Séance du 12 novembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Participation des employeurs à l'effort de construction. Adoption d'un projet de loi (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Marcel-Pierre Cléach, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Jean-Pierre Plancade, Mme Odette Terrade.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 2 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 3 )

Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 4 )

Amendement n° 5 de la commission, - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3 (p. 5 )

Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 6 )

MM. Serge Franchis, Gérard Cornu, André Vezinhet.
Adoption du projet de loi.

3. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 7 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 8 )

4. Rappel au règlement (p. 9 ).
Mme Bidard-Reydet, M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

5. Accord avec l'Algérie sur l'encouragement et la protecton réciproques des investissements. - Adoption d'un projet de loi (p. 10 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Danielle Bidard-Reydet.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

6. Accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et les Etats-Unis du Mexique. - Adoption d'un projet de loi (p. 11 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Claude Estier, en remplacement de M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Danielle Bidard-Reydet.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

7. Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. - Adoption d'un projet de loi (p. 12 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Claude Estier, en remplacement de M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

8. Accord avec l'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation. - Adoption d'un projet de loi (p. 13 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Daniel Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Convention d'entraide judiciaire et convention d'extradition avec le Brésil. - Adoption de deux projets de loi (p. 14 ).
Discussion générale commune : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Michel Caldaguès, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Georges Othily.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

10. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 15 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

11. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 17 ).

12. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 18 ).

13. Prestation de serment d'un juge à la Haute Cour de justice (p. 19 ).

14. Financement de la sécurité sociale pour 1999. - Discussion d'un projet de loi (p. 20 ).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; le président, Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

MM. Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse : Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances.

15. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 21 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

16. Financement de la sécurité sociale pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 23 ).
Discussion générale (suite) : Mmes Nicole Borvo, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Jean-Pierre Fourcade, Gérard Larcher, Guy Fischer.

17. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 24 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 25 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

18. Financement de la sécurité sociale pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 26 ).
Discussion générale (suite) : MM. Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Dominique Leclerc, Claude Domeizel.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Claude Huriet.
Clôture de la discussion générale.

Demande de réserve (p. 27 )

Demande de réserve de l'article 1er et du rapport annexé. - M. le président de la commission, Mme le ministre. - La réserve est ordonnée.
Renvoi de la suite de la discussion.

19. Dépôt de projets de loi (p. 28 ).

20. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 29 ).

21. Dépôt d'un rapport d'information (p. 30 ).

22. Ordre du jour (p. 31 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

PARTICIPATION DES EMPLOYEURS
À L'EFFORT DE CONSTRUCTION

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 43, 1998-1999) relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction. [Rapport n° 49 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte de loi dont le projet est soumis aujourd'hui à votre examen constitue une étape importante dans la mise en place d'une politique d'accession à la propriété sociale pérenne et sécurisée.
Ce projet de loi est également porteur d'un nouvel élan, d'une nouvelle ambition en faveur de ce que l'on appelle le 1 % logement, pour la participation des employeurs à l'effort de construction, puisqu'il jette en effet les bases d'une nouvelle politique d'emploi des fonds et d'une modernisation du mouvement 1 % logement dans son ensemble.
Avant d'en venir au contenu du texte proprement dit, permettez-moi de vous rappeler très brièvement le contexte dans lequel il s'inscrit et la démarche qui a été adoptée pour traiter ce double dossier de l'accession à la propriété, d'une part, et du devenir du 1 % logement, d'autre part.
Le contexte, il y a un an environ, c'était une accession sociale à la propriété fondée sur un dispositif, le prêt à taux zéro, efficace, mais dont le financement n'était établi que jusqu'à la fin de 1998, puisqu'il reposait sur une contribution du 1 % logement de l'ordre de 7 milliards de francs par an venant alimenter un compte d'affectation spéciale.
Les partenaires sociaux considéraient - ce n'était pas illégitime - que ce prélèvement massif, représentant à peu près l'équivalent de la collecte, n'avait pas vocation à la pérennité.
Par ailleurs, pour en terminer avec le contexte, la sécurisation des accédants à la propriété, bien qu'annoncée depuis quelque temps, était restée à l'état de projet.
Quant à la démarche adoptée, elle a été, je crois, marquée par la volonté du dialogue, mais aussi de la réflexion, compte tenu de l'importance des enjeux.
C'est d'abord le Conseil économique et social, saisi par le Premier ministre, qui rendait, en début d'année 1998, un avis réaffirmant la légitimité du 1 % logement et son utilité économique dans une société en mutation.
Le Conseil économique et social insistait également, dans cet avis, sur la nécessité d'adapter les objectifs du 1 % logement pour prendre en compte les besoins nouveaux des salariés et des populations en difficulté ou en situation d'exclusion, ainsi que sur l'intérêt d'une contractualisation réelle entre les partenaires sociaux et l'Etat.
C'est sur ces bases - toujours sur un mandat du Premier ministre - que nous avons, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même, engagé une discussion avec les partenaires sociaux, discussion qui a abouti, le 3 août dernier, à la conclusion d'une convention quinquennale adoptant le principe d'une rénovation des emplois et des structures du 1 % logement.
Cette convention s'ordonne autour de trois idées fortes.
D'abord, elle marque un engagement clair dans la durée - cinq ans - qui garantit les moyens des collecteurs du 1 % logement, puisque le taux de la collecte - 0,45 % - sera maintenu sur cette période et que la contribution au budget du logement s'éteindra progressivement d'ici à 2003.
Le deuxième axe fort, c'est la poursuite de la modernisation des structures des organismes collecteurs, avec le renforcement du paritarisme et la transformation des CIL, les comités interprofessionnels du logement, en unions d'économie sociale, structures juridiques mieux adaptées à leurs responsabilités.
Enfin, l'accord prévoit une diversification des emplois du 1 % logement en fonction de l'évolution des besoins et, plus précisément, une extension de ces emplois à la sécurisation des accédants à la propriété et des locataires. C'est là l'innovation majeure, et c'est cette réforme des emplois que concrétise le présent projet de loi.
Chacun perçoit bien les enjeux de cette sécurisation : la société contemporaine est marquée par une mobilité plus forte, par une instabilité plus grande, qu'il s'agisse des parcours professionnels et résidentiels, ou encore de la composition des familles. Avec la mobilité professionnelle, le travail temporaire ou précaire, le chômage, hélas ! les divorces, les remariages, les choses bougent plus vite aujourd'hui, surtout chez les jeunes, et les conditions de logement doivent bien sûr s'adapter.
Les ménages les plus modestes sont évidemment les plus sensibles à ces changements et les plus prompts à glisser dans la précarité à cause de difficultés qui, pourtant, ne sont souvent que temporaires, qu'ils soient locataires ou accédants à la propriété.
C'est pourquoi notre société a besoin en matière de logement non seulement d'une offre diversifiée, mais aussi de mécanismes de garantie et de sécurité plus forts qu'autrefois.
Et c'est à ce titre que le 1 % logement est prêt aujourd'hui à s'engager sur deux mécanismes, l'un pour l'accession sociale à la propriété, l'autre pour l'accès au logement locatif.
En ce qui concerne l'accession à la propriété, il s'agit d'éviter, pour les prêts à l'accession sociale, les sinistres que l'on avait pu connaître avec les PAP, les prêts aidés pour l'accession à la propriété.
Il est prévu, en premier lieu, un dispositif applicable à tous les accédants bénéficiaires d'un prêt d'accession sociale et, le cas échéant, d'un prêt à taux zéro, qu'ils soient salariés du privé ou du public, ou non salariés, dans la limite d'un même plafond de ressources. Ce dispositif, qui protégera les accédants à la propriété en cas de chômage, consiste en un report gratuit, en fin de prêt, de la moitié des mensualités de l'emprunt pendant douze mois.
Cette sécurisation, que nous qualifierons d'universelle puisqu'elle est applicable à tous les accédants bénéficiaires d'un PAS, est complétée, pour les salariés des entreprises cotisant au 1 % logement et dont le revenu est inférieur aux plafonds du prêt à taux zéro, par un dispositif d'avances gratuites, calculées selon la situation des salariés et qui interviendront en cas de chômage mais aussi en cas de perte de ressources liée à une rupture familiale.
Sont concernés par ces dispositifs plus de 100 000 ménages par an au titre de la sécurisation dite universelle, et 60 000 environ pour la sécurisation qui est plus spécifique aux salariés des entreprises cotisant au 1 %, c'est le second dispositif que je viens d'évoquer.
En matière d'accès au logement locatif, la convention prévoit plusieurs mesures en faveur non seulement des salariés des entreprises assujetties à la participation à l'effort de construction, mais aussi des jeunes de moins de trente ans en situation ou en recherche de premier emploi et des salariés en situation de mobilité professionnelle.
Le 1 % logement apportera, d'abord, un financement du dépôt de garantie, sous forme d'avance gratuite. Il apportera ensuite une garantie de paiement du loyer et des charges locatives qui protégera le bailleur contre les risques d'impayés. Par voie de conséquence, il facilitera l'accès au logement locatif de nombreux ménages et, de ce fait, il évitera des procédures contre les locataires qui rencontreraient des difficultés couvertes par ce nouveau dispositif.
Cette garantie pourra représenter jusqu'à neuf mois de loyer et charges pour une durée d'engagement de location de trois ans. Dans le cas du parc locatif privé conventionné, que nous souhaitons par ailleurs développer, elle pourra être portée à trois ans en contrepartie d'une réservation locative pour le 1 % logement.
Le présent projet de loi concrétise donc cette réforme des emplois du 1 % logement dans son article 1er.
Outre les mécanismes de garantie que je viens d'évoquer, il entérine les interventions du 1 % logement relatives aux emplois très sociaux, ainsi que le soutien qu'il apporte aux associations agréées d'information du public en matière de logement.
L'article 2 en tire les conséquences sur les missions de l'Union d'économie sociale du logement et l'article 3 sur son organisation financière, avec la création d'un fonds spécifique destiné au soutien de l'accession à la propriété eu égard au risque de chômage, dont les règles de fonctionnement sont également définies.
C'est donc un texte court, mesdames, messieurs les sénateurs, mais important, qui constituera une nouvelle avancée dans la politique pérenne et équilibrée de droit au logement qu'il nous appartient de mener. C'est un texte qui est attendu par tous ceux qui se sont mobilisés pour que le 1 % logement rénové puisse pleinement contribuer à cette politique ; je pense, en particulier, aux partenaires sociaux, dont l'unanimité sur ce sujet a été remarquable.
Pour conclure, j'ajouterai que les emplois traditionnels du 1 % logement en faveur de l'investissement seront, bien sûr, consolidés, et même accrus pour ce qui est du parc locatif social, avec une enveloppe annuelle de 4,5 milliards de francs. L'activité du bâtiment, et donc l'emploi, trouveront leur compte dans cette réforme.
J'indique également, mais nous y reviendrons lors de l'examen du budget du logement, que le financement du prêt à taux zéro sera réintégré dans le budget de l'Etat, dès 1999, pour 110 000 logements.
Enfin, je précise que d'autres dispositions de la convention du 3 août appelleront d'autres mesures législatives, en particulier la transformation des comités interprofessionnels du logement en unions d'économie sociale, et cela lorsque le travail préparatoire de mise au point de ces textes aura abouti. Nous aurons donc l'occasion de nous revoir en 1999.
Mais, d'ores et déjà, la loi dont le projet vous est soumis aujourd'hui permettra de traduire dans les faits, dès 1999, au bénéfice de nos concitoyens, les réelles avancées que permet l'accord sur le 1 % logement en matière de sécurité des accédants à la propriété et des locataires.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a exactement deux ans, le Sénat était saisi du projet de loi relatif à l'union d'économie sociale du logement pris en application de la convention d'objectif signée le 17 septembre 1996 par l'Etat, les partenaires sociaux et l'Union nationale interprofessionnelle du logement.
Rapporteur de ce projet de loi au nom de la commission, j'avais souligné qu'aux termes de cette convention l'Etat obtenait, pour 1998 et 1999, le versement d'une part importante des fonds prélevés au titre du 1 % logement, en s'engageant toutefois à maintenir ces fonds dans le champ des aides à la pierre, en l'occurrence le financement des prêts à taux zéro. En contrepartie, la convention prévoyait la définition d'un nouveau cadre juridique pour réorganiser les structures gérant les fonds issus du 1 % logement, d'où la création de l'UESL.
Aujourd'hui, il convient de souligner la similitude de forme du dispositif général qu'il vous est proposé d'examiner, puisqu'il s'agit également d'une convention, assortie d'un projet de loi et d'un article de la loi de finances. Néanmoins, le contenu des textes n'est pas identique, et il faut se féliciter de l'engagement pris par l'Etat de renoncer progressivement au prélèvement opéré sur les fonds du 1 % et de sa volonté de rebudgétiser le prêt à taux zéro. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.
En contrepartie, les organismes collecteurs et gestionnaires du 1 % poursuivront leur modernisation et vont développer de nouvelles missions pour mieux répondre aux nouvelles attentes des salariés en matière de logement. C'est de ce dernier aspect que traite le présent projet de loi, et votre rapporteur en approuve le contenu.
Sans vouloir ici exposer les mécanismes essentiels du 1 % logement, je vous rappellerai seulement ses conséquences économiques positives pour le secteur du bâtiment, ainsi que son rôle essentiel pour accompagner les besoins en logement et assurer aux organismes constructeurs le bouclage financier de certaines opérations immobilières. Pour 1997, les ressources à long terme du 1 % logement étaient estimées à 15,6 milliards de francs.
Je vous rappellerai également que, à compter du 1er janvier 1999, les pouvoirs publics seront confrontés à une situation difficile : le financement du prêt à taux zéro n'était plus assuré mais, dans le même temps, poursuivre au-delà de 1997 et de 1998 les ponctions lourdes opérées sur les ressources du 1 % logement aurait condamné à court terme ce dispositif.
Comme je l'indiquais un instant plus tôt, le Premier ministre a confirmé la mission d'origine du 1% logement, à savoir loger les salariés, et a décidé de poursuivre le financement du prêt à taux zéro, écartant le projet du ministère de l'économie et des finances qui consistait à fiscaliser les ressources du 1 % logement.
En mars 1998, l'avis du Conseil économique et social et ses propositions ont inspiré très largement le contenu de la convention signée par l'Etat et l'UESL qui fixe le cadre d'action du 1 % logement de l'an 2000.
Cette convention s'ordonne autour de quatre principes essentiels.
Le premier est la durée, qui permettra aux collecteurs du 1 % logement de travailler pour la première fois depuis longtemps avec une visibilité sur cinq ans.
Le deuxième est l'extinction progressive des prélèvements de l'Etat qui seront supprimés à la fin de 2002, soit un an avant l'expiration de la convention.
Le troisième est la diversification des emplois des fonds du 1 % logement en fonction de l'évolution de la demande et des besoins des salariés des entreprises.
Enfin, le quatrième est la poursuite de la modernisation des structures des organismes collecteurs, avec le renforcement du paritarisme et la transformation des comités interprofessionnels du logement, les CIL, en union d'économie sociale afin de leur donner une structure juridique mieux adaptée à leurs responsabilités.
Cette convention trouve sa mise en oeuvre à travers un article de la loi de finances, qui fixe à 6,4 milliards de francs le prélèvement pour 1999, et à travers deux projets de loi : celui qui vise à moderniser les structures des organismes collecteurs et qui sera vraisemblablement déposé d'ici au premier trimestre 1999 et celui que nous examinons aujourd'hui et qui prévoit une diversification des emplois du 1 % logement.
Ce texte comporte trois innovations importantes.
Il introduit la sécurisation des accédants à la propriété avec deux dispositifs pour les ménages à revenus modestes. Les titulaires d'un prêt à l'accession sociale, PAS, pourront, en cas de perte d'emploi, reporter en fin de remboursement de leur emprunt une partie des mensualités du PAS, 50 % au maximum. Par ailleurs, les emprunteurs salariés des entreprises cotisant au 1 % logement et ayant des revenus inférieurs aux plafonds du prêt à taux zéro pourront disposer, en cas de forte baisse de leurs ressources, d'une avance remboursable gratuite.
En 1997, 65 820 PAS ont été mis en place et le montant moyen d'un prêt s'élève à 313 000 francs. Plus des deux tiers des prêts financent une opération de construction. Enfin, les bénéficiaires d'un PAS sont en majorité des ménages de petite taille appartenant à des catégories socioprofessionnelles modestes.
Le projet de loi confirme également l'octroi d'aides aux travaux d'emménagement pour faciliter la mobilité professionnelle des salariés, ainsi que la mise en place, pour les locataires, d'un système de prise en charge sans frais de la caution locative et, pour le bailleur, d'une garantie en cas d'impayés de loyers et de charges.
En conséquence, l'article 1er du projet de loi élargit la définition des emplois du 1 % logement tels qu'ils sont prévus par l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation.
L'article 2 du projet de loi modifie l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation qui énumère les compétences de l'Union d'économie sociale du logement, l'UESL. Il prévoit que l'UESL financera le mécanisme de soutien à l'accession sociale à la propriété à travers la constitution d'un fonds de soutien et dans des conditions fixées contractuellement par une convention signée avec l'Etat.
L'article 3 du projet de loi modifie l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation pour adapter l'organisation financière et comptable de l'UESL à ses nouvelles missions. Il crée un fonds spécifique destiné au soutien de l'accession sociale à la propriété et prévoit trois textes pour mettre en oeuvre ce dispositif.
Il s'agit d'abord de la convention signée entre l'UESL et l'Etat qui arrêtera les modalités d'alimentation et de fonctionnement de ce fonds.
Ensuite, un décret qui sera pris après consultation de l'UESL fixera les règles de fonctionnement administratif et financier du fonds, ainsi que les règles de solvabilité et les ratios de couverture des risques.
Enfin, une convention d'application sera signée entre l'UESL et la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS.
Pour des raisons de transparence et de sécurité, il est prévu que les opérations de fonds de soutien et d'intervention feront l'objet d'une comptabilité séparée.
Pour l'ensemble de ces raisons, et sous réserve de quelques amendements de forme qui améliorent, me semble-t-il, la lisibilité du dispositif, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi.
M. le président. Je donne la parole à M. Plancade, qui intervient pour la première fois à cette tribune. (Applaudissements.)
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui concrétise les engagements pris par l'Etat le 29 juillet 1998 à l'égard de l'Union d'économie sociale du logement, l'UESL. Ce projet de loi, s'il cicatrise une plaie ouverte par le précédent gouvernement, confirme cependant une partie des engagements que ce même gouvernement avait pris à l'égard de l'UESL.
La plaie ouverte, ce sont, au terme de la convention du 16 septembre 1996, les 14 milliards de francs prélevés sur les recettes du 1 % logement, au profit du budget de l'Etat, pour financer pour deux ans seulement le nouveau dispositif d'accession sociale à la propriété, le prêt à taux zéro qui venait d'être mis en place.
Les engagements confirmés, ce sont, d'une part, la poursuite de la modernisation des structures du 1 % logement et, d'autre part, la confirmation de l'intervention du 1 % logement en faveur des plus défavorisés.
Il faut bien reconnaître que la collecte, la gestion et l'utilisation de ces fonds ont fait souvent l'objet de critiques par le passé. Mais il faut tout autant admettre le rôle important, sur les plans tant économique que social, que joue le 1 % logement. Ce rôle a bien failli être remis en cause par la convention de 1996. En effet, pour maintenir sa capacité d'investissement, l'UESL a dû non seulement mobiliser la trésorerie de ses associés collecteurs, mais aussi emprunter 1,2 milliard de francs en 1997 et 4 milliards de francs en 1998.
Voici quelques chiffres pour mieux apprécier le rôle économique du 1 % logement.
En 1996, le coût des opérations qui ont bénéficié du 1 % a été de l'ordre de 37 milliards de francs. Ce sont 13 milliards de francs qui sont investis chaque année, 8 milliards de francs de prêts aux ménages et 5 milliards de francs de prêts pour construire ou rénover des appartements sociaux. Ce sont aussi 139 700 logements locatifs financés en 1996.
Il est bon de rappeler également l'engagement du 1 % dans le logement « très social » qui, souvent, est indispensable pour « boucler » une opération.
Depuis 1997, il est prévu pour cinq ans d'engager 1,8 milliard de francs pour la rénovation des foyers des travailleurs migrants. Par ailleurs, les organismes collecteurs se sont engagés à investir 10 % des sommes collectées et des retours des prêts pour aider les populations salariées ou en recherche d'emploi ainsi que les familles en grande difficulté. Les ressources disponibles, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, sont estimées à un peu plus de 15 milliards de francs pour 1997 et elles devraient atteindre 18 milliards de francs à l'horizon 2002.
Devant l'importance économique et sociale du 1 %, le Gouvernement a souhaité remettre à plat ce dossier, et ce d'autant plus que la convention qui lie l'Etat et le Gouvernement vient à expiration le 31 décembre 1998.
Le Premier ministre lui-même a voulu qu'une large consultation s'engage entre les partenaires, mais il a aussi saisi le Conseil économique et social pour avis « pour mener une réflexion stratégique sur la pérennisation du dispositif d'aide à l'accession sociale à la propriété par les entreprises et sur le renforcement du 1 % logement comme outil d'accompagnement de la politique de l'Etat en matière de logement social ».
L'avis rendu par le CES a confirmé le rôle du 1 % : « 52 % des accédants bénéficiant du 1 % sont des ouvriers ou des employés, alors même qu'ils ne représentent que 37 % de l'ensemble des accédants. » Le 1 % logement s'adresse aussi à des couples qui dépassent les plafonds de ressources sans disposer pour autant de réserves suffisantes pour se loger dans le parc privé.
Dans le même temps, le Conseil économique et social fait un certain nombre de recommandations portant sur la nécessité de plus de transparence, du renforcement du rôle des partenaires sociaux, de la diversification des politiques d'emploi du 1 % pour diminuer les coûts et pour favoriser la mixité sociale en utilisant le secteur privé.
Cette très large réflexion a abouti à une convention adoptée à l'unanimité, vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, par les partenaires sociaux et signée par l'Etat le 29 juillet dernier.
Que prévoit cette convention établie pour cinq ans, ce qui donne un peu de visibilité aux partenaires ?
Elle prévoit de conforter l'action du 1 % logement dans le secteur locatif social.
Elle prévoit la sécurisation des accédants à la propriété, en offrant un allégement partiel de leurs mensualités en cas de difficultés, chômage ou rupture familiale. C'est là également un élément nouveau.
Elle prévoit la sécurisation des locataires et des bailleurs, par voie de conséquence, par l'avance du dépôt de garantie par un prêt sans intérêt ou encore, en cas de difficulté, la garantie du paiement du loyer et des charges pendant neuf mois sur trois ans.
Elle prévoit l'aide à l'aménagement pour les salariés en mobilité professionnelle, pour financer des travaux de remise en état d'un logement.
Elle prévoit le développement du secteur conventionné privé, par une aide octroyée pour financer des travaux, en contrepartie d'une location réservée au 1 %.
Elle prévoit la modernisation des organismes collecteurs du 1 % logement par la transformation des comités interprofessionnels du logement, les CIL, en unions d'économie sociale, à gestion paritaire, l'établissement d'un rapport public annuel, la possibilité offerte aux salariés de faire appel d'une décision négative et l'amélioration de l'efficacité et de la productivité de l'union d'économie sociale du logement.
Enfin, elle prévoit la clarification des relations entre l'Etat et l'UESL par la pérennisation du 1 % logement sur la durée de la convention et le maintien de son taux de collecte actuel ainsi que la prise en charge progressive par le budget de l'Etat, à l'horizon 2003, du financement du prêt à taux zéro, mesure très attendue par les partenaires.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui ne traite pas de l'ensemble du dispositif mis en place par la convention. Il vise simplement à prendre les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre des nouvelles utilisations des fonds du 1 % logement. Il s'agit essentiellement du dispositif de sécurisation des accédants à la propriété, bénéficiaires d'un prêt à l'accession sociale, le PAS, qu'ils soient ou non salariés d'une entreprise cotisant au 1 % logement. Pour cela, le projet de loi prévoit la création d'un fonds de soutien au sein du fonds d'intervention de l'UESL, destiné à mettre à la disposition du fonds de garantie à l'accession sociale les sommes nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif de sécurisation.
Par ailleurs, pour assurer la transparence et la sécurité des opérations réalisées au titre des différentes politiques d'emplois des fonds, le projet de loi pose le principe de comptabilité distincte de chacun des fonds.
Enfin, ce texte inscrit dans la loi les autres nouvelles missions du 1 % logement : la sécurisation des locataires, l'action en faveur des personnes défavorisées et l'aide aux organismes d'information au public sur le logement tels que l'association départementale d'information sur le logement, l'ADIL. Quand ce projet de loi sera voté, un pas de plus sera fait en faveur du logement social.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, tout n'est pas encore réglé. Ce projet de loi renvoie à de nouvelles conventions entre l'Etat et l'union d'économie sociale du logement pour déterminer des choses aussi simples mais aussi complexes que le nombre et la part de mensualités reportées, le délai de carence ou de franchise s'il en existe. Il faudra probablement veiller à ce que la prise en charge des échéances s'opère en tenant compte de la dégressivité du chômage. Il faudra réfléchir également à ce que les mesures proposées ne viennent pas alourdir de façon trop importante les mensualités de fin de prêt, parce que c'est également en fin de prêt que l'accédant rembourse les avances qu'il a obtenues au titre du prêt à taux zéro.
On peut s'interroger, et je m'interroge par ailleurs, sur la traduction juridique de la notion « d'éclatement de la cellule familiale », sur ce qu'elle recouvre et sur la façon dont elle sera déclinée, même si cette notion est tout à fait importante et innovante.
Il avait été un temps envisagé le relogement prioritaire dans le parc HLM des accédants à la propriété en difficulté, après vingt-six mois de chômage. Travaillez-vous encore sur cette piste en liaison avec l'Union des HLM ?
Peut-être faudrait-il aussi se pencher sur le système de l'assurance contre la perte d'emploi, qui n'est pas très satisfaisant ?
S'agissant des mesures de sécurisation des locataires, notamment de celles qui profitent aux jeunes de moins de trente ans, salariés ou en recherche d'un premier emploi, j'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous indiquiez si, dans certains cas, ces personnes pourront aussi avoir accès au FSL, le fonds de solidarité pour le logement, ou si ces deux aides sont exclusives l'une de l'autre.
Enfin, nous serons très attentifs au projet de loi relatif à la réforme des structures des organismes collecteurs car il faut bien reconnaître que, en signant cette convention, le Gouvernement a tendu la main à ces organismes, leur a donné en quelque sorte une deuxième chance, en rétablissant et en élargissant le rôle du 1 % logement.
C'est pourquoi nous pensons que l'Etat devra manifester une exigence de qualité à l'égard de ces organismes, exigence de qualité dans la transparence, dans la gestion, dans les choix et l'utilisation des fonds, lesquels proviennent, il faut bien le dire, de l'argent du travail, de l'argent des entreprises, bref de l'argent des autres...
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, laisserez-vous à notre assemblée un délai suffisant pour examiner un projet aussi important ?
Pouvez-vous, sur les différents points que j'ai évoqués, nous apporter quelques précisions, même si nous ne sommes pas trop inquiets, car nous avons appris à connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, votre douce obstination, votre patiente détermination en faveur du logement et en particulier en ce qui concerne les plus démunis ?
Pour conclure, je dirai que ce projet de loi est un bon projet : il constitue une avancée importante en même temps que la concrétisation législative d'une volonté commune, exprimée à l'unanimité par les partenaires sociaux et l'Etat ; il précise ainsi les conditions d'utilisation du 1 % logement, en élargissant le nombre de bénéficiaires, en apportant des garanties supplémentaires aux prêteurs, aux bailleurs et aux locataires.
Par ailleurs, il confirme le rôle du 1 % logement comme outil d'accompagnement de la politique de l'Etat en matière de logement social, en élargissant la compétence de l'UESL aux accédants à la propriété bénéficiant d'un prêt à l'accession sociale, prêt qui est garanti par l'Etat.
Enfin, ce projet de loi prend en compte l'évolution des conditions de vie des salariés, qu'elles soient liées à la mobilité professionnelle ou à la précarisation du travail ou encore à l'évolution de la cellule familiale. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste le soutiendra. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd'hui a pour objectif d'inscrire dans la loi les dispositions de la convention quinquennale signée entre l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement et portant sur les structures et l'emploi de la participation des employeurs à l'effort de construction, plus connue sous le nom de « 1 % logement ».
Cette convention appelle en fait plusieurs mesures législatives et réglementaires pour assurer la mise en oeuvre de l'ensemble des principes qu'elle a définis.
Le premier de ces principes, M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé, est inscrit dans le projet de loi de finances pour 1999. Il s'agit en effet, progressivement jusqu'en 2003, de mettre un terme à la ponction qu'avait décidée l'ancien gouvernement et qui consistait à prélever 7 milliards de francs sur la participation des employeurs à l'effort de construction pour financer le prêt à taux zéro, pourtant du ressort de l'Etat.
Les sénateurs de mon groupe, cela n'étonnera personne, se réjouissent de l'annonce de l'arrêt de ce détournement qui participait, avec quelques autres dispositifs, à la diminution de l'effort réel de l'Etat en matière de financement du logement.
Nous regrettons toutefois la progressivité si lente de ce retour à la situation normale, qui occasionnera encore l'année prochaine un manque à gagner de 6,4 milliards de francs pour le 1 % logement, ce qui ne manquera pas d'avoir des conséquences importantes sur le logement social, sur l'activité dans le secteur du bâtiment et plus particulièrement sur le logement des salariés.
La convention qui nous dicte ce projet de loi est, je l'ai dit, quinquennale. Avons-nous, monsieur le secrétaire d'Etat, toutes les assurances que, à son terme, aucun autre prélèvement ne sera, de nouveau, opéré abusivement ? Un tel verrou me paraît nécessaire.
Je ne reviendrai pas sur l'historique du 1 %. Permettez-moi simplement de souligner combien son objectif originel reste d'actualité.
Il s'agissait en effet très justement de faire participer les entreprises au logement de leurs salariés. C'était un élément de la politique sociale de l'entreprise pour faciliter la construction d'habitations dont l'occupation ne devait pas découler du contrat de travail. Il s'agissait alors de répondre durablement aux besoins nés du développement de la société industrielle. Certes, me direz-vous, la situation a bien changé. J'en conviens aisément. Pourtant y a-t-il moins de besoins en logement à satisfaire ? Je ne le crois pas.
Selon l'enquête sur le logement de 1996, 2,2 millions de ménages souhaitaient déménager et 1,6 million de ces demandeurs remplissaient les conditions d'accès au logement social.
Dans de trop nombreuses villes, on constate des listes d'attente de plusieurs années pour l'obtention d'un logement social, alors que, parallèlement, on assiste au développement de poches de vacances dans le parc social et à la sous-consommation des crédits d'Etat destinés au logement social.
Nous savons tous ici combien il devient périlleux, pour les bailleurs sociaux, de concilier objectif social et gestion équilibrée.
Les débats riches que nous avons eus lors de la discussion de la loi relative à la lutte contre les exclusions ont permis de mesurer le recul de la mixité sociale dans les quartiers. Je peux moi-même témoigner de l'aggravation de telles situations dans mon département et, plus précisément, dans ma ville, Orly, où des cités entières sont de fait habitées par des locataires pouvant être comptés parmi ceux qui rencontrent le plus de difficultés.
Sans vouloir noircir mon propos, je crois que c'est bien de crise que l'on peut parler pour qualifier la situation actuelle du logement dans notre pays.
Il est, à mon sens, important d'avoir à l'esprit ce contexte économique et social afin de bien appréhender, d'une part, l'utilité d'un dispositif tel que le 1 % logement et, d'autre part, son avenir.
Alors qu'est envisagée la refonte des structures du 1 % dans un prochain projet de loi, je souhaite vous redire avec insistance, monsieur le secrétaire d'Etat, combien nous demeurons opposés à ce que la participation des employeurs à l'effort de construction ou 1 % logement ne soit en fait que de 0,45 % depuis 1992, pourcentage dont il faut, de plus, déduire un neuvième, destiné aux populations en difficultés particulières.
Nous sommes favorables à une réévaluation de la « participation des employeurs à l'effort de construction » afin que les sommes ainsi collectées répondent mieux à leurs missions, notamment en ce qui concerne la construction. Il est, en effet, de plus en plus fréquent que des salariés cherchant à louer un appartement s'entendent dire par leurs employeurs qu'ils ne financent que l'accession à la propriété.
Il est important que le 1 % logement conserve son rôle prépondérant dans l'aide à la pierre.
Nous n'ignorons certes pas qu'en 2003 ce fonds sera excédentaire. Mais il s'agit pour nous de lui donner un nouvel élan répondant mieux à l'urgence de la situation du logement en France.
C'est justement du fait de ce contexte économique et social particulièrement difficile qu'il convient de mobiliser plus et mieux l'ensemble des partenaires du logement. Les entreprises ont, de ce point de vue, un rôle social à jouer et leur place à tenir.
J'aimerais, pour poursuivre ma réflexion dans cette voie, m'arrêter quelques instants sur l'utilité du 1 % dans notre économie et sur son efficacité sociale.
Selon l'UESL, le chiffre d'affaires engendré par le 1 % logement pour le secteur du bâtiment s'élève à 35 milliards de francs procurant un emploi à 85 000 personnes.
Le 1 % logement a financé de nombreuses opérations dans le secteur locatif social ou intermédiaire. Son intervention représente 15 % des prêts distribués bénéficiant d'une aide à la pierre-PLA, des prêts complémentaires aux PLA et aux PALULOS, les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.
En 1996, ce sont 154 300 familles qui ont eu recours à des prêts du 1 % logement pour le financement de 22 % des opérations d'accession, soit 87 300 logements et 12 % des travaux d'amélioration.
Si l'on y ajoute les prêts aux personnes morales pour le locatif et l'ensemble des contributions prioritaires pour le logement de certaines populations en difficulté, on peut dire que 300 000 familles ont pu être logées grâce à l'apport du 1 % logement. C'est dire l'importance de ce qui peut déjà se réaliser et l'urgence qu'il y a à développer ce dispositif.
S'agissant plus précisément des articles du présent projet de loi, nous sommes favorables aux mécanismes proposés en cas d'accession, tant pour les titulaires d'un prêt à l'accession sociale, PAS, que pour les salariés d'une entreprise assujettie au 1 %.
En effet, de nombreuses études montrent combien les dramatiques situations de surendettement sont principalement dues au chômage, à la longue maladie, aux changements de la composition familiale.
Dans le même esprit, nous soutenons, bien entendu, la création, dans le secteur du locatif, d'un système de garantie d'impayés de loyers et de charges au bénéfice des bailleurs ainsi que celle d'un système d'aides pour le logement de certaines catégories de personnes, notamment les jeunes, confrontés à des difficultés particulières de logement.
En conclusion, souscrivant à la philosophie générale de ce texte de sécurisation des salariés, locataires ou accédants à la propriété, le groupe communiste républicain et citoyen, dans le prolongement des amendements qu'il avait déposés au moment de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, se prononcera favorablement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur de la qualité de son rapport et de la clarté de son exposé sur un sujet qui peut paraître technique mais dont il a su très bien mettre en valeur le contenu et les perspectives. Il a rappelé le contexte difficile dans lequel nous nous trouvions pour négocier cette convention et il s'est félicité de son résultat, ce dont, bien évidemment, je le remercie aussi.
Ainsi qu'il l'a souligné, la démarche entreprise par le Gouvernement diffère de celle qui a été adoptée pour la convention précédente sur deux points : d'une part, l'Etat va renoncer progressivement aux prélèvements opérés sur le 1 % ; d'autre part, il va assurer la pérennité du prêt à taux zéro en le rebudgétisant.
En contrepartie, le 1 % va poursuivre sa modernisation et assumer de nouvelles missions qui correspondront mieux aux attentes des salariés.
Cela aussi, monsieur le rapporteur, nous le souhaitions.
Cet élargissement des emplois du 1 % logement est, comme vous l'avez rappelé, l'objet du présent projet de loi. La présentation positive que vous venez d'en faire n'exclut pas que le texte puisse être amélioré ; nous le verrons tout à l'heure. Néanmoins, j'ai le sentiment que nous avons tous l'impression de nous engager dans la bonne direction.
M. Plancade a posé plusieurs questions importantes auxquelles je souhaite apporter quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, il est vrai que le projet de loi et la convention signée entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement prévoient d'autres conventions d'application.
Ainsi, l'article 3 prévoit une convention entre l'Etat et l'UESL définissant précisément les modalités de report gratuit de la moitié des mensualités en fin de prêt, ainsi que le délai de carence, c'est-à-dire celui qui s'écoule entre la signature du contrat de prêt et le premier report de mensualités. Un tel délai a semblé nécessaire pour éviter que des emprunts ne soient contractés alors même que le risque élevé de chômage est déjà connu. Les discussions actuelles avec l'Union d'économie sociale du logement laissent à penser qu'un délai de l'ordre d'un an serait raisonnable. En revanche, en ce qui concerne la franchise, la durée pourrait être très brève, voire nulle.
Quant à l'aide pour les salariés confrontés au chômage, je suis en mesure de vous préciser qu'elle ne tiendra pas compte de la dégressivité des allocations de chômage.
Nous étudions un dispositif simple qui laisse l'emprunteur libre de choisir à quel moment le droit au report lui est ouvert, dès lors qu'il est inscrit à l'ASSEDIC. Ainsi, les emprunteurs qui estiment être bien indemnisés pendant les premiers mois du chômage pourraient conserver le droit de reporter la moitié de leurs mensualités ultérieurement.
S'agissant du risque de cumul en fin de prêt avec le prêt à taux zéro, je vous confirme que le remboursement des reports de mensualités s'ajoutera effectivement au différé du prêt à taux zéro. Mais ce report portera sur seulement la moitié au plus des mensualités. Dans la plupart des cas, le total de la dernière mensualité ne devrait pas dépasser le montant d'une mensualité PAS.
Monsieur Plancade, vous avez également appelé de vos voeux une réflexion plus globale sur le système de l'assurance chômage dans le cadre du remboursement des prêts immobiliers. Sur ce point, le Gouvernement souhaite permettre aux accédants à la propriété victimes du chômage de faire face à leurs mensualités pour leur éviter d'avoir à vendre leur logement.
Le dispositif proposé aujourd'hui constitue une première réponse au bénéfice des accédants les plus modestes, donc les plus fragiles.
Il s'agit, j'y insiste, de tout faire pour éviter la vente du logement en accession car, pour l'accédant, cette vente est bien souvent vécue comme l'échec du projet le plus important de sa vie. Tout ce que nous pourrons faire pour empêcher les reventes sera autant de gagné pour permettre aux projets des accédants d'aboutir.
Je vous rappelle également que les aides personnelles au logement bénéficient d'une augmentation en cas de situation de chômage. Il y a donc, là aussi, un correctif qui est à l'oeuvre.
Par ailleurs, les systèmes d'assurance « perte d'emploi », qui concernent déjà 15 % des contrats, pourront se développer peu à peu à partir de cette première étape de la sécurisation, dont la vocation est, comme je l'indiquais dans mon propos liminaire, de portée universelle.
Cette sécurisation devrait permettre d'abaisser le coût de l'assurance et contribuer, par là même, à son développement. On peut escompter un effet cumulatif.
Monsieur le sénateur, vous avez abordé le problème de l'éclatement de la cellule familiale. Le projet de loi vise principalement les couples qui divorcent, mais aussi ceux qui, ayant accédé à la propriété, se séparent sans que cette séparation soit nécessairement sanctionnée par un divorce.
Dans ces cas, c'est en général l'un des membres du ménage qui supporte seul la charge des remboursements et, bien souvent, il mérite alors de recevoir une aide pour faire face aux premières mensualités. Cela lui permet, en tout cas, de disposer d'un délai avant d'effectuer le choix de conserver le logement ou de s'en séparer.
Vous avez aussi évoqué le problème de l'articulation de ces dispositifs de sécurisation avec les FSL.
Certes, la sécurisation des locataires prévue par la convention passée entre l'Etat et l'UESL du 3 août dernier prend la forme de cautions et de dépôts de garantie qui sont parfois apportés par les FSL. Cependant, la logique d'intervention des FSL privilégie les populations déjà en difficulté, alors que la convention assure des droits à des publics plus larges, tels que les jeunes de moins de trente ans ou ceux que l'on appelle les « mobiles professionnels ».
La sécurisation, dans le dispositif dont il est ici question, s'inscrit donc davantage dans une logique de prévention, alors que les FSL interviennent souvent après l'apparition des difficultés.
Par ailleurs, le dispositif de garantie d'impayés de loyers, également ouvert aux locataires du nouveau secteur conventionné, ne pouvait, par définition, incomber aux FSL puisque, jusqu'à ce jour, le secteur conventionné n'existait pas.
Vous avez également réaffirmé votre attachement au relogement par des organismes HLM.
Il arrive que des sociétés coopératives d'HLM le pratiquent en raison de leur double compétence : le locatif et l'accession ; elles orientent effectivement l'accédant en difficulté vers le locatif. Il arrive aussi qu'une entente soit conclue en ce sens entre des sociétés de crédit immobilier et des organismes d'HLM.
Bien entendu, le Gouvernement ne peut qu'encourager le développement de ces formules ; il a d'ailleurs eu l'occasion de le dire devant toutes les instances du mouvement HLM. Il est évident que la solidarité entre organismes relevant des diverses fédérations peut être porteuse de solutions à cet égard.
Je voudrais maintenant aborder une question qui n'a pas été soulevée mais qui, j'en suis convaincu, préoccupe nombre d'entre vous.
La loi relative à la lutte contre les exclusions contient une disposition, résultant d'une négociation entre le ministère de la justice et mes services, qui permet l'exercice du droit de préemption urbain sur les ventes aux enchères survenant en cas d'échec de formule d'accession. Les collectivités territoriales, en usant, dans une telle situation, du droit de préemption urbain au bénéfice d'un organisme d'HLM locatif sont susceptibles de préserver le maintien dans les lieux de l'accédant en difficulté, celui-ci changeant alors simplement de statut.
Jusqu'à maintenant, ces enchères se concluaient trop souvent par une vente à vil prix, la mise à prix étant fixée en fonction de tel ou tel impayé, sans qu'il soit tenu compte d'éventuelles autres charges. L'acquéreur, même s'il est scrupuleux, est gêné par l'idée que le logement est occupé. Et, s'il n'est pas scrupuleux, il se dit qu'il trouvera bien le moyen de faire libérer les lieux, après avoir acheté au prix le plus bas possible.
Désormais, la collectivité territoriale pourra préempter, à ce prix, bien sûr, mais pour transformer le logement en logement locatif. Ainsi, la famille - souvent une femme avec des enfants, d'ailleurs - pourra y être stabilisée.
Je tenais à rappeler cet élément important de la loi que vous avez votée au printemps.
Mme Terrade souhaiterait que la participation des employeurs à l'effort de construction retrouve son niveau initial, c'est-à-dire 1 %.
Voilà un certain nombre d'années, en mesurant l'importance du remboursement des prêts consentis au titre du 1 %, on a constaté que les moyens globaux des gestionnaires dudit 1 % augmentaient très rapidement. L'existence de ces retours de prêts a amené les pouvoirs publics à proposer au Parlement, qui l'a alors accepté, de réduire le taux de la participation des employeurs à l'effort de construction, mais le montant de la réduction ainsi consentie devait être reportée sur le financement du Fonds national d'aide au logement, le FNAL.
Aujourd'hui, les entreprises paient encore 0,95 % du 1 % initial. La diminution n'a donc été, en réalité, que de 0,05 point. Sur ces 0,95 %, une part de 0,50 % est destinée à alimenter le FNAL, le reste, soit 0,45 %, faisant seul l'objet de notre débat.
M. le rapporteur ainsi que M. Plancade ont souligné que l'importance de ces retours, compte tenu de la croissance que l'on enregistrera dans les prochaines années, allait donner au 1 % des disponibilités appréciables.
Une projection sur la durée de la convention montre que, si la collecte progresse régulièrement au rythme de la masse salariale, les retours de prêts augmentent plus rapidement. D'ici à 2002, ils devraient ainsi croître de plus de 27 %. On peut, hélas ! prédire que ce sera pas le rythme d'augmentation de la masse salariale servant d'assiette à la cotisation de 0,45 %.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, malgré la réduction progressive de la contribution des employeurs, en masse, le 1 % a pu maintenir ses capacités d'investissement.
Par ailleurs, l'engagement pris par l'Etat, dans le cadre de la convention en question, de réduire progressivement ses prélèvements jusqu'à leur extinction en 2003 rétablira totalement les possibilités d'action du 1 %. D'ici au terme de la convention, les capacités réellement disponibles du 1 % seront doublées.
S'agissant de l'action du 1 % en faveur du secteur locatif, madame Terrade, la convention du 3 août dernier fixe un objectif annuel de 4,5 milliards de francs d'investissements au profit des HLM. Une concertation tripartite, liant l'Etat, l'Union d'économie sociale du logement et les organismes d'HLM, est en cours, afin d'assurer la meilleure affectation possible de cette somme.
En outre, l'accès au parc locatif social public et au secteur locatif conventionné sera facilité du fait de la prise en charge par le 1 % du dépôt de garantie, sous forme d'une avance non rémunérée, consentie pour une durée maximale de trois ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte ne couvre pas toute la réforme du 1 %. Ainsi que M. le rapporteur l'a lui-même indiqué, vous aurez à connaître d'un autre texte tendant à favoriser le développement du paritarisme dans la gestion du 1 %. Les unions d'économie sociale qui vont voir le jour sont appelées à se substituer aux comités interprofessionnels du logement. Ce sera l'occasion de généraliser la participation des syndicats de salariés à cette gestion : dans tous les départements, leurs représentants siégeront aux côtés de ceux des organisations professionnelles d'employeurs. C'est un progrès qui a été voulu par la convention signée nationalement. Nous ne pourrons que nous en féliciter.
Si le texte en discussion ne couvre pas toute la réforme du 1 %, celle-ci ne couvre pas toute la volonté de réforme dans le secteur du logement qui est celle du Gouvernement. Vous le savez, avant la fin de la présente session, nous espérons pouvoir saisir le Parlement d'un texte concernant globalement l'habitat et l'urbanisme, par lequel nous nous efforcerons de consolider les réformes engagées et, en même temps, de mieux les articuler avec la politique de la ville, ne serait-ce que pour prendre plus nettement en compte cette nécessité impérieuse de préservation de la mixité dans tous nos quartiers. D'ailleurs, madame Terrade, vous avez justement insisté, en vous appuyant sur des exemples, sur la nécessité d'apporter des réponses ambitieuses à cet égard. Nous nous efforcerons de les élaborer ensemble.
Je tiens, au terme de ce propos, à remercier la Haute Assemblée, sa commission des affaires économiques et tout spécialement son rapporteur du soin apporté à l'examen de ce texte et à son amélioration par les amendements dont nous allons maintenant débattre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation est, à compter des mots : "doivent consacrer au financement", modifié ainsi qu'il suit : "doivent consacrer des sommes représentant 0,45 % au moins du montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, des rémunérations versées par eux au cours de l'exercice écoulé, au financement :
« a) De construction de logements, d'acquisition, d'aménagement ou de remise en état de logements anciens, d'acquisition et d'aménagement de terrains destinés exclusivement à la construction de logements sociaux ;
« b) De prise en charge temporaire, en cas de difficultés exceptionnelles des emprunteurs, d'une partie des remboursements de prêts immobiliers destinés à l'accession sociale à la propriété ;
« c) D'aides directes à des personnes physiques pour le changement de logement ou le maintien dans celui-ci et l'accès au logement locatif, de garanties de loyer et charges apportées aux bailleurs ;
« d) De dépenses d'accompagnement social dans le domaine du logement ;
« e) D'aides à des organismes agréés d'information du public sur le logement.
« Ces dispositions sont applicables aux établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial, ainsi qu'aux organismes de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics ayant le même caractère.
« II. - Le deuxième alinéa du même article, qui devient l'alinéa trois, est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les employeurs qui, au moyen de leurs ressources propres, ont investi au cours d'un exercice une somme supérieure à celle prévue au premier alinéa peuvent reporter l'excédent sur les exercices postérieurs. »
« III. - A l'article L. 313-9 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "quatrième alinéa". »
Par amendement n° 1, M. Cléach, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le paragraphe I de cet article :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation est remplacé par les sept alinéas suivants :
« Les employeurs, occupant au minimum dix salariés, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, assujettis à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts, autres que ceux qui appartiennent à des professions relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale pour lesquelles des règles spéciales ont été édictées en application du 3 a dudit article 231, doivent consacrer des sommes représentant 0,45 % au moins du montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, des rémunérations versées par eux au cours de l'exercice écoulé, au financement :
« a) De construction ou d'acquisition de logements, d'aménagement ou de remise en état de logements anciens, d'acquisition et d'aménagement de terrains destinés exclusivement à la construction de logements sociaux ;
« b) De prise en charge temporaire, en cas de difficultés exceptionnelles des emprunteurs, d'une partie des remboursements de prêts immobiliers destinés à l'accession sociale à la propriété ;
« c) D'aides directes à des personnes physiques pour le changement de logement ou le maintien dans celui-ci et l'accès au logement locatif, de garanties de loyer et charges apportées aux bailleurs ;
« d) De dépenses d'accompagnement social dans le domaine du logement ;
« e) D'aides à des organismes agréés d'information du public sur le logement.
« Ces dispositions sont applicables aux établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial, ainsi qu'aux organismes de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics ayant le même caractère. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. L'article 1er vise, dans son paragraphe I, à élargir la définition des emplois réglementés des « fonds du 1 % logement » et réécrit à cet effet l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation en prévoyant une réorganisation du texte existant et en insérant les nouveaux emplois prévus par les conventions signées entre l'Etat et l'UESL.
L'amendement n° 1 améliore la rédaction du paragraphe I en reprenant le texte du premier alinéa de l'article L. 313-1 depuis le début.
De plus, au a) du même article, il précise que les salariés peuvent bénéficier d'un prêt au titre du « 1 % logement » tant pour la construction que pour l'acquisition de logements, neufs ou anciens. La rédaction proposée par le Gouvernement n'est en effet pas suffisamment claire sur ce point.
L'amendement n° 1 tend enfin à préciser le décompte d'alinéas puisque le premier alinéa de l'actuel article L. 313-1 est remplacé par sept alinéas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il y voit une clarification rédactionnelle bienvenue compte tenu de la complexité de l'article 1er.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2, M. Cléach, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit sur le paragraphe II de l'article 1er :
« II. - Le deuxième alinéa du même article, qui devient le huitième alinéa, est ainsi rédigé :
« Les employeurs qui, au moyen de leurs ressources propres, ont investi au cours d'un exercice une somme supérieure à celle prévue au premier alinéa peuvent reporter l'excédent sur les exercices postérieurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement ne peut qu'être favorable à cet amendement de cohérence.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Cléach, au nom de la commission, propose, à la fin du paragraphe III de l'article 1er, de remplacer les mots : « quatrième alinéa » par les mots : « neuvième alinéa ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement de coordination, tendant à corriger la rédaction de l'article L. 313-9 du code de la construction et de l'habitation relatif au programme annuel de l'ANPEEC, l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction, s'agissant de l'emploi des fonds très sociaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Est ajouté, après le 5° de l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation, le 6° suivant :
« 6° Assure, à compter d'une date fixée par décret et dans des conditions fixées par convention avec l'Etat, le financement des aides prévues au b de l'article L. 313-1 au bénéfice des emprunteurs ayant souscrit des prêts garantis par le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété mentionné au troisième alinéa de l'article L. 312-1.
« II. - Au quatrième alinéa de l'article L. 313-13 et au troisième alinéa de l'article L. 313-16 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "les conventions prévues au 2°" sont ajoutés les mots : "et au 6°". »
Par amendement n° 4, M. Cléach, au nom de la commission, propose :
A. - De rédiger comme suit le premier alinéa et le début du deuxième alinéa du paragraphe I de cet article :
« I. - Est ajouté, après le 2° de l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation, le 2° bis suivant :
« 2° bis - Assure... »
B. - En conséquence, dans le paragraphe II de cet article, et dans les premier et quatrième alinéas du texte proposé par le paragraphe I de l'article 3 pour l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation, de remplacer les mots : « au 6° » par les mots : « au 2° bis ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. L'article 2 adapte les missions de l'Union d'économie sociale du logement en modifiant l'article L. 313-9 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi du 30 décembre 1996. Il vise à ajouter, à la fin de cet article, un alinéa supplémentaire prévoyant de confier à l'UESL la mission de mettre en oeuvre le dispositif de garantie en faveur des bénéficiaires d'un prêt PAS garanti par le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété.
L'amendement n° 4 tend à insérer cet alinéa après le 2° de l'article L. 313-9 du code et non à la fin de celui-ci.
D'une part, l'importance de cette mission et son caractère d'intérêt général justifient qu'elle soit définie au début de l'article, après le 2° qui traite du rôle de l'UESL, laquelle est habilitée à coordonner la mise en oeuvre des politiques nationales du logement par les organismes collecteurs.
D'autre part - et de façon plus pragmatique - insérer cet alinéa à ce niveau de l'article L. 313-1 autorise l'UESL à percevoir auprès des organismes collecteurs un prélèvement pour frais de fonctionnement, alors que l'insertion de cette disposition à la fin de l'article L. 313-19 le lui interdisait, en raison de la rédaction de l'article L. 313-25.
En effet, l'article L. 313-25 du code de la construction et de l'habitation autorise le prélèvement pour frais de fonctionnement pour les seules attributions énumérées aux alinéas 1 à 4 de l'article L. 313-19, à savoir celles qui sont confiées par l'UESL pour la coordination et l'exécution des missions d'intérêt général. La mise en oeuvre du mécanisme de garantie en est une, qui justifie la perception de frais de fonctionnement.
La seconde partie de l'amendement vise à opérer la même modification pour l'ensemble du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Cet amendement participe du même souci constructif d'amélioration du texte qui inspirait les amendements précédents.
La modification suggérée par la commission apparaît très opportune au Gouvernement, car elle permet de regrouper toutes les missions de l'UESL faisant l'objet de conventions avec l'Etat.
De plus, la nouvelle numérotation proposée permet de traiter correctement le problème des frais de gestion de l'UESL, selon les modalités prévues à l'article L. 313-25 du code de la construction et de l'habitation. Cet article stipule que l'UESL, pour financer les frais de fonctionnement afférents aux missions prévues aux alinéas 1 à 4 de l'article L. 313-19, opère un prélèvement annuel sur les sommes collectées auprès de ses associés, dans la limite d'un plafond fixé par arrêté. Grâce à la rédaction proposée, les frais de fonctionnement du fonds de soutien pourront donc être pris en charge par les organismes collecteurs.
En conclusion, le Gouvernement approuve en tout point les améliorations suggérées par la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - I. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation sont remplacés par les alinéas suivants :
« Art. L. 313-20. - Les stipulations des conventions prévues au 2° et au 6° de l'article L. 313-19 s'imposent aux associés.
« Pour l'exécution de ces conventions, l'Union d'économie sociale du logement dispose, d'une part, d'un fonds d'intervention et, d'autre part, d'un fonds de soutien.
« Le fonds d'intervention contribue à la bonne adaptation des ressources des associés collecteurs aux besoins locaux, compte tenu des politiques nationales et locales d'emploi de la participation des employeurs à l'effort de construction.
« Le fonds de soutien met à la disposition de la société gérant le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété mentionné au troisième alinéa de l'article L. 312-1 les sommes destinées à financer les aides prévues au 6° de l'article L. 313-19.
« Un décret, pris après consultation de l'Union d'économie sociale du logement, fixe les règles de dotation du fonds de soutien par l'Union, les règles régissant son fonctionnement administratif et financier, les normes de gestion destinées à garantir sa solvabilité et l'équilibre de sa structure financière ainsi que les ratios de couverture des risques.
« Une convention entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement définit les modalités d'alimentation de ce fonds ainsi que les modalités de prise en charge temporaire des prêts et, notamment, la part de mensualité reportée, le nombre de mensualités reportées, le délai de carence et les éventuelles périodes de franchise.
« L'Union garantit l'équilibre financier du fonds de soutien.
« Une convention entre l'Union d'économie sociale du logement et la société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale, homologuée par arrêté interministériel, fixe notamment le mode de calcul des sommes à verser, les conditions de contrôle et les modalités de mise en oeuvre de la garantie d'équilibre financier du fonds. »
« II. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 313-20, les mots : "au fonds d'intervention" sont remplacés par les mots : "à chaque fonds".
« III. - Le dernier alinéa de l'article L. 313-20 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chaque fonds peut également être alimenté par toutes ressources de l'Union.
« Les opérations de chacun des fonds et, au sein du fonds d'intervention, de chacune des politiques d'emploi mentionnées au 2° de l'article L. 313-19 sont retracées dans une comptabilité distincte. »
Par amendement n° 5, M. Cléach, au nom de la commission, propose :
I. - Après le quatrième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 313-20 du code de la construction et de l'habitation, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La convention prévue au 2° bis de l'article L. 313-19 définit les modalités d'alimentation de ce fonds, ainsi que les modalités de prise en charge temporaire des prêts, et, notamment, la part de mensualités reportée, le nombre de mensualités reportées, le délai de carence et les éventuelles périodes de franchise. Elle prévoit une clause de révision, dans le cas où les conditions d'attribution des prêts mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 312-1 sont modifiées de manière substantielle. »
II. - En conséquence, de supprimer le sixième alinéa dudit texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. L'article 3 vise à aménager les règles d'organisation financière de l'UESL pour tenir compte de la nouvelle compétence de celui-ci.
Compte tenu de l'importance de cette nouvelle mission et des risques encourus, il est proposé de créer un fonds distinct du fonds d'intervention instauré par la loi du 30 décembre 1996.
Les règles de création de ce fonds et ses modalités de fonctionnement doivent faire l'objet d'une convention qui fixera les principes généraux et d'un décret qui précisera, notamment, les règles de dotation du fonds, les normes de gestion garantissant sa solvabilité et les ratios de couverture du risque.
Pour rester fidèle à l'ordre chronologique, en vertu duquel la signature de la convention prévue à l'article L. 316-19 du code de la construction et de l'habitation par l'article 2 du projet de loi doit précéder l'adoption du décret, lequel devra respecter la teneur de la convention, l'amendement prévoit d'inverser l'ordre des deux alinéas relatifs respectivement au contenu du décret et à celui de la convention.
En outre, il vous est proposé, mes chers collègues, d'indiquer que la convention prévue à l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation inclura une clause de révision des conditions de prise en charge du mécanisme de garantie par l'UESL si les conditions de distribution des prêts garantis par le Fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété venaient à être modifiées de façon substantielle par les pouvoirs publics.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En effet, la priorité donnée à la convention par cet amendement est parfaitement logique puisque, en somme, elle correspond à l'ordre chronologique. Le décret ne pourra être pris qu'une fois conclue la convention entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article additionnel après l'article 3



M. le président.
Par amendement n° 6, M. Cléach, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Tout contrat de prêt immobilier consenti à une personne susceptible de bénéficier de l'aide prévue au 2° bis de l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation mentionne que cette aide est financée par la participation des employeurs à l'effort de construction. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. La commission des affaires économiques propose d'insérer, après l'article 3, cet article additionnel non codifié précisant que la garantie dont pourront bénéficier les emprunteurs en cas de chômage est financée par les fonds provenant du 1 % logement. Il nous a paru, en effet, légitime de faire savoir que la participation des employeurs à l'effort de construction prend en charge le financement de ce mécanisme novateur, qui constitue, comme cela est souligné dans l'exposé des motifs, « une véritable sécurisation des accédants en leur permettant de mener à bien leur opération immobilière malgré les difficultés nées du chômage ».
Il s'agit de mettre en exergue la provenance des fonds.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement, ne voyant aucune objection à ce qu'il soit rappelé aux emprunteurs que la sécurisation dont ils bénéficient est financée par la participation des employeurs à l'effort de construction, est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Franchis, pour explication de vote.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1953, date de sa création, le 1 % logement, dont le taux réel actuel est de 0,95 %, a largement contribué à l'effort de construction. Les prélèvements opérés par l'Etat ont ainsi servi à financer diverses aides, du système d'aide à la personne jusqu'au prêt à taux zéro institué par le précédent gouvernement.
Je rappelle que le bilan de ce dernier dispositif a été plutôt positif. Les chiffres en témoignent : en 1996 et en 1997 respectivement, 145 000 et 123 000 offres de prêt ont été émises, tandis que 117 900 et 129 150 prêts ont fait l'objet du versement d'une subvention par l'Etat. Pour le premier semestre de 1998, le chiffre se monte à 56 800.
Le projet de loi que nous venons d'examiner marque l'extinction progressive du prélèvement opéré par l'Etat sur les ressources du 1 % logement et engage une diversification des tâches de l'Union d'économie sociale du logement. Il est le résultat de la convention signée en août dernier entre l'Etat et le mouvement du 1 % logement.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même approuvons les dispositions du texte visant à sécuriser l'accession à la propriété des ménages les plus modestes. Il nous paraît important que, outre ses missions traditionnelles de participation au financement du logement social ou d'aide aux salariés pour l'achat d'un logement, le mouvement du 1 % logement puisse faciliter la mobilité professionnelle, aider les jeunes à s'installer ou protéger les accédants contre une baisse de leurs revenus en cas de chômage ou de divorce, qui demeurent les principaux freins à l'accession à la propriété.
Nous voterons donc ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission des affaires économiques. Pour autant, nous resterons vigilants quant à l'application de la loi et ne manquerons pas d'affirmer nos positions sur la politique du logement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d'examiner a pour objet de diversifier les actions financées grâce au 1 % logement et de créer une aide en faveur des accédants à la propriété se trouvant dans l'impossibilité de rembourser leurs emprunts. Comme l'a rappelé M. Franchis, il est le prolongement d'une convention signée, le 3 août 1998, entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement et visant à moderniser le 1 % logement et à assurer sa pérennité.
Je tiens à rappeler que ces deux dispositifs s'inscrivent dans la continuité de la réforme engagée en 1996 par le précédent gouvernement.
Que l'on me permette en effet de souligner que ce dernier avait mis en oeuvre différents dispositifs en vue, d'une part, de relancer la politique du logement et de permettre ainsi aux Français de mieux se loger, quels que soient leurs revenus, et, d'autre part, de stimuler l'activité des entreprises dans le secteur de la construction, afin d'y maintenir l'emploi. Il est bien connu que « lorsque le bâtiment va, tout va ».
C'est pour atteindre ces objectifs que votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, avait fait évoluer les outils de la politique du logement, et tout particulièrement le fonctionnement du 1 % logement. Cette réforme permet aujourd'hui d'assurer la survie du système et d'en améliorer l'efficacité, notamment par une réduction de son coût de fonctionnement.
Le texte, tel qu'il a été amendé aujourd'hui, améliore le dispositif présenté par le Gouvernement, et c'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République le votera.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le droit-fil des propos de mon collègue et ami, M. Plancade, je souhaite, au nom du groupe socialiste, indiquer que je suis pleinement en accord avec le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Je tiens également à rappeler que, voilà deux ans presque jour pour jour - c'était le 20 novembre 1996 - je m'exprimai, comme aujourd'hui, sur un projet de loi qui transposait dans le code de la construction et de l'habitation le contenu d'une convention signée entre les partenaires du 1 % logement et l'Etat. Mais là s'arrête la comparaison : en effet, si aujourd'hui je n'ai aucune réticence à me prononcer en faveur du texte que nous propose le Gouvernement, tel n'avait pas été le cas en 1996.
A l'époque, avec mes collègues du groupe socialiste, j'avais combattu le projet de loi qui nous était présenté, car il était impossible de porter une appréciation positive sur celui-ci, en raison de l'existence d'une disposition que je jugeais et que je juge encore aujourd'hui « prohibitive » et « inacceptable » : il s'agissait du prélèvement, à hauteur de 7 milliards de francs, opéré sur les recettes du 1 % logement en 1997 et en 1998. Il avait été décidé par le gouvernement de M. Juppé pour financer les prêts à taux zéro.
A ce sujet, d'aucuns ont pu parler de « bombe à retardement ». Cette bombe, monsieur le secrétaire d'Etat - et ce n'est pas le moindre de vos mérites - vous avez su parfaitement la désamorcer. L'exercice n'était pourtant pas facile, car vous étiez confronté à un double problème : d'une part, trouver un mécanisme de financement de l'accession sociale à la propriété et, d'autre part, préserver le rôle fondamental joué par le 1 % logement dans le montage financier des opérations de construction de logements locatifs sociaux et, plus généralement, en faveur du logement des salariés.
Vous avez, tout d'abord, conforté l'accession sociale à la propriété en proposant, en accord avec l'ensemble des partenaires du 1 % logement, une réintégration progressive du financement des prêts à taux zéro dans le budget de l'Etat.
Vous avez ensuite renforcé la vocation sociale du dispositif en mettant en place un mécanisme de sécurisation de l'accédant en cas de chômage ou de divorce. Très attendue par nos concitoyens, cette dernière mesure revêt également un caractère d'actualité. Chaque année, environ 100 000 familles dont les revenus sont de l'ordre de deux SMIC pourront bénéficier de ce système. C'est une bonne chose.
Par ailleurs, et même si tel n'est pas l'objet du texte, vous avez réformé, dans la loi de lutte contre les exclusions, la procédure de traitement du surendettement, dont ont souvent été victimes dans le passé les accédants à la propriété de condition modeste, et vous avez augmenté, dans la loi de finances, les dotations aux associations départementales d'information sur le logement, les ADIL, ce qui devrait permettre de renforcer leur mission de conseil auprès de celles et ceux qui projettent d'acheter un bien immobilier et pour lesquels il est souvent bien difficile de s'y retrouver dans le maquis des dispositions réglementaires et légales.
Enfin, vous avez su conforter l'action du 1 % logement, notamment en faveur du locatif social, puisqu'une enveloppe de 4,5 milliards de francs d'investissement par an est prévue. C'est une bonne chose, au moment où, malheureusement, on constate que, depuis plusieurs années, les objectifs de réhabilitations et de constructions ne sont pas atteints.
Mieux, vous avez su moderniser les emplois des fonds du 1 % pour mieux tenir compte de l'évolution des conditions de vie des salariés sur le plan tant professionnel que familial. C'est ce que prévoit le projet de loi : sécurisation des accédants à la propriété, en offrant un allégement partiel de leur taux d'effort en cas de difficulté ; sécurisation des locataires, notamment des jeunes, par un système d'avance du paiement de la caution et de garantie de paiement du loyer ; aide à l'emménagement.
Le Sénat a approuvé ces choix. Il a même enrichi le texte en prévoyant d'informer l'accédant à la propriété de la garantie dont il pourra bénéficier en cas de chômage. Le groupe socialiste ne peut donc que se prononcer en faveur du projet de loi.
Je formulerai maintenant deux souhaits, bien que vous ayez déjà donné des assurances sur ce point lorsque vous avez répondu aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. D'abord, il faut que le Gouvernement trouve rapidement une petite fenêtre dans l'ordre du jour chargé de l'Assemblée nationale, afin que ce texte puisse être adopté avant la fin de l'année et que, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, le dispositif de sécurisation des accédants à la propriété soit en place au 1er janvier 1999. Ensuite, le second volet de la convention qui traite de la modernisation des structures du 1 % doit faire rapidement l'objet d'un projet de loi.
Enfin, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de dire à nouveau - je ne résiste pas à ce plaisir ! - combien j'apprécie l'action efficace et soutenue que vous conduisez au Gouvernement depuis juillet 1997. Le paysage du logement social a considérablement changé. C'était la volonté du Premier ministre, M. Lionel Jospin. Nous pouvons vous saluer, monsieur le secrétaire d'Etat, pour avoir su, dans la plus large concertation, la traduire dans les faits. Et puis comment ne pas saluer la belle unanimité que vous avez su faire naître aujourd'hui au Sénat ? Cela n'est pas si fréquent et mérite d'être souligné. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)

3

CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Une nouvelle fois, la guerre menace l'Irak. En effet, les Etats-Unis prennent des dispositions pour organiser des bombardements massifs contre ce pays dont la population souffre déjà si durement des séquelles de la guerre du Golfe.
Depuis 1991, un embargo injuste réduit à la misère un peuple tout entier, et en premier lieu les enfants, sans mettre aucunement en difficulté le régime autoritaire de Saddam Hussein. Nous avons toujours été partisans de privilégier les solutions négociées et nous rejetons la tentation systématique du recours aux interventions armées dont les principales victimes sont les populations civiles.
Il est particulièrement choquant que les Etats-Unis, plutôt que d'aider des millions de personnes plongées dans le malheur à leur porte même, en Amérique centrale, préfèrent investir des millions de dollars dans l'utilisation de forces armées contre l'Irak.
C'est une tout autre voie qui doit être choisie, une voie fondée sur la négociation, sur la pression diplomatique, mais aussi sur la levée de l'embargo.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les dernières informations sur cette situation et nous informer de l'attitude qu'entend adopter le Gouvernement de la France à l'égard de cette nouvelle poussée d'agressivité des Etats-Unis d'Amérique ?
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous souvenez, bien sûr, du rôle très positif de la France pour privilégier, voilà quelques mois, une solution négociée.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Tout à fait !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Cette fois, la France a exprimé sa désapprobation et son incompréhension à l'égard de la décision de l'Irak, intervenue le 31 octobre, d'interrompre sa coopération avec la Commission spéciale des Nations unies chargée du désarmement. Le ministre des affaires étrangères a envoyé un message en ce sens à M. Tarek Aziz, et les autorités françaises ont rappelé en consultation le chef de la section des intérêts français en Irak. Au Conseil de sécurité, la France a voté, avec l'ensemble de ses partenaires, la résolution 1205, qui condamne la décision de l'Irak et exige de Bagdad le retour à une pleine coopération avec la Commission spéciale et l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique.
La France continue bien sûr à privilégier la recherche d'une solution négociée. Elle accueille favorablement les réflexions du secrétaire général des Nations unies et soutient pleinement l'appel de ce dernier au Président irakien, prononcé hier au Maroc. M. Kofi Annan a demandé au Président Saddam Hussein de revenir sur sa décision, dans l'intérêt de l'Irak, de la région et du monde. Nous avons également noté que le secrétaire général des Nations unies souhaitait la levée des sanctions, qui ne pourrait avoir lieu sans la pleine coopération de l'Irak avec les Nations unies.
Les autorités françaises constatent que, au Conseil de sécurité, toutes les options restent ouvertes. Elles relèvent qu'au terme de la résolution 1205 le Conseil demeure disposé à s'engager dans l'examen global du respect par l'Irak de ses obligations, dès lors que l'Irak annulerait ses décisions du 5 août et du 31 octobre. Aussi, la France demande avec une grande insistance à l'Irak de revenir sur sa décision dans les meilleurs délais, afin d'éviter une solution militaire contre laquelle elle s'est élevée voilà quelques mois et sur laquelle elle manifeste les plus expresses réserves. Seule la reprise d'une pleine coopération avec la Commission spéciale et l'AIEA permettra de surmonter la crise et de poursuivre la mise en oeuvre des résolutions pertinentes du Conseil, en vue - tel est, vous le savez, notre objectif - de la réinsertion de l'Irak au sein de la communauté internationale.

5

ACCORD AVEC L'ALGÉRIE
SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 395, 1996-1997) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif). [Rapport n° 14 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements signé le 13 février 1993 entre la France et l'Algérie a pour objet d'établir un cadre juridique sûr, qui permette de favoriser l'activité de nos entreprises dans ce pays.
Cet accord contient les grands principes qui figurent habituellement dans les accords de ce type et qui constituent la base de la protection des investissements, telle que la conçoivent aujourd'hui les pays de l'OCDE.
Ces grands principes - je me permets ici de les rappeler - sont les suivants : tout d'abord, l'octroi aux investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit international et au moins égal au traitement accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée, à l'exclusion des avantages consentis à un Etat tiers en raison de l'appartenance à une organisation économique régionale ; par ailleurs, une garantie de libre transfert des revenus et du produit de la liquidation des investissements ainsi que d'une partie des rémunérations des nationaux de l'une des parties contractantes ; ensuite, le versement, en cas de dépossession, d'une indemnisation prompte et adéquate, dont les modalités de calcul sont précisées dans l'accord ; en outre, la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.
Enfin, grâce à cet accord, le Gouvernement français pourra accorder sa garantie aux investissements que réaliseront à l'avenir nos entreprises dans ce pays, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative pour 1971, qui subordonne l'octroi de cette garantie à l'existence d'un tel accord.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'essentiel des principes auxquels nous sommes attachés et qui fondent la protection des investissements est repris dans le texte que nous avons signé avec l'Algérie. Cet accord s'inscrit dans un processus global destiné à offrir la plus grande sécurité possible à nos investisseurs. Cette démarche, suivie avec constance, a permis de passer des accords de ce type avec plus de cinquante pays.
Je crois également utile de souligner l'intérêt que présente cet accord dans nos rapports avec l'Algérie.
Les autorités algériennes ont annoncé et engagé un programme de réformes structurelles important en vue d'une solution durable de la crise que traverse leur pays. La ratification par l'Algérie, en 1994, de l'accord de protection des investissements soumis à votre approbation s'inscrit dans cette perspective.
Comme l'a souligné la mission d'information des Nations unies qui s'est rendue en Algérie du 22 juillet au 4 août dernier, la poursuite des réformes économiques apparaît essentielle pour résoudre les difficultés économiques et sociales auxquelles est confrontée l'Algérie. Avec ses principaux partenaires de la communauté internationale, notamment les pays membres de l'Union européenne, le Gouvernement français souhaite, sans volonté d'ingérence, encourager l'ouverture et la modernisation de l'économie algérienne. En favorisant le développement de l'investissement étranger et du partenariat économique avec l'Algérie, cet accord de protection des investissements peut y contribuer.
L'ouverture actuelle de l'économie algérienne et les appels des autorités algériennes au renforcement du partenariat économique avec l'étranger accentuent, par ailleurs, la concurrence internationale en Algérie. De nombreux investisseurs étrangers, en particulier nos partenaires européens et américains, sont déjà implantés dans ce pays et s'y développent, parfois de façon plus significative que nos propres opérateurs.
Bref, cet accord aidera les entreprises françaises à renforcer leur présence en Algérie et à prendre part au processus en cours de modernisation de l'économie algérienne.
Son entrée en vigueur devrait favoriser le développement des rapports bilatéraux franco-algériens dans le domaine économique et rappeler la disposition de la France à contribuer à l'entreprise de réforme et de modernisation que souhaite mener l'Algérie.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 février 1993, la France a signé avec l'Algérie un accord, dont le Sénat connaît désormais bien le dispositif-type, sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Ratifié depuis 1994 par le partenaire algérien, il ne l'était pas encore par la France.
Les incertitudes sur la situation politique algérienne ne sont pas levées, loin s'en faut, alors que les attentats terroristes continuent de meurtrir la population. Mais il convient aussi de prendre acte des évolutions positives intervenues dans le pays depuis quatre années : la mise en place progressive des institutions d'une démocratie pluraliste, le lancement de réformes économiques profondes, l'ouverture, enfin, à des instances internationales, soucieuses de lever quelques douloureuses ambiguïtés liées notamment aux droits de l'homme ou à l'efficacité des moyens mis en oeuvre pour lutter contre la guérilla terroriste. Malheureusement, le conflit qui a opposé, ces dernières semaines, le pouvoir à des journaux indépendants est venu alourdir l'atmosphère et accréditer, décidément, l'idée d'une démocratisation encore fragile.
S'il est donc impossible de ne pas évoquer la toile de fond politique qui entoure l'examen du présent accord, celui-ci, il faut le rappeler, n'a qu'une ambition économique. Il convient donc d'avoir à l'esprit l'importance, pour l'Algérie comme pour la France, de la poursuite et de la relance des échanges économiques et commerciaux bilatéraux.
La situation complexe de l'Algérie d'aujourd'hui est en grande partie liée à une situation économique et sociale très difficile, héritière d'un système obsolète et en voie de transformation radicale.
La France se doit, comme ses partenaires européens, de contribuer à ce que cette transition économique se réalise promptement et dans des conditions propices à l'emploi d'une population active très nombreuse et très jeune. A défaut, les extrémistes de tous bords continueraient de trouver dans une jeunesse désoeuvrée et découragée un vivier trop aisément disponible pour entretenir la violence et l'insécurité.
L'Algérie est aujourd'hui dotée d'un cadre institutionnel rénové. Mon rapport écrit rappelle les différentes étapes qui, en trois ans, ont permis de donner à ce pays des instances nationales et locales nouvelles, après des élections dont la régularité, pour certaines d'entre elles, a néanmoins pu être discutée.
Je crois utile d'évoquer également, parmi les législations nouvelles, les difficultés et les malentendus consécutifs à l'adoption de la loi sur l'arabisation.
Désormais, en vertu de cette loi, les administrations, les entreprises et les associations devront, sous peine d'amende, rédiger leurs actes uniquement en arabe. Par ailleurs, obligation est faite de doubler ou de traduire en arabe les films et émissions télévisées en langue étrangère. De même est décidée l'arabisation complète des panneaux publicitaires, enseignes et slogans. La loi ne remet cependant pas en cause l'usage courant des deux langues qui, aux côtés de l'arabe littéraire et dialectal, sont parlées par des millions de personnes : le français et le berbère.
Les implications profondes de cette loi ne sont pas seulement linguistiques, elles correspondent également à des clivages politiques. Cette loi a été perçue, en Algérie même, comme un élément de division supplémentaire.
L'Algérie est, par ailleurs, à nouveau confrontée à de nouvelles échéances politiques. La démission du président Zeroual, annoncée par ce dernier le 11 septembre - conséquence, semble-t-il, d'une perpétuelle lutte de clans au sein même du pouvoir militaire - ouvre à nouveau, jusqu'au mois d'avril 1999, une période de grande incertitude, alors que le peuple algérien demeure préoccupé par le terrorisme persistant et les graves difficultés de la vie quotidienne.
Depuis 1992, les actions des groupes terroristes et les ripostes des forces de sécurité auraient, globalement, selon certaines estimations, occasionné la mort de quelque 60 000 personnes. La stratégie antiterroriste des responsables algériens, dont les résultats concrets ne sont pas toujours évidents, fait l'objet de critiques, en particulier de la communauté internationale. C'est ainsi que le comité des droits de l'homme de l'ONU a sévèrement mis en garde le gouvernement algérien sur le comportement des forces de sécurité dans certains cas de massacres.
De la même façon, parallèlement à une condamnation catégorique du terrorisme sous toutes ses formes, le rapport de la mission d'information mandatée par le secrétaire général de l'ONU et dirigée par l'ancien président portugais Mario Suarès, a néanmoins estimé que les forces de police « devraient être tenues d'observer les règles les plus strictes de la légalité ».
Sur le plan économique, mon rapport écrit précise les actions initiées par les responsables algériens, qui ont, malgré les difficultés, permis le rétablissement des grands équilibres sans effacer des fragilités structurelles comme la persistance de la dépendance extrême de l'économie algérienne du secteur des hydrocarbures, qui constitue 95 % de ses recettes d'exportations. La chute actuelle du prix du baril oblige d'ailleurs le gouvernement algérien à revoir son projet de budget pour 1999.
Il faut rappeler que, avec 23 % de parts de marché, la France demeure le premier fournisseur de l'Algérie et n'est que son troisième client, derrière l'Italie et les Etats-Unis. Avec un stock évalué, en 1994 - dernier chiffre connu - à 5 milliards de francs, notre pays est aussi le premier investisseur étranger en Algérie.
On notera que, pour la première fois depuis 1992, une délégation de ce qui était à l'époque le CNPF, le Conseil national du patronat français, et qui est devenu le MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, s'est rendue au printemps dernier dans le pays pour y plaider la nécessaire implication d'investisseurs français et pour exprimer sa confiance dans l'avenir de l'économie algérienne et la nécessité de préparer, si l'on ose dire, « l'après-guerre » dans ce pays. On sait aussi combien nos petites et moyennes entreprises sont impliquées dans le commerce avec l'Algérie.
Pour autant, la situation actuelle n'est pas sans nuages. Nos partenaires algériens reprochent à notre pays d'alourdir - via un classement COFACE du « risque Algérie » dans la catégorie la plus élevée - le coût des importations algériennes. Il n'est pas non plus étonnant que, pour notre part, nous attendions de nos partenaires algériens des engagements commerciaux qui seraient autant de signaux positifs à notre endroit. Ainsi, le choix, par Air Algérie, de Boeing de préférence à Airbus pour le renouvellement de sa flotte nous a légitimement déçus.
Je crois superflu de rappeler à notre Haute Assemblée les dispositions tout à fait habituelles de ce type d'accord garantissant les investissements réciproques. Elles figurent dans mon rapport écrit et vous venez de les rappeler excellemment, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, la persistance de l'insécurité, l'ouverture d'une nouvelle ère d'incertitudes politiques, les obstacles dressés en ce moment à la liberté de la presse tout comme l'apparente difficulté pour l'Algérie à construire avec notre pays une relation politique bilatérale dépourvue d'arrière-pensées, voilà autant de données qui ne peuvent être ignorées par ceux qui oeuvrent - comme c'est mon cas depuis fort longtemps - pour l'instauration d'un dialogue confiant et ouvert entre nos deux pays. Cela étant, le présent accord est une étape qui témoigne d'une volonté de contribuer au développement d'une relation et d'une coopération économiques bilatérales durables.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter, comme l'a fait la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le présent projet de loi autorisant l'approbation d'un accord qui, par-delà son dispositif incitatif, est un signal de confiance adressé à nos partenaires.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront ce projet de loi de ratification d'une convention sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre la France et l'Algérie.
Sans revenir sur l'ensemble de la question, puisque M. Claude Estier, rapporteur de ce texte, a dressé un tableau complet et érudit de la situation algérienne, je préciserai en quelques mots l'attitude de notre groupe vis-à-vis de la nécessité cruciale pour l'Algérie et son peuple de développer de manière importante la coopération entre nos deux pays, qui sont liés par des liens si forts.
Comme chacun ici, nous souhaitons que l'Algérie trouve la voie de l'apaisement, afin de sortir de ce cycle terrible affrontement-répression qui fait des dizaines et des dizaines de milliers de victimes.
La solidarité des sénateurs de notre groupe avec l'Algérie est profonde. Enfin, nous l'espérons, l'intégrisme, le terrorisme - d'une violence aux limites sans cesse dépassées - vont être vaincus.
Le rejet de l'intégrisme, de l'intolérance, passe sans nul doute par une amélioration décisive de la situation économique et sociale du pays et par un fonctionnement démocratique des institutions. Le développement de la coopération est donc indispensable.
La question centrale sur laquelle il nous appartient de nous pencher, en France et en Europe, se pose en ces termes : que pouvons-nous faire pour aider l'Algérie, dans le respect de sa souveraineté, à se frayer un chemin vers une perspective positive ?
Ce sera le moyen essentiel d'attaquer le mal à la racine. Ce mal, c'est celui du chômage massif, de la misère. Ce mal, c'est celui qui laisse une jeunesse dans l'expectative, dans l'inquiétude face à l'avenir.
Le chômage touche plus de 28 % de la population active, dont 80 % des moins de trente ans ; les salaires ont baissé de 35 % entre 1993 et 1996.
C'est cette situation qui fait dire au secrétaire général de l'UGTA que son pays connaît « une dégradation sociale effarante ».
Le plan drastique du FMI et la chute du cours du pétrole n'éclaircissent pas vraiment l'horizon pour le peuple algérien. L'industrie, frappée de plein fouet par la crise actuelle, a supprimé depuis 1994 près de 300 000 emplois salariés.
Face à cette évolution, il faut, selon nous, permettre à l'Algérie de retrouver le chemin d'un développement global, nationalement maîtrisé.
Au-delà de cette convention, qui, malgré son fort caractère libéral, marque l'enclenchement d'un processus que nous approuvons, nous proposons d'entamer une négociation qui porterait sur l'allégement de la dette et sur l'assistance technique pour moderniser et compléter les infrastructures.
Le rôle des entreprises publiques françaises pourrait être majeur en la matière : nous avançons ainsi l'idée d'une association des entreprises françaises et algériennes. La coopération doit faire de l'aide à la formation un axe essentiel. Pourquoi ne pas s'appuyer sur les jeunes bilingues, sur les jeunes diplômés français, qui pourraient être ainsi les artisans d'une telle coopération ?
Nous estimons que, dans l'immédiat, une coopération humaine doit être mise en place sans plus tarder.
L'octroi des visas doit être également facilité pour éviter aux ressortissants algériens d'innombrables tracasseries. Dans le même esprit, les consulats doivent être rouverts.
Développer cette coopération humaine nécessite de rouvrir les lignes d'Air France, dans le respect, bien entendu, des garanties de sécurité.
La coopération peut également porter sur une question cruciale pour l'Algérie, qui souffre d'un déficit de 1,5 million de logements sociaux : la construction massive de tels logements.
La coopération industrielle - je rappelle à cette occasion le rôle de la COFACE, qui doit sortir l'Algérie de sa liste noire - doit non pas se limiter à la création d'une zone de libre échange entre l'Algérie et l'Union européenne, mais s'inscrire dans un véritable partenariat économique et commercial respectant, dans une stricte équité, les intérêts de chacun.
Voilà donc exposées brièvement les pistes que je tenais à tracer devant vous pour permettre de donner à la coopération entre la France et l'Algérie, entre l'Union européenne et l'Algérie, un contenu réel de réciprocité, une perspective d'épanouissement pour un pays et un peuple qui ont tant souffert, qui souffrent tant encore et avec lequel nous avons tant de liens.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif), signé à Alger le 13 février 1993, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

accord de partenariat économique
entre la communauté européenne
et les états-unis du mexique

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 3, 1998-1999) autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis du Mexique, d'autre part. [Rapport n° 55 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord qui est aujourd'hui soumis à votre approbation a de multiples objets, mais il vise avant tout à la mise en place d'un partenariat économique entre la Communauté européenne et le Mexique ainsi qu'à l'élaboration d'un cadre de coordination politique et de coopération dans des domaines très variés.
Signé à Bruxelles le 8 décembre 1997, il se substituera, dès son entrée en vigueur, au précédent accord-cadre de coopération du 26 avril 1991.
Comme vous le savez, l'Union européenne s'est engagée, depuis le début des années 1990, dans une stratégie de renforcement des relations euro-latino-américaines, par la voie notamment de la signature de nouveaux accords avec le Mexique mais aussi avec le Chili et des sous-ensembles régionaux comme le Mercosur.
Au moment de la conclusion de l'ALENA, l'accord de libre-échange nord-américain, en 1994, ainsi que de la préparation à l'entrée du Mexique à l'OCDE et compte tenu des perspectives de mise en place d'une zone de libre-échange des Amériques à l'horizon 2005, il devenait impératif de consolider les liens politiques et économiques entre les deux parties et la présence européenne dans la région.
C'est précisément dans cet esprit que la France a proposé l'oganisation d'une rencontre au sommet entre l'Union et les pays d'Amérique latine et de la Caraïbe. Cette proposition française, devenue une initiative franco-espagnole, est engagée officiellement depuis le Conseil européen d'Amsterdam.
La France souhaite à présent jouer un rôle actif dans la préparation de ce sommet, qui se tiendra à Rio de Janeiro les 28 et 29 juin 1999. Le Président de la République aura l'occasion de le rappeler lors de la visite d'Etat qu'il effectue du 11 au 14 novembre au Mexique, où j'ai l'intention de le réjoindre dès demain.
La France a également souhaité être à l'origine du renforcement des relations euro-mexicaines. Le ministre des affaires étrangères français, en visite à Mexico en mai 1994, avait en effet proposé la négociation d'un nouvel accord, et la déclaration fixant l'objectif de ce nouvel accord a été adoptée à Paris en mai 1995, sous présidence française de l'Union.
Comme pour tous les accords de « troisième génération », le respect des droits fondamentaux de l'homme constitue un élément essentiel de l'accord avec le Mexique, comme le rappelle son tout premier article. Cette clause n'est évidemment pas de pure forme. Les réactions européennes à la suite du massacre d'Acteal, au Chiapas, la déclaration de la présidence luxembourgeoise du 24 décembre 1997 et la résolution du Parlement européen du 15 janvier 1998, l'ont montré.
Sur le plan politique, l'accord prévoit d'institutionnaliser un dialogue à haut niveau, entre présidents et entre ministres, sur toutes les matières bilatérales et internationales d'intérêt commun. Ce dialogue doit notamment permettre une concertation plus étroite entre les parties au sein des organisations internationales dont elles sont membres. L'accord prévoit également que ce dialogue politique pourrait être engagé au niveau parlementaire au moyen de contacts entre le Parlement européen et le Congrès mexicain.
En matière commerciale, cet accord de partenariat économique a vocation à contrebalancer la mise en oeuvre de l'ALENA, qui a entraîné une dépendance accrue du Mexique vis-à-vis des Etats-Unis et des pertes concomitantes de parts de marché pour l'Europe. En pratique, il a pour objet d'instaurer un cadre de nature à favoriser le développement des échanges de biens et de services, y compris par une libéralisation bilatérale et préférentielle, progressive - il faut y insister - et réciproque du commerce.
Dans ce domaine, deux accords ont été signés à Bruxelles, le 8 décembre 1997, en marge du Conseil « affaires générales » : l'accord global de partenariat économique, de coordination politique et de coopération, soumis aujourd'hui à votre examen, et un accord intérimaire sur les aspects commerciaux et relatifs au commerce.
Une déclaration conjointe sur la globalité de traitement des biens et des services, qui relèvent respectivement de la compétence de la Communauté européenne et des Etats membres, a également été signée à cette occasion. Ce schéma complexe a été élaboré afin de permettre d'engager les négociations sur la libéralisation progressive et réciproque des échanges sans attendre l'entrée en vigueur de l'accord global. De ce fait, le conseil conjoint, chargé par l'accord de définir le calendrier et les modalités de cette libéralisation puis de diriger les négociations, a été installé le 14 juillet dernier. La toute première session de négociation a actuellement lieu à Mexico - du 9 au 13 novembre - sur la base des directives adoptées par le conseil le 25 mai 1998.
Enfin, l'accord signé entre la Communauté européenne et le Mexique a également pour objet de développer la coopération déjà engagée depuis le précédent accord de 1991. De ce fait, il couvre des secteurs très variés et d'intérêt commun dans les domaines économique et industriel mais aussi dans celui de la promotion des investissements. Il concerne également d'autres secteurs de coopération comme les technologies de l'information, la lutte contre les stupéfiants et le blanchiment d'argent, la formation, la culture mais aussi les affaires sociales et la santé. Le chapitre consacré à la coopération euro-mexicaine apparaît de ce fait très étendu et particulièrement ambitieux.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord de partenariat entre la Communauté européenne, et ses Etats membres, d'une part, le Mexique, d'autre part, accord qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Estier, en remplacement de M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération, dont le Sénat est aujourd'hui saisi et que je rapporte devant vous en remplacement de mon collègue et ami André Rouvière, constitue une étape importante dans les relations entre l'Union européenne et ce grand pays latino-américain qu'est le Mexique, où M. le Président de la République est arrivé aujourd'hui même.
Onzième pays du monde par sa population, qui approche les 100 millions d'habitants, le Mexique pèse incontestablement sur la scène internationale. Sa participation, depuis 1994, à l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, avec les Etats-Unis et le Canada, a considérablement renforcé son intégration économique avec son voisin nord-américain. Pourtant, il ne saurait être question pour l'Europe de se laisser marginaliser dans un pays si important, de même qu'il n'apparaît pas souhaitable au Mexique de se laisser enfermer dans une relation trop exclusive avec les Etats-Unis.
L'accord signé le 8 décembre 1997 répond donc au souci des deux parties de renforcer la coopération et surtout de gravir un degré supplémentaire dans leurs relations économiques, en procédant à une libéralisation préférentielle, progressive et réciproque des échanges de biens et de services.
Le Mexique a procédé, au cours des dernières années, à ce que l'on appelle une « normalisation démocratique » marquée par l'instauration d'un réel pluralisme politique sur lequel, toutefois, on peut parfois s'interroger.
Bien qu'affecté aujourd'hui par les turbulences de la crise asiatique, il a bénéficié, sur le plan économique, du rétablissement opéré après la grave secousse financière de 1994-1995, grâce, notamment, à la mise en oeuvre de l'ALENA, qui a favorisé la reprise, et à l'aide américaine.
Sur le plan diplomatique, enfin, le Mexique mène aujourd'hui une politique extérieure active.
La relation avec les Etats-Unis est, bien entendu, prépondérante, le Mexique étant devenu le deuxième partenaire commercial des Etats-Unis, avec lesquels il réalise 80 % de son commerce extérieur. Le renforcement des liens avec l'Amérique latine constitue aussi une priorité de sa diplomatie. Quant à l'Europe, elle représente incontestablement pour le Mexique une opportunité de diversification politique et économique.
Après un premier accord en 1975, puis un accord-cadre en 1991, s'est manifestée la volonté d'établir entre la Communauté européenne et le Mexique un partenariat plus ambitieux, surtout après l'entrée en vigueur de l'ALENA, qui a provoqué une forte contraction des parts de marché européennes au Mexique.
C'est à la suite d'une initiative française qu'a été négocié l'accord signé le 8 décembre 1997.
Cet accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération, s'il comporte des dispositions classiques en matière de dialogue politique et de coopération, se distingue surtout par son volet commercial.
En effet, il fixe comme objectif une libéralisation bilatérale, progressive et réciproque des échanges de biens et de services, une abolition progressive et réciproque des obstacles aux mouvements de capitaux et une ouverture réciproque des marchés publics. Cette libéralisation tiendra compte du caractère sensible de certains produits.
En conclusion, je veux, mes chers collègues, insister sur l'intérêt qui s'attache pour la France à la ratification de cet accord.
La France entretient depuis longtemps des relations politiques confiantes avec le Mexique. L'attachement à leur indépendance et l'héritage latin commun rapprochent les deux pays, qui expriment souvent des positions concordantes sur la scène internationale.
Sur le plan culturel, la présence française au Mexique est significative, au travers de plusieurs établissements d'enseignement, de l'Alliance française et de centres culturels.
Pour autant, nos échanges économiques demeurent insuffisants, la part de marché française oscillant autour de 1 %.
La France, qui s'est beaucoup investie dans la conclusion de cet accord de partenariat économique, devrait être en mesure d'en tirer les fruits pour améliorer ses positions dans ce grand pays.
Le 22 octobre dernier, le ministre des affaires étrangères du Mexique, Mme Green, disait devant notre commission des affaires étrangères l'impatience des autorités mexicaines de voir la France ratifier cet accord.
Au moment où la visite du Président de la République au Mexique va permettre de réaffirmer les liens particuliers qui unissent la France à ce pays, la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi qui vous est soumis.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet. Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un grand nombre de liens historiques et d'amitié nous lient au peuple mexicain, et nous sommes partisans du développement de la coopération avec le Mexique.
Mais alors que, de nos jours, il est souvent question d'état de droit, force est de constater que ni les droits économiques et sociaux ni les droits politiques ne sont respectés de manière satisfaisante par les Etats-Unis du Mexique.
Tous les observateurs - notre rapporteur l'a indiqué pour ce qui concerne les droits de l'homme - notent une dégradation de la situation au Mexique.
Sur le plan économique et social, 90 % des ruraux, 77,3 % de la population urbaine et 80 % de ceux qui résident dans la zone métropolitaine de Mexico vivent dans des conditions de pauvreté allant jusqu'à l'extrême.
La différence entre les revenus des 10 % les plus pauvres et des 10 % les plus riches aurait crû de 19,29 % entre 1984 et 1994, et de 28 % entre 1984 et aujourd'hui.
Un tiers de la population est passée en quinze ans de la classe moyenne à la pauvreté, selon l'Institut mexicain de statistiques démographiques et informatiques.
Nous n'approuvons donc que très partiellement l'analyse très positive sur la situation économique mexicaine effectuée par M. le rapporteur, qui sous-estime, à notre avis, la situation sociale du pays.
S'agit-il d'un accord de coopération véritable, que nous appelons de nos voeux, ou d'une accélération du libre-échange, de mondialisation capitaliste, entraînant un nouvel appauvrissement des plus pauvres ?
Notre rapporteur répond d'ailleurs à cette question en indiquant que « l'accord entend encourager la libéralisation progressive et réciproque des mouvements de capitaux et des paiements ».
Nous refusons de cautionner le développement sur le plan mondial, et notamment au Mexique, des usines de sous-traitance dans les pays à bas salaires pour produire à moindre coût et exporter ensuite sur le marché international.
C'est le cas, par exemple, comme le rapportait un quotidien voilà quelques semaines, de Thomson, qui recrute au Mexique, à Ciudad Juárez pour être précis, des salariés à 500 francs par mois dans des conditions de précarité absolue.
Dans cette ville, cette pratique se multiplie. Elle symbolise ce que je n'oserai pas appeler de la coopération. Il existe en effet dans cette cité 2 290 manufactures, dont la plupart sont récentes. Thomson emploie 9 000 personnes sur ses trois sites.
L'accord soumis à notre ratification aujourd'hui n'apporte pas, selon nous, les garanties d'une lutte contre les délocalisations sauvages, qui ne participent pas au développement réel, structurel, du Mexique.
Sur le plan de la démocratie, la situation ne s'améliore pas, au contraire.
Notre rapporteur, tout en invoquant une « maturité démocratique » du Mexique, note les graves tensions qui se développement dans ce pays, en particulier au Chiapas.
Vous remarquerez en effet que le président Zedillo n'a pas suivi la recommandation de retrait des militaires de cette zone, annoncée par la commission mexicaine des droits de l'homme.
Nous notons, dans le même temps, la continuation des actions de l'armée à l'égard des populations indigènes.
Les groupes paramilitaires, liés au pouvoir en place, comme c'est malheureusement la tradition dans de trop nombreux pays d'Amérique latine, sont à l'origine du massacre, d'une violence inouïe, dans la commune d'Actéal.
Ce sont, comme souvent, des femmes, des enfants qui périssent.
De manière incontestable, le respect des droits de l'homme se dégrade au Mexique. L'expulsion, en 1997, de deux membres de la fédération internationale des droits de l'homme, en mission au Mexique, confirme cette analyse.
L'Union européenne, la France, placent le respect des droits de l'homme au coeur de leurs valeurs, et nous nous en félicitons.
De même, au moment où les populations d'Amérique centrale connaissent des situations dramatiques, nous nous félicitons que le gouvernement de la France ait décidé l'annulation unilatérale de la dette contractée envers elle par les pays les plus touchés, auxquels nous renouvelons notre solidarité.
Nous pensons en effet que le principe des droits de l'homme doit avoir toute sa place dans le cadre de la signature et de la mise en oeuvre d'accords internationaux.
En l'occurrence, alors qu'au Mexique le pouvoir organise la répression contre le mouvement des Indiens du Chiapas, il nous apparaît nécessaire de poser la question du respect plein et entier des droits de l'homme au Mexique comme préalable à l'application de l'accord dont nous débattons aujourd'hui.
Toutefois, nous ne sous-estimons pas l'importance de la signature d'accords permettant de rééquilibrer pour le Mexique la situation née de la signature de l'ALENA.
C'est au vu de ces remarques que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote de ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je formulerai brièvement quelques observations à la suite des interventions de M. le rapporteur et de Mme Bidard-Reydet.
Tout d'abord, il faut noter que la situation politique au Mexique reste encore insuffisamment stabilisée ; il faudra probablement attendre les élections prévues en l'an 2000 pour que la démocratie y soit complètement consolidée.
Ensuite, je précise que l'accord prévoit une progressivité dans la libéralisation des échanges ; il est notamment prévu qu'en particulier pour les matières sensibles les Mexicains pourront, le moment venu, faire prévaloir des modalités spécifiques, qu'il s'agisse de produits agricoles ou de produits industriels.
Quant à la question que vous avez soulevée, Mme Bidard-Reydet, concernant les droits de l'homme, y compris de l'homme et de la femme au travail, je vous indique que l'article 1er de l'accord évoque précisément le respect des droits de l'homme, et ce n'est pas qu'une clause formelle, même si, il est vrai, elle renvoie au dialogue que nous devons ouvrir avec l'Organisation mondiale du commerce qui doit mieux intégrer ces questions.
Cela étant, je pense que cet accord concilie bien la volonté des Mexicains de valoriser mieux leur production en exportant davantage chez nous et le respect des équilibres sociaux dont ils ont évidemment besoin.
Je conclurai en disant de manière un peu impertinente que cet accord ne changera pas la position géographique du Mexique par rapport aux Etats-Unis. Les Mexicains en seront toujours aussi proches, mais ils seront aussi un peu plus proches de l'Europe. C'était aussi cela que nous recherchions et que les Mexicains souhaitent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisé la ratification de l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis du Mexique, d'autre part, fait à Bruxelles le 8 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

7

CONVENTION INTERNATIONALE
POUR LA RÉPRESSION
DES ATTENTATS TERRORISTES À L'EXPLOSIF

Adoption d'un projet de loi

M. le président L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi n° 4 (1998-1999) autorisant la ratification d'une convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. [Rapport n° 54, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les Nations unies ont achevé, en décembre dernier, la négociation d'une nouvelle convention contre le terrorisme. Il s'agit de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.
L'origine de ce nouvel instrument international est liée, vous le savez, à une série d'attentats ayant profondément marqué l'opinion publique, en particulier l'attentat anti-américain d'al-Khobar en Arabie saoudite, et les attentats suicides en Israël à la même époque.
C'est en mars 1996, au sommet des « bâtisseurs de la paix » de Charm El Cheik, qui a suivi de près ces attentats, que l'idée d'une telle convention a été lancée.
C'est ensuite la présidence française du G8 qui, en juillet 1996, a inscrit un tel projet au sein des « 25 recommandations de Paris » pour lutter contre le terrorisme.
C'est encore la France qui en a élaboré le texte avec ses partenaires du G8 et l'a présenté aux Nations unies en décembre 1996. Nous avons ensuite joué un rôle très actif pendant la négociation qui s'est déroulée toute l'année dernière.
Adoptée par les Nations unies en décembre 1997, la convention a été ouverte à la signature à New York le 12 janvier dernier. La France l'a signée le jour même.
Quelles en sont les caractéristiques ?
Il s'agit d'une convention d'incrimination, qui a pour but de réprimer les attentats terroristes à l'explosif commis dans des lieux publics. Elle vise toute personne qui, intentionnellement, livre, pose, ou fait exploser ou détonner - ou tente de le faire - un engin explosif dans un lieu public, un système de transport public ou une infrastructure - c'est-à-dire tout équipement public ou privé fournissant des services d'utilité publique - pour peu que cet attentat vise à provoquer la mort ou des dommages corporels graves, ou à causer des destructions massives entraînant ou risquant d'entraîner des pertes économiques considérables.
Elle demande également aux Etats d'ériger en infraction pénale les faits précités et comporte un dispositif juridique de coopération internationale fondé sur le principe « juger ou extrader », ainsi que des modalités classiques d'entraide et d'extradition.
Parallèlement, elle contient des garanties relatives à la protection des droits de la personne soupçonnée, en particulier quant à sa détention et à son extradition.
Plusieurs dispositions concernent l'exclusion des forces armées de son champ d'application.
L'objectif de cette convention est clair : améliorer la lutte internationale contre le terrorisme. En effet, elle cible la menace terroriste principale actuelle en traitant d'un mode opératoire terroriste, les attentats à l'explosif qui représentent environ 60 % des actes du terrorisme international.
Cette convention présente des avantages sur le plan opérationnel pour la France, qui, Etat victime de ce type de terrorisme, pourra utilement bénéficier des mesures prévues, à savoir les procédures d'entraide judiciaire et d'extradition des auteurs ou des complices de tels actes dans les pays ayant ratifié la convention avec lesquels la France n'a pas signé d'accords bilatéraux en ce sens.
Destinée à favoriser la coopération internationale contre le terrorisme, cette convention met en place un dispositif juridique de coopération internationale fondé sur le principe « juger ou extrader ».
Comme dans les autres conventions antiterroristes, le « mobile politique » ne peut plus être invoqué - seul - pour refuser les demandes d'entraide judiciaire et d'extradition. Mais la possibilité de refuser l'extradition est réaffirmée pour un certain nombre de cas, afin de garantir les droits de la personne mise en cause.
Enfin, la convention engage les Etats parties à prendre des mesures sur le plan interne, destinées à qualifier d'infraction pénale les infractions à la convention et à les réprimer ainsi qu'à assurer que les faits incriminés ne puissent en aucune circonstance être justifiés par des considérations de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique ou religieuse, ou par d'autres motifs analogues.
Cette convention complète le dispositif normatif existant en matière de lutte contre le terrorisme, constitué de dix conventions internationales, toutes « spécialisées » :
Quatre sont destinées à lutter contre le terrorisme aérien.
Deux tendent à lutter contre le terrorisme maritime.
Deux visent des actes de terrorisme particuliers - les infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, et la prise d'otages.
Deux tendent à protéger certains produits ou dispositifs utilisables à des fins terroristes - les matières nucléaires et les explosifs plastiques et en feuilles.
La France les a toutes ratifiées à l'exception de la convention de 1979 contre la prise d'otages, pour laquelle la procédure de ratification est en cours, et de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, pour laquelle une réflexion est engagée.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je désire attirer votre attention sur les particularités de cette convention.
Tout d'abord, on peut affirmer qu'elle a été « portée », depuis l'origine, par la France. Je ne reviens pas sur ce point que j'ai déjà évoqué au début de mon exposé.
Autre particularité, cette convention amènera la France à préciser le champ qu'elle entend donner à sa compétence : Etat victime du terrorisme, la France a intérêt à ce que celle-ci soit la plus large possible. Notre représentation permanente devra donc informer le Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies que la France établit sa compétence dans tous les cas prévus par la convention.
Enfin, la ratification de cette convention entraînera deux modifications législatives.
L'artice 421-1 du code pénal n'incrimine, au titre des infractions terroristes, la détention, l'acquisition, le transport ou l'emploi de substances explosives ou d'engins, que dans le cas où ces substances ou engins sont de nature classique, biologique, ou chimique. Il n'y a donc pas d'incrimination prévue pour les matières radioactives. En conséquence, il conviendra de modifier l'article du code pénal sur ce point.
En outre, chaque Etat partie « adopte les mesures qui peuvent être nécessaires pour établir sa compétence en ce qui concerne les infractions visées dans les cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire et où il ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats parties qui ont établi leur compétence ». Cette disposition concerne directement la procédure pénale puisqu'elle permet aux juridictions pénales françaises de bénéficier d'une « compétence universelle ». Elle entraînera une modification de l'article 689 du code de procédure pénale.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la « convention pour la répression des attentats terroristes à l'explosif » qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Claude Estier, en remplacement de M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mer chers collègues, il me revient de présenter devant vous cette convention du 12 janvier 1998, là encore en remplacement de notre collègue André Rouvière.
Je ne reviendrai pas sur l'origine de cette convention, qui illustre l'engagement de notre pays dans la lutte contre la menace terroriste.
Je vous épargnerai aussi les tristes statistiques du terrorisme international et de ses trop nombreuses victimes, renvoyant sur ce point au rapport écrit de notre collègue André Rouvière. Notre pays fait, hélas ! partie de cibles traditionnelles du terrorisme international, ce qu'ont illustré les vagues d'attentats de 1986 et 1995. En 1995, 62 % des actes de terrorisme commis dans le monde ont été perpétrés en Europe. Vous avez cependant rappelé à juste titre, monsieur le ministre, que d'autres parties du monde n'étaient pas épargnées.
En outre, depuis quelques années, le terrorisme international a connu des évolutions très inquiétantes, qui tiennent pour l'essentiel à l'apparition de groupuscules plus dispersés et à une menace désormais plus internationalisée, du fait de la circulation plus rapide des hommes, des capitaux et des armes.
Quant à la nature de la menace, elle paraît s'être aggravée depuis que l'attentat au sarin dans le métro de Tokyo, en mars 1995, a montré que les mouvements terroristes peuvent aujourd'hui disposer d'un pouvoir de destruction sans précédent dû à la possession d'armes de destruction massive.
Dans ce contexte particulièrement inquiétant, il faut se féliciter de ce que la convention du 12 janvier 1998, pour la répression des actes terroristes à l'explosif, s'appuie sur une condamnation sans concession du terrorisme international, en excluant toute justification politique des actes terroristes.
La convention de janvier 1998 - autre aspect positif - est un accord à vocation générale, supposé s'appliquer à une très forte proportion des actes de terrorisme international enregistrés dans le monde, et à la totalité des actes de terrorisme international dont notre pays est victime.
Cette convention ne traite pas, en effet, comme les accords de la précédente génération, tel ou tel aspect sectoriel de la menace terroriste : détournements d'avion, attentats dans les aéroports, attentats sur des navires... Son champ d'application est défini pour s'appliquer à un très large spectre d'attentats terroristes, puisque la définition retenue des engins explosifs s'appliquerait même dans l'hypothèse d'attentats nucléaires, chimiques ou bactériologiques.
La convention ne comprend néanmoins pas les actes de terrorisme n'impliquant que les ressortissants et les possessions d'un seul Etat.
La signature de cette convention par la France n'impliquera que des adaptations ponctuelles, que vous avez rappelées, monsieur le ministre, de notre code pénal et de notre code de procédure pénale, mais n'affectera pas notre législation antiterroriste, qui respecte d'ores et déjà les prescriptions de cette convention.
Pour l'essentiel, celle-ci vise, en effet, à obtenir des Etats membres une législation pénale réprimant les auteurs d'attentats terroristes par des peines correspondant à la gravité de ces actes et à renforcer la coopération judiciaire entre Etats en facilitant l'extradition des auteurs présumés d'attentats.
Cette convention encourage en outre des actions de coopération technique entre Etats parties, afin de renforcer la prévention des attentats. Ainsi la France fournit-elle régulièrement des équipements de sécurité aéroportuaire à divers partenaires.
En conclusion, je crois cependant prudent de dire que l'on ne saurait attendre de la présente convention plus que ce que peut apporter un traité international.
Tout d'abord, l'objet de la convention du 12 janvier 1998 n'est pas de prévenir les attentats terroristes à l'explosif, mais avant tout de les réprimer. Cette convention fixe donc essentiellement des règles relatives à l'entraide judiciaire entre Etats, afin de faire en sorte que les auteurs de ces actes terroristes soient punis.
Par ailleurs, l'efficacité de la présente convention reste subordonnée à son universalité. Or, sur les trente et un signataires à ce jour recensés, on ne relève - faut-il le préciser ? - aucun des Etats généralement mis en cause dans le terrorisme international.
Il importe donc que la France, en procédant au plus vite au dépôt de ses instruments de ratification, encourage par son exemple l'adhésion de nombreux Etats et qu'une entrée en vigueur rapide de la convention du 12 janvier 1998 montre la détermination de la communauté internationale à punir comme ils le méritent les auteurs d'attentats terroristes.
C'est pourquoi la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, faite à New York le 12 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

8


ACCORD AVEC L'AZERBAÏDJAN
SUR LA LIBERTÉ DE CIRCULATION

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 559, 1997-1998) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation. [Rapport n° 28, 1998-1999.]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, attachés à la mise en oeuvre du traité d'entente, d'amitié et de coopération qu'ils avaient signé à Paris, en décembre 1993, la France et l'Azerbaïdjan ont signé, dans son prolongement, le 14 janvier 1997, à Paris, un accord sur la liberté de circulation.
Cet accord a été négocié à la demande de la partie française qui souhaite que ses ressortissants, diplomates ou non, appelés à se rendre dans ce pays bénéficient d'un régime de circulation moins contraignant que celui qui résulte de la réglementation locale en vigueur et qui comporte, en effet, des restrictions à la circulation des étrangers et limite en fait leur liberté de mouvement.
Dans le contexte qui prévaut de relations diplomatiques récentes, il est important pour la France que la mission dont les membres de la représentation diplomatique sont investis s'effectue sans entrave, que l'activité des journalistes appelés à informer l'opinion publique ne rencontre pas d'obstacles, que la prospection extensive de nos hommes d'affaires ne connaisse pas d'empêchements, que l'action des représentants d'organisations politiques, sociales et syndicales soit facilitée et, enfin, que le désir de découverte du pays par les touristes soit possible.
Pour lui donner un certain relief, la signature de cet accord a coïncidé avec la visite que M. le président Aliev a effectuée en France du 13 au 15 janvier 1997.
Ce texte a donc pour objet de faciliter les déplacements intérieurs des membres de la mission diplomatique sur le territoire de l'Etat dans lequel ils sont accrédités et de tous les ressortissants appelés à y circuler, pour des raisons professionnelles notamment.
Dans ce sens, il ne présente que des avantages pour la France, puisqu'il ne modifie en rien le régime juridique applicable aux ressortissants de ce pays qui résident en France, à savoir le maintien de la possibilité d'imposer un visa d'entrée et de limiter la circulation dans certaines zones pour des raisons tenant à la sécurité ou à la défense nationale, ainsi que d'assigner à résidence pour motif d'ordre public.
En revanche, cet accord permet à nos ressortissants régulièrement entrés sur le territoire de la République d'Azerbaïdjan de s'y déplacer sans être tenus de fournir une information concernant leurs déplacements ni de demander une autorisation préalable pour les effectuer, formalités qu'ils sont jusqu'à maintenant dans l'obligation d'accomplir.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation, signé à Paris le 14 janvier 1997, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités aujourd'hui à examiner un projet de loi tendant à autoriser l'approbation d'un accord, conclu le 14 janvier 1997, avec l'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation des ressortissants français et azerbaïdjanais respectivement sur les territoires des deux pays.
J'évoquerai brièvement les aspects les plus significatifs du pays avec lequel nous avons conclu cet accord.
Indépendant depuis 1991, l'Azerbaïdjan, après deux ans de forte instabilité politique, a connu, depuis l'accession à la tête de l'Etat de M. Heïdar Aliev une situation politiquement apaisée qui s'est appuyée sur une lente construction de l'Etat de droit.
Toutefois, il est à craindre que les conditions dans lesquelles les élections présidentielles du 11 octobre dernier se sont déroulées ne viennent quelque peu nuancer cette appréciation positive.
L'Azerbaïdjan présente, dans cette région du Caucase, la singularité d'être le principal bénéficiaire des investissements étrangers à l'Est de l'Europe, du fait, surtout, de ses richesses pétrolières considérables. Le pays est cependant confronté à deux difficultés importantes.
La première concerne le conflit du Haut-Karabagh entre les autorités de Bakou et les indépendantistes arméniens. Aujourd'hui, l'enlisement du processus diplomatique initié par l'OSCE et le « groupe de Minsk » se traduit, pour l'Azerbaïdjan, par l'occupation de 20 % de son territoire par les séparatistes arméniens du Karabagh et la présence sur son sol d'un million de réfugiés.
La seconde difficulté provient d'un certain isolement diplomatique régional dont souffre le pays. L'ouverture du pays aux Etats-Unis et à l'Europe relève donc d'une volonté de contrebalancer ce relatif ostracisme diplomatique.
Depuis 1996, les contacts politiques entre nos deux pays se sont bien développés, et le président Aliev compte, notamment, sur le rôle de notre diplomatie dans le conflit qui oppose Bakou à l'Arménie. Parallèlement à un dialogue politique accru, notre implication économique se développe, notamment en rattrapant quelque peu notre retard initial dans le secteur pétrolier.
Les dispositions juridiques du traité, au demeurant fort simples, ont déjà été évoquées. Je rappellerai que l'objectif prioritaire de ce traité est d'assurer, dans chaque Etat, la liberté de déplacement des personnels diplomatiques aussi bien que des simples ressortissants de l'autre Etat.
Nos compatriotes qui, aujourd'hui, seront concernés par les dispositions du traité, ne sont pas nombreux : quarante Français résident en Azerbaïdjan, y compris les quatorze personnels de la mission diplomatique.
Mes chers collègues, concrètement, le présent traité aura surtout une incidence sur ces quelque dizaines de nos compatriotes, qui seront désormais dispensés de la formalité du passeport intérieur, plus que sur les ressortissants azerbaïdjanais résidant sur notre territoire et qui s'y déplacent déjà librement.
L'accord constitue donc un encouragement et un cadre plus efficace pour une présence accrue dans un pays qui constitue un enjeu essentiel pour l'avenir. Je vous invite donc à accepter le projet de loi qui nous est soumis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation, signé à Paris le 14 janvier 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

