Séance du 20 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Foy, auteur de la question n° 315, adressée à M. le ministre de l'intérieur. M. Alfred Foy. Monsieur le président, le fait que je sois un « Nordiste » et la plus élémentaire des courtoisies me poussent à vous présenter mes plus vives félicitations pour votre élection à la vice-présidence du Sénat et à vous dire que j'ai grand plaisir à vous voir présider aujourd'hui cette séance.
M. le président. Je vous en remercie.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Félicitations méritées !
M. Alfred Foy. Monsieur le ministre, l'annonce, fin septembre, par le Gouvernement du recours à une consultation plus approfondie avant d'engager toute modification de la carte sécuritaire n'enlève en rien à l'intérêt de ma question, qui concerne l'éventualité de la suppression des commissariats dans le Nord, plus particulièrement à Bailleul et Hazebrouck.
Le rapport de MM. Hyest et Carraz, sur lequel s'appuie la réforme du transfert géographique de compétences entre la police et la gendarmerie, préconise une redistribution équilibrée des forces de sécurité en fonction des besoins du territoire.
Il convient cependant, avant de mettre en oeuvre une réforme d'une telle ampleur, de bien tenir compte des spécificités locales. Permettez-moi, à cet effet, de vous les rappeler.
Située, d'une part, à égale distance de la métropole lilloise et de l'agglomération dunkerquoise, et, de l'autre, à proximité de la Belgique, la Flandre intérieure est un lieu de passage privilégié pour les délinquants.
La commune la plus importante de ce secteur, Hazebrouck, constitue un noeud ferroviaire très important par où plus de 6 000 personnes transitent chaque jour. Hazebrouck comme Bailleul abritent de nombreux établissements scolaires - Hazebrouck compte plus de 10 000 élèves scolarisés. Il convient donc d'assurer de façon optimale la sécurité de toutes ces personnes.
Par ailleurs, le phénomène de la toxicomanie, qui frappe partout, tend à croître plus rapidement dans notre zone frontalière. Les statistiques démontrent que l'augmentation des délits enregistrés depuis plusieurs années à Hazebrouck et à Bailleul est liée aux rackets et aux vols, sources de financement pour l'achat de stupéfiants.
En 1994, j'avais déjà évoqué les problèmes de maintien de la sécurité dans la Flandre intérieure auprès du ministre de la défense de l'époque.
Mes interventions successives ont permis d'obtenir, par la suite, qu'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie soit affecté aux secteurs les plus exposés dépendants de la compagnie de gendarmerie d'Hazebrouck. Son intense activité est notoirement reconnue. Mais, au regard de la hausse rapide de la délinquance - 31 % en 1996 par rapport à 1995 à Hazebrouck, les besoins de sécurité se sont encore accrus.
C'est la raison pour laquelle, en avril 1998, je suis de nouveau intervenu au Sénat - je m'adressais cette fois au ministre de l'intérieur en personne - pour dénoncer la surcharge de travail imposée aux policiers d'Hazebrouck, suite à l'amplification des délits.
Le ratio police-population s'établissait à un fonctionnaire pour 571 habitants. Là encore, nous aboutissions à un quota au-dessous de la moyenne. On avait bien observé une augmentation des policiers dans le Nord durant les dernières années, comme me l'a expliqué M. le ministre de l'intérieur, mais, en réalité, au seul profit des agglomérations de Lille, Roubaix et Tourcoing. Et encore s'agissait-il, pour la majorité d'entre eux, d'adjoints de sécurité.
Par ailleurs, quarante policiers officient actuellement à Hazebrouck et trente-trois à Bailleul. Ils devraient être remplacés par trente-quatre gendarmes, selon mes calculs qui sont fondés sur l'analyse de MM. Hyest et Carraz. D'où viendront ces hommes ? Il est probable qu'ils viendront, dans un premier temps, des gendarmeries supprimées. Mais ne faut-il pas craindre, par la suite, qu'ils ne soient recrutés dans les brigades des cantons proches, notamment dans celles qui seraient appelées à être fermées, dans la mesure où le rapport de MM. Hyest et Carraz recommande la présence d'une brigade, et d'une seule, par canton ?
Par ailleurs, le ratio gendarme-population - un gendarme pour 1000 habitants - qui s'appliquerait en cas de réforme serait tout à fait insuffisant.
En définitive, ne serait-il pas préférable de maintenir ces deux commissariats ? Les services de police et de gendarmerie accomplissent, avec les moyens qui sont les leurs, un travail remarquable et apprécié en Flandre intérieure. La mise en oeuvre d'une telle réforme ne risque-t-elle pas de susciter des conflits entre les services, police et gendarmerie, qui ont toujours su coexister et travailler efficacement, dans l'intérêt de la sécurité des habitants de la Flandre intérieure ? Le service de l'Etat et celui de l'intérêt général doivent exclure toute polémique.
Enfin, permettez-moi de conclure en disant que, depuis plusieurs années, sous couvert de principes d'aménagement du territoire, l'Etat tente de supprimer certains services publics en Flandre intérieure. Hier, il s'agissait de remettre en cause l'existence des bureaux de La Poste dans certaines communes. Aujourd'hui, il s'agit de supprimer des commissariats de police. Que nous réserve l'avenir ? La suppression du centre des impôts d'Hazebrouck ? La disparition du tribunal de grande instance situé à Hazebrouck, sur lequel des menaces sérieuses pèsent depuis plusieurs années ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Foy, car vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Alfred Foy. Je veux aussi faire référence à la non-éligibilité de notre zone géographique à la prime d'aménagement du territoire et rappeler que les habitants de la Flandre intérieure attendent depuis plusieurs années la concrétisation de la RN 42. Ils ne méritent pas que les aspects négatifs de la politique d'aménagement du territoire !
