Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 74. - L'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté.
« La réalisation de cet objectif passe notamment par le développement de la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires, l'organisation d'activités sportives hors du temps scolaire et la sensibilisation des jeunes qui fréquentent les structures de vacances et de loisirs collectifs aux questions de société. Elle passe également par le développement des hébergements touristiques à caractère social et familial et l'organisation du départ en vacances des personnes rencontrant des difficultés pour bénéficier de ce droit.
« L'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les entreprises et les associations contribuent à la réalisation de cet objectif.
« Ils peuvent mettre en oeuvre des programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles. Dans ce cadre, les établissements culturels financés par l'Etat s'engagent à lutter contre les exclusions au titre de leur mission de service public. »
Sur l'article, la parole est Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, comme vous venez de l'indiquer, c'est à la demande du Gouvernement que nous examinons maintenant ce chapitre V, modifiant ainsi l'ordre d'examen normal des articles.
Dans ces conditions, je pensais que Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire serait au banc du Gouvernement !
M. le président. Le Gouvernement est représenté : M. Kouchner est présent.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous ne m'avez pas remarqué ? Je suis là ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Je comprends que M. le secrétaire d'Etat à la santé ait participé à la discussion du chapitre relatif à la santé, mais je regrette, maintenant que nous abordons le chapitre consacré à l'éducation et la culture, l'absence de Mme Ségolène Royal, d'autant que nous avons déjà évoqué avec elle de nombreux problèmes relatifs au présent texte.
Cette remarque n'est pas du tout désobligeante à votre égard, monsieur le secrétaire d'Etat : je reconnais même que vous avez le mérite de rester parmi nous.
M. Gérard Braun. Il faut reporter la discussion !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. M'autorisez-vous à vous interrompre, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire et M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, assistent à la conférence sur la famille.
Mme Hélène Luc. Oui, mais moi, j'aurais souhaité leur présence ici !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. N'ayant pas le don d'ubiquité, ils ne peuvent être à la fois, si je puis dire, au four et au moulin ! Je suis donc là pour les représenter, avec mes faibles capacités et mes limites, que je vous prie de bien vouloir excuser. (Sourires.)
M. Christian de La Malène. Reportons le débat !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Luc !
Mme Hélène Luc. L'article 74 aurait dû venir en discussion en fin d'après-midi ou cette nuit. De plus, j'avais beaucoup d'obligations ce matin, notamment à ma permanence, où je devais recevoir des habitants de Choisy-le-Roi. J'ai dû reporter ces rendez-vous, parce que le Gouvernement a modifié l'ordre du jour. Je pensais donc que Mme la ministre chargée de l'enseignement scolaire serait présente ! Je ne peux donc, je le répète, que regretter son absence.
Mais j'en reviens, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'article 74.
L'exclusion ne s'arrête pas aux portes de l'école. Le débat l'a rappelé à plusieurs reprises, elle fragilise durablement, ses effets agissent sur toutes les dimensions de la vie, les enfants, les jeunes sont frappés de plein fouet. Pour eux, celle-ci a comme effet spécifique d'agir négativement sur l'acquisition des apprentissages, des connaissances, sur le développement de l'autonomie, des potentiels intellectuels, de la personnalité, d'obérer gravement un avenir en construction et que la France se doit pourtant d'assurer pour les siens et pour son propre essor.
L'exclusion prive l'enfant et le jeune de la disponibilité intellectuelle - mais physiologique également : les deux sont liés - disponibilité si nécessaire pour pouvoir être attentif, se concentrer, apprendre, se former.
C'est pourquoi il faut agir sur l'amélioration de cet environnement, et c'est tout le sens des mesures sociales à prendre en termes de bourses scolaires, de sécurité sociale, de prise en compte du quotient familial, d'allocation de rentrée, dont les montants devraient permettre d'assurer la gratuité réelle de l'enseignement et des activités qui s'y rattachent.
C'est tout le sens des aides qui se sont développées, et permettez-moi de rappeler que le Val-de-Marne fut précurseur dans les aides à la restauration scolaire qui, dans de nombreux cas - de trop nombreux cas, hélas ! - ont eu pour effet de permettre à des enfants de bénéficier tout simplement de leur seul vrai repas de la journée. Cela vous intéresse sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui ! Merci, madame le sénateur.
Mme Hélène Luc. Or nous savons depuis que de nombreuses collectivités ont décidé de faire de même, et les bourses des collèges, que le Gouvernement a rétablies, complètent ces aides.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements destinés à compléter, à améliorer et à renforcer les mesures de ce type.
Dans le système éducatif, l'exclusion est un facteur qui pèse sur la possibilité de réussite de chaque enfant.
Ses conséquences négatives peuvent se cumuler, se développer si l'école elle-même ne bénéficie pas d'une politique mettant en oeuvre des moyens et des dispositifs particuliers d'envergure.
L'école peut et doit agir en son sein contre les difficultés liées à la détresse sociale, à la grande pauvreté. C'est tout le sens de la politique d'affectation de moyens inégalitaires pour lutter contre les inégalités. Je vise bien entendu ici la politique des ZEP, qui doit trouver un nouveau souffle et être dotée de moyens importants, comme l'ont rappelé M. le Premier ministre et Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire en conclusion des Assises nationales qui se sont tenues à Rouen en présence de 2 000 acteurs des ZEP et auxquelles j'ai assisté en compagnie de mon ami Robert Pagès.