9

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
ET CONVENTION D'EXTRADITION
AVEC LE BRÉSIL

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion commune :
- du projet de loi (n° 552, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. [Rapport (n° 27, 1998-1999).]
- du projet de loi (n° 553, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. [Rapport (n° 27, 1998-1999).].
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, deux textes, l'un relatif à une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, l'autre à une convention d'extradition ont été signés le 28 mai 1996 à l'occasion de la visite du président de la République fédérative du Brésil en France.
La convention franco-brésilienne d'entraide judiciaire en matière pénale est presque parfaitement calquée sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et les divergences que l'on peut relever entre les deux textes concernent des dispositions qui se retrouvent dans les conventions bilatérales signées par la France.
Ainsi, parmi les motifs de refus de l'entraide figure la référence à la double incrimination. De même, les dispositions relatives aux perquisitions et aux saisies apparaissent dans d'autres textes bilatéraux, tels que ceux qui ont été conclus avec le Paraguay, la Corée, Hong Kong et l'Inde.
Cette convention comporte toutefois des dispositions qui la singularisent.
Parmi les motifs de refus de l'entraide, la référence à la race, au sexe, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques apparaît comme une disposition empruntée des conventions d'extradition.
Arguant des difficultés de surveillance liées à l'étendue de son territoire, la partie brésilienne a obtenu un allongement des délais : celui des citations à comparaître passe de cinquante jours, dans la convention européenne, à trois mois et celui de l'immunité prévue au troisième paragraphe de l'article 11, de quinze à trente jours.
Quant aux transmissions des demandes d'entraide, à côté de la voie directe entre les deux ministères de la justice, est maintenu le canal diplomatique qui, pour les autorités brésiliennes, reste auréolé de l'avantage de l'authenticité. Toutefois, les demandes relatives au casier judiciaire peuvent être adressées directement par l'autorité judiciaire requérante au service compétent de l'Etat requis.
Enfin, contrairement à la plupart des conventions de ce type, l'accord franco-brésilien ne comporte aucune disposition relative au transit sur le territoire de l'un des deux Etats de personnes condamnées, transférées à partir d'un Etat tiers.
La convention d'extradition, elle aussi, est largement inspirée de celle du Conseil de l'Europe, signée à Paris le 13 décembre 1957. Cependant, elle comporte certaines dispositions spécifiques qui ont été introduites à la demande de la partie brésilienne.
S'agissant du champ d'application, d'une part, la convention inclut parmi les infractions pouvant donner lieu à extradition celles qui ont un caractère fiscal, alors que la convention européenne, elle, ouvre seulement, sous certaines conditions, une possibilité en cette matière. D'autre part, les faits qui peuvent donner lieu à extradition doivent, en premier lieu, être punissables, au regard de la législation des deux Etats, d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans et, en second lieu, avoir été sanctionnés par une peine dont le reliquat à purger est d'au moins neuf mois.
Dès lors, contrairement à la convention européenne d'extradition, ce n'est pas le quantum de la peine prononcée qui est pris le premier en considération, mais la durée de la peine restant à purger. La prise en compte de ce dernier critère privilégie l'efficacité des procédures pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées ou dont l'exécution est susceptible d'être couverte par la durée de la détention extraditionnelle.
L'extradition des nationaux n'est pas accordée et la nationalité est appréciée à la date de la commission des faits. Toutefois, dans cette hypothèse, l'Etat requérant pourra recourir à la procédure de dénonciation des faits auprès de l'Etat requis, qui appréciera, selon sa réglementation interne, la suite à lui donner.
La convention ne prévoit, pour la transmission des demandes d'extradition, que la voie diplomatique, qui, comme nous l'avons dit, présente seule pour les autorités brésiliennes l'avantage de bénéficier de la garantie de l'authenticité. Toutefois, en cas d'urgence, une demande d'arrestation provisoire peut être transmise par tout moyen laissant une trace écrite.
Enfin, cette convention se distingue, elle aussi, pour la même raison que celle qui a été avancée dans les négociations de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, à savoir l'étendue du territoire brésilien, par un allongement de certains délais. Ainsi, le délai maximum d'arrestation provisoire est étendu de quarante jours dans la convention européenne à soixante jours, et le délai du bénéfice de l'immunité accordée en application du principe de la spécialité à la personne extradée pour quitter le territoire de l'Etat d'extradition passe de quarante-cinq jours à deux mois.
Quant au principe de la spécialité que j'ai déjà évoqué, les autorités brésiliennes ont finalement accepté, sur le fond, les dispositions de la convention européenne.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signées à Paris le 28 mai 1996, qui font l'objet des deux projets de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Caldaguès, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération judiciaire entre la France et le Brésil était jusqu'à présent demeurée extrêmement restreinte.
Une convention d'entraide en matière civile avait été conclue en 1981, mais elle s'était heurtée, dès son entrée en vigueur en 1985, à de multiples difficultés d'application. Par ailleurs, aucune convention n'existait en matière pénale et d'extradition.
Cette situation était gênante pour la résolution de contentieux impliquant des ressortissants des deux pays. Elle devenait surtout de moins en moins satisfaisante au moment où la mondialisation ou la globalisation touchent également les activités criminelles, qui non seulement ne connaissent plus de frontières, mais les utilisent volontiers pour faire obstacle aux poursuites judiciaires.
Il est donc nécessaire d'établir un cadre de coopération judiciaire avec un pays aussi important que le Brésil.
Les négociations ont porté successivement sur la rénovation de la convention de 1981 en matière civile et sur l'élaboration de deux textes nouveaux sur l'entraide en matière pénale et sur l'extradition.
Le Sénat a déjà approuvé, au mois de mars dernier, la nouvelle convention d'entraide judiciaire en matière civile. Nous examinons aujourd'hui les deux autres textes signés à Paris le 28 mai 1996.
Sachez tout d'abord que ces deux conventions présentent peu de caractères originaux, puisqu'elles s'inspirent des principes qui régissent toutes les conventions du même type déjà conclues par la France.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale reprend l'architecture de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.
Elle énumère les cas bien spécifiés dans lesquels chaque partie peut refuser d'exécuter une demande d'entraide et elle prévoit les différents domaines couverts par l'entraide : la recherche de preuves, le comparution de témoins ou d'experts.
Pour sa part, la convention d'extradition se conforme aux principes de la loi française de 1927 sur l'extradition des étrangers et de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
L'extradition ne sera possible qu'en cas d'infraction punissable d'au moins deux ans de prison. Lorsqu'il s'agit d'exécuter un jugement, la durée de la peine restant à exécuter devra être supérieure à neuf mois.
En dehors du fait que l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée possède la nationalité de l'Etat requis, ce qui va de soi, il existe deux catégories de possibilités de refus d'extradition : les unes facultatives, les autres obligatoires. Ces dernières se réfèrent à des considérations qui peuvent être tout à fait unilatérales et, par conséquent, discrétionnaires, mais telle est la loi du genre.
En ce qui concerne les procédures d'extradition, enfin, la convention applique le principe dit « de spécialité », donnant au pays qui accepte d'extrader la garantie que l'extradition ne sera pas détournée de son objet.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de ces deux conventions qui complètent un ensemble de plusieurs dizaines de conventions bilatérales similaires déjà signées par la France.
Elles établissent des bases juridiques solides pour la coopération judiciaire avec un grand pays comme le Brésil, dont la France souhaite désormais devenir un partenaire significatif en Amérique latine, comme en ont témoigné les visites du président Cardoso à Paris en mai 1996 et du président Chirac à Brasilia en 1997.
Pour cette raison, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter les deux projets de loi autorisant la ratification des conventions qui vous sont soumises.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en intervenant sur ce sujet, je souhaite exprimer mon profond soutien à l'approbation des conventions d'entraide judiciaire et d'extradition entre la France et le Brésil, que le Gouvernement nous propose aujourd'hui d'autoriser.
Voilà à peu près cinq ans, j'avais attiré, sinon appelé, l'attention du Gouvernement sur l'urgente nécessité qu'il y avait à signer des conventions d'extradition entre la France et le Brésil, entre le Suriname et la France, enfin entre la Guyana et la France.
Je suis particulièrement favorable à tous les types d'accords propres à faire reculer la criminalité ou, plutôt, de nature à offrir à ceux qui luttent contre ce fléau les moyens de mener à bien leurs missions.
Je suis d'autant plus favorable à cette approbation que les deux conventions qui nous sont soumises aujourd'hui faisaient jusqu'à présent cruellement défaut, comme vient de le souligner M. le rapporteur.
Mes chers collègues, aurions-nous progressé avec autant d'efficacité en matière de lutte contre le terrorisme si la France n'était pas signataire de conventions d'entraide ou d'extradition avec des pays comme l'Italie, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni ?
Nous semblerait-il aujourd'hui concevable qu'un criminel français ne puisse être présenté à un juge d'instruction au motif qu'il aurait quitté nos frontières pour rejoindre la Belgique ou l'Espagne ?
La réponse à ces questions est assurément non.
La France n'est bien évidemment pas partie à de telles conventions avec l'ensemble des Etats composant la communauté internationale. Pourtant, il est une catégorie d'entre eux avec laquelle nous n'avons jamais manqué de passer ce type d'accords : il s'agit de nos voisins, c'est-à-dire des pays avec lesquels nous disposons d'une frontière commune.
Chacun comprendra en effet que la première des priorités consiste à faire échec aux possibilités de fuite immédiate dont disposeraient criminels ou délinquants en se réfugiant, ne serait-ce qu'à quelques kilomètres de notre sol, de l'autre côté des frontières.
Lorsque j'indique que entraide judiciaire et extradition sont autorisées avec tous nos voisins, je ne parle, hélas ! que du territoire métropolitain.
Or les frontières de la France ne se limitent pas à la métropole. Il est au moins deux pays, pourtant frontaliers, avec lesquels nous ne pouvons pas mener d'action conjointe en matière de lutte contre le crime : le Brésil et le Suriname, auxquels on peut ajouter la Guyana.
Les conséquences de cette absence d'accord sont particulièrement perceptibles en Guyane, où les frontières avec ces trois Etats sont extrêmement perméables et interpénétrables, notamment en raison de la densité de la forêt amazonienne, qui permet d'échapper à tout contrôle.
Il est donc fréquent que des criminels français, après la commission de leur méfaits, trouvent refuge dans l'un de ces pays, rendant quasiment inutile toute velléité de recherche.
A l'inverse, il n'est pas rare que d'autres criminels, originaires cette fois-ci du Brésil, du Suriname ou de la Guyana, tentent d'échapper à leur justice en pénétrant en Guyane. Ils ne manquent d'ailleurs pas d'y poursuivre leurs activités condamnables, comme l'a prouvé, hélas ! l'assassinat récent de deux gendarmes, perpétré le mois dernier dans la région d'Iracoubo par un ressortissant surinamais.
Pour ce qui concerne le Brésil, la Haute Assemblée remédie aujourd'hui à cette situation, et je m'en félicite très vivement. C'est en effet depuis le 28 mai 1996 que la convention d'extradition a été signée avec le Brésil, lors de la visite officielle du président Cardoso à Paris.
En revanche, des efforts diplomatiques doivent être entrepris ou poursuivis afin que l'évolution que nous approuvons aujourd'hui puisse être étendue à deux pays : le Suriname et la Guyana. Cela est d'une extrême urgence.
Monsieur le ministre, en répondant récemment à un courrier que je lui avais adressé sur ce thème précis, M. le ministre des affaires étrangères, m'a fait savoir que les autorités du Suriname et de la Guyana n'avaient pas encore été approchées pour sonder leur disponibilité à négocier de tels textes.
Je sais néanmoins la volonté du Gouvernement d'agir en ce sens, même si toute action diplomatique revêt bien souvent un caractère délicat et nécessite beaucoup de patience avant qu'on puisse en observer l'aboutissement.
Pour autant, je ne saurais que vous inciter à poursuivre dans la voie du développement de l'aide judiciaire internationale en apportant mes suffrages, ainsi que ceux de l'ensemble des membres de mon groupe, aux projets de loi que vous nous avez présentés aujourd'hui.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. M. Othily vient à nouveau d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'intérêt que présenterait la négociation d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition avec le Suriname et la Guyana, puisque aucune convention ne nous lie actuellement à ces deux pays dans ce domaine.
Nous savons l'importance que revêtiraient de tels accords pour la Guyane, à laquelle M. Othily est très attaché.
Les services compétents du département ont déjà été invités - mais nous allons insister sur ce point - à prendre attache avec les autorités du Suriname et de la Guyana pour connaître non seulement le sentiment de ces dernières sur la négociation d'accords bilatéraux d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition avec la France, mais aussi leur intention sur l'adhésion aux conventions européennes qui existent en la matière.
D'autres pays d'Amérique latine y ont déjà procédé. Je crois qu'il serait bien, en effet, que la Guyana et le Suriname s'y emploient de leur côté.
Telle est la réponse que je voulais vous faire, monsieur Othily, à l'occasion de cette discussion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 552 relatif à l'entraide judiciaire.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

CONVENTION D'EXTRADITION

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 553 relatif à l'extradition.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Huchon, Dominique Braye, Lucien Lanier, Mme Anne Heinis, MM. Raymond Soucaret, Bernard Dussaut et Gérard Le Cam ;
Suppléants : MM. Jacques Bellanger, Jean Boyer, Gérard Cornu, Bernard Joly, Patrick Lassourd, Pierre Lefebvre et Louis Moinard.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel m'a communiqué le texte de trois décisions rendues le 10 novembre 1998 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans les Bouches-du-Rhône et en Polynésie française et les opérations électorales du 27 septembre 1998 relatives à la désignation des quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.

12

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Roland du Luart pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public Autoroutes de France.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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PRESTATION DE SERMENT D'UN JUGE
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE

M. le président. M. Michel Duffour, juge titulaire à la Haute Cour de justice, qui n'avait pu prêter serment le 27 octobre dernier, va être appelé à prêter devant le Sénat le serment prévu par l'ordonnance portant loi organique sur la Haute Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment.
Je prie M. Michel Duffour de bien vouloir se lever à l'appel de son nom et de dire, en levant la main droite : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(M. Michel Duffour, juge titulaire à la Haute Cour de justice, se lève à l'appel de son nom et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999

Discussion d'un projet de loi

M. le président L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 50, 1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 58 (1998-1999) et avis n° 56 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est nul besoin d'insister sur l'attachement des Français à notre système de protection sociale ; chacun d'entre nous en est conscient.
La sécurité sociale est notre patrimoine collectif. Son avenir est pour nous un enjeu majeur. Elle protège les Français, elle les relie entre eux et les garantit contre les aléas de la vie, cette protection constituant un important vecteur d'intégration sociale.
Nous devons tout mettre en oeuvre pour en assurer la pérennité sachant qu'aujourd'hui des risques existent, lorsque l'équilibre n'est pas atteint et lorsque certains espèrent mettre en place un autre système fondé sur l'assurance privée. Je crois - en tout cas je l'espère - qu'une grande majorité de cette assemblée ne se résout pas à cette perspective et souhaite que nous trouvions ensemble les solutions de nature à assurer la pérennisation de notre système de sécurité sociale.
L'avenir de la sécurité sociale exige, année après année, un vrai débat et je me réjouis que, pour la troisième fois - pour la deuxième fois en ce qui me concerne plus particulièrement - un débat ait lieu au Parlement sur ce sujet d'une si grande importance. J'espère que nous parviendrons, dans le climat le plus paisible possible, à trouver les meilleures garanties d'existence de ce système.
C'est dans cet esprit que, depuis un an et demi, nous avons essayé d'aborder sans a priori ni tabou ce problème de la sécurité sociale, en décidant de conserver les outils qui avaient été mis en place, en en faisant évoluer certains et en en mettant d'autres en place lorsqu'ils nous apparaissaient plus justes et plus efficaces ou tout simplement lorsqu'ils n'existaient pas.
Nous avons la conviction profonde que la consolidation de la sécurité sociale exige d'inscrire ces réformes dans la durée. Cela signifie que les résultats ne sont pas obligatoirement pour demain et que nous devons avoir la volonté de progresser tout en gardant le souci de l'équilibre par des mécanismes qui le permettent, année après année.
Face à la situation donnée, il nous faut rester modestes tout en faisant preuve d'une totale détermination. En tout cas, nous devons choisir une méthode qui nous permette de travailler avec l'ensemble des acteurs de la santé, c'est-à-dire, au-delà des acteurs de la politique hospitalière ou de la politique médicale proprement dits, avec les Français eux-mêmes. Tel est l'objectif des états généraux de la santé, dont M. Kouchner sera amené à parler dans quelque temps.
Si ce dialogue est nécessaire, le temps est néanmoins compté : le dialogue et la concertation ne doivent pas empêcher la mise en place de réformes structurelles d'envergure, si nous souhaitons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Une concertation préalable à des réformes de fond, à la mise en place des outils structurels, telle est la méthode que le Gouvernement a choisi de suivre.
A ce propos, j'évoquerai la branche famille, dans laquelle cette méthode a été employée cette année de manière significative.
Ne l'oublions pas : la branche famille accusait l'année dernière un déficit de 12 milliards de francs et, si nous avions dû appliquer en les termes la loi de 1994, elle aurait supporté un déficit supplémentaire de 10 milliards de francs. Aujourd'hui, elle vous est présentée avec 3 milliards de francs d'excédents.
Ce résultat, nous le devons à la négociation et à la concertation menées pendant un an et qui ont abouti à la conférence de la famille présidée par M. le Premier ministre. Cette manière de procéder nous a permis de respecter un engagement pris devant vous : le retour à l'universalité des allocations familiales, tout en gardant l'objectif que s'était fixé le Gouvernement d'impulser plus de justice et de solidarité dans la branche famille. Ainsi, le retour des allocations familiales sans condition de ressources est accompagné de la réforme du quotient familial dont vous débattrez lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Je le répète, ce dossier est particulièrement exemplaire de la méthode : pour préparer cette conférence de la famille, nous avons travaillé pendant un an en concertation avec les associations familiales et les organisations syndicales, avec l'aide d'une députée, Mme Gillot. Nous avons ainsi pu définir une politique familiale que je crois ambitieuse et rénovée et qui s'articule autour de trois objectifs : assurer plus de justice, faciliter la vie quotidienne des familles et conforter les parents dans leur rôle éducatif.
Je ne reviens pas sur le débat, parfois difficile, que nous avons eu sur le rôle de la famille. Je crois que nous sommes tous d'accord pour reconnaître le caractère majeur de ce rôle dans l'éducation des enfants, dans l'exercice de la vie collective, l'appréhension des valeurs, la découverte de la solidarité. Nous savons tous que la famille doit jouer un rôle essentiel et que les parents qui ne peuvent pas l'assumer doivent être aidés pour remplir l'ensemble de leurs responsabilités.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Plusieurs mesures importantes ont été annoncées au sein de la conférence de la famille, et vous les retrouverez dans ce projet de loi de financement. Il s'agit : de l'extension de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d'un enfant, y compris à celles qui ne touchent pas de prestations familiales - 350 000 familles vont être concernées ; de la non-prise en compte des majorations pour âge dans le calcul du RMI ; de la revalorisation des aides au logement ; de l'augmentation des moyens accordés à l'action sociale des caisses d'allocations familiales, et ce dans le double objectif d'aider les communes les plus pauvres à mettre en place des modes de garde collectifs et des lieux d'écoute et d'accueil des parents éprouvant des difficultés dans leur rôle éducatif.
A ces mesures, il faut ajouter la mise en place de la délégation interministérielle à la famille, qui travaille actuellement sur la prochaine conférence de la famille autour de trois objectifs : une meilleure adéquation entre la vie professionnelle et la vie familiale ; la place des grands enfants au coeur de la famille ; les différents modes de garde.
Ainsi, en un an, nous avons pu non seulement rétablir l'équilibre, mais encore avancer fortement dans l'élaboration d'une politique favorable aux familles.
En ce qui concerne la branche maladie, nous nous sommes engagés dans la même démarche en reprenant le dialogue avec les organisations syndicales de médecins, même si ce n'est pas toujours facile, avec le monde hospitalier et avec les usagers du service de la santé.
Je le répète, nous avons pris ce dossier sans a priori . Je crois que, finalement, l'important est d'arriver à mettre en place les outils structurels qui permettront au système d'évoluer de façon à mieux servir la santé de nos concitoyens tout en obtenant une meilleure allocation des ressources, ce qui lui permettra d'atteindre un équilibre qu'il n'a pas pu trouver depuis de nombreuses années.
Nous avons ainsi travaillé sur plusieurs outils essentiels en vue de faire évoluer ce système de santé.
Il s'agit tout d'abord d'obtenir une meilleure information des médecins et de leur assurer la meilleure formation possible.
S'agissant de leur information, nous avons, en particulier, pris le dossier de l'informatisation à bras le corps. Aujourd'hui, 50 % des médecins sont informatisés. Ils ont compris que, dans l'esprit du Gouvernement, l'informatisation n'était en rien un instrument de coercition, visant à les contrôler individuellement, mais qu'elle était un outil d'information, un moyen d'aide au diagnostic et à la prescription, qu'elle leur permettait de participer à la veille épidémiologique et de suivre les dossiers des malades grâce au réseau de santé.
Le réseau « santé sociale » est maintenant en place et les premiers logiciels seront installés d'ici à la fin de l'année.
Je suis convaincue que l'ensemble des médecins percevront tous les avantages de cette informatisation et que, dans quelques mois, la proportion des médecins informatisés sera beaucoup plus importante.
Pour ce qui est de la formation, je dirai simplement - Bernard Kouchner y reviendra - que, lorsque nous avons pris nos fonctions, la réforme de la formation médicale continue était bloquée du fait d'une opposition entre les syndicats de médecins et que nous menons actuellement des discussions sur ce sujet.
Pour avancer en matière de santé, il faut aussi que nous puissions disposer de statistiques fiables et établies dans des conditions de parfaite transparence.
Nous avons donc demandé à l'inspection générale des affaires sociale d'examiner l'ensemble des statistiques relatives aux dépenses de santé. J'espère que nous parviendrons, dans les semaines à venir, à obtenir des statistiques région par région, type de médecins, par type de médecins ventilant honoraires et prescriptions. Ainsi, chaque union régionale de médecins sera en mesure de suivre précisément les évolutions des dépenses de santé concernant sa région et d'intervenir lorsque des dérapages se produisent. En effet, des médecins peuvent avoir une pratique qui n'est pas conforme à la bonne pratique ; des médecins peuvent également avoir besoin d'être conseillés par d'autres.
Je me réjouis que l'ensemble des syndicats de médecins nous aient demandé un renforcement du rôle des unions régionales de médecins pour pouvoir pratiquer une auto-évaluation. Bien entendu, cela n'enlève rien au nécessaire contrôle de la CNAM sur les pratiques inacceptables : je pense à des médecins qui effectuent quarante visites par jour ou qui font systématiquement revenir leurs malades la semaine suivante.
C'est bien grâce à cette responsabilisation individuelle, - information, formation - mais aussi par une plus grande responsabilisation collective des médecins que nous parviendrons à faire avancer le système.
En même temps, nous devons nous efforcer de faire adopter à notre système de santé des modes de fonctionnement prenant mieux en compte le malade, prenant aussi mieux en compte certaines pathologies, et ce à un coût moindre. C'est l'objet de la mise en réseau autour du médecin référent, des filières entre les médecins généralistes et les médecins spécialistes, mais aussi des coopérations qui commencent à se nouer entre la médecine de ville et l'hôpital.
Le présent projet de loi de financement confère précisément une reconnaissance à ces modes d'organisation en réseau ou en filières autour du patient ou d'une pathologie. Cela permettra d'ailleurs aussi d'instituer des modes de rémunération différents lorsque les partenaires conventionnels le souhaiteront.
En effet, c'est bien par le biais d'une politique conventionnelle, qui est pour nous un outil majeur, que le système de santé doit évoluer. Je souligne que ce texte donne, au demeurant, à la politique conventionnelle des pouvoirs complémentaires par rapport à ce que prévoyait notre législation jusqu'à présent.
De même, il nous semble que la démographie médicale doit faire l'objet d'une maîtrise concertée.
Le système d'incitation à la cessation d'activité, le MICA, avait été mis en place, mais il était très coûteux, ce qui nous a conduits à en modifier les règles. Il devrait être possible d'aller plus loin, en le réservant aux régions et aux spécialités qui sont excédentaires. Mais c'est aux partenaires conventionnels d'en décider ; nous proposons de leur donner cette possibilité dans la loi.
Pour accompagner toutes ces innovations, nous avons prévu la création d'un fonds d'aide à la qualité des soins en ville, qui sera doté de 500 millions de francs en 1999. Ainsi seront assurés, dans le cadre de la politique conventionnelle, le suivi des innovations ainsi que celui des expérimentations, qui sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses.
J'en viens à l'hôpital.
Nous avons la conviction - et je pense que vous la partagez - de disposer d'un des meilleurs systèmes hospitaliers du monde, qu'il s'agisse des personnels ou des équipements. Pour autant, des évolutions importantes doivent encore être accomplies.
Notre système hospitalier doit en effet, tout comme la médecine de ville, s'adapter en permanence aux besoins de santé, prendre en compte les nouvelles pathologies mais aussi tirer les conséquences des nouvelles techniques médicales. Une opération de la cataracte ne nécessite plus aujourd'hui qu'une journée d'hospitalisation, alors qu'elle en exigeait cinq voilà seulement un an ; nous devons en tirer les conséquences. Et ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.
Depuis un an, nous nous efforçons de promouvoir une politique hospitalière fondée sur notre connaissance des besoins de la population, région par région : les conférences régionales de santé, ainsi que le recours à des indicateurs plus précis, nous permettent justement de mieux les connaître.
Nous raisonnons par bassin de vie, c'est-à-dire par bassin de circulation de la population. Nous essayons de faire en sorte que l'offre hospitalière soit de la meilleure qualité possible, tout en évitant les gâchis et les doublons.
Nous considérons que, dans chaque région, dans chaque bassin de vie, on doit trouver des services de haute technologie, permettant d'affronter les pathologies les plus graves. Il faut faire le tri entre les maladies susceptibles d'être traitées dans des structures de proximité, c'est-à-dire pour l'essentiel les maladies chroniques, et les affections qui, pour des raisons de sécurité et de qualité, méritent d'être prises en charge par des hôpitaux centraux, lesquels doivent voir leurs capacités d'innovation confortées.
C'est ainsi que nous travaillons à la révision des schémas régionaux d'organisation de la santé. Celle-ci fait l'objet d'une grande concertation avec le milieu hospitalier, mais aussi avec les élus. C'est ce qui se passe dans toutes les régions françaises, à une ou deux exceptions près, qui ne sont d'ailleurs pas acceptables. C'est ainsi que nous pourrons faire évoluer l'hôpital.
Cette année, 2 900 lits ont été fermés. Pour la première fois, il s'agit de vrais lits et non pas de lits autorisés non réalisés. Actuellement, 330 établissements sont en cours de réorganisation. Je me réjouis que le secteur public et le secteur privé accroissent leur coopération, montrant qu'ils sont capables de réfléchir ensemble à partir des besoins de santé de la population.
Il nous faut aussi travailler à l'amélioration des statuts des personnels lorsque cela est nécessaire. La concertation avec certains personnels hospitaliers est en voie d'achèvement et nous a d'ores et déjà permis d'annoncer une amélioration très appréciable de la situation statutaire des aides soignantes et de la rémunération des gardes. Nous n'ignorons pas pour autant qu'il reste des problèmes majeurs à traiter, tel celui des urgentistes.
Toujours en ce qui concerne l'hôpital, un des objectifs principaux que nous nous fixons pour cette année est l'accroissement de la péréquation entre les régions. Nous avons, en particulier, décidé de faire en sorte que les trois régions les moins bien dotées et les départements d'Ile-de-France ou les hôpitaux d'Ile-de-France les moins bien dotés puissent rattraper, en cinq ans, leur retard par rapport à la moyenne. Cela se traduit dans la clef de répartition de l'ONDAM, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.
J'en arrive au médicament.
Nous connaissons tous les données : nous consommons trop de médicaments. Or, nous le savons bien, ce n'est pas la longueur de l'ordonnance qui fait la qualité des soins. Au contraire, la surconsommation d'antibiotiques dans notre pays, par exemple, entraîne une incapacité à combattre certains germes.
Je crois que les Français sont de plus en plus convaincus de cette réalité, et j'espère que les états généraux, qui devront notamment diffuser cette information, achèveront de les convaincre.
Quelle politique de fond souhaitons-nous mener concernant le médicament ?
Tout d'abord, nous essayons de travailler par classes thérapeutiques pour fixer à la fois le prix des médicaments et leur taux de remboursement à l'aune de leur effet médical.
On ne peut pas parler de politique du médicament à propos de ce que l'on s'est contenté de faire pendant de nombreuses années dans notre pays : des négociations bilatérales avec chaque laboratoire ne permettant que d'augmenter un prix par ci, de retirer un produit du marché par là. Ce n'est pas ainsi que nous aurons une politique du médicament digne de ce nom !
Nous devons partir de l'effet médical et intégrer la politique du médicament dans la politique de la santé et la politique économique. Nous devons retrouver une cohérence à l'intérieur des classes thérapeutiques.
C'est ce qui nous a amenés, Bernard Kouchner et moi-même, à annoncer au mois de juillet que nous serions appelés à demander des ristournes à l'industrie pharmaceutique. Notre démarche s'appuie donc sur la réflexion quant à l'effet médical du médicament, quant aux différences de prix et de taux de remboursement à travers les mêmes classes, et aussi sur le fait qu'un certain nombre d'accords ou conventions, relatifs aux volumes et aux prix, n'avaient pas été respectés par les laboratoires.
Je pense que cette politique a été comprise puisque nous avons pu signer un accord avec tous les laboratoires, à l'exception d'un seul. Ainsi, 99,8 % de la somme que nous espérions récupérer au bénéfice de la sécurité sociale seront effectivement récupérés. Mais il faut surtout voir là l'amorce d'une nouvelle politique de fond en direction de l'industrie pharmaceutique.
Je tiens à préciser que certains laboratoires ont signé alors même que, avec la clause de remboursement qui aurait été maintenue si nous n'étions pas parvenus à un accord, ils auraient payé beaucoup moins. Cela signifie bien que les laboratoires ont compris notre volonté de mettre en place - de façon, bien sûr, conventionnelle - une véritable politique du médicament dans notre pays.
Nous souhaitons également développer de façon significative le médicament générique. Nous avons publié au mois de juillet un document majeur qui permet au médicament générique de couvrir aujourd'hui la moitié des classes thérapeutiques et, dans ce projet de loi, nous proposons la substitution à l'intérieur d'un groupe générique, substitution que pourra réaliser le pharmacien.
Vous le voyez, dans tous ces domaines, médecine de ville, hôpital, médicament, il s'agit pour nous de mettre en place des politiques structurelles qui permettront à la fois de mieux soigner mais aussi de moins dépenser, puisque tel est bien notre double objectif.
Bien sûr, ces politiques ne porteront vraiment leurs fruits qu'au bout d'un certain temps. Mais, d'ici là, nous n'avons pas le droit de laisser dériver la sécurité sociale, car elle est une garantie pour tous. Nous sommes trop attachés à l'assurance maladie pour admettre de la voir en péril du fait de son déficit.
Aussi proposons-nous dans ce projet de loi un nouveau système de régulation économique, qui nous paraît à la fois plus juste et plus simple que le système précédent, et qui a aussi l'avantage de ne pas traiter que des médecins, puisqu'il s'applique également à l'industrie pharmaceutique.
Dans l'état actuel du texte, sont prévus des rendez-vous, après quatre mois, puis après huit mois, qui doivent nous permettre de trouver des solutions avec les professionnels de santé, la CNAM et les syndicats de médecins, pour ce qui concerne la médecine de ville, avec le comité économique de médicament, pour ce qui concerne l'industrie pharmaceutique. On pourra ainsi mettre un terme aux dérives qui seront alors éventuellement constatées.
L'ensemble des acteurs du système de santé seront donc amenés à assumer toutes leurs responsabilités vis-à-vis de l'assurance maladie.
La clause de régulation ne doit être qu'un serre-file, pour le cas où les politiques structurelles ne porteraient pas leurs fruits, ou encore pour le cas où les rendez-vous interannuels ne donnent pas les résultats escomptés.
Cela dit, nous espérons que ce dispositif sera seulement transitoire, comptant sur les politiques structurelles pour nous permettre, à terme, d'atteindre l'équilibre.
Pour ce qui est de l'évolution des dépenses maladie en 1999, nous essayons de la modérer tout en tenant compte des besoins. Nous devons rester prudents. Nous avons vu, au début de l'année 1998, comment la poursuite de l'accélération amorcée à la fin de 1996, mais aussi des événements comme l'épidémie de grippe, le développement des trithérapies en ville, ainsi que la reprise de la croissance avaient entraîné un développement des dépenses de santé.
Cependant, même s'il y a des besoins nouveaux à prendre en compte, nous ne devons pas laisser ces dépenses déraper.
Le taux d'évolution des dépenses maladie qui vous est proposé, à savoir 2,6 %, est supérieur à celui de l'année dernière, qui était de 2,27 %, mais inférieur à la prévision de croissance de l'économie, qui devrait atteindre 3,8 % en 1999.
D'ailleurs, si nous avions dû prendre le taux d'évolution de la croissance en valeur, ce sont 7 milliards de francs supplémentaires qui auraient été nécessaires pour l'assurance maladie.
Ce taux d'évolution des dépenses de santé prend donc en compte l'évolution des besoins, mais respecte l'impératif de rigueur auquel nous sommes tenus, en attendant que la politique structurelle qui est actuellement en discussion ou déjà mise en place avec les partenaires conventionnels produise tous ses effets.
J'en arrive maintenant à la branche vieillesse.
La méthode que j'ai évoquée et qui consiste à instaurer une concertation avant de prendre une décision reste valable s'agissant de la politique des retraites. Ainsi, comme vous le savez, le Premier ministre a confié une mission de concertation au Commissariat général du Plan, lequel a déjà dressé un bilan, ce qui était nécessaire pour que soit prise en compte la réalité du régime général et des régimes spéciaux, à savoir le montant des retraites, celui des contributions que chacun avait pu apporter, mais aussi le niveau des salaires. Nous pourrons ainsi établir une comparaison très claire des avantages et des inconvénients de ces différents systèmes de retraite et faire, à partir des évolutions démographiques attendues, les prévisions les plus justes possibles.
Le diagnostic fait actuellement l'objet d'une concertation approfondie avec les partenaires concernés. J'espère que nous aboutirons au plus large consensus possible et que nous pourrons, à partir du mois de février et sur la base des scénarios proposés par le Commissariat général du Plan, lancer un véritable débat public.
A propos, je souhaite répéter ici ce que j'ai déjà dit à l'Assemblée nationale : j'espère que, sur ce sujet majeur qu'est le problème des retraites, dont l'acuité sera très grande à partir de 2005, nous serons capables de travailler tous ensemble, quelles que soient les sensibilités politiques, sous une forme que le Premier ministre choisira mais en tout cas de la manière la plus ouverte possible, pour trouver les solutions que les Français attendent. Une chose est sûre : le Gouvernement souhaite d'abord consolider le système de retraite par répartition.
A cet effet, et ceci a valeur de symbole, nous avons décidé de créer, dès cette année, un fonds de réserve pour les retraites, auquel nous avons affecté les deux milliards de francs qui, sans cela, auraient pu apparaître comme un excédent de la sécurité sociale. En outre, nous avons d'ores et déjà annoncé que d'autres fonds alimenteraient cette réserve, car il est bien évident qu'un montant de deux milliards de francs n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Cependant, encore fallait-il mettre en place ce fonds dès maintenant.
De la même manière, nous avons souhaité maintenir cette année le pouvoir d'achat des retraités, puisque le montant des retraites progressera de 0,7 % environ. En outre, un coup de pouce complémentaire est prévu pour le minimum vieillesse et les pensions de réversion, qui augmenteront de 2 %.
Par ailleurs, le Gouvernement a émis le souhait d'engager une réflexion sur la création de fonds de retraite à long terme qui soient négociés et collectifs. Ils devront être ouverts à tous et non pas seulement à ceux qui en ont aujourd'hui les moyens, afin que chacun puisse préparer l'avenir de sa retraite.
Nous avons également clarifié les dispositifs d'aide à domicile, lesquels jouent, nous le savons, un rôle très important vis-à-vis des personnes âgées et des handicapés. A cet égard, j'ai été amenée un peu tardivement - j'ai prié l'Assemblée nationale de m'en excuser - à proposer, à partir d'un rapport dont j'avais annoncé la publication ici même l'année dernière, une exonération totale des charges patronales de sécurité sociale pour les associations prestataires. Cette disposition est gagée, dans une large mesure, par un plafonnement à quinze heures par semaine des services d'aide à domicile ouvrant droit à des exonérations de charges sociales en faveur des employeurs âgés de plus de soixante-dix ans. Il faut savoir que seuls 10 % de ces derniers dépassent ce plafond, mais qu'ils représentent néanmoins 50 % des heures exonérées. Il s'agit là, bien évidemment, d'employeurs qui disposent de moyens suffisants. En instaurant cette mesure, nous souhaitons également inciter davantage de personnes âgées à recourir à des associations d'aide à domicile, lesquelles devront nécessairement se montrer professionnelles. A cet égard, nous avons engagé une réflexion sur ces métiers de la dépendance, qui devront être exercés aussi bien à domicile qu'en établissement.
Voilà ce que je souhaitais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de notre politique de la vieillesse et des retraites.
Avant de conclure, j'ajouterai que nous avons souhaité améliorer la sécurité au travail et la prise en charge des maladies professionnelles. Comme je m'y étais engagée l'année dernière, nous avons réduit le montant des cotisations « accident maladie » pour prendre en compte l'évolution positive constatée ces trois dernières années. Mais je dois dire que, avec le retour de la croissance, nous enregistrons malheureusement à nouveau cette année une augmentation du nombre des accidents du travail.
Nous avons surtout souhaité améliorer de façon très importante la prise en compte des maladies professionnelles, en garantissant mieux les droits des victimes, en acceptant d'ouvrir de façon moins restrictive un certain nombre de dossiers, en calculant le délai de prescription de manière plus favorable à la victime et en reconsidérant l'ensemble des dossiers des victimes de l'amiante.
Par ailleurs, nous allons améliorer la réparation des maladies professionnelles, tout en complétant les tableaux définissant celles-ci.
J'en terminerai en évoquant la réforme des cotisations patronales. L'année dernière, comme vous vous en souvenez sans doute, nous avions commencé à modifier l'assiette des ressources de la sécurité sociale en transférant les cotisations salariales vers la CSG, ce qui a permis d'apporter 21 milliards de francs complémentaires à l'assurance maladie. J'avais alors indiqué que j'espérais pouvoir mettre en oeuvre cette année, dans ce même projet de loi de financement, une première étape de la réforme des cotisations patronales. Cela n'a malheureusement pas été possible, pour la simple raison suivante : la quasi-totalité des organisations syndicales et les organisations patronales approuvent, si je les en crois, l'objectif de définir, comme nous nous y sommes engagés, un mode de financement plus juste, plus pérenne et plus favorable à l'emploi s'agissant des cotisations patronales de sécurité sociale, mais nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord, dans le délai qui nous était imparti, sur les modalités. Je compte, immédiatement après le vote de la loi, reprendre cette concertation, et le Gouvernement a d'ailleurs accepté un amendement de l'Assemblée nationale prévoyant qu'un projet de loi sera présenté au Parlement au cours du premier semestre de 1999. Cette réforme, qui répond à un souci de justice sociale, est nécessaire si nous voulons continuer à améliorer la situation de l'emploi. En tout état de cause, je pense que nous arriverons à tenir ce délai.
En conclusion, le projet de loi vise à assurer l'équilibre des comptes de la sécurité sociale l'année prochaine. Les mesures de redressement prises en 1997 permettent d'expliquer les trois quarts de la réduction du déficit, qui est passé de 33 milliards de francs à 13 milliards de francs, cette réduction étant due à la croissance à hauteur de 6 milliards de francs. J'espère que nous continuerons, grâce aux politiques structurelles que nous mettons en place, à obtenir des résultats positifs pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous poursuivrons dans cette voie avec la même détermination et le même volontarisme. Je crois que les Français sont très attachés à la sécurité sociale, qui non seulement les protège des risques de la vie, mais constitue en outre une facette essentielle de notre modèle social. S'il m'arrive parfois de l'entendre encore brocarder, je pense que peu nombreux sont ceux qui persistent à le faire aujourd'hui dans notre pays, et cela me réjouit.
Quand on parle d'Europe sociale - avec plus de force aujourd'hui qu'hier - c'est aussi de notre système de protection sociale, garant de la cohésion sociale, qu'il s'agit. J'ai voulu aujourd'hui indiquer au Sénat comment nous espérons faire cette année un pas de plus en direction de sa pérennisation.
J'espère que, au-delà de nos différences et des divergences politiques qui peuvent nous séparer, nous parviendrons au moins à nous rassembler autour de cet objectif. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que Mme Martine Aubry et moi-même vous proposons cette année, au travers de ce projet de loi, c'est rien de moins que d'engager un changement de culture au sein de notre système de soins et de créer les conditions de son entrée dans le xxie siècle, en proposant enfin des objectifs de santé publique, en orientant, en fonction de priorités clairement identifiées, l'utilisation des moyens que la collectivité consacre à la santé, en privilégiant la qualité des soins, en prévenant les risques et les maladies, et enfin en associant les usagers aux évolutions du système de soins.
Nous vous proposons de rompre avec une conception exclusivement curative et d'ouvrir la voie à la prévention. Nous voulons que la France se dote d'un véritable système de soins, moderne, ouvert et associant dans une complémentarité nécessaire pratiques préventives et pratiques curatives. Nous voulons ainsi mieux répondre aux besoins de santé des Français, notamment en ce qui concerne les pathologies liées aux comportements, aux conduites à risques et à l'environnement.
Le rapport du Haut Comité de santé publique, que vous avons rendu public voilà quelques semaines, confirme cette nécessité, comme d'ailleurs les débats que nous avons menés avec vous au sein de la commission des affaires sociales. Ce rapport, à partir d'une analyse des principaux indicateurs de santé sur les quatre dernières années, met en évidence des évolutions contrastées. Permettez-moi de revenir quelques instants sur ces constats.
Tout d'abord, de mauvais résultats témoignent de l'insuffisance de la prévention : je veux parler ici de l'évolution du nombre des cancers du poumon - un décès sur neuf est dû au tabac, soit 60 000 décès directement liés au tabagisme dans notre pays - et des médiocres résultats obtenus en matière de dépistage des cancers féminins.
A propos du tabac, il ne faut pas craindre de faire la lumière sur ses méfaits, car la France est l'un des derniers pays au monde à se masquer certaines évidences. Il faut dire la vérité malgré les groupes de pression, malgré les idées reçues, les refus et les cécités volontaires. Il faut lancer des campagnes d'information à destination des médecins, qui comptent 34 % de fumeurs dans leurs rangs, ne plus accepter la cigarette dans les lieux publics...
M. Emmanuel Hamel. Spécialement dans les hôpitaux, où l'on fume comme ailleurs !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Hamel !
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne vous laissez pas distraire.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. M. Hamel a fait une remarque judicieuse, mais puisque vous m'invitez à ne pas me laisser distraire, monsieur le président, je ne la relèverai pas.
De bons résultats ont aussi été obtenus, bien entendu. Je rappellerai ainsi que notre pays vient au deuxième rang mondial, après le Japon, en termes de durée de la vie. Les choses ne vont donc pas si mal. Un autre bon résultat tient à la baisse substantielle de la mortalité infantile, enregistrée grâce à la prévention de la mort subite du nourrisson. Cette politique a été mise en oeuvre voilà six ans et mes successeurs l'ont poursuivie, ce dont je me félicite. D'autres indicateurs s'améliorent également : j'évoquerai la diminution du nombre des décès dus aux accidents de la vie courante et, dans une moindre mesure, l'atténuation de la fréquence et de la gravité des accidents du travail ou la baisse sensible de la morbidité cardio-vasculaire.
Il demeure cependant impératif, je le répète, de rééquilibrer notre système de santé en mettant davantage l'accent sur la prévention.
En outre, notre système a favorisé les comportements inflationnistes et n'a pas suffisamment organisé le travail en commun des différents professionnels sanitaires et sociaux. Bien au contraire, il les a souvent dressés les uns contre les autres.
Ce sont ces travers que nous vous proposons de corriger cette année, ou tout au moins de commencer à corriger. A cette fin, quatre innovations sont prévues par ce texte.
La première innovation consiste à faire prendre en charge les actes de dépistage par l'assurance maladie, au même titre que les actes de soins. L'article 15 du projet de loi qui vous est soumis définit ainsi un nouveau cadre juridique et financier pour le développement des programmes de dépistage.
On connaît, par exemple, les bénéfices attendus des programmes organisés de dépistage des cancers. Il faut, pour les obtenir, que l'ensemble de la population puisse avoir accès à ceux-ci. Or seuls certains départements ont mis en place de tels programmes qui, pour être efficaces, supposent une démarche de qualité. Il faut mettre fin à ce double système qui laisse coexister un dépistage organisé répondant à des procédures d'assurance qualité mais ne touchant qu'une fraction de la population et un dépistage spontané s'inscrivant hors des programmes d'assurance qualité et ne faisant l'objet d'aucun suivi.
Mmes Marie-Claude Beaudeau et Hélène Luc. C'est une vraie question !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le dispositif que nous vous proposons repose sur quelques principes simples : tous les professionnels pourront participer à ces programmes dès lors qu'ils s'engagent à respecter les critères de qualité ; les examens et les tests de dépistage seront pris en charge à 100 %, afin de lever les obstacles financiers qui privent les personnes les plus vulnérables d'un suivi de qualité ; ces programmes seront financés dans les mêmes conditions que les autres prestations légales de l'assurance maladie, c'est-à-dire qu'ils seront suivis, évalués et généralisés à l'ensemble du territoire.
La deuxième innovation, c'est qu'il sera désormais possible, dans le cadre conventionnel, d'envisager d'autres modes de rémunération que le paiement à l'acte, qu'il s'agisse d'activités curatives ou d'actions de santé publique et de prévention, et sans que ces activités relèvent nécessairement, comme par un reste de frilosité, d'une simple expérience.
Maintenir en ville le paiement à l'acte comme seul mode de rémunération n'autorise pas une prise en charge qui tienne compte de la spécificité de certaines pathologies ou de la situation dans laquelle se trouvent certaines personnes.
C'est pourquoi il est nécessaire de diversifier les modes de rémunération. Il faut valoriser ces activités non curatives, alors que les modes de rémunération actuels ont conduit à privilégier les actes techniques. Nous voulons faire des médecins de véritables acteurs de santé publique. Ils sont prêts à le faire, mais ils n'y ont jamais été suffisamment encouragés, ni par leur formation - et Mme Aubry a dit tout à l'heure combien il est difficile de faire aboutir ce chantier, mais nous nous y employons - ni par leur mode de rémunération, ni par l'organisation d'un système de santé trop cloisonné.
Je prendrai un exemple : si l'on veut développer la prise en charge ambulatoire de la douleur chronique rebelle ou des soins palliatifs - pour ma part, je préfère parler de « soins d'accompagnement » - il faut développer des réseaux et proposer un forfait. En effet, s'agissant de la douleur chronique rebelle, la première consultation, sans doute, mais les suivantes aussi nécessitent une attention et un temps passé auprès du malade d'environ une heure.
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Comment se contenter d'un paiement à l'acte ?
Troisième innovation : il sera possible, pour les partenaires conventionnels, de mettre en place d'autres modes d'exercice libéral que l'exercice solitaire que nous connaissons depuis toujours. Notre culture médicale est très profondément imprégnée d'une révérence sans partage au fameux colloque singulier. Il faut que nous évoluions sur ce point, bien entendu sans remettre en question le meilleur de cette tradition. C'est assurément une condition importante d'une meilleure prise en charge, qui - faut-il le rappeler ? - est la base même de la pratique quotidienne à l'hôpital, où échange des informations, convergence des compétences et remise en question collective permanente construisent l'excellence, sans paiement à l'acte, je le signale.
Coordination des soins par le médecin généraliste, comme l'avait prévu la précédente convention, mais aussi développement des réseaux de soins vont pouvoir se renforcer.
Vous nous avez souvent entendu parler de réseaux, mesdames, messieurs les sénateurs. Il s'agit non pas d'une incantation, mais d'une réalité à laquelle nous souhaitons, par ce projet de loi, donner une base légale et que nous soutiendrons par des aides financières. C'est le malade, et non le médecin, qui sera au coeur des réseaux qui pourront associer l'ensemble des professionnels de santé, et avant tout les médecins, quel que soit leur mode d'exercice. Le malade pourra s'y mouvoir, mais les médecins seront priés de s'y déplacer. C'est ainsi que nous organisons la prise en charge des cancers au sein de réseaux avec un dossier médical unique pour le patient, avec des protocoles de soins visant à la prise en charge du malade dès le diagnostic pour garantir l'égalité des chances face à la maladie. Les structures accessibles à l'hôpital seront harmonisées en trois niveaux.
Quatrième innovation : il est créé un fonds pour la qualité des soins de ville.
Je n'insisterai pas sur l'intérêt d'un tel dispositif. Nous le créons, comme nous l'avons fait pour les hôpitaux l'an dernier, dans le scepticisme général, mais les projets qui nous ont été ensuite proposés ont rempli très vite notre escarcelle. Chaque jour, nous recevons des lettres de remerciements pour cette prise en charge.
Le fonds pour la qualité des soins en ville permettra de financer l'élaboration de références de bonne pratique par les professionnels, l'élaboration de normes, de protocoles, mais aussi et surtout les réseaux de soins qui ne relèveront pas du cadre conventionnel et les applications relatives à la qualité des soins sur le réseau santé social. Comment, en effet, créer un de ces réseaux sans un peu d'aide ? Il n'est pas question d'imposer quoi que ce soit. Un réseau ne se crée ni arbitrairement ni autoritairement. Il faut toutefois au moins un secrétariat et un certain nombre d'aides pour que ce réseau fonctionne.
J'en suis convaincu, voilà quatre grandes innovations qui marqueront durablement notre système de santé.
Ces quatre innovations sont au service d'une politique de santé centrée sur quelques objectifs qui constituent les priorités que nous nous sommes assignées, Mme Martine Aubry et moi-même.
Le premier, c'est la sécurité sanitaire et la qualité des soins.
Nos concitoyens ne veulent pas dépendre du hasard dans le choix d'un médecin, d'une équipe, d'un établissement auxquels ils ne font plus une confiance aveugle.
Dans le même temps, cette légitime revendication s'accompagne d'une meilleure acceptation du principe de transparence par les professionnels eux-mêmes.
Là aussi, les mentalités et les perceptions évoluent.
Depuis un an, nous avons répondu à cette préoccupation de sécurité et de qualité des soins.
Il s'agit d'abord, grâce à vous, de la loi du 1er juillet 1998, qui renforce l'organisation de la sécurité sanitaire.
Il s'agit ensuite des normes de sécurité que nous élaborons en étroite concertation avec les professionnels. Nous l'avons fait récemment pour la périnatalité non pour détruire les petites structures, mais pour les harmoniser, leur donner une perspective, un avenir. Voilà quelques jours, j'ai répondu sur ce point à l'un d'entre vous. Nous mettrons en oeuvre les normes qui s'appliquent aux urgences. Nous travaillons à celles qui concernent les activités de réanimation.
Lorsque 15 % à 20 % seulement des grossesses à risques sont prises en charge dans des structures adaptées, cela fait courir des risques à la mère comme à l'enfant. Lorsque dans un hôpital il existe dix-huit sites opératoires sur des lieux différents, il est plus difficile de respecter les normes, notamment en matière d'effectifs, pour que la sécurité soit assurée. C'est pourquoi on ne peut séparer l'exigence de sécurité de la politique de recomposition hospitalière que nous menons. L'une implique nécessairement l'autre. Cela veut dire non pas qu'il faut fermer les hôpitaux - c'est très rarement le cas - mais qu'il faut, au contraire, répartir autrement les activités et renforcer les complémentarités. Tel est le sens de la démarche suivie dans chaque région, qui se traduira dans les nouveaux schémas régionaux de l'organisation sanitaire. Ce sont non pas des couperets qui tombent brutalement, mais des adaptations réfléchies que nous mettons en oeuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas à rougir de nos hôpitaux, au contraire. Le niveau moyen reste admirable. Je m'en rends compte, comme vous-mêmes, chaque semaine, lors de mes déplacements et la comparaison avec bien des hôpitaux de pays voisins le confirme.
Cette exigence de qualité et de sécurité, on la perçoit de plus en plus clairement à l'hôpital. Elle va se poser dans les mêmes termes en médecine de ville, sous la pression de l'opinion publique, sous la pression du juge, si nous ne prenons pas les devants. C'est pourquoi la qualité des soins ambulatoires est un axe majeur de notre politique. Le fonds que nous créons y contribuera.
Le deuxième grand axe de notre action, ce sont les priorités de santé publique.
Le dépistage et l'accès à la prise en charge de l'hépatite C constituent notre première priorité de santé publique pour 1999.
On estime à 600 000 le nombre de nos concitoyens qui sont contaminés par l'hépatite C. Or, seulement environ un tiers de ces personnes sont d'ores et déjà dépistées, alors que les progrès thérapeutiques permettent de limiter l'évolution de cette hépatite vers des formes graves et que les bithérapies donnent, vous avez pu le lire très récemment dans la presse, des résultats encourageants.
A partir des recommandations des experts, nous mettons en oeuvre un programme sur quatre ans pour être en mesure de dépister l'ensemble des malades et de favoriser leur accès aux traitements.
Dans le même temps, nous développerons les actions de prévention, en particulier la sensibilisation des sujets à risque, comme les usagers des drogues, et le renforcement de l'hygiène hospitalière.
Notre deuxième priorité de santé publique, conforme, là aussi, aux enjeux identifiés par le Haut Comité de santé publique et la Conférence nationale de santé, c'est le dépistage des cancers, dans le nouveau cadre que j'ai évoqué voilà un instant.
En 1999, ces programmes de dépistage seront mis en place pour les cancers féminins avec l'objectif d'éviter, chaque année, 1 000 décès provoqués par le cancer de l'utérus et 600 décès provoqués par le cancer du sein. Puis, nous nous attaquerons - avant la fin de l'année prochaine, je l'espère - au dépistage du cancer colorectal.
Notre troisième priorité de santé publique, c'est la santé des jeunes. Il s'agit, pour nous, d'une préoccupation majeure.
Progression de la précarité, difficultés d'insertion dans une société toujours plus compétitive, disparition des grandes aventures collectives sont autant de facteurs qui développent chez beaucoup de jeunes une véritable souffrance, qui s'exprime à travers le suicide, la violence ou l'usage de substances toxiques, licites ou illicites.
Il nous faut travailler sur les souffrances psychiques des jeunes qui sont à l'origine de ces conduites à risque, avec les jeunes naturellement. Un groupe de travail est actuellement à l'oeuvre au ministère et rendra très prochainement, je l'espère, ses conclusions.
Je souhaite que le secteur psychiatrique participe à la prise en charge de cette souffrance, en allant soutenir, informer et former les intervenants sociaux qui travaillent auprès des adolescents.
Il nous faudra également restaurer ou créer une capacité d'hospitalisation suffisante en pédopsychiatrie et créer des consultations adaptées à destination des adolescents.
En matière de suicide des jeunes, l'objectif, dans une première étape, avec un groupe de spécialistes, est de faire passer, en trois ans, le nombre des suicides en dessous de 10 000 par an, chiffre qui demeure effrayant.
Quant au tabac, permettez-moi de m'y attarder à nouveau un instant : 35 % des jeunes âgés de douze à dix-huit ans fument. Les crédits publics de lutte contre le tabagisme ont été portés de 20 millions de francs en 1997 à 50 millions de francs en 1998 ; c'est plus, mais ce n'est pas assez. Ces crédits servent à financer une grande campagne d'incitation au sevrage tabagique en direction du grand public et des professionnels. Elle a déjà connu un succès.
Cette campagne sera poursuivie et développée en 1999.
En matière de lutte contre l'alcoolisme qui, bien sûr, ne concerne pas seulement les jeunes, il nous faut parachever le transfert des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie dans le secteur médico-social. La loi de lutte contre les exclusions les a déjà intégrés dans le dispositif médico-social. La loi de financement de la sécurité sociale assurera leur financement dans le cadre de l'ONDAM. Ces deux mesures leur permettront de travailler plus facilement et plus efficacement.
Notre quatrième priorité, c'est la lutte contre la douleur et le développement des soins d'accompagnement.
Vous le savez, nous attachons une importance toute particulière à l'amélioration de la prévention et de la prise en charge de la douleur, et au renforcement des soins d'accompagnement. Demain, aura lieu à l'UNESCO, une grande rencontre sur la douleur de l'enfant. Il n'est plus acceptable que la douleur - son expression, sa prévention, son traitement - soit encore autant négligée en France.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Nous mettons en oeuvre, dans ce domaine, un programme ambitieux sur trois ans, qui intègre des mesures pour améliorer les soins d'accompagnement. Je citerai, entre autres mesures, le carnet à l'entrée pour que les patients n'hésitent pas à se plaindre des douleurs, la suppression du carnet à souches, la facilité octroyée aux infirmières et aux infirmiers de prescrire les antalgiques majeurs afin de ne pas avoir à chercher le médecin que l'on ne peut pas joindre la nuit quand on a besoin de lui. (M. Gournac fait un signe d'assentiment.) Je citerai aussi la réglette, l'inscription de la douleur sur la pancarte située au pied du lit du malade, la formation.
M. Emmanuel Hamel. Voilà un progrès !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'est un progrès verbal ! Encore faut-il le mettre en oeuvre !
M. Emmanuel Hamel. Eh bien, faites-le, sinon n'en parlez pas !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Nous mettons en oeuvre ce programme, qui comporte aussi des mesures relatives aux soins d'accompagnement. Je souhaite que nous puissions développer dans notre pays une nouvelle approche et un nouveau rituel de la fin de vie. Je m'en suis déjà longuement expliqué avec certains d'entre vous qui travaillent à nos côtés.
Cependant, tous ces efforts n'ont de sens que dans une perspective qui constitue le fondement de notre politique : permettre au malade de prendre toute sa place au coeur du système de soin et, au-delà, permettre à l'usager, l'information l'y poussant, de devenir l'acteur central du système de santé.
C'est par les malades que l'on fait évoluer le système de santé, que l'on transforme les mentalités, y compris médicales. Le sida nous l'a montré. Etre un citoyen au coeur du système de santé, c'est pouvoir être impliqué dans les décisions concernant sa propre vie ; mais au-delà, c'est pouvoir également peser sur les choix majeurs auxquels est confronté notre système.
C'est la raison d'être des états généraux de la santé, qui ont débuté depuis plusieurs semaines, à travers de multiples initiatives locales que nous soutenons. Nous vous demandons, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous en proposer. Déjà plus de quarante-cinq réunions majeures ont eu lieu ; cinquante se tiendront d'ici à la fin du mois.
Nous avons voulu que le premier temps de cette vaste implication des Français dans la réflexion sur leur système de santé se nourrisse des multiples initiatives des élus locaux, des responsables syndicaux ou associatifs. Des manifestations se déroulent et se dérouleront à travers la France. La diversité des thèmes retenus illustre la démarche des états généraux : « Evaluation des soins psychiatriques » à Besançon, « Bâtiment et santé » à Nantes, « Alcool et ses dangers » à Angers, « Prise en charge de la douleur » à Vannes et au Mans. Voilà quelques initiatives parmi d'autres.
Nous engageons désormais le second temps des états généraux. Dans les grandes villes de province, les thèmes retenus par le comité de pilotage national sont discutés au cours de forums pour lesquels des jurys citoyens sont constitués par la presse locale ainsi que sur l'initiative d'associations et de professionnels.
De nombreuses autres réunions sont organisées, à l'instigation des comités régionaux des états généraux.
Nous voulons que, grâce aux états généraux, s'engage une véritable dynamique d'appropriation des enjeux de santé par les Français pendant la durée de ces états généraux, mais aussi au-delà. Les états généraux doivent être le déclencheur de cette dynamique, de ce mouvement en marche vers « la démocratie sanitaire » que Martine Aubry et moi-même appelons de nos voeux.
Pour conclure, je dirai, mesdames, messieurs les sénateurs, que politique de santé publique et politique de l'assurance maladie devraient enfin trouver une véritable cohérence. Des moyens au service d'objectifs et une politique de santé qui prend pleinement en compte la nécessité de la prévention, qui met l'accent sur la qualité des soins et qui vise à placer non plus le médecin, mais l'usager au coeur du système, au côté du médecin,...
M. Lucien Neuwirth. C'est ce qu'il faut !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... telle est l'ambition des mesures contenues dans ce projet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, ambition que nous voulons ardemment vous faire partager. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Delaneau, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
M. Descours, président du groupe d'amitié France-Mexique, a été invité à ce titre à accompagner M. le Président de la République française, qui se rend en Amérique latine en visite officielle. Telle est la raison de son absence aujourd'hui. Mais il participera à nos travaux lors de la discussion des articles du projet de loi.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis la réforme constitutionnelle de 1996, le Parlement est saisi d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'ai constaté avec satisfaction que l'ensemble des forces politiques avait salué, lors du débat à l'Assemblée nationale, les progrès pour la démocratie et la transparence que constitue désormais ce rendez-vous annuel.
La première partie de mon propos sera consacrée aux équilibres financiers généraux et la seconde à l'assurance maladie.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est marqué par la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux. Le Gouvernement s'en félicite.
Pourtant, à l'examen, ce projet de loi de financement nous semble fragile dans ses équilibres, inabouti dans ses analyses et peu cohérent dans ses propositions.
Tout d'abord, l'équilibre des comptes sociaux pour 1999 nous semble fragile, et ce en raison de trois caractéristiques.
Première caractéristique, il repose sur des prévisions économiques optimistes. Naturellement, madame la ministre, la commission des affaires sociales ne prétend pas détenir la vérité en matière de prévisions économiques. Mais elle se réfère aux travaux des experts et, en premier lieu, à ceux de la commission des finances du Sénat, dont la pertinence et la qualité sont connues depuis longtemps.
Tout d'abord, la prévision de croissance de 2,7 % du PIB en volume est volontariste ; le Gouvernement ne l'a quasiment pas modifiée depuis le début de l'été en dépit du développement de la crise financière internationale, même si la récente prévision de l'OCDE, l'organisation de coopération et de développement économiques, à 2,6 % paraît la conforter.
Par ailleurs, l'évolution des prix à la consommation - plus 1,3 % - nous paraît surprenante au regard tant du rythme atteint à la fin de 1998 - plus 0,3 %, sur les neuf premiers mois de l'année - que des prévisions des instituts de conjoncture, plus proches de 0,9 %.
Or, les prévisions de recettes dépendent tout autant, et peut-être davantage, de cette prévision d'inflation élevée que du taux de croissance en volume.
Enfin, la croissance en valeur retenue pour la masse salariale - plus 4,3 % - paraît forte. Certes, madame la ministre, la croissance française, grâce aux allégements de charges sociales sur les bas salaires décidés par MM. Edouard Balladur et Alain Juppé, est désormais plus riche en emplois. (Sourires sur les travées socialistes ainsi qu'au banc du Gouvernement.)
M. Claude Estier. C'est merveilleux !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Il suffit désormais de 1,5 % de croissance pour créer des emplois, quand il fallait plus de 2 % au début des années quatre-vingt-dix.
M. Claude Estier. Je me demande pourquoi on a dissous l'Assemblée nationale !
M. Jean Delaneau, rapporteur. C'est l'évolution du salaire moyen par tête - 2,5 % en 1999 contre 2,2 % en 1998 - qui nous paraît surévaluée. Les accords signés dans le cadre des 35 heures montrent que la modération salariale est leur condition sine qua non. M. Dominique Strauss-Kahn déclarait ainsi récemment, dans une revue américaine, que « les salariés devront accepter des restrictions salariales ».
Vous objectez, madame la ministre, que l'opposition avait tenu le même discours l'année dernière.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Vous avez eu effectivement raison de croire en la croissance de la masse salariale pour 1998, la croissance pour 1997 ayant été sous-évaluée.
Mais le grief que la commission des affaires sociales fait au projet du Gouvernement est moins de retenir une hypothèse optimiste de croissance, dont nous espérons tous la réalisation - cela montrerait en effet que notre pays va tout à fait bien - que de ne pas en tirer toutes les conséquences : présenter des comptes qui ne sont à l'équilibre que de l'épaisseur d'un trait revient à se priver de toute marge d'erreur pour 1999 et de toute marge de manoeuvre pour les années suivantes.
Je rappellerai qu'un point de croissance de la masse salariale en moins représente une perte de recettes de 12 milliards de francs, dont 9 milliards de francs pour le seul régime général.
La deuxième caractéristique de cet équilibre est d'être atteint par un surcroît de recettes.
En trois ans, de 1997 à 1999, le retour à l'équilibre des comptes sociaux a été obtenu au prix d'efforts considérables demandés aux contribuables. Il y a effectivement peu de « prélèvement supplémentaire » dans le projet de loi de financement pour 1999, ce dont il convient de se féliciter. Mais l'effet mécanique des dispositions de redressement des deux premières lois de financement joue à plein.
Des recettes supérieures de 5,5 milliards de francs aux prévisions sont apparues en 1998. Malheureusement, ces plus-values de recettes n'ont que partiellement compensé le dérapage des dépenses, qui s'élève à 7 milliards de francs et qui est imputable principalement à certains atermoiements du Gouvernement concernant l'assurance maladie. La prévision d'un déficit du régime général de 13,3 milliards de francs en 1998 n'est pas un bon résultat ; si les dépenses avaient été maîtrisées, le déficit aurait pu s'établir à 5 milliards de francs.
La troisième caractéristique de cet équilibre est de ne pas traduire un assainissement de l'ensemble des branches.
L'équilibre affiché n'est qu'algébrique et recouvre des « plus » et des « moins » : les excédents de la branche famille, pour 2,9 milliards de francs, et de la branche accidents du travail, pour 1,3 milliard de francs, masquent le déficit de la branche vieillesse, qui s'élève à 3,9 milliards de francs, tandis que la branche maladie est, « par construction », en équilibre dès lors que son déficit est automatiquement ramené à zéro par l'affectation des excédents de CSG.
La séparation des branches qui, depuis 1994, fonde la clarification et le redressement des comptes sociaux est incompatible avec un équilibre global et apparent masquant la persistance d'un lourd déficit de l'assurance vieillesse.
Ensuite, le projet de loi n'est guère cohérent dans ses propositions, et je donnerai deux exemples à cet égard.
Madame la ministre, vous avez déclaré à propos de l'assurance vieillesse, lors du débat à l'Assemblée nationale, que, « en attendant les conclusions des travaux du Plan, le Gouvernement s'est engagé dans deux voies ». Il y a quelque contradiction à attendre... tout en s'engageant. Il n'est pas surprenant que les deux voies en question soient elles-mêmes contradictoires.
D'ailleurs, voilà quelques minutes, la même ambiguïté est apparue dans votre propos : pratiquement dans la même phrase, vous avez dit que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apportait des réponses structurelles lourdes et importantes, et vous avez fait état des réflexions engagées dans le cadre des différentes études en cours pour mettre en place des réformes structurelles ! Le Gouvernement convient lui-même que la création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition est avant tout une mesure symbolique : il s'agit d'affirmer la nécessité de constituer des réserves pour conforter les régimes de retraite par répartition qui affronteront le choc démographique de 2005.
Mais il se sent dès lors autorisé à décider une revalorisation exceptionnelle des pensions qui aggrave le déficit 1999 de la caisse nationale d'assurance vieillesse.
Le message consistant à affirmer simultanément le souci - au demeurant légitime, mais au prix de déficits accrus - de faire participer dès aujourd'hui les retraités aux « fruits de la croissance » et la nécessité impérieuse de constituer des réserves pour payer les pensions de demain apparaît ainsi singulièrement brouillé ! M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, reviendra naturellement sur ce point.
Un second exemple d'incohérence est fourni par les dispositions relatives à la famille et à la vieillesse.
La branche famille, excédentaire, ne bénéficie que du minimum légal de revalorisation des prestations. La progression des pensions fait l'objet d'un « coup de pouce », alors que la branche vieillesse est fortement déficitaire. Ce traitement paradoxal sera étudié par M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille.
Enfin, ce projet de loi est inabouti.
Rarement le Parlement n'aura été sollicité par autant d'annonces de réformes qui, toutes, doivent aboutir en 1999, mais dont aucune ne figure, sous une forme achevée, dans le texte qui nous est soumis : avenir des retraites - cette réforme nous a été promise pour très bientôt et je pense que la commission des affaires sociales pourra entendre l'auteur du rapport au mois de décembre prochain - réforme de l'assiette des cotisations patronales, couverture maladie universelle, réforme des aides à domicile, toutes questions que M. Alain Vasselle abordera.
Sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales, le choix a été fait de demander un rapport de plus. M. Malinvaud nous a expliqué, lors de son audition par la commission des affaires sociales, que son rapport n'était pas celui qui correspondait à la demande du Parlement. En effet, il a effectué une analyse économique des cotisations patronales, sans s'intéresser au financement de la sécurité sociale. Nous retenons du rapport Malinvaud la nécessité d'un allégement des charges sociales sur les bas salaires, à travers un barème pérenne. Le Sénat avait voté une proposition de loi en ce sens, le 30 juin dernier, un mois avant la publication de ce rapport. Mais la baisse des charges ne peut pas tenir lieu de politique de financement de la sécurité sociale.
Nous devons tirer les conclusions de la réforme de la CSG sur les cotisations salariales, ainsi que de l'instauration à venir de la couverture maladie universelle. La réforme du financement de la sécurité sociale reste inachevée.
Ce caractère inabouti et décevant du projet de loi nous donne le sentiment, madame la ministre, que vous devrez revoir votre projet en cours d'année.
Si les réformes que vous comptez entreprendre dans les toutes prochaines semaines ou les tout prochains mois, dont personne ne conteste l'urgence, ont des effets sur l'année 1999, il serait particulièrement malvenu que le Parlement n'en soit pas saisi. Si elles n'entrent en vigueur qu'en l'an 2000, nous ne pourrons alors que déplorer le temps perdu et regretter que ce projet de loi soit peut-être - mais nous ne le souhaitons pas - celui des « occasions manquées ».
En outre, il ne serait guère acceptable qu'une nouvelle fois le Parlement ne soit saisi d'une modification des conditions de l'équilibre qu'à l'occasion de la seule ratification en fin d'année d'un décret majorant le plafond de recours à l'emprunt par les régimes de sécurité sociale.
S'agissant des orientations relatives aux équilibres généraux, la commission a tenu à rappeler deux grands principes, mis à mal par le Gouvernement : la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, et la séparation comptable des branches.
La loi du 25 juillet 1994 a posé le principe fondateur de la compensation intégrale aux régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales décidées par l'Etat. Ce principe est fondamental, même s'il ne vaut que pour les exonérations décidées après l'entrée en vigueur de cette loi : plus de 17 milliards de francs restent ainsi à la charge de la sécurité sociale.
Pour la commission des affaires sociales, ce principe doit s'appliquer aux exonérations de cotisations dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail. Votre argumentation, madame la ministre, d'une prétendue neutralité en raison des « retours » pour la sécurité sociale, ne nous convainc pas. Le Gouvernement avait en effet annoncé qu'il introduirait dans le présent projet de loi une mesure de compensation qui ne serait que partielle. Certes, il ne l'a pas fait, mais il n'a pas non plus, semble-t-il, renoncé à prendre une telle mesure en cours d'année.
Nous proposerons donc de réaffirmer explicitement ce principe dans le projet de loi. Nous avons en effet constaté, lors des auditions en commission, que les présidents des caisses étaient dans une incertitude totale,...
M. Michel Caldaguès. Eh oui !
M. Jean Delaneau, rapporteur. ... les uns s'appuyant sur l'absence de dispositif dérogatoire dans le projet de loi pour estimer que la compensation serait intégrale, les autres relevant que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avait établi l'hypothèse d'une compensation partielle.
La compensation doit, selon nous, s'appliquer également aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, dont le taux d'exonération est fortement majoré : il en est ainsi de l'exonération pour les associations d'aide à domicile, qui est portée de 30 % à 100 %. Ces exonérations doivent être compensées à hauteur de la majoration du taux d'exonération.
La compensation doit s'appliquer, enfin, aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, que le Gouvernement proroge, en les modifiant de surcroît. Si tel n'était pas le cas, l'esprit sinon la lettre de la loi serait détourné.
L'Etat fait également supporter des charges de trésorerie importantes à la sécurité sociale : les remboursements peuvent être tardifs, comme celui de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui est l'une des causes du décret du 26 août 1998 relevant le plafond de trésorerie du régime général. Contraindre l'Etat à la neutralité de ses opérations en trésorerie avec la sécurité sociale, telle est l'une des raisons qui nous a conduits à proposer un amendement de suppression de l'article 34 tendant à ratifier ce décret, l'autre raison étant le souci de donner un coup d'arrêt à une pratique fâcheuse qui s'instaure et qui n'est d'ailleurs pas le propre de ce gouvernement : modifier systématiquement par voie réglementaire l'une des dispositions normatives importantes des lois de financement.
Le second grand principe posé par la loi du 25 juillet 1994 est celui de la séparation comptable des branches. Il convient de réaffirmer, face à l'équilibre proposé - qui n'est qu'un équilibre d'affichage - que ce principe doit être intangible.
Nous devons être également attentifs aux transferts entre branches.
M. Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Ah !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Nous ne pouvons enfin, madame la ministre, qu'être inquiets quand vous annoncez que le fonds de réserve pour les retraites serait alimenté par « les excédents de la sécurité sociale ».
M. Michel Caldaguès. Bien sûr !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Or, selon les projections annexées au projet de loi de financement, la seule branche à afficher des excédents dans les années à venir...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. C'est la branche famille !
M. Jean Delaneau, rapporteur. ... est la branche famille,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Delaneau, rapporteur. ... ce qui montre d'ailleurs que la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'était pas justifée par des considérations financières.
M. Michel Caldaguès. Ni comptables, d'ailleurs !
M. Jean Delaneau, rapporteur. S'il se confirmait que ces excédents devaient être confisqués, il serait particulièrement grave pour notre pays que la politique familiale soit ainsi sacrifiée.
Pour conclure ces considérations sur les équilibres financiers généraux, permttez-moi d'avancer une réflexion à plus long terme.
Abordant l'examen de la troisième loi de financement depuis la réforme constitutionnelle de 1996, la commission a constaté que ladite réforme constituait un progrès considérable et l'amorce d'une évolution profonde.
Elle a constaté également que cet instrument était perfectible. Elle entend, en conséquence, constituer un groupe de travail chargé de proposer une amélioration de la présentation des lois de financement et, au-delà d'une multiplication vaine des annexes, de la qualité et de la cohérence des informations fournies au Parlement.
Comme l'y a invité son président, notre assemblé donne ainsi une illustration supplémentaire de sa capacité d'analyse et de proposition.
Je vais maintenant évoquer la situation de l'assurance maladie et les dispositions du projet de loi qui la concernent.
Mon propos comprendra trois points : j'évoquerai d'abord le dérapage des dépenses d'assurance maladie en 1998 et les sanctions financières décidées au cours de l'été ; j'aborderai ensuite la situation de l'hôpital, totalement oublié par le projet de loi, même si M. le secrétaire d'Etat nous en a longuement parlé tout à l'heure et si, sur bien des points, nous nous rejoignons en la matière ; enfin, j'évoquerai les mesures du projet de loi qui concernent les médecins libéraux et l'industrie pharmaceutique et qui mettent en place des mécanismes de régulation comptable se traduisant par des sanctions financières.
L'ONDAM de 1997 avait été fixé à 600,2 milliards de francs par la première loi de financement de la sécurité sociale, en progression de 1,7 % par rapport à 1996, soit un taux assez strict. Grâce - pourquoi ne pas le dire ? - à la réforme entreprise par le Premier ministre Alain Juppé, cet objectif a été respecté, le taux d'évolution des dépenses n'ayant été que de 1,5 %.
Les résultats ne seront probablement pas aussi bons en 1998, bien que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie se soit vu accorder un taux de progression plutôt généreux de 2,27 %. En effet, dès les premiers mois de l'année, le dérapage a été significatif, notamment pour les médecins libéraux, dont le total des dépenses remboursables a évolué de 3,7 %.
La publication de ces chiffres a entraîné, aux mois de juin et de juillet, des mesures concernant les chirurgiens-dentistes, ainsi que la présentation d'un plan d'économies d'environ 3 milliards de francs.
Ainsi, dès le 26 juin 1998, le Gouvernement a reporté, par arrêté, une mesure de revalorisation de la nomenclature de chirurgie dentaire, pourtant prévue par la convention des chirurgiens dentistes signée par l'assurance maladie et approuvée par arrêté ministériel. J'aimerais, madame la ministre, que vous nous indiquiez les modalités selon lesquelles la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a été consultée sur ces mesures.
Une seconde mesure a concerné les radiologues. Le 11 août 1998, un arrêté a ainsi baissé de 13,5 % la valeur de la lettre clé Z 1. Le Gouvernement a annoncé qu'il entendait « récupérer » 450 millions de francs et a donc consenti à caractériser cette baisse de « temporaire ». Là aussi, j'aimerais, madame la ministre, que vous nous donniez des précisions.
Ainsi, à quelle date les 450 millions de francs seront-ils récupérés ? Si l'objectif de dépenses des spécialistes n'est pas respecté, les radiologues seront-ils appelés à payer une contribution financière comme les autres spécialistes ? En d'autres termes, devront-ils payer deux fois ?
Mais l'essentiel des économies a été demandé à l'industrie pharmaceutique. Il convient, à cet égard, d'observer que cette industrie, qui représente environ 15 % des dépenses de l'assurance maladie, sera appelée à financer à hauteur des deux tiers le plan d'économies gouvernemental.
Afin de récupérer 1,5 milliard de francs, le Gouvernement a menacé les industriels d'une taxe, inscrite à l'article 26 du projet de loi. Mais, les laboratoires ayant accepté de payer par conventions, cet article a été retiré en première lecture à l'Assemblée nationale.
Malgré ce plan d'économies, l'ONDAM de 1998 sera probablement dépassé. Au total, en fin d'année, la dérive par rapport à l'objectif serait d'environ 6 milliards de francs.
La commission des affaires sociales estime regrettable que les décisions les plus importantes du Gouvernement en matière d'assurance maladie se soient résumées, depuis son entrée en fonction, à des pénalités financières infligées aux professionnels et aux industriels de santé, sanctionnant un dérapage des dépenses que, par son abstention, voire par certaines déclarations ministérielles, ce même gouvernement avait contribué à favoriser.
J'en viens maintenant à la situation de l'hôpital.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est quasiment muet sur l'hôpital public, qui constitue pourtant l'enjeu principal pour l'avenir du système de santé et de l'assurance maladie.
Ce silence pourrait être compris comme un hommage à la perfection des dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Il reflète malheureusement l'absence de politique hospitalière du Gouvernement et son souci, malgré l'urgence des enjeux, de mettre l'accent sur une réflexion prospective que nous ne récusons pas, mais qui devrait venir en accompagnement d'un certain nombre de mesures que nous considérons comme urgentes : des groupes de travail vont ainsi être chargés de réfléchir à l'ensemble de la politique hospitalière.
Bien entendu, nous sommes favorables à ce travail de réflexion et de concertation, et nous en avons connu beaucoup d'exemples, sous bien des gouvernements ! Or, si l'on peut encourager de telles méthodes quand elles constituent un prétexte à l'action, on ne peut le faire lorsqu'il s'agit simplement d'un prétexte à l'inaction ou à l'attente ou quand les résultats ne sont pas, ensuite, utilisés.
L'exemple du dossier des praticiens hospitaliers montre ainsi malheureusement que, même lorsque la réflexion a eu lieu, le Gouvernement ne semble pas décidé à agir, encore que vous ayez annoncé un certain nombre de mesures. Peut-être pourrez-vous les préciser, madame la ministre.
Il convient également de regretter le retard pris pour mettre en place les outils de la réforme Juppé, comme l'accréditation ou la contractualisation entre hôpitaux et agences régionales.
Enfin, le Gouvernement ne semble pas utiliser les marges disponibles pour favoriser les restructurations. Ainsi, l'objectif de dépenses hospitalières pour 1999 sera fixé à 2,5 %. Si cette progression était utilisée pour financer les restructurations, ce ne serait pas contestable ; mais on constate que, parallèlement, pas un centime des 300 millions de francs que nous avions votés pour le fonds d'accompagnement social des restructurations n'a encore été utilisé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quoi ? Oh !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Tout a été utilisé !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Nous en discuterons certainement chiffres en main !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce sont des projets : ils sont en cours !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Nous constatons, par ailleurs, que le projet de loi de finances revoit à la baisse, pour 1999, les autorisations de programme du fonds d'aide aux investissements de restructuration hospitalière. C'est pourquoi la commission vous proposera de procéder à un abattement d'un milliard de francs sur l'ONDAM et d'affecter cette somme au fonds de modernisation hospitalière, ce qui, je pense, vous conviendra parfaitement.
J'évoquerai maintenant les principales dispositions du projet de loi, qui se résument, une fois de plus, à de nouvelles contributions à la charge des laboratoires pharmaceutiques et des médecins libéraux.
En ce qui concerne l'industrie pharmaceutique, les articles 24 et 25 du projet de loi, dans leur rédaction actuelle - que nous tenterons d'améliorer - mettent fin à toute politique conventionnelle du médicament au lieu de l'améliorer.
L'Assemblée nationale, qui a très sensiblement modifié le texte du Gouvernement, semble en effet lui préférer un dispositif purement comptable, aux termes duquel tout dérapage des dépenses entraîne la taxation du chiffre d'affaires.
La politique conventionnelle n'est maintenue que pour la forme : en effet, aux termes des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, les entreprises peuvent être soumises à une taxation importante de l'évolution de leur chiffre d'affaires alors même qu'elles ont respecté à la lettre tous leurs engagements conventionnels. Je souhaiterais connaître, madame la ministre, votre point de vue sur ce sujet.
Je vous proposerai évidemment de modifier ce dispositif et j'espère que nous pourrons trouver, cette semaine ou dans le cours de l'examen du projet de loi, une nouvelle rédaction plus conforme aux intérêts de l'assurance maladie et de l'industrie.
Pour les médecins libéraux, les articles 21 et 22 du projet, qui mettent en place un mécanisme de taxation permanent et une taxation spécifique pour 1998, occupent cinq pages et demie du projet de loi.
Le Gouvernement propose d'abord au Parlement de créer, pour 1998, une taxation applicable en cas de dépassement des objectifs d'évolution des dépenses fixés par le règlement conventionnel minimal. Il n'en définit ni le seuil de déclenchement, ni le taux, ni les modalités de calcul, qui seront déterminés par un décret en Conseil d'Etat. Dans ces conditions, la commission vous proposera de ne pas accepter cet article.
Le projet de loi tend, par ailleurs, à instituer un mécanisme permanent de régulation des dépenses qui ne fera que pérenniser la pratique inaugurée en 1998 - vous avez d'ailleurs eu un échange à ce sujet avec M. Barrot à l'Assemblée nationale, en reconnaissant que vous n'aviez pas mis vous-même ce système en place - avec des lettres clés flottant en cours d'année et des reversements collectifs en fin d'année.
Ainsi, des médecins ayant accepté de signer une convention et ayant déterminé au début de l'année avec les caisses un objectif de dépenses médicales et des tarifs pour l'année pourraient voir ces tarifs baisser au bout des quatre premiers mois de l'année, puis une nouvelle fois au bout de huit mois, sans pour autant que soit écartée la perspective d'une contribution en fin d'année.
A supposer que ce mécanisme de régulation des dépenses médicales constitue, en fait, la traduction d'une politique des revenus des médecins, force est de constater que les salariés du secteur public ou privé ne voient pas fluctuer ainsi les déterminants de la rémunération de leur activité.
Certes, le mécanisme de reversement établi par l'ordonnance dite « Juppé » posait problème, nous en convenons. Mais, alors que le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et collective que ce dispositif comportait, la commission vous proposera au contraire d'aller jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à laquelle il faisait aussi appel.
Ainsi, tirant les leçons du passé, nous vous proposerons d'instituer un mécanisme simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses.
Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de favoriser la qualité des soins dont bénéficient les Français et d'en limiter le coût.
Il tourne le dos à ce que nous appelons, peut-être de façon impertinente, les « usines à gaz comptables » inventées par le projet de loi et que nous ne pouvons accepter.
Vous ne réussirez pas, madame la ministre, à maîtriser durablement la dépense sans les médecins, et je sais que vous en êtes convaincue. Vous pourrez toujours les menacer de multiples taxes, d'augmenter de 10 000 francs ou de 20 000 francs, chaque année, leurs cotisations sociales, je crains que vous ne parveniez qu'à provoquer une radicalisation qui, si elle s'accompagnait d'un fléchissement de la croissance, et donc d'un déficit accru de l'assurance maladie, ne manquerait pas de faire voler en éclats le contrat social qui fonde notre protection sociale.
En conclusion, je rappelle que, l'an dernier, l'imagination créatrice du Gouvernement s'était concentrée sur la définition de nouveaux prélèvements ou l'augmentation de prélèvements sur les assurés sociaux. Cette année, ce sont les professionnels de santé qui seront mis à contribution. Il nous faut refuser cette logique et faire des propositions pour l'avenir plus conformes aux intérêts des assurés et des professionnels de santé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Lesquelles ?
M. Jean Delaneau, rapporteur. Vous les découvrirez, madame la ministre, lors de l'examen des amendements que nous avons déposés.
C'est donc à cette tâche que s'est livrée la commission des affaires sociales, qui proposera de nombreux amendements importants à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Machet, rapporteur.
M. Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pas d'hypocrisie et recherche de l'objectivité : tels sont les principes qui me guideront.
Madame la ministre, dans votre intervention, fort longue, vous avez abordé en premier le thème de la famille, alors que ce n'est pas votre responsabilité principale. Je tenais à vous en remercier.
Le débat sur le volet relatif à la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'engage dans un climat apparemment plus serein que celui de l'année dernière. Le Sénat ne peut que s'en féliciter.
Le Gouvernement est en effet revenu sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales, que notre Haute Assemblée avait refusée avec vigueur. Cette décision, qui confirme a posteriori les analyses formulées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, a permis une reprise du dialogue avec les différentes parties prenantes de la politique familiale.
J'examinerai, tout d'abord, la situation financière de la branche famille, avant d'analyser les principales mesures prévues ou intégrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
La branche famille devrait être excédentaire en 1999. Alors qu'elle connaissait, depuis 1994, des déficits importants, les comptes prévisionnels pour 1998 et 1999 font apparaître une nette amélioration de la situation : la branche devrait être déficitaire de 1 milliard de francs en 1998 et excédentaire de 4 milliards de francs en 1999, avant les mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant de l'évolution récente des différentes prestations, deux éléments sont particulièrement notables : d'une part, la fin de la montée en charge de la loi relative à la famille ; d'autre part, l'impact des mesures prises à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille devait avoir un coût total estimé à 9,3 milliards de francs à la fin de l'année 1998 ; le chiffre final devrait être plutôt proche de 15,2 milliards de francs, soit un surcoût de près de 6 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales. Cependant, il apparaît que la montée en charge de cette loi est maintenant achevée depuis 1997.
Le surcoût induit par la loi relative à la famille témoigne, à l'évidence, du succès que cette dernière a rencontré, succès dont il convient de se féliciter.
La mise sous condition de ressources des allocations familiales s'est traduite par une économie sur les dépenses de 3,8 milliards de francs en 1998. Cette mesure a véritablement changé la nature de la politique familiale : en 1997, les prestations familiales versées sous condition de ressources représentaient 65 % du total des prestations familiales ; en 1998, cette proportion est tombée à 22 %. On ne saurait mieux justifier a posteriori les craintes émises par le Sénat de voir de la sorte la politique familiale se transformer en une politique d'aide sociale.
D'un point de vue financier, la mise sous condition de ressources des allocations familiales n'était pas véritablement nécessaire ; elle apparaît avant tout comme une mesure idéologique visant à écarter certaines familles du bénéfice de la politique familiale.
Sans la mise sous condition de ressources des allocations familiales, le déficit tendanciel pour 1999 aurait été de 1 milliard de francs, soit une situation proche de l'équilibre. Pour les années 2000 et 2001, le solde de la branche serait devenu excédentaire.
Il était donc possible, d'une part, de se dispenser de cette mesure en 1998,...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jacques Machet, rapporteur. ... d'autre part, de l'abandonner en 1999 sans prévoir pour autant une nouvelle forme de pénalisation des familles par l'abaissement du plafond du quotient familial.
Le Gouvernement n'a, en effet, pas renoncé à opérer un prélèvement de 4 milliards de francs sur les familles.
Afin de masquer le recul politique que constituait l'abandon du critère de ressources pour les allocations familiales, il a décidé une autre mesure à caractère fortement idéologique : l'abaissement du plafond du quotient familial, prévu dans le projet de loi de finances pour 1999.
L'abaissement de ce plafond devrait rapporter 3,9 milliards de francs au budget de l'Etat. Afin d'établir un lien financier entre le surcroît de dépenses pour la branche famille entraîné par le retour à l'universalité des allocations familiales et le surplus de recettes fiscales dont bénéfiera l'Etat, il a été décidé que le budget de l'Etat prendrait à sa charge l'allocation de parent isolé, l'API, qui représente un montant de dépenses annuel de 4,3 milliards de francs pour la branche famille.
Le rapporteur que je suis est amené à formuler deux remarques.
D'une part, rien ne garantit la pérennité de la prise en charge de l'API par l'Etat. Compte tenu des excédents prévisionnels futurs de la branche famille, il pourrait être tentant pour l'Etat - cela est déjà arrivé ! - de revenir sur cet engagement et de faire supporter de nouveau à la branche famille le poids financier de cette prestation. L'Etat conserverait, parallèlement, le bénéfice du surplus de recettes fiscales engendré par l'abaissement du plafond du quotient familial.
D'autre part, cette prise en charge pose un véritable problème de principe. Rien ne justifie, en effet, le financement par l'Etat de l'API, qui constitue précisément une reconnaissance de la fonction parentale. Le choix de la prise en charge de cette prestation par l'Etat apparaît purement circonstanciel et ne répond à aucune raison de fond.
Ce montage financier introduit, en outre, une confusion supplémentaire dans les missions et les modalités de financement de la branche famille.
Les différentes mesures prévues ou intégrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale réduisent très légèrement l'excédent prévisionnel de la branche famille, qui devrait finalement s'établir à 2,87 milliards de francs. La branche serait également excédentaire de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 8,3 milliards de francs en 2001.
La perspective d'excédents structurels de la branche famille pourrait susciter certaines tentations. Aussi votre rapporteur souhaite-t-il formuler une mise en garde, mes chers collègues. Il serait inacceptable que ces excédents servent à combler d'éventuels déficits futurs des autres branches de la sécurité sociale. Il ne serait pas davantage convenable que ces excédents aillent alimenter le fonds de réserve pour les retraites créé par le présent projet de loi.
Le Gouvernement mène, en réalité, une politique familiale en trompe-l'oeil.
Il n'est pas nécessaire, je crois, de rappeler les raisons qui ont conduit la Haute Assemblée à s'opposer vigoureusement à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Le choix annoncé par le Gouvernement, lors de la conférence de la famille du 12 juin dernier, de renoncer à cette réforme - trois mois seulement après l'entrée en vigueur effective de la mesure ! - confirme a posteriori le bien-fondé et la pertinence des analyses formulées par la commission des affaires sociales.
M. Alain Vasselle rapporteur. Eh oui !
M. Jacques Machet, rapporteur. On ne peut cependant que regretter que le Sénat n'ait pas été entendu plus tôt,...
M. Alain Gournac. C'est dommage !
M. Jacques Machet, rapporteur. ... lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 - n'est-ce pas, monsieur Fourcade ?
Cette mesure s'est traduite par la perte des allocations familiales pour 350 000 familles et par une diminution de leur montant pour 35 000 autres.
Ces chiffres ne peuvent, à eux seuls, rendre compte des conséquences morales et psychologiques pour les familles de ces modifications répétées et contradictoires de la législation sur les allocations familiales.
De surcroît, la suppression de cette condition de ressources ne constitue pas, pour les familles, un simple retour à la situation antérieure à 1998.
M. Alain Gournac. Eh non !
M. Jacques Machet, rapporteur. En effet, cette mesure s'accompagne de l'abaissement du plafond du quotient familial, qui entraînera une augmentation de l'impôt sur le revenu pour 500 000 familles. Mais les familles concernées ne s'en apercevront que dans six mois !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jacques Machet, rapporteur. En contrepartie, seules certaines de ces familles retrouveront le bénéfice des allocations familiales.
L'abaissement du plafond du quotient familial porte un coup sévère à la politique fiscale en faveur des familles, menée depuis la Libération, en 1945. Quelle année pour les familles françaises !
Le système du quotient familial ne fournit en soi aucune aide, aucun avantage aux familles ; il garantit seulement que le poids de l'impôt est équitablement réparti entre des familles de taille différente mais de niveau de vie équivalent, selon un principe d'équité horizontale.
La diminution du plafond du quotient familial est une réforme injuste. A revenu primaire identique, les familles ont toujours un niveau de vie inférieur à celui des couples sans enfant et des célibataires.
Fallait-il, par conséquent, sans vouloir dresser les uns contre les autres, choisir de faire porter sur les seules familles une augmentation de la pression fiscale ? Pourquoi augmenter l'impôt des familles avec enfants en épargnant les couples et célibataires sans enfant de même niveau de vie ?
Parallèlement, le Gouvernement envisage de faire voter par le Parlement la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, le PACS, qui permettrait à tout couple de concubins déclarant partager leur revenu de bénéficier du quotient conjugal. Il serait particulièrement malvenu madame la ministre, qu'une telle mesure soit financée par une augmentation des impôts prélevés sur les familles.
Depuis 1945, le principe du quotient familial n'a jamais été remis en cause, bien que l'avantage fiscal en résultant ait été plafonné. Il ne faudrait pas que, par l'abaissement du plafond, il devienne progressivement une coquille vide.
La suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales apparaissait comme la correction d'une erreur. Il est regrettable que la correction de cette erreur se fasse au prix d'une nouvelle erreur au détriment des familles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Parmi les mesures annoncées lors de la conférence de la famille du 12 juin dernier, certaines sont indéniablement positives et méritent d'être saluées. Je pense notamment à l'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, au relèvement de dix-neuf à vingt ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales et à l'augmentation très importante des moyens accordés à l'action sociale de la branche famille, et je vous en remercie.
Je regrette cependant que le Gouvernement ait choisi de financer ces mesures par des économies sur d'autres prestations, au moment même où la branche famille est excédentaire.
On ne peut ainsi que déplorer que le Gouvernement ait choisi d'économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8 milliard de francs en année pleine en reculant de dix à onze ans et de quinze à seize ans les majorations pour âge des allocations familiales. Cette mesure, qui concernera un nombre important de familles, semble très contestable.
Enfin, le Gouvernement a prévu une revalorisation modeste - 0,71 % - de la base mensuelle des allocations familiales, la BMAF, qui conditionne l'évolution de la plupart des prestations familiales.
Loin de moi l'idée de monter les uns contre les autres, mais force est de constater que les pensions de retraite seront, quant à elles, revalorisées de 1,2 %. Tant mieux pour les retraités ! Le Gouvernement donne un petit coup de pouce aux retraites et il accroît encore les dépenses d'une branche déficitaire ; parallèlement, il refuse tout effort supplémentaire en faveur des familles, alors que la branche famille enregistre un excédent important.
Il s'agit d'un choix politique inquiétant et très révélateur du peu d'intérêt accordé par le Gouvernement au renouvellement des générations, pourtant si nécessaire à l'équilibre futur de nos régimes de retraite par répartition.
Il apparaît à l'examen que la politique familiale du Gouvernement semble n'avoir pour seule finalité que de maintenir la branche famille en excédent. Si cela est bien, ce n'est pas suffisant ! Au moment où une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité vient fragiliser l'institution familiale,...
M. Gilbert Chabroux. Mais non !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Mais si !
M. Alain Gournac. Fragiliser, exactement !
M. Jacques Machet, rapporteur. ... il est regrettable de constater que notre pays manque toujours d'une politique familiale ambitieuse à la hauteur des enjeux, aux yeux de votre rapporteur, mes chers collègues, si importante pour l'équilibre de notre société.
C'est sur cette affirmation de foi que je conclus cette intervention, en vous remerciant, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de votre particulière attention.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans mon rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 1998, j'avais souligné que l'adaptation de nos régimes de retraites aux évolutions démographiques était l'un des chantiers les plus difficiles des prochaines années. J'avais regretté que l'année 1998 se présentât à cet égard comme une année perdue.
Un an plus tard, le débat consacré au volet assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale s'ouvre dans une certaine confusion.
Soucieux de repousser des décisions difficiles, impopulaires, mais pourtant inéluctables, le Gouvernement subordonne toute réforme d'ampleur à la publication du diagnostic sur les retraites qu'il a demandé au Commissariat général du Plan, dirigé par M. Charpin, dont Mme le ministre nous a parlé dans son intervention liminaire, voilà quelques instants.
Pourtant, sans attendre les conclusions de cette étude, le Gouvernement remet en cause l'indexation des pensions sur les prix qui constituait, je le rappelle, mes chers collègues, l'un des fondements de la réforme de 1993, initiée sous le gouvernement de M. Balladur.
En outre, conscient de l'absence pour la deuxième année consécutive d'initiatives en matière de retraite, le Gouvernement crée un fonds de réserve pour les retraites dont la finalité et les modalités de financement restent - c'est le moins que l'on puisse dire - particulièrement floues.
Parallèlement, le Gouvernement multiplie les effets d'annonce en inscrivant dans ses orientations l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, qu'il avait, il est vrai, refusé d'appliquer - il suffit pour s'en convaincre de lire les débats de l'Assemblée nationale, n'est-ce pas, monsieur Fischer ? - et décide la mise en place, dès 1999, d'un nouveau système d'épargne-retraite par capitalisation.
Ce vaste « rideau de fumée », si je suis me permettre cette expression, qui traduit surtout un embarras du pouvoir politique à la perspective de réformes difficiles, ne doit cependant pas masquer la réalité.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne parvient pas à ramener le régime général à l'équilibre - celui-ci restera durablement déficitaire - et ne résout en rien les problèmes immédiats.
S'agissant de l'avenir des régimes de retraite, la création impromptue d'un fonds de réserve n'apporte qu'une réponse dérisoire aux besoins futurs. Les véritables réformes ne sont quant à elles toujours pas engagées.
A l'évidence, la politique du Gouvernement en matière de retraite consiste essentiellement à gagner du temps.
Les différents régimes d'assurance vieillesse connaissent des situations contrastées.
J'esquisserai, tout d'abord, un tableau assez général de la situation des principaux régimes avant d'analyser le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Après avoir connu un déficit de 5,2 milliards de francs en 1997, puis de 5,6 milliards de francs en 1998, la branche vieillesse du régime général restera déficitaire en 1999. Le déficit tendanciel du régime général atteindrait 6 milliards de francs en 1999 et le déficit prévisionnel après la loi de financement de la sécurité sociale s'établirait à 3,8 milliards de francs.
Les régimes de base des personnes non salariées - ORGANIC, CANCAVA, CNAVPL - sont équilibrés grâce, pour les deux premiers, à un apport du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la fameuse C3S.
Les régimes complémentaires de salariés - AGIRC et ARRCO - enregistrent les effets très positifs des accords du 25 août 1996.
Pour l'ARRCO, les exercices 1998 et 1999 devraient se solder par des excédents de 7,3 milliards de francs et de 14,2 milliards de francs. Le déficit de l'AGIRC devrait, quant à lui, se réduire, passant de 2,3 milliards de francs en 1998 à 1,7 milliard de francs en 1999.
S'agissant des régimes spéciaux de retraite, je souhaiterais attirer tout particulièrement votre attention sur la situation financière préoccupante de la CNRACL.
Je tiens, au nom de la commission des affaires sociales, à dénoncer, une nouvelle fois, la situation absurde à laquelle conduit le mécanisme de la surcompensation : la CNRACL connaît aujourd'hui des difficultés financières, dont témoigne la reconduction, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d'un plafond d'avance de trésorerie de 2,5 milliards de francs, alors même que le résultat technique du régime est excédentaire de 17 milliards de francs par an.
J'ai eu un débat sur ce point avec le président de la CNRACL, M. Domeizel : il s'avère que ce mécanisme est complètement inopérant. Par ailleurs, M. Fourcade, lorsqu'il était président de la commission des affaires sociales, n'a cessé de marteler chaque année les difficultés qu'entraînait pour cette caisse la surcompensation.
Je donnerai simplement quelques chiffres pour vous éclairer, si besoin était, sur le sujet : les prélèvements cumulés sur la CNRACL ont représenté 127 milliards de francs de 1974 à 1999 au titre de la compensation généralisée et 102 milliards de francs de 1985 à 1999 au titre de la surcompensation puisque c'est en 1985 qu'elle a été mise en oeuvre puis maintenue, il faut d'ailleurs le reconnaître, par les gouvernements successifs.
M. Claude Domeizel. Tous les gouvernements !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La situation de la CNRACL appelle, me semble-t-il, une réforme urgente. Je suis persuadé que, sur ce point, M. Domeizel, qui interviendra tout à l'heure dans la discussion générale, ne pourra que soutenir les propos que je viens de tenir et qu'un consensus se dégagera au moins sur ce dossier.
La situation des autres régimes spéciaux reste difficile à appréhender. Toutefois, s'agissant du régime des pensions civiles et militaires de l'Etat, le taux de cotisation implicite, calculé à partir d'un compte fictif équilibré intégrant à la fois les charges des pensions et celles qui résultent des mécanismes de compensation, est passé de 45,28 % en 1995 à 47,62 % en 1998.
On mesure ainsi l'effort consenti par l'Etat employeur pour assurer le paiement des pensions des fonctionnaires retraités. Cette dépense représente une charge croissante pour le budget de l'Etat, donc pour les contribuables, susceptible à terme, à elle seule, de remettre en cause le redressement des finances publiques.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne parvient pas à ramener à l'équilibre la branche vieillesse du régime général.
Le déficit pour 1999 n'est réduit de moitié - il passe de 6 milliards de francs à 3,8 milliards de francs - que par un expédient non renouvelable, à savoir un versement exceptionnel du fonds de solidarité vieillesse à la CNAVTS à concurrence de 2,9 milliards de francs, au titre de validation des périodes de chômage dans les départements d'outre-mer en 1994, 1995 et 1996.
Le déficit de la caisse s'en trouve réduit d'autant mais il s'agit d'un fusil à un coup qu'on ne retrouvera pas l'année prochaine.
Cette opération de régularisation vient fort à propos pour le Gouvernement qui trouve là un expédient bienvenu pour réduire de manière artificielle le déficit de la branche vieillesse en 1999.
Parallèlement, le Gouvernement décide de revaloriser - M. Delaneau l'a rappelé tout à l'heure - de 1,2 % les pensions de retraite en 1999, soit 0,5 % de plus que ce qu'exigeait la stricte indexation sur les prix instaurée par la loi du 22 juillet 1993.
Cette mesure généreuse s'avère cependant coûteuse : elle entraînera une augmentation de 1,81 milliard de francs des dépenses de la branche vieillesse du régime général en 1999. Ses répercussions financières se feront également sentir les années suivantes.
On soulignera également, comme vient de le faire avec pertinence notre collègue Jacques Machet, que ce coup de pouce ne profite pas aux familles qui devront, elles, se contenter d'une augmentation de 0,71 % des prestations familiales.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement consent un effort important en faveur des retraites et accroît encore les dépenses d'une branche déficitaire. Il refuse, en revanche, tout effort supplémentaire en faveur des familles alors que la branche famille est en excédent.
Ainsi, vous avez, d'un côté, une branche vieillesse déficitaire, mais qui va augmenter ses dépenses, donc accentuer le déficit structurel de la branche pour les années futures et qui consent une valorisation au-delà de ce que la loi de 1993 avait prévu - en effet, aux termes de la loi, l'augmentation devrait être de 0,7 %, comme pour les familles - et, de l'autre côté vous avez une branche famille avec un excédent de 3 milliards de francs, à laquelle on offre une augmentation seulement de 0,7 point, c'est-à-dire qu'elle ne bénéficiera pas du même effort que celui que l'on accorde à la branche vieillesse.
M. Claude Domeizel. Vous êtes contre la revalorisation des retraites ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement me répondra certainement que les années antérieures la CSG, la CRDS, notamment ont pesé sur le pouvoir d'achat des retraités...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Exactement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agissait certes de mesures impopulaires prises par les gouvernements précédents, mais qui étaient nécessaires pour redresser la branche vieillesse, même si l'équilibre n'a pas été atteint.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et la ponction de 12 milliards de francs sur la famille ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame le ministre, vous avez déclaré devant la commission des affaires sociales que la réforme Balladur permettra d'économiser simplement deux milliards de francs. Je vous réponds qu'il s'agit, en fait, non pas de deux milliards de francs, mais de deux cents milliards de francs à l'horizon 2010, selon les comptes que l'on a effectués,
Conséquence logique des choix gouvernementaux : la branche vieillesse du régime général devrait être encore déficitaire de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 2,3 milliards de francs en 2001, malgré des hypothèses macro-économiques optimistes, comme l'a déjà souligné M. Delaneau.
La persistance de ces déficits est d'autant plus préoccupante que la branche vieillesse bénéficie aujourd'hui d'une situation démographique exceptionnellement favorable, résultant de l'arrivée à l'âge de la retraite des classes creuses d'avant-guerre.
Ces déficits répétés et permanents amènent à s'interroger sur la signification que peut dès lors revêtir la constitution concomitante de « réserves » pour les retraites. Il est en effet quelque peu paradoxal de tenter de constituer des réserves pour l'avenir alors que les déficits accumulés alourdissent la dette qui pèse sur les générations futures.
En outre, le projet de loi n'apporte pas de véritable réponse aux autres problèmes immédiats.
La réforme de l'assurance veuvage qu'il prévoit paraît insuffisante eu égard aux besoins des personnes atteintes par le drame du veuvage et aux excédents structurels que connaît le fonds national de l'assurance veuvage.
La réforme des aides à domicile, si elle est positive, est pour le moins hâtive et, à l'évidence, inachevée. A ce sujet, Mme la ministre s'est excusée de l'initiative prise à l'Assemblée nationale.
Certes, la Haute Assemblée ne peut qu'être favorable à l'exonération totale des cotisations sociales patronales accordées aux associations d'aides à domicile. Nous avions d'ailleurs déposé des amendements en ce sens, comme Mme Dieulangard a bien voulu le rappeler en commission des affaires sociales. Il nous paraît en revanche très contestable de financer cette mesure par le plafonnement drastique des exonérations dont bénéficient les personnes âgées de plus soixante-dix ans...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Votre raisonnement est totalement incohérent.
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... même si Mme la ministre a cru bon de souligner que seules seraient touchées les personnes âgées considérées comme les plus aisées. Autrement dit, c'est toujours la même politique, qui consiste à taxer les familles que l'on considère comme riches en leur demandant de faire un effort supplémentaire. Pourtant, un examen plus approfondi de la situation de chacune d'entre elles conduirait certainement à relativiser l'appréciation.
S'agissant de l'avenir des régimes de retraite, le Gouvernement subordonne toute réforme d'ampleur à la publication du nouveau diagnostic sur les retraites demandé au Commissariat général du Plan, dirigé par M. Charpin.
Nous attendons donc avec intérêt les résultats de cette étude. Je me demande cependant s'il était vraiment nécessaire d'établir une nouvelle investigation sur les retraites, trois ans à peine après la publication du rapport intitulé « Les perspectives à long terme des retraites », en 1995.
Dès cette date, les problèmes structurels étaient largement connus et nombre de rapports ont été consacrés à ce sujet. Je pense qu'ils étaient suffisants pour permettre au Gouvernement, dès sa prise de fonctions, de proposer très rapidement des mesures structurelles.
Ce rapport de 1995 était, à mon avis, suffisamment clair. Il a notamment mis en lumière l'ampleur des déséquilibres futurs de nos régimes de retraites.
Dès 1995, on savait en effet que les besoins de financement annuels du seul régime général seraient de 55,4 milliards de francs en 2010 et de 107 milliards de francs en 2015, soit, à cette date, l'équivalent de 4,3 points de cotisation supplémentaires.
Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement était dès lors évalué à 56 milliards de francs en 2010 et à 80,2 milliards de francs en 2015.
Si l'on additionne les besoins de financement annuels, pour 2015, des différents régimes étudiés par ce rapport - régime général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC, les exploitants agricoles - on obtient un total de 330 milliards de francs. Or cette étude ne porte, pour l'essentiel, que sur une partie des régimes de salariés. Les besoins de financement totaux de l'ensemble des régimes de retraite en 2015 seront donc supérieurs à ce chiffre.
A la lumière de cette étude, les effets de la réforme de 1993 apparaissent très positifs, mais insuffisants. Les économies liées à cette réforme, y compris la création du Fonds de solidarité vieillesse, permettront, je l'affirme et le répète, de réduire le déficit de 200 milliards de francs à l'horizon 2010.
Face à ces difficultés prévisibles, la création par le projet de loi d'un fonds de réserve pour les retraites n'apporte qu'une réponse tout à fait dérisoire aux besoins futurs.
Le Gouvernement a indiqué que ce fonds serait, dans l'immédiat, alimenté à hauteur de 2 milliards de francs par un prélèvement sur les excédents de la contribution sociale de solidarité des sociétés et du fonds de solidarité vieillesse. Cette somme correspond à un jour de versement de prestations vieillesse de notre pays, il faut le savoir.
Le Gouvernement a également évoqué - mais sans s'engager formellement - une éventuelle affectation du produit de la cession des parts représentatives de droits de propriété sur les caisses d'épargne, à hauteur de 15 milliards de francs environ, à l'occasion de la réforme annoncée des caisses d'épargne.
Il a également mentionné la possibilité d'une affectation des « excédents futurs de la sécurité sociale », ce qui nous semble aujourd'hui plutôt utopique si l'on tient compte des chiffres.
M. Alain Gournac. C'est le moins qu'on puisse dire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les sommes affectées cette année au fonds de réserve et les éventuels compléments évoqués par le Gouvernement représentent un montant dérisoire par rapport aux besoins futurs et n'apparaissent décidément pas à la hauteur des enjeux.
Les besoins, on l'a vu, sont énormes.
Pour que le fonds de réserve apporte, par les revenus financiers qu'il dégagera, une réponse crédible aux besoins futurs, il faudra en effet atteindre très rapidement un montant d'encours global colossal, évalué, selon les hypothèses des experts - la fourchette est large ! - entre 4 000 et 9 000 milliards de francs, soit l'équivalent du produit intérieur brut de notre pays.
Pour alimenter ce fonds, l'éventualité d'une surcotisation n'est pas exclue, semble-t-il, par le Gouvernement. Je me demande cependant si les actifs accepteront de bonne grâce une surcotisation qui constituerait indéniablement une augmentation des prélèvements obligatoires.
La création de ce fonds soulève, en outre - j'y ai fait allusion au début de mon propos - d'autres interrogations qui n'ont pas encore reçu de réponse : quel sera l'horizon de placement et, par conséquent, quels seront les supports financiers de ce fonds de réserve ? Qui sera chargé de la gestion de ce fonds ? Selon quelles modalités de contrôle ?
M. Alain Gournac. On ne sait pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur toutes ces questions, nous n'avons pas pu obtenir de réponse précise jusqu'à aujourd'hui. Elles sont reportées à plus tard.
La décision de créer ce fonds de réserve revêt donc une dimension essentiellement symbolique et politique. Le Gouvernement craignait manifestement, à mon sens, de se faire accuser d'attentisme sur la question des retraites. Il a souhaité prendre une initiative à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Ce contexte explique le caractère quelque peu précipité de cette décision dont les modalités et les finalités restent encore très incertaines.
Mes chers collègues, les membres de la commission des affaires sociales n'entendent pas, pour autant, condamner le principe d'un tel fonds de réserve. Je relève simplement que le Gouvernement n'est pas en mesure de présenter aujourd'hui un dispositif cohérent et crédible et que son projet apparaît comme manifestement inachevé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Où est le vôtre ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Avec la création de ce fonds de réserve, le Gouvernement prend le risque de susciter des espoirs vite déçus. Il y aurait, en effet, un grand péril à ce que nos compatriotes soient amenés à considérer que ce fonds résoudra les difficultés futures des régimes de retraite. A l'évidence, ce type de fonds de réserve ne peut constituer à lui seul une solution réaliste aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Je regrette par conséquent que des réformes indispensables soient encore repoussées. Je pense notamment à la réforme des régimes spéciaux de retraite et à la création de fonds de pension. Beaucoup ont essayé, mais personne n'est allé jusqu'au bout de la réforme nécessaire - il faut le reconnaître - et ce quels que soient les gouvernements.
La réforme des régimes spéciaux constitue, chacun en a conscience, un sujet délicat. Cependant, les perspectives de ces régimes ne sont pas plus favorables que celles du régime général.
Il est par conséquent indispensable d'engager sans tarder une réflexion en profondeur sur la nature, les conditions d'équilibre et l'avenir de ces régimes. La première étape d'une réforme pourrait être l'institution d'un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
La commission des affaires sociales considère que l'introduction d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds de pension, est également une réforme indispensable.
Le Gouvernement - M. Delaneau l'a rappelé tout à l'heure - semble aujourd'hui se rallier à cette position. Je ne peux que m'en féliciter.
En effet, si le Gouvernement a annoncé à l'Assemblée nationale, à l'occasion du débat sur le présent projet de loi, l'abrogation prochaine de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite, il a également fait savoir qu'il déposerait, en 1999, un projet de loi instituant un nouveau dispositif d'épargne-retraite par capitalisation, qui semble s'apparenter fortement aux fonds de pension que l'actuelle majorité refusait il y a peu. Il semblerait que ce soit blanc bonnet et bonnet blanc.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. A plus long terme, enfin, la question de l'allongement de la durée de la vie active devra nécessairement être abordée. Des mesures ont été prises sur le plan réglementaire par M. Balladur en son temps. Cet allongement permettrait d'éviter que le vieillissement de la population ne se traduise par des déficits considérables ou par une forte augmentation des cotisations sociales.
Le principal obstacle à cet allongement de la durée de la vie active, il faut le reconnaître, réside dans le fonctionnement du marché du travail, qui exclut de manière de plus en plus prématurée les personnes les plus âgées. La France a ainsi pour caractéristique de présenter à la fois le plus faible taux d'activité avant vingt-cinq ans et après cinquante-cinq ans, et la plus forte réduction de l'activité aux âges élevés.
L'allongement de la durée d'activité suppose bien évidemment un changement des mentalités et la création d'un marché du travail pour les salariés âgés, avec l'encouragement du travail à temps partiel ou à temps choisi. Les gouvernements successifs ont pris des initiatives dans ce sens, mais il faudra faire plus.
Telles sont les réflexions qu'ont inspirées à la commission des affaires sociales les dispositions relatives à l'assurance vieillesse de ce projet de loi. Nous présenterons, bien évidemment, un certain nombre d'amendements pour corriger ce texte, afin qu'il s'approche le plus possible de ce que nous sommes en droit d'attendre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes au moins tous d'accord sur un point : notre système de protection sociale est un acquis essentiel de la nation. Créée par le général de Gaulle, élargie, améliorée et généralisée par la Ve République, notre solidarité sociale est actuellement menacée, car son équilibre financier n'est pas garanti à terme. C'est là que nos opinions commencent à diverger.
Nos concitoyens sont tous concernés par la conservation et la préservation de leur système de protection sociale, auquel ils consacrent des sommes importantes et croissantes.
La France se caractérise par un niveau de prélèvements sociaux parmi les plus élevés des pays développés. Ces prélèvements sont passés de 16 % du produit intérieur brut en 1970 à 21 % en 1980 et 23 % en 1990, pour atteindre un maximum de 25,4 % en 1993. Ils se sont depuis stabilisés aux environs de 25,2 % du PIB.
Les prélèvements sociaux représentent désormais 47,7 % du total des prélèvements obligatoires, les prélèvements de l'Etat n'en représentent plus que 33,5 % Cet écart doit commencer à vous faire réfléchir.
Dans un espace économique ouvert, où la circulation des hommes et des capitaux est libre, à l'heure des critères de convergence, ce pôle de haute pression des charges sociales qu'est la France n'est pas neutre pour notre compétitivité économique, et donc pour l'emploi. En outre, le financement de la sécurité sociale a aussi changé de nature. Il repose de plus en plus largement sur des ressources d'origine fiscale.
Le montant des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale devrait s'élever à 438,6 milliards de francs en 1999, soit une progression de 8,8 % par rapport à 1998. L'essentiel est constitué par la CSG, dont le produit s'établirait à 352 milliards de francs, en progression de 11,4 % par rapport à 1998. Au total, les ressources fiscales affectées à la sécurité sociale représentent 21 % du budget social.
A ces recettes fiscales directement affectées, il convient cependant d'ajouter les concours budgétaires de l'Etat, qui atteignent 212,3 milliards de francs pour 1999, en progression de 4,3 % par rapport à 1998. Au total, ce sont près de 34 % des ressources sociales, soit plus du tiers, qui proviennent des produits fiscaux.
J'estime que les ressources de la sécurité sociale ont atteint désormais un niveau suffisant pour assurer toutes les missions de solidarité que s'assigne la nation, à la condition d'être toutefois mieux gérées. Des économies substantielles peuvent être réalisées, grâce à des redéploiements de moyens. Encore faut-il avoir le courage d'analyser lucidement tous les dysfonctionnements de notre système de protection sociale, de cerner clairement les enjeux futurs, comme l'ont fait avant moi mes collègues rapporteurs, de renoncer aux mesures partielles, ponctuelles et inefficaces, qui se sont régulièrement succédé pendant près de vingt ans, et d'engager, enfin ! des réformes de fond.
Telle était l'approche du plan de réforme lancé en novembre 1995 par M. Alain Juppé. Les principes de ce plan sont toujours d'actualité : impliquer le Parlement - nous en sommes à la troisième loi de financement de la sécurité sociale - remédier aux problèmes à long terme, maîtriser les dépenses, associer et responsabiliser tous les acteurs.
Le Gouvernement actuel a critiqué les orientations de son prédécesseur. C'est son droit, mais il ne propose rien d'autre. Il refuse de poursuivre des politiques reposant sur une vision de long terme, alors que des pans entiers du système de protection sociale sont perturbés, telles les branches famille et maladie, ou menacés, telle la branche vieillesse ; les rapporteurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ont dit.
Après les critiques que la commission des finances avait formulées sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et qui se sont révélées exactes, je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que je suis déçu par le projet de loi de financement que vous défendez aujourd'hui devant notre assemblée.
Tout d'abord, ce projet de loi est encore présenté cette année en encaissements et en décaissements. Or, vous savez qu'un tel système comptable est non seulement complexe, mais aussi totalement inadapté. Comme l'ont souligné la Cour des comptes et la Commission des comptes de la sécurité sociale, vous n'êtes pas en mesure d'avoir des comptes clairs, fiables et consolidés du système de protection sociale. Aucune des promesses qui ont été faites au Parlement sur ce point n'ont été tenues à ce jour.
J'espère que votre engagement de passer l'an prochain à une présentation en droits constatés sera tenu. Il n'est pas nécessaire d'insister sur le progrès que constitue la comptabilité en droits constatés en termes de clarté et de sincérité.
Le présent projet de loi de financement repose sur des prévisions tendancielles. Celles-ci font état d'un retour du régime général à un léger excédent de 300 millions de francs en 1999. Pour l'ensemble des régimes de base, l'excédent serait de 3,3 milliards de francs.
Cette prévision est essentielle. Selon le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances, l'excédent total des administrations de sécurité sociale est estimé à 0,15 point de PIB l'an prochain. Ce pourcentage correspond à un montant de 13 milliards de francs. Le déficit budgétaire n'étant réduit que marginalement, c'est du redressement des comptes sociaux que dépend la qualification de la France pour la monnaie unique. Cette prévision apparaît totalement irréaliste à votre commission des finances. Au vu des chiffres que vient de citer Alain Vasselle, notamment les centaines de milliards de francs qui seront nécessaires pour parvenir à terme à l'équilibre, je crois que cette opinion est fondée.
En effet, la prévision générale de croissance qui sous-tend le projet de loi de financement de la sécurité sociale est identique à celle du projet de loi de finances. Elle appelle les mêmes réserves. Mais je n'aborderai pas ici le débat que nous aurons dans quelques jours avec votre collègue ministre de l'économie et des finances.
Je rappellerai simplement que les comptes sociaux sont particulièrement sensibles à la conjoncture. La prévision essentielle porte sur l'évolution de la masse salariale. L'hypothèse d'une progression de 4,3 % en 1999 apparaît peu vraisemblable en raison non seulement du taux de croissance, mais aussi de la modération salariale qui accompagnera la réduction du temps de travail. Vous ne nous avez malheureusement présenté aucune simulation sur les conséquences de l'application de la législation sur les 35 heures et l'évolution de la masse salariale. Je rappelle qu'un point de masse salariale en moins égale 9 milliards de francs de recettes en moins pour le régime général.
Je formule une réserve encore plus forte relative aux dépenses d'assurance maladie. Les comptes tendanciels reposent sur l'hypothèse d'une progression des dépenses d'assurance maladie qui ne se situerait pas dans le prolongement de 1998, soit 3,4 %, mais qui serait calée sur l'ONDAM fixé pour 1999, soit 2,6 %. Je crains que vous ne confondiez ainsi évolution tendancielle et objectif volontariste.
Si je considère l'équilibre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je ne suis pas plus rassuré. Vous utilisez les marges de manoeuvre conjoncturelles procurées par la croissance pour financer des dépenses structurelles en courant le risque d'une dégradation brutale du solde de la sécurité sociale si la croissance n'est pas au rendez-vous.
S'agissant des recettes, la mesure principale consiste dans la réaffectation de 5,6 milliards de francs d'excédents de contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S, qui iront au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Ces recettes supplémentaires permettront au FSV de financer des dépenses nouvelles au profit de la branche vieillesse et d'alimenter un fonds de réserve des retraites sur lequel je reviendrai, mais qui a longuement été commenté par notre collègue Alain Vasselle. J'observe que ce changement d'affectation de la C3S s'effectue aux dépens du BAPSA, et donc indirectement du budget de l'Etat qui l'équilibre. Tout cela, à l'évidence, manque de cohérence et de clarté.
Les autres mesures relatives aux recettes n'ont pas pour objet de procurer d'importantes ressources supplémentaires, et il faut s'en féliciter, à l'exception toutefois d'un amendement tabac qui a été introduit par l'Assemblée nationale et qui pose d'ailleurs de sérieux problèmes.
Certaines de ces mesures relatives aux recettes n'ont pas recueilli un avis favorable de la part de votre commission des finances.
La rectification proposée de la taxe sur les premix ne suffira pas à rendre cette dernière conforme au droit communautaire.
L'exonération totale de cotisations sociales pour les associations d'aide à domicile correspond - c'est vrai - à un souhait de votre commission des finances, mais elle est gagée sur un contingentement contestable du nombre d'heures exonérées.
La ponction sur les trésoreries de fonds divers destinée à combler le déficit du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales est une mesure qui paraît à la fois improvisée et critiquable.
Enfin, le relèvement du droit de consommation sur les tabacs, qui est censé procurer une recette supplémentaire de 1 milliard de francs, peut s'avérer contre-productive. En effet, une hausse impromptue de la fiscalité sur le tabac remettrait en cause l'accord intervenu entre les fabricants et le Gouvernement. Je vous rappelle que l'article 25 du projet de loi de finances prévoit déjà un relèvement du minimum de perception sur les cigarettes brunes.
L'accord prévoit en outre une augmentation des prix à la production en 1999, qui procurera une recette identique de 1 milliard de francs. La rupture de l'accord risque de déclencher une guerre des prix, qui serait néfaste en termes à la fois de santé publique et de rendement fiscal. J'ajoute que les différences constatées entre les prix français et ceux des autres pays européens, à l'heure de l'Internet et des livraisons gratuites, vont nous amener à une situation que vous n'avez peut-être pas examinée avec suffisamment d'attention, mais qui risque de rendre la mesure partiellement, voire totalement inefficace.
S'agissant maintenant des dépenses, le Gouvernement engage 5,4 milliards de dépenses nouvelles nettes, financées par le dynamisme espéré de la C3S et de la CSG.
Pour la branche famille, la principale mesure est la suppression du plafond des allocations familiales, d'un coût de 4,7 milliards de francs. La commission des finances y est d'autant plus favorable qu'elle était opposée, comme les autres commissions d'ailleurs, au plafonnement des allocations décidé l'an dernier. Toutefois, je souligne que cette mesure illustre parfaitement l'absence de politique à long terme de votre Gouvernement sur la politique familiale. Le coût du déplafonnement est compensé par le transfert à l'Etat du financement de l'allocation de parent isolé, l'API, soit une charge budgétaire nouvelle de 4,2 milliards de francs.
Mais cette budgétisation de l'API est financée par un abaissement de 16 380 à 11 000 francs du plafond du quotient familial, que la commission des finances n'estime pas justifié et, sur ce point, elle rejoint la commission des affaires sociales. Il n'y a aucune raison de faire payer aux familles le déplafonnement des allocations qui leur a été imposé l'an dernier. Logiquement, le quotient familial doit avoir un effet redistributif horizontal et non pas vertical, c'est-à-dire en fonction du nombre des enfants et non pas en fonction du niveau de revenu.
Pour la branche maladie, les dépenses nouvelles sont moindres. J'approuve les 500 millions de francs qui seront consacrés au dépistage organisé du cancer. En examinant dernièrement les financements consacrés à la lutte contre le cancer, j'ai constaté que cette politique souffre d'un défaut d'organisation qui nuit gravement à son efficacité. Je présenterai sur ce sujet un rapport mercredi prochain.
Sans être défavorable au principe de la création d'un fonds pour la qualité des soins de ville, doté de 500 millions de francs, j'estime que celui-ci devrait être inclus dans l'ONDAM.
Pour la branche vieillesse, comme l'a dit Alain Vasselle tout à l'heure, l'essentiel des dépenses nouvelles consiste dans les 2 milliards de francs qui seront consacrés au « coup de pouce » donné aux pensions, qui seront revalorisées de 1,2 % au lieu de 0,7 %, revalorisation calée sur la hausse des prix. Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que je ne trouve pas très responsable de distribuer ainsi du pouvoir d'achat aux retraités, alors que l'assurance vieillesse reste lourdement déficitaire et qu'en moyenne les revenus des retraités sont devenus largement supérieurs à ceux des actifs.
Quant à la branche accidents du travail, j'approuve bien entendu la diminution du taux des cotisations que j'avais déjà demandée l'an dernier. Mais je regrette qu'elle ne soit pas aussi importante que les marges de manoeuvre l'auraient permis. En effet, l'excédent de la branche devrait continuer de s'accroître en 1999 pour atteindre 1,9 milliard de francs. Cela est tout à fait anormal, alors que les comptes doivent être équilibrés et qu'il s'agit d'un élément non négligeable de la compétitivité des entreprises.
J'en viens maintenant au dispositif de régulation du système de soins, qui est modifié sur plusieurs points par le projet de loi de financement.
J'estime, madame la ministre, que vous avez une responsabilité majeure dans le dérapage des dépenses d'assurance maladie en 1998. Les chiffres montrent que l'accélération du rythme des dépenses date de l'été 1997. Pendant un an, avec M. le secrétaire d'Etat, vous n'avez eu de cesse de récuser la réforme Juppé et de dénoncer la « maîtrise comptable » des dépenses. J'affirme, au contraire, que la maîtrise comptable des dépenses d'assurace maladie est légitime et nécessaire, et qu'elle va de pair avec la maîtrise médicalisée. C'est une condition de la qualité des soins, car il ne peut y avoir de qualité sans une certaine contrainte. Les partenaires sociaux les plus responsables l'admettent et le disent, comme la CNAMTS ou la Mutualité française.
En tout cas, votre message de laxisme a visiblement été entendu. Alors que le premier ONDAM fixé à 1,7 % pour 1997 a été mieux que respecté, puisque l'on a fait moins, l'ONDAM pour 1998, pourtant fixé à 2,3 %, devrait être dépassé de quelque 6 milliards de francs, soit une hausse effective de 3,4 %. L'ONDAM pour 1999 devrait être fixé à 2,6 %.
Je résume : 1,7 %, 2,3 %, 2,6 %, en trois ans. Voilà une courbe ascendante qui illustre votre conception de la maîtrise des dépenses.
De surcroît, vous avez du mal à reprendre en main ce dérapage, car tous les instruments de la régulation apparaissent aujourd'hui en panne ou en retard.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé n'est toujours pas opérationnelle.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Parlons-en !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Parlons-en en effet. Nous attendons vos explications.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle n'existait pas quand nous sommes arrivés !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Le programme de médicalisation du système d'information n'est pas encore généralisé. La mise à jour de la nomenclature comme le codage des actes sont toujours à l'étude. Les agences régionales n'ont pas les directives ni le soutien politique qui leur est nécessaire.
L'informatisation du système de santé, qui conditionne l'efficacité de tous les autres instruments de régulation, n'avance pas. La carte Vitale 1 est toujours en phase expérimentale, tandis que la phase d'entrée en vigueur de la carte Vitale 2, celle qui sera essentielle à la maîtrise des soins, est reportée. Si les médecins s'équipent en micro-ordinateurs - et ils s'équipent rapidement - il manque encore les logiciel qui leur seraient utiles.
Les partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance maladie commencent à donner des signes de lassitude face à l'inaction de l'Etat. Ils s'interrogent sur la signification de leur participation. Le MEDEF, le Mouvement des entreprises françaises, qui a succédé au CNPF, a annoncé que, dans ces conditions, il envisageait sérieusement de se retirer de ce dispositif de partenariat.
Le projet de loi de financement fixe l'ONDAM à 629,8 milliards de francs pour 1999, ce qui correspond, je l'ai dit, à un taux d'augmentation de 2,6 % par rapport à l'ONDAM de 1998.
Cependant, si le non-respect de l'ONDAM en 1998 se confirmait, la progression de l'ONDAM en 1999 ne serait plus que de 1,6 % par rapport aux dépenses réalisées. Les objectifs, mes chers collègues, pourraient même être négatifs pour les postes qui dérapent le plus en 1998. Tout cela est totalement irréaliste.
Je constate avec regret, madame le ministre, qu'aujourd'hui vous n'apparaissez en mesure ni de faire respecter globalement l'ONDAM ni de contrôler les transferts de dépenses entre les différentes enveloppes qui le composent. Toute la crédibilité du dispositif s'en trouve amoindrie.
Le projet de loi de financement propose de pérenniser le mécanisme du reversement demandé aux médecins en cas de dépassement de l'ONDAM. Je regrette cependant que vous fassiez, à cette occasion, disparaître les éléments de régionalisation et d'individualisation du reversement.
Le projet de loi de financement propose également d'instaurer un mécanisme de reversement pour les laboratoires pharmaceutiques, qui jouerait si les dépenses de médicaments augmentaient plus vite que l'ONDAM. La commission des finances n'y est pas favorable. D'abord, parce que les progrès de la médecine peuvent justifier une progression des dépenses de médicaments plus rapide que l'ensemble des dépenses de santé - or, un médicament, théoriquement, sert à soigner. Ensuite, parce que ce mécanisme de reversement vide de son sens la politique conventionnelle conduite par le comité économique du médicament, qui repose sur des engagements prix-volumes des laboratoires.
La France, chacun le sait, bat des records de consommation médicamenteuse, tandis que son industrie pharmaceutique, on le sait moins, perd du terrain dans la compétition internationale. Seule une politique conventionnelle adéquate serait de nature à enrayer cette spirale.
Inadéquat au système de soins, votre projet de loi de financement est insuffisant pour les retraites. Je ne ferai qu'évoquer rapidement ce point, Alain Vasselle ayant fait une analyse tout à fait remarquable du dispositif existant.
Si nous sommes d'accord sur son principe, le fonds de réserve proposé apparaît comme un dispositif en trompe-l'oeil. Certes, le principe de « répartition provisionnée » dont il procède est supposé cumuler les avantages de la répartition avec ceux de la capitalisation.
Toutefois, sa dotation initiale de 2 milliards de francs est loin d'être à la mesure du problème, même si elle devait être complétée par le produit de la cession des caisses d'épargne. Le rapport du conseil d'analyse économique, qui préconise la mise en place de ce fonds, évalue le flux annuel de recettes nécessaires pour l'alimenter à 45 milliards de francs. Par ailleurs, le texte proposé ne définit ni les ressources, ni les missions, ni les modalités de gestion du fonds. Voilà qui fait quand même beaucoup !
Tout cela semble relever de l'improvisation et de la volonté de reporter les décisions de fond à des échéances futures non précisées. Sous prétexte de consultations complémentaires, vous repoussez encore les réformes structurelles nécessaires. Le retard pris dans la mise en place des fonds d'épargne de retraite, dont le principe n'est plus contesté, est particulièrement regrettable.
Enfin, je voudrais évoquer les plafonds de trésorerie fixés par le projet de loi de financement pour certains régimes de sécurité sociale.
Le plafond de trésorerie du régime général avait été fixé à 20 milliards de francs pour 1998, mais il a dû être relevé par décret à 31 milliards de francs en cours d'année. Le projet de loi demande au Parlement de ratifier ce décret. Or, le dépassement du plafond initial résulte surtout de la décision prise par le Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée scolaire. En effet, la CNAF doit en faire l'avance jusqu'à son remboursement par l'Etat. A notre avis, il serait temps de gérer l'allocation de rentrée scolaire de manière tant soit peu prévisible et cohérente.
Par ailleurs, le projet de loi de financement prévoit un plafond de trésorerie de 2,5 milliards de francs pour la CNRACL. L'autorisation d'endettement ainsi donnée à ce régime n'est pas acceptable. Mes collègues de la commission des finances et moi-même l'avions dénoncé l'année dernière. Je réitère mes protestations cette année.
En dépit d'un déficit prévisionnel de 2 milliards de francs, la CNRACL est structurellement excédentaire. Seule l'importance des transferts de compensation à sa charge, qui représentent 19 milliards de francs, soit 40 % de ses prestations, explique son déficit.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui, bien sûr !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Il serait absurde qu'elle s'endette pour financer ces transferts. Là encore, le Gouvernement temporise et reporte la réforme nécessaire des régimes spéciaux qui sont liés par la surcompensation.
La commission des finances s'oppose vigoureusement à cette mesure et demande au Gouvernement de présenter au Parlement un projet sérieux de réforme et d'équilibre à long terme de la CNRACL. Cela suppose une remise à plat de tous les régimes spéciaux de fonctionnaires qui sont liés par la surcompensation. Nous savons que cela est difficile, mais nous sommes persuadés que c'est nécessaire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Pour conclure, je souhaite évoquer la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, dont j'ai l'honneur de présider le conseil de surveillance, bien qu'elle ne figure pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale, ou plutôt, précisément parce qu'elle n'y figure pas. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, elle constitue un outil vertueux pour le remboursement d'une dette qui ne l'est pas.
L'existence même d'un endettement dans un système de protection sociale fondé sur la répartition est financièrement une aberration. On ne dira jamais avec assez de force que la CADES n'a pas vocation à accueillir tous les déficits futurs de la sécurité sociale. Or je crains que nous n'entrions dans une telle spirale. Les orientations du Gouvernement ne me paraissent pas garantir que ces déficits ne réapparaîtront pas à brève échéance.
Ainsi, mes chers collègues, considérant les défauts et les lacunes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la commission des finances - vous n'en serez pas étonnés - lui a émis un avis globalement très défavorable. (Applaudissements sur les travées du RPR.)

