le texte initial du projet de loi étaient couverts et au-delà par la nouvelle rédaction proposée.
Par ailleurs, la commission avait souligné que, à l'heure d'une globalisation croissante de la notion de défense et de sécurité, une acception large des intérêts nationaux à défendre se justifiait pleinement.
Au demeurant, l'amendement n° 7 n'ayant pas été adopté, il convient de rectifier l'amendement n° 8 en remplaçant les mots : « d'autre part » par le mot « et ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 8 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission, et tendant, dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article 7, après les mots : « de la défense », à rédiger comme suit la fin de la phrase : «, ou l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, et les intérêts fondamentaux de la nation tels que définis à l'article 410-1 du code pénal et la sécurité des personnels. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Comme sur l'amendement précédent que le Sénat n'a pas cru devoir retenir, le débat porte sur des nuances puisque, au fond, il s'agit de préciser à la commission quels sont les principes d'intérêt général en vertu desquels elle devra se prononcer.
D'une part, nous conservons notre différence de vues sur l'intervention des commissions parlementaires puisque, en mentionnant l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, l'amendement fait référence à l'intervention de la commission lorsqu'elle est saisie par une commission parlementaire. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à ce membre de phrase.
D'autre part, l'emploi de l'expression « intérêts fondamentaux de la nation », définie à l'article 410-1 du code pénal, nous paraît affaiblir le rôle de la commission. Cette dernière a le rôle bien restreint d'équilibrer la préoccupation de bon fonctionnement de la justice et d'efficacité des enquêtes avec la préoccupation de sécurité nationale qui est garantie par le secret défense. Or, les intérêts fondamentaux de la nation définis à l'article 410-1 du code pénal couvrent un domaine très large puisqu'ils intègrent également la protection de l'environnement ou le domaine culturel.
Il ne serait pas légitime que, dans la conduite d'une enquête judiciaire, un juge ayant absolument besoin d'une information pour connaître la vérité se voie opposer un secret lié non pas à la défense nationale mais simplement à des préoccupations d'action culturelle ou environnementale des pouvoirs publics. Dans ce cas, la commission serait presque automatiquement conduite à dire que le secret n'est pas légitime.
Par conséquent, pour conserver précisément la crédibilité de ce dispositif d'équilibre délicat, le Gouvernement préconise que l'on s'en tienne à la formulation actuelle.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. _ Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission, ou à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article 7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées.
« Le sens de l'avis de la commission est publié au Journal officiel de la République française. »
Par amendement n° 9, M. About, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de cet article, après le mot : « juridiction », d'insérer les mots : « ou à la commission parlementaire ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit simplement d'un amendement de cohérence, qui est lié à la possibilité reconnue à une commission parlementaire de bénéficier de la procédure de saisine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

5

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Xavier de Villepin, Nicolas About, Jean-Paul Amoudry, Serge Vinçon, Christian de La Malène, Bertrand Delanoë et Jean-Luc Bécart.
Suppléants : MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Dulait, Philippe Madrelle, André Rouvière et André Vallet.
Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, retenue à l'Assemblée nationale, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. la séance est reprise.