Malheureusement, Mme la ministre déléguée et M. le Premier ministre n'ont pas annoncé la mise en oeuvre de moyens nouveaux en faveur de ces ZEP, et je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une grande inquiétude règne.
Mais, pour vraiment traduire en actes concrets la volonté de démocratisation et de lutte contre l'échec et les difficultés scolaires, il faut réellement et significativement « donner plus à ceux qui ont le moins », selon l'expression qui fut reprise durant plusieurs semaines par le puissant mouvement de Seine-Saint-Denis.
Il faut en finir avec le recours à la calculette et à la règle de trois, qui aboutit à des fermetures de classes ou à des réductions de moyens inacceptables. Or nous n'en sommes pas encore sortis, puisque je suis saisie de nombreuses situations où le couperet est tombé pour la rentrée prochaine dans des ZEP. Il en est ainsi, par exemple, au collège Matisse de Choisy-le-Roi où, parce qu'il y a trente élèves en moins, on a supprimé deux postes de professeur, des heures d'éducation artistique et un demi-poste de surveillant.
Les actes doivent être significatifs en termes budgétaires pour aboutir à l'allégement des effectifs, aux dédoublements nécessaires, à l'individualisation la plus poussée possible, clé indispensable pour retisser un lien efficace entre l'école et les jeunes en grande difficulté.
Cela passe par une prise en charge globale et aussi préventive que possible, dans laquelle enseignants et non-enseignants, assistants sociaux, psychologues scolaires, rééducateurs des RASED, personnels de santé scolaire, médecins et infirmiers, conseillers d'orientation, psychologues, conseillers d'éducation, équipes administratives, surveillants, CDI, personnels ATOSS, puissent jouer leur rôle d'écoute, de soutien, de référents en matière de droits et de devoirs, de maintien de la discipline et de lutte contre la violence, d'intercesseurs avec les familles et tous les partenaires.
C'est pourquoi, en citant toutes les compétences requises, j'ai voulu mettre l'accent sur l'importance qu'il y a à créer des postes à la hauteur nécessaire et à recruter des personnels pour que, partout, des équipes soient complètes et en capacité d'assurer les suivis nécessaires.
A cet effet, nous proposons, par deux amendements, de souligner la nécessité et la priorité des moyens correspondants ainsi que le rôle des ZEP.
J'interviendrai plus particulièrement, par une question orale, le 23 juin prochain, sur la psychologie scolaire et, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je veillerai à ce que le prochain budget de l'éducation nationale soit véritablement porteur de ces exigences, qui sont celles d'un pays soucieux de permettre à chaque jeune de développer pleinement tous ses talents.
La loi sur l'exclusion doit être porteuse des conditions fortes de la réussite de chaque enfant des familles en difficulté.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord m'associer aux critiques de Mme Hélène Luc concernant la représentation du Gouvernement. Ce n'est pas une critique ou une attaque contre M. le secrétaire d'Etat à la santé, mais, c'est vrai, nous aurions aimé que Mme Trautmann et Mme Royal puissent trouver le temps de venir participer à nos réflexions ce matin.
Mais j'en reviens à l'article 74.
Comme le disait Jean Vilar : « La culture est le souci de ceux qui veulent apprendre. Et qui ne le peuvent. Non pas seulement pour des raisons d'argent. Ou de temps. En un domaine aussi vaste, illimité, il faut, pour ne pas être désespéré, après de vains efforts, être conduit et conseillé ».
L'accès de tous à la culture est toujours malheureusement, plus de vingt ans après, un voeu pieux.
La dernière étude de M. Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français, qui paraîtra le 24 juin prochain, démontre à quel point la fréquentation des lieux culturels, en particulier par les moins favorisés de nos concitoyens, reste insuffisante : seuls 16 % des Français de quinze ans et plus se sont rendus au théâtre dans les douze derniers mois, 11 % à un concert de musique, 7 % à un concert de jazz. Par ailleurs, si l'on examine la fréquentation des théâtres, les catégories socio-professionnelles les plus représentées sont les cadres et les professeurs, pour 44 %, les professions intermédiaires, pour 21 %, les ouvriers non qualifiés et les agriculteurs ne représentant chacun que 5 %. En outre, sur une période de cinq ans, ces chiffres de fréquentation sont malheureusement stables, et l'écart se creuserait encore plus entre les extrêmes de l'échelle sociale.
Face à cette situation, comme l'a déclaré Mme Catherine Trautmann le 26 février dernier, il faut réaffirmer et renforcer l'objectif de démocratisation de la culture.
C'est là, nous semble-t-il, l'esprit de l'article 74, consacré à l'égalité des chances dans le domaine de la culture et de l'éducation, article que les sénateurs socialistes approuvent totalement.
La démocratisation de la culture, nous le savons, ne passe pas seulement par les politiques tarifaires. Il est prouvé que celles-ci favorisent prioritairement les initiés, ceux qui consomment déjà de la culture. Il existe néanmoins des expériences réussies ; je pense à la Fête de la musique, créée en 1981, ou encore aux dimanches gratuits du Louvre, qui attirent des populations très diversifiées. On peut d'ailleurs noter qu'après le cinéma les musées arrivent en deuxième position en ce qui concerne les pratiques culturelles des Français.
En outre, en tant qu'élue parisienne, je ne peux que saluer l'initiative de la nouvelle majorité du conseil régional d'Ile-de-France, qui vient de décider de mettre en place un chèque théâtre.