15

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Roland du Luart membre du conseil d'administration de l'établissement public Autoroutes de France.
Mes chers collègues, avant de poursuivre la discussion générale, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques minutes.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

16

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Voilà un an, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avait ouvert un débat de fond sur les orientations à prendre en vue de moderniser la sécurité sociale, de répondre durablement aux évolutions démographiques ainsi qu'à l'émergence de besoins nouveaux en matière de santé et de familles, de rompre avec les logiques comptables comme avec l'autoritarisme.
Vour preniez alors date, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour des réformes en profondeur.
Le projet présenté cette année ne répond pas pleinement, vous le savez, à nos souhaits.
Nous sommes fondamentalement attachés aux principes d'égalité, de solidarité, d'universalité et, de ce point de vue, nous nous félicitons du retour au versement des allocations familiales pour toutes les familles. Nous souhaitons d'ailleurs qu'elles soient accordées dès le premier enfant. Cependant, nous considérons que ces principes doivent présider à toutes les décisions qui intéressent la protection sociale.
Or, prétextant le coût exorbitant pour la collectivité du système de santé français, certains sont tentés de promouvoir des formules de mise en concurrence partielle de l'assurance maladie - du type de ce que propose AXA - ou de privatisation totale au bénéfice des assureurs. C'est cet esprit qui anime, par exemple, le rapport de M. Alain Lambert sur l'avenir des assurances, dont l'une des principales conclusions revient à une mise à mort programmée des mutuelles. Nous nous opposons évidemment à une telle perspective.
Des expériences étrangères - en Grande-Bretagne, avec des médecins gestionnaires de budgets, ou aux Etats-Unis, avec des réseaux de soins coordonnés - prouvent que la gestion des soins par des opérateurs en concurrence se traduit, certes, par une diminution des dépenses, mais aussi par des restrictions dans l'accès aux soins, pis, par une dégradation de la qualité de ces derniers et, finalement, par une santé à plusieurs vitesses.
Le Gouvernement fait d'autres choix, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Il fait le choix de la promotion de l'accès de tous à différents droits, notamment au droit à la santé, en soumettant au Parlement le projet de loi de lutte contre les exclusions, qui a été adopté en juillet dernier. Il faut d'ailleurs que soient publiés sans plus attendre les nombreux décrets d'application qui donneront à cette loi son effectivité et qui permettront d'améliorer sensiblement le quotidien des plus fragiles.
Il a fait le choix de l'élargissement de la solidarité, en préparant un texte qui instaure une couverture maladie universelle, ce qui est conforme au principe d'égalité.
Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir traduit budgétairement, dès cette loi de financement, les conséquences de la mise en place de la couverture maladie universelle, ce qui vous aurait permis d'afficher clairement votre volonté de voir tous nos concitoyens accéder sans discrimination aux soins ?
Au-delà des principes généreux d'accès de tous aux droits, pourquoi ne pas bannir définitivement le principe de sélection du domaine de la santé, y compris pour ce qui concerne l'assurance complémentaire maladie ? Ce serait faire barrage aux techniques assurantielles, aux tentations fortes de tarification différenciée selon la carte génétique de la personne, par exemple.
Intervenant à l'Assemblée nationale, vous vous êtes attachée, madame la ministre, à rassurer les Français en confirmant votre volonté de protéger le domaine de compétence de notre protection sociale. Vos propos ont été sans équivoque : « Les fonds de pension ne se substitueront pas au régime par répartition ; les assureurs privés ne se substitueront pas à l'assurance maladie. »
Nous considérons qu'il s'agit d'un engagement, de même que ce qui a été annoncé concernant l'abrogation de la loi Thomas, par exemple.
Aussi suis-je surprise de voir réapparaître aujourd'hui dans Le Monde, sous la plume de M. Jean-Claude Boulard, le principe des fonds de pension.
M. Jean-Pierre Fourcade. Moi, je suis content !
M. Claude Huriet. Nous, nous ne sommes pas surpris !
Mme Nicole Borvo. Moi, je suis surprise et mécontente !
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes surpris de votre surprise ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'atteindre l'équilibre financier l'an prochain. Après avoir constaté des déficits de près de 50 milliards de francs en 1996, de 33 milliards de francs en 1997 et de 13 milliards de francs cette année, après avoir fait les frais de ponctions successives sur leur pouvoir d'achat, les Français seront évidemment très sensibles au fait que l'on renoue enfin avec l'équilibre des comptes, et cela sans opérer de nouveaux prélèvements.
Votre démarche est tout à fait louable, madame la ministre. Je déplore toutefois, d'une part, que cet équilibre se fonde sur le pari risqué d'une croissance virtuelle et non pas sur la recherche de recettes nouvelles découlant de choix progressistes en matière de financement, et, d'autre part, que l'on reconduise des outils de maîtrise comptable des dépenses de santé.
Alors que l'on s'apprête à mettre en place la CMU, alors que des besoins en psychiatrie ou en gérontologie ne sont pas couverts, alors que des besoins nouveaux dans les domaines de la recherche, de l'innovation technologique et des soins devront être satisfaits, aucune ressource significative n'est prévue.
Dans ces conditions, comment équilibrer les comptes, si ce n'est en réduisant les dépenses ?
Or il est temps de relativiser les incidences des dépenses jugées excessives pour se concentrer sur le réel problème de la sécurité sociale, celui de son financement. Des facteurs tels que le chômage, le vieillissement de la population ou le désengagement des employeurs ont évidemment des conséquences sur le niveau des ressources, mais il convient aussi de ne pas minimiser, au regard du tarissement des sources de financement, l'incidence des exonérations et des allégements de cotisations patronales diverses et variées consentis a priori pour un motif légitime, à savoir la relance de l'emploi, sans d'ailleurs que cet objectif soit atteint.
L'an dernier, à la même époque, j'avais jugé négativement le basculement d'une part importante des cotisations salariales vers la CSG. En revanche, l'élargissement aux revenus financiers de l'assiette de la CSG était intéressant, mais j'avais regretté qu'il concerne uniquement les ménages, excluant une fois de plus les revenus financiers des grandes entreprises, des banques et des assurances. Enfin, j'avais apprécié que vous ayez pris l'engagement, madame la ministre, de travailler à une réforme des cotisations patronales pour remédier à la faiblesse chronique des recettes de la sécurité sociale.
Force est, malheureusement, de constater que ces engagements n'ont pu être tenus dès cette année. En effet, aucun des trente-six articles du projet de loi ne prévoit d'engager la réforme souhaitée. Seul le rapport annexé fait référence à cette dernière, et un nouveau rendez-vous est fixé au premier semestre de 1999 pour la présentation au Parlement d'un texte qui devra proposer « une assiette des cotisations moins sensible aux variations de la masse salariale ».
De plus, il est précisé que cette réforme se fera « sans accroître globalement les prélèvements sur les entreprises », ce qui présuppose que, si réforme il y a, elle se fera à volume constant de recettes. Vous n'envisagez pas de mettre à contribution les revenus du capital.
Certes, tout le monde s'accorde aujourd'hui sur la nécessité d'une telle réforme, mais les avis divergent quant aux modalités de celle-ci. J'espère que, au cours des consultations et des discussions futures, le Gouvernement prendra en compte les propositions communistes et qu'il les préférera à des exonérations de charges massives, injustes et, on peut le constater, inefficaces.
Nous proposons une autre piste, celle d'une modulation des cotisations patronales en fonction de la politique suivie par l'entreprise en matière d'emploi et de formation. Nous entendons aussi poser la question de la prise en compte des revenus financiers des entreprises dans l'assiette des prélèvements sociaux.
Cette question fondamentale du mode de financement de notre protection sociale doit être résolue, car elle conditionne les choix en matière de dépenses, et aussi l'existence et le devenir de notre protection sociale.
Pourtant, le présent projet de loi renferme des dispositions intéressantes en matière de politique de santé publique. Le rapport annexé contient ainsi un ensemble de mesures que nous ne pouvons qu'approuver, qu'il s'agisse de lutter contre les maladies iatrogènes, de réduire les inégalités dans l'accès aux soins, de rouvrir les dossiers des victimes de l'amiante ou d'étendre aux centres de santé la campagne de prévention et de soins bucco-dentaires à destination des jeunes.
Deux dispositions novatrices retiennent aussi toute notre attention.
Il s'agit, d'une part, de la possibilité offerte aux partenaires conventionnels d'étudier la mise en oeuvre de modes de rémunération autres que le paiement à l'acte, et, d'autre part, de la prise en charge à 100 %, par l'assurance maladie, des frais de dépistage des cancers féminins.
J'espère que ces dispositions préfigurent un changement de mentalité et que, à l'avenir, la CNAM s'inscrira beaucoup plus dans une logique active pour prendre en compte en amont les facteurs de risques et pour faire réellement de la prévention, de la détection et de l'éducation à la santé.
Telle n'est pas la logique qui prévaut aujourd'hui. En effet, faire des économies, dépenser moins, n'est-ce pas là le maître mot de la politique menée au sein de la CNAM, avec l'assentiment du vice-président du MEDEF, comme l'on nomme désormais le CNPF ? Cet été, alors que la presse relatait les dérives de l'assurance maladie, M. Johanet annonçait qu'il était possible de réaliser 100 milliards de francs d'économies sur les dépenses de santé. Plus récemment, présentant aux administrateurs son plan de « chasse au gaspi », il proposait comme remède un dirigisme accru en matière d'orientation des patients dans la filière de soins, des taux de remboursement variables selon le degré de contrainte accepté par l'assuré ou la fin des remboursements médicalement injustifiés.
Ce sont autant de fausses réponses, sous-tendues par une logique uniquement comptable étrangère aux besoins des assurés. Je suis prête à faire mienne la maxime « dépenser moins pour soigner mieux », à condition que l'on continue à soigner, et à soigner tout le monde, sans qu'aucun rationnement des soins ne soit instauré.
Or, en 1996, 15 millions de personnes ont renoncé aux soins, faute de moyens, et 6 millions de personnes se sont trouvées dans l'incapacité de financer une couverture complémentaire maladie, se privant de fait de soins dentaires ou différant l'achat de lunettes.
Les restrictions consécutives à la mise en place des outils voulus par M. Juppé ont touché les personnes déjà en grande difficulté, et, plus largement, elles ont contribué à marginaliser d'autres assurés sociaux. Le récent rapport du Haut Comité de santé publique indique ainsi que l'état de santé des Français est loin de s'être amélioré : les inégalités régionales demeurent et de nombreuses personnes continuent à être exclues du bénéfice de soins de qualité et de proximité.
Madame la ministre, pensez-vous sincèrement que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, plus élevé certes de 16 milliards de francs que celui de l'an dernier, donne au système de soins les moyens nécessaires et suffisants au bon accomplissement de sa mission ?
Il faut noter que cette augmentation de 2,6 % est à relativiser, puisqu'elle ne suit pas le rythme de la croissance.
Cela me conduit, à l'instar d'ailleurs de M. Evin, à douter que les quatre enveloppes, qui demeurent prédéfinies, soient suffisantes.
En ce qui concerne le service public hospitalier, je suis persuadée que ce n'est pas en opposant les hôpitaux parisiens, considérés à tort comme trop nombreux et trop coûteux, aux hôpitaux de province que l'on aboutira à une restructuration cohérente et juste de notre système hospitalier. Pourquoi mener de telles attaques frontales contre l'Assistance publique de Paris ? S'il est vrai que le fonctionnement de cette « superstructure » manque de démocratie et de transparence, on ne peut nier les réalités parisiennes, à savoir l'activité spécifique des hôpitaux, qui jouent un rôle moteur dans la recherche, notamment génétique, dans le traitement de pathologies rares et complexes, dans l'accueil des malades du sida.
A mon grand regret, l'hôpital est oublié dans ce projet de loi. Il est présenté comme le « bon élève » : on se félicite de la diminution effective du nombre de lits et on entend encore en supprimer 3 100, considérés comme excédentaires. Il est pourtant demandé à l'hôpital de s'adapter, de répondre à l'apparition de pathologies nouvelles, d'accueillir les plus démunis et d'assurer plus de sécurité, sans que soit pour autant desserré l'étau financier qui l'asphyxie déjà en partie et augmente la pénibilité du travail des personnels.
A ce propos, je déplore tout le tapage médiatique ayant entouré la publication du numéro spécial d'une revue, consacré au classement des hôpitaux, ainsi que la parution d'articles démagogiques sur l'offre de soins excédentaires ou sur les gâchis qui servent de justification aux restructurations.
Nous ne sommes pourtant pas partisans de l'immobilisme, mais je crois que l'on n'en est pas encore arrivé à la concertation dont vous venez de parler, monsieur le secrétaire d'Etat, et que les décisions continuent d'être prises de façon autoritaire, sans qu'il soit tenu compte de la réalité des priorités locales. Pourquoi ne pas conjuguer restructuration, d'une part, et modernisation des structures, recherche de qualité et de sécurité, quête de meilleures formations pour les professionnels de santé, d'autre part ? Les seuls fondements de ces dernières doivent impérativement être d'ordre sanitaire et non pas économique.
L'an dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, vous affichiez votre volonté de définir démocratiquement les besoins en matière de santé en organisant des états généraux de la santé. Permettez-moi à nouveau de regretter que ceux-ci se tiennent après le vote du présent texte, alors que, d'un autre côté, c'est à grands pas que progresse l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération et que, dès cette année, des décrets prévoient la fermeture de certaines maternités et, bientôt, le regroupement des services d'urgence.
A cet égard, il faut traiter le problème du désengagement des urgences, mais sûrement pas en interrompant les flux au détriment de l'état sanitaire et social de la population !
Pourquoi ne pas inverser réellement la démarche en partant des besoins en matière de santé pour en discuter démocratiquement avec l'ensemble de partenaires de santé, afin d'évaluer ensuite les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire efficacement les besoins les plus fondamentaux ?
Il n'est pas dans mon intention de laisser les dépenses augmenter sans contrôle. Je veux seulement que cette maîtrise des dépenses soit fondée sur des critères médicaux prenant en compte les besoins des assurés, d'une part, et sur la responsabilisation de chacun des acteurs, d'autre part.
Responsabiliser les médecins, les pharmaciens et les laboratoires pharmaceutiques, les sanctionner financièrement en cas d'abus, telles sont les mesures essentielles du volet « assurance maladie » de ce projet de loi. Je leur préférerais des mécanismes négociés conventionnellement, au fonctionnement moins aveugle.
Bien qu'amendé par nos collègues de l'Assemblée nationale, qui se sont abstenus, ce projet de loi demeure perfectible. Tout au long de ces débats, que j'espère constructifs, le groupe communiste républicain et citoyen témoignera de l'urgence qu'il y a à nourrir notre protection sociale d'autres ressources, afin que puissent être atteints les objectifs ambitieux que nous lui fixons. En revanche, nous sommes loin d'approuver les contre-propositions de la droite sénatoriale, dont la mise en oeuvre contribuerait, n'en doutons pas, à amoindrir davantage encore la satisfaction des besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons un exercice qui nous est dorénavant devenu familier, puisque nous procédons pour la troisième fois à l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si, à l'origine, certains ont pu avoir quelques réticences quant à ce qui pouvait être perçu comme une ingérence dans une sphère relevant essentiellement des partenaires sociaux, comme l'avaient voulu, voilà quarante ans, les concepteurs de notre sécurité sociale, la légitimité de l'intervention du Gouvernement et du Parlement n'est désormais plus remise en cause : ils concourent à renforcer la transparence et le fonctionnement démocratique de notre système.
Nous disposons à cette fin d'éléments de réflexion qui, compte tenu de la nouveauté de l'exercice, ont pu faire défaut les années passées : je pense notamment au rapport de la Cour des comptes, aux travaux de la conférence nationale de la santé ou de la conférence sur la famille, ainsi qu'au bilan dressé par le Haut Comité de la santé publique.
Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, notre protection sociale, telle qu'elle est conçue, est un élément constitutif de la cohésion sociale, et le contre-exemple américain illustre parfaitement les dangers d'une organisation fondée foncièrement sur l'individualisme.
Certes, les lieux d'expression demeurent encore peu nombreux, et conférer un nouveau rôle aux usagers figure d'ailleurs parmi vos priorités, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais les messages que ceux-ci nous adressent d'ores et déjà sont clairs. Ainsi, ils manifestent régulièrement pour la préservation du système de retraite par répartition, grâce auquel les générations futures seront reliées à leurs aînées. Ils n'admettent toujours pas que des prestations aussi indispensables que les soins dentaires, les frais d'optique ou les prothèses auditives soient aussi peu remboursées. Ils ne comprennent pas qu'un Français sur quatre se prive de soins et que 200 000 de nos concitoyens ne bénéficient d'aucune couverture sociale.
Nous devons donc renforcer le socle de notre système de protection sociale, tout en relevant de nouveaux défis.
Comment sauvegarder nos retraites, dans la perspective du nouveau paysage démographique qui se profile à l'horizon de l'an 2005 ? Comment rénover et renforcer le rôle joué par notre collectivité auprès des familles, et tout particulièrement des plus fragiles d'entre elles ?
Comment apporter des réponses plus efficaces aux besoins actuels de santé de la population, en garantissant l'accès de tous à ce droit essentiel ?
Face à ces enjeux, il doit s'agir de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés ; c'est ainsi que les conclusions de la conférence sur la famille ou du rapport Stasse inspirent directement des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Ces consultations préalables, voulues par le Gouvernement, sont garantes à la fois du processus démocratique qui préside à l'élaboration des réformes qui s'amorcent et d'une plus grande efficacité dans l'application des mesures législatives.
Madame la ministre, dans le présent projet de loi apparaît très clairement votre volonté d'atteindre deux objectifs indissociables et déterminants pour notre avenir.
Il s'agit, d'une part, de consolider les fondements de notre protection sociale, qui repose sur la solidarité entre citoyens, entre générations, ainsi que sur la justice sociale.
Il s'agit, d'autre part, de tendre vers l'équilibre, sans augmenter les prélèvements, qui, dit-on, atteignent des niveaux records, ni remettre en cause les garanties pour lesquelles cotisent nos concitoyens.
Le retour progressif à l'équilibre du régime général repose bien sûr sur une amélioration générale de l'état de santé de notre économie.
Il trouve ses sources également dans les mesures courageuses prises tant l'année dernière que cette année dans le présent projet de loi.
Il s'agit, d'abord, de la réforme en profondeur du financement de notre système d'assurance maladie, grâce au transfert des cotisations « maladie » à la charge des salariés vers une assiette plus large et plus juste à travers la CSG.
Il s'agit, ensuite, des mesures prises afin de faire face au déficit de la branche « famille » provoqué, notamment, par l'absence de financement des mesures de la loi relative à la famille, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes.
Ce retour à l'équilibre passe également par une maîtrise des dépenses maladie, à travers un ONDAM qui, cette année, est fixé à 2,6 %.
Mes amis MM. Gilbert Chabroux et Claude Domeizel aborderont respectivement la branche « famille » et la branche « vieillesse ».
J'aborderai, pour ma part, les principale mesures de la branche « maladie » et les innovations dans le domaine des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Le rapport présenté à M. le Premier ministre par le Conseil d'analyse économique, le 17 septembre dernier, fait état d'un bilan contrasté de notre système de santé : nous lui concacrons près de 10 % de notre PIB, alors que la moyenne européenne se situe à 8 %. Nous enregistrons des performances évidentes en matière d'espérance de vie des femmes ou de maladies cardio-vasculaires, mais des inégalités sociales et géographiques - qui sont intimement liées - perdurent.
Faire de la prévention, domaine dans lequel nous avons un retard, un axe majeur de notre politique de santé est un objectif qui devrait être partagé par tous. Le Gouvernement se donne, par le présent projet de loi, des moyens pour concrétiser cet impératif.
C'est ainsi que des programmes de dépistage de maladies mortelles évitables vont se développer en étroite concertation avec les professionnels, tels que les médecins du travail ou les caisses de sécurité sociale.
Mais surtout, évolution majeure, ces actes de dépistage vont être pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Il s'agit là d'une véritable et nécessaire rupture dans la politique de la CNAM.
Reconnaître la place d'un médecin-référent dans notre système de soins participe également de cette mobilisation en faveur de la prévention et ne se limite pas à la seule rationalisation des soins en vue de restreindre le « nomadisme médical ».
Son rôle revêt une tout autre dimension : en accordant une place prépondérante à l'éducation sanitaire et à la prévention, il est facteur de qualité et d'efficacité.
Promouvoir un autre mode de rémunération que le paiement à l'acte constitue un outil qui ne doit plus rester au stade expérimental. Il devrait permettre d'améliorer l'accompagnement médical de longues maladies, des démarches de désintoxication, voire de troubles psychologiques qui ne relèvent pas obligatoirement de la psychiatrie, je pense en particulier aux destructurations que peuvent engendrer la précarité du travail et la pauvreté, ou encore l'errance des jeunes marginalisés.
Autant de pathologies, autant d'usagers surtout pour lesquels il est nécessaire de disposer de temps d'accueil, de temps d'écoute, de temps d'éducation et de prévention. Tout ce qu'interdit trop souvent le paiement à l'acte. Je suis surpris, madame la ministre, que l'article 17 de ce projet de loi n'ait pas suscité plus d'intérêt. Il ouvre des possibilités d'extension du champ conventionnel pour une autre approche de la médecine.
Voilà une quinzaine d'années, nous avions tenté une telle expérience à Saint-Nazaire, fondée précisément sur une prise en charge globale du patient. Nous avons échoué car face aux frilosités et à certains archaïsmes, nous ne disposions pas d'assise juridique. Cet article 17 nous aurait été fort utile en 1983.
La qualité des soins et la sécurité sanitaire constituent une autre priorité. Le Gouvernement et le législateur se sont engagés depuis quelques années dans une démarche tendant à les améliorer.
Cette entreprise s'est tout d'abord concentrée sur les établissements hospitaliers, pour lesquels les pouvoirs publics ont instauré des procédures d'accréditation reposant sur les critères évolutifs au regard des priorités que nous déterminons.
Ainsi, vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il soit tenu compte des initiatives prises dans le cadre de la lutte contre la douleur.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, est le pivot de cette démarche sans doute encore trop balbutiante. Je note que ses compétences pourraient être élargies au-delà du secteur hospitalier afin d'intervenir, notamment, au niveau des réseaux de soins. Il me paraît évident que, à terme, les procédures d'évaluation, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, ne pourront se dérouler en traitant séparément la médecine hospitalière et la médecine de ville.
Le projet de loi vise à compléter le dispositif et à mettre en place des mécanismes susceptibles de combler le retard pris par notre pays en ce qui concerne l'évaluation qualitative de la médecine ambulatoire.
L'article 18 vise à élargir les compétences des unions de médecins libéraux afin qu'elles participent à ces évaluations. La Cour des comptes avait souligné l'imprécision du rôle qui leur était dévolu. La mission qui leur est confiée contribuera à asseoir leur légitimité et, par là, confortera leurs moyens.
Par ailleurs, nous savons tous que la qualité de notre médecine dépend très largement de la formation continue des médecins. Celle-ci ne peut se résumer aux opérations de promotion des laboratoires pharmaceutiques via leurs visiteurs médicaux. Si cette méthode n'est pas en soi condamnable, par son ampleur, elle prête le flanc à toutes les suspicions. Une réforme législative sur ce plan serait envisagée. Nous souhaiterions obtenir des informations sur les grandes orientations de cette réforme, notamment les modalités de définition du plan de formation.
Nous souhaiterions également obtenir une précision sur l'état d'avancement de l'informatisation des cabinets médicaux. L'Etat s'est engagé financièrement. Il semble toutefois que cet outil indispensable ne produise pas encore les effets escomptés.
Comment imaginer moderniser, améliorer, notre système sans l'utilisation, aujourd'hui en 1998, de l'informatique dans un rendement maximal ?
La création, pour cinq ans, d'un fonds d'aide à la qualité des soins en médecine ambulatoire devrait permettre d'impulser des actions innovantes pour concourir à l'amélioration de la coordination, au développement de nouveaux modes d'exercice, d'où l'intérêt de la disposition aux termes de laquelle sa gestion pourra être déconcentrée.
Nous avons aujourd'hui un peu de recul pour mesurer l'impact des quelques réseaux de soins qui se sont constitués. Ils recouvrent des formes multiples, mais ils ont tous vocation à améliorer la coordination, le suivi des patients et, en définitive, la qualité, l'efficacité et la rationalité.
Ils doivent être soutenus ; ils requièrent notre vigilance. La pratique de travail en réseau ne se décrète pas. Il y faut la détermination des acteurs, des moyens et des évaluations régulières.
J'en viens aux dispositions qui vont permettre d'assurer un meilleur suivi et donc une meilleure maîtrise de l'évolution générale de nos dépenses de santé. Elles ont focalisé l'essentiel des commentaires, parfois au détriment des réformes de fond que comporte ce projet de loi.
L'année qui va s'achever a été instructive à cet égard : la loi avait fixé un ONDAM à 2,27 % ; or dès les premiers mois, des dérapages ont été constatés, plus particulièrement dans l'enveloppe des soins de ville qui représentent près de 44 % de l'ONDAM. Cette progression a été de 6,9 % chez les spécialistes. Face à ces dérives, le Gouvernement, prenant acte de l'annulation des conventions qui fondent les relations entre les différents partenaires, a dû appliquer un plan d'urgence consistant, par exemple, à reporter des revalorisations d'acte.
Le projet de loi met en place des mesures de régulation structurelles. D'autres, plus conjoncturelles, visent à assurer l'équilibre dans le court terme. Elles responsabilisent à la fois les médecins, l'industrie pharmaceutique et les usagers.
Les mesures les plus significatives me semblent être celles qui sont relatives à la démographie médicale : le numerus clausus et l'incitation à la cessation anticipée d'activité ou à la reconversion.
Ces deux dispositifs sont modulés mais leur conjugaison doit permettre de parvenir à un rééquilibrage, tant au niveau des spécialités qu'au niveau géographique.
Il est tout de même surprenant que, jusqu'à ces dernières années, il n'y ait eu aucune rationalisation en ce qui concerne les formations et les installations. Par ailleurs, la part des prescriptions dans l'enveloppe des soins de ville est prépondérante : 143 milliards de francs sur les 212 milliards de francs de dépenses médicales pour 1998. Dès lors, il devient impératif d'intervenir sur ce poste, sans porter atteinte à la qualité des soins.
Un moyen existe et notre pays, contrairement à ses voisins, ne l'a pratiquement pas exploité : il s'agit des génériques, qui coûtent, en moyenne, 30 % moins cher, mais dont le taux de prescription est de 3 % seulement dans notre pays. L'article 23 autorise les pharmaciens à proposer la substitution aux patients ; ils ont, en ce domaine, un rôle pédagogique important à jouer.
Permettez-moi simplement de regretter que, depuis le temps que cette question est à l'ordre du jour, les médecins n'aient pas été à même de se responsabiliser, ou n'aient pas souhaité se responsabiliser, par rapport à cette mesure d'économie. Nous revenons là sans doute à la problématique de leur formation continue.
J'en viens maintenant à l'article 21 et à la logique qui le sous-tend. Aujourd'hui, plus personne n'ose remettre en cause cette évidence : les médecins, parce qu'ils sont ordonnateurs de dépenses publiques, parce que leurs revenus sont garantis par la solvabilisation de leurs patients, et donc par la sécurité sociale, doivent assumer certaines obligations qu'impose la pérennisation de notre système de protection sociale.
Ainsi, les gouvernements de gauche comme de droite ont jugé nécessaire d'instaurer, selon des modalités différentes toutefois, un mécanisme permettant de limiter les dérapages.
Dans un cas comme dans l'autre, ils ont souhaité faire confiance à la négocation conventionnelle avant d'envisager une intervention unilatérale des pouvoirs publics.
Le nouveau dispositif procède en deux étapes.
Au cours de la première, le Gouvernement met en place une sorte de monitoring qui permet d'apprécier au plus près l'évolution des dépenses, dans le cadre d'échéances suffisamment rapprochées, le quatrième puis le huitième mois, qui sont l'occasion de mettre en oeuvre des mesures pour garantir le respect de l'objectif, en accord avec les intéressés. Ces discussions peuvent se traduire par des ajustements de tarifs.
L'opposition - la majorité ici - en critique la fréquence en dénonçant le manque de souplesse, en cas d'épidémies par exemple, et l'absence de sécurité juridique que génère la révision à la baisse des tarifs des actes. Or, le principal intérêt de ce mécanisme est précisément d'intervenir suffisamment en amont pour maîtriser efficacement les dérives. L'expérience du dépassement de 10 % des radiologues est, à cet égard, édifiante.
Par ailleurs, il est paradoxal que certains regrettent le manque de concertation et, parallèlement, dénoncent un dispositif qui renforce le domaine conventionnel. Enfin, il faut rappeler que, en cas d'échec, l'intervention de l'Etat, demeure possible.
La seconde étape consiste à instituer, en dernier ressort, une contribution conventionnelle temporaire. Celle-ci fait certes appel à une logique différente de celle qui avait été retenue pour la contribution individualisée adoptée par la précédente majorité, puisqu'elle globalise le reversement selon les généralistes et les spécialistes.
Elle repose toutefois sur le même constat : les médecins doivent contribuer au financement du surcroît de dépenses qu'ils génèrent.
Le caractère collectif de cette contribution nous oppose. Nous considérons toutefois qu'il présente deux avantages par rapport à la formule de la contribution individuelle sanctionnée par le Conseil d'Etat : d'abord, il répond à la difficulté manifeste de décoder, à travers un relevé trimestriel d'activité, les comportements, afin de distinguer entre le médecin consciencieux, celui qui « fonctionne au rendement » et celui qui débute et dont la clientèle monte en puissance ; par ailleurs, il correspond à la même logique qui fait peser sur l'ensemble des usagers des cotisations identiques, quelle que soit leur « consommation médicale ».
En tout état de cause, cette contribution est proportionnelle aux revenus et ne s'appliquera pas aux médecins nouvellement installés.
Enfin, il est prévu une marge de manoeuvre autour d'un taux fixé par décret. Ce « tunnel », selon l'expression consacrée, apporte de la souplesse au cours de la procédure.
Le champ de la négociation conventionnelle avec l'industrie pharmaceutique est sans doute moins vaste que celui qui régit la profession de médecin. Le rôle du comité économique du médicament est encore mal défini et le projet de loi vise à le clarifier. La nouvelle clause de sauvegarde qui s'applique à l'industrie définit le cadre législatif de la participation de ce secteur économique à la maîtrise du déficit de la caisse d'assurance maladie.
M. Juppé, alors Premier ministre, avait décidé, au vu des dérapages constatés en 1995, de taxer de 2,5 milliards de francs cette industrie. Cette année, les mesures prises dans le cadre du plan d'urgence ont permis d'économiser 1,8 milliard de francs.
L'article 25, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale, dispose que la clause de sauvegarde s'appliquera dès lors que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France dépassera le taux de progression de l'ONDAM. Elle concernerait l'ensemble des industries pharmaceutiques et n'interviendrait qu'en ultime recours, tout comme pour les médecins d'ailleurs. Madame la ministre, vous nous préciserez la position du Gouvernement sur ce point.
Venons-en maintenant à la branche accidents du travail.
L'ensemble du mouvement associatif qui oeuvre auprès des victimes a salué les engagements que vous avez pris lors du centième anniversaire de la loi du 9 avril 1898. Ils visent à améliorer les conditions particulièrement draconiennes de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles, comme le souligne le professeur Got.
Sans attendre les mesures réglementaires qui seront prochainement publiées, le présent projet de loi assouplit les règles de prescription pour le calcul du délai de prise en charge des maladies professionnelles. Deux points de départ sont envisageables : la constatation de la causalité entre l'apparition de maladie et l'activité professionnelle ou la cessation de l'activité.
En ce qui concerne les maladies imputables à un contact avec l'amiante, le Gouvernement autorise un nouveau délai de deux ans afin que les victimes ou leurs ayants droit puissent obtenir réparation.
Trois chantiers, cependant, restent ouverts dans ce champ pour une future réforme.
Tout d'abord, le parcours du combattant que doit accomplir une victime doit être simplifié, et ce même si la loi de 1993 a déjà élargi certaines possibilités.
Ensuite, les conditions de travail des salariés sous contrats précaires, qu'il s'agisse des sous-traitants ou des intérimaires, doivent fait l'objet d'une surveillance accrue. Le secteur du bâtiment et des travaux publics n'est pas le seul concerné : dans un passé récent, les installations nucléaires ont été pointées du doigt après que des accidents particulièrement inquiétants se sont produits.
Enfin, des investigations plus précises et plus systématiques, susceptibles d'établir des relations de cause à effet entre une activité professionnelle et l'apparition de certaines pathologies, doivent être menées. Elles entrent dans le champ de compétences du nouvel institut de veille sanitaire. Les conditions d'exercice des médecins du travail devront vraisemblablement être modernisées.
Je terminerai cette intervention en formulant quelques remarques sur les dispositions relatives aux ressources contenues dans ce projet de loi.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si une étape fondamentale a été franchie l'année dernière grâce au basculement des cotisations maladie des salariés vers la CSG, un consensus se dégage sur la nécessité de procéder à une réforme des cotisations patronales. Vous avez d'ailleurs évoqué ce point, madame la ministre.
Vous savez, mes chers collègues, que les opinions divergent, y compris parmi les experts qui, à la demande des gouvernements successifs, ont été chargés d'éclairer nos réflexions : faut-il ou non transférer l'assiette de la masse salariale vers la valeur ajoutée ? Faut-il procéder à des exonérations sur les bas salaires en se rattrapant sur d'autres catégories salariales, au risque d'encourager un nivellement par le bas ?
Sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement entend organiser une consultation aussi large que possible. Cet engagement figure dans le rapport annexé.
Par ailleurs et très concrètement, le projet de loi procède à la révision de certains prélèvements et taxes. Il s'agit notamment d'assurer leur conformité avec la réglementation européenne. Ce faisant, le projet de loi permet d'en accroître le rendement en modifiant les modalités de perception ou d'en relever le niveau, ainsi que le prescrit l'amendement sur le tabac adopté par l'Assemblée nationale et auquel souscrivent les sénateurs socialistes.
Le projet de loi procède à la révision de deux régimes d'exonération des charges sociales.
Tout d'abord, le régime lié à l'embauche d'un premier salarié, qui est reconduit pour trois ans, verra l'exonération plafonnée à la fraction égale au SMIC.
Le Gouvernement a en outre satisfait une revendication récurrente et pleinement justifiée des associations intervenant au domicile des personnes âgées. Ces associations dénonçaient la distorsion qui existait entre l'exonération de 100 % dont bénéficiait la personne âgée de plus de soixante-dix ans employeur direct et l'exonération de 30 % leur étant appliquée. Il s'agit là d'une mesure essentielle qui vient appuyer ces structures dans leurs efforts de professionnalisation de l'aide à domicile.
Madame la ministre, dans le rapport annexé à ce projet de loi, le Gouvernement considère que la prestation spécifique dépendance n'est pas le bon outil pour prendre en charge convenablement la dépendance des personnes âgées. Il faudra donc en changer.
En attendant, ces dispositions d'exonération pour les associations sont de nature à améliorer considérablement la qualité du service rendu chez les personnes âgées dépendantes, le statut des salariés et l'équilibre financier des associations en charge de ce secteur. Nous nous en réjouissons.
Mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur un projet de loi qui pose avec détermination les grands axes de la rénovation de notre système de protection sociale.
Il contribue, dans le même temps, à définir les modalités de retour à l'équilibre qui vont bien au-delà des clauses de régulation envisagées dans le cadre de l'assurance maladie.
Le Gouvernement n'a pas perdu de temps, me semble-t-il ! Faut-il rappeler qu'il lui a fallu gérer les conséquences de l'annulation des conventions médicales négociées précédemment ? Faut-il revenir sur l'impact bénéfique de la réforme de la CSG ? Est-il nécessaire de rappeler les chiffres encourageants de la lutte contre le chômage ?
En conséquence, les sénateurs socialistes, parce qu'ils sont attachés au maintien de la protection sociale et hostiles à toute tentative de démembrement, soutiendront le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il est transmis par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que représentent à peine trois années pour que le Parlement puisse prendre la mesure des attributions nouvelles que lui ont conférées la loi constitutionnelle du 22 février 1996 et la loi organique du 22 juillet de la même année ?
Un délai sans doute insuffisant, à en juger par le texte du projet de loi et plus encore par le contenu des débats de l'Assemblée nationale, qui mettent l'accent sur les équilibres financiers des différents régimes au détriment de la réflexion sur « les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».
Je ne sous-estime pas les dispositions concernant diverses campagnes de dépistage ou la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ; mais le Sénat, dans sa sagesse unanimement reconnue, et grâce à la qualité de la réflexion et à la richesse des propositions de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, de MM. Jacques Machet et Alain Vasselle, rapporteurs respectivement pour la famille et pour l'assurance vieillesse, et de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, devrait corriger un déséquilibre qui ne correspond pas à l'esprit de la loi.
L'essentiel de mon propos portera sur l'assurance maladie et le système de santé.
Je voudrais apporter la contribution du groupe de l'Union centriste en dressant un constat de la situation actuelle et en proposant « quelques orientations de la politique de santé et de la sécurité sociale », puisque tel est l'un des enjeux du débat parlementaire.
Le débat qui s'ouvre aujourd'hui s'inscrit dans la durée. C'est un nouveau chapitre d'une histoire qui a débuté en juin 1992.
M. René Teulade, alors ministre des affaires sociales et de l'intégration, déclarait ceci devant la Haute Assemblée : « Maîtriser l'évolution des dépenses de santé est donc un impératif qui s'impose à tous, quels que soient la famille politique à laquelle on appartient et le système que l'on préconise. »
Après que le rapporteur, M. Charles Descours, eut apporté l'appui de la commission des affaires sociales au concept de « maîtrise médicalisée », je m'exprimai, au nom de mon groupe, dans les termes suivants : « Nous sommes pour une régulation des dépenses de santé, mais à deux conditions. D'une part, elle doit nécessairement s'inscrire dans une politique cohérente avec des objectifs clairement définis. D'autre part, elle suppose la libre adhésion et l'active participation de tous les acteurs du système de santé, faute de quoi on ne peut parler de maîtrise concertée des dépenses de santé. » (M. Leclerc applaudit.)
Six ans plus tard, je n'ai pas à rectifier ces propos. Je ne renie pas davantage les critiques que j'avais formulées sur les sanctions collectives inscrites dans les ordonnances du 24 avril 1996.
Le 14 décembre 1995, je déclarai à cette même tribune, au nom de mon groupe, parlant des médecins qui « jouent le jeu » en matière de maîtrise des dépenses : « Il faut s'interdire toute sanction collective. (...) Sanctionner ces médecins du fait d'attitudes contestables (...) de certains de leurs confrères, c'est faire une sorte d'amalgame au risque de démotiver (...) les membres des professions médicales qui sont conscients, pour la plupart, des difficultés actuelles et qui souhaitent apporter leur contribution pour les résoudre. »
C'est donc sans état d'âme et sûr de ne pouvoir être suspecté de changer de discours en fonction des changements politiques que je souhaite maintenant établir un constat de la situation actuelle et ouvrir des perspectives de solution.
Je commencerai par le constat. Si, comme chacun peut en convenir, le style a quelque peu changé, qu'on s'en félicite, dans l'opposition, ou qu'on le déplore, dans la majorité « plurielle », la politique actuelle prolonge les dispositions du « plan Juppé », à ceci près que les mécanismes sont plus rigoureux. Les ajustements de tarifs qui peuvent intervenir en cours d'année sont d'ores et déjà contestés, dans leur principe et dans leurs conditions d'application : c'est bien là que le bât blesse.
Les expériences des dernières années confirment, en effet, qu'on ne peut adapter le système de soins sans l'adhésion des professions de santé, et encore moins contre elles. Nous sommes, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, payés pour le savoir ! Les prises de position qui se sont multipliées au cours des dernières semaines incitent à penser que l'on doit s'attendre à un blocage, voire peut-être à une épreuve de force dans laquelle personne n'a rien à gagner.
N'est-il pas temps, alors, d'explorer toutes les voies possibles pour sortir d'une impasse qui serait préjudiciable à tous, en premier lieu aux malades, et mettrait en péril le système d'assurance maladie que chacun affirme vouloir préserver ?
J'en viens aux perspectives de solution.
On ne peut faire table rase du passé ni rejeter globalement les dispositions actuelles, d'autant que le projet du Gouvernement comporte quelques éléments, tels que le renforcement des unions professionnelles ou la modulation du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, le MICA, selon la zone géographique, qui peuvent servir de « points d'appui » pour aller plus loin dans la mise en oeuvre de solutions plus innovantes dont les maîtres mots pourraient être responsabilisation, évaluation, expérimentation, régionalisation.
Ces principes font d'ailleurs, pour la plupart d'entre eux, l'objet d'un certain consensus, puisqu'on les retrouve dans des déclarations sous des plumes aussi différentes que celles des ministres, des responsables de la CNAM, des syndicats professionnels, qu'ils soient partisans ou adversaires de la convention. Encore faut-il s'entendre sur le contenu !
La responsabilisation implique tous les acteurs et les bénéficiaires du système : « les politiques au niveau des décisions budgétaires en fonction des besoins sanitaires de la population et au niveau des choix de prise en charge en cas d'insuffisance des ressources ; les gestionnaires au niveau de la lutte contre le gaspillage et la recherche d'une gestion optimale ; les assurés sociaux au niveau du respect d'une certaine rationalisation du mode de consommation ; les professionnels de santé au niveau de la garantie de justes soins de qualité délivrés au juste coût, dans un contexte de coordination optimale des acteurs. »
Je viens de citer un large extrait du projet de la confédération des syndicats médicaux français, la CSMF. Et, sur ce point comme sur quelques autres - à vrai dire très rares - elles rejoignent les orientations stratégiques pour l'assurance maladie de 1998 à 2002 : « Aujourd'hui, le système de santé se caractérise par une concentration de la responsabilité sur l'Etat et l'assurance maladie et, à l'inverse, sur une déresponsabilisation des professionnels de santé, des assurés et des industriels au nom de la liberté individuelle. Il est aujourd'hui nécessaire de responsabiliser tous les acteurs. » Nous en sommes largement d'accord !
L'évaluation s'inscrit désormais dans toute démarche médicale. Elle est en effet source de progrès dans la pratique médicale quotidienne au plan individuel, et fondement de la « maîtrise médicalisée » à laquelle chacun souscrit pour autant que la profession soit partie prenante dans les structures d'évaluation telle que l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES. Le renforcement des unions professionnelles annoncées par le Gouvernement va d'ailleurs dans ce sens.
S'agissant de l'expérimentation, la complexité et la diversité des domaines inscrits dans le champ du système de santé, la multiplicité des acteurs et des structures, l'impossibilité - à laquelle la France n'est pas la seule à être confrontée - de trouver le système susceptible de répondre aux impératifs contradictoires que constituent les exigences croissantes du citoyen pour sa propre santé et la limitation des ressources que la collectivité peut lui consacrer, tous ces éléments devraient amener à accepter ou à promouvoir des expérimentations, en respectant toutefois un « cahier des charges » dont l'Etat serait le garant.
On en vient ainsi, tout naturellement, à constater qu'une telle démarche est incompatible avec le niveau national et que seul un niveau décentralisé - on pense à la région - peut s'y prêter.
Dans un entretien récent accordé au Quotidien du médecin le 20 octobre dernier, le professeur Claude Le Pen, économiste de la santé, déclarait : « Aucun assureur aux Etats-Unis ne suit plus de 17 millions de personnes. La CNAM en suit 50 millions. »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Pourtant, c'est mieux !
M. Claude Huriet. « Le pôle budgétaire est adapté à un système centralisé étatiste. L'autre système, qui s'appuie sur des critères de qualité et de sélection, ne peut vivre que dans une structure décentralisée. »
Alors, de la régionalisation, parlons-en... puisque désormais tout le monde, ou presque, en parle - en ce qui me concerne, je le fais depuis bientôt cinq ans - le commissariat général du Plan ayant mené une réflexion sur ce sujet voilà quinze ans !
La démarche est engagée : création des conférences régionales de santé censées définir les besoins de santé prioritaires, déclinaison des enveloppes financières régionales, schémas régionaux d'organisation sanitaire, création des unions régionales de médecins libéraux, des URCAM, des agences régionales d'hospitalisation. Tous les instruments nécessaires - ou presque - existent désormais.
En outre, chacun reconnaît la difficulté quasi insurmontable que l'on rencontre pour définir les « besoins de santé » à l'échelon national. Ce n'est pas le cas au plan régional, et des propositions ont été émises par le Haut comité de santé publique en matière d'allocation régionale des ressources.
Enfin le projet de loi permet d'aménager le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins libéraux et de mettre en place un dispositif d'aide à la reconversion modulable par région et par spécialité.
Ces dispositions « de bric et de broc » ne peuvent trouver leur cohérence que si l'on franchit le pas d'une régionalisation du système de santé. C'est à ce niveau que l'adaptation de l'offre à la demande de soins peut se faire avec une moindre inertie, sans compter que toute disposition visant à réguler le système, sanctions comprises - même la CSMF ne l'exclut pas - serait plus immédiatement efficace au niveau de la région, qui permettrait de tester la faisabilité et les conséquences de l'inversion de « l'arbre décisionnel » en partant des travaux des conférences régionales de santé - qui, à l'heure actuelle, n'ont pas un impact évident sur les priorités retenues - et de tenir compte des spécificités régionales en matière d'aménagement du territoire.
On peut d'ailleurs considéter que tout système de sanction collective apparaît d'autant plus injuste qu'il pénalise indéfféremment les médecins des régions qui respectent les objectifs et les médecins de celles qui les dépassent !
La région facilite l'appréhension des besoins de santé, permet une responsabilisation effective des acteurs, constitue un niveau d'évaluation pertinent et permet des expérimentations et des adaptations du système de santé.
Le Haut Comité de santé publique et la plupart des syndicats médicaux défendent l'idée de la régionalisation. Pourquoi ne pas tenter le pari, et tout faire pour qu'il réussisse ?
Toute réforme en profondeur demande du temps - vous l'avez dit à plusieurs reprises, madame la ministre - et chacun en est conscient. De plus, l'intérêt général commande que des mesures rapidement efficaces soient prises pour conforter le système de soins.
On a parlé des gaspillages que l'on impute aux médecins. Ils existent sans doute, et il faut leur « faire la chasse » - le carnet de santé peut d'ailleurs en être un des instruments - mais il ne faut pas en grossir les coûts sans en avoir établi les critères et sans tenir compte d'une évolution « sécuritaire » de la médecine, constatée par le Conseil d'Etat dans son récent rapport et qui répond à une exigence croissante de l'opinion dont l'effet le plus inquiétant consiste dans l'obligation de résultats, qui se substitue désormais de plus en plus à l'obligation de moyens. Comment définir les gaspillages ?
On a parlé des coûts de gestion excessifs des caisses, dont on fait grief à la sécurité sociale. Des économies sont possibles, mais leur effet sur l'évolution des dépenses de santé ne sera sans doute pas spectaculaire.
D'autres gisements d'économies existent, mais sont peu connus et peu explorés.
J'en citerai deux exemples.
En ce qui concerne l'insuffisance rénale, le coût du traitement était estimé à 8 milliards de francs en 1992 ; il atteint sans doute 10 milliards de francs en 1997, ce qui représente 1 % du bubget de l'assurance maladie pour traiter 3 500 patients, des patients dont on sait que le nombre va continuer d'augmenter.
Si, par des mesures appropriées - que l'Espagne a su développer - le nombre des transplantations rénales passait, en France, de quinze à vingt par million d'habitants, le « retour sur investissement » serait de 0,5 milliard de francs par an dès la cinquième année, et de 1 milliard de francs après une dizaine d'années.
L'encadrement réglementaire des pratiques de stimulation ovarienne, dont les indications extensives sont dénoncées par bon nombre de gynécologues accoucheurs, qui déplorent les conséquences médicales préjudiciables aux patientes et le coût financier de cette mesure, pourrait aussi être mis en place. Le coût du seul médicament qui existait en la matière jusqu'à ces derniers mois était ainsi estimé à 5 milliards de francs. Or la mise sur le marché de médicaments innovants, dits « recombinants », doublera ce coût, qui atteindra donc environ 1 milliard de francs par an.
De plus, les deux tiers de ces stimulations ovariennes sont pratiqués pour traiter des hypofécondités et des stérilités dont certaines sont consécutives à la prise régulière de contraceptifs, que l'on rembourse. En outre, ces hyperstimulations risquent de favoriser les grossesses multiples, ce qui entraîne des choix dramatiques puisque l'on en arrive parfois à envisager une réduction embryonnaire.
Ces deux exemples, parmi d'autres, montrent que l'intérêt des malades n'est pas contradictoire avec les préoccupations économiques, comme c'est aussi le cas de la lutte contre les infections nosocomiales. A cet égard, je vous rends d'ailleurs hommage, monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre action déterminée en la matière, les pathologies iatrogènes posant le problème, de surcroît, de la formation continue obligatoire des médecins.
Comment ne pas évoquer, avant de terminer mon propos, le coût de la non-qualité, puisque selon les spécialités il est estimé aux environs de 10 % à 15 % ?
Voilà, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, des possibilités d'économie sur la mise en oeuvre desquelles chacun de nous devrait s'accorder.
Au-delà de ces dispositions de court terme, au-delà des résultats optimisés que permettrait d'obtenir une politique régionale de santé, le renforcement de la lutte contre les fléaux sociaux s'inscrit dans une politique à long terme. Il est illusoire - je crois que, sur ce point aussi, nous pourrons être d'accord - d'opposer, en terme de choix budgétaires, la prévention et la médecine de soins : les deux sont indispensables, et les deux sont coûteuses.
Il faut aussi traiter les conséquences dramatiques du tabagisme, problème qui a été évoqué et qui le sera encore au cours de ce débat.
Tous les pays développés du monde sont confrontés aux mêmes difficultés en matière de financement des dépenses de santé. Ces difficultés expliquent d'ailleurs - sans toutefois l'excuser - une certaine indifférence quant à l'état de santé des trois quarts de l'humanité.
Pour répondre à ces difficultés qui ne sont pas conjoncturelles, liées qu'elles sont au vieillissement des populations, aux progrès de la médecine et aux attentes exigeantes de l'opinion, les solutions sont en nombre limité et portent tantôt sur l'offre, tantôt sur la demande de soins, ou sur les deux à la fois.
Les constatations que la commission des affaires sociales du Sénat a pu établir, lors de missions dans différents pays du monde au cours des dernières années, confirment qu'aucun pays n'a trouvé « la » solution et qu'aucune solution n'est transposable chez nous.
Le moment n'est-il pas venu de concevoir un système de santé plus performant, plus proche du citoyen consommateur et du producteur de soins, les rendant l'un et l'autre plus responsables ?
Ne s'agit-il pas là des caractéristiques de ce changement de culture auquel vous nous appelez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour bâtir un système de soins moderne à l'aube du XXIe siècle ?
C'est à une telle démarche, difficile mais de plus en plus nécessaire, que le groupe de l'Union centriste a voulu apporter sa contribution. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'annonce des principales dispositions contenues dans le troisième projet de loi de financement de la sécurité sociale a provoqué chez moi de l'intérêt et un sentiment plutôt favorable : le retour à l'équilibre des comptes du régime général, l'abandon du plafond de ressources pour les allocations familiales, la mise en oeuvre d'un fonds de réserve pour les retraites ainsi que quelques innovations concernant l'aide à domicile ou la création du fonds d'amélioration de la qualité des soins de ville marquent à la fois une continuité dans l'effort et un certain pragmatisme dans la démarche qui ne peuvent laisser indifférent.
M. Emmanuel Hamel. Nous ne sommes pas indifférents !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais l'examen plus attentif des articles du projet de loi après leur adoption par l'Assemblée nationale et l'éclairage qui leur est donné par la commission des affaires sociales et par la commission des finances me conduisent à davantage de réserve et à quelques interrogations que je résumerai autour de cinq points principaux : les carences du texte, la maîtrise des dépenses de santé, l'avenir des prestations et allocations familiales, le financement des régimes de retraite et la solidité de l'équilibre recherché pour le régime général.
S'agissant des carences du texte, je m'étonne, bien sûr, que les longues études et les multiples rapports publiés depuis l'année dernière ne débouchent sur aucune proposition solide et sérieuse dans deux domaines essentiels aussi bien pour la protection sociale des Français que pour la compétitivité de nos entreprises : il s'agit d'abord de la couverture maladie universelle, fréquemment évoquée lors du récent débat sur la lutte contre l'exclusion, et ensuite de l'assiette des cotisations patronales.
Les responsables locaux que nous sommes constatent tous les jours les failles de notre système d'assurance maladie, soit que nos concitoyens soient mal informés et mal orientés, soit que la complexité et l'imbrication des minima sociaux laissent trop de personnes à l'extérieur des régimes.
Je sais bien que la mise en place d'une couverture généralisée bute à la fois sur la différence des prestations maladie entre le régime général et le régime des travailleurs non salariés - sur lequel va-t-on s'aligner ? - et, surtout, sur le délicat problème des assurances complémentaires. Mais je demande instamment au Gouvernement d'accélérer ses travaux : l'hiver arrive, et il n'est pas digne d'un pays développé comme le nôtre de continuer à s'en remettre aux organismes charitables pour combler cette lacune.
L'autre carence, c'est bien évidemment l'absence de toute réforme de l'assiette des cotisations patronales. Tous les orateurs qui m'ont précédé se sont interrogés sur l'alignement sur la valeur ajoutée, sur les charges sociales au niveau des bas salaires, sur le caractère pérenne des divers systèmes d'incitation à la création d'emplois.
Nous dépensons beaucoup d'argent pour l'ensemble de ces mécanismes, mais il est clair que la convergence des politiques économiques que les pays engagés dans la mise en oeuvre de l'euro vont devoir mettre en oeuvre rapidement nous obligera, d'une part, à prendre des décisions et à nous y tenir, d'autre part, à évaluer les résultats de chacun de nos mécanismes de diminution ou d'allégement des charges sociales. Là non plus, on ne peut pas attendre !
Je sais bien, madame la ministre, que votre collègue le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie estime que la réforme de l'assiette de la taxe professionnelle se présente comme une alternative à l'allégement des charges sociales frappant les bas salaires.
Je ne vais pas ici, entre nous, ouvrir un débat sur la réforme de la taxe professionnelle, mais il est clair qu'il n'en est rien : il faudra bien en venir à réformer en profondeur un système de prélèvements sociaux qui repose encore à plus de 67 % sur la masse salariale, et il est évident que la mise en place de la monnaie unique nous obligera à forcer les étapes.
J'en viens, en deuxième lieu, à mon interrogation sur la maîtrise des dépenses de santé.
Je constate tout d'abord que, pour 1997, l'ONDAM - c'est là un terme barbare connu des seuls spécialistes - a été à peu près conforme aux prévisions.
Pour 1998, il ne sera sans doute pas respecté. Je ne vous en ferai pas le grief en prétendant que ce non-respect est dû aux tergiversations du Gouvernement. Il a, en fait, un certain nombre de causes, parmi lesquelles l'absence de continuité.
Pour 1999, l'objectif proposé marque une progression de 2,6 %, ce qui dénote un léger desserrement des contrainte, car vous êtes bien obligée de tenir compte de l'accord signé par M. Zuccarelli pour les trois fonctions publiques, accord très coûteux pour le système hospitalier comme pour les collectivités locales.
Excepté la création d'un fonds d'aide à la qualité des soins de ville, dont je suis heureux de vous féliciter, tant il est important, à mes yeux, d'essayer d'améliorer le système, et notamment de susciter la mise en réseau d'un certain nombre de médecins, les instruments de maîtrise comptable que vous proposez ne me semblent pas efficaces, d'autant que le projet de loi est relativement muet sur la réforme hospitalière.
En matière de réforme hospitalière - je parle avec mon expérience de président du conseil de surveillance d'un établissement hospitalier d'Ile-de-France - les méthodes suivies risquent d'asphyxier les établissements dont l'activité se développe pour maintenir les établissements dont l'activité stagne ou recule.
Ce risque est très grand parce qu'on va ainsi décourager les établissement hospitaliers qui améliorent leur productivité. Le projet de loi aurait pu être un peu plus précis sur ce point.
Dans quelques années, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que l'on décline l'ONDAM par région dans le projet de loi, de manière que la péréquation soit transparente et connue de tous.
Il faut un lien entre le développement de l'activité d'un établissement hospitalier et son objectif de croissance. Le système actuel est trop global et, comme l'a dit mon excellent collègue M. Huriet, trop centralisé pour être efficace.
Quant aux instruments de maîtrise comptable que vous proposez concernant les médecins de ville et les médicaments, je crains qu'ils ne signifient la fin de la politique conventionnelle. Dans ce domaine, il y a plutôt recentralisation que déconcentration.
J'ai soutenu le plan Juppé, car j'estime que l'on ne peut pas préserver les caractéristiques essentielles de notre système d'assurance maladie en laissant dériver les dépenses de santé n'importe comment. Je suis donc partisan d'une maîtrise médicalisée.
M. Huriet a proposé quelques orientations que j'approuve, fondées sur la régionalisation, la décentralisation et le développement de la pratique conventionnelle.
La commission, quant à elle, a déposé sur l'article 21 un amendement qui modifie le texte gouvernemental.
Je suis persuadé que c'est entre ces types de solutions qu'il faudra choisir. Je serai très attentif à la position que retiendra le Gouvernement au moment de la discussion dudit article.
En troisième lieu, je veux faire état de mon inquiétude pour l'avenir de notre système d'allocations familiales.
Après avoir confirmé mon accord - je l'ai dit en préalable - à la suppression malencontreuse du plafonnement des allocations familiales - ah ! si vous nous aviez écoutés l'année dernière, madame la ministre ! - je suis inquiet du traitement que le projet de loi fait subir à la branche famille.
Mon excellent ami Jacques Machet a fait état de la revalorisation de 0,7 % des prestations et des allocations. Celle-ci est quelque peu atténuée par le décalage d'un an des majorations pour âge.
En outre, il faut savoir que le niveau de vie de nombreuses familles sera réduit du fait du plafonnement du quotient familial, qui s'ajoute, cette année, aux mesures intéressant l'AGED et la déduction fiscale pour le travail à domicile, autant de mesures qui ont perturbé nombre de ménages en 1998.
M. Emmanuel Hamel. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Les discours concernant la politique familiale donnent l'impression que les seules économies que l'on peut faire dans notre régime de sécurité sociale concernent la branche famille.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est une piste qu'il ne faut pas trop retenir.
Actuellement, à l'Assemblée nationale, on discute du PACS, qui concerne les couples et non pas la famille, car telle est bien la distinction fondamentale, mes chers collègues : il y a d'un côté ceux qui défendent la famille comme cellule de base de la société et, de l'autre, ceux qui défendent le couple comme facteur d'épanouissement individuel. Ce sont deux logiques opposées qui sont difficilement conciliables.
Mais ce que je constate, c'est qu'à l'Assemblée nationale semblent exister quelques réserves pour financer ledit PACS et, dès lors, le présent projet et les discours qui l'accompagnent sur la politique familiale ne me paraissent pas opportuns.
Comme, en outre, j'ai lu - je ne sais plus si c'est dansl'excellent rapport de la commission ou dans le texte lui-même - que, à terme, les excédents de la sécurité sociale - sans précision supplémentaire ! - seront affectés au fonds de réserve des retraites, je me demande si l'idée sous-jacente n'est pas, en laissant apparaître quelques excédents au niveau de la branche famille, d'opérer, dans deux ou trois ans, un basculement vers le système de l'assurance vieillesse ou vers celui de l'assurance maladie.
On l'a déjà fait à plusieurs reprises. C'est, hélas ! Michel Debré qui fut le premier à procéder au transfert de points entre le régime des familles et le régime maladie. Par conséquent, tout le monde, dans cette affaire, est fautif.
Je demande donc aux membres du Gouvernement que vous êtes, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de rassurer les familles et d'annoncer que la branche famille n'est pas la seule à devoir faire des économies, que toutes les autres sont également concernées. Il faut préciser vos intentions à cet égard.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'en arrive, en quatrième lieu, au financement des régimes de retraite.
Nous savons tous que le régime général et les régimes spéciaux - je ne parle pas, pour l'instant, des régimes complémentaires - souffrent d'un déficit structurel qui ne fera que s'aggraver du fait du vieillissement de la population et de l'évidente détérioration du rapport entre les actifs et les retraités.
L'opacité du système français - on l'a bien vu lors des grandes grèves de 1995 - porte aussi bien sur les prestations servies par les différents régimes, qui ne sont pas du tout égales selon que l'on relève du régime spécial de la SNCF, de celui de la RATP, de celui de la CANCAVA ou celui de l'ORGANIC, que sur les relations financières compliquées entre l'Etat, le régime général et les régimes spéciaux.
Au Sénat - M. Domeizel en parlera sans doute tout à l'heure - tout le monde sait le pillage qu'a subi la CNRACL et la complexité des mécanismes de compensation et de surcompensation. Autant la compensation est obligatoire du fait de la multiplicité des régimes de base, autant la surcompensation est une astuce pour ponctionner les régimes riches ou ceux qui ont des excédents afin de financer les autres. Malheureusement, le pompage a toujours une fin, et la fin, c'est quand il n'y a plus de ressources !
Aussi, je ne comprends pas l'obstination du Gouvernement à ne pas vouloir compléter le système de répartition par des fonds de pension fondés sur la capitalisation.
La loi Thomas, vous avez annoncé que vous la supprimeriez. En fait, madame la ministre, il aurait suffi de deux amendements très simples que votre majorité aurait pu adopter très rapidement, pour qu'elle s'applique dès 1997.
Il fallait, d'une part, réduire la possibilité de prélèvement par les employeurs sur la marge laissée disponible en matière de financement de la sécurité sociale, car nous sommes sans doute allés trop loin. Il convenait, d'autre part, de supprimer la disposition prévoyant que le chef d'entreprise pouvait décider seul de la création d'un fonds de pension, sans l'accord des délégués du personnel.
Pour le reste, les méthodes de collecte, de gestion, l'utilisation, la sortie en rentes, notamment, la loi était parfaitement équilibrée. Il suffisait de faire adopter très rapidement ces deux amendements pour que nous ayons des fonds de pension.
Et quand les élus locaux que nous sommes constatent que les salariés français, aujourd'hui, alimentent par leur cotisation les fonds de pension américains, britanniques, ou suisses - les fonds de pensions suisses, on ne le sait guère, sont ceux qui, à l'heure actuelle, collectent le plus l'épargne - ils ne peuvent écarter l'idée que votre obstination est dangereuse.
Heureusement, M. Boulard vient d'écrire dans Le Monde d'aujourd'hui qu'il était favorable aux fonds de pension ! J'espère que c'est l'annonce d'une éclaircie. Il n'empêche qu'il s'est écoulé deux ans et, compte tenu du coût de l'opération et du risque d'explosion de nos régimes de retraite, c'est beaucoup de temps perdu.
Nous ne pouvons pas - je le dis avec la plus grande solennité - faire peser sur les générations qui nous suivent la perspective d'une augmentation indéfinie des cotisations et des prélèvements fiscaux pour maintenir un système de retraites qui risque d'exploser dans une dizaine d'années. Les jeunes générations n'accepterons pas de cotiser à des niveaux insupportables pour garantir les retraites de leurs aînés.
La création du fonds de réserve est une réponse intelligente. D'ailleurs, les Américains ont inventé ce système depuis longtemps. Cependant, aux Etats-Unis - nous y sommes allés voir, voilà quelques années - le fonds de réserve est très important et, bien entendu, il est fondé sur la capitalisation.
En fait, il faudrait avoir le courage d'affecter au fonds de réserve des recettes supplémentaires tirées de la bonne conjoncture économique actuelle.
Si mes calculs sont exacts - je parle sous le contrôle de M. Delaneau - en trois ans, 1997, 1998 et de façon prévisionnelle, 1999, le Gouvernement a décidé 157,5 milliards de prélèvements supplémentaires pour réduire le déficit du régime général et faire face aux augmentations de dépenses, qui se sont élevées à 104 milliards de francs. Une politique prudente, de mon point de vue, aurait dû conduire à affecter au fonds de réserve au moins 10 % de ces ressources supplémentaires et à réduire les dépenses d'autant.
Ainsi, le fonds de réserve aurait déjà une quinzaine de milliards de francs de ressources et il pourrait commencer à fonctionner dans de bonnes conditions.
En dernier lieu, je veux souligner le caractère quelque peu fragile de l'équilibre envisagé pour 1999 et, surtout, pour les années suivantes.
Outre le problème des retraites, deux éléments fragilisent la perspective.
D'abord, l'incertitude qui pèse sur la croissance économique, sachant qu'un point de croissance de la masse salariale représente 9 milliards de francs de recettes pour le régime général. Un demi-point ou un point de croissance en moins, c'est donc un manque difficile à rattraper.
Je ne traiterai pas du taux de croissance pour 1999, car là n'est pas, à mon sens, le vrai débat. Le vrai débat - nous l'aurons lors de la discussion du projet de budget - c'est de savoir si l'impact sur l'économie française et sur l'économie européenne de la crise asiatique, de la crise d'Amérique du Sud et des difficultés russes ne va pas réduire le taux de croissance des années 2000 et 2001 à un chiffre inférieur à 2 %, ce qui nous poserait alors des problèmes d'équilibre du budget de l'Etat et de celui de la sécurité sociale très difficiles à résoudre. Je suis donc beaucoup plus inquiet pour 2000 et 2001 que pour 1999.
Toutefois, cette incertitude sur la croissance renforce la nécessité de maîtriser les dépenses et d'effectuer rapidement les réformes de structure qui s'imposent.
Le deuxième élément de fragilisation - M. Oudin l'a signalé tout à l'heure - c'est le passage laborieux - mais le passage tout de même ! - à la comptabilité en droits constatés.
A bien considérer les chiffres et en essayant d'interpréter les rapports des commissions ou de la Cour des comptes, on s'aperçoit que l'année où aura lieu le basculement de la comptabilité des encaissements à la comptabilité en droits constatés on réduira le déficit.
Dans le rapport de la commission figure d'ailleurs un tableau qui montre bien que l'année où l'on procédera au basculement on gagnera quelques milliards de francs. Mais le problème, c'est que cela ne marche qu'une fois et que, lorsque nous serons passés de la comptabilité des encaissements-décaissements à la comptabilité en droits constatés, les causes structurelles du déficit réapparaîtront. Autant nous pourrons, en l'an 2000, garantir un certain équilibre, puisque 4, 5, 6, voire 10 milliards de francs seront économisés - mais ce ne sera que de la trésorerie -, autant à partir de l'an 2001 nous verrons réapparaître un problème difficile d'équilibre qui rendra encore plus urgentes les mesures de redressement, si elles n'ont pas été prises jusqu'alors.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ces observations, le sentiment favorable du début de mon intervention est quelque peu effacé. Certes, nous n'en sommes qu'à la troisième loi de financement de la sécurité sociale et il faudra encore du temps, de l'obstination et du courage politique pour équilibrer durablement nos comptes sociaux. Il demeure, cependant, qu'il apparaît de plus en plus artificiel de séparer la perspective budgétaire de l'Etat de celle de la sécurité sociale, et qu'il faudra le plus rapidement possible, comme je l'ai demandé en juin dernier, organiser au Parlement un débat d'ensemble portant sur tous les prélèvements obligatoires...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... de l'Etat, de la sécurité sociale, des collectivités locales, et de l'Europe - ce sont les quatre prélèvements que subissent nos concitoyens - et traçant les grandes orientations de notre politique économique et sociale.
Il est en effet contradictoire, monsieur le secrétaire d'Etat, de se lancer de manière assez globale dans une réduction de la durée du travail impliquant une certaine réduction de la croissance de la masse salariale, et de fonder la perspective d'équilibre de nos régimes sociaux sur une augmentation sensible de cette masse salariale. Il faut choisir : ou bien on croit à la réduction effective de la durée du travail et par conséquent à une certaine modération salariale ; ou bien on n'y croit pas et, à ce moment-là, on croit au retour à l'équilibre des régimes sociaux. Mais il est difficile, en termes macro-économiques, de croire aux deux à la fois, et c'est un peu le reproche que je vous fais.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il y aura des créations d'emplois !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, le pacte de stabilité lié à la mise en oeuvre de la monnaie unique européenne, qui interviendra dès le mois de janvier prochain, nous y contraindra assez vite.
M. Emmanuel Hamel. Encore des contraintes !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous n'avons plus le temps de rédiger des rapports, de cogiter, de nous interroger sur le point de savoir s'il faut modifier nos mécanismes de financement. Nous y serons contraints. Pour préserver la souveraineté nationale à laquelle M. Hamel tient tellement, mieux vaut décider nous-mêmes des réformes de structure à engager plutôt que de les faire à la va-vite, dans un an ou deux, lorsque nous y serons contraints.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par-delà le vote positif ou négatif du projet de loi en discussion - et le vote de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen dépendra largement du sort que vous réserverez, monsieur le secrétaire d'Etat, aux principaux amendements des commissions - par-delà ce vote donc, c'est de l'avenir de la protection sociale de tous les Français que dont nous débattons. Il faut que nous soyons pragmatiques, que nous nous efforcions de préserver l'acquis fondamental que représente notre système de protection sociale. Nous devons essayer ensemble de construire l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'adresse à vous aujourd'hui en qualité de parlementaire soucieux de participer au débat national instauré par les ordonnances de 1996 sur les dépenses de santé, et ce enrichi, à l'instar de Jean-Pierre Fourcade, de mon expérience de maire et président du conseil d'administration d'un établissement public de santé en charge sanitaire d'une population et de la continuité des soins administrés. Exercer le mandat de maire est donc bien fort utile pour éclairer la décision du parlementaire !
M. Jean Delaneau, rapporteur. C'est bien vrai !
M. Gérard Larcher. L'hospitalisation publique est la garantie de l'accessibilité du service public hospitalier à tout citoyen, en quelque point du territoire qu'il se situe. Elle a une place essentielle aux côtés de la pratique libérale.
Le débat d'aujourd'hui concerne au premier chef l'hôpital public, ordonnateur principal des dépenses de l'assurance maladie, avec près de 233 milliards de francs sur les 600 milliards de francs dont nous avons à discuter ici. L'hôpital public, c'est aussi plus de 730 000 salariés, 90 000 médecins.
Permettez-moi d'abord de rappeler quelques chiffres extraits d'un sondage récent effectué sur les Franciliens concernant le regard qu'ils portent sur l'hôpital : 78 % d'entre eux se disent très satisfaits ou assez satisfaits de la qualité des soins dans les hôpitaux et les cliniques de France ; 90 % d'entre eux se disent assez satisfaits ou très satisfaits de la compétence des infirmières, 89 % de la proximité des hôpitaux, 88 % de la qualité des soins, 86 % de la compétence des médecins. Dans une analyse récente sur la région Bourgogne, nous retrouvons les mêmes chiffres. C'est dire l'attachement des Français à leur hôpital public ou clinique privée.
Les hospitaliers publics, qu'ils soient administrateurs, gestionnaires, médecins ou infirmières, entendent naturellement utiliser les montants financiers alloués avec rationalité, transparence et efficacité, mais surtout avec un sens des responsabilités qui les conduit, au quotidien, à intégrer les enjeux nationaux en référence de leur action. Pourtant, ils souhaitent plus ; ils veulent que soient pris en compte les grands efforts d'adaptation, de restructuration et de maîtrise que la plupart d'entre eux ont promus, conduisent et qu'ils mèneront à bien.
En effet, l'hôpital public bouge quoi qu'en disent certains.
Par exemple, pour la seule région d'Ile-de-France, sur les soixante restructurations en cours, quarante-deux concernent des hôpitaux publics.
Oui, l'hôpital évolue même s'il n'est pas facile de faire évoluer des institutions aussi complexes qui représentent souvent les plus gros employeurs de nos villes et qui sont fortement marquées par une culture médicale - Claude Huriet l'a dit tout à l'heure avec talent - reposant sur l'indépendance professionnelle et sur l'indépendance même des professionnels de santé.
Des coopérations se tissent, des réseaux, voire des fusions, se mettent en place entre hôpitaux publics et entre établissements publics et privés, en dépit des réticences et des lourdeurs du système. Je suis certain que ce phénomène va encore s'amplifier.
Les Canadiens qui, en matière de recomposition du paysage hospitalier, demeurent des pionniers, disent que, pour bien réussir les restructurations et les regroupements, il faut que convergent en cohérence quatre systèmes : le système de gestion, le système de financement, le système clinique et le système d'information.
Eh bien, en France, cette cohérence fait encore défaut.
C'est pourquoi, si les pouvoirs publics doivent inviter clairement des établissements à aller dans le sens d'un nouvel équilibre hospitalier public - et je partage cette volonté - ils ont aussi le devoir essentiel de les y aider en rendant réellement opérationnels les outils qu'ils ont mis en place à cet effet et qui, a priori , sont de bons outils.
Le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, devra, me semble-t-il, être davantage doté. Surtout, nous observons avec quelle lenteur le ministère attribue les crédits. Il nous faudra, monsieur le secrétaire d'Etat, réfléchir à la mise en place d'une déconcentration, au moins partielle, pour obtenir plus de souplesse et plus de rapidité.
En ce qui concerne le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, le FASMHO, dont le décret d'organisation vient juste de paraître, nous espérons qu'il connaîtra un large développement en 1999 et nous souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet. Que sont d'ailleurs devenus les crédits correspondants qui figuraient dans l'ONDAM de l'année qui s'achève ? Nous espérons qu'ils ne serviront pas à éponger certains dérapages !
L'hôpital bouge aussi en s'adaptant aux grandes évolutions de notre société dont il est l'un des plus fidèles miroirs. Il a su maintenir, voire accroître, sa mission sociale auprès des plus démunis, des exclus. A l'hôpital public, on soigne d'abord, on vérifie la solvabilité ensuite ! Tous les chiffres le prouvent, ne serait-ce que ceux des admissions dans les services d'accueil et d'urgence qui ne cessent de progresser, montrant que, à tout moment et pour toute détresse, l'hôpital public répond « présent » quand bien d'autres ont déjà fermé leurs portes.
Quoi qu'on en dise, l'hôpital public a tenu ses engagements budgétaires en 1997 et les tiendra en 1998.
L'hôpital public assume cet exercice difficile en dépit d'un taux de progression de crédits qui, en 1998, a permis à peine de reconduire l'existant et n'a pas permis de financer totalement les mesures réglementaires nouvelles.
Pourtant, l'hôpital public s'applique à cet exercice rendu souvent douloureux par l'absence des allocations financières.
Je pense par exemple à la réglementation sur le traitement des déchets sanitaires, à la matériovigilance, à la sécurité incendie, à la maintenance des équipements biomédicaux, à la médicalisation des SMUR, aux transports héliportés. Je pense également aux nouveaux traitements aux malades du sida, aux nouvelles indications de produits sanguins de leucotytés. Je pense enfin aux efforts salariaux tels que la résorption de l'emploi précaire ou l'indemnité compensatrice des bas salaires liés au SMIC, toutes mesures dont l'impact est supérieur à 1 %.
Et je ne parle pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'application future des trente-cinq heures, pour laquelle je souhaite une expérimentation préalable dans un certain nombre d'établissements avant toute application généralisée à l'hôpital public, à moins d'affecter quelques milliards de francs supplémentaires au budget des personnels hospitaliers. Le Gouvernement se doit de prendre ses responsabilités lorsqu'il édicte des normes destinées à assurer la sécurité des patients, sécurité à la naissance, réanimation, anesthésie... J'en soutiens totalement le bien-fondé, mais la déclinaison financière de ces principes de sécurité est impérative en tant qu'accompagnement véritable des choix majeurs d'une politique de santé. A ce sujet, il me paraîtrait intéressant de créer un fonds spécial, hors taux directeur, destiné à assurer le complément de financement des préconisations par les pouvoirs publics en matière de sécurité.
Comme je le disais, l'hôpital a été exemplaire en respectant - les chiffres communiqués par la CNAM le prouvent - la dotation globale qui lui a été fixée. Aussi s'explique-t-il mal le choix fait par le Gouvernement qui paraît tendre, optiquement au moins, à privilégier les cliniques privées en leur accordant un taux de progression de 2,52 %, hors honoraires médicaux, quand il n'est que de 2,50 % à son égard ! De même, il s'interroge sur un taux de progression de l'ONDAM fixé à 2,60 %, qui ne lui revient en réel que pour 2,50 %. Le différentiel non affecté ne doit pas servir à compenser d'éventuels dérapages. L'hôpital public ne comprendrait pas, alors qu'il est doté d'un taux de progression ne lui permettant pas d'assumer les mesures nouvelles, que d'autres acteurs puissent être les bénéficiaires d'une opération de rigueur conduite à son détriment. Là-dessus, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'éclairer et me préciser s'il s'agit d'un simple problème d'optique ?
L'hôpital public est prêt à engager, il en a déjà signé, des accords publics-privés. Cela me paraît souhaitable, mais les hospitaliers attendent, au nom des principes de démocratie sanitaire énoncés par Mme le ministre en début d'année, l'égalité de contrainte entre établissements privés et hôpitaux publics en matière de financement, notamment par la mise en oeuvre rapide de l'objectif quantifié par région, qui, seul, permet un décompte équitable des deniers versés par l'assurance maladie aux uns et aux autres.
Bien que Francilien, comme pour la politique d'aménagement et de développement du territoire, je soutiens que la politique de redistribution des crédits entre régions et entre établissements d'une même région doit être poursuivie. Elle a pour objet d'assurer et de pérenniser l'assurance donnée aux citoyens les moins bien lotis en matière d'offre de soins hospitalière de trouver une structure de qualité à laquelle ils peuvent légitimement prétendre dans des conditions d'équivalence avérée.
Mais cette politique de justice sanitaire ne peut être menée à l'aveugle, en « étranglant » sans nuances tous les établissements comme cela a été le cas, notamment en Ile-de-France, en 1997 puis en 1998. Pour 1999, je souhaiterais savoir si une certaine modulation sera proposée.
Le Gouvernement a l'obligation de veiller à ne pas mettre certains hôpitaux dans des situations impossibles. Le niveau d'équipement, l'emploi et l'entretien seraient en effet gravement menacés alors que ces hôpitaux remplissent fidèlement une mission, d'autant plus importante qu'elle s'exerce dans des zones de forte urbanisation, qui engendrent exclusions, violences et pauvreté. Leurs activités ne cessent d'ailleurs d'augmenter, M. Fourcade l'a rappelé tout à l'heure. Il en va de même pour toutes les zones sanitaires rendues fragiles par des environnements défavorables liées à la surdensité ainsi qu'au dépeuplement de la population et au vieillissement engendrant une augmentation des charges.
La mise en place des agences régionales de l'hospitalisation constitue une bonne réforme que le Gouvernement doit soutenir.
Je suis favorable, dans un souci d'efficacité et de conhérence de l'action publique, à ce que leurs compétences soient progressivement étendues au champ médico-social et à l'ensemble du champ sanitaire, en application du principe de fongibilité des crédits. Mais cette innovation dans la gestion de l'organisation sanitaire ne pourra échapper au plan institutionnel régional, à une concertation élargie ainsi que, en parallèle, à des consultations nationales en matière budgétaire.
A cet égard, il s'avère indispensable, pour l'homogénéité des politiques publiques, que les schémas régionaux d'organisation sanitaires et sociaux de deuxième génération soient soumis pour avis à l'examen des conseils régionaux, même s'ils ne relèvent pas leur attribution décisionnelle. Il est en effet impératif que les élus territoriaux s'impliquent dans une planification dont les effets seront perceptibles au quotidien pour leurs concitoyens.
Les responsabilités du Gouvernement se déclinent aussi dans le domaine de la démographie médicale afin d'éviter les pénuries prévues en praticiens hospitaliers dans certaines disciplines, l'anesthésie et la pédiatrie par exemple. Ce problème concerne certes le futur, mais il se pose déjà dans un certain nombre de régions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il va de l'avenir et de la pérennité du service public dans certaines régions. Il convient, en conséquence, d'adapter, dans les meilleurs délais, les règles de gestion, voire le statut des praticiens hospitaliers, et d'accepter de rémunérer différemment des praticiens qui sont dans des situations différentes.
Là aussi, le principe d'égalité conduit à ne pas traiter de manière identique des individus, des professionnels qui exercent de façon différenciée une médecine à contraintes variables. Qu'envisagez-vous de faire à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Je voudrais enfin évoquer un sujet qui préoccupe nombre de nos concitoyens et qui soulève bien des problèmes dans les établissements hospitaliers, je veux parler des personnes âgées et de leur famille.
Les textes actuellement en préparation sur la tarification des structures et la dépendance inquiètent les gestionnaires d'établissements. Fondée sur la prestation sociale dépendance, la réforme va consacrer les discriminations territoriales que nous constatons déjà. Je demande donc au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir un traitement le moins inégal possible, et pour tous.
Mon inquiétude porte aussi sur la complexité du nouveau dispositif financier qui conduira certaines familles à subir une hausse importante des frais de soins mis à leur charge, sans même pouvoir en comprendre le mécanisme, si légitime pourrait-il être !
Sur ce sujet, je demande au ministère de l'emploi et de la solidarité d'ouvrir de nouvelles concertations afin que la réforme attendue soit à la hauteur des enjeux pour le secteur médico-social. Il va du respect que nous devons à nos générations précédentes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le service public hospitalier me paraît d'abord vouloir être constructif. Critique, il l'est parfois, notamment par la voix de ceux qui le représentent, car rien, ni dans ses performances, ni dans ses capacités à respecter l'enveloppe impartie, ne lui permet de comprendre un sort qui serait plus favorable à d'autres qu'à lui. Mais l'hôpital souhaite aussi être positif.
Pour ma part, j'attends du Gouvernement qu'il affiche clairement ses intentions afin que l'hôpital, qui sait évoluer, poursuive sa mutation, dans l'intérêt du pays et en toute connaissance de la politique décidée par le Gouvernement et par le Parlement.
Pour partager les inquiétudes et les projets d'une communauté hospitalière publique que M. Claude Huriet connaît bien, je peux vous assurer que l'hospitalisation publique n'est pas un bunker corporatiste replié sur lui-même. Bien sûr, il y a des peurs, des résistances et, parfois, elles viennent des élus eux-mêmes, toutes sensiblités confondues, qui ne tiennent pas le même discours à Paris que chez eux. (M. le secrétaire d'Etat s'exclame.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils ne sont pas les seuls !
M. Gérard Larcher. L'hôpital public est prêt, chaque jour davantage, aux partenariats de toute nature.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Merci de cette sincérité, monsieur Larcher.
M. Gérard Larcher. Mais c'est mon style, même quand cela heurte.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Même quand c'est votre style, je vous en remercie.
M. Gérard Larcher. L'hôpital sait aussi qu'il doit participer - je m'adresse là au président de la commission des affaires sociales - à la maîtrise des dépenses de santé. Il sait qu'il doit donner la priorité à la qualité. Or, l'évaluation-accréditation lui permettra d'atteindre demain cet objectif de qualité, tout en respectant l'équilibre sur le territoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, récemment dans cette enceinte, vous avez fort bien évoqué le problème de la qualité des soins et de la proximité des établissements.
Sachez que l'hôpital public entend être un service public performant pour les malades. En tant que médecins, n'oublions pas à quoi nous sommes destinés et quelle est notre vocation.
Mais l'hôpital public se doit aussi d'être performant pour les progrès de la médecine française. Sur ce point, il nous faut donc nous méfier de l'étranglement d'un certain nombre de structures qui jouent un rôle essentiel dans l'innovation !
N'oublions pas que la seule Ile-de-France, c'est 50 % des publications médicales, que deux essais thérapeutiques sur trois ont lieu dans les grands établissements. L'asphyxie de ces hôpitaux serait une perte pour l'ensemble de la médecine française.
Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis dix mois que je découvre les hommes, les femmes, les projets et l'éthique de l'hôpital public, je veux dire tout simplement que, malgré les imperfections inhérentes à toute construction humaine, le service public hospitalier français est l'une des grandes réussites de la Ve République ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les travaux du Commissariat général du Plan, dirigés par M. Jean-Michel Charpin et destinés, à la demande de M. le Premier ministre, à une « remise à plat » du dossier des retraites mettent enfin à mal deux idées reçues qui ont la vie dure.
Selon la première, les retraités seraient plus prospères que les actifs. La vérité est tout autre : la grande majorité des ménages de retraités ont un niveau de vie plus faible que celui des actifs. C'est une évidence ; était-il besoin de la rappeler ?
La seconde idée préconçue concerne les avantages exceptionnels que conféreraient les régimes spéciaux à leurs bénéficiaires. Là encore, les travaux du Commissariat général du Plan démontrent le caractère excessif d'un tel postulat.
De grâce, cessons une bonne fois pour toutes de faire passer les retraités pour des nantis !
Mon présent propos se veut résolument tourné vers les progrès qui restent à faire, les mesures qu'il conviendrait de prendre pour l'avenir de notre système de retraite à la française et l'amélioration des conditions de vie des retraités.
Leur mouvement du 22 octobre a, par la dignité des manifestants, une fois de plus mis en exergue la légitimité de leurs revendications.
On ne peut que se féliciter des quelques avancées que comporte le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à savoir le relèvement de 2 % du minimum vieillesse, le relèvement de 1,2 % des pensions de vieillesse, le relèvement de 2 % des pensions de réversion pour les veuves, et la promesse de l'abrogation de la loi Thomas du 25 mars 1997 créant les fonds de pension.
N'oublions pas cependant que les retraités ont perdu près de 10 % de leur pouvoir d'achat en une décennie. N'oublions pas qu'ils doivent également faire face, de plus en plus souvent, à une nouvelle solidarité, une solidarité intergénérations : nos anciens aident aujourd'hui bien souvent leurs enfants en difficultés, voire leurs petits-enfants.
Ils attendaient du Gouvernement un geste qui témoignerait réellement de la prise en compte de leurs difficultés. Ce geste attendu était le retour à l'indexation des retraites sur les salaires et non plus sur les prix. Leur déception est aujourd'hui à la mesure de leurs espoirs.
Pour assurer l'équilibre futur des régimes de retraite par répartition, problème qu'il est « urgentissime » d'étudier, on ne peut faire jouer que trois variables : le montant des cotisations, celui des pensions et l'âge de départ à la retraite.
On a déjà réduit à plusieurs reprises le pouvoir d'achat des retraités par l'alourdissement de la CSG, la réduction du plafond de l'abattement de 10 %, l'assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, l'instauration du supplément de loyer de solidarité...
Peut-on encore imaginer de faire payer une surcotisation aux salariés, alors que le niveau des prélèvements est déjà trop élevé ? Non.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes !
M. Guy Fischer. On a déjà allongé de cent cinquante à cent soixante trimestres la durée des cotisations ouvrant droit à une retraite au taux plein et fondé le calcul des pensions versées sur les vingt-cinq dernières années, au lieu des dix meilleures précédemment. Cette mesure a été prise par le gouvernement Balladur, en 1993.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui.
M. Guy Fischer. Faudrait-il aujourd'hui, comme le suggère le président de la CNAVTS, entendu par notre commission des affaires sociales, envisager de repousser l'âge de la retraite ?
Doit-on imaginer pour bientôt une retraite à soixante-cinq, voire à soixante-dix ans, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur le chômage des jeunes, et ce d'autant plus que le chômage exclut déjà les travailleurs de cinquante ans ? Non.
Mme Hélène Luc. Ce serait un comble !
M. Guy Fischer. Est-il acceptable d'envisager un nivellement par le bas, en supprimant les quelques avantages, parfois chèrement acquis, conférés par les régimes particuliers ? Non.
Est-il humain, enfin, de laisser les régimes agricoles conserver le triste record des retraites les plus faibles de France ? Certainement pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est exact !
M. Guy Fischer. Les commerçants et les artisans sont parfois dans la même situation que les agriculteurs.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Les retraités français sont profondément et légitimement attachés à notre régime de retraite par répartition.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les veuves aussi !
M. Guy Fischer. Tout aussi légitimes sont leurs préoccupations face à la création du fonds de réserves et au projet gouvernemental de mise en place d'un système d'épargne-retraite.
Créé au sein du fonds de solidarité vieillesse, le fonds de réserves financières est destiné à soutenir les régimes de retraite par répartition à partir de 2005. Il sera doté, dans un premier temps, de 2 milliards de francs.
Quel sera son mode d'abondement ? On évoque, de sources officielles, les fonds sociaux des caisses d'épargne, voire d'autres. Comment ce fonds sera-t-il géré ? Sera-t-il doté d'un conseil de surveillance, ce qui donnerait un droit de regard aux parlementaires et aux représentants des associations représentatives des retraités, des partenaires sociaux ?
Enfin, pourquoi a-t-on, semble-t-il hâtivement, introduit l'article créant ce fonds de réserves, alors même que le Commissariat général du Plan, chargé par le Gouvernement d'une réflexion approfondie sur notre système de retraites, n'a pas encore rendu ses conclusions ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous êtes excellent, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Le Gouvernement s'engage, par ailleurs, à présenter prochainement un projet de loi de mise en place d'une épargne-retraite à long terme. Il s'agirait de « fonds partenariaux de retraite » que le Gouvernement oppose aux fonds de pension définis par feue la loi Thomas.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Blanc bonnet, bonnet blanc !
M. Guy Fischer. On est également fondé à s'interroger sur la finalité de ce dispositif.
S'agira-t-il exclusivement de conforter le régime de retraites par répartition ou, par la même occasion, comme le souligne notre collègue Jérôme Cahuzac dans son rapport, s'agira-t-il de « mobiliser l'épargne dans l'économie » ? Par ailleurs, les « produits d'épargne longue » qu'il préconise s'apparentent fort aux plans d'épargne d'entreprise à long terme.
Notons que, dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes elle-même pointe le « rendement incertain » de ces régimes par capitalisation.
Nous attendons le contenu précis de ce projet de loi, et nous serons extrêmement circonspects quant aux possibles dérives en la matière. Pour nous, il est hors de question de voir « revenir par la fenêtre » un quelconque dispositif qui alimenterait, même indirectement, la spéculation sur les marchés financiers et dont les placements en obligations ou en bons du Trésor permettraient de financer d'autant le déficit budgétaire pour satisfaire aux critères européens.
Evoquant, même brièvement, l'avenir des retraités et des personnes âgées, je ne saurais oublier combien il est urgent d'inclure la dépendance physique et morale dans le champ de l'assurance vieillesse, substituant ainsi une véritable prestation d'autonomie à la très injuste et restrictive prestation spécifique dépendance. La question des retraites est indissociable de celle de l'emploi et de l'activité économique. Les ménages de retraités injectent leurs revenus dans l'économie par leur consommation, au même titre que les actifs. Par là même, ils représentent une assise économique non négligeable.
Par ailleurs, la croissance du nombre des retraités par rapport aux actifs serait moins préoccupante si le niveau de chômage baissait enfin significativement, si le travail précaire diminuait.
C'est pourquoi nous prenons acte de l'engagement de Mme Aubry devant l'Assemblée nationale de présenter un projet de réforme des cotisations patronales d'ici à la fin du premier trimestre 1999.
Nous serons d'autant plus attentifs et vigilants que nous déplorons que le financement de la sécurité sociale n'ait pas davantage mis à contribution les revenus financiers des entreprises, et ce dès 1999.
Mes chers collègues, décidément, les retraités ne sont ni des « nantis », ni un « dossier explosif » à la charge de la collectivité nationale. Ce sont des anciens salariés qui ont contribué à la reconstruction de notre pays et qui réclament simplement de pouvoir bénéficier, au même titre que les actifs, des retombées de la croissance.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen se fera, par ses propositions lors de ce débat, le porte-parole d'une catégorie de notre population qui mérite la reconnaissance de la nation pour sa contribution laborieuse à la prospérité du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Emmanuel Hamel. Comment voterez-vous ?
M. Guy Fischer. Vous le verrez, monsieur Hamel !