6

PROFESSION D'ARTISAN BOULANGER

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 375, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger. [Rapport n° 417 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le pain, incontestable élément de l'identité française, nous réunit aujourd'hui autour d'un texte d'initiative parlementaire. Au demeurant, la représentation nationale a multiplié les initiatives sur ce sujet dans chacune des deux assemblées.
La boulangerie française est l'une des activités qui font partie de cette culture que beaucoup de pays du monde nous envient.
L'image du pain atteste de la place privilégiée qu'occupe ce produit : tous ceux qui apprécient l'authentique qualité du bon pain fabriqué dans les règles de l'art sont prêts à faire un détour pour se le procurer.
Le pain est un produit simple qui s'inscrit dans le quotidien et la tradition : 94 % des familles achètent du pain de consommation courante, et 62 % le font tous les jours. Ces chiffres montrent à quel point les boulangeries de ce pays sont des endroits importants dans la vie quotidienne, des lieux de rencontre et de convivialité.
La journée du 16 mai est symbolique pour les professionnels de la boulangerie, puisque c'est le jour de la Saint-Honoré, patron des boulangers. M. Raffarin en a fait le jour de la « fête du pain », que nous célébrons et que nous continuerons à célébrer sur tout le territoire à l'avenir.
A la veille de cette journée et du début de la troisième édition de la « fête du pain », je souhaite que la proposition de loi relative à la détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger, dont nous allons débattre aujourd'hui, illustre l'importance de cette activité pour notre pays.
Le pain doit garder sa force symbolique, qui est issue d'une longue histoire dont les artisans boulangers sont aujourd'hui les dépositaires : les 35 000 boulangers artisans de notre pays, avec 110 000 emplois, détiennent près des trois quarts du marché.
La situation économique de la boulangerie artisanale a changé. En quelques années, cette profession s'est trouvée confrontée à une remise en cause de son activité, liée aux modes alimentaires mais aussi à l'émergence de nouvelles méthodes de fabrication et de distribution du pain.
Mon prédécesseur a pris, le 12 décembre 1995, un arrêté définissant les conditions d'emploi de l'appellation de boulanger, mais cet arrêté a été annulé par le Conseil d'Etat pour absence de base légale, ce qui a avivé l'inquiétude des professionnels.
La sauvegarde de la boulangerie artisanale - et, au-delà, son installation définitive - passe d'abord par la fabrication d'un produit de qualité, et ensuite par l'identification des établissements qui vendent ce produit. Il faut que le consommateur trouve dans les boulangeries un produit frais, entièrement fabriqué sur place. Là doit être la différence essentielle entre une boulangerie et un simple dépôt de pain ou un terminal de cuisson.
La présente proposition de loi vise à permettre au consommateur d'être clairement informé sur le type de fabrication du pain qu'il achète lorsqu'il pénètre dans une boulangerie. Elle répond à l'exigence de qualité et de qualification de la boulangerie artisanale.
Je salue les différentes initiatives parlementaires dont j'ai parlé à l'instant, notamment celle de MM. Crépeau et Sarre, à l'Assemblée nationale, qui a permis d'aboutir au texte que vous allez examiner.
Ce texte a fait l'objet d'un vote quasi unanime à l'Assemblée nationale, et j'espère que le même consensus se dégagera aujourd'hui lors du vote au Sénat ; j'espère d'ailleurs que nous irons le plus vite possible pour rendre leur qualification aux boulangers, qui l'attendent.
Après l'adoption de ce texte, le consommateur saura qu'il achète dans une boulangerie du pain frais fabriqué totalement sur le lieu de vente et, surtout, préparé sans aucune technique de congélation ou de surgélation. C'est la raison essentielle pour laquelle le Gouvernement a donné son accord à la proposition.
La boulangerie sera clairement identifiée comme le lieu où l'on trouve du pain frais sans risque non pas d'être trompé, mais de trouver un produit différent, comme on peut en trouver dans les terminaux de cuisson.
Les dispositions de cette proposition de loi ne traduisent pas un refus de la modernité ; comme on a pu le lire ici ou là. Les techniques de fabrication ont évolué et les procédés permettent déjà à la plupart des boulangeries de ne plus faire appel à la surgélation ou à la congélation. Les boulangers ont démontré leur capacité d'adaptation et leur vitalité et, dès l'ouverture du débat sur l'innovation, le CNRS a d'ailleurs rappelé avec quel plaisir il avait travaillé avec les représentants de la boulangerie française.
Le pointage retardé de la pousse contrôlée lente ou la pousse contrôlée bloquée, qui permettent une cuisson plus échelonnée dans le temps et une offre variée, ont donné aux boulangers une plus grande latitude dans leur fabrication.
Non, il ne s'agit pas ici de refermer le métier de boulanger sur lui-même, mais de défendre son image et son avenir, et ce dans l'intérêt, essentiel, du consommateur !
Il convient également de ne pas être discrimatoire. Actuellement, les nombreux dépôts-ventes de pains fabriqués à partir de pâtes surgelées d'origine industrielle entraînent une confusion - j'en parlais tout à l'heure - dans l'esprit des consommateurs et des visiteurs. A cet égard, alors que va se dérouler en France une manifestation d'importance mondiale, le pain sera, à l'évidence, l'un des éléments essentiels de l'accueil.
Protéger les boulangers, c'est aussi promouvoir la qualité, servir le consommateur. Il convient de ne pas céder au corporatisme, en autorisant les dépôts de pain dépendant d'un boulanger à porter cette dénomination, et ce, quel qu'en soit le nombre. En effet, si nous disions oui à une ouverture plurielle - sans jeu de mots et avec le sourire - nous aurions du mal à faire respecter le texte tel que nous voulons l'écrire aujourd'hui.
Aux yeux du consommateur, entre ces dépôts et ceux d''une boulangerie industrielle, quelle différence y aurait-il, alors que la recherche de l'authenticité devient pour lui une impérieuse nécessité ? Mais je sais pouvoir compter sur l'imagination de nos boulangers, qui fabriquent dans de bonnes conditions ce pain artisanal que nous aimons tant, pour informer le consommateur que le pain est en vente ici ou là. Je ne me fais pas de souci sur ce point.
Cette proposition de loi est une bonne réponse à l'évolution de la boulangerie. Il s'agit non pas de créer de nouvelles contraintes, mais de garantir, comme cela a été fait par d'autres textes du code de la consommation, la bonne information et la juste protection du consommateur.
La proposition vise à valoriser la qualité, l'authenticité, mais aussi à inscrire la boulangerie à la fois dans l'histoire de la France et dans son avenir.
Cela n'empêchera d'ailleurs en rien, contrairement à ce que j'ai pu également lire ici ou là, les exportations de pain produits vers d'autres pays.
L'article 21 de la loi du 5 juillet 1996, présentée par M. Raffarin, prévoit qu'un cahier des charges par profession peut être homologué par décret, ce qui permet de définir l'appellation de boulangerie artisanale.
Nous sommes en train de préparer, avec la Confédération nationale de la boulangerie, un cahier des charges qui définira les conditions de fabrication artisanale d'un pain, de telle sorte que la dénomination artisanale vienne compléter le dispositif prévu par cette loi. On voit donc bien la démarche : le boulanger, la qualité, la spécificité.
Je sais aussi que, sous la pression de la concurrence, certains responsables de points de vente de pain tendent à ne pas respecter l'obligation du repos hebdomadaire tel qu'il est pratiqué par les artisans boulangers.
Je rappelle, à cet égard, que la réglementation, à savoir l'article L. 221-2 du code de travail, interdit d'occuper un salarié plus de six jours par semaine. C'est sur cette base juridique qu'est fondée l'obligation de fermeture un jour par semaine des magasins alimentaires.
Cette disposition pose, certes, quelques problèmes. Mais en éditant un certain nombre de règlements de ce type, on pourra évoluer collectivement, car le détournement de la législation est d'autant plus préoccupant que les boulangeries sont concurrencées par des points de vente en petite ou en grande surface où l'on ne vend du pain qu'à titre accessoire pour essayer de vendre autre chose.
Pour les départements, peu nombreux, où subsistent des difficultés d'application de la réglementation, je donnerai des instructions très précises aux préfets pour qu'ils s'assurent que l'obligation de repos hebdomadaire est respectée dans tous les points de vente de pain et pour qu'ils fassent procéder à des contrôles.
Je prépare, en liaison avec Mme Aubry, Mme Guigou et M. Chevènement, une circulaire interministérielle dans laquelle la volonté du Gouvernement de voir respecter strictement la législation existante sera très fermement réaffirmée.
Depuis des années, de nombreux artisans ont pris le parti de la qualité. Les consommateurs les soutiendront, naturellement, parce qu'ils sauront qu'en poussant la porte d'une boulangerie ils trouveront un pain frais de qualité fabriqué par un artisan reconnu et qualifié.
Je ne me lasse pas de répéter que, après la compétitivité par les coûts qu'a connue notre pays, il est temps que nous fassions tout pour que la compétitivité soit assise sur la qualité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, le débat est d'importance pour la Haute Assemblée, et je suis heureux de voir que nos collègues sont très motivés par ce dossier significatif des problèmes posés aux petites et moyennes entreprises de notre pays.
Le débat est d'importance, tout d'abord, parce que la boulangerie - Mme le secrétaire d'Etat l'a dit - est un secteur qui est essentiel sur le plan territorial, avec encore 34 500 boulangeries, c'est-à-dire une boulangerie par commune - hélas ! ce n'est pas tout à fait vrai ! - et majeur sur le plan économique par l'oxygène qu'il donne à tout le pays.
Le débat est également d'importance parce que, depuis quelques années, la profession a été victime d'une triple attaque sous forme de concurrence déloyale.
La première attaque, c'est la pratique de prix anormalement bas par des formes de distribution, dites modernes mais, en fait, surtout déloyales, qui vendent la baguette à un franc. A cet égard, je garde à la disposition de ceux qui prétendent que cette dernière est introuvable les nombreuses publicités de certaines grandes structures commerciales qui pratiquent des prix inaccessibles à des artisans fabriquant la baguette de 200 grammes ou de 250 grammes de façon artisanale.
Cette première forme de concurrence constituant une agression forte contre la boulangerie, les pouvoirs publics ont décidé de protéger cette dernière, notamment en mettant à jour les ordonnances de 1986 et en prenant des dispositions visant à lutter contre les prix « prédateurs », les prix anormalement bas.
La deuxième attaque - deuxième forme de concurrence déloyale - c'est le non-respect par certains du repos hebdomadaire. L'artisan, qui, lui, doit fermer boutique une journée par semaine, se trouve confronté, parfois à quelques dizaines de mètres de son magasin, à des professionnels qui, eux, se targuent d'être ouverts sept jours sur sept. C'est là une concurrence difficile à supporter pour des petites entreprises dont les comptes d'exploitation sont déjà, bien souvent, difficiles à équilibrer.
C'est un point très important, madame le secrétaire d'Etat. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt, dans votre intervention, l'affirmation de votre volonté d'obtenir, au moyen d'une circulaire « plurielle » - j'espère que cette qualité lui permettra d'être encore plus efficace ! - que, notamment dans les départements où l'on relève encore des insuffisances, les résultats soient ceux que nous souhaitons.
Je suis prêt à débattre avec vous de ce sujet, madame le secrétaire d'Etat, lors de l'examen des amendements. Mais, si vous acceptiez qu'un bilan soit dressé après un certain nombre de mois d'application de cette circulaire, nous pourrions vous faire confiance et tirer ensemble les leçons de cette nouvelle orientation que vos collègues et vous-même donnerez à l'action gouvernementale.
En tout cas, le respect du repos hebdomadaire est un élément essentiel de l'équilibre, et donc de la lutte contre la concurrence déloyale.
La troisième attaque contre la boulangerie a été de nature professionnelle et a porté sur l'identité même du boulanger. Si elle n'a pas été la plus importante sur le plan économique, elle a été la plus blessante sur les plans culturel et professionnel. Elle tient au fait qu'un certain nombre de personnes qui vendent du pain se font passer pour des boulangers, au fait que l'on peut confondre, dans notre pays, le pain chaud et le pain frais, au fait qu'un dépôt de pain peut être perçu par le consommateur comme un lieu de fabrication du pain. Voilà qui est préoccupant pour la profession, bien sûr, mais aussi et surtout pour le consommateur, soucieux de voir s'appliquer des règles transparentes afin qu'un pain industriel fabriqué de manière industrielle s'appelle industriel et qu'un pain élaboré conformément aux différentes phases de la fabrication artisanale puisse être identifié comme étant de fabrication artisanale !
C'est culturellement nécessaire pour l'identité du boulanger ; c'est économiquement nécessaire pour l'information du consommateur.
Nous avons découvert des procédés étonnants qui nous montrent que l'habileté est sans limite. Certains utilisent des diffuseurs, des bombes aérosols pour donner l'illusion aux chalands qui passent devant la boulangerie que le pain y est fabriqué de façon artisanale, alors que ce n'est pas le cas.
Qui est boulanger fabrique son pain de manière artisanale et doit être identifié comme tel. Cet élément est très important et j'ai beaucoup apprécié l'engagement des professionnels sur ce point. La confédération se doit de faire respecter la réglementation pour protéger l'identité d'artisan boulanger de ceux qui ont choisi de fabriquer le pain de manière artisanale.
Nous avons donc souhaité protéger l'identité des boulangers contre la concurrence déloyale dont ils sont les victimes, et nous avons pris, en décembre 1995, un arrêté dont nous connaissions - je peux le dire ici - les fragilités juridiques. Mais le volontarisme politique existe aussi (Mme le secrétaire d'Etat sourit) et ce n'est pas parce que des fonctionnaires et d'autres disent « non » qu'il faut renoncer. Nous avons persévéré.
Naturellement, il y a eu des recours devant le Conseil d'Etat.
Nous savions que nous avions deux ans devant nous pour l'arrêté, pas pour le Gouvernement, hélas ! (Sourires.) Notre réponse juridique, nous l'avons apportée dans un texte, adopté par le conseil des ministres, après consultation du Conseil d'Etat, intégré dans un projet de loi portant DDOEF, car notre arrêté manquait de bases juridiques. Il fallait donner une dimension législative à cette disposition.
L'arrêté avait donné le signal, avait lancé la campagne pour l'identité de la boulangerie - il fallait un engagement politique - puis un texte devait conforter la procédure.
Mais le changement de gouvernement, imprévisible évidemment, a fait que l'arrêté a été annulé avant que ce texte soit déposé.
C'est ainsi que MM. Ostermann et Grignon ont déposé un texte de qualité et que moi-même ainsi qu'un certain nombre d'entre vous en avons déposé un autre pour apporter une réponse législative au problème de l'identité du boulanger.
Nous avons apprécié que nos collègues députés engagent une démarche identique, et je salue la solidarité picto-charentaise entre toutes de M. Michel Crépeau qui, à l'Assemblée nationale, a déposé un texte similaire à celui que nous avions déposé au Sénat.
Profitant de l'opportunité qui a été offerte au groupe politique qu'il préside, sa proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Je me réjouis de cette coopération entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Cela montre aux députés qu'ils ont aussi besoin d'un Sénat ! (Sourires.) Il convient de relever cette convergence dans un combat commun pour défendre l'identification de la boulangerie.
Cette proposition de loi, après avoir été examinée par l'Assemblée nationale, nous est aujourd'hui soumise, et le rapport que je présente fait donc la synthèse entre la proposition de MM. Michel Crépeau, Georges Sarre et autres, et notamment les propositions que nous avions déposées au Sénat.
J'ai évidemment porté une grande attention au texte de M. Crépeau ainsi qu'au débat auquel il a donné lieu à l'Assemblée nationale. Madame le secrétaire d'Etat, la position de la commission des affaires économiques est tout à fait dans la ligne du débat tel qu'il s'est déroulé à l'Assemblée nationale.
Nous voyons deux défauts à ce texte, qui présente néanmoins plus d'avantages que de défauts.
Le premier défaut tient à la définition limitée à une seule boulangerie. Elle élimine un certain nombre de cas de boulangers qui ont un fournil, une boulangerie, et qui ont, à côté, la boulangerie du fils ou du grand-père, la boulangerie familiale, donc deux établissements avec le même fournil et la même qualité artisanale.
Dans notre proposition de loi, nous avions prévu un ou deux établissements secondaires. Nous ouvrions un peu la porte aux quelques artisans qui fabriquent encore par méthode artisanale mais qui, dans un même village, peuvent avoir deux boulangeries. Nous pensions que c'était une ouverture importante. Les députés n'ont pas retenu cette position, ce que nous regrettons.
Le second défaut concerne le repos hebdomadaire. En effet, je crois qu'une nouvelle loi « boulangerie » n'est pas près de voir le jour et si l'on avait pu, dans ce texte, mettre l'accent sur le respect du repos hebdomadaire pour tous ceux qui distribuent du pain, c'eût été un grand progrès.
J'ai entendu vos propositions, madame le secrétaire d'Etat, et, pour ma part, je suis prêt à revoir, avec nos collègues, la position de la commission au cours de la discussion des deux amendements que nous avons déposés sur ces sujets de façon à aboutir le plus vite possible.
