Séance du 19 novembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Transmission du projet de loi de finances pour 1999 (p. 1 ).

3. Questions orales sans débat (p. 2 ).

SITUATION DES CENTRES DE VACANCES ET DE LOISIRS (p. 3 )

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Pierre Demerliat.

PROBLÈMES D'AMÉNAGEMENT DU PONT DE ROUEN
À NANTERRE (p. 4 )

Question de M. Michel Duffour. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Michel Duffour.

CONDITIONS DE STATIONNEMENT
DES GRANDS VOYAGEURS (p. 5 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

RÉFORME DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS
ET AVENIR DE LA FORÊT (p. 6 )

Question de Mme Janine Bardou. - M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Mme Janine Bardou.

MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE KARLSRUHE
SUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE (p. 7 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Philippe Richert.

RÉORGANISATION DES SERVICES DE POLICE
ET DE GENDARMERIE EN MEURTHE-ET-MOSELLE (p. 8 )

Question de M. Philippe Nachbar. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Philippe Nachbar.

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ATTEINTES
PAR LA MALADIE D'ALZHEIMER (p. 9 )

Question de Mme Anne Heinis. - M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Mme Anne Heinis.

ASSURABILITÉ DES PERSONNES ATTEINTES
PAR LE VIH (p. 10 )

Question de M. Bernard Fournier. - MM. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Bernard Fournier.

AVENIR DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE (p. 11 )

Question de Mme Dinah Derycke. - M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Mme Dinah Derycke.

SITUATION DES PRODUCTEURS
DE PEAUX D'OVINS (p. 12 )

Question de M. Bernard Murat. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Bernard Murat.

AVENIR DES CLASSES TECHNOLOGIQUES (p. 13 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Christian Demuynck.

FERMETURES DE GENDARMERIES
EN ZONES RURALES (p. 14 )

Question de M. Yves Rispat. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Yves Rispat.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Loi de finances pour 1999. - Discussion d'un projet de loi (p. 16 ).
Discussion générale : MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, président de la commission des finances ; Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Xavier de Villepin, Roland du Luart, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan.

5. Organisme extraparlementaire (p. 17 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

6. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 19 ).

7. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 20 ).
Discussion générale (suite) : M. Philippe Adnot, Mme Hélène Luc, MM. Bernard Angels, Denis Badré.

8. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires japonais (p. 21 ).

9. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 22 ).
Discussion générale (suite) : MM. Paul Girod, Jacques Oudin, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Marc Massion.
Renvoi de la suite de la discussion.

10. Dépôt de projets de loi (p. 23 ).

11. Renvoi pour avis (p. 24 ).

12. Dépôt de rapports (p. 25 ).

13. Dépôt d'avis (p. 26 ).

14. Ordre du jour (p. 27 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

TRANSMISSION DU PROJET
DE LOI DE FINANCES POUR 1999

M. le président. M. le président a reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 65, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

3

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

SITUATION
DES CENTRES DE VACANCES ET DE LOISIRS

M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 330, adressée à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre de la jeunesse et des sports sur l'évolution préoccupante, eu égard à leur accessibilité et à leur devenir, des centres de vacances et de loisirs, notamment dans le Limousin.
En effet, cette région, traditionnellement terre d'accueil en ce domaine, voit, au fil des années, nombre de ses centres disparaître en tant que tels faute d'une aide financière suffisante pour leur nécessaire rénovation. C'est le cas, par exemple, de ceux de La Jonchère et du Mazeau, en Haute-Vienne, qui ont reçu respectivement plus de cent enfants par an, ou de celui de Hautefage, en Corrèze. Ces centres ont été cédés à des structures privées et voués à d'autres activités.
De surcroît, de façon plus générale, nombreux sont les parents qui ne disposent pas, aujourd'hui, d'un budget leur permettant à la fois d'inscrire leurs enfants dans les centres de vacances et de partir eux-mêmes en vacances. De ce fait, nombre d'entre eux renoncent à utiliser les bons vacances attribués par les caisses d'allocations, bons qui, d'ailleurs, ne couvriraient qu'une faible partie du prix d'un séjour, environ de 10 % à 15 %.
Aussi assiste-t-on à une certaine forme de sédentarisation des loisirs dans la mesure où de nombreuses caisses d'allocations familiales et de collectivités locales donnent la priorité aux loisirs de proximité, au détriment du départ en vacances des enfants et des jeunes. C'est moins le cas pour les comités d'entreprise ou les oeuvres sociales qui financent des séjours.
Je note, en particulier, que l'ensemble des organisateurs associatifs limousins de séjours de vacances ont, eux, vu le nombre des « journées enfants » baisser de 11 % en 1996 puis de 3 % en 1997. Ces chiffres sont très inquiétants.
J'ajoute que, faute d'une aide financière suffisante - seule la Caisse nationale d'allocations familiales participe, pour environ 10 % du coût de la formation - les jeunes qui entreprennent une formation aux fonctions d'animateur - préparation du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, le BAFA - et de directeur - préparation du brevet d'aptitude aux fonctions de directeur, le BAFD - sont peu nombreux à le faire spontanément et volontairement.
Ainsi, pour le département de la Haute-Vienne, le nombre de stagiaires en formation générale préparant le BAFA est passé de 259, en 1994, à 214 en 1997. L'évolution est du même ordre s'agissant des stagiaires préparant le BAFD, qui sont passés de 34 à 15 dans la même période. Une telle diminution, sur ces deux créneaux, ne sera pas sans conséquences dommageables à moyen terme.
Enfin, un certain manque de sécurité et la médiatisation intense de certains cas de manquement dans la période récente sont autant de handicaps qui concourent fâcheusement à mettre en cause le devenir de structures qui, pourtant, favorisent le brassage, la cohésion sociale et l'esprit d'ouverture des jeunes.
Aussi me paraît-il nécessaire que cette forme de mobilité, en complément des loisirs de proximité et non pas en opposition avec eux, puisse être prise en compte.
A cette fin, il serait sans doute utile que soit promue au ministère de la jeunesse et des sports une coordination interministérielle avec l'éducation nationale, les affaires sociales, voire l'emploi et le tourisme, afin de valoriser les loisirs éducatifs collectifs et de préserver une cohérence malgré les disparités locales qu'engendre la décentralisation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Marie-George Buffet, retenue, vous le savez, à l'Assemblée nationale, où se poursuit, ce matin, l'examen de son important projet relatif à la lutte contre le dopage.
Mme le ministre de la jeunesse et des sports est extrêmement attentive à tout ce qui favorise le départ en vacances des enfants et des jeunes, sachant que, dans notre pays, encore un enfant sur trois ne part pas en vacances. Elle connaît, par ailleurs, les difficultés auxquelles sont confrontés les organismes responsables des centres de vacances que vous évoquez.
Au-delà de la simple fonction sociale d'accueil et de garde, les centres de vacances remplissent en effet une fonction éducative déterminante pour le développement des enfants et des jeunes.
Cependant, avant de vous présenter les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre pour résoudre leurs difficultés. Mme Buffet estime nécessaire de vous apporter quelques précisions.
Chaque année, les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement accueillent environ cinq millions et demi d'enfants et de jeunes mineurs.
Ces deux types de structures connaissent cependant des évolutions différentes.
Ces deux dernières années, les centres de loisirs et autres modes d'accueils de proximité n'ont cessé de se développer. Ils accueillent aujourd'hui plus de quatre millions d'enfants et de jeunes par an.
Dans le même temps, les centres de vacances ont connu une baisse de leurs effectifs liée à différents facteurs : coût trop élevé des séjours, qui deviennent inaccessibles pour de nombreuses familles ; réticences de certains parents que les affaires d'accident ou, à plus forte raison, de pédophilie inquiètent légitimement.
Les accidents - une dizaine d'accidents graves par an - et les problèmes de pédophilie - une quinzaine de cas par an - restent, heureusement ! très minoritaires, comparés aux millions d'enfants accueillis chaque année et aux quelque 500 000 animateurs qui assurent leur encadrement dans les centres de vacances comme dans les centres de loisirs, même s'il est vrai qu'il n'y en aurait qu'un ce serait déjà trop !
Le rôle de l'Etat, dans ce contexte, apparaît de plus en plus complexe, mais aussi de plus en plus nécessaire pour garantir la qualité et la sécurité des vacances, et pour lutter sans faiblesse contre des agissements qui inquiètent le public et justifient une vigilance de tous et de tous les instants contre les maltraitances et les pratiques pédophiles ou sectaires.
Cela passe, en premier lieu, par un renforcement de la réglementation et des missions de contrôle et d'inspection qui incombent aux services publics en général et à ceux du ministère de la jeunesse et des sports en particulier.
En second lieu, des réflexions ont été engagées par les services du ministère de la jeunesse et des sports, les associations et les organismes publics. Ces réflexions doivent aboutir à un ensemble de réformes pédagogiques et réglementaires concrètes, en particulier à un élargissement et un renforcement des mesures de police administrative de protection des mineurs.
Comme vous le suggérez, monsieur le sénateur, Mme Buffet entend également mener, dès 1999, en collaboration avec les associations et autres organisateurs, une vaste campagne d'information nationale pour revaloriser l'image des centres de vacances et de loisirs et informer le grand public de l'intérêt de ces structures d'accueil.
Enfin, pour faire face à l'état parfois très préoccupant des équipements des centres de vacances et de loisirs, Mme Buffet a obtenu les moyens budgétaires nécessaires, dans la loi de finances pour 1999, pour reprendre, après plusieurs années d'interruption, le programme de rénovation du patrimoine associatif des centres de vacances et de loisirs.
En 1998, 10 millions de francs de mesures nouvelles ont déjà été affectées à cet objectif. Le projet de budget pour 1999 prévoit une dotation de 17,5 millions de francs, inscrite au titre VI, pour la poursuite de ce programme.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, vos préoccupations trouvent un écho auprès de Mme Marie-Georges Buffet, qui poursuit ses efforts dans ce domaine qui vous tient à coeur.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens, par votre entremise, à remercier Mme la ministre de la jeunesse et des sports.
En effet, un effort était nécessaire, et le Gouvernement l'a fait. Nécessaire, il l'était parce que les centres de vacances et le monde des loisirs de proximité s'intègrent dans un secteur économique relativement porteur, mais aussi et surtout parce que les jeunes qui utilisent ces structures ne partiraient pas en vacances si celles-ci n'existaient pas. L'effort consenti va donc doublement dans la bonne direction.

PROBLÈMES D'AMÉNAGEMENT
DU PORT DE ROUEN À NANTERRE

M. le président. La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 347, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Duffour. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur l'aménagement d'un site bien particulier des Hauts-de-Seine : le pont de Rouen, à Nanterre.
Ce lieu est chargé de bien des symboles puisqu'il jouxte un quartier très ancien, le plus populaire de Nanterre, que tous les maires successifs de cette ville ont eu à coeur d'équiper.
Aujourd'hui, ce pont est un goulet d'étranglement et un point particulièrement noir de la circulation dans le nord des Hauts-de-Seine, qui accentue le sentiment d'isolement des populations voisines.
Malgré les protestations de la municipalité de Nanterre et des différentes associations de défense des riverains et de l'environnement, les projets routiers qui se sont succédé ont ignoré les problèmes du pont de Rouen.
L'emprise de l'A 86 occupe quasi entièrement cet ouvrage. Cette situation crée, outre les nuisances sonores et la pollution, l'impossibilité d'une desserte locale entre le quartier du « petit Nanterre » et le reste de la ville, et de grandes difficultés pour les circulations piétonne et cycliste.
Vos prédécesseurs au ministère de l'équipement, des transports et du logement ont fait malheureusement la sourde oreille à toutes les demandes. Mais je sais que ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, notre attachement à la réalisation du tramway T 1 de Saint-Denis à Nanterre. Le passage en ce lieu sera très important. Dans un souci d'anticipation, j'aimerais donc connaître quels sont les types d'aménagement prévus afin d'organiser, de la façon la plus urbaine et la plus vivable, le passage du tramway et de l'A 86 au niveau du pont de Rouen à Nanterre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui ne peut être présent ce matin au Sénat, a cependant étudié avec attention votre question et m'a demandé de vous communiquer ses éléments de réponse.
Le quartier du « Petit Nanterre » se trouve actuellement séparé du reste de la ville de Nanterre par la route nationale 314 et la voie ferrée Paris-Rouen.
A la suite de l'enquête publique préalable au projet de réaménagement de l'échangeur entre la RN 186 et la RN 314, une commission technique de suivi comportant des représentants de la ville de Nanterre, de l'établissement public pour l'aménagement de la région de La Défense, l'EPAD, et de la direction départementale de l'équipement des Hauts-de-Seine, a été mise en place à la demande du préfet des Hauts-de-Seine. Elle s'est préoccupée du désenclavement de ce quartier, des cheminements piétons, des pistes cyclables et des aménagements paysagers au droit de l'échangeur du pont de Rouen.
Les solutions retenues consistent à réduire l'emprise de la RN 186, à installer un revêtement absorbant, du mobilier urbain et de l'éclairage d'ambiance sous le pont de Rouen. Ces solutions seront financées dans le cadre de l'opération d'élargissement de l'A 86 que M. Jean-Claude Gayssot proposera d'inscrire au prochain contrat Etat-région d'Ile-de-France.
Enfin, un groupe de travail animé par un architecte-urbaniste doit faire des propositions pour rendre plus conviviales les circulations piétonnières et cyclistes dans ce secteur. Il aura à définir le réaménagement des trottoirs le long de la RN 186 et la réalisation des pistes cyclables le long de la RN 314 et de la RN 186. Des travaux pourront être engagés dès l'automne 1999.
Le passage du tramway entre Saint-Denis et Nanterre est - M. Gayssot vous le confirme - l'une des opérations prioritaires pour l'Etat et les aménagements qui lui sont liés ne sont pas encore arrêtés, les études ne faisant que démarrer.
Ces aménagements feront naturellement l'objet d'un examen très attentif, en concertation avec les élus locaux, car l'ambition de requalification urbaine est un objectif majeur du développement du réseau de tramways.
Toutefois, en ce qui concerne plus particulièrement l'intégration du projet avec le pont de Rouen, ce problème ne devrait pas se poser, car les tracés désormais envisagés ne passent plus à cet endroit, ce qui aurait effectivement engendré des difficultés particulières.
Tels sont les éléments que M. Gayssot souhaitait vous apporter en réponse à la question que vous lui avez fort aimablement adressée.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des éléments de réponse que vous venez de m'apporter. Vous l'avez bien senti, la question que j'ai posée, en liaison avec les élus de Nanterre et la population, traduit l'inquiétude d'une ville de voir les aménagements successifs qui vont être lancés ne pas être étudiés avec suffisamment d'anticipation pour que la population puisse participer pleinement à la réflexion et ne les perçoive pas comme des dangers ultérieurs.

CONDITIONS DE STATIONNEMENT
DES GRANDS VOYAGEURS

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 289, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi qui porte votre nom et qui date de 1990 n'est toujours pas entrée en application. Les plans d'occupation des sols sont de plus en plus difficiles à établir pour réserver un terrain, puis l'aménager afin d'accueillir quelques dizaines de caravanes. Les contraintes fortes exigées sur la proximité souhaitable d'équipements, d'hôpital, d'écoles pour l'implantation de l'aire de stationnement sont souvent utilisées comme prétextes pour conclure à l'impossibilité de réserver un terrain tant il y aurait de contraintes. Dans les faits, c'est aussi un manque de volonté, je le reconnais volontiers.
L'absence de solutions réalistes conduit à des difficultés croissantes. L'installation sur des parkings d'entreprise ou de surface commerciale, près des immeubles des cités, conduit à des procédures d'expulsion qui demandent souvent de dix jours à un mois, à des frais de l'ordre de 15 000 francs avec recours à un huissier de justice, à un avocat. La chambre de commerce et d'industrie du Val-d'Oise, par exemple, en arrive à demander une révision législative ponctuelle du droit d'expulsion afin de simplifier la procédure actuelle et de réduire considérablement les frais de justice engagés par les entreprises, en confiant à l'autorité préfectorale les moyens d'intervenir, en lui permettant d'ordonner et de faire exécuter l'expulsion des occupants entrés irrégulièrement à l'intérieur d'entreprises.
La rapidité d'exécution administrative est sollicitée mais, bien entendu, avec l'objectif d'une expulsion plus rapide. Voilà où nous en sommes aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat.
Effectivement, les occupations sauvages posent bien des problèmes aux collectivités territoriales, notamment d'Ile-de-France, et plus particulièrement à celles du nord-est, aux limites de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise, dans une région de pénétration francilienne, avec le passage des grandes voies de circulation A1, A16, RN17, RN1, RN16... avant Paris et le long des parcours conduisant aux rassemblements périodiques de la belle culture tsigane.
Est-il vrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que non seulement votre loi n'est pas appliquée, mais que le nombre d'emplacements disponibles est en voie de régression ?
Est-il vrai que le territoire national offrirait moins de cinq mille places, alors que le besoin est estimé à soixante mille ?
L'Ile-de-France, pour sa part, ne compterait que cinq cents places pour accueillir environ neuf mille caravanes de gens du voyage.
Le secrétaire de la mission évangélique tsigane affirme que « pour six places occupées, il y a cinquante caravanes qui tournent en rond dans un mouchoir de poche, se faisant expulser de partout ». Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Comme contribution, je voudrais faire observer qu'il conviendrait de lever la confusion entre les gens du voyage, les itinérants réels, et ceux qui aspirent ou, de fait, s'installent dans une semi-sédentarisation.
Pour les premiers, ce sont des emplacements suffisamment vastes, avec gardiennage, équipements modernes, conditions d'hygiène et de circulation réglementaire qu'il conviendrait d'aménager le long des grands axes de pèlerinage. Le caractère régional devrait primer le caractère local. C'était d'ailleurs le sens de ma question.
Pour la seconde catégorie, le problème est plus complexe, mais nous devons, bien sûr, lui trouver une solution. Nous avons bien réussi à faire disparaître voilà maintenant trente ou quarante ans de nombreux bidonvilles de la région parisienne. Il ne faudrait pas aujourd'hui laisser se créer des espaces de semi-sédentarisation, en voie de devenir parfois des lieux de sédentarisation réelle, mal situés, mal équipés, devenant rapidement des foyers de misère où se retrouvent les plus pauvres des gens du voyage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est simple : ne convient-il pas de distinguer deux types de solution ?
Je souhaiterais connaître les propositions que vous êtes en mesure de nous faire aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame le sénateur, vous posez là une question délicate et complexe, mais qui est pleinement d'actualité.
Le statu quo en matière de stationnement des gens du voyage n'est effectivement satisfaisant ni pour les collectivités et parfois leurs habitants, ni pour les gens du voyage. Cela est particulièrement évident en région parisienne, notamment en grande couronne, ