Séance du 20 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert, auteur de la question n° 314, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous soyez présent pour répondre à cette question, car vous connaissez bien ce dossier, dont je ne traiterai que les points essentiels.
Vous conviendrez que l'Ile-de-France se divise en deux régions différentes : le nord, avec la plate-forme de Roissy, pour 35 millions de passagers, et le sud, qui m'intéresse aujourd'hui, avec l'aéroport d'Orly pour 25 millions de passagers.
L'aéroport d'Orly est alimenté par Massy, le plateau de Saclay et Les Ulis, ainsi que par les villes nouvelles d'Evry et de Melun-Sénart. Tous ces sites sont inscrits au schéma directeur de l'Ile-de-France au titre du développement économique.
Pourquoi vouloir toujours centraliser et ne pas accepter d'envisager une meilleure répartition des sites, notamment pour les relations intercontinentales ?
Ces deux sites permettent à des compagnies aériennes différentes de répondre aux besoins. Comme il est plus facile de détruire ce qui fonctionne que de construire, je pense qu'il serait déraisonnable de réduire encore l'activité d'Orly. J'ai l'impression que l'on tient à compliquer ce qui est simple.
Les réductions actuelles et prévisibles des activités de fret d'Orly ont entraîné depuis ces cinq dernières années la suppression de 5 000 emplois, alors que Roissy a progressé de 5 000 emplois.
Par ailleurs, cela a dissuadé les entreprises françaises et étrangères de venir s'installer, de développer leurs activités sur le sud et l'ouest d'Orly.
Orienter sur Roissy une partie des activités, comme cela a déjà été fait et comme cela risque de se faire encore, va accroître le trafic routier. Très concrètement, si le trafic long-courrier est transféré à Roissy, 600 000 voyageurs supplémentaires surchargeront une francilienne déjà saturée.
En outre, les salariés ont fait leur profil de carrière et sont installés dans la région. Nous avons les activités de recherche industrielle et scientifique, les activités exportatrices et toutes les filières de haute technologie propres à notre département, sans parler de la réussite du Génopôle. Une situation d'inégalité serait donc créée en matière d'accès aux dessertes intercontinentales, car on ne pourrait pas à tout moment, dans le sud de la région, accéder aux mêmes lignes. Le président de la chambre de commerce et d'industrie du département dit, avec humour, qu'il est plus facile de se rendre à Londres pour prendre un vol transatlantique que d'aller à Roissy !
Orly rivalise actuellement avec les aéroports d'Amsterdam, de Londres et de Rome qui offrent, pour leur part, un très bon accès au réseau mondial.
Voulez-vous, monsieur le ministre, me donner votre sentiment sur ce sujet, et accepterez-vous, comme je l'espère vivement, ainsi que tous les élus du sud de l'Ile-de-France qui s'intéressent à l'aéroport d'Orly, l'ouverture d'une large concertation ? Pourra-t-on étudier toutes les hypothèses propres à conforter l'avenir de cette plate-forme d'Orly, qui a été la première dans la région parisienne, pour confirmer son actuel succès, car c'est bien le succès qui fait que l'on veut la « déshabiller » aujourd'hui pour la transférer dans le nord de la région ?
M. le président. Permettez-moi de vous signaler, monsieur Robert, que vous avez parlé quatre minutes et dix secondes, alors que vous ne disposiez que de trois minutes.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai bien entendu votre question, monsieur le sénateur.
Sans vouloir polémiquer, je n'ai pas trouvé trace de protestations similaires...
Mme Hélène Luc. Ça c'est vrai !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... à l'époque où le gouvernement précédent travaillait à la mise en oeuvre de l'hypothèse que vous qualifiez à juste titre d'insensée, à savoir la limitation du trafic d'Orly aux vols en provenance ou à destination de l'Europe de Schengen. C'était cela, la démarche.
M. Jean-Jacques Robert. J'étais sur le terrain !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Encore une fois, je n'ai pas trouvé trace des mêmes protestations de votre part à l'époque. En fait, le changement de gouvernement a permis d'éviter cette nouvelle étape dans le déclin d'Orly. Or, je vous l'assure, le déclin avait bel et bien commencé.
Qui a organisé la fusion entre Air France et Air Inter entraînant la suppression du siège d'Air Inter et faisant perdre quelque 130 millions de francs de taxes professionnelles aux communes de l'Essonne, si ce n'est le gouvernement précédent ?
Je dois vous dire que je cherche encore les éléments réunis par mes prédécesseurs pour essayer de compenser une telle perte, et je n'ai pas plus, à ce sujet, le souvenir de protestations dans les rangs de l'ancienne majorité.
Alors oui, monsieur le sénateur, et je pense ici vous rassurer, le Gouvernement a décidé de tourner la page de cette politique, à mes yeux insensée, du déclin d'Orly. Ma démarche est, au contraire, une démarche de régulation du transport aérien afin de développer la synergie, la complémentarité des deux plates-formes aéroportuaires franciliennes.
Mon souci est de faire prévaloir l'intérêt général, aussi bien dans une perspective d'aménagement de l'ensemble du territoire que pour répondre aux besoins des entreprises de la région, y compris, bien sûr, de celles qui sont implantées dans les départements de l'Essonne et du Val-de-Marne.
La situation que vous connaissez est la suivante : le nombre des créneaux horaires qui peuvent être attribués à Orly est plafonné depuis 1994 à 250 000 et un « couvre-feu » ne permet l'utilisation de l'aéroport qu'entre six heures quinze et vingt-trois heures trente.
Je n'ai pas l'intention de modifier ces règles, car je suis respectueux des riverains et de leur environnement. Cela me différencie aussi de certains qui souhaiteraient que l'on passe outre en ne tenant plus compte du couvre-feu et que l'on multiplie le nombre de créneaux.
En revanche, il est vrai qu'on enregistre aujourd'hui 50 000 demandes de créneaux supplémentaires sur Orly, demandes qui, vous le savez, ne sont pas transférables à Roissy.
Que faire dans ces conditions, et alors que ces demandes concernent le territoire national, mais aussi l'international ?
A mon sens, il convient de rechercher les solutions les plus pertinentes pour mieux répartir le trafic, sans perdre de vue le développement parallèle et complémentaire des deux aéroports franciliens, et de répondre de la meilleure manière possible aux souhaits de leurs clientèles respectives.
Au lieu de décider unilatéralement de ce qu'il convient de faire, comme cela a souvent été le cas, j'ai décidé d'engager un large processus de concertation avec les maires des communes environnantes, les représentants de la région, des départements concernés, d'Aéroports de Paris, des compagnies aériennes, des syndicats de salariés, etc.
Dans le cadre de cette concertation, qui a été engagée au mois de mars 1998, j'ai été amené à retenir une proposition qui permettrait l'exploitation à Orly de vols internationaux et intercontinentaux de moins de 5 000 kilomètres, de vols domestiques - entendez des vols desservant la France et l'Europe - et des vols à destination des départements d'outre-mer, ce qui permettrait de dégager un peu plus de 6 000 créneaux, et donc de répondre aux demandes, notamment à celles qui émanent des chambres de commerce et d'industrie.
J'ai donc l'intention de poursuivre jusqu'à son terme cette concertation et de prendre l'avis du Conseil supérieur de l'aviation marchande ainsi que du conseil d'administration d'Aéroports de Paris.
Dans cette affaire, l'objectif du Gouvernement, vous pouvez en être assuré, monsieur le sénateur, est donc de conforter à terme l'activité économique et l'emploi à Orly, comme il l'a fait à Roissy.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, ne me faites pas un mauvais procès sur le plan politique ; ce n'est pas dans mon style, lorsque je m'adresse à un représentant du Gouvernement dans cette enceinte, de polémiquer ainsi. Je suis venu avec le coeur pur pour essayer de bien faire et sans arrière-pensée aucune.
S'agissant de ce dossier que vous avez à régler, vous venez d'évoquer les vols de moins de 5 000 kilomètres. Ce sont précisément ces 5 000 kilomètres qui sont en cause, parce que la multiplication de vols avec des appareils plus réduits risque effectivement, dans les glissières qui ont été mises à Orly, de provoquer des nuisances et de réduire en fait le trafic que nous souhaiterions avoir.
Je pense, par exemple, à l'usine Motorola, qui est venue s'installer et qui a son siège là parce qu'elle avait la certitude d'avoir une liaison avec Chicago. Nous avons toute une série d'activités économiques qui vous pressent. C'est vrai que répondre à d'importantes sollicitations est gênant, mais c'est aussi un signe de succès à une époque où, malheureusement, nous avons plus souvent à chercher des emplois qu'à limiter les créations. Or vous êtes dans un secteur porteur.
Vous m'avez dit que vous aviez prévu un groupe ou une commission. Je souhaite que ceux qui représentent très périphériquement une activité économique viennent chez vous, et pas seulement tous les partenaires habituels qui s'intéressent à l'aéroport d'Orly quand on commence à parler de la région parisienne !
Cela concerne typiquement l'Essonne, typiquement le Val-de-Marne, vous en conviendrez. Si mon intervention pouvait permettre que nous soyons entendus, cela me ferait très plaisir.

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