En effet, j'attire l'attention du Sénat sur une situation législative un peu particulière : le texte qui nous est soumis aujourd'hui est certes important, mais il est soumis dans le calendrier législatif à une concurrence de textes très importants également. Or, si une bataille d'amendements nous conduisait à une navette, nous risquerions de retarder l'adoption de ce texte, ce qui, non seulement décevrait les boulangers, mais grèverait ce texte de certaines incertitudes. Il existe aujourd'hui un consensus. Mais l'expérience m'a enseigné que, dans ces métiers, lorsqu'il y a consensus, il faut en profiter parce qu'il risque de ne pas durer !
Je suis donc partisan, madame le secrétaire d'Etat, si la discussion est constructive, de faire tout notre possible, ici au Sénat, pour émettre un vote conforme ; ainsi le texte serait définitivement adopté et les boulangers verraient leur identité reconnue. Nous pouvons avancer dans cette perspective.
En conclusion, je dirai que ce combat pour la boulangerie est très important mais il dépasse le cadre de la boulangerie. Je crois vraiment qu'il s'agit là d'un combat essentiel pour l'ensemble de l'économie artisanale.
M. Bernard Barraux. Oui !
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Nous avons besoin d'un artisanat fort dans notre pays. Les pouvoirs publics, d'une manière générale, et tous pouvoirs confondus, ne portent pas suffisamment d'attention à l'économie artisanale, qu'on veut trop enfermer dans l'économie du passé.
Nous qui sommes ici dans cette assemblée des gens de terrain, nous savons bien que c'est l'artisanat qui souvent fait l'emploi ; c'est l'artisanat qui fait l'aménagement du territoire ; c'est l'artisanat qui, aujourd'hui, assure très souvent la promotion de nos territoires.
M. Bernard Barraux. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. L'apprentissage et l'ensemble de ces activités ont pour nous un caractère essentiel.
Ce qui est intéressant dans ce combat de la boulangerie, c'est qu'il est populaire. Les boulangers ont su avoir le soutien de l'opinion publique et nous faisons en sorte que ce soutien à la boulangerie soit aussi un soutien à l'artisanat.
Je suis heureux de lire dans de très nombreuses études que les consommateurs qui se précipitent dans les grandes surfaces ont conscience de trouver des produits de qualité chez leur artisan, professionnel qui s'est engagé dans sa formation et dans ses démarches pour assurer une qualité que l'on ne trouve pas forcément ailleurs.
Il me semble que l'enjeu capital de la bataille actuelle autour de l'économie artisanale consiste à convaincre les artisans que leur avenir passe par la qualité. C'est elle qui leur donne leur légitimité : qualité du produit, qualification du professionnel. C'est à la demande du gouvernement de M. Alain Juppé que vous avez voté cette qualification préalable. L'article 21 de la loi de 1996 qu'évoquait tout à l'heure Mme le secrétaire d'Etat nous permet d'aider l'artisanat à jouer la carte de la qualité. Grâce à ce texte, l'artisan est aujourd'hui un professionnel reconnu.
Si nous nous investissons dans la bataille des boulangers, ce n'est pas pour défendre une corporation, mais pour promouvoir la qualité artisanale, et par là même défendre l'ensemble de notre économie et notre société. C'est pour cela que ce combat est aussi symbolique et aussi important.
C'est aujourd'hui au tour du Sénat de bien montrer toute l'importance qu'il attache à cette économie artisanale qui fait souvent honneur aux métiers, aux métiers manuels, à cette capacité, aujourd'hui encore, de faire la démonstration que c'est la main qui donne la force à l'idée.
Je suis très heureux, madame le secrétaire d'Etat, que le calendrier législatif nous permette de discuter de ce sujet aujourd'hui, 13 mai. Ce n'est pas un putsch (Sourires), c'est simplement le Sénat qui s'invite à la fête du pain. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre aujourd'hui d'un texte qui peut paraître anodin à certains, et qui pourtant à mes yeux - et à vos yeux, j'en suis sûr - revêt une importance réelle : je n'en veux pour preuve que les propos de Mme le secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur.
Cette proposition de loi tend à préciser les « conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger ».
Toutefois, je tiens à souligner la nécessité d'adopter au plus vite un dispositif visant à encadrer l'appellation de boulanger et à protéger l'artisan boulanger.
Sans esprit de polémique, je me permets quand même de rappeler qu'en 1995 l'arrêté interministériel de M. Raffarin avait, certes, introduit une avancée réelle en la matière mais en préférant la voie réglementaire à la voie législative, alors qu'en octobre 1993 un député avait déjà déposé une proposition de loi sur ce même thème.
Aujourd'hui, donc, la même initiative est prise, certes quelque peu dans l'urgence, pour préserver le plus vite possible les intérêts de cette profession. Elle recueille, madame le secrétaire d'Etat, votre assentiment et je crois celui de la quasi-totalité de mes collègues de toute sensibilité.
Au sein de la profession, il en est de même, et cela se comprend aisément.
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez largement consulté les organisations nationales représentatives de la boulangerie. Elles sont globalement favorables à ce texte, même si, ici ou là, elles requièrent, à juste titre, des précisions que je vais aborder.
Dans mon département, j'ai également consulté l'organisation syndicale représentative des boulangers. Nous avons repris dans le détail les dispositions du texte qui, dans son ensemble, les satisfait.
Ainsi, ne seront qualifiés de boulangers que les professionnels qui assurent eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation, sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final.
Le critère de l'unité de lieu a été étendu, notamment lorsque le pain est vendu de façon itinérante par un professionnel ou sous sa responsabilité. Ainsi, la profession est-elle mieux protégée.
Très récemment, un décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle exigée pour l'exercice de certaines activités avait déjà précisé les conditions de qualification requises, à savoir la détention d'un certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, ou la justification de trois années d'expérience professionnelle.
Mais les conditions d'exercice de la profession nécessitaient un cadrage. Il est d'ailleurs judicieux d'aller plus loin dans le décret d'application que vous serez amenée à prendre, madame le secrétaire d'Etat, notamment en ce qui concerne le nombre d'établissements secondaires autorisés par entreprise susceptible de recueillir l'appellation « boulangerie ».
Nos informations nous conduisent à accepter les propositions de M. le rapporteur tendant à aller quelque peu au-delà des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
En tout état de cause, l'accent devra être mis, lors de l'élaboration du décret d'application, sur la définition la plus précise possible de la profession de « boulanger artisan ».
J'insiste volontairement sur le mot « artisan » - je me fais ainsi l'écho des attentes, somme toute légitimes, des artisans boulangers - parce qu'il sera nécessaire de différencier, avec des moyens qui restent à préciser, la boulangerie artisanale et la fabrication industrielle.
Par cette proposition de loi, nous assurons un véritable cadrage de l'aménagement du territoire, faisant de ce service privé un service d'utilité publique, mutation que le petit commerce n'a pas su réaliser quand, voilà une trentaine d'années, les grandes surfaces ont commencé à faire disparaître les échoppes de nos campagnes et de nos quartiers.
Notre pays a besoin de protéger la boulangerie, tant sur le plan culturel que sur le plan économique. C'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire d'Etat, je me réjouis de votre initiative tendant à l'élaboration d'un cahier des charges qui précisera, comme vous l'avez évoqué, les méthodes de fabrication du pain artisanal et qui reprendra le détail de la filière depuis les matières premières d'origine, pourquoi pas depuis le blé.
A cette occasion, tout devra être mis en oeuvre pour renforcer l'information du consommateur, de sorte qu'il soit, en toute connaissance de cause, en mesure de choisir le pain qu'il veut consommer.
Si cette proposition de loi est une avancée pour la profession de boulanger, elle doit aussi en être une pour le consommateur. Voilà un raisonnement qui ressemble fort à celui que je défends avec conviction pour la traçabilité des produits dans la filière bovine.
C'est pour répondre à cette attente qu'un étiquetage clair quant à la qualité du produit vendu et à ses conditions de fabrication devra, me semble-t-il, être envisagé dans le cahier des charges. Sur cette question, je vous saurais gré, madame le secrétaire d'Etat, de nous faire part de votre position.
Je souhaite évoquer également, parce que cela répond à une forte attente des artisans boulangers, la fermeture hebdomadaire des points de vente.
Certes, une circulaire ministérielle du 19 février 1995 spécifie déjà cette obligation. Mais vous n'ignorez pas qu'elle est très mal appliquée et très peu respectée dans la quasi-totalité des départements.
Madame le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagée, à l'Assemblée nationale, à envoyer des circulaires à tous les préfets pour que le droit soit respecté partout. Il nous serait agréable que vous puissiez réitérer aujourd'hui devant nous cet engagement et que vous précisiez les sanctions que vous envisagez pour les éventuels contrevenants.
En fait - et j'en viens maintenant à des remarques plus générales - nous débattons aujourd'hui d'un sujet qui pourrait paraître anodin à plus d'un titre et, somme toute, très corporatiste, la profession d'artisan boulanger. Pourtant cette proposition de loi me semble tout à fait d'actualité.
A l'heure où nous entrons concrètement dans l'Europe, au moment où nous renégocions la PAC pour les années 2000-2006 et où la mondialisation de l'économie est incontournable, il serait paradoxal de légiférer sur la profession d'artisan boulanger dans l'Hexagone et lui seul et d'en défendre les spécificités. Je ne partage pas ce point de vue. Nous savons, en effet, depuis longtemps, et cela se concrétise chaque jour un peu plus, qu'il est nécessaire et urgent, sans tomber dans un nationalisme étriqué et sectaire, de défendre certaines spécificités françaises.
A cet égard, la profession d'artisan boulanger est une composante majeure de notre identité nationale. Elle fait partie intégrante de l'image que les Français véhiculent à l'étranger.
En outre, et c'est de loin la notion la plus importantte qui justifierait à elle seule l'intérêt que nous portons tous à cette profession, il s'agit d'un des piliers de notre commerce de proximité en milieu urbain et surtout - nous le savons bien, nous qui représentons les collectivités territoriales - en milieu rural.
Le boulanger concourt à l'animation du quartier et du village. J'irai même plus loin, dans ce siècle qui nous conduit inexorablement vers la désertification rurale, malgré nos choix et nos efforts, l'artisan boulanger reste le lien privilégié qui maintient le contact entre des personnes de plus en plus isolées, malgré Internet et les satellites.
Chacun défend son boulanger comme il défend son école, sa poste, bref son patrimoine local, en d'autres termes tout ce qui fait la force de la cohésion sociale, dont on parle beaucoup aujourd'hui.
Les 35 000 artisans boulangers, qui emploient 110 000 personnes et qui représentent 71 % du marché du pain, ont donc été choqués par la décision du Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté les concernant, car cet arrêté visait à empêcher les boulangeries industrielles et les terminaux de cuisson de se prévaloir de l'appellation « boulangerie ».
Il était donc urgent, je l'ai déjà dit, de légiférer afin de prémunir ces artisans boulangers d'une concurrence trop souvent déloyale et faisant naître chez le consommateur un doute quant à la qualité finale du pain acheté et de son mode de fabrication artisanal ou non.
Ce texte est important car il est en discussion à un moment où le consommateur est en pleine crise de confiance du fait de la maladie de la vache folle, de l'introduction d'organismes génétiquement modifiés dans notre alimentation et des déchets toxiques nucléaires qui empoisonnent notre environnement, notamment.
Il est donc important que le consommateur sache qu'en pénétrant dans un lieu dont l'enseigne porte le nom boulangerie, il trouvera un produit fabriqué selon une méthode qui correspond à l'idée qu'il s'en fait et, surtout, qui lui garantira un produit de qualité.
Les années qui se profilent à l'horizon de l'an 2000 sont celles d'une véritable prise de conscience par chaque individu de la nécessité de prendre en compte une plus grande qualité de vie, ce qui passe par un environnement plus sain et par une alimentation de qualité.
Ce texte, qui sera voté, je l'espère, par l'ensemble de nos collègues, contribuera à la construction, à l'aube de l'an 2000, de l'édifice nécessaire au maintien de multiples traditions artisanales de qualité, malgré la concurrence sévère infligée par la loi du marché, donc du profit, au détriment bien souvent du consommateur.
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, d'en terminer par une simple anecdote.
A l'époque de la banalisation, de l'informatisation et de la mondialisation, si l'on vous conduit, les yeux fermés, dans une de ces chaînes hôtelières présentes un peu partout dans le monde, vous aurez du mal, à partir de l'aliment que l'on vous présentera, à identifier le pays où vous vous trouvez. En revanche, si, toujours les yeux fermés, on vous conduit en Alsace, en Périgord, dans les Pyrénées ou en Provence, je suis convaincu que vous réussirez à reconnaître la région concernée. En effet, ce que vous aurez dans votre assiette sera non pas un simple aliment, mais le produit de l'intelligence de ces hommes qui, de génération en génération, ont su se transmettre ce savoir-faire et cette qualité que nous retrouvons dans le pain qui est fabriqué dans les boulangeries artisanales.
Faisons en sorte que cette identité française, que cette culture française soient protégées. Nous en avons aujourd'hui la possibilité, dans la mesure où, tous ensemble et d'un commun accord, le plus rapidement possible et sans ambiguïté, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, nous voterons ce texte. Nous attendons des engagements de votre part, madame le secrétaire d'Etat, concernant ce repos hebdomadaire, auquel nous tenons beaucoup, car il fait partie des règles bien françaises du travail.
Avec la possibilité de faire la différence entre l'activité artisanale et l'activité industrielle, oui, nous continuerons à identifier nos territoires et nos terroirs grâce à cette loi, qui est une véritable loi sur l'aménagement du territoire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette proposition de loi est salutaire, car elle répond à un problème qui va croissant, la concurrence inégale faite aux artisans boulangers par les boulangeries industrielles, qui n'assurent pas la fabrication du pain sur place et qui recourent le plus souvent à de la pâte surgelée.
Cette concurrence a conduit à une crise qui s'est développée depuis le début des années quatre-vingt, une crise qui va croissant, nombre de boulangeries artisanales ayant fermé depuis l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté du 12 septembre 1995.
En 1997, pour la première fois, les artisans boulangers ont vendu moins de 70 % du pain produit en France, et ce à consommation constante.
Ce recul des artisans boulangers au profit des « points chauds » a deux conséquences dont les pouvoirs publics et le législateur ne peuvent se désintéresser.
D'abord, on assiste à une perte de la qualité : un pain fabriqué à partir de pâte surgelée n'a pas la saveur d'un pain artisanal. L'évolution s'effectue donc au détriment des consommateurs.
Ensuite, on assiste à un développement des « points chauds », qui sont souvent installés - mais pas toujours - dans les grandes surfaces, ce qui ne peut que déstabiliser le commerce de proximité et de centre-ville dont on connaît pourtant l'importance quant au maintien du tissu social.
L'arrêté pris par notre collègue M. Raffarin au mois de septembre 1995 allait donc dans le bon sens. Il est regrettable que l'erreur juridique qui l'entachait ait entraîné son annulation par le Conseil d'Etat.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du mois d'avril 1997 légalisant, entre autres, cet arrêté a été stoppé dans sa course par une dissolution que certains ont pu qualifier de « hasardeuse ». Et la décision du Conseil d'Etat est intervenue le 29 décembre 1997.
Face à ce vide juridique, M. Michel Crépeau, président radical de gauche du groupe Radical, Citoyen et Vert à l'Assemblée nationale, a déposé et fait voter la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. Je ne peux que me féliciter de cette initiative, qui s'inspire des dispositions de l'arrêté Raffarin et fait l'objet d'un très large accord. Cela a été le cas à l'Assemblée nationale, ce sera sans nul doute le cas dans nos rangs.
M. Paul Blanc. Merci, monsieur Raffarin !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je l'ai moi-même remercié trois fois.
Mme Joëlle Dusseau. M. Le rapporteur vient de nous en rappeler l'essentiel. Il protège efficacement les artisans boulangers sans nuire aux intérêts des boulangers industriels.
En effet, le dispositif exclut à juste titre de son champ d'application les documents commerciaux qui lient un boulanger industriel à ses clients - consommateurs ou industriels - ce qui protège les fournisseurs des collectivités et les exportateurs.
J'exprimerai toutefois un regret : le Gouvernement a fait supprimer, par amendement, la version proposée par la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale et tendant à insérer un article L. 121-82 dans le code de la consommation. Cet article portait en effet sur la nécessité d'informer le consommateur dans le lieu de vente si le pain a été fabriqué à partir de pâte surgelée et d'imposer que les documents publicitaires relatifs à ces produits mentionnent cette information.
A l'Assemblée nationale, les radicaux de gauche ont soutenu cette proposition de la commission, car elle visait à renforcer la protection du consommateur. Dans le même esprit, j'ai déposé un amendement tendant à en revenir au texte initial de la commission.
Personnellement, j'ai également trouvé intéressant les deux amendements présentés par la commission des affaires économiques du Sénat tant en ce qui concerne la possibilité pour l'artisan d'avoir un autre magasin que s'agissant de l'obligation de la fermeture hebdomadaire. A cet égard, je partage le souci que M. Pastor vient d'exprimer voilà un instant.
La nécessité d'agir rapidement justifie-t-elle que l'on retire ces amendements ? Je suis quelque peu réservée sur la démarche, mais je suis toutefois prête à accueillir favorablement cette demande si Mme le secrétaire d'Etat apporte un certain nombre d'apaisements à nos interrogations.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Dans l'affirmative, je pourrais éventuellement rejoindre la préoccupation du rapporteur, si j'ai bien entendu ce qu'il a dit.
A l'Assemblée nationale, les radicaux de gauche ont soutenu cette proposition de loi. Au Sénat, ils la soutiennent par ma voix comme l'ensemble du groupe du RDSE, et pensent, sans beaucoup s'avancer, que le Sénat exprimera un vote unanime. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui vise à assurer une reconnaissance juridique au métier d'artisan boulanger.
En effet, depuis l'annulation par le Conseil d'Etat, le 29 décembre 1997, du décret Raffarin du 12 décembre 1995, la profession se trouvait dans un vide juridique que seul le législateur pouvait combler.
Souhaitons, au passage, que cette décision du Conseil d'Etat n'ait pas fait naître la confusion dans l'esprit des consommateurs.
Depuis, une myriade de propositions de lois émanant de l'Assemblée nationale et du Sénat ont été déposées en vue de répondre aux inquiétudes légitimes des artisans boulangers.
C'est finalement la proposition de notre collègue député Michel Crépeau qui a été reprise dans le cadre du droit d'initiative parlementaire.
Il n'en demeure pas moins que ce texte est le bienvenu, tant la place de nos artisans boulangers reste essentielle dans notre société et la défense des consommateurs importante.
Notre intérêt mutuel pour ce secteur de la boulangerie artisanale s'explique par son impact économique, social, culturel, mais aussi, cela a été dit, en matière d'aménagement du territoire.
Ce sont environ 34 500 boulangers qui réalisent 70 % des parts de marché, emploient 100 000 salariés, dont 14 000 apprentis formés chaque année, pour un chiffre d'affaires de 55 milliards de francs. Ce secteur contribue donc pour une large part à la création de valeur ajoutée et à la création d'emplois dans notre pays.
Je profite de l'examen de cette proposition de loi pour attirer l'attention du Sénat sur la question du développement de l'artisanat en général, de la boulangerie en particulier. Il ne peut se réduire à la mise en place de règles strictement juridiques. C'est l'aspect économique dans son ensemble qu'il faut considérer.
Une politique plus ambitieuse est souhaitable en matière de conditions d'offre de crédit, d'installation des jeunes, d'un meilleur accès à la formation de boulanger...
Ne peut-on envisager que tous les services publics - hôpitaux, restaurants scolaires - se fournissent auprès de la boulangerie artisanale ?
Depuis plus d'une dizaine d'années, l'artisanat de la boulangerie doit faire face à la concurrence sauvage du secteur industriel, des grandes et moyennes surfaces et autres « terminaux de cuisson », si bien que la boulangerie artisanale perd, chaque année, environ un point de parts de marché.
Certes, la profession de boulanger n'est pas la plus menacée du secteur de l'artisanat puisque à elle seule, elle assure 7 % du chiffre d'affaires des entreprises artisanales ; mais, si nous n'y prenons garde, dès aujourd'hui, c'est l'identité même de cette profession qui pourrait disparaître.
Bien entendu, ce n'est, en aucune façon, une quelconque forme de corporatisme ou de cloisonnement de la profession. Il s'agit de permettre au consommateur de connaître l'origine et le mode de fabrication du pain qu'il achète.
Cette proposition de loi, en apportant une définition juridique de l'appellation de « boulanger », peut permettre de protéger les artisans boulangers ou, tout au moins, d'opérer la distinction entre les méthodes de panification. A l'avenir, grâce à ce texte, tout professionnel qui assure lui-même les différentes étapes de fabrication de pain sur le lieu de vente pourra se prévaloir de cette appellation.
Ce sont bien les modalités de fabrication et non la seule aptitude professionnelle ou le seul lieu de vente qui déterminent la qualité et le statut de « boulanger ».
La boulangerie, de même que l'école ou le bureau de poste, est souvent l'un des derniers remparts contre la désertification de nos villages ou des bourgs ruraux. Elle constitue, pour de nombreuses personnes, un espace de dialogue, d'échange et de vie qui ne peut se résumer à une simple activité commerciale.
La dimension culturelle du pain est évidente. Notre langage témoigne de cette symbolique à travers notre histoire.
Cette proposition de loi, à juste titre, prend en compte et reconnaît la vente itinérante de pain. On imagine difficilement, en effet, la vie dans nos campagnes sans l'existence de ces « relais » quotidiens entre les bourgs où sont implantés les artisans et les villages plus éloignés. Au-delà d'un moyen de communication entre les habitants, on pourrait parler - et le terme est approprié s'agissant du pain - de « communion » là où la grande distribution ne peut que standardiser l'offre, centraliser les demandes des consommateurs et uniformiser les besoins.
Le groupe communiste républicain et citoyen considère que cette proposition de loi contribue à la préservation de l'identité de la boulangerie artisanale, d'une part, et à une meilleure information des consommateurs sur la qualité des produits, d'autre part.
Nous nous félicitons, en outre, de la publication, le 2 avril dernier, de deux décrets relatifs à la qualification professionnelle des artisans et aux règles d'immatriculation et de fonctionnement des répertoires des métiers ; l'ensemble de ces textes contribueront à l'édification d'un statut de l'artisan.
En effet, une réflexion plus large est nécessaire sur la place du petit commerce dans notre économie et sur les moyens de contenir la progression de zones commerciales démesurées qui déstructurent notre territoire et la convivialité de nos villes.
Il est temps, selon nous, de créer les conditions d'un développement mutuel et complémentaire des activités commerciales, quelles soient artisanales ou industrielles.
Aussi, cette proposition de loi ne doit pas être interprétée comme la revanche des artisans boulangers sur la boulangerie industrielle. Il s'agit plutôt d'assainir les conditions d'exercice de la profession dans le respect des identités de chacun.
A la lueur de ces arguments, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen émettront un vote positif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est-il vraiment nécessaire d'insister sur l'importance de la boulangerie artisanale, au sein de l'artisanat, en termes d'activité économique, d'emploi et d'aménagement du territoire ?
Permettez-moi de m'appesantir tout d'abord sur ce qui constitue la première caractéristique de ce secteur : la tradition alliée à la qualité.
Maire d'une commune rurale, à l'instar de beaucoup de collègues ici présents, j'ai toujours pu apprécier le savoir-faire et le grand mérite des artisans boulangers, qui font un travail pénible, difficile, et qui sont presque toujours levés bien avant nous le matin.
La qualité très spécifique de leurs produits est incontestable, elle est appréciée au-delà de nos frontières, puisque le pain constitue l'un des symboles de notre gastronomie et d'un art de vivre inégalés dans le reste du monde.
Le pain est réllement au coeur de la culture française comme, d'ailleurs, de notre tradition judéo-chrétienne.
Je citerai à cet égard le poète François Villon : « Qu'il vente, qu'il grêle, qu'il gèle, j'ai mon pain cuit. »
En outre, ce n'est pas un hasard si la baguette de pain, attribut traditionnel de nos compatriotes, est l'un des legs de la présence française dans ce qui fut la France d'outre-mer, du Vietnam à la Côte d'Ivoire !
Or, voilà que ce produit alimentaire de base fait l'objet - hélas ! comme tant d'autres - d'une fabrication industrielle : 30 % du pain est vendu actuellement en France par ces industriels.
Quand je dis pain, il n'a de commun que le nom, d'ailleurs... Enfin, il en faut pour tous les goûts !
A une époque où rentabilité rime avec mécanisation, cela n'est guère étonnant et correspond à une évolution du mode de vie et, hélas ! du développement de cette urbanisation un peu excessive.
L'objet de mon propos n'est bien évidemment pas de mettre en accusation des fabricants dont l'activité, dans certaines régions, permet d'apporter ressources et emplois. Ce n'est pas l'existence de telle ou telle activité qui est en cause, c'est l'utilisation de la dénomination du terme de « boulanger » par des industriels qui n'en sont pas. Ils usurpent un nom.
Le métier de boulanger est un métier particulier, il ne s'improvise pas. N'est pas boulanger qui veut. Sortir un bon pain, sortir un beau pain, bien développé, bien croustillant, avec cette magnifique couleur qui le caractérise, c'est tout un art ! Il faut connaître la farine, qui est un produit vivant, qui change sans cesse. Le pain n'est pas le résultat de quelque ratio issu de quelque logiciel. Non ! C'est le résultat de tout un art. Cela vient du blé, cela vient du temps, cela vient d'une foule de paramètres.
Le métier de boulanger, si contraignant, si exigeant, remonte à l'Antiquité et, à ce titre, il a quand même un droit minimum, c'est celui de la préservation de son nom ; ce n'est rien d'autre. Les propositions de loi présentées par le Sénat et l'Assemblée nationale vont dans ce sens, et nous nous en félicitons tous.
Je n'entrerai pas dans le débat, quelque peu dépassé à mon avis, de l'atteinte ou non à la libre concurrence qui serait causée par tel ou tel texte de loi. La libre concurrence est, de fait, déjà remise en cause par les grandes surfaces et centres commerciaux, qui disposent, en grande majorité, de ces sortes d'officines qui répondent à la douce et poétique appellation de « terminal de cuisson » où le pain... est d'ailleurs bien souvent vendu à perte. Il est vrai que l'on ne parle pas du même produit.
Il n'est pas étonnant, dans ce contexte, que le nombre des boulangeries-pâtisseries artisanales soit passé de 54 000 en 1960 à 34 500 en 1997. De plus, ne sont pas seulement l'honneur et la pérennité d'une profession qui sont en jeu, c'est l'avenir même du monde rural puisque plus de 30 % des entreprises artisanales y sont implantées.
En particulier, est en jeu l'avenir de toutes ces boulangeries qui, comme cela a été dit de nombreuses fois cet après-midi, sont présentes dans presque tous les villages, avec leurs 110 000 salariés.
Préserver la spécificité de ces activités contribue à protéger un tissu économique déjà si fragilisé par l'évolution de notre monde rural.
Il convient donc de saluer le courage et l'esprit d'initiative de ces professionnels qui, malgré les obstacles de toutes sortes, maintiennent ou créent des activités artisanales et commerciales dans des régions de notre pays par ailleurs guère favorisées. Le devoir des pouvoirs publics est de leur assurer, à défaut d'une aide matérielle, une certaine protection juridique. C'est, je le pense, la philosophie qui a inspiré les auteurs des propositions de loi dont nous sommes saisis. D'origine politique diverse, et je m'en réjouis, ceux-ci souhaitent mettre fin à une situation injuste dont souffre profondément toute une profession. Nul doute d'ailleurs que la Haute Assemblée leur donnera raison tout à l'heure.
Le gouvernement Juppé avait pris plusieurs mesures afin de protéger les artisans boulangers : je pense, bien sûr, à l'arrêté du 22 décembre 1995 dû à notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors ministre, et annulé par le Conseil d'Etat, ce qui explique notre présence ici aujourd'hui.
Je n'oublie pas également la loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Réjouissons-nous, à ce propos, de la sortie des décrets d'application de cette loi s'agissant, en particulier, de la qualification professionnelle des artisans et des conditions de fonctionnement du répertoire des métiers.
Je ne peux que regretter néanmoins le retard ainsi accumulé et le fait que le Gouvernement n'ait pas directement repris à son compte les dispositions du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier préparées par l'ancien gouvernement, qui renforçaient la protection des artisans boulangers, en reprenant grosso modo les termes de l'arrêté de 1995.
Cela dit, la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale me paraît relativement équilibrée, protégeant à la fois le consommateur et l'artisan. Par ailleurs, il serait bon que l'ouverture des boulangeries soit réglementée dans tout le pays, comme c'est déjà le cas en Alsace. Un amendement de la commission des affaires économiques va dans ce sens en obligeant chaque point de vente à fermer un jour par semaine, ce qui nous paraît une excellente mesure.
Sous réserve de ces observations, je voterai donc ce texte avec l'ensemble de mes collègues du groupe de l'Union centriste.
En guise de conclusion, je rappellerai simplement qu'il y a, à mon avis, exactement la même différence entre une vraie, une saine boulangerie et un terminal de cuisson en grande surface, qu'entre un restaurant trois étoiles et un fast-food. A moins d'imaginer de les appeler du même nom ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au mois de février dernier, lors de l'une de nos séances de questions d'actualité, je m'étais fait l'écho des inquiétudes des artisans boulangers après l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'arrêté du 22 décembre 1995, pris par notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin.
Le contenu de cet arrêté n'était pas seulement symbolique : réserver l'appellation de boulanger aux seuls professionnels qui assurent sur le lieu de vente toutes les phases de fabrication du pain c'était, en quelque sorte, consacrer la qualification de ces artisans dont le savoir-faire est si ancien et si précieux !
L'émotion de la profession à l'annonce de la décision du Conseil d'Etat était donc aisément compréhensible.
Mais l'absence de base légale invoquée par les conseillers d'Etat dans leur arrêt n'est heureusement pas irréversible !
C'est au Parlement de réparer cette lacune, et ce sera chose faite dans quelques instants.
L'avantage d'une telle situation a été de susciter une saine et unanime réaction de la part de la représentation nationale. Au-delà des clivages politiques, chacun de nous, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, a pris conscience de l'insécurité de la situation dans laquelle sont plongés depuis plusieurs années les artisans boulangers, obligés de lutter contre une concurrence accrue des grandes surfaces et d'officines industrielles tout en étant menacés de perdre leur identité.
Certes, on pourra nous répliquer qu'il s'agit là d'une évolution normale dans une économie libérale, dirigée par la loi de l'offre et de la demande. Mais ce que demandent les artisans boulangers, ce n'est pas le retour à quelques privilèges corporatistes, c'est au contraire le respect de règles du jeu claires et équitables, l'inverse du libéralisme sauvage.
La vente à perte est inadmissible. A ce propos, qu'en est-il, madame la secrétaire d'Etat, de l'application de la loi Galland à l'égard de certains points de vente de pain dans les centres commerciaux ? Par ailleurs, le consommateur doit pouvoir effectuer son choix en toute connaissance de cause : ces dernières années, la qualité a été promue, à juste titre, par les gouvernements successifs et par les organisations professionnelles dans des secteurs de l'agroalimentaire comme la viande ou le vin grâce aux labels et aux appellations contrôlées. Consommateurs et producteurs ont été gagnants, les uns et les autres, dans une telle politique.
Il en est de même pour le pain, pour lequel les appellations ont été définies précisément par un décret du 13 septembre 1993.
Néanmoins, la logique voudrait que l'utilisation de l'enseigne de boulanger elle-même puisse être contrôlée plus strictement. En effet, qu'y a-t-il de plus significatif qu'une enseigne pour un consommateur ? Tel est l'objet de la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale et de celles qu'ont présentées mes collègues Raffarin et Grignon.
C'est au nom d'une certaine conception du libéralisme économique qu'a été supprimé, en 1791, toute protection de l'appellation de boulanger. Deux cents ans après, il est temps de mettre fin à cette situation d'incertitude juridique, lourde de menace pour l'avenir même d'une profession artisanale qui joue un rôle particulièrement important dans l'animation économique des zones rurales.
Je conclurai en insistant sur ce dernier aspect.
Alors que le Gouvernement vient d'annoncer une profonde réforme de la politique d'aménagement du territoire, il est important que le Sénat exprime son attachement à un métier qui est l'un des pivots de la vie économique dans nos campagnes. La disparition d'un boulanger signifie souvent celle d'un village, et vice-versa. Veillons donc à préserver ce réseau particulièrement dynamique et efficace que constituent nos artisans boulangers et boulangers-pâtissiers.
Permettez-moi enfin de citer un proverbe suisse : « Tiens-toi à distance de celui qui n'aime pas le pain ou la voix d'un enfant. » J'ajouterai : tiens-toi à distance de celui qui n'aime pas le pain artisanal !
Vous avez compris, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que je voterai avec enthousiasme le texte qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique



M. le président.
« Art. unique. - Le chapitre Ier du titre II du livre 1er du code de la consommation est complété par une section 10 ainsi rédigée :

« Section 10

« Appellation de boulanger et enseigne de boulangerie

« Art. L. 121-80 . _ Ne peuvent utiliser l'appellation de « boulanger » et l'enseigne commerciale de « boulangerie » ou une dénomination susceptible de porter à confusion, sur le lieu de vente du pain au consommateur final ou dans des publicités à l'exclusion des documents commerciaux à usage strictement professionnel, les professionnels qui n'assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final ; les produits ne peuvent à aucun stade de la production ou de la vente être surgelés ou congelés.
« Art. L. 121-81 . _ Cette dénomination peut également être utilisée lorsque le pain est vendu de façon itinérante par le professionnel, ou sous sa responsabilité, qui remplit les conditions précisées à l'article L. 121-80.
« Art. L. 121-82 . _ Supprimé .
« Art. L. 121-83 . _ La recherche et la constatation des infractions aux dispositions des articles L. 121-80 et L. 121-81 sont exercées dans les conditions prévues à l'article L. 121-2 et punies des peines prévues à l'article L. 213-1 et, le cas échéant, au second alinéa de l'article L. 121-6. »

ARTICLE L. 121-80 DU CODE DE LA CONSOMMATION

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 121-80 du code de la consommation, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 121-81 DU CODE DE LA CONSOMMATION

M. le président. Par amendement n° 1, M. Raffarin, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le texte présenté par l'article unique pour l'article L. 121-81 du code de la consommation :
« Art. L. 121-81. - Toutefois, cette dénomination peut être également utilisée, dans les conditions précisées à l'article L. 121-80, lorsque le pain est vendu de façon itinérante par le professionnel, ou sous sa responsabilité, ou lorsqu'il est vendu dans les établissements secondaires de l'entreprise dans la limite de deux établissements secondaires par entreprise. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Il s'agit de l'amendement que j'évoquais tout à l'heure tendant à élargir aux établissements secondaires la possibilité donnée à la vente itinérante. En effet, nous proposons que le pain puisse être vendu dans deux établissements secondaires par entreprise.
Je crois que Mme le secrétaire d'Etat est d'accord pour qu'il soit procédé à un bilan de l'application du texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale. Si elle confirmait cet engagement, je retirerais l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement dans la mesure où, dès lors qu'il sera possible d'ouvrir un ou deux établissements, il sera difficile de contrôler l'ouverture d'un troisième.
On a dit que la boulangerie industrielle était considérée comme la négation de la boulangerie. Or, certains boulangers sont d'abord devenus boulangers « multi-boutiques » et ensuite boulangers industriels. Nous devons donc plutôt faire preuve de prudence.
Si, dans quelque temps, il faut élaborer une nouvelle loi - j'espère être toujours à mon poste, mais vous le disiez vous-même, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas à l'abri de changements de gouvernement (Sourires) - eh bien ! pourquoi pas ? Toutefois, dans un premier temps, soyons extrêmement vigilants et stricts sur le texte adopté.
Tout à l'heure, dans mon propos liminaire, je disais que je faisais confiance au boulanger qui a une seconde boulangerie dans un village. Comme il l'a été dit par l'un des intervenants, dans ce cas, le boulanger est connu, il peut très bien indiquer qu'il s'agit de la vente de pain de M. Untel. La connaissance par le consommateur du boulanger est souvent la meilleure des garanties.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Les propos de Mme le secrétaire d'Etat m'ayant donné satisfaction, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 121-81 du code de la consommation.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 121-82 DU CODE DE LA CONSOMMATION

M. le président. Par amendement n° 3 rectifié, Mme Dusseau et M. Collin proposent de rétablir le texte présenté par l'article unique pour l'article L. 121-82 à insérer dans le code de la consommation dans la rédaction suivante :
« Art. L. 121-82. - La vente de pains fabriqués à partir de pâtes ayant été surgelées ou congelées à un moment de la production doit faire l'objet d'une information par affichage, qui indique cette condition particulière de la fabrication, sur le lieu de vente. Les documents pubicitaires des magasins concernés doivent également préciser cette information au public. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement a pour objet l'information du consommateur.
Il vise donc à ce que, dans le cas où le pain est fabriqué à partir de pâte surgelée, ce soit affiché dans le point de vente et mentionné sur les documents publicitaires que peut être amené à faire paraître le vendeur.
Cet amendement répond à un double souci.
Le premier est, bien sûr, l'information du consommateur.
On a beaucoup parlé du rôle de l'artisan dans la discussion générale. Je voudrais, pour ma part, insister sur l'importance du consommateur et de son information. Nous savons que l'information du consommateur sur l'origine des produits, sur les modes de fabrication va devenir de plus en plus réglementée au niveau européen, ce qui est, bien sûr, tout à fait souhaitable.
Cet amendement répond à un second souci, sur lequel je tiens à attirer l'attention de M. le rapporteur et de Mme le secrétaire d'Etat : celui de la santé publique. En effet, vous le savez, des personnes de plus en plus nombreuses sont conduites à congeler le pain qu'elles achètent. Or il est peu recommandé de recongeler un produit qui a été décongelé.
Certes, en l'occurrence, la situation est un peu différente puisqu'il s'agit de la décongélation de la pâte avant cuisson. J'ai bien conscience qu'il y a une cuisson entre les deux congélations, mais je me demande néanmoins, s'il ne serait pas utile, afin de préserver la santé du consommateur, d'informer ce dernier en cas d'utilisation de pâte congelée pour que ce pain ne soit pas recongelé.
Je tenais à faire part de ces préoccupations au Gouvernement. Mais je suis prête à retirer mon amendmenet si j'obtenais des garanties de nature à me rassurer.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je comprends votre souci de protéger les consommateurs, madame. J'ai toujours dit que le principe de précaution devait sous-tendre toute action. Je m'efforce d'ailleurs de le mettre en application, puisque j'ai la charge des consommateurs dans les fonctions que M. le Premier ministre m'a confiées.
Je vous répondrai en utilisant deux arguments.
En premier lieu, si le présent texte est discuté devant le Parlement c'est bien pour éviter que des produits congelés entrent, à quelque niveau que ce soit, dans la fabrication du pain.
Soyons clairs ! N'introduisons pas de doute dans l'esprit du consommateur : lorsqu'il entrera dans une boulangerie, il ne pourra pas y trouver de produits dont les ingrédients ont été congelés ou décongelés, à quelque moment que ce soit.
Introduire la notion que vous suggérez dans le texte pourrait laisser penser aux consommateurs qui liront le texte de cette loi que la congélation est autorisée au cours du processus de fabrication. Or, ce sera strictement interdit.
J'ajoute - il est peut-être souhaitable de le rappeler - que l'arrêté n° 78-89 P du 9 août 1978 relatif, entre autres, aux prix du pain, des produits de viennoiserie, des pâtisseries fraîches, etc., prévoit également que le consommateur doit avoir connaissance de la dénomination exacte de la catégorie de pain et, au cas où il s'agirait de pain décongelé, que la mention « décongelé » soit apposée.
Cette disposition répond à l'objectif que vous cherchez à atteindre.
M. le président. Madame Dusseau, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Joëlle Dusseau. Je voudrais faire remarquer à Mme la secrétaire d'Etat que l'arrêté de 1978 concerne le pain décongelé, c'est-à-dire du pain qui a été fabriqué et congelé tandis que, dans mon amendement, il est question de congélation de la pâte. La situation est donc un peu différente.
Toutefois, je reconnais la pertinence de l'argument selon lequel il ne faut pas troubler le consommateur en lui faisant croire qu'il pourrait y avoir congélation, alors que ce n'est pas le cas.
En conséquence, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 121-82 du code de la consommation.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 121-83 du code de la consommation.


(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

Article additionnel après l'article unique



M. le président.
Par amendement n° 2, M. Raffarin, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les points de vente de pain, quelle que soit leur dénomination commerciale, doivent être fermés au public au minimum un jour par semaine, sans possibilité de dérogation. Cette disposition est applicable aux commerces, petites ou grandes surfaces, qui vendent du pain à titre principal ou accessoire.
« Dans chaque département des arrêtés préfectoraux fixent les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Il s'agit du repos hebdomadaire. C'est un point très important, sans doute aussi important que l'identité ou les prix anormalement bas, et nous avons tous bien conscience de la nécessité d'être vigilants.
Lors de la préparation de mon rapport, j'ai rencontré des professionnels, et parmi eux le président de la confédération des boulangers, M. Cabut. J'ai compris que tous comptaient fermement sur notre vigilance quant au respect du repos hebdomadaire. Toutefois, nous comprenons bien qu'il peut y avoir des différences selon les départements, et nous apprécions que le Gouvernement accepte d'adresser de nouveau une circulaire sur ce sujet.
Confirmez-vous, madame le secrétaire d'Etat, que nous ferons le point sur l'ensemble de l'application de cette circulaire six mois ou un an après sa parution ? Cela nous permettrait de dresser le bilan du respect de ce repos hebdomadaire, et s'il fallait alors intervenir sur le plan législatif, nous prendrions les décisions nécessaires. Pour l'heure, nous vous laissons mettre en oeuvre la circulaire, afin de conserver à ce texte la simplicité et la rapidité d'application attendues par la profession.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Un certain nombre d'infractions ont été relevées dans seize ou dix-sept départements, dont nous avons la liste. C'est pourquoi nous tenons, monsieur le rapporteur, à prendre une circulaire interministérielle qui sera adressée aux préfets des départements concernés aussitôt que nous aurons pu la signer ; vous savez, monsieur le rapporteur, ce que représente la signature d'une circulaire de ce type, même s'il est tout de même plus rapide de prendre une circulaire plutôt qu'un décret.
En tout cas, je prends l'engagement de vous présenter au cours du premier semestre de l'année prochaine, selon les modalités que vous jugerez appropriées, un bilan de l'application, dans le secteur de la boulangerie, des règles relatives au repos hebdomadaire.
Je précise d'ailleurs que les tribunaux se montrent très sévères à l'encontre de ceux qui enfreignent ces règles.
Il conviendra également, au cours des semaines à venir, de prévenir l'ensemble des professionnels du risque qu'ils encourent à ne pas respecter ce qui est une disposition légale du code du travail.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Ainsi que je l'avais précédemment laissé entendre, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Bardou, pour explication de vote.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je souhaite tout d'abord rendre hommage au travail accompli par notre rapporteur, Jean-Pierre Raffarin, pour faire aboutir cette législation importante en faveur de la profession d'artisan boulanger.
Il n'est pas courant, mon cher collègue, qu'un ancien ministre soit amené à suivre, une fois redevenu parlementaire, un dossier ouvert par ses soins ! Vous avez pris la peine de le faire, et nous ne pouvons que vous approuver. Après l'annulation de votre texte réglementaire par le Conseil d'Etat, vous avez rapidement réagi, en concertation avec les professionnels, et déposé une proposition de loi que de nombreux collègues de la majorité sénatoriale ont cosignée.
Le dépôt de plusieurs textes, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, est une légitime reconnaissance de votre action ministérielle pour soutenir la boulangerie artisanale.
La présente proposition de loi, transmise par l'Assemblée nationale, se situe dans la ligne de l'arrêté du 12 décembre 1995 que vous aviez signé en tant que ministre. Elle représente une avancée très positive pour les professionnels de la boulangerie, une profession au sein de laquelle on compte nombre de petites entreprises, souvent familiales. Le groupe des Républicains et Indépendants se félicite que les parlementaires, toutes tendances politiques confondues, se soient donné le même objectif de protection de l'appellation de « boulanger » et de l'enseigne de « boulangerie ».
M. Alain Gournac. Ça oui !
Mme Janine Bardou. Notre groupe soutient toute action en faveur de la reconnaissance de la qualité de nos produits. C'est là notre préoccupation d'élus attachés à défendre la richesse de nos terroirs dans tous les domaines touchant à l'agro-alimentaire.
Cette notion de qualité est l'expression du travail accompli selon les règles de l'art, de la compétence professionnelle et de la valorisation des métiers artisanaux, autant de critères que le présent texte met en avant. Nous avons en effet, dans ce pays, et pendant trop longtemps, fait l'erreur de ne pas accorder toute leur place à nos filières artisanales...
M. Alain Gournac. Absolument !
Mme Janine Bardou. ... dans la formation professionnelle de notre jeunesse. (Applaudissements.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Janine Bardou. Ces activités sont pourtant les héritières de traditions anciennes, entretenant l'amour du travail bien fait, et cela au profit de tous, de ceux qui fabriquent comme de ceux qui consomment. L'artisanat favorise l'esprit d'entreprise, le sens de l'effort récompensé, celui de la création originale.
Nos concitoyens aspirent de plus en plus à revenir aux produits alimentaires et culinaires originaux et authentiques, exprimant en outre les spécificités de nos régions, pour retrouver les plaisirs du goût. Le pain est, de fait, le produit de consommation courante le plus symbolique. L'acheter et le consommer sont des actes de notre vie quotidienne, sur lesquels nous exerçons tous les jours notre jugement : choix du fournisseur, choix du type de pain, appréciation de sa saveur.
Le boulanger a, par ailleurs, toute sa place dans la vie de nos communes, de nos quartiers, apportant un service irremplaçable en termes de proximité et d'échange. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de rappeler sa place dans nos espaces ruraux.
Le dispositif législatif qui nous est présenté aujourd'hui pour améliorer l'exercice de cette profession estimée apporte une clarification indispensable et juste. Le travail de notre commission a permis d'obtenir du Gouvernement des précisions sur des points importants.
Il est proposé au Sénat d'adopter ce texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, afin d'en accélérer l'application. Notre groupe approuve sans la moindre réserve cette démarche et votera donc la proposition de loi.
Nous espérons que nos concitoyens comprendront à travers cet exemple précis, qui touche directement leur vie quotidienne, le rôle effectif de la Haute Assemblée et sauront apprécier son action positive pour qu'il soit répondu à leurs préoccupations. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien entendu, je voterai ce texte relatif à la profession d'artisan boulanger, texte de qualité, à l'image du pain qu'il veut promouvoir.
Nos artisans et commerçants sont les animateurs de la vie locale tant dans nos bourgs ruraux que dans nos centres-villes. Nous leur demandons de satisfaire aux trois critères que sont la qualité, le goût et le sens de l'accueil, critères relevés tant par notre rapporteur, auteur d'un premier texte, que par celles et ceux qui viennent de s'exprimer. En leur demandant d'y satisfaire, nous reconnaissons qu'ils leur sont propres. Les clients deviennent ainsi des amis, et nous voulons promouvoir cet état d'esprit, facteur d'équilibre social.
Permettez-moi de dire qu'il reste du pain sur la planche (Sourires), mais il est réconfortant de constater l'unanimité de notre assemblée sur cette proposition de loi. Je ne peux donc que conclure en vous souhaitant, à tous, un bon appétit ! (Nouveaux sourires et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le nombre de propositions de loi déposées, le fait qu'elles émanent de toutes les tendances politiques ainsi que la rapidité avec laquelle elles ont été inscrites à l'ordre du jour témoignent, s'il en était besoin, de l'importance de la boulangerie en France ainsi que du capital de sympathie dont elle bénéficie dans l'opinion.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre collègue Joseph Ostermann a déposé, en mars dernier, une proposition de loi quasiment identique à celle que nous examinons aujourd'hui.
Il était effectivement urgent, après l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté pris par notre collègue Jean-Pierre Raffarin en 1995, alors que celui-ci était, au Gouvernement, en charge du commerce et de l'artisanat, de répondre aux transformations que connaît ce secteur.
La boulangerie artisanale, chacun le sait, voit ses ventes baisser sous l'effet conjugué de trois facteurs : premièrement, un changement dans les habitudes alimentaires ; deuxièmement, la fermeture de nombreux points de vente et de fabrication du fait de l'exode rural ; troisièmement, la concurrence accrue des grandes surfaces et de la fabrication industrielle, dont les parts de marché sont passées de 17 % en 1995 à 21 % en 1996.
Or cette bataille n'est pas livrée à armes égales, les industriels et les terminaux de cuisson ayant l'avantage de pouvoir afficher des prix bas, alors que les boulangers n'ont pas la possibilité de se distinguer en mettant en avant la qualité de leur travail et de leur savoir-faire par une appellation différenciée.
Le défi que s'efforcent de relever l'ensemble des initiatives parlementaires est donc triple.
Tout d'abord, il s'agit de trouver un équilibre entre la liberté d'entreprendre et de commercer, d'une part, et la protection du consommateur, d'autre part. Ce dernier devrait en effet pouvoir choisir de façon éclairée, grâce à une information précise sur le produit qu'il achète.
Ensuite, il convient de reconnaître la spécificité de la fabrication artisanale du pain en vue de préserver des savoir-faire et un travail de qualité.
Le dernier défi est celui du maintien de l'emploi. La boulangerie artisanale est, de fait, un secteur économique non négligeable puisqu'il occupe quelque 110 000 salariés et 14 000 apprentis en formation.
En outre, ce secteur contribue au dynamisme du commerce de centre-ville et de centre-bourg, qu'il convient de préserver, notamment en milieu rural.
Ce déclin du commerce de campagne, conjugué au départ des services publics et à l'exode des habitants, ne permet plus à de nombreux villages de demeurer de véritables pôles de vie.
C'est donc l'équilibre de notre territoire qui est en jeu.
Comme le souligne à juste titre notre collègue Jean-Pierre Raffarin dans son excellent rapport, la boulangerie rurale joue un rôle social, humain et culturel.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui ne peut que faire l'objet d'un accord unanime. Bien entendu, le groupe du RPR, attentif aux préoccupations de la boulangerie artisanale, votera ce texte équilibré. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les sénateurs non inscrits s'inscrivent dans la ligne de défense et de clarification des conditions juridiques d'exercice de la profession d'artisan boulanger.
Aussi tiennent-ils à rendre hommage à notre éminent rapporteur, M. Jean-Pierre Raffarin, pour la clarté de ses analyses et pour la pertinence des propositions qu'il a naguère mises au point.
Ils souhaitent aussi remercier le Gouvernement, notamment vous-même, madame le secrétaire d'Etat, de sa participation à l'élaboration du présent texte.
Notre collègue Philippe Darniche, qui devait prendre la parole en cet instant, avait, dès l'annonce de son élaboration, cosigné la proposition de loi de M. Raffarin pour la défense de l'identité et la valorisation de la profession d'artisan boulanger.
Comme lui, nous soutenons avec détermination la défense de la qualité artisanale dans ce secteur économique et commercial ainsi que la nécessaire protection de l'appellation d'« artisan », symbole de qualité, de tradition et de savoir-faire.
La profession de boulanger est et doit rester une composante majeure du commerce de proximité, indispensable à l'équilibre économique et social de la collectivité.
Le produit qu'elle fabrique, je tiens à le dire en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, contribue aussi grandement à l'image de notre pays à l'étranger. Au demeurant, quand un Français part au loin, ce qu'il regrette peut-être le plus de la mère patrie, c'est le bon pain de France, et il est toujours heureux de le retrouver.
Les 35 000 boulangers artisanaux qui existent en France fabriquent 75 % de la production nationale de pain, emploient 110 000 salariés et 14 000 apprentis. Or, depuis quelques années, ils subissent la concurrence déloyale d'entreprises qui vendent au public des pains fabriqués à partir de « pâtons » surgelés d'origine industrielle, tout en utilisant dans leurs enseignes commerciales et leurs prospectus le terme de « boulanger ».
La présente proposition de loi clarifie dans l'esprit du consommateur français - mais également du visiteur étranger - l'origine du produit le plus symbolique de notre alimentation : le pain.
C'est pourquoi cette proposition de loi tendant à la détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger est essentielle. Il était nécessaire d'établir une distinction entre artisans et fabricants industriels. Or ce texte permet de donner enfin une définition stricte de la qualité d'artisan boulanger, qui ne pourra, dès lors, être utilisée que par les commerçants assurant eux-mêmes l'ensemble des phases de fabrication des produits qu'ils vendent, à la différence des « terminaux de cuisson » qui ne font que cuire une pâte surgelée d'origine industrielle.
Dans ces conditions, et convaincus que ce texte va dans le sens des intérêts de notre pays comme de ceux d'une profession à laquelle les Français sont notoirement attachés et qui fabrique des produits de renommée internationale, les sénateurs non inscrits le voteront tel qu'il ressort des travaux du Sénat. (Applaudissements.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je remercie tout d'abord tous ceux qui viennent de s'exprimer, constatant avec plaisir que les mêmes arguments sont avancés sur toutes les travées de cet hémicycle.
Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison, tout à l'heure, de parler de qualification. Je vous confirme publiquement que les décrets relatifs à la qualification existent maintenant. Vous vous en doutez, ils ont été très difficiles à élaborer.
Il est vrai que la boulangerie doit faire face à une forme de concurrence difficile, « déloyale », allez-vous jusqu'à dire. De plus en plus, d'autres professions pourront d'ailleurs être touchées par ce phénomène.
C'est pourquoi il était extrêmement important de reconnaître dans la loi l'existence de deux formes de fabrication d'un même produit, l'une artisanale, que nous entendons protéger, l'autre industrielle.
Est tout aussi important l'engagement relatif à la fermeture hebdomadaire, Il va au-delà de l'application stricte du code du travail : c'est également la reconnaissance par tous, notamment par les consommateurs, de la difficulté d'une profession . Bien sûr, lorsqu'on a recours à des procédés industriels de fabrication du pain, le problème ne se pose pas du tout dans les mêmes termes parce que les contraintes techniques ne sont pas les mêmes.
M. Pastor a souligné, après vous, et à juste titre, l'importance du boulanger pour l'aménagement du territoire, la vie de proximité et la vie rurale. Est-il plus grande solitude, en effet, que celle de l'homme qui ne peut même plus acheter son pain ? Oui, la boulangerie est un lieu de convivialité. A cet égard, je profite de l'occasion de l'examen de ce texte, qui tend à protéger l'artisan boulanger, pour adresser un petit message aux consommateurs, à eux qui nous demandent précisément de protéger les boulangers et, par là même, de garantir un produit de qualité : qu'ils pensent donc à acheter leur pain dans la commune où ils résident et à garantir aussi l'équilibre financier du fonds de commerce de leur boulanger ! (Très bien ! et applaudissements.)
Il en va de même pour les multi-services, dont on ne cesse de nous réclamer la réinstallation sur les fonds du FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales ; mais encore faut-il que les consommateurs qui le demandent respectent le commerçant qui s'est installé dans leur commune en allant faire leurs courses chez lui !
Vous avez parlé de confiance et vous avez raison. Après les terribles crises que nous avons connues, en particulier celle de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, nous aurons à régler des problèmes de traçabilité, et ce y compris pour les céréales. Or c'est une bonne chose, car plus le consommateur est exigeant sur la traçabilité, plus nous avons de garanties qu'il est confiant, qu'il sait ce qu'il achète. Et s'il sait ce qu'il achète, il continuera à acheter. Le pire, pour le consommateur, serait de ne pas savoir, car, quand on ne sait pas, on a un doute et, quand on a un doute, on n'achète pas.
Face à l'ensemble des problèmes qui nous touchent aujourd'hui, vous avez raison de parler d'engagement des pouvoirs publics, sur la transparence et sur la traçabilité. Vous le verrez, cela ne sera pas facile, mais je pense que, collectivement, et avec les deux assemblées, nous pourrons y arriver.
Mme Dusseau a rappelé l'importance de l'augmentation des points de vente hors boulangerie. Elle a raison, il faut insister sur des chiffres qui sont relativement peu connus. Il faut dire aussi que cela ne met pas à l'abri d'autres formes de boulangerie, à l'intérieur même de grands centres commerciaux, par exemple. La qualité de l'information et la transparence que nous mettrons en oeuvre apporteront autant de garanties aux consommateurs. Cela étant, je réitère mon appel : si vous voulez garder vos boulangers, achetez-leur le pain !
L'information est effectivement importante, à condition justement qu'elle ne réintroduise pas une forme de méfiance. C'est ce que je crois aussi, tout en sachant que le respect du consommateur, dont vous avez longuement parlé, est crucial.
Mme Terrade a fort bien parlé de l'installation des jeunes. Les représentants des organisations professionnelles de la boulangerie en sont bien conscients, la qualification et la protection de la notion de boulangerie artisanale donneront davantage envie aux jeunes d'entrer dans cette profession. Lorsque l'on acquiert une qualification sanctionnée par un diplôme, on aime savoir que celui qui n'a ni qualification ni diplôme ne peut accéder à la profession en question.
La reconnaissance du diplôme constitue donc une motivation supplémentaire. Cela étant, nous le savons parfaitement, nous irons vraisemblablement un jour plus loin que les trois années d'expérience professionnelle.
Vous avez également raison sur la vente itinérante. Nous respectons et nous consacrons dans la loi cette activité ; il faut encourager dans ce sens nos artisans boulangers. Au moment de la distribution de crédits d'aides à la rénovation ou à l'homologation, notamment, il faut prendre en compte les outils qui permettent la vente itinérante dans de bonnes conditions. Même s'il s'agit de très petites sommes, elles sont extrêmement importantes pour la vie rurale.
M. Barraux a parlé de pain et de tradition. M. Arzel, élu de Bretagne, aurait pu renchérir que la tradition, en ce domaine, va très loin, en effet, et lui rappeler l'étymologie bretonne du verbe baragouiner : « bara », le pain, et « guvin », le vin, étaient effectivement les deux seuls mots de breton connus au moment de la guerre de 1914-1918. D'ailleurs, je peux déduire de sa longue intervention que le vote d'aujourd'hui sera pour moi du pain béni ! (Sourires.)
M. Philippe de Bourgoing. Bravo !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur Arzel, je sais votre attachement à l'organisation des territoires. Je sais aussi votre détermination à faire en sorte que le libéralisme économique et la confrontation permanente entre l'offre et la demande ne soient pas à l'origine de la disparition de certaines professions et, surtout, des grands équilibres du territoire.
Vous avez raison, car, sinon, la simple confrontation de l'offre et de la demande aurait depuis longtemps déjà tué les commerces de proximité et je pense même que, dans notre Grand Ouest, nous n'aurions plus guère d'activité, compte tenu des concentrations qui peuvent se faire au centre de l'Europe.
Encore une fois, vous avez raison, monsieur Arzel, la contribution des artisans à l'aménagement du territoire est la bienvenue. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) - (Applaudissements.)

7

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 11 mai 1998, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 86 - « proposition de directive du Conseil concernant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques sur le lieu de travail » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 7 avril 1998 ;
- la proposition d'acte communautaire E 602 - « proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 23 avril 1998 ;
- la proposition d'acte communautaire E 1043 - « proposition de directive du Conseil étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord la directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES. Proposition de directive du Conseil étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve, dans les cas de discrimination fondée sur le sexe » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 7 avril 1998.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de MM. Lambert et Marini, rapporteurs pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Le rapport sera imprimé sous le n° 427 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard César un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à protéger les acquéreurs et propriétaires d'immeubles contre les termites et autres insectes xylophages (n° 294, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le n° 428 et distribué.
J'ai reçu de M. Dominique Braye un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (n° 409, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 429 et distribué.
J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Hongrie (n° 384, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Pologne (n° 385, 1997-1998) ;
- et le projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République tchèque (n° 386, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 430 et distribué.

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DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanier un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (n° 409, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de MM. Xavier Dugoin, Jean Bernard, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jacques Chaumont, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong, Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Charles Ginésy, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, André Jourdain, Lucien Lanier, Jacques Legendre, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck, Maurice Schumann, Louis Souvet, Martial Taugourdeau et Alain Vasselle visant à réglementer la circulation des pitbulls sur tout le territoire national (n° 358, 1995-1996) ;
- la proposition de loi de M. Serge Mathieu relative aux animaux de race canine susceptibles de présenter un danger pour les personnes (n° 70, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Nicolas About, Mme Paulette Brisepierre, MM. André Boyer, André Maman, Bernard Barbier, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Désiré Debavelaere, Emmanuel Hamel, Francis Grignon, Georges Mouly, Jacques Chaumont, Jean Boyer, Jean Clouet, Jean Madelain, Jean-Paul Amoudry, Joël Bourdin, Louis Althapé, Michel Alloncle, Michel Bécot, Michel Doublet, Philippe Darniche, Philippe François, Rémi Herment, Roland du Luart, Serge Franchis, Charles Descours, Philippe Adnot, Mme Nelly Olin, MM. Bernard Barraux, Hilaire Flandre, Edouard Le Jeune, André Diligent, Charles Ceccaldi-Raynaud, Daniel Eckenspieller, Hubert Haenal, Pierre Croze, Jacques Braconnier, Mme Janine Bardou, MM. Jean Bernard, Yann Gaillard, Jean-Claude Carle, Pierre Lagourgue, Bernard Joly, Daniel Goulet, Marcel-Pierre Cléach, Gérard César et Charles Ginésy tendant à interdire l'importation, l'élevage, le trafic et la détention de pitbulls et de tout animal issu de leur croisement sur le territoire français (n° 105 rectifié, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Christian Demuynck tendant à interdire l'importation, l'élevage, le trafic et la détention d'animaux susceptibles de présenter un danger aux personnes sur le territoire français (n° 182, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le n° 431 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 14 mai 1998, à quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.

Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (n° 409, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 mai 1998, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 mai 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Calcul de la taxe locale d'équipement

277. - 13 mai 1998. - M. Dominique Leclerc appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nouvelle interprétation, faite par la circulaire n° 96-39 du 19 juin 1996 issue de son ministère, de certains textes de loi du code de l'urbanisme. Celle-ci amène les directions départementales de l'équipement à considérer les nouvelles surfaces de serres de production comme constitutives de surfaces hors oeuvre nette et donc redevables de la taxe locale d'équipement. Les conséquences de cette circulaire sont particulièrement graves. En effet, la taxe locale d'équipement appelée, au titre de la construction des serres de production considérées comme des constructions créatrices de surfaces hors oeuvre nette, dans les communes qui n'ont pas voté leur exonération, constitue une charge financière extrêmement lourde d'un montant exorbitant au regard du coût d'achat d'un mètre carré de serre. Or le contenu de cette circulaire s'explique d'autant plus mal que de nombreux éléments démontrent que la volonté initiale du législateur était d'exonérer toutes les surfaces de serres de cette taxe. C'est pourquoi, de nombreuses constructions de serres étant suspendues au règlement de ce dossier, il lui demande s'il envisage de prendre une nouvelle circulaire d'interprétation ou bien de modifier légèrement le texte de la loi en supprimant à l'article L. 112-7 du code de l'urbanisme le mot « annexe » : « ... des décrets définissent notamment la surface de plancher développé hors oeuvre d'une construction et les conditions dans lesquelles sont exclues de cette surface... les surfaces annexes aux bâtiments d'exploitation agricole ». L'une ou l'autre de ces mesures permettrait ainsi de lever toute ambiguïté et les surfaces de serres de production déduites de la surface hors oeuvre nette seraient exonérées de la taxe locale d'équipement.

Politique d'aménagement culturel

278. - 13 mai 1998. - M. André Egu attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la politique d'aménagement culturel du territoire et sur son financement. Il lui rappelle qu'en arrivant rue de Valois elle a défini trois priorités : protéger, créer et diffuser. Elle a également fixé comme objectif principal l'affectation des deux tiers des crédits du ministère à la province. Or il constate amèrement que de nombreux projets semblent oubliés par ces promesses. Le Cathédraloscope de Dol-de-Bretagne, dans le département d'Ille-et-Vilaine, est un exemple flagrant. Ce projet d'une envergure exceptionnelle, participant au rééquilibrage culturel de la région Bretagne, risque de ne pas voir le jour faute de crédits suffisants. Pourtant, il a reçu, par les chambres de commerce de la région, un premier prix pour son caractère innovant. Celles-ci ont également indiqué que le Cathédraloscope était source de développement pour l'ensemble de la région. Son prédécesseur s'était engagé à apporter une aide de 10 % du coût total du projet en 1998 alors que les élus espéraient 20 %. En effet, certains projets de même importance et d'attraits semblables ont obtenu une telle participation du ministère. Certaines rumeurs font état d'une aide ramenée à 2 %. Les acteurs du monde rural sont indignés par cette situation. Ils ne croient plus à un aménagement culturel du territoire qui, s'il existe encore, ne profite qu'aux grandes métropoles régionales. En conséquence, il lui demande de tenir ses engagements en faveur d'une politique équilibrée d'aménagement culturel du territoire et de soutenir les projets culturels vecteurs de développement économique et touristique.

Entretien des rivières

279. - 13 mai 1998. - M. Jean-Jacques Hyest attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés rencontrées par les syndicats internationaux de rivière, pour l'application de la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992. En effet, l'article 31 de cette loi associe les termes « entretien » et « aménagement » des cours d'eau non domaniaux. De ce fait, certains services chargés de la police des eaux demandent que les travaux d'entretien soient soumis à enquête publique, ce qui a de graves inconvénients, puisqu'en dehors des dépenses supplémentaires nécessaires (de 30 à 50 000 francs en moyenne tous les cinq ans), cela risque d'entraîner une remise en cause des travaux d'entretien, alors même que c'est en raison de la carence des riverains, légalement soumis à l'entretien des cours d'eaux non domaniaux, que les syndicats des rivières se sont constitués. L'application de la réglementation en ces termes aboutit à un non-sens lorsqu'il faut préciser dans le dossier soumis à enquête publique les modalités d'entretien des travaux... d'entretien. Et, s'il s'agit de justifier l'emploi de fonds publics sur des terrains privés, cette position des services de l'Etat apparaît d'autant plus excessive qu'aussi bien lors de la constitution de ces syndicats, que lors de l'engagement des travaux d'aménagement initiaux, les collectivités se sont engagées à pérenniser ces premiers investissements par une garantie d'entretien ultérieur, et que, par ailleurs, les dépenses d'entretien présentent un caractère obligatoire (art. L. 151-40 du code rural). C'est pourquoi, il lui demande de donner les instructions nécessaires pour la suspension des mesures administratives actuellement préconisées dans certains départements, dont la Seine-et-Marne, et de lui faire connaître quelles mesures elle compte prendre pour mettre fin à cette anomalie juridique, qui ne peut que compromettre les efforts très importants réalisés par les collectivités locales pour l'entretien des rivières.

Situation financière de la SNCF

280. - 13 mai 1998. - M. Jean Bernard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la situation financière de la SNCF.

Assujettissement des serres de production
à la taxe locale d'équipement

281. - 13 mai 1998. - M. Jean Bernard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de l'interprétation faite par la circulaire n° 96-39 du 19 juin 1996 de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme qui entraîne l'assujettissement des serres de production à la taxe locale d'équipement.