Mais, plus que jamais, nous réaffirmons que la démocratisation de la culture passe d'abord par la formation. Les chiffres précités laissent entendre que ceux qui n'ont pas eu la chance d'évoluer dans un milieu familial acoutumé à la fréquentation des lieux culturels ne peuvent prendre la décision d'aller à la rencontre de créations de l'esprit s'ils n'ont pas bénéficié d'une formation qui leur en transmet le goût. C'et pourquoi il est indispensable que tous les enfants bénéficient d'une formation en milieu scolaire ; c'est ce que prévoit l'article 74.
Toutefois, toujours au vu des chiffres de fréquentation culturelle, il nous semble important de ne pas laisser à l'écart nos concitoyens qui n'auront pas eu cette chance dans leur jeunesse. Il faut développer les actions de sensibilisation - rencontres avec des artistes, des responsables d'institutions ou d'événements culturels - et d'initiation - cours d'histoire, de théâtre, d'arts plastiques, ainsi que les pratiques en amateur. Les dispositions de l'article 74 doivent donc être amendées dans ce sens.
J'ajoute que la culture, parce qu'elle crée du lien social, est un puissant vecteur de réinsertion. Chaque jour, de nombreuses associations travaillent dans les quartiers difficiles. A cet égard, je veux citer le travail remarquable fait par le metteur en scène et auteur dramatique Armand Gatti avec les exclus.
Je laisserai également la conclusion à Jean Vilar, qui disait : « La culture, intimement liée à l'enseignement, reste seule à veiller sur l'être humain au moment même où l'école l'abandonne. »
M. le président. Par amendement n° 112, M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de rédiger comme suit le début du premier alinéa de l'article 74 : « L'égal accès de tous... »
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement tend à compléter la rédaction du premier alinéa de l'article 74 afin de préciser que l'objectif national est constitué par l'égal accès de tous à la culture et aux loisirs.
Le principe d'égalité permet, comme l'ont admis les jurisprudences constitutionnelle et administrative, au nom de l'équité, d'établir des discriminations positives. Néanmoins, au-delà des actions concernant des publics spécifiques ou des zones géographiques déterminées, l'accès à la culture doit être égal pour tous.
Je souligne, par ailleurs, que cette rédaction ne constitue pas une innovation dans la mesure où le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 proclamait déjà le principe de « l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 112, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 409, Mme Pourtaud, MM. Lagauche, Sérusclat, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du premier alinéa de l'article 74, après les mots : « L'accès de tous », d'insérer les mots « , tout au long de la vie, à la formation ; ».
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Dans le prolongement de mon intervention précédente, cet amendement vise à ne pas limiter la formation aux jeunes, afin de remplir l'objectif d'un accès de tous à la culture.
Il est clair, comme l'attestent les chiffres de l'étude d'Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des Français, auxquels j'ai fait référence, qu'il faut prendre en compte toutes les générations et les situations sociales, et non pas seulement les jeunes.
Les sénateurs socialistes valident totalement l'idée de renforcer la possibilité d'activités artistiques et culturelles en milieu scolaire et périscolaire, car c'est la condition nécessaire d'une fréquentation régulière et durable des lieux culturels. Ils souhaitent cependant élargir et garantir ce droit à tous les âges de la vie, et notamment à nos concitoyens qui, en raison de leur entourage familial ou social, n'ont pas eu la chance de bénéficier d'une formation dans leur jeunesse.
Rappelons d'ailleurs que le préambule de la Constitution de 1946 dispose que « la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
Il s'agit là moins d'un article normatif que d'un article posant principe. Je tiens à souligner qu'un des moyens de sa mise en oeuvre sera, dans un premier temps, l'application de la charte des missions de service public pour le spectacle vivant, proposée par Mme Trautmann. Cette charte insiste sur la fonction particulière de réconciliation sociale que peuvent remplir les artistes et les acteurs culturels envers les populations exclues pour des raisons éducatives, économiques ou physiques.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs socialistes proposent, par cet amendement, un droit d'accès à la formation pour tous « tout au long de la vie ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre à tous l'accès à la culture, à la pratique sportive et à la formation.
L'accès à la formation comme objectif national est déjà pris en compte par la loi de 1971 relative à la formation professionnelle, qui précise qu'elle constitue une obligation nationale.
De surcroît, le préambule de la Constitution de 1946 dispose, dans son treizième alinéa, que : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. »
La commission des affaires sociales est donc défavorable à cette référence à la formation dans un chapitre traitant de l'accès à la culture et à l'éducation.
En revanche, l'amendement tend à insérer une précision, à savoir l'accès de tous « tout au long de la vie », qui paraît utile.
La commission serait donc favorable à l'amendement si Mme Pourtaud acceptait de supprimer les mots « de la formation ».
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles n'a pas eu à connaître de cet amendement, mais elle ne pourrait qu'être favorable au principe qui le sous-tend.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Madame Pourtaud, acceptez-vous de rectifier l'amendement dans le sens souhaité par la commission ?
Mme Danièle Pourtaud. M. le rapporteur l'a dit, le principe du droit à la formation est garanti par la Constitution.
J'attire cependant son attention sur le fait qu'assurer la formation professionnelle aux exclus, qui, par définition, ne sont pas entrés dans le système productif, n'est pas quelque chose d'évident. Mon amendement ne me semble donc pas redondant par rapport à la Constitution.
Toutefois, si le Sénat, dans sa sagesse, veut bien accepter l'amendement dans la rédaction proposée par la commission, j'accède à la demande de M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 409 rectifié, présenté par Mme Pourtaud, MM. Lagauche, Sérusclat, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans la première phrase du premier alinéa de l'article 74, après les mots : « L'accès de tous », à insérer les mots : « , tout au long de la vie, ».
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je remercie Mme Pourtaud d'avoir accepté de rectifier son amendement, sur lequel j'émets, bien sûr, un avis favorable.
M. le président. Le Gouvernement maintient-il son avis sur cet amendement rectifié ?
M. Bernard Kouchner. secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 409 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 94, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer la seconde phrase du premier alinéa de l'article 74.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cette phrase que nous voulons supprimer précise que l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté. Une telle formulation nous a semblé inadéquate.
Si l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue une condition nécessaire à l'insertion sociale, il ne peut garantir, en lui-même, l'exercice effectif de la citoyenneté. Le projet de loi comporte d'ailleurs un chapitre consacré spécifiquement à l'exercice de la citoyenneté, qui traite principalement du droit de vote, lequel ne saurait être mis sur le même plan que l'accès aux loisirs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il a accepté, à l'Assemblée nationale, l'amendement introduisant cette seconde phrase.
L'article n'avait pas été proposé par le ministère de l'éducation nationale, mais ce dernier s'estime néanmoins concerné.
Quant au deuxième alinéa, il donne, à notre avis, de la solidité à un article déclaratif dont les conditions de mise en oeuvre doivent être éclairées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 410, Mme Pourtaud, MM. Lagauche, Sérusclat, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - De supprimer le deuxième alinéa de l'article 74.
II. - Après le quatrième alinéa de cet article, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La réalisation de cet objectif passe notamment par le développement de la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires, l'organisation d'activités sportives hors du temps scolaire et à la sensibilisation des jeunes qui fréquentent les structures de vacances et de loisirs collectifs aux questions de société. Elle passe également par le développement des hébergements touristiques à caractère social et familial et l'organisation du départ en vacances des personnes rencontrant des difficultés pour bénéficier de ce droit. »
Par amendement n° 113, M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 74 :
« La réalisation de cet objectif passe notamment par le développement des enseignements artistiques dispensés dans les établissements scolaires, l'organisation d'activités sportives et culturelles hors du temps scolaire, l'aide à la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires ainsi que des actions de sensibilisation des jeunes fréquentant les structures de vacances et de loisirs collectifs. Elle passe également par le développement des hébergements touristiques à caractère social et familial et l'organisation du départ en vacances des personnes en situation d'exclusion. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 390, présenté par Mme Luc, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant, dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 113 pour le deuxième alinéa de l'article 74, à remplacer le mot : « hébergements » par le mot : « structures ».
Par amendement n° 95, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose, à la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 74, de remplacer les mots : « rencontrant des difficultés pour bénéficier de ce droit » par les mots : « en situation d'exclusion ».
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 410.
Mme Danièle Pourtaud. Il s'agit d'un simple amendement rédactionnel qui, pour faciliter la lecture, tend à modifier l'ordre des paragraphes afin de permettre une meilleure cohérence des alinéas entre eux.
M. le président. La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Cet amendement, outre quelques améliorations rédactionnelles, vise à apporter une amélioration de fond, en rappelant que les enseignements artistiques dispensés dans les établissements scolaires contribuent, en application de la loi du 16 janvier 1988, à l'égalité d'accès à la culture.
La commission des affaires culturelles a souvent souligné, pour le regretter, que cette loi n'était qu'imparfaitement appliquée et que l'école avait vocation à être le lieu privilégié de lutte contre les exclusions, en particulier dans le domaine culturel.
M. Philippe Meirieu a évoqué devant la commission des affaires culturelles, le 13 mai dernier, les attentes des jeunes lycéens concernant l'acquisition d'une culture commune. Il me semble essentiel de faire référence, dans cet article, au rôle que doit jouer l'éducation nationale dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre le sous-amendement n° 390.
M. Jack Ralite. Il était commun de lire, il y a quelques années, que nous entrions dans l'ère des loisirs. C'était, il est vrai, une époque où notre pays connaissait le plein emploi et bénéficiait d'une possibilité nouvelle d'accéder au temps libre.
Malheureusement, les effets de la crise économique pèsent aujourd'hui très durement sur un grand nombre de nos concitoyens, notamment en matière de tourisme et de loisirs.
Bien sûr, les explications varient. Certaines n'hésitent pas à évoquer un changement dans les pratiques touristiques de nos compatriotes : les familles partiraient plus souvent et moins longtemps. Soit !
De fait, la fragilité économique de certaines familles prive celles-ci du droit élémentaire au tourisme, aux loisirs, et la notion de congés payés, pour ces personnes en situation d'exclusion, n'a guère plus de sens.
L'article 74 du texte qui nous est proposé introduit le droit au tourisme pour ceux que l'exclusion rejette, ce dont nous nous félicitons.
A cette fin, le ministère du tourisme, à condition de voir ses moyens renforcés, pourrait mettre en oeuvre une politique déterminée dans la défense de cette cause.