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.
M. Alfred Foy. Ils ont droit, eux aussi, aux services publics de proximité et, bien entendu, à la sécurité !
M. le président. Monsieur Foy, permettez-moi de vous faire remarquer que vous avez utilisé cinq minutes et vingt secondes.
M. Alfred Foy. Je serai très bref, par ailleurs, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur Foy, tout citoyen a droit à la sécurité et ce, quel que soit l'endroit où il se trouve sur le territoire national.
Vous avez évoqué le rapport parlementaire qui a été rendu par MM. Hyest et Carraz. A la lecture de ce document, il apparaît que nos concitoyens ne sont pas égaux devant ce droit à la sécurité, notamment en raison de la disparité dans la répartition des personnels et des moyens dont disposent les forces de sécurité ; police et gendarmerie.
Parmi les propositions contenues figure une plus juste adéquation des moyens des deux forces en tenant compte des évolutions de la démographie et de la délinquance. C'est ainsi que la réorganisation territoriale des zones de police et de gendarmerie, qui paraît relever d'un devoir de justice pour garantir, sur le plan social, l'égalité des citoyens, constitue une mesure de solidarité nationale.
Vous savez que le Gouvernement a décidé un renforcement des personnels de la police nationale dans les zones les plus urbanisées que la délinquance - notamment la délinquance de voie publique - affecte particulièrement. Il s'agit d'une disposition qui figurait déjà dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 et dans les décrets d'application du 19 septembre 1996.
Comment avons-nous procédé ? Dans un premier temps, des hypothèses de transfert ont été élaborées à l'issue de la réunion du conseil de sécurité intérieure. Elles ont ensuite été transmises aux préfets qui ont été chargés de mener la concertation avec les élus et les agents publics concernés. Ces hypothèses ont provoqué des réactions : la vôtre, certes, mais aussi celles d'élus d'autres parties du territoire national.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité confier à M. Fougier, conseiller d'Etat et ancien préfet de police de Paris, une mission d'expertise et d'évaluation qui l'amène à se rendre dans toutes les régions concernées. C'est dans ce cadre qu'il est venu à Lille le 14 octobre dernier, où vous avez certainement eu l'occasion de le rencontrer. Il doit donc nous remettre des propositions.
Il revient à M. Fougier de reprendre le dossier en tenant compte des situations de terrain, notamment de celles qui existent dans les deux circonscriptions de police de Hazebrouck et de Bailleul que vous avez évoquées. Nous aurons connaissance des résultats de ses investigations avant la fin de l'année.
Effectivement désireux de conserver un niveau de sécurité identique pour tous, nous ne voulons pas entrer dans une querelle dépourvue de sens sur les moyens respectifs de la police et de la gendarmerie ; je le dis en présence de mon collègue, M. Alain Richard. Il apparaît en effet que nos concitoyens, qui se félicitent de l'action de la gendarmerie dans les zones de gendarmerie, saluent également le travail des policiers dans les zones de police.
Il s'agit de mieux adapter le dispositif des forces de sécurité intérieure aux exigences, en particulier de coordination, en tenant compte du besoin de renforcement des effectifs dans les zones en urbanisation.
Nous attendons donc un ensemble de propositions de M. Fougier, qui intégreront par ailleurs les données relatives à la situation personnelle des agents concernés.
Si les élus des petites villes ou des zones rurales peuvent légitimement s'inquiéter de la fermeture d'un certain nombre de services publics, je tiens à préciser que, pour ce qui est des moyens de sécurité, il s'agit non pas de fermetures mais de transferts éventuels - j'insiste sur le terme « éventuels ». Sachez que, si un commissariat de police, par exemple, devait être transféré, la gendarmerie nationale saurait alors adapter son dispositif aux réalités locales.
La réflexion menée par M. le ministre de la défense relève donc du même type.
Aucune décision définitive n'est prise : pas plus pour Hazebrouck que pour Bailleul ou pour d'autres communes. Nous nous contentons d'étudier la situation. Comprenez bien que la volonté du Gouvernement est de faire en sorte que la sécurité soit garantie partout et pour tous nos concitoyens. Il s'agit simplement et exclusivement en l'espèce de s'interroger sur l'emploi des forces et des moyens disponibles.
M. Alfred Foy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy. Pour faire plaisir à M. le président, je serai très bref, d'autant que j'ai d'ores et déjà dépassé mon temps de parole.
En tant qu'élu de la Flandre intérieure, je suis très sensible aux problèmes qui se posent dans cette région. Après avoir été alertés par des rumeurs persistantes relatives notamment à la suppression du tribunal de Hazebrouck ou à la fermeture de certains bureaux de poste dans de petites communes, nous sommes particulièrement attentifs à tout ce qui concerne la sécurité. C'est la raison pour laquelle, lorsque j'avais déposé cette question voilà quelques semaines, et alors que j'ignorais encore la visite de M. le préfet Fougier à Lille, j'éprouvais une certaine crainte.
Vos propos me rassurent puisque ce que vous voulez, monsieur le ministre, c'est que la sécurité soit finalement respectée partout.
Vous avez également dit que, le moment venu, les moyens de sécurité ont été renforcés dans les grandes villes. Or nous avons assisté dans notre région à l'envahissement des zones rurales par des délinquants venus des agglomérations importantes. C'est la raison pour laquelle j'ai cru bon de citer tout à l'heure certains chiffres révélateurs d'une augmentation de la délinquance.

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