Séance du 10 novembre 1998







M. le président. La parole est à M. Diligent, auteur de la question n° 334, adressée à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. André Diligent. Je suis un Européen convaincu, tout comme M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, certainement. C'est la raison pour laquelle je suis désolé de constater un certain nombre de carences dans le fonctionnement de la machine européenne. En effet, nous assistons, par moments, à un véritable gâchis : je veux parler de la sous-consommation des crédits du fonds social européen, le FSE, dont la finalité est l'amélioration de la situation de l'emploi en France.
Le FSE est le seul fonds stucturel qui concerne directement les personnes. Il symbolise les efforts déployés par l'Union européenne pour lutter contre le chômage.
La situation est connue : 18 millions d'Européens sans emploi, dont la moitié déjà depuis plus d'un an, 5 millions de jeunes chômeurs âgés de moins de 25 ans et un chômage qui touche plus durement encore les femmes.
Pour la période 1994-1997, la France s'est vu attribuer pas moins de 21 milliards de francs au titre du seul Fonds social européen pour faciliter l'entrée dans la vie active des jeunes, des femmes, des chômeurs de longue durée, des personnes à réinsérer, et pour améliorer la condition des travailleurs menacés par les exigences des mutations industrielles.
Un rapport sur le FSE, remis l'année dernière à la commission de l'emploi des affaires sociales du Parlement européen, a mis en évidence les retards constatés particulièrement en France, notamment dans l'utilisation des crédits communautaires. On y constate l'excès de centralisation, le manque de clarté dans la répartition des compétences entre les différents échelons administratifs qui aboutissent souvent à une marginalisation des collectivités locales et des acteurs locaux, l'excessive rigidité du processus de programmation et des mesures d'éligibilité au plan national, la lenteur de la présentation des projets, la lourdeur et la lenteur des circuits financiers, les difficultés à mobiliser les cofinancements, les carences de l'information.
Le fait que la sous-consommation existe partout en Europe ne me console pas, d'autant que la France bat de façon indiscutable les records à cet égard.
J'aimerais donc savoir quelles dispositions la France compte prendre à l'avenir pour mieux maîtriser la mise en oeuvre du Fonds social européen, étant entendu que les programmes actuels vont bientôt arriver à leur terme et que les arriérés de crédits non consommés à la fin de l'année 1999 seront supprimés.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, M. Moscovici, retenu par un conseil européen, m'a chargée de vous répondre.
La bonne gestion de l'aide apportée par l'Union européenne à la France à travers le Fonds social européen est évidemment d'une importance essentielle, car les concours communautaires versés à la France au titre du FSE s'élèveront à 32,5 milliards de francs sur la période 1994-1999. Ces concours seront d'ailleurs largement sollicités dans le cadre de la mise en oeuvre du plan national d'action pour l'emploi qui a été remis par la France à la Commission européenne le 15 avril dernier et qui a fait l'objet d'appréciations très favorable, de la part du commissaire européen, M. Flynn.
Les commentaires du Parlement européen ont été étudiés soigneusement par la Commission européenne et les gouvernements des Quinze. En ce qui concerne la France, il est vrai que le niveau de sous-consommation a été préoccupant. Il convient toutefois de noter que la plupart de ces sous-consommations ont été dues à la mise en réserve de 1,4 milliard de francs pour soutenir le projet de loi contre les exclusions.
En effet, l'interruption, en 1997, du processus législatif qui devait aboutir à la loi de cohésion sociale, pour laquelle un important financement du FSE était prévu - 1,4 milliard de francs - explique en grande partie l'érosion sur cette année des progrès observés depuis 1994.
La mobilisation du FSE, en 1998 et en 1999, sur certains dispositifs du programme de prévention et de lutte contre les exclusions - le programme Trajets d'accès à l'emploi, connu sous le nom de TRACE, le développement des plans locaux d'insertion par l'économique, les PLIE, l'accompagnement des contrats emploi-solidarité, l'appui aux demandeurs d'emploi, etc. - associée à l'accroissement des moyens des organismes chargés de leur exécution, telle l'ANPE, par exemple, devrait permettre une meilleure réalisation du programme.
La complexité de la programmation de l'objectif 3, qui finance vingt et une mesures regroupant trois cents actions publiques, n'est nullement contestable. Mais cet état de fait est imputable aussi à la complexité de notre organisation administrative, qui comporte au moins quatre échelons compétents en matière d'action sociale et de formation : l'Etat, les régions, les départements et les communes.
L'implication de plus en plus grande des acteurs territoriaux aux côtés d'un grand nombre de ministères contribuant aux politiques en faveur de l'emploi multiplie les dispositifs et les sources de financements nationaux. La complexité dont l'honorable parlementaire fait mention n'est qu'un effet induit de cette situation qui ne peut être imputée au seul FSE.
Pour ce qui concerne l'objectif 4, dont l'objet était de favoriser l'adaptation des salariés aux mutations industrielles et à l'évolution des systèmes de production, la décision de la Commission européenne n'est intervenue que le 16 décembre 1994. De ce fait, l'année 1994 n'a connu aucune dépense, et les actions ont effectivement démarré en 1995.
Enfin, pour pallier cette insuffisance, il a été demandé à la Commission européenne - cela a d'ailleurs été obtenu - que les fonds mutualisés par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, soient assimilés à des crédits publics. Cette avancée significative a permis une progression sensible des dépenses de 1995 à 1997. Cependant, une sous-consommation n'est pas à exclure.
Afin de simplifier la gestion de cet objectif, il a été décidé récemment de demander aux préfets de passer des conventions globales avec les OPCA au bénéfice des entreprises de moins de 250 salariés. Les OPCA interviendraient ainsi conjointement au titre des fonds mutualisés et du FSE auprès des petites entreprises, leur épargnant ainsi en partie les charges d'administration et de gestion.
Cela étant dit, on ne peut nier le fait que le système actuel doit être amélioré. Les sujets que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, seront pris en compte pour la réflexion en cours sur la réforme des fonds structurels. La France continuera à souligner la nécessité de réduire le taux de sous-consommation des fonds structurels et d'en améliorer la gestion, en réformant les procédures administratives et budgétaires.
M. André Diligent. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Madame la ministre, j'ai compris que vous m'avez compris ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Tout à fait, monsieur le sénateur !
M. André Diligent. Je m'en félicite, car, s'il fallait résumer la réalité du fonctionnement de cette machine européenne, on pourrait dire, comme un ministre que vous connaissez bien à propos de l'éducation nationale, qu'il s'agit bien, par moments, d'un mammouth !
Ce fonctionnement est en effet caractérisé par sa lourdeur - certains dossiers font l'objet d'un véritable parcours du combattant par sa longueur vous avez d'ailleurs vous-même cité le nombre d'étapes nécessaires - et par sa lenteur, avec les difficultés que cela représente pour les trésoreries de certaines petites communautés.
Encore une fois, attention ! On ne pourra plus aller au guichet pour les arriérés à la fin de 1999. M. le secrétaire d'Etat au budget, ici présent, m'a compris !
Il s'agit ici de problèmes éminemment humains : songez à tous ces malheureux, à tous ces chômeurs. Il s'agit vraiment d'une subvention pour les personnes et pas simplement pour des investissements, raison pour laquelle je vous remercie par avance de votre vigilance sur ce dossier.

MODIFICATION DE L'ASSIETTE
DE LA TAXE PROFESSIONNELLE