Cette politique ne passe pas seulement par le développement d'hébergements touristiques adaptés. C'est pourquoi, par notre amendement, nous proposons de remplacer le mot : « hébergements » par le mot : « structures », qui permet une définition plus large du champ de la politique touristique à mettre en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 95 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 410 et 113, ainsi que sur le sous-amendement n° 390.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Notre amendement tend à améliorer la rédaction de l'article pour rétablir la cohérence de l'ensemble.
Toutefois, nous estimons qu'il est préférable de retenir l'amendement n° 113 de la commission des affaires culturelles. Par conséquent, nous retirons l'amendement n° 95 à son profit.
M. le président. L'amendement n° 95 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 410 nous paraît également satisfait, et même au-delà, par l'amendement n° 113. Par conséquent, je suggère à ses auteurs de le retirer, comme nous l'avons fait pour l'amendement n° 95.
La commission est, bien-sûr, très favorable à l'amendement n° 113, au profit duquel elle a retiré le sien.
Enfin, la commission, bien qu'elle s'interroge sur la portée des modifications qui y sont proposées, s'en remet à la sagesse du Sénat pour ce qui est du sous-amendement n° 390.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 113 parce que, très précisément, il vise à instaurer une aide à la formation dans le secteur de l'animation ; cet ajout ne relève ni de la logique de l'article 74 ni de ce projet de loi. Le Gouvernement préfère s'en tenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Le sous-amendement n° 390 apporte une précision rédactionnelle intéressante : le Gouvernement l'accepte.
Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 410, qui vise à modifier l'ordre des paragraphes.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je comprends mal la position de M. le secrétaire d'Etat : comment peut-il être favorable au sous-amendement n° 390 et défavorable à l'amendement n° 113 alors que l'un affecte l'autre ?
Par ailleurs, je rappellerai que le programme du Gouvernement prévoit la mise en place d'une aide à la formation d'animateurs. Nous pensons simplement que, indépendamment des actions prévues dans le domaine parascolaire, il est important de rappeler que le premier devoir de l'école est d'être le lieu de lutte contre les exclusions.
Je ne vois pas en quoi le fait d'affirmer ici l'importance de la pratique culturelle à l'école serait contradictoire avec la position du Gouvernement par ailleurs. J'insiste donc pour que le Sénat adopte l'amendement n° 113.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 410, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 390, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 113, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 114 rectifié bis , M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de remplacer le dernier alinéa de l'article 74 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ils peuvent mettre en oeuvre des programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles.
« Au titre de leur mission de service public, les établissements culturels financés par l'Etat ont pour obligation de lutter contre les exclusions. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le premier, n° 382 rectifié bis , présenté par MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 114 rectifié bis , après les mots : « culturels financés », à insérer les mots : « pour partie ou entièrement ».
Le second, n° 383 rectifié bis, déposé également par MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise à compléter in fine le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 114 rectifié bis par les mots : « en veillant à la mise en place des tarifs tenant compte de la situation familiale et sociale des publics ».
Les amendements n°s 411 et 412 sont présentés par MM. Lagauche, Sérusclat, Mmes Pourtaud, Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 411 a pour objet de rédiger comme suit le quatrième alinéa de l'article 74 :
« Ils peuvent mettre en oeuvre des programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques, culturelles et sportives, en veillant à n'écarter aucune forme d'expression. Dans ce cadre, les établissements financés par l'Etat s'engagent à lutter contre les exclusions au titre de leur mission de service public ; le cas échéant, des conventions sont passées entre l'Etat et les collectivités territoriales pour permettre l'accès de tous à ces établissements. »
L'amendement n° 412 tend à compléter in fine le dernier alinéa de l'article 74 par une phrase ainsi rédigée :
« De même, les locaux et les équipements des établissements scolaires pourront être mis, hors du temps scolaire, à la disposition des associations qui ont pour vocation la formation des personnes en difficulté, en particulier pour permettre l'accès de tous aux nouvelles technologies. »
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 114 rectifié bis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser de manière plus explicite la façon dont la mission de service public des établissements culturels financés par l'Etat pourra intégrer la lutte contre les exclusions.
Sachant que, dans beaucoup de cas, les moyens que l'Etat met à la disposition de ces structures culturelles sont très conséquents, il nous semble normal et logique qu'en retour ces établissements participent à la lutte contre les exclusions.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre les sous-amendements n°s 382 rectifié bis et 383 rectifié bis .
M. Jack Ralite. Le sous-amendement n° 382 rectifié bis tend à élargir le champ d'application de l'article 74 qui vise à permettre aux personnes en situation d'exclusion d'accéder à la culture, à la formation et aux loisirs.
Au-delà d'une simple position de principe, l'accès à la culture du plus grand nombre doit être une priorité fondamentale tant à l'échelon national qu'à l'échelon local.
On sait par ailleurs l'importance et l'effort des collectivités locales dans la mise en oeuvre des politiques culturelles.
En aucun cas, il ne s'agit pour nous de concevoir l'accès aux politiques et aux pratiques culturelles comme un pansement social, bien au contraire.
Agir pour la culture, agir pour l'égal accès de tous, c'est dans le même temps défendre la création culturelle et développer un autre mode d'appropriation sociale. C'est donc bel et bien de combat pour la liberté qu'il s'agit.
Je voudrais ajouter un petit commentaire sur les deux points que je viens d'évoquer.
Quand je parle de ne pas recourir à ces pratiques comme à un pansement social, c'est parce que, trop souvent, on considère que si tel enfant de famille pauvre, par exemple, accède à quelques pratiques culturelles, la question est réglée. Or ce n'est pas, à mon avis, le chemin à prendre.
Par ailleurs, il est souvent susurré ici ou là que la pratique culturelle que l'on propose à cet enfant doit être « à son niveau ». Ce chemin-là n'est pas non plus le bon.
On a évoqué tout à l'heure l'expérience d'Armand Gatti. Il s'agit, en effet, d'une expérience capitale : dans toutes les villes où il a séjourné, Armand Gatti a toujours choisi des partenaires d'origine très modeste, et il leur a proposé des pratiques du niveau le plus élevé. Il n'y a pas besoin de « prêt-à-porter ».
Bien évidemment, je ne dis pas que le projet de loi traite ainsi de la question, mais je dis qu'il faut bien préciser son environnement. On doit traiter non pas le pauvre dans l'homme, mais l'homme dans le pauvre et un enfant de pauvre n'est pas un pauvre enfant : il a donc besoin d'une éducation et d'une culture « plus » et non pas « moins ». Je participe d'ailleurs demain, à Boulogne-sur-Mer, à un colloque sur ces questions, et c'est le type d'argumentaire que je me permettrai de développer.
J'ajoute un petit mot qui concerne une grande et grave chose : dans plusieurs endroits de France, on constate actuellement une poussée pour développer la sous-culture ou supprimer la culture. Je pense à des actes récents dans la région Rhône-Alpes ou à des tentatives récentes dans la région Languedoc-Roussillon.
Ce n'est donc pas une petite question, c'est une très grave question, et ce que je viens d'évoquer concerne la création culturelle. Il y a là un couple à nouer entre les créateurs et leurs partenaires, quels qu'ils soient, et c'est sur cet aspect-là que ce sous-amendement n° 382 rectifié bis vise à apporter une précision.
Le sous-amendement répond donc à cette priorité en permettant aux établissements culturels financés par l'Etat, entièrement ou pour partie - c'est pour élargir l'assiette, parce que celui qui reçoit une contribution de l'Etat doit considérer cette dimension au nombre des engagements qu'il prend - de mettre en oeuvre une politique culturelle ouverte à l'ensemble de nos concitoyens, notamment aux plus fragiles d'entre eux.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 383 rectifié bis , nous sommes toujours dans la même démarche, qui rejoint le texte de la charte actuellement en discussion sur les missions de service public.
La culture comme facteur d'émancipation humaine est un vecteur de liberté individuelle. Cette donnée, qui fonde nos valeurs républicaines et démocratiques, est toujours à réinterroger, a fortiori dans une période trouble comme celle que nous vivons et qui résulte, pour une large part, des effets des difficultés économiques que rencontrent un nombre toujours croissant de nos concitoyens.
Il est commun de parler d'exclusion, vocable que je trouve bien passe-partout car il désigne des réalités souvent très différentes ayant seulement en commun les souffrances qu'elle génèrent.
Permettre l'accès de tous à la culture, à l'expression culturelle, n'est-ce pas aussi partager cette citoyenneté qui nous est chère ?
L'oeuvre d'un Jean Vilar, pour ne citer que le plus connu de ceux qui menèrent le combat de l'accès de tous les publics aux pratiques culturelles les plus diverses, est à poursuivre.
Permettre aux publics en difficulté l'égal accès à la création culturelle est bel et bien un but qu'il nous faut continuer de chercher à atteindre.
Certes, un certain nombre d'actions ont jusque-là été menées en matière de tarifs préférentiels permettant l'accès au musée, au cinéma, au théâtre, au concert, plus largement à l'ensemble du secteur du spectacle vivant.
Il reste néanmoins beaucoup à faire pour que la création culturelle dans notre pays aille à la rencontre de l'ensemble des publics. L'éducation, l'enseignement artistique, la proximité des pratiques culturelles sont des points d'appui d'une démocratisation de l'accès à la culture.
Nous souhaitons cependant aller plus loin encore en permettant la mise en place de tarifs adaptés à tous les publics, et notamment les plus modestes.
C'est là le sens de notre amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour défendre l'amendement n° 411.
M. Serge Lagauche. Le texte adopté par l'Assemblée nationale a enrichi les dispositions relatives à l'accès à la culture mais ne s'attache pas suffisamment au développement de l'accès au sport pour tous. Cet amendement vise donc principalement à réaffirmer le rôle du sport dans la lutte contre les exclusions.
Les pratiques artistiques, culturelles et sportives, sous toutes leurs formes, sont d'importants facteurs d'insertion sociale. C'est pourquoi il convient d'accepter et de favoriser les nouvelles expressions culturelles comme les danses urbaines ou les musiques techno, et non pas de porter un regard d'exclusion a priori sur les jeunes, porteurs de projets nouveaux.
Dans une perspective plus large, l'exclusion des loisirs est surtout liée au coût financier d'une pratique encadrée. Ainsi, pour le sport, une étude du CREDOC révèle que 15 % des personnes interrogées déclarent avoir renoncé à s'inscrire dans une activité sportive.
Or le sport doit davantage participer à la lutte contre la marginalisation des populations subissant les effets de la crise sociale et économique. Il est aussi un élément du processus de reconstruction personnelle quand cette même marginalisation porte à une image négative de soi, pousse à négliger son corps, à se nier.
De plus, il existe un public amateur peu enclin à fréquenter les institutions artistiques, culturelles et sportives, mais fort demandeur de lieux d'expression plus souples, plus libres. Là encore, l'exemple du sport est manifeste : plus des deux tiers des Français déclarent pratiquer au moins une discipline sportive. Or cette proportion correspond presque au double du nombre de licenciés.
La pratique informelle, hors clubs ou institutions, constitue une source d'épanouissement personnel et d'intégration sociale qu'il convient de promouvoir. Le développement du « sport-loisir » correspond à une perception du sport plus axée sur des principes de convivialité, d'autonomie et d'indépendance que sur l'aspect sélectif et compétitif promu par les fédérations.
Or, faute de lieux d'expression, ces pratiques libres, avec la responsabilisation et l'esprit d'initiative qu'elles suscitent, sont entravées.
C'est pourquoi nous devons généraliser les conventions entre Etat et collectivités pour mettre à la disposition de ces amateurs les équipements publics, et assurer ainsi l'expression des pratiques de loisirs informelles. Cette ouverture concourra à l'accès de tous aux activités artistiques, culturelles et sportives.
Enfin, cet amendement va dans le sens des mesures prises par Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, pour le développement des activités extrascolaires en direction des enfants et des jeunes.
L'accès aux équipements publics s'adresse, avec cet amendement, à un public plus large englobant les adultes amateurs et complète ainsi les actions du Gouvernement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 412.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement s'inscrit dans la logique que nous avons déjà proposée dans l'amendement n° 409 pour le premier alinéa de l'article 74.
Il prévoit un accès, tout au long de la vie, aux différentes pratiques éducatives et culturelles, ainsi qu'à la formation.
Nous souhaitons que l'accès de tous, qui figure dans la loi, soit effectif et, pour ce faire, nous voulons introduire une phrase prévoyant que les associations qui s'occupent d'exclus puissent bénéficier des locaux et du matériel des établissements scolaires hors du temps scolaire.
Une telle disposition constituerait, nous semble-t-il, une avancée concrète pour la mise en oeuvre du principe d'égal accès de tous.
Notre démarche s'inscrit également dans le plan gouvernemental d'entrée de la France dans la société de l'information qui prévoit l'accès de tous les enfants aux nouvelles technologies de l'information et de la communication grâce au programme d'équipement des établissements scolaires mis en place conjointement par l'Etat et les collectivités locales.
Il est en effet nécessaire que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne renforcent pas les inégalités sociales.
Le Gouvernement a prévu, par exemple, des postes d'accès dans les lieux publics avec un plan d'équipement de 1000 bureaux de poste et d'ANPE Equiper les lieux publics est nécessaire mais pas suffisant pour garantir l'accès de tous. C'est pourquoi nous proposons que les équipements installés dans nos établissements scolaires puissent servir à initier tous ceux qui n'auront jamais les moyens d'acquérir un ordinateur.
La mise en oeuvre de cette disposition devrait être facilitée par l'affectation, prévue par le ministre de l'éducation nationale, d'emplois-jeunes pour l'initiation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les établissements scolaires.
Pour toutes ces raisons nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 114 rectifié bis, les sous-amendements n°s 382 rectifié bis et 383 rectifié bis ainsi que sur les amendements n°s 411 et 412 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 114 rectifié bis vise essentiellement à remplacer le mot « s'engagent » par les mots « ont pour obligation ». La commission des affaires sociales n'a pas examiné la dernière mouture de cet amendement mais, à titre personnel, j'émettrai un avis de sagesse prudente.
S'agissant des autres amendements et sous-amendements, je souhaiterais d'abord connaître le sentiment de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. S'agissant du sous-amendement n° 382 rectifié bis , il est bien évident que, dans la mesure où l'amendement n° 114 rectifié bis précise que « les établissements culturels financés par l'Etat ont pour obligation de lutter contre les exclusions », cela signifie nécessairement qu'ils sont financés soit partiellement, soit en totalité. En conséquence, l'amendement n° 114 rectifié bis répond à la préoccupation exprimée par M. Ralite.
Le sous-amendement n° 383 rectifié bis précise qu'il faut veiller « à la mise en place des tarifs tenant compte de la situation familiale et sociale des publics ». En vérité, ce sous-amendement restreint le champ d'application de l'amendement n° 114 rectifié bis puisque, dans la pratique, ce dernier prévoit non seulement la mise en place de tarifs spécifiques favorables, mais également d'autres formes d'action.
Je citerai l'exemple de l'action menée par M. Renar en qualité de président de l'orchestre philharmonique de Lille. Quand il fait travailler cet orchestre avec les écoles, il n'est alors pas question de tarifs. Il s'agit tout simplement de pratiques nouvelles qui permettent d'intégrer les écoles. Or le sous-amendement n° 383 rectifié bis exclurait des formules comme celles qui sont expérimentées à Lille.
Il serait préférable de garder la formulation de l'amendement n° 114 rectifié bis, qui permet l'ensemble des expérimentations, ce texte indiquant que, dès lors qu'elles s'exercent en direction d'un public défavorisé et des exclus, elles seraient prises en compte.
En ce qui concerne l'amendement n° 411, il est en partie en contradiction avec l'amendement n° 114 rectifié bis. De plus, la précision « en veillant à n'écarter aucune forme d'expression » ne me paraît pas indispensable dans le projet de loi.
De surcroît, il dispose que, « le cas échéant, des conventions sont passées entre l'Etat et les collectivités territoriales pour permettre l'accès de tous à ces établissements ». Or il est évident que, pour l'application de ce projet de loi, des conventions devront être signées.
L'amendement n° 412, quant à lui, indique que « les locaux et les équipements des établissements scolaires pourront être mis, hors du temps scolaire, à la disposition des associations qui ont pour vocation la formation des personnes en difficulté ». Or j'espère que la généralisation permettra non seulement que ces équipements et ces matériels soient mis à disposition des associations qui ont pour vocation de travailler avec les personnes en difficulté, mais encore que des accords soient passés entre les établissements scolaires et les associations.
Il serait regrettable de retenir cette rédaction restrictive sur la vocation des établissements scolaires à s'ouvrir au milieu dans lequel ils se trouvent.
Tout en comprenant parfaitement les motivations des auteurs de ces amendements et de ces sous-amendements, je considère que l'amendement de la commission des affaires culturelles répond aux préoccupations des uns et des autres et, à titre personnel, j'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces textes.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales rejoint la commission des affaires culturelles s'agissant du sous-amendement n° 382 rectifié bis , qui lui paraît inutile, ainsi que sur le sous-amendement n° 383 rectifié bis . Je souligne à ce propos que la modulation de tarifs, si elle est certes un moyen évident de lutte contre les exclusions, semble perdre beaucoup de sa portée à travers ce sous-amendement. En outre, cette dispositions relève du domaine réglementaire.
L'amendement n° 411 est incompatible avec l'amendement n° 114 rectifié bis de la commission des affaires culturelles, qui a la préférence de la commission des affaires sociales.
La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'amendement n° 412. A titre personnel, je considère cependant que la dernière partie de la phrase de cet amendement « en particulier pour permettre l'accès de tous aux nouvelles technologies » est restrictive quant à la disponibilité des équipements des établissements scolaires.
Mais, je le répète, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'amendement n° 412, en me faisant observer que, si un certain nombre d'établissements scolaires sont déjà largement ouverts en pratique aux nouvelles technologies, certains s'y refusent encore, ce qui est regrettable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. S'agissant du sous-amendement n° 382 rectifié bis, je pense qu'il convient de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Je comprends bien l'intention des auteurs de ce sous-amendement qui prévoit de commencer avec un financement partiel des projets culturels - cela paraît être un encouragement - mais je crains que cette idée ne soit contenue dans l'expression « déjà financés ».
Par ailleurs, si je comprends bien la proposition qui figure dans le sous-amendement n° 383 rectifié bis, il me semble qu'elle est déjà prise en compte par l'article 78 du projet de loi. Le Gouvernement y est donc défavorable.
Quant à l'amendement n° 114 rectifié bis, il va dans le bon sens, dans le sens de l'article 74, mais il serait redondant avec l'amendement n° 411, auquel le Gouvernement est favorable si ses auteurs acceptent, après les mots « le cas échéant, des conventions », d'insérer les mots « d'objectif passées entre l'Etat et les collectivités territoriales ». Cette formulation plus précise et plus restrictive me paraît préférable.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 412, le Gouvernement y est défavorable parce que la loi n° 83-663 de décentralisation donne déjà la possibilité aux communes de faire cela, sous réserve d'avoir reccueilli l'avis des conseils d'administration de l'établissement et l'accord des collectivités de rattachement. Il me paraît donc inutile.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 382 rectifié bis, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 383 rectifié bis .
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes référé à l'article 78 du projet de loi qui mentionne : « Les tarifs des services publics administratifs à caractère facultatif ». J'entends bien que cet article défend exactement la même idée que le sous-amendement, mais, très franchement, je me demande si tous les établissements culturels auxquels nous pensons sont bien pris en compte avec cette rédaction.
Si vous avez raison, c'est bien. Mais je crains que ce ne soit moi qui aie raison !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 383 rectifié bis, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114 rectifié bis .
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je voudrais revenir sur les termes « engagement » et « obligation ».
Je suis sûr que l'auteur de cet amendement en pensant « obligation » croit qu'il est nécessaire d'employer ce terme. Toutefois, je me demande si, dans le domaine de la culture comme a fortiori dans celui des arts, on peut utiliser, comme pour l'éducation nationale, la notion d'obligation.
Je crois en effet, que, dans ce cadre-là, il vaut mieux passer par la conviction qui implique un débat, un débat qu'il n'est pas toujours facile de mener à bien. Evidemment, en employant le mot « obligation », on peut penser avoir réglé la question, mais l'expérience prouve que l'application en est complexe.
J'ai donc peur qu'en employant ce terme, qui est séduisant, on ne se prive du travail social et culturel en profondeur, de cette tâche inouïe à mener pour que l'engagement passe dans les faits.
Pour la culture, le mot « obligation » me choque.
Mme Hélène Luc. Vous avez raison !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié bis , repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 411 et 412 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 74, modifié.

(l'article 74 est adopté.)
M. le président. Avant d'interrompre nos travaux, mes chers collègues, je vous informe que le Gouvernement, en accord avec les commissions, demande que, lors de la reprise, à quinze heures, soient examinés, après la suite de l'ordre du jour du matin, d'abord, la suite du chapitre II du titre 1er sur l'accès au logement - article 33 (suite) à article additionnel après l'article 35 - puis le chapitre II du titre II relatif aux saisies immobilières - article 53 A à article 57 bis - et, enfin, le chapitre III du titre II relatif au maintien dans le logement - article 58 à article 67.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)