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DÉPO^T D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. Monsieur le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 99 de la loi de finances pour 1998, le rapport sur l'application du crédit d'impôt recherche.
Acte est donné du dépôt de ce rapport. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se situe dans le prolongement de celle de Mme Marie-Madeleine Dieulangard et porte sur la branche famille.
Je ferai remarquer tout d'abord qu'il flotte à droite et au centre de l'hémicycle comme un air d'amnésie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. Un an et demi à peine après le changement de majorité et la mise en place d'un nouveau gouvernement, on peut noter une certaine tendance, une certaine propension à oublier la situation dans laquelle était notre pays, situation que le Président de la République avait pourtant jugée suffisamment grave pour faire procéder à des élections anticipées.
M. Henri Weber. Il a eu raison !
M. Gilbert Chabroux. Je ne vous démentirai pas !
Tous les comptes de la nation étaient plongés dans le rouge, le déficit des comptes publics avait été estimé entre 3,5 % et 3,7 % du produit intérieur brut, le régime général de la sécurité sociale s'acheminait vers un déficit de 35 milliards de francs et la branche famille était elle-même gravement atteinte puisque le déficit estimé pour l'année 1997 s'élevait à 13,2 milliards de francs.
Comment cette branche, longtemps et traditionnellement excédentaire, avait-elle pu en arriver là ?
Si, depuis 1994, les déficits n'ont cessé de se creuser, c'est sans doute parce que la branche famille supporte des charges qui pourraient être prises en compte sur le budget de l'Etat, comme la gestion du RMI ou celle de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ou, dans une certaine mesure, celle du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille, FAS, mais c'est aussi, et pour une large part, parce qu'il lui a fallu faire face aux dépenses engendrées par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994, dépenses qui n'avaient pas été financées. On pourrait citer aussi l'allocation parentale d'éducation et l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, qui s'est envolée en raison des avantages disproportionnés qu'elle permettait d'accorder.
Comment aurions-nous pu, il y a un an, lorsque nous avons débattu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, faire abstraction de ce contexte ?
Nous savions bien que, si des mesures n'étaient pas prises en urgence pour enrayer cette dérive, nous courrions le risque non seulement de voir le déficit s'aggraver, mais aussi de mettre en faillite la branche famille avant l'an 2000. Le Gouvernement a pris des mesures courageuses - la mise sous condition de ressources des allocations familiales, les restrictions apportées à l'AGED - dans l'attente comme vous vous y étiez engagée, madame la ministre, d'une réforme globale de la politique familiale en concertation avec les associations familiales et les syndicats.
Aujourd'hui, nous mesurons les résultats de cette démarche. Le déficit de la branche famille pour 1998 sera ramené à moins de 1 milliard de francs, et nous pouvons discuter, comme l'a dit M. le rapporteur de la branche famille, M. Jacques Machet, dans un climat apaisé, rasséréné, d'un nouveau projet de loi de financement incluant des dispositions qui devraient permettre de réaliser un très large consensus et, d'abord, de bien répondre aux besoins des familles.
Ces résultats de l'action d'une année, nous les devons largement au travail que vous avez accompli, madame la ministre, et à la volonté que vous avez manifestée. Les engagements que vous aviez pris ont été tenus et les orientations qui se sont dégagées lors de la conférence de la famille du 12 juin dernier ont été traduites dans le projet de loi.
Ce projet de loi devrait donc donner largement satisfaction à tous les défenseurs de la famille. Le conseil d'administration de l'UNAF ne s'y est pas trompé en en acceptant le principe à une très large majorité, et le conseil d'administration de la CNAF a lui aussi donné un avis favorable.
Notons d'abord le retour à l'universalité des allocations familiales et la réaffirmation que, bien sûr, toutes les familles sont utiles à la société. Personne n'a jamais dit autre chose ! La famille - vous l'avez rappelé, madame la ministre - est le premier lieu de solidarité et de construction de repères pour l'enfant. Il en découle pour la collectivité la charge d'apporter aux familles une aide qui corresponde à leurs besoins. Or une part importante de cette aide se trouve dans le projet de loi dont nous discutons.
Mais il convient aussi de prendre en compte un souci de justice.
C'est ce souci qui préside au relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales pour les jeunes de dix-neuf à vingt ans à charge de leur famille - cette nouvelle avancée touchera 600 000 familles supplémentaires - comme aux majorations pour âge des allocations familiales, qui seront cumulables avec le RMI à partir du 1er janvier 1999. Cette mesure concernera des familles modestes, des personnes à faibles ressources et ainsi sera mis fin à une injustice particulièrement choquante pour les enfants de ces familles.
L'extension de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d'un enfant qui remplissent les conditions de ressources va également dans le sens d'une plus grande justice, 350 000 familles supplémentaires en bénéficeront. C'est un signe très fort qui est ainsi adressé aux familles d'un enfant.
Il faut aussi mesurer toute l'importance de l'augmentation de l'aide au logement familial, l'ALF, et ce que représentera l'alignement à terme de l'ALF sur l'aide personnalisée au logement. Outre la simplification des règles, toute poussée sur les aides personnelles au logement a un impact social fort, car ce sont des familles modestes qui sont concernées.
C'est le même souci de justice qui devra nous conduire, dans le projet de loi de finances, à l'abaissement du plafond du quotient familial, sachant que le rôle de redistribution verticale appartient à la fiscalité. Cette mesure amplifie la redistributivité mise en oeuvre l'année précédente et touche des foyers à des niveaux de revenus bien supérieurs au seuil de mise sous condition de ressources des allocations familiales. Il faut néanmoins constater que, par rapport à celle qui est menée dans nombre de pays, notre politique fiscale reste insuffisamment redistributive.
Je voudrais souligner également l'augmentation sensible - puisqu'elle est de 8 % - du budget de l'action sociale qui croît de un milliard de francs. Cette augmentation correspond à la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale grâce notamment au financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien au financement et d'actions permettant une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Il me semble d'ailleurs que, si des excédents sont dégagés pour la branche famille - il a été beaucoup question de ces excédents - ils devraient pouvoir venir renforcer ce budget et faire bouger le curseur dans le sens d'un rapport plus favorable à l'action sociale. Actuellement, le rapport prestations familiales - action sociale est très proche de 95 à 5. Il devrait évoluer car bien des problèmes qui se posent devraient trouver une solution dans le cadre d'une action sociale renforcée.
Reste le problème des jeunes adultes destructurés. Le temps libre des jeunes, d'une façon générale, est devenu un enjeu social important. Alors qu'un effort a déjà été accompli en faveur de la petite enfance et des différents modes de garde des jeunes enfants, il faudrait maintenant se tourner vers le créneau des grands enfants.
Il faudrait aussi pouvoir consacrer une partie des excédents à une augmentation de l'aide aux familles démunies et procéder à une plus grande redistribution en faveur des familles en grande difficulté, qui sont, pour la plupart, des familles monoparentales, mais aussi en faveur des familles pauvres et nombreuses. La moitié des familles monoparentales ayant deux enfants et plus et la moitié des familles de quatre enfants et plus font partie des familles les plus démunies ; il faut les aider à sortir d'une sorte de fatalité de la pauvreté.
Au regard de ces problèmes et de bien d'autres, le rôle de la délégation interministérielle à la famille, qui a été créée le 28 juillet dernier, me paraît particulièrement intéressant et important, surtout si, outre la réflexion qu'elle doit mener en amont sur la politique familiale, celle-ci s'attache à apporter des améliorations à des situations bien concrètes, qu'il s'agisse des procédures et de leur simplification, de la nécessaire transversalité des réponses ou de la cohérence dont doivent faire preuve les multiples intervenants publics sur le terrain.
Pour terminer, je reprendrai les propos que j'ai tenus au début de mon intervention.
Celle-ci n'a porté que sur la branche famille, mais tout se tient, et nous savons bien qu'il n'y a pas de politique familiale sans maîtrise des dépenses de santé, ou alors il ne s'agit que de discours.
Mesurons bien les changements intervenus en un an et demi, et même en un an depuis le précédent projet de loi de financement. Mesurons bien les efforts accomplis par le Gouvernement et les résultats obtenus : le paysage s'est transformé, assaini, éclairci, l'équilibre des comptes de la sécurité sociale est à portée de main, et la politique familiale rénovée et ambitieuse que vous avez su, madame la ministre, définir et mettre en oeuvre, en concertation avec les associations familiales et les syndicats, fait l'objet d'une très large approbation dans le pays. Il devrait en être de même ici. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà trois ans déjà, le Sénat se réunissait pour débattre des grandes orientations du plan Juppé. A ce jour, il apparaît que, malgré ses dénégations, le Gouvernement entend reprendre à son compte la plupart des réformes accomplies. Je pense en particulier ici à la mise en place de la convention d'objectifs de gestion entre la CNAMTS, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, et l'Etat, à l'installation des agences régionales d'hospitalisation et de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, et à la réforme de l'organisation des caisses.
En somme, le système de gestion paritaire instauré par l'ordonnance de 1945 avait besoin d'être rénové en profondeur, grâce notamment à un partage clair des responsabilités entre, d'un côté, les partenaires sociaux, qui représentent les assurés et le patronat, et, de l'autre, l'Etat, qui assure désormais un tiers du financement du système, assisté en cela, évidemment, par la représentation nationale.
Telle était donc la motivation du plan préparé par Alain Juppé et Jacques Barrot.
La majorité sénatoriale peut être fière de ces avancées, même si des ajustements sont sûrement nécessaires. En tout état de cause, on ne voit toujours pas apparaître de projet de rechange crédible.
Sur le plan strictement financier, les gouvernements Balladur et Juppé auront eu un premier mérite, celui d'apporter des réponses immédiates aux déséquilibres du régime général d'assurance vieillesse, dont le déficit a été ramené, il faut le dire, de 39,5 milliards de francs en 1993 à 7,9 milliards de francs en 1996, et à la dérive des dépenses de médecine ambulatoire. En regard, l'envolée des dépenses constatée au cours du premier trimestre de 1998 est à mettre au compte, disons-le sans agressivité, de certaines hésitations et ambiguïtés.
L'autre grand mérite de Jacques Barrot est d'avoir mis en place des dispositifs essentiels dans la perspective d'une maîtrise durable des dépenses d'assurance maladie.
A présent, derrière une rigueur de façade, les paradoxes et les contradictions d'une certaine politique actuelle sont évidents. Nous voilà ainsi engagés dans une politique particulièrement sévère de régulation des dépenses de santé. Je reconnais qu'elle est nécessaire, car il faut adapter l'offre de soins aux besoins et mener une réflexion prospective sur les besoins épidémiologiques régionaux, sur le niveau de qualité de soins et sur la prise en charge des précarités, ainsi que sur les efforts à mener en matière de formation et de recherche médicales.
En outre, engager une concertation sur l'évolution des coûts, sur la base de critères à définir, est indispensable pour que l'on puisse travailler dans la transparence. Le rapport du Conseil d'analyse économique sur la régulation du système de santé montre les asymétries existant, en matière d'information, entre la demande et l'offre.
Mais une solution de rechange à la libéralisation du secteur de santé est proposée : il s'agit de la mise en place d'un marché réglementé où l'assurance maladie deviendrait « acheteuse de soins ». La mise en concurrence et l'introduction optionnelle du médecin référent ne prendront bientôt toute leur signification qu'accompagnées d'un mode de paiement à la capitation, avec gestion des actes induits, notamment les examens de laboratoire, les radiographies,... La situation est donc claire. Mais les obligations des 7 000 médecins référents sont rudes !
Sans doute la tenue du carnet de santé, l'évaluation des connaissances et des pratiques et la participation à des actions de santé publique et à la formation professionnelle conventionnelle ne sont-elles pas des tâches dénuées d'intérêt. Mais on a pu parler de « formatage du généraliste », et l'engouement pour l'indispensable informatisation amène à décrire une pratique idéale du médecin : grâce à ses logiciels, celui-ci ne commettra plus de prescriptions abusives ou d'erreurs de compatibilité. L'informatisation apporte aussi une aide au diagnostic et une meilleure adéquation aux besoins. Cependant, et fort heureusement pour nous, la pratique médicale va bien au-delà, grâce en fait à la technique et aux syndicats, dont ceux qui sont privés de la manne de la formation continue. Cela est aussi une réalité.
A la maladresse de la présentation du plan Juppé, il est possible de répondre par la confiance accordée aux professionnels de santé, et non par un encadrement rigoureux. M. Johanet reste partisan de la maîtrise médicalisée. Nous aussi, car elle permet de répartir les ressources en fonction des besoins. La restructuration de l'offre - c'est un préalable et nous sommes sur la bonne voie - nous la vivons dans l'optique des opérations pilotes d'évaluation de l'ANAES.
En revanche, M. Johanet se trompe quand il pense que les médecins revendiquent le droit de tout faire, ce qui irait à l'encontre de toute démarche qualitative. En effet, les pratiques médicales sont multiples, et qui pourrait tout faire ? Qui pourrait faire par exemple de l'urologie sans formation ni équipements spécialisés ?
Quant à la démocratie sanitaire, nous la souhaitons aussi, mais nous nous interrogeons : quelle forme prendra-t-elle ? En matière d'impôts indirects, les populations en situation de précarité sont toujours les plus taxées, et l'aggravation de la fiscalité votée par l'Assemblée nationale gomme les effets de la politique fiscale du Gouvernement favorables aux plus démunis. L'accès aux soins, par conséquent, devient de plus en plus difficile.
Par ailleurs, alors que la branche vieillesse risque d'être durablement déficitaire, diverses augmentations de dépenses sont annoncées sans qu'aucune mesure sérieuse soit prise en vue de juguler la dérive des comptes des régimes de retraite par répartition.
Parallèlement, la branche famille, qui sera apparemment excédentaire en 1999, ne bénéficie d'aucune réforme significative, si ce n'est du rétablissement de l'universalité des allocations familiales. Il s'agit là d'un retournement qui témoigne des hésitations d'une politique pour laquelle la structure familiale ne semble pas constituer une priorité.
Je ne reviendrai pas non plus sur l'abaissement du quotient familial, qui a été dénoncé par mon collègue Jacques Machet.
Cette absence de politique familiale, je l'avais dénoncée, voilà un an, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. La mise sous condition de ressources des allocations familiales était un projet ancien de la majorité actuelle, et sa justification tenait, à l'origine, à l'attribution de prestations dès le premier enfant pour les familles modestes. Il s'agissait en fait, pour le Gouvernement, de permettre le retour à l'excédent des comptes d'une branche qui, jusqu'en 1994, avait régulièrement financé les déficits des assurances vieillesse et maladie.
Plus encore que cette logique comptable, c'est la socialisation de la politique familiale qui reste à nos yeux critiquable : la solidarité entre les familles selon le revenu prend progressivement le pas sur la solidarité entre les personnes sans enfant et les familles. A cet égard, la baisse du plafond du quotient familial, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, s'inscrit dans la continuité de la malheureuse décision prise l'année dernière à propos des allocations familiales.
Une vraie politique familiale est pourtant possible, et le plan Veil en est l'illustration. Ainsi, améliorer l'accueil des jeunes enfants et étendre le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation correspondent toujours à de vraies priorités, dans une économie en crise et dans une société où l'urbanisation et le développement du travail féminin sont des faits durables. Les 15 milliards de francs consacrés annuellement à l'obtention de réelles avancées en matière de politique familiale sont à comparer aux économies que le Gouvernement réalise cette année aux dépens des familles, au titre des allocations familiales et de l'allocation de garde d'enfant à domicile. Les priorités ne sont plus les mêmes depuis juin 1997. Et que dire de la dizaine de milliards de francs qui risque d'être bientôt consacrée à la mise en place du PACS ! Ce choix est d'autant plus irresponsable que le taux de natalité en France se rapproche à présent du taux moyen européen, lequel est d'environ 1,5 %.
M. Henri Weber. Aucun rapport !
M. Jean-Louis Lorrain. A une certaine conception de la société d'inspiration libertaire et individualiste incitant à l'irresponsabilité, nous souhaitons opposer la vision d'une société à la fois solidaire et enracinée dans ses valeurs, et ainsi plus apte à s'ouvrir au monde. En fait, telle est la vision commune des grandes familles spirituelles de notre pays. Le désengagement de l'Etat à l'égard des familles rompt avec la tradition d'une politique ambitieuse, d'autant plus nécessaire que les attentes sont immenses. En revanche, nous notons avec satisfaction l'exonération des charges sociales décidée en faveur des associations d'aide à domicile. Envisagez vous, madame la ministre, d'étendre le bénéfice de ces dispositions aux communes et aux centre communaux d'action sociale, les CCAS ?
Le nouveau souffle dont la politique familiale a impérativement besoin passe, sans doute, par une augmentation de l'effort financier, mais aussi par une certaine responsabilisation des familles ! Dans un monde qui change, l'Etat ne peut durablement répondre à l'ensemble des besoins de la société.
La priorité d'une réforme de la politique familiale devrait être, tout d'abord, d'améliorer encore l'ensemble des dispositifs permettant aux parents de mieux concilier l'exercice d'une activité professionnelle et la vie familiale.
Ainsi, il conviendrait d'assouplir les règles relatives au travail à temps partiel et au congé parental. De façon générale, le recours au temps partiel reste encore insuffisant en France quand on observe ce qui se passe chez la plupart de nos voisins européens.
J'ai d'ailleurs demandé au président de la commission des affaires sociales de permettre la création d'un groupe de réflexion sur la famille, sur ses droits et ses devoirs et sur la condition de parent.
Une autre proposition qui me semble intéressante est la création d'une épargne famille. Il s'agirait d'une sorte de fonds de solidarité familiale, qui pourrait ouvrir droit à une bonification de l'Etat. Nous pourrions ainsi développer un pacte de prévoyance intergénérationnelle. Il faut répondre à tous les besoins qui peuvent exister dans une famille, qu'ils soient liés à l'éducation des enfants, bien sûr, mais aussi au chômage, au veuvage ou à la dépendance. Deux priorités pourraient être retenues : la solidarité familiale, comme nous l'avons vu, et la constitution d'un complément de retraite.
S'agissant de la retraite, tous les experts et l'ensemble des responsables politiques reconnaissent que, dès les années 2005 à 2010, la situation financière des régimes par répartition risque d'être intenable. Beaucoup parlent d'un besoin de financement de 400 milliards de francs en 2015 ! Les causes de cette situation sont connues : elles tiennent à la réduction de la durée moyenne des carrières des salariés, à un chômage persistant, et, surtout, à l'arrivée à la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale, alors que le taux de natalité est insuffisant depuis les années soixante. En 2010, on comptera seulement deux personnes en âge de cotiser pour un retraité.
Face à la gravité de la situation, la création d'un fonds de garantie doté de deux milliards de francs, soit une journée seulement de paiement des retraites, paraît une réponse bien dérisoire, même si c'est une réponse d'attente. En outre, une augmentation des cotisations salariales ou patronales ne semble pas envisageable, dans un pays qui se distingue déjà par un très fort taux de prélèvements obligatoires.
Mais voilà que l'on nous annonce la mise en place d'un système d'épargne retraite, avant même que la mission Charpin n'ait rendu ses conclusions. Après la condamnation des fonds de pension, on nous promet la mise en place d'une autre formule garantissant à la fois la pérennité des régimes de répartition et le bénéfice d'un complément de retraite par capitalisation pour les futurs pensionnés. Force est de constater, cependant, que l'unanimité n'est qu'apparente : qui pourra bénéficier de ce nouveau produit d'épargne ? Les seuls salariés concernés par des accords d'entreprise ou de branche ? C'est la thèse du ministère des finances, mais serait-ce une solution vraiment équitable ?
En effet, notre système est déjà très injuste, car l'âge de la retraite varie selon le statut, la durée de cotisation exigée lors de la liquidation de la retraite est moins longue dans la fonction publique que dans le secteur privé et les fonds de capitalisation existent d'ores et déjà dans certains secteurs d'activité ou dans de grandes entreprises. Faudrait-il encore aggraver de telles inégalités ? Si l'on retient le principe d'un système facultatif, l'adhésion devra être collective, mais aussi individuelle, et ouverte à tous les salariés, comme le prévoyait la loi sur les fonds de pension adoptée par le Sénat en 1997. Les non-salariés et les Français établis hors de France ne devront pas être oubliés.
S'agissant des régimes spéciaux, nous attendons des propositions concrètes de la part de la mission Charpin en matière d'âge de départ à la retraite et de niveau de cotisations et de pensions. Il reviendra alors au Gouvernement de prendre ses responsabilités, avec pour seul objectif la recherche de l'intérêt général, contre les égoïsmes catégoriels. Il est urgent d'agir, puisque le rapport cotisants-retraités pourrait être, en 2015, de 1,4 chez les fonctionnaires civils et de 0,7 seulement pour le régime de la SNCF.
Les parlementaires, en particulier les sénateurs, n'entendent pas être absents de la réflexion engagée sur l'un des sujets essentiels pour l'avenir de leur pays.
C'est pourquoi mon groupe parlementaire et moi-même avons pris l'initiative de demander à M. le président de la commission des affaires sociales la création d'une mission d'information sur l'avenir des retraites.
Enfin, une autre réforme s'impose, celle des règles de cumul emploi-retraite, le système actuel s'avérant complexe et injuste.
Quant au mode d'indexation des retraites sur les prix, proposé dans le présent projet de loi de financement, il reprend grosso-modo le dispositif adopté par le gouvernement de M. Balladur, en 1993. A ce propos, il est amusant de relire le compte rendu des débats de l'époque et les propos outrés de certains membres de l'opposition socialiste à l'Assemblée nationale, lesquels parlaient de « dégradation des pensions du régime général et d'appel à l'épargne individuelle ».
La question du maintien du pouvoir d'achat des retraites appelle une réponse volontariste et innovante. Le groupe de l'Union centriste proposera par amendement, au-delà des deux marches actuelles obligatoires fondées sur la répartition entre retraites de base et retraites complémentaires, la création d'une troisième marche facultative sous la forme d'un supplément de retraite par capitalisation. Parmi les pays industrialisés, seule la France ne dispose pas à ce jour d'un système de supplément de retraite par capitalisation.
Le nouveau plan aurait trois spécificités fondamentales : il fournirait un supplément de retraite pour tous, il assurerait la sécurité des bénéficiaires et il contribuerait directement au financement de l'économie.
En conclusion, madame la ministre, même s'il se situe dans la continuité de la réforme de 1996, ce projet de loi ne répond que très imparfaitement aux différents défis auxquels notre protection sociale est confrontée : la dénatalité, le vieillissement de la population, un déficit structurel au niveau de la branche vieillesse.
C'est pourquoi je voterai les divers amendements de la commission des affaires sociales du Sénat, dont je tiens à féliciter le président, Jean Delaneau, ainsi que les rapporteurs Jacques Machet, Charles Descours et Alain Vasselle, pour la qualité du travail accompli. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous poursuivons ce soir la discussion, est le troisième depuis la révision constitutionnelle du 22 février 1996 décidée par Alain Juppé.
Cette révision, en lançant une réforme en profondeur, engageait une dynamique pour sortir la protection sociale de l'enlisement.
Or, madame la ministre, ce plan Juppé, que vous avez décrié en son temps, notamment en indiquant que toute réforme devait se faire en accord avec les professionnels et sans sanctions, vous ne l'avez pas remis en cause ! Vous en avez même conservé les réformes structurelles majeures.
Malgré tout, trois ans après, votre projet de loi ne répond pas à un objectif découlant d'une politique de santé affirmée. Il ne comporte pas de proposition originale sur des dossiers aussi importants que la politique familiale, l'avenir des retraites ou la situation des hôpitaux. Surtout, il se contente souvent d'établir une balance entre des recettes et des dépenses reposant sur des données parfois discutées et discutables.
Par ailleurs, l'ONDAM que vous avez fixé pour 1999 est arbitraire. En effet, le chiffre de 2,6 % que vous dites généreux s'applique en fait à un montant voté en 1998 et non à celui qui sera effectivement constaté en fin d'année. Or, la hausse prévue en 1999 est déjà absorbée par le dérapage constaté en 1998. Ainsi, l'apparente souplesse de votre projet de loi se traduira en réalité par un tour de vis pour les patients, qui, par ailleurs, ne sont à aucun moment responsabilisés.
De plus, en 1999, au-delà de tous les transferts entre les différents secteurs, viendront s'ajouter des dépenses dont vous ne tenez absolument pas compte : il en est ainsi des dépenses occasionnées par la mise sur le marché de molécules nouvelles non remboursées mais qui induiront des dépenses remboursables - je pense aux prescriptions d'examens complémentaires nécessaires au traitement - des dépenses liées au financement à 100 % du dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables et des dépenses relevant de la prise en charge par l'assurance maladie des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie.
Enfin, cette année encore, les comptes sur lesquels repose cet objectif ont été reconnus par la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale, comme non fiables. La Cour des comptes a en effet relevé, comme dans ses précédents rapports, que « l'hétérogénéité des règles et des pratiques comptables des organismes de sécurité sociale conférait par voie de conséquence une portée réduite aux informations de synthèse fournies par ces comptabilités ».
Au-delà de cet objectif irréalisable, votre projet de loi est contestable parce que vous faites abstraction de beaucoup trop de sujets tenant particulièrement à coeur à nos concitoyens. Ces derniers s'inquiètent en premier lieu, on le sait, de leur retraite.
Or, que proposez-vous dans ce domaine ? Bien peu de chose en réalité !
Certes, vous prévoyez une revalorisation de 1,2 % des pensions. Mais les mesures fiscales que vous mettez en place frappent des milliers de retraités aux revenus modestes qui, voilà encore peu, n'étaient pas imposables.
En outre, si le régime général est à peu près équilibré grâce aux mesures courageuses prises par M. Balladur et Mme Veil, le problème majeur reste bien celui des régimes spéciaux.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous avez raison de le rappeler !
M. Dominique Leclerc. De nombreux rapports ont déjà été réalisés. Nous savons qu'il faudra débloquer des sommes très importantes dès 2005. Cependant, vous nous demandez d'attendre encore un rapport, et donc une année supplémentaire, pour agir, alors que vous avez tous les éléments en mains.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Dominique Leclerc. Face au vieillissement de la population, vous vous contentez d'une mesure symbolique concernant l'avenir des retraites par répartition : la création d'un fonds de réserve que vous envisagez de doter de deux milliards de francs. Une telle mesure relève de la goutte d'eau ! Vous le savez, ce ne sont pas deux milliards de francs qui seront nécessaires pour faire face aux pensions de la génération du baby boom quand cette dernière quittera la vie active !
Vous auriez pu, au regard de ce constat inquiétant, reconnaître à la famille toute son importance. Hélas ! cette année encore, vous avez fait preuve d'un certain sectarisme à son égard.
M. Claude Domeizel. Et le PACS ?
M. Dominique Leclerc. Les familles attendaient le début d'une véritable politique familiale. Elles n'en trouvent pas l'ébauche dans votre texte.
Au contraire, alors qu'il y a un an vous leur faisiez subir un véritable matraquage fiscal en instituant la mise sous condition de ressources des allocations familiales, vous allez aujourd'hui pénaliser 400 000 jeunes familles de plus en réduisant brutalement l'avantage fiscal du quotient familial.
Vous auriez pu vous intéresser au pouvoir d'achat et au logement des familles, aux aides aux études des enfants, à la santé scolaire, à l'aide aux structures périscolaires, au salaire social de la mère de famille, etc. De cela, malheureusement, pas un mot !
J'aimerais à présent m'attarder sur la partie la plus conséquente du projet de loi, celle qui traite de l'assurance maladie.
Vous voulez aligner la croissance des dépenses de santé sur la croissance du produit intérieur brut.
Est-ce un objectif politique acceptable quand on sait l'importance que les Français attachent à la qualité des soins qu'ils reçoivent ? Est-ce un objectif réalisable sans déstabiliser totalement un secteur d'activité économique positif dont l'importance sociale est évidente ? La santé des Français reste-t-elle une priorité nationale ? Aligne-t-on la croissance des autres budgets prioritaires de l'Etat sur l'évolution du produit intérieur brut ? Quelle vision comptable vous avez de la santé des Français ! Néanmoins, il existe une réelle volonté, partagée par l'ensemble des partenaires - c'est essentiel - de dépenser moins tout en répondant au mieux aux besoins de la population.
Il aurait été fondamental que vous nous proposiez dans ce texte des choix politiques répondant à cette attente effective.
Malheureusement, nous y trouvons des mesures et des ajustements pour la plupart comptables qui déstabilisent et démotivent les acteurs et les partenaires du système de santé.
Je prendrai comme exemple de votre politique purement comptable de maîtrise des dépenses de santé remboursées votre attitude à l'égard du médicament et de l'industrie pharmaceutique.
En effet, encore une fois, pour réguler les dépenses de santé, vous vous attaquez à l'industrie pharmaceutique : déjà mise à contribution en juillet dernier à hauteur de 1,8 milliard de francs, elle va à nouveau être taxée si, au regard des prescriptions de médicaments remboursés, l'ONDAM est dépassé.
Par ailleurs, l'article 25, en créant une clause de sauvegarde économique, met en place un mécanisme pérenne de régulation qui se déclenchera dès que la croissance du chiffre d'affaires de l'ensemble de l'industrie pharmaceutique sera supérieure à celle de l'ONDAM.
De tels mécanismes - nous le savons - sont extrêmement dangereux.
En effet, si les grandes firmes internationales, aux chiffres d'affaires très importants, réalisent des bénéfices leur permettant d'atténuer les conséquences de ces mesures, il n'en est pas de même des industries françaises qui vont subir de plein fouet ces taxations nouvelles.
Une telle politique ne manquera pas d'entraîner une délocalisation des industries du médicament vers des pays où des règles du jeu stables favorisent les investissements et le développement de nouvelles molécules.
Ainsi, non seulement les conséquences sur l'emploi seront désastreuses, mais, à terme, la France pourrait bien dépendre entièrement de médicaments importés dont les prix nous seront imposés ; il sera alors bien trop tard pour réagir !
Par ailleurs, il est regrettable que les réformes du système de distribution des soins en France ne résultent pas d'une politique de santé affirmée par le Gouvernement ; tout du moins ne le dites-vous pas clairement, madame la ministre.
Le système actuel, c'est vrai, est complexe et surtout non coordonné.
Ainsi, la coexistence public-privé, plus concurrentielle que complémentaire, participe à cette confusion. Des missions précises devraient être définies pour chaque système.
Nous sommes très attachés à un système libéral complémentaire travaillant en réseau avec le système public, ce qui existe déjà, même si c'est de manière imparfaite.
Les patients déambulent à leur guise, augmentant la demande de soins, sans responsabilisation ni contrôle effectif. Or cette absence de définition d'une politique claire de santé n'est pas favorable aux réformes en profondeur, les différents acteurs n'étant pas incités à coopérer aux réformes et aux évaluations.
Vous imposez essentiellement à ces acteurs de la santé cette maîtrise. Dès lors, comment obtenir leur adhésion ?
Tout cela explique la rupture de la politique conventionnelle, le décalage et les retards existant dans la mise en place de l'informatisation, le codage et la tarification des actes, la télétransmission, la restructuration hospitalière. Cela explique encore l'échec retentissant du carnet de santé - ni les patients ni les praticiens n'ont adhéré à cette démarche - ou des délais de mise en oeuvre de la carte Sésame Vitale 1 et 2 totalement anormaux.
Ces retards sont insupportables et, de ce fait, toutes ces réformes sont finalement imposées aux différents partenaires.
En deuxième lieu, nous sommes confrontés à une offre de soins qui est excessive, surtout au niveau hospitalier, qu'il soit public ou privé, mais aussi en médecine ambulatoire ; cette offre est également souvent mal répartie géographiquement. Là encore, aucune information claire, affichée et démontrée n'existe.
En effet, même si les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ont déjà beaucoup fait en deux années, les perspectives restent floues. Si leurs directeurs disposent d'instruments pour agir sur la recomposition de l'offre, la cohérence d'ensemble de ces différents outils n'apparaît pas comme évidente. Certains relèvent d'une logique d'incitation et de contractualisation, d'autres d'une logique de coercition ou de pouvoir régalien, les différents secteurs étant régulés séparément.
Enfin, j'insisterai sur le fait que, dans l'accroissement des dépenses de santé, nous payons le retard de la médecine préventive totalement désorganisée : certaines actions dépendent de l'Etat, d'autres des conseils généraux, des hôpitaux publics, des associations caritatives, des communes, etc. Il est donc indispensable de procéder à un très gros travail de réorganisation de la médecine préventive dans notre pays.
Pendant longtemps, c'est vrai, il n'y a pas eu de véritable préoccupation de santé publique.
En conclusion, je ne peux que réaffirmer ma totale adhésion à un contrôle du Parlement sur les dépenses d'assurance maladie, mais à la condition que nous ayons les moyens d'en évaluer les tenants et les aboutissants et qu'elles correspondent aux besoins des Français.
Cela suppose une vraie transparence, et ce à tous les niveaux.
Or, à l'heure actuelle, tel n'est pas le cas : les chiffres sur lesquels nous travaillons sont contestés. En effet, l'enveloppe de 1998 a été calculée sur la base des données de 1997. La CNAM elle-même, après repérage d'erreurs grossières, les reconnaît comme peu fiables.
Ce manque de fiabilité est tel que vous avez jugé utile...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est dommage que vous ne l'ayez pas fait avant !
M. Dominique Leclerc. ... de demander à l'inspection générale des affaires sociales un audit sur la méthodologie de ces statistiques ; c'est tout de même regrettable, puisque les principales informations chiffrées dont nous disposons sont celles de la CNAM.
C'est pourquoi j'adhère totalement à la proposition de notre collègues Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, de constituer un groupe de travail au sein de la commission des affaires sociales.
De plus, nous souhaitons une vraie transparence sur le mode de gestion et de fonctionnement des caisses d'assurance maladie et des mutuelles délégataires.
Enfin, au-delà de cette nécessaire transparence, je rappelerai l'attachement des Français au système libéral. Les patients souhaitent, vous le savez, choisir leurs acteurs de santé dans une offre de proximité. Comme les professionnels de santé, ils doivent être responsabilisés individuellement ; pour nous, les sanctions collectives ne sont pas admissibles.
La politique de santé est un choix politique et ne peut pas dépendre essentiellement de critères économiques. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention s'inscrira dans le prolongement de celle de Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les retraites sont à l'ordre du jour dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et elles risquent fortement d'être sur le devant de la scène pendant longtemps.
Nos systèmes de retraite ont réussi. Les missions qui leur avaient été assignées en 1944 par le Conseil national de la Résistance ont été, pour l'essentiel, atteintes.
Aujourd'hui, les Français vivent mieux et plus longtemps et ils sont tous concernés, à un titre ou à un autre, par un régime obligatoire, l'assurance vieillesse. Aujourd'hui, heureusement, la plupart des personnes âgées ne souffrent plus de la grande pauvreté, le niveau de vie des nouveaux retraités s'est sensiblement rapproché de celui des actifs. Ils peuvent aussi, plus que par le passé, prendre dans notre vie sociale la place qui leur revient légitimement. Tout cela n'est que justice à l'égard des générations qui, par leur travail, ont puissamment contribué à la prospérité du pays.
Maintenir ces acquis collectifs, poursuivre le mouvement de réduction des inégalités qui touchent les plus âgés d'entre nous, tel est notre objectif prioritaire.
Nous avons également, vis-à-vis des générations futures, un devoir de lucidité et un impératif de solidarité. Nous devons à nos enfants des choix pour garantir leur avenir.
C'est ainsi que nous resterons fidèles aux principes fondateurs de notre sécurité sociale.
Le système français s'est historiquement formé sur le principe de la répartition. C'est là sa force. C'est là sa grandeur. Nous devons le renforcer. Nous devons le consolider.
Les retraites servies ne sont pas en cause et les droits acquis par les retraités d'aujourd'hui ne seront pas remis en question. Il s'agit de préparer l'avenir des générations, des jeunes générations, pour que notre société, demain, continue de reconnaître à ses anciens la place et le niveau de vie qui leur revient.
Une démocratie comme la nôtre doit être capable de débattre à temps de ces problèmes et d'en traiter sereinement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui !
M. Claude Domeizel. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui ouvre le débat.
Le rapport du commissaire général au Plan, qui sera remis au Premier ministre en avril prochain, le prolongera après une longue concertation avec les partenaires sociaux.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette démarche qui montre la réelle volonté du Gouvernement de prendre les décisions qui permettront de relever le défi du financement des retraites face au choc démographique des années 2005-2010.
Mais, d'ores et déjà, ce texte nous engage dans deux voies.
La première est la pérennisation de nos régimes de retraite, avec la mise en place d'un « fonds de réserve » afin de compléter les ressources des régimes de retraite à partir de 2005. Nous nous en réjouissons.
Nous apprécions une telle approche, qui s'inscrit dans une orientation totalement différente de celle de la droite qui, elle, préférait prôner des systèmes alternatifs et individuels, profitant seulement aux couches les plus favorisées de la population et portant atteinte aux régimes par répartition.
Je me réjouis, sur ce sujet, que le Gouvernement ait annoncé la prochaine abrogation de la loi Thomas.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée, aujourd'hui, pour vous rappeler, en quelques mots, les principes que nous avons défendus en matière de fonds de pension.
Les socialistes, tout particulièrement au Sénat - vous vous souvenez sans doute que notre groupe avait déposé un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi Thomas - ne sont pas des adversaires des systèmes par capitalisation, en tout cas pas de tous.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !
M. Claude Domeizel. La problématique, pour nous, en effet, n'est pas d'opposer ce système à celui de la répartition,...
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Ce n'est pas non plus la nôtre !
M. Claude Domeizel. ... mais bien plutôt de définir ce qu'il convient de mettre en place comme fonds de pension, afin d'apporter un complément de retraite aux assurés sans toucher aux régimes par répartition.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela n'a jamais été notre cas !
M. Claude Domeizel. Pour nous, les fonds de pension doivent donner aux Français, à tous les Français, un complément de retraite. Ce ne peut être un système d'épargne. C'est pourquoi j'insiste avec solennité sur le fait qu'il faut que ces fonds, que l'on peut appeler comme on le voudra, soient paritaires, collectifs et obligatoires.
Ce dernier élément est tout particulièrement capital. Tout système facultatif ne pourra que laisser des pans entiers de la population sur le bord du chemin. Qui, en effet, est prêt à s'investir sur du long terme ? Ceux qui le peuvent, ceux qui en ont la capacité financière, et je dirai intellectuelle, de raisonner sur le long terme.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Et que faites-vous de la responsabilité ?
M. Claude Domeizel. L'expérience de tous les pays qui ont développé de tels outils montre que, lorsque des fonds de pension sont individuels et facultatifs, ils ne sont choisis que par 10 % au plus de la population.
Je tenais à rappeler ces quelques données qui, pour nous, sont fondamentales et qui nous guideront dans l'approche que nous aurons du futur projet de loi sur ce sujet.
Pour revenir au fonds de réserve, je voudrais, après m'être félicité de sa mise en place, soulever quelques interrogations. Le dispositif prévu dans le présent texte est assez réduit, aussi peut-il prêter à toutes sortes d'interprétations.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Claude Domeizel. J'aurais aimé, tout d'abord, que son objet, libellé de manière générale, soit explicité plus clairement : le fonds doit être destiné à participer au financement des régimes de retraite, pas à autre chose.
Concernant son organisation, je note avec satisfaction que l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui répond à l'une de nos interrogations. Il est en effet précisé, à l'article 2, que le fonds de réserve est assisté d'un comité de surveillance composé notamment de parlementaires et de représentants des assurés, des employeurs et des travailleurs indépendants. Reste maintenant à préciser le rôle de ce comité, qui devra détenir un pouvoir réel.
Concernant la gestion des sommes qui seront versées, les actifs seront-ils placés en titres de créances ou en actions ? Seront-ils gérés par le personnel du fonds de réserve ou, par délégation, par des gestionnaires privés ? Qui exercera le contrôle permanent du fonds ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Que de questions !
M. Claude Domeizel. Par ailleurs, le fonds de réserve est rattaché au fonds de solidarité vieillesse. Vous me permettrez, madame la ministre, de m'étonner de ce choix. L'objet du FSV est de prendre en charge les avantages non contributifs relevant de la solidarité nationale. Le fonds de réserve, quant à lui, doit participer au financement des régimes de base de la sécurité sociale. N'y a-t-il pas là un mélange des genres ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bonne remarque !
M. Claude Domeizel. Ne pourrait-on pas craindre qu'à l'avenir le fonds ne soit utilisé à d'autres fins ?
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est exact !
M. Claude Domeizel. Ce dernier point est important. J'aimerais, pour ma part, que cette affectation au FSV soit limitée dans le temps, dans l'attente d'un dispositif qui, mis en place dès l'année prochaine, serait mieux élaboré en prévoyant un fonds distinct et indépendant.
Enfin, on peut penser que le montant des actifs de ce fonds, même s'il peut atteindre 50 milliards de francs, n'est pas à la hauteur des enjeux.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est évident !
M. Claude Domeizel. Cependant, tout le monde doit avoir l'honnêteté de reconnaître qu'avec la création de ce fonds le Gouvernement a choisi d'amorcer un virage et d'abandonner une gestion à courte vue. (M. Vasselle, rapporteur et M. Oudin, rapporteur pour avis, s'exclament.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est bien vrai !
M. Claude Domeizel. En dernier lieu, je souhaiterais connaître votre position, madame la ministre, sur le principe selon lequel tout fonds de réserve doit aller de pair avec l'existence d'une surcotisation. Celle-ci viendrait abonder le fonds d'autant, et lui permettrait ainsi de répondre véritablement aux enjeux.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les actifs paieront !
M. Claude Domeizel. Un tel fonds ne peut pas être uniquement alimenté par des recettes de poche de l'Etat.
Je vous disais au début de mon propos que ce projet de loi nous engageait dans deux voies.
La première voie, je l'ai dit, est la pérennisation de nos régimes.
Quant à la seconde, c'est la participation des retraités aux fruits de la croissance. C'est pourquoi les pensions seront revalorisées de 1,2 % au 1er janvier 1999, alors que la loi n'imposait que 0,7 %.
Cette décision est complétée par le plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles, que le Gouvernement a lancé en 1997 et qui s'étendra sur la durée de la législature. A cet égard, je suis sensible au souci du Gouvernement, qui entend privilégier les retraités qui touchent les pensions les plus faibles et qui ont une carrière complète en agriculture.
Enfin, comment ne pas évoquer la situation particulière de la CNRACL à l'heure où nous débattons des modalités de financement de la sécurité sociale pour 1999 ?
M. Jean Delaneau, rapporteur. Merci !
M. Claude Domeizel. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 reconduit, dans son article 36, les dispositions afférentes au recours aux avances de trésorerie et inclut à nouveau la CNRACL dans la liste des régimes autorisés à recourir à l'emprunt pour couvrir leurs besoins de trésorerie.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. C'est scandaleux !
M. Claude Domeizel. Dès lors, nous ne pouvons nous désintéresser de ce régime qui, en dépit d'une gestion administrative et financière remarquable, se trouve confronté à des difficultés que vous avez, mes chers collègues, largement évoquées l'année dernière à pareille époque au sein de cet hémicycle et qui demeurent d'actualité.
Je rappellerai d'abord que, par le passé, la CNRACL a déjà fait face à des besoins importants de trésorerie - sans autorisation de recourir à l'emprunt - grâce au simple décalage du calendrier de versement des acomptes de compensation et de surcompensation.
Je rappellerai ensuite que cet équilibre de trésorerie a été d'autant plus facilement atteint que la CNRACL est un régime de retraite sain, qui bénéficie encore - avec un ratio voisin de trois actifs pour un retraité - d'un bon équilibre démographique. Cela lui permet d'assurer le versement des pensions de ses ressortissants, et même de dégager un excédent. Ainsi, en 1997, cette caisse a dégagé un excédent de 17 milliards de francs. Or la CNRACL est paradoxalement confrontée, depuis 1991, à des difficultés financières dues exclusivement, faut-il encore le souligner, à l'importance de l'effort de solidarité qui est exigé d'elle dans le cadre des compensations.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Et au-delà du raisonnable !
M. Claude Domeizel. De 1986 à 1997, c'est-à-dire pendant sept ans de droite et cinq ans de gauche, et pour se limiter aux seuls versements opérés en faveur des régimes spéciaux déficitaires, la CNRACL a contribué à hauteur de 83,5 milliards de francs au rétablissement de leur équilibre, leur consacrant ainsi plus de 16 % de ses ressources annuelles.
C'est donc bien le poids, désormais exorbitant, de ces transferts représentant près de 20 milliards de francs par an, tout particulièrement celui de la surcompensation, qui est à l'origine de ses besoins de trésorerie. En imposant à la CNRACL de participer à la limite voire au-delà de ses capacités contributives au financement de régimes spéciaux en déficit structurel, on lui fait jouer clairement le rôle d'un fonds national de solidarité garantissant, notamment, la survie de régimes dont l'effectif cotisant est en voie d'extinction.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Claude Domeizel. Comment, dans ces conditions, ne pas s'interroger sur la légitimité de cette fonction alors même qu'elle devrait, par essence, relever de la solidarité nationale ?
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Claude Domeizel. Aussi le moment me semble-t-il venu pour l'Etat de donner, dans le règlement de cette question, des marques de son engagement à traiter l'avenir de la CNRACL et des régimes spéciaux dans un esprit d'équité et de solidarité, comme le Gouvernement s'y est engagé.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale reçoit de notre part une appréciation globale très favorable,...
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Oh !
M. Claude Domeizel. ... particulièrement pour ce volet « retraite », parce qu'il met avant tout en marche une pérennisation et une consolidation du système de répartition et parce qu'il a pris en compte l'attente des retraités, lesquels participeront un peu plus aux fruits de la croissance.
Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par répondre à quelques remarques d'ordre général de la commission des affaires sociales, et d'abord à celle selon laquelle le présent projet de loi reposerait sur des prévisions économiques trop optimistes.
Messieurs Delaneau et Oudin, s'il est vrai que les derniers chiffres de l'OCDE situent la croissance économique à 2,6 %, il est non moins vrai que le FMI la fixe à 2,8 %. Nous, nous nous fondons sur 2,7 %. Qui, aujourd'hui, peut dire où est la vérité ? Ce qui est sûr, c'est que les organismes internationaux confirment dans les grandes lignes nos prévisions, prévisions qui avaient d'ailleurs été contestées l'année dernière et qui - certains l'ont reconnu - se sont pourtant avérées fondées.
Monsieur Oudin, la réduction de la durée du travail n'a pas pour effet de réduire la masse salariale : ou bien elle a un effet positif sur l'emploi, et la masse salariale s'accroît,...
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Ce n'est pas vérifié !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... ou bien, comme vous le croyez, elle n'a pas d'effet, et dans ce cas il n'y a pas de réduction de la masse salariale. En tout cas, on ne peut pas prétendre une chose et son contraire.
Au surplus, ces prévisions de recettes ne semblent pas être exagérément optimistes aux yeux de la commission. Sinon, elle aurait proposé un amendement fixant une prévision de recettes alternative, comme elle le fait pour les dépenses.
Je précise qu'il n'y a pas, dans ce projet, 4,8 milliards de francs de prélèvements supplémentaires. Les 4,8 milliards de francs de recettes effectivement prévus viennent s'ajouter aux recettes tendancielles. Ce ne sont pas des prélèvements nouveaux.
Il s'agit, pour 3,8 milliards de francs, d'un transfert du FSV vers le CNAV, transfert permis par une attribution de la CSSS au FSV - nous pouvons nous en réjouir, car c'est une réforme structurelle. La CSSS est un prélèvement déjà existant dont ni le taux ni l'assiette ne sont modifiés.
Par ailleurs, 0,8 milliard de francs correspondent à une attribution du solde de CSG à la CNAM. Là encore, ni le taux ni l'assiette de la CSG ne sont modifiés.
En troisième lieu, 0,1 milliard de francs correspondent à des recettes perçues sur des types de revenus qui échappent aux prélèvements sociaux du fait d'imperfections de la législation ou des circuits d'information. Il s'agit de mesures, destinées à lutter contre l'évasion, que la commission ne critique d'ailleurs pas puisqu'elle n'a pas proposé non plus d'amendement sur l'article 5, qui contient ces dispositions.
Enfin, la baisse du taux de cotisation au titre des accidents du travail représente une diminution de 1 milliard de francs.
Il y a donc, par rapport à 1998, avec les 0,3 milliard de francs de suppression de la taxe sur les alcools industriels, une baisse des prélèvements d'environ 1,2 milliard de francs, comme le confirme d'ailleurs le secrétaire de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Le retour à l'équilibre du régime général n'est pas obtenu de la même manière, avec 157,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires de 1997 à 1999. Les prélèvements supplémentaires, c'est 9 milliards de francs en 1997, pour l'essentiel sur les alcools, les tabacs et sur EDF, 12 milliards de francs en 1998, pour l'essentiel sur les revenus des capitaux, et une baisse de 0,9 milliard de francs en 1999, comme en témoignent, là encore, les chiffres du dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Je ne comprends pas très bien la critique portant sur le fait qu'un déficit de certaines branches entraînerait un équilibre général. C'est l'objectif même de la sécurité sociale de considérer que c'est un tout.
Je souhaite rappeler, car j'ai cru comprendre qu'on disait autre chose dans le rapport, que les 2 milliards de francs qui ont été affectés au fonds de réserve auraient été en excédent des comptes de la sécurité sociale si nous ne les avions pas affectés au fonds de réserve, ce qui ne veut pas dire que tous les excédents de la sécurité sociale vont vers les fonds de réserve.
Je comprends assez mal le discours de la commission, qui déplore tout à la fois que le redressement soit obtenu par des prélèvements supplémentaires - d'ailleurs, je viens de le dire, largement imaginaires - et par l'effet de la croissance sur les recettes - par ailleurs surestimé. La commission semble vouloir un excédent plus élevé mais avec une prévision de recettes moins élevées. Je ne vois pas très bien où est la cohérence de ces propositions.
Faut-il moins de prestations ? Mais, dans ce cas, lesquelles ? Faut-il des sanctions plus dures contre les médecins ? Mais pourquoi alors ne pas les proposer ? Faut-il baisser les prestations familiales ? Faut-il une moindre revalorisation des pensions, comme certains, qui ont, eux, au moins une certaine cohérence par rapport à leurs propositions, l'ont d'ailleurs dit ? A moins que la commission ne souhaite le maintien du déficit ! Mais, personnellement, je ne vois pas comment on peut souhaiter deux choses aussi contradictoires.
S'agissant du système de santé, et plus précisément de la médecine de ville, M. Oudin a prétendu que rien n'avait été fait en matière d'informatisation. Je souhaite lui donner quelques informations à ce sujet qui devraient le rassurer. Mme Dieulangard m'a par ailleurs interrogée sur le réseau de santé sociale.
Le réseau Vitale 1 serait expérimental. Il a été expérimental, mais il est aujourd'hui en cours de déploiement puisque 10 millions de cartes d'assurés ont été distribuées en Bretagne, Champagne-Ardenne, Lorraine, dans les Pays de la Loire, le Nord - Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon et en Alsace-Moselle.
Vitale 2 est-il reporté ? Franchement, à qui la faute ? Le Conseil d'Etat a censuré les dispositions de l'ordonnance Juppé et nous a contraints à revenir devant le Parlement, ce que nous faisons aujourd'hui.
Les logiciels n'existeraient pas ! Monsieur Oudin, quarante-cinq logiciels pour la télétransmission ont été agréés par la commission que nous avons mise en place, et les premiers agréments à des applications du réseau de santé sociale ont été donnés il y a quelques jours - serveurs du ministère, de l'Agence du médicament, plates-formes de serveurs pour les hôpitaux, serveurs de l'Union des médecins libéraux d'Ile-de-France. Vous le voyez, nous n'avons pas perdu notre temps.
Alors qu'il y avait beaucoup de projets et peu de réalisations, nous, en moins d'un an, en rendant cohérents les projets d'informatisation de l'Etat et ceux de la CNAM, en travaillant avec les professionnels de santé, nous avons mis en place un réseau de santé sociale qui va commencer à rendre des services aux médecins, et je suis convaincue que, le bouche à oreille aidant, la proportion de médecins informatisés, aujourd'hui de 50 %, va grandir dans les temps qui viennent.
S'agissant toujours du système de santé, MM. Fourcade et Huriet, notamment, ont dit que nous devions aller vers plus de régionalisation ou plus de décentralisation. Je partage leur point de vue. Nous devrons y aller au fur et à mesure que les outils nous permettront de le faire correctement, et j'ai été amenée à dire dans mon propos introductif - c'est l'une des raisons pour laquelle l'IGAS travaille sur les statistiques de l'assurance maladie - qu'il serait hautement souhaitable que nous soyons capables de décliner par région, par spécialité, entre les honoraires et les prescriptions, les différentes statistiques, disons le 20 ou le 25 du mois suivant les dépenses, afin de pouvoir réagir contre les mauvaises pratiques et afin que les médecins eux-mêmes, dans les unions régionales de médecins, puisqu'ils le souhaitent, puissent s'évaluer et réagir. C'est donc bien vers cela que nous allons, et je souhaite que ce soit très vite, mais nous avons besoin, pour ce faire, de statistiques crédibles.
De la même manière, les réseaux et les filières, lorsqu'ils existeront, nous permettront d'aller encore plus loin dans la décentralisation qui se met en place.
J'ajoute que le renforcement de la politique conventionnelle, puisque nous étendons le champ possible des conventions entre la CNAM et les médecins à plusieurs reprises dans le projet de loi, doit également concourir à une décentralisation des décisions. Cela va, évidemment, complètement à l'encontre d'une étatisation, que nous ne souhaitons pas.
A cet égard, si nous avons été amenés à prendre un certain nombre de mesures au mois de juillet, c'est parce que les conventions ont été annulées. Personnellement, je ne me félicite donc pas d'avoir eu à prendre ces mesures ; il fallait que je les prenne. Ces conventions et une partie des ordonnances Juppé d'ailleurs, ayant été annulées, il aurait été mal venu et même irresponsable de rester les bras ballants en attendant que les mois passent, sans prendre un certain nombre de décisions.
Pour ce qui est de certaines professions, comme les dentistes, que M. Delaneau a particulièrement défendus, ou les radiologues, il faut savoir ce que nous voulons : nous ne pouvons pas affirmer en permanence qu'il faut rechercher l'équilibre et, chaque fois que cela touche une profession qui dérape, dire qu'il ne faut pas toucher celle-là, d'autant que s'agissant, en tout cas, des radiologues, je crois pouvoir dire que ce ne sont pas ceux qui connaissent le plus de difficultés dans le corps médical.
En ce qui concerne les dentistes, je veux vous apporter une précision, monsieur Delaneau : nous n'avons pas touché à des actes et à la valeur de ces actes qui auraient figuré dans une convention.
La convention prévoyait des revalorisations de nomenclature. Or, je le rappelle, la revalorisation de nomenclature - je ne fais là que me référer aux ordonnances Juppé - ressortit aux compétences de l'Etat. D'ailleurs, deux premières tranches de revalorisations de nomenclature avaient été accordées depuis le début de l'année. La profession des dentistes avait ainsi bénéficié de 600 millions de francs de revalorisation depuis juin 1997.
Si donc nous avons été amenés à repousser la troisième tranche de revalorisations de nomenclature - encore une fois, c'est une compétence de l'Etat - c'est bien parce qu'il y avait un dérapage tout à fait important et qu'il n'était pas acceptable, dans ces conditions, que cette mesure puisse entrer en application.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, je souhaite vivement que l'évolution des dépenses soit conciliable avec les objectifs généraux d'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Je pourrais répondre de la même manière en ce qui concerne, par exemple, les radiologues, pour lesquels j'ai toujours dit que la porte était ouverte, que nous étions tout à fait prêts à négocier avec eux, notamment les mesures structurelles qui permettraient d'éviter les autoprescriptions.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Madame le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Dans mon intervention, je ne crois pas avoir défendu plus particulièrement les chirurgiens-dentistes ou les radiologues.
Je demandais simplement si les mesures avaient été prises après consultation de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, car, dans une lettre qu'ils vous avaient adressée, les présidents de la CNAM, de la MSA et de la CANAM vous rappelaient que ces mesures de revalorisation figuraient, certes, dans la convention - on sait bien que l'Etat peut toujours passer outre ! - mais également que la convention elle-même avait été approuvée par arrêté interministériel, et qu'elle avait donc quasiment force de loi.
Ma question portait donc plus sur la concertation avec les caisses que sur les rapports avec les praticiens en question.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, dans le paragraphe précédant celui que vous venez de rappeler - je vous ai écouté attentivement - vous contestiez le fait que l'Etat puisse revenir sur une disposition figurant dans une convention.
Je le répète, si ces mesures figurent effectivement dans une convention, elles relèvent normalement des compétences de l'Etat. A tout moment, l'Etat se doit donc d'agir en cas de dérapage. S'il ne l'avait pas fait, que n'auriez-vous dit ?
M. Jean Delaneau, rapporteur. A propos des radiologues, je vous ai posé deux questions, l'une sur la récupération des 450 millions de francs et l'autre pour savoir s'ils seraient éventuellement appelés à payer une seconde fois si l'objectif global n'était pas respecté.
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si je veux pouvoir répondre à toutes les questions, qui ont été fort nombreuses, monsieur Delaneau, je me dois d'avancer dans mes réponses.
En quelques mots, s'agissant des radiologues, je viens de le dire, nous récupérerons les 450 millions de francs de dérapage. Encore une fois, j'aurais préféré que, comme avec les six autres professions, il y ait un protocole d'accord pour nous éviter d'avoir à prendre des mesures unilatérales. Les radiologues ne l'ont pas souhaité, et je le regrette. La porte, je le répète, est toujours ouverte. En attendant, nous maintiendrons la lettre Z à son niveau actuel jusqu'à ce que les 450 millions de francs soient récupérés, c'est-à-dire très certainement jusqu'au début de l'année prochaine.
En ce qui concerne l'hôpital, je vois apparaître un certain nombre de contradictions au sein de la majorité sénatoriale et même, au sein de cette majorité, d'une année sur l'autre.
J'ai entendu MM. Jean Delaneau, Claude Huriet et Gérard Larcher contester le projet gouvernemental pour trois raisons : il ne traiterait pas de l'hôpital, il n'apporterait aucune garantie que les missions hospitalières sont assurées correctement, il ne donnerait pas satisfaction au personnel hospitalier, notamment aux praticiens hospitaliers, qui seraient, semble-t-il, extrêmement agités actuellement.
J'observe, en préambule, que ces propos me paraissent tout à fait contradictoires avec ceux que tenaient les mêmes personnes au Sénat, l'année dernière, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
M. Delaneau s'est exprimé au nom de M. Descours.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Et de la commission !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes !
M. Descours avait fait valoir, l'année dernière, que le taux de 2,2 % retenu pour l'ONDAM n'était pas acceptable parce qu'il confirmait le gel des restructurations en 1998 et parce que le secteur hospitalier progressait plus que celui des médecins libéraux.
Il avait d'ailleurs déposé un amendement visant à encadrer ces dépenses, et notamment les prescriptions faites par les médecins hospitaliers.
La commission des finances avait proposé, quant à elle, de limiter le taux de l'ONDAM à celui de l'inflation et, dans ce cadre, M. Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, avait fait valoir que les hôpitaux étaient le lieu d'un gaspillage dénoncé, selon lui, par de nombreux rapports. D'ailleurs, cette année encore, vous jugez qu'il y a 1 milliard de francs de trop pour l'hôpital !
Où est la cohérence quand vous nous dites que nous sommes trop sévères sur l'hôpital, alors que, dans le même temps, vous proposez par amendement de diminuer de 1 milliard de francs son budget ?
M. Henri Weber. Il n'y en a pas !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais nous n'avons peut-être pas la même conception de la cohérence, monsieur Delaneau ! On ne peut pas dire une chose et son contraire, surtout quand il s'agit d'une politique aussi importante que la politique hospitalière.
De même, vous parlez de restructurations nécessaires, en ajoutant qu'il ne faut pas fermer un certain nombre d'établissements.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je l'ai entendu, en tout cas s'agissant de l'Ile-de-France.
Pour le Gouvernement, qui souhaite conduire une action vigoureuse de réduction des inégalités et des ressources entre les régions, il est essentiel de réussir dans la continuité et la cohérence des allocations différenciées entre les régions selon qu'elles sont plus ou moins riches.
Cela ne signifie pas qu'il faille demander des efforts trop lourds à la région d'Ile-de-France. Je voudrais rassurer Mme Borvo : elle sait très bien - je l'ai dit tout à l'heure - qu'il existe au sein de la région d'Ile-de-France des inégalités tout à fait importantes que nous entreprendrons de réduire cette année, au sein même des départements et des hôpitaux.
A vous en croire, monsieur Delaneau, le texte ne parlerait pas de l'hôpital. Je peux pourtant vous assurer que le Gouvernement, depuis dix-huit mois, mène une politique hospitalière active qui, il est vrai, ne se traduit pas exclusivement par le biais de nouveaux textes législatifs. Il arrive un moment où il faut travailler, agir et, donc, cesser de légiférer.
Je l'ai dit tout à l'heure, notre politique hospitalière s'organise autour de quatre axes.
Le premier axe est la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire ; la réflexion a largement été engagée sur le terrain. Les coopérations entre établissements se développent. C'est ainsi qu'une organisation en réseau en particulier a été définie pour les urgences, la cancérologie, la périnatalité, et bientôt pour l'hépatite C.
Le deuxième axe est la recomposition du tissu. Je voudrais vous rassurer, monsieur Delaneau : le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux a été totalement utilisé. Vous avez employé un mauvais terme ; vous vouliez sans doute parler d'autre chose.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Du fonds d'accompagnement social !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons utilisé tous les fonds du FIMHO, ce qui prouve bien que les restructurations ont eu lieu. D'ailleurs, l'année dernière, vous ne vouliez pas de ce fonds.
M. Jean Delaneau, rapporteur. Les décrets d'application ne sont pas sortis !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ils sont parus !
M. Jean Delaneau, rapporteur. Un seul !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Effectivement, ils sont sortis.
Après l'adaptation de l'offre aux besoins, le troisième axe consiste à promouvoir la qualité et la sécurité, et ce par l'accréditation.
J'ai entendu avec plaisir que tout le monde se référait à l'ANAES, que nous n'avons pas trouvée en arrivant, mais que nous avons mise en place. Les procédures d'accréditation commenceront dès le début de l'année 1999 puisque, maintenant, l'ensemble des normes sont prévues.
Le quatrième axe est la réduction des inégalités dans l'accès aux soins.
J'ai déjà parlé de la péréquation entre régions et entre établissements. Je suis totalement d'accord avec M. Fourcade : il faut, peu à peu, que nos outils d'analyse soient suffisamment performants pour ne pas pénaliser les hôpitaux qui ont un succès important parce qu'ils offrent une qualité de soins supérieure à d'autres.
Nous poursuivrons cette année l'analyse de la qualité de ces hôpitaux afin d'accorder une allocation de ressources qui réponde aux besoins de la population et aux efforts qu'ils ont réalisés.
Nous essayons de conduire cette politique en concertation avec le personnel hospitalier. Le dialogue a été instauré aussi bien avec les élus qu'avec les organisations syndicales. Les praticiens hospitaliers ont été représentés dans les groupes de travail qui se sont réunis d'octobre 1997 à mars 1998 et qui ont abouti au rapport du professeur Nicolas.
Bernard Kouchner et moi-même annoncerons dans quelques jours un certain nombre de décisions concernant les praticiens hospitaliers. Nous avons d'ores et déjà réfléchi à la prise en compte des conditions de travail de certaines catégories de praticiens, notamment les anesthésistes et les urgentistes. Nous avons en outre pris un certain nombre de décisions visant à améliorer la carrière des 174 000 aides-soignantes.
J'ai pleinement conscience que ces efforts ne sont peut-être pas suffisants. En tout cas, nous avons essayé de traiter les problèmes les plus urgents pour que le personnel se sente soutenu dans le travail de qualité qu'il accomplit au sein de l'hôpital.
Je ne m'inscris donc pas dans le défaitisme entendu ici ou là, qui consiste parfois à plaider la politique du pire. Je ne dis pas pour autant que tout va bien, que tout est facile à l'hôpital. Mais nous essayons d'avoir un dialogue constant et de porter une attention soutenue aux personnels.
Aussi, permettez-moi de vous demander, sur ce sujet comme sur d'autres, quelle est votre philosophie. Faut-il serrer les cordons de la bourse ou faut-il, comme d'autres l'ont dit, faire preuve d'un laxisme plus grand en matière de politique hospitalière ? Je dois dire que je n'ai pas très bien compris quelle était la position de la majorité sénatoriale.
J'en viens maintenant à la famille.
Je crois que Gilbert Chabroux a bien résumé la situation actuelle qui, à l'évidence, gêne certains. Les esprits sont apaisés ; la politique familiale, semble-t-il, fait l'objet d'un large consensus. Ce n'est pas un hasard, et je tiens à le dire à ceux qui en doutent : M. Leclerc voilà quelques instants et M. Machet tout à l'heure, en des termes beaucoup plus pondérés.
La conférence de la famille a eu lieu un an après des mesures qui ont heurté, nous le savons - je l'avais dit ici-même - des associations familiales et des organisations syndicales.
Je m'étais engagée à rouvrir le débat pour vérifier s'il n'y avait pas, effectivement, autour, par exemple, du quotient familial, des dispositions techniques plus adaptées qui permettent de répondre au souci de justice que le Gouvernement souhaitait promouvoir en matière de politique familiale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous l'avons fait ! Alors, vous pouvez regretter aujourd'hui la position unanime des organisations syndicales et des associations familiales qui, au sortir de la conférence - je vous renvoie à leurs déclarations ; elles valent tous les discours - ont reconnu, monsieur Machet, cette nouvelle impulsion donnée à la politique de la famille.
A plusieurs reprises, les intervenants de la majorité nationale ont rappelé les mesures qui figurent dans ce projet de loi et qui reprennent des points sur lesquels l'accord a été trouvé avec les associations concernées.
Je ne pense donc pas que la politique du Gouvernement soit une politique en trompe-l'oeil. Nous sommes convaincus que la famille est au coeur de notre société, que nous devons aider les parents à assumer leurs responsabilités, d'où une partie de ce milliard de francs qui est actuellement consacrée à l'action sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toutes les familles sont pourtant concernées !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, pas toutes ! En général, les parents assument correctement leurs responsabilités. Mais il convient d'aider ceux qui éprouvent des difficultés à accomplir leur tâche.
Je ne pense pas, je le répète, que la politique du Gouvernement soit une politique en trompe-l'oeil. Pour moi, une politique en trompe-l'oeil, c'est laisser la branche famille en déficit, à hauteur de 12 milliards de francs, comme vous l'avez fait. Pour moi, une politique en trompe-l'oeil, c'est faire voter, sans la financer, la loi Balladur-Veil relative à la famille. (Mme Dieulangard applaudit.) Le déficit aurait été accru de 10 milliards de francs si nous avions appliqué cette loi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pourquoi la branche famille est-elle en excédent cette année ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous le regrettez ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas du tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en remercie.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais on ne peut pas dire que c'est la loi Veil qui a mis la branche famille en déficit !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ecoutez : un déficit de 12 milliards de francs l'année dernière, 3 milliards de francs d'excédents cette année, notamment grâce au quotient familial, à la réforme de l'AGED que vous avez contestée ! C'était votre plus grand droit, mais on ne peut pas dire une chose et son contraire.
Nous travaillons avec la délégation interministérielle à la famille autour d'un certain nombre d'objectifs que Gilbert Chabroux a rappelés à juste raison.
Il s'agit d'une meilleure transparence des aides données à la famille ; elle est demandée par l'ensemble des associations familiales et par les groupes de la majorité à l'Assemblée nationale.
Il s'agit également du problème des grands enfants qui restent aujourd'hui dans la famille ; c'est là un problème majeur qu'il est nécessaire d'examiner.
Il s'agit de la meilleure adéquation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
Tels sont les objectifs majeurs du travail que nous réalisons aujourd'hui avec les aides à la garde des enfants pour préparer la conférence de la famille de juin prochain. Je suis convaincue que nous parviendrons à trouver des solutions satisfaisantes pour les associations et pour les syndicats avec lesquels nous travaillons.
Je voudrais revenir un instant sur le quotient familial, pour dire que 230 000 familles vont gagner à ce dispositif par rapport à la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Les familles qui vont y perdre sont celles qui, avec deux enfants, ont des revenus supérieurs à 48 300 francs par mois et, avec trois enfants, à 61 700 francs par mois. Je peux, bien évidemment, vous donner le détail de ces chiffres si vous le souhaitez.
J'en arrive aux retraites. Je crois, avec M. Domeizel, que nous avons dans ce domaine un devoir à la fois de lucidité et de solidarité.
J'ai bien entendu ceux qui nous reprochent à la fois de ne rien faire et de créer un fonds de réserve sans avoir encore pris de décision. Je vois là à nouveau poindre une légère contradiction.
La vérité est que nous devons, me semble-t-il, aborder le problème des retraites sans a priori . Il n'est pas correct de montrer telle ou telle catégorie du doigt, sans avoir procédé au préalable à une analyse non seulement des niveaux de retraite d'une manière générale, mais aussi des salaires, des contributions qu'ont consenties les salariés et des contrats sociaux qui ont été signés dans certaines entreprises. Il faut en effet savoir que, dans certaines entreprises publiques, on a des salaires peu élevés, mais on contribue fortement à la retraite. On ne peut pas ainsi montrer du doigt les salariés sans prendre en compte ces années de discussion d'un contrat social. Le Commissariat général du Plan prend en compte ces éléments dans les propositions qu'il va nous présenter.
Monsieur Vasselle, lorsque vous avez déclaré que le Gouvernement remettait en cause l'indexation des retraites sur les prix, je n'avais pas compris que vous regrettiez que nous donnions 0,5 % de pouvoir d'achat supplémentaire aux retraités.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne respectez pas la loi de 1993 !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. On a toujours le droit d'aller au-delà d'une loi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je n'ai rien dit d'autre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez dit par ailleurs que vous regrettiez cette augmentation, alors même que la branche était en déficit.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Parce que cela va accroître le déficit de la branche !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous préconisez, par ailleurs, des pans supplémentaires sur la famille, alors qu'un déficit de 12 milliards de francs était enregistré. Là encore, vous ne faites pas preuve de cohérence !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La branche famille est excédentaire cette année !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Grâce à nous et aux mesures que nous avons prises !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous n'arrêtez pas de mettre en valeur vos contradictions !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les retraités apprécieront qu'après 4,2 % de perte de pouvoir d'achat les quatre dernières années où la droite était au pouvoir, vous souhaitez, cette année encore, qu'ils n'aient pas de gain de pouvoir d'achat. Chacun ses choix ! C'est effectivement un choix politique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas ce que l'on a dit, madame le ministre ! Vous interprétez à votre façon nos propos !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pas du tout ! Vous avez dit exactement que lorsqu'une branche est en déficit, on ne donne pas du pouvoir d'achat qui va encore accroître ce déficit. Cela signifie - ou alors les mots n'ont plus de sens - que vous regrettez que nous donnions 0,5 % de pouvoir d'achat supplémentaire aux retraités. C'est votre droit. Ils apprécieront !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons fait un constat, un point c'est tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en reviens au fonds de réserve. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est d'abord la volonté affichée du Gouvernement - en cela, il est symbolique - de défendre les régimes de retraite par répartition.
Il est clair, et M. Domeizel a eu raison de le dire, que l'argent ne viendra pas uniquement de l'extérieur. J'espère que les scénarios sur lesquels nous allons travailler dans quelque temps, avec, je le souhaite, le plus grand nombre, nous permettront de trouver les moyens, à la fois par une réforme des retraites et de leur mode de financement, d'éviter la catastrophe annoncée pour l'année 2005. Mais nous savons aussi que nous devons trouver des ressources pour combler une partie de la différence qui existe entre la situation prévue pour 2005 et un véritable équilibre. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer ce fonds dès cette année.
Pourquoi - M. Fischer a posé cette question, ainsi que M. Domeizel - l'avoir inscrit au FSV ? Tout simplement parce que c'est pour nous une position transitoire ; le fonds solidarité vieillesse nous a paru le lieu le plus adéquat pour accueillir ce nouveau fonds en attendant de décider ensemble - c'est mon souhait - de la façon dont nous le mettrons en place, dont il sera géré et comment cet argent sera placé. Ce débat doit être public, non seulement entre nous, mais aussi avec les Français.
Nous avons, à la demande de l'Assemblée nationale, accepté bien évidemment, dans l'attente de la mise en place de ce fonds autonome, que le conseil de surveillance du FSV puisse s'élargir aux organisations patronales et syndicales. Mais, nous aurons à en débattre de façon plus approfondie. Bien évidemment, la gestion de ce fonds ne peut qu'être transparente.
Cela dit, il nous semble peu raisonnable de proposer de ne pas augmenter le pouvoir d'achat des retraités alors même qu'on nous reproche par ailleurs - y compris dans cette branche-là - de plafonner les exonérations pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Là encore, que veut-on ? En tout cas, ceux qui connaissent ces problèmes de la vieillesse, et qui se sont exprimés l'année dernière ici, ont dit avec juste raison et un peu sur toutes les travées, que nous avons à réfléchir ensemble sur ces métiers de la dépendance, que nous avons à les professionnaliser ; les personnes âgées ne gagneraient rien à un système de gré à gré s'agissant des personnes qui viennent les soigner à domicile.
Nous avons décidé cette année d'aider les associations d'aide à domicile en leur octroyant cette exonération à 100 %.
Mais cette exonération, monsieur Vasselle, il nous faut bien la financer, sinon vous auriez été le premier à me dire qu'elle n'était pas budgétée et qu'elle contribuait donc à creuser encore le « trou » de la sécurité sociale !
Nous la finançons - en partie, il est vrai - par le biais d'un plafonnement à partir de quinze heures par semaine, ce qui ne touche que 10 % des employeurs.
Bien évidemment, tous ceux dont le droit à l'aide à domicile est lié à des prestations particulières, comme la PSD, l'AAH ou l'allocation d'éducation spéciale, continueront à bénéficier de l'exonération à 100 % pour la totalité des heures.
Le plafonnement vise les autres personnes. Ainsi, un foyer qui dispose de 20 000 francs de ressources brutes et qui emploie un salarié 25 heures par semaine verra le coût horaire de l'aide à domicile passer de 32,70 francs à 38,10 francs, mais, dans le même temps, nous réduisons de manière considérable le coût du passage par une association d'aide à domicile.
En fin de compte, en ce qui concerne les retraites, notre choix est bien celui que nous avions annoncé : une consolidation des régimes de retraite par répartition.
En ce qui concerne maintenant l'épargne retraite, il faut que l'on arrête de jouer sur les mots. Fonds de subvention, épargne retraite, etc ! De quoi s'agit-il ? Que voulons-nous ? Que ne voulons-nous pas ?
Nous voulons que tous les Français puissent bénéficier d'avantages fiscaux leur permettant de s'assurer une épargne à long terme afin d'améliorer leurs revenus au moment de la retraite. Je dis bien : « tous les Français ».
Monsieur Fourcade, si nous n'avons pas amendé la loi Thomas, c'est parce qu'elle avait une tout autre philosophie, même s'il y avait un réel travail sur le placement des fonds, notamment, qui servira sans doute à l'élaboration de la prochaine loi.
La philosophie de la loi Thomas était en effet de permettre à ceux qui le pouvaient de bénéficier d'avantages particuliers en matière fiscale, comme en matière sociale.
Beaucoup avaient d'ailleurs relevé, y compris dans la majorité qui a votée cette loi, un risque de « siphonnage », y compris des cotisations versées à la sécurité sociale, puisqu'une partie des cotisations des cadres pouvait être transférée vers des fonds de pension et vers des placements à long terme.
Par ailleurs, les entreprises pouvaient décider de manière unilatérale de mettre en place, pour certaines catégories seulement, les fonds de pension découlant de la loi Thomas.
Nous souhaitons quant à nous que les fonds d'épargne-retraite soient des fonds d'épargne collectifs, négociés, et qu'ils puissent bénéficier à tout un chacun.
Il n'y a pas de raison que des produits d'épargne à long terme rapportent correctement à ceux qui ont beaucoup d'argent et que ceux qui ont peu d'argent ne puissent avoir rien d'autre que l'épargne populaire. Il faut que chacun puisse bénéficier du même régime favorable.
Je répondrai très brièvement à M. Domeizel en ce qui concerne la CNRACL.
Tout d'abord, le Gouvernement a mis en place, comme il s'y était engagé, un groupe de travail, notamment sur les charges de surcompensation. Ce groupe de travail, qui comprend des représentants des ministères, mais aussi des élus, devra, après avoir établi un inventaire des caractéristiques du régime de la CNRACL et de son implication dans les mécanismes de compensation, nous proposer des éléments d'évolution.
En attendant, le Gouvernement a décidé de proposer la reconduction de l'avance de trésorerie de 2,5 milliards de francs à laquelle, selon les prévisions disponibles, la CNRACL serait contrainte d'avoir recours cette année.
Je précise qu'il s'agit essentiellement de répondre à un besoin de trésorerie à un moment donné et non d'un financement pérenne. Cette année, il n'y aura pas de besoin de financement, les réserves s'élevant à quelque 200 millions de francs. Toutefois, à un moment donné de l'année, il y aura un problème de trésorerie qui pourrait atteindre 2,2 milliards de francs.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans l'attente de mesures qui s'imposent, de maintenir cette avance de trésorerie. Toutefois, je voudrais vous rassurer : il ne s'agit aucunement, par ce biais, de financer des dépenses pérennes.
J'en viens maintenant à deux réformes importantes qui restent à faire. Vous avez été nombreux à dire - Mme Dieulangard, Mme Borvo, M. Fourcade notamment - combien elles étaient essentielles.
Il s'agit, d'abord, de la réforme concernant la couverture maladie universelle.
La couverture maladie universelle - je l'avais d'ailleurs dit l'année dernière - requiert un texte particulier, car il s'agit d'un système extrêmement complexe qui a nécessité non seulement une réflexion, bien évidemment, mais aussi une discussion avec les conseils généraux, les sociétés d'assurance, les mutuelles, sans oublier les caisses d'assurance maladie.
Le Gouvernement doit rendre un certain nombre de décisions dans les jours qui viennent visant à faire en sorte que toute personne, en France, puisse bénéficier d'une carte de sécurité sociale et qu'environ 5 millions de personnes qui, aujourd'hui, renoncent à se faire soigner, puissent avoir effectivement recours à des soins qui seront, dans la quasi-totalité des cas, gratuits.
Ce projet de loi sera déposé au Parlement avant la fin de l'année, du moins je l'espère - si les consultations aboutissent - et devrait être voté au cours du premier semestre de 1999.
S'agissant de l'autre réforme importante, à savoir celle des cotisations patronales de sécurité sociale, moi aussi, je regrette que nous n'ayons pas pu entamer une première étape dans le présent projet de loi.
Je l'ai dit tout à l'heure : la grande majorité des organisations patronales et syndicales sont d'accord sur les priorités, mais nous n'avons pas réussi à nous entendre sur les modalités.
Autant dire les choses très simplement : ceux qui, depuis des années, souhaitent un changement de l'assiette de la sécurité sociale s'étaient pour beaucoup référés à la valeur ajoutée. C'est vrai de la CGT, de la CFDT, mais également de l'Union professionnelle artisanale ou de la confédération générale des petites et moyennes entreprises.
Chacun est aujourd'hui convaincu qu'un transfert à 100 % pourrait avoir des effets pervers et que c'est donc sans doute vers une autre formule qu'il faut s'engager. Sachez cependant que notre souhait est bien évidemment que le nouveau dispositif pèse moins sur les salaires et moins sur les emplois.
Mais il était difficile, pour certaines de ces organisations, de se prononcer sur de nouvelles propositions dans les délais très brefs qui nous étaient impartis. Aussi ont-elles demandé une période de réflexion complémentaire que nous avons estimée utile de leur accorder. Il s'agit en effet d'une réforme importante qui nécessitera un large consensus.
Les discussions vont se poursuivre et j'espère que, très rapidement, nous aboutirons à un accord. En tout état de cause, nous nous sommes engagés à déposer un projet de loi au premier semestre de l'année prochaine.
Je veux ajouter un dernier mot pour rassurer Mme Borvo. L'ensemble des textes d'application concernant le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions seront pris avant la fin du mois de novembre, et beaucoup sont déjà parus.
J'ajoute que le programme TRACE est opérationnel depuis le 1er octobre, que le nouveau départ mis en place par l'ANPE en ce qui concerne les chômeurs de longue durée et les RMIstes a commencé et que 25 000 d'entre eux ont été reçus dès ce mois-ci.
Par ailleurs, les commissions d'action sociale d'urgence sont mises en place par les préfets et les présidents de conseils généraux, et j'espère que ceux qui sont encore un peu à la traîne vont s'activer.
L'ensemble des textes d'application seront pris à la fin du mois de novembre, les derniers devant être soumis au Conseil d'Etat le 24 novembre.
Seule l'insertion par l'économique ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 1999, puisque les fonds sont liés au vote du budget pour 1999.
Je ne comprends pas très bien les reproches qui nous ont été adressés lors de cette discussion générale ! M. Lorrain a dit que nous avons repris le plan Juppé ; alors que M. Delaneau nous reproche de l'avoir mis à bas. M. Oudin nous trouve trop laxistes alors que M. Machet pense que nous sommes trop coercitifs dans certains domaines. Certains disent que nous n'avons rien fait, d'autres ont la gentillesse de reconnaître que nous avons mis en place un certain nombre d'outils et qu'ils fonctionnent aujourd'hui.
Après avoir entendu toutes ces remarques, je regrette l'absence de propositions et de contre-propositions. On peut désapprouver ce que nous faisons. Mais, quand j'entends des propos aussi divergents que ceux que j'ai entendus sur la retraite ou l'hôpital, je ne sais pas quelles sont les propositions ou quels sont les projets.
Certains nous disent que ce que nous avons entamé est totalement dépourvu d'innovation. Personnellement, je cherche, non pas à être innovante, mais à mettre en place des réformes structurelles à long terme qui portent leurs fruits et rendent pérenne la sécurité sociale.
Mme Dieulangard a bien décrit notre objectif : nous voulons consolider les fondements de la sécurité sociale dans la concertation en renforçant la solidarité et la justice. C'est ce que nous faisons, grâce à ce projet de loi qui vous est soumis. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, après l'intervention de Mme la ministre, je serai bref. Pourtant, de multiples questions nous ont été posées.
Finalement, je vous ai trouvés plutôt satisfaits, en particulier sur la maladie !
Vous n'avez rien dit sur la substitution, donc cela va ! Vous n'avez rien dit sur les départs à la retraite, sur le MICA, ni sur le fonds d'aide, donc cela va ! Certains, même, qui s'étaient manifestés l'an dernier avec force, ont dit que c'était une bonne idée.
Pour ce qui est des modes de rémunération, c'est un nouveau style, quand même, puisqu'on ne paierait plus les médecins seulement à l'acte. Pourtant, vous nous avez félicités pour cette réforme en profondeur.
Si, dans un réseau, on pouvait prendre en charge par pathologie, peut-être même au forfait, la famille sur un an, voire la douleur, notre système serait en train de changer et vous l'approuveriez.
Je vous félicite de cette évolution. Après tout, le ton a changé depuis l'an dernier.
A propos de la clause de sauvegarde, certains sont, bien sûr, en parfait désaccord mais, s'agissant des médecins, M. Oudin nous a fait savoir qu'après tout ce n'était pas inintéressant.
Sur la prévention, le dépistage, l'évaluation, je n'ai rien entendu.
Malgré quelques irréductibles, je suis très content d'avancer avec vous.
Nous ne prétendons pas un seul instant, dans un système aussi complexe, compte tenu des difficultés que vous connaissez, de l'équilibre incertain vers lequel nous tendons, avoir trouvé ce que tout le monde cherche depuis des années. Toutefois, des réponses partielles ont pu être apportées à des questions sans doute pertinentes.
S'agissant des radiologues, on nous reproche de ne pas avoir récupéré ces fameux 450 millions de francs. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque nous aurons récupéré, lorsque vous aurez récupéré ces 450 millions de francs dont le régime général de sécurité sociale a besoin, je suis sûr que nous reparlerons à nouveau avec les radiologues et que, en effet, la fameuse lettre Z sera réévaluée.
Il était de notre devoir de récupérer cet argent, qui n'avait pas été perdu pour tout le monde.
Notre système est original et il est difficile à appréhender, en tout cas par les tenants d'autres systèmes, en Europe en particulier. Il repose en effet à la fois sur les médecins, qui seraient libres de prescrire, au nom de la fameuse nécessité de santé dont nous reparlerons, sans contrôle.
Soyons sérieux ! Chacun souhaite le contrôle car il s'agit de l'argent de la société. Et comment le faire autrement, sinon en freinant ou en essayant de maîtriser cette offre permanente, et en réfléchissant sur les besoins de santé ?
Bien sûr, tout le monde souhaite la maîtrise médicalisée des dépenses.
Qui doit réaliser cette maîtrise ? S'agira-t-il des médecins ? Si oui, lesquels ? Chacun d'entre eux pour son propre malade, pour sa discipline ? S'agira-t-il des conférences de consensus, des professeurs de médecin, des médecins de santé publique, des économistes de la santé ?
Que deviennent les patients dans tout cela ? Ne soyez pas dupes de la maîtrise dite médicalisée !
La maîtrise médicalisée, ce serait en effet que chacun d'entre nous accepte une nouvelle manière de se conduire pour le mieux de la santé des uns et des autres, dans un système qui permette de prescrire et d'être remboursé, sans contrôle.
La maîtrise médicalisée est très difficile à réaliser. C'est pourtant le meilleur système parce qu'il sous-entend un assentiment du corps médical.
Mais de quel corps médical s'agit-il. Des hospitaliers, qui ne prescrivent pas comme les libéraux, des spécialistes, qui ne prescrivent pas comme les généralistes ? La maîtrise médicalisée n'est pas chose aisée.
Tout le monde voudrait que la maîtrise soit médicalisée, certes, mais elle revêt forcément un caractère également comptable.
Bien entendu, le mot « maîtrise » suscite l'opprobre. Mais avec l'expression « maîtrise médicalisée », on se sent plus à l'aise...
Nous nous y sommes tous essayés ! Je faisais d'ailleurs partie d'un gouvernement qui, avec M. Teulade, a été le premier, après Claude Evin, à offrir la maîtrise médi-calisée. Cela a marché pendant un certain temps. Et puis, on s'est aperçu que cela revenait au même.
Il faut que les débats, des états généraux par exemple, s'instaurent sur ce sujet afin que la société prenne conscience de l'impossibilité de faire tout ce que l'on veut dans ce domaine.
C'était le cas pour les radiologues. Personne ne songe à stigmatiser cette profession. Tout le monde sait que les radiologues assument des charges importantes et que le coût d'installation d'un radiologue est sans commune mesure avec celui d'un dermatologue par exemple. Mais c'est la société qui paie.
Les dépenses faites dans ce secteur avaient un caractère très particulier. En effet, l'auto-prescription y est possible, contrairement à ce qui se passe à travers le monde. L'ordonnance du médecin n'est pas la seule à déterminer l'acte qui va être pratiqué. Il s'y ajoute la réflexion du radiologue sur l'examen lui-même.
Confrontés à une telle situation, vous auriez fait strictement comme nous : vous n'auriez pas accepté.
En dehors de ces polémiques que je comprends, si nous parvenons à un résultat, ce ne sera finalement pas seulement ce Gouvernement, ce sera notre pays qui parviendra, grâce à un système très particulier que le monde lui envie, à garder l'équilibre de sa protection sociale sans avoir recours à l'assurance privée.
S'agisant du médicament. MM. Delaneau, et Fourcade, Mme Dieulangard et M. Leclerc, notamment, ont abordé le problème de l'avenir de la politique conventionnelle et nous ont interrogés sur nos intentions quant à la clause de sauvegarde et sur la manière dont les industriels étaient traités, en particulier les industriels français, qui sont parfois pénalisés.
Nous croyons à la politique conventionnelle ; nous en sommes même des partisans farouches. Mais ce n'est pas celle que nous avons trouvée en arrivant qui nous a permis de dégager une solution cette année, je vous l'assure ! D'ailleurs, certains d'entre vous l'avaient critiquée en son temps.
Un encadrement global de la dépense de médicaments est d'autant plus nécessaire que cette dernière représente environ 80 milliards de francs, 13,8 % de la dépense totale du régime en 1997, près de 44 % des prescriptions de ville ! C'est le poste qui a le plus progressé cette année. Or, si la contribution de l'industrie à la régulation des dépenses est légitime, c'est parce que cette industrie a précisément bénéficié d'une forte croissance pendant cette année-là, financée par l'assurance maladie, c'est-à-dire par vous tous.
Parlons de ces 44 % des médicaments qui font l'objet des prescriptions de ville. Qui est capable de nous dire quels sont les médicaments utiles et les médicaments inutiles, quand ceux-ci ne sont pas cause de maladies ? Car, vous le savez, 13 % des entrées à l'hôpital sont dues à des interactions médicamenteuses. Là aussi, il faudrait s'entendre !
La France est le seul pays dont le système autorise une prescription aussi large. Quand cela va bien, on peut discuter ; mais quand cela va mal, il faut y regarder de très près.
Savez-vous quel est le nombre des médicaments qui sont considérés comme essentiels par l'Organisation mondiale de la santé ? Deux cents. Nous en avons neuf mille ! Je pense qu'il n'est donc pas nécessaire de les employer tous. Certes, j'exagère un peu, car la situation n'est pas la même, mais il s'agit néanmoins à peine d'une caricature !
En réalité, monsieur Leclerc, pour répondre à votre question relative à l'industrie pharmaceutique française, nous avons été coupables, les uns et les autres, et pendant de longues années, de laisser cette industrie dans un marché captif proposer un peu n'importe quoi à nos concitoyens. Nous savons très bien que ces prescriptions médicales sont singulièrement françaises et qu'elles ne sont reprises nulle part ailleurs.
Les molécules performantes qui arrivent sur le marché sont des molécules onéreuses ayant nécessité de très lourds investissements. Qui plus est, dans de nombreux cas - je dirais, en gros, la moitié, mais je n'ai pas fait de statistiques -, elles ne servent pas à grand-chose pour l'amélioration de la santé. Doit-on les accepter sous prétexte que ce sont des molécules françaises ? Vous savez très bien que vous auriez fait la même chose !
Nous avons voulu instituer le service médical rendu, c'est-à-dire que nous allons revoir, avec des organisations complètement indépendantes comme le Comité de transparence et le Comité économique du médicament, chacune de ces classes thérapeutiques, cela pour le bien de tous, et pas seulement dans l'optique de la dépense.
Il faudra s'interroger : à quoi cela sert-il ? Cela ne fait-il pas de mal ? On s'apercevra que, dans notre pharmacopée immense, il y beaucoup à faire pour que le service soit amélioré, se poursuive et continue à être remboursé.
Régulation des dépenses et financement de l'innovation ne sont pas incompatibles ! C'est un sacrifice difficile, nous le savons, mais peut-être que cela favorisera, au moins dans un premier temps, les laboratoires les plus performants.
Conjointement avec Claude Allègre, nous avons fait de la recherche médicale le premier secteur de recherche en France en investissement. Nous espérons que cela débouchera sur des médicaments novateurs, qui, eux, feront le tour du monde.
C'est la raison pour laquelle une clause de sauvegarde est prévue. En effet, lorsqu'on dépense beaucoup parce que la progression de ces médicaments est importante et lorsqu'on réalise de gros bénéfices, il est normal, à mon avis, puisqu'il s'agit de l'argent de tous, que les industriels participent au redressement sans pour autant être pénalisés.
Mme Borvo et Mme Dieulangard ont analysé les enjeux du système de demain. Je les en remercie.
M. Claude Huriet. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Huriet, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Claude Huriet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous allez quitter le sujet sur lequel vous avez développé un certain nombre d'arguments dont nous aurons sans doute plus tard l'occasion de débattre.
Or, pas plus que Mme la ministre, vous n'avez parlé de l'article 25, à propos duquel des questions vous ont été posées. Par exemple, quelle est la position du Gouvernement par rapport au texte initial du projet défendu par le Gouvernement et tel que l'Assemblée nationale l'a amendé ? Il est important qu'une clarification intervienne sur ce point.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vous ai dit notre attachement à la politique conventionnelle. C'est ce qui permettrait, nous l'espérons en tout cas, à l'industrie pharmaceutique, comme c'est le cas pour les médecins, de rester dans la progression nécessaire d'une année.
Lorsque les conventions seront respectées, cette sorte de serre-file qu'est la clause de sauvegarde ne jouera pas. Le débat à l'Assemblée nationale a porté sur un amendement qui vise à supprimer cette clause de sauvegarde lorsque les conventions sont signées. Nous devons, me semble-t-il, la conserver dans la mesure où nous ignorons où est le dérapage.
Cela vaut aussi pour les médecins. Nous l'avons exprimé à plusieurs reprises, et c'est dans cet esprit que nous avons rédigé ce projet de loi.
Si nous avons institué un tel système, ce n'est pas parce que la maîtrise des dépenses serait une nécessité psychologique. C'est pour que l'ensemble de la profession, aussi bien l'industrie pharmaceutique que les médecins, comprenne qu'il faut rester dans le cadre de ces conventions. Au-delà, nous ne pouvons permettre aucun dérapage. Voilà tout le débat.
Une taxe sur l'industrie pharmaceutique a été instituée - que d'aucuns avaient dénoncée en leur temps - qui a soudainement frappé cette industrie. Dans la mesure où nous donnons le mode d'emploi, il me semble que nous pourrions éviter la taxation et qu'il serait du coup plus juste et plus sage d'examiner ce problème ensemble.
N'oubliez pas que les négociations que nous avons menées auprès des laboratoires de produits pharmaceutiques ont été à 98 %, voire à 99 %, couronnées de succès ! Tous ceux que nous avons reçus ont en effet accepté d'entrer dans les clous. Nous espérons, monsieur le sénateur, que cela se manifestera à nouveau.
J'en viens à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, à laquelle certains d'entre vous ont fait allusion, en particulier vous-même, monsieur Huriet.
Mme Aubry vous l'a dit, lorsque nous sommes arrivés, elle n'existait pas. Il y avait seulement l'Agence pour le développement de l'évaluation médicale, l'ANDEM. L'ANAES devait lui succéder, mais rien n'avait encore été fait. Il nous a fallu mettre ce dispositif en place. Nous avons donc perdu quelques mois par rapport aux prévisions. Il a fallu en effet nommer le président et attendre les décrets d'application.
Comme vous le savez, l'ANAES a recruté depuis 78 personnes. Si aucun financement particulier ne lui a été accordé cette année, c'est parce que celui de l'an dernier permettait la création de 128 postes. Sa marge étant encore de 50 personnes, les recrutements se poursuivent.
Martine Aubry a dit tout à l'heure que l'Agence serait opérationnelle au début de l'année prochaine, mais elle l'est déjà. La parution du guide constitue un progrès considérable. Certes, il s'agit d'un guide provisoire des méthodes d'accréditation des établissements, mais, à la fin de janvier 1999, il laissera la place à un autre mode d'emploi plus perfectionné, à un guide plus abouti.
D'ores et déjà, quarante-cinq établissements sont inscrits sur les tablettes de l'ANAES et sont actuellement en voie d'exploitation. Par conséquent, l'ANAES est bien en place et fonctionne. A compter de janvier prochain, son mode d'action sera plus abouti, mais les quarante-cinq établissements auront été visités, du moins je l'espère.
Quant au secteur hospitalier, certes nous nous en sommes préoccupés. A juste titre, M. Gérard Larcher a parlé de la pénurie dans certaines spécialités. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, comment peut-on régler en quatorze mois un problème aussi vaste qui dure depuis vingt ou trente ans ? C'est impossible ! La pénurie d'anesthésistes et d'obstétriciens ne peut pas se résoudre en quelques jours.
Nous avons mis en place les groupes du professeur Nicolas. Ils ont rendu un certain nombre de verdicts, si j'ose dire. Depuis, nous avons déjà modifié l'internat, en créant trois filières spécifiques, en particulier pour les anesthésistes, qui, bien entendu, fourniront des spécialistes, mais cela pas avant quatre ou cinq ans.
Nous avons conscience de la pénurie et cela pose un problème par rapport au numerus clausus . En effet, certains pensent que cette pénurie des années 2003 ou 2005, qui sera sans doute une pénurie hospitalière, ne devrait pas s'accompagner, maintenant, d'un recrutement spécial. Comme on craint qu'il n'y ait trop de médecins en ville, on ne s'aperçoit pas qu'il n'y aura peut-être pas de médecins dans les disciplines hospitalières ! Voilà pourquoi nous avons consenti cet effort en psychiatrie, en radiologie, en anesthésie et en gynéco-obstétrique.
Sur le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, je répondrai à M. Delaneau qu'il y avait 46 projets. Il se trouve que 27 d'entre eux concernent des villes tenues par l'opposition contre 19 pour la majorité. Il y avait d'un côté 230 millions de francs, de l'autre, 270 millions de francs, les 500 millions de francs ont été utilisés. Il y avait encore d'autres projets, mais ils n'ont pas été retenus.
Je sais que ce n'est pas dans cet esprit que vous avez évoqué le FIMHO, mais je tenais à en parler et à vous dire que ce fonds fonctionne bien !
Monsieur Fourcade, il existe une grande divergence d'appréciation entre nous ! Mme Aubry vous a répondu à propos des 35 heures et de la masse salariale.
Comme vous le savez, beaucoup de firmes pharmaceutiques sont déjà passées aux 35 heures. Il existe deux modèles : l'un où, le système de production étant extrêmement automatisé, la loi sur les 35 heures, en effet, ne crée pas d'emplois, et l'autre où elle crée des emplois qui correspondent à 10 % ou 8 % de la masse salariale qui augmente d'ores et déjà. Tout dépend d'abord des modes de fabrication, ensuite de l'automatisation des chaînes.
Nous pensons que les 35 heures augmenteront la masse salariale. Vous pensez le contraire. J'espère que c'est nous qui aurons raison et vous qui aurez tort ; mais c'est l'histoire qui nous le dira !
A propos de l'amiante, vous avez résumé, madame Borvo, les actions qui, à partir du rapport du professeur Claude Got, sont maintenant en cours d'application.
Sur les rémunérations différentes, nous sommes évidemment d'accord.
Nous sommes moins d'accord sur la suppression des lits.
Nous n'avons pas pour religion de supprimer des lits, cependant un lit inutile a non seulement un coût financier mais également un coût en termes de qualité des soins dans l'hôpital.
De même, il n'est pas question - éventualité qui a pu faire frémir certains - de fermer des maternités utiles en appliquant aveuglément la référence au seuil des 300 accouchements. Il s'agit en revanche de mettre en réseau des maternités afin d'assurer une plus grande sécurité, ce qui est essentiel, mais aussi pour permettre à certaines d'entre elles de survivre.
C'est bien là le sens de notre démarche.
Je vous remercie, madame Dieulangard, d'avoir insisté sur les autres formes de paiement et sur les prises en charge globales, ce qui me paraît en effet très novateur.
Quant à la régionalisation, monsieur Huriet, comme Martine Aubry, je pense profondément qu'elle constitue la clé du système, mais nous sommes incapables - et je dis cela aussi pour M. Fourcade - sur la base des données actuelles, d'appliquer avec justesse la régionalisation. Sur ce point, je partage votre sentiment. Au demeurant, si l'année prochaine nous pouvons déjà fournir des données partiellement régionalisées dans l'ONDAM, nous aurons fait des progrès considérables.
Monsieur Huriet, les besoins de santé régionaux ne seront-ils pas sélectionnés par le négatif ?
Il est très difficile d'apprécier ces besoins de santé, vous le savez très bien. En tout cas, il y a des différences considérables entre les régions, qu'il ne faut pas accentuer. C'est vrai : être généraliste dans une région difficile et pauvre, dans une ancienne ville minière, une ville où l'alcoolisme est répandu, ce n'est pas exactement la même chose qu'exercer sur la Côte d'Azur.
Vous m'avez provoqué sur les coûts liés au traitement de l'insuffisance rénale. Certes, vous connaissez bien le domaine, mais vous n'avez pas trouvé le moyen d'éviter véritablement les dépenses incriminées. C'est vrai que le résultat global dans les trois exemples que vous avez pris est pénalisant pour notre système.
Il en va de même pour les affections nosocomiales, mais comment diminuer les coûts sans une pédagogie qui sera coûteuse pour l'hôpital et qui nécessitera des années pour parvenir à un moindre coût alors qu'on souhaite une amélioration immédiate ?
Monsieur le président, j'espère que vous n'allez pas trop m'en vouloir si je dépasse minuit ! (Sourires.)
M. Fourcade s'est félicité de l'existence du fonds d'aide à la qualité des soins de ville, je l'en remercie.
Pour ce qui est de l'hospitalisation, oui, monsieur Larcher, l'hospitalisation publique emporte notre adhésion, je vous l'affirme. Il est même évident que nous souhaitons renforcer l'hôpital public. Je vous ferai d'ailleurs remarquer que le taux directeur attribué à l'hôpital public est plus élevé que celui des cliniques.
Je vous avais promis, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas trop dépasser minuit. Il est plus que temps que j'arrête mon propos, mais avec regret car bien d'autres questions méritaient d'être abordées.
En conclusion, je dirai que cette discussion générale - nous verrons ce qui se passera lors de la discussion des articles - fut plus détendue et moins agressive que celle de l'an dernier, en tout cas sur la majorité des chapitres. Bien sûr, sur d'autres, nous ne vous convaincrons pas, mesdames, messieurs les sénateurs, et je me demande même si, pour certains, vous ne souhaitez pas que nous échouions, mais cela concerne une minorité de cas. Pour le reste, je vous remercie ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Demande de réserve



M. Jean Delaneau,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Delaneau, rapporteur. A l'issue de la discussion générale, je tiens à indiquer que la commission demande la réserve de l'article 1er et du rapport annexé jusqu'après l'article 36, dernier article du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

19

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi aurorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagement du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la principauté de Monaco du 18 mai 1963.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 60, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échanges de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la principauté de Monaco du 18 mai 1963.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 61, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale des Nations unies le 21 novembre 1947 (ensemble dix-sept annexes approuvées par les institutions spécialisées).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 62, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

20

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil autorisant le royaume du Danemark à appliquer ou à continuer d'appliquer à certains huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d'accises conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1172 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil portant adoption des mesures autonomes et transitoires pour les accords européens avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie concernant certains produits agricoles transformés (prolongation 1999).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1173 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement portant adoption des mesures autonomes et transitoires pour les accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne certains produits agricoles transformés (prolongation 1999).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1174 et distribuée.

21

DÉPOT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Philippe Lachenaud un rapport d'information, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur la situation des bibliothèques universitaires françaises.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 59 et distribué.

22

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 16 novembre 1998, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 50, 1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 58, 1998-1999) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 56, 1998-1999) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi : vendredi 13 novembre 1998, à seize heures.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 6, 1998-1999).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour les inscriptions de la parole dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au mercredi 18 novembre 1998, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au jeudi 19 novembre 1998, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 13 novembre 1998, à zéro heure cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





Décision n° 98-2564 du 10 novembre 1998

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête n° 98-2564 présentée par M. Ronald Perdomo, demeurant à Marseille (Bouches-du-Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 7 octobre 1998 et tendant à la rectification du résultat des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 dans le département des Bouches-du-Rhône pour la désignation de sept sénateurs ;
Vu le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 septembre 1998 dont le requérant fait appel ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Jean-Claude Gaudin, Francis Giraud et André Vallet, sénateurs, enregistré comme ci-dessus le 22 octobre 1998 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil constitutionnel annule l'élection de M. Vallet et proclame élu M. Perdomo :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 295 du code électoral : « Dans les départements qui ont droit à cinq sièges de sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. » ;
Considérant que les opérations électorales en date du 27 septembre 1998 dans le département des Bouches-du-Rhône portent sur la désignation de sept sénateurs ; que les conclusions de M. Perdomo, qui conduisait la liste « Rassemblement de la droite » dans ce département, tendent à l'annulation de l'élection de M. Vallet, troisième et dernier élu de la liste conduite par M. Gaudin et à ce que le Conseil constitutionnel le proclame élu au lieu et place de M. Vallet ; que les griefs présentés à l'appui de ces conclusions sont tirés exclusivement d'irrégularités qui auraient été commises lors de la désignation des délégués titulaires et des suppléants de la ville de Marseille ou lors des opérations électorales, d'une part, et d'une violation du principe d'égalité entre les listes de candidats pendant la période de propagande, d'autre part ; qu'à supposer établis ces griefs, leur prise en compte ne permettrait pas au juge d'arrêter la répartition exacte des voix entre les listes en présence, d'estimer que seule l'attribution du siège de sénateur contesté serait affectée par les irrégularités alléguées et de prononcer en conséquence l'annulation partielle de l'élection ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 septembre 1998 :
Considérant qu'eu égard à l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les opérations électorales pour le motif précité les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif sont devenues sans objet,
Décide :
Art. 1er. _ Les conclusions de la requête tendant à ce que le Conseil constitutionnel annule l'élection de M. André Vallet et proclame élu M. Ronald Perdomo sont rejetées.
Art. 2. _ Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 septembre 1998.
Art. 3. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M. Ronald Perdomo et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.

Décision n° 98-2566 du 10 novembre 1998

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Yves Conroy, demeurant à Papara (Polynésie française), déposée auprès du haut-commissariat de la République en Polynésie française le 7 octobre 1998, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 13 octobre 1998 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 pour la désignation d'un sénateur dans le territoire d'outre-mer de la Polynésie française ;
Vu les observations présentées par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 22 octobre 1998 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Gaston Flosse, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 modifiée complétant l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant en premier lieu que le requérant ne produit aucun élément de preuve à l'appui de ses affirmations selon lesquelles M. Flosse aurait, lors de sa campagne électorale, bénéficié, de la part de collectivités publiques, d'avantages de nature à entraîner une rupture de l'égalité entre candidats et une altération de la sincérité du scrutin sénatorial ; que le grief ainsi rejeté pouvait être utilement invoqué alors même que l'article L. 52-8 du code électoral n'est pas applicable aux élections sénatoriales ;
Considérant en second lieu qu'il est constant que M. Flosse a tenu une réunion électorale à Arue le 24 septembre 1998, à laquelle étaient présentes trois personnes qui n'étaient pas au nombre de celles qui, en application des dispositions de l'article L. 306 du code électoral, auxquelles renvoient celles de l'article 3 de l'ordonnance du 4 février 1959 susvisée, peuvent seules assister à de telles réunions ; que, toutefois, cette irrégularité, compte tenu de la circonstance que M. Flosse a obtenu au premier tour de scrutin un nombre de voix très supérieur à la majorité des suffrages exprimés nécessaire à son élection, n'a pas été de nature à modifier les résultats du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Conroy doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Yves Conroy est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M. Yves Conroy et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.

Décision n° 98-2561 du 10 novembre 1998

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Gérard Duringer, demeurant à Urmatt (Bas-Rhin), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 6 octobre 1998, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 pour la désignation des sénateurs représentant les Français établis hors de France ;
Vu le mémoire en défense présenté par Mme Paulette Brisepierre, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 19 octobre 1998 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. André Ferrand, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 22 octobre 1998 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Robert-Denis del Picchia, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 22 octobre 1998 ;
Vu les observations présentées par le ministre des affaires étrangères, enregistrées comme ci-dessus le 28 octobre 1998 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Duringer, enregistré comme ci-dessus le 9 novembre 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 modifiée complétant l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs ;
Vu la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France ;
Vu la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 modifiée relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger ;
Vu le décret n° 83-734 du 9 août 1983 relatif à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales et à ce que le Conseil constitutionnel prononce l'inéligibilité de M. del Picchia :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article LO 180 du code électoral, applicable à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, en vertu de l'article 4 de la loi organique du 17 juin 1983 susvisée : « Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature. »
Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, les listes électorales de la circonscription sont celles des électeurs mentionnés à l'article 2 de la loi du 7 juin 1982 susvisée, qui élisent le collège électoral sénatorial défini à l'article 13 de l'ordonnance du 4 février 1959 susvisée ; qu'il est constant que M. Duringer n'est pas inscrit sur ces listes ;
Considérant, en second lieu, que M. Duringer n'a pas fait acte de candidature à l'élection contestée et qu'il ressort de l'instruction que le secrétariat du Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui lui a adressé, comme il l'avait demandé, une liste des membres du collège électoral, avant même que cette liste ait été définitivement dressée par un arrêté du ministre des affaires étrangères, pris le 21 septembre 1998, sur le fondement de l'article 3 du décret du 9 août 1983 susvisé, ne lui a pas opposé des refus de communication d'informations de nature à l'empêcher de déposer une liste de candidats dans les conditions prévues par l'article 16 de l'ordonnance du 4 février 1959 susvisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Duringer n'a qualité ni pour demander l'annulation des opérations électorales ni pour conclure à ce que le Conseil constitutionnel prononce l'inéligibilité de M. del Picchia ;
Sur les autres conclusions :

Considérant qu'aucune disposition applicable au Conseil constitutionnel ne permet à celui-ci ni d'ordonner l'engagement d'une procédure ni de prononcer une condamnation à l'encontre d'un élu ; qu'il ne peut davantage accorder de dommages-intérêts ni condamner une partie aux frais et dépens de l'instance ;
Considérant que M. Duringer ne saurait utilement se prévaloir, au soutien de sa demande tendant au versement d'une somme au titre des frais exposés, et non compris dans les dépens, des dispositions du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, ou de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, dès lors que ces dispositions législatives ne résultent pas d'une loi organique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Duringer doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Gérard Duringer est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M. Gérard Duringer et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

Lors de sa séance du 12 novembre 1998, le Sénat a reconduit M. Roland du Luart dans ses fonctions de membre du conseil d'administration de l'Etablissement public Autoroutes de France.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Contrôle technique
des systèmes d'assainissement non collectif

368. - 12 novembre 1998. - M. Gérard César attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'application de la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992 qui transfère aux communes les modalités de mise en oeuvre du contrôle technique des systèmes d'assainissement non collectif. Il lui rappelle que ce transfert de compétences est lourd de conséquences pour les petites communes rurales qui n'ont pas les moyens techniques et financiers d'assurer cette responsabilité et de vérifier la conformité des installations. Par rapport aux permis de construire, il lui demande de préciser les mesures qu'elle entend prendre pour assurer à nouveau cette responsabilité par l'intermédiaire des directions des affaires sanitaires et sociales (DASS).

Classes préparatoires aux grandes écoles

369. - 12 novembre 1998. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les classes préparatoires aux grandes écoles. Littéraires, scientifiques ou commerciales, ces classes aident les intéressés à préparer démocratiquement des concours grâce à des épreuves écrites anonymes, suivies d'oraux de haut niveau. L'acquisition, fondamentale pour l'avenir des étudiants concernés, de méthodes de travail et de connaissances théoriques pluridisciplinaires assure la transition indispensable entre l'enseignement secondaire et les grandes écoles. Or, en décembre 1997, une première réduction budgétaire amène les écoles normales supérieures à réduire le nombre d'épreuves et certains cursus de formation. En mai 1998, il est question qu'un décret - toujours en cours d'élaboration - réforme les procédures des concours des écoles dépendant des divers ministères et, le 30 juillet dernier, un décret abaisse effectivement de 7 % la rémunération des heures d'interrogations orales et de 17 % celle des heures supplémentaires, diminuant ainsi les traitements des enseignants concernés sans contrepartie ni concentration préalable. Ces procédures portant atteinte aux spécificités psychologiques de ces classes, au statut des enseignants et conséquemment à la qualité des études concernées, il souhaite connaître la philosophie et la logique qui sous-tendent les dispositions précitées.

Financement de la télévision publique

370. - 12 novembre 1998. - M. Franck Sérusclat interroge Mme le ministre de la culture et de la communication sur le financement futur de la télévision publique. Dans le projet de loi qui va prochainement être discuté au Parlement, il est prévu d'abaisser le temps maximum de publicité autorisé sur les chaînes publique de treize à cinq minutes par heure. Cette disposition aurait pour conséquence une perte de recettes publicitaires de l'ordre de 3 milliards de francs pour France 2 et Franche 3. Il faudra combler ce manque. Pour cela, plusieurs solutions sont envisagées et envisageables : une augmentation de la redevance ; une taxe prélevée sur le surplus de marge des opérateurs privés consécutive à l'augmentation des recettes publicitaires qu'ils vont recevoir ; une taxe sur la loterie nationale et autres jeux de hasard ; une forte augmentation aléatoire des fonds publics à destination des chaînes publiques. Il aimerait connaître quelle solution est préconisée et préférée par le Gouvernement face à cette situation.

Conditions de circulation dans le couloir Rhodanien

371. - 12 novembre 1998. - M. Jean Besson sollicite l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement concernant la saturation du couloir rhodanien. Compte tenu de l'évolution constatée du trafic, le seuil de saturation structurel de l'autoroute A 7 pourrait être atteint dès 2001-2002. Face à cette situation, le projet de l'A 51, essentiel pour le désenclavement du massif alpin, doit aussi être capable d'offrir une alternative crédible à l'A 7. C'est pourquoi il souhaiterait connaître l'état d'avancement de l'étude en cours mais aussi le calendrier prévisionnel de cette infrastructure. D'autre part, si les deux grands axes autoroutiers Nord-Sud inscrits au schéma directeur pour décharger l'axe rhodanien deviennent réalité, c'est-à-dire l'A 75 et l'enchaînement des autoroutes A 39, A 48 et A 51, il convient de savoir si le dispositif sera suffisant, et dans l'hypothèse négative, de déterminer les différentes solutions envisageables. C'est pourquoi il souhaite la réalisation d'une nouvelle étude intermodale sur l'axe Nord-Sud en intégrant cet axe dans le cadre européen et en demandant un développement détaillé de toutes les solutions de mixité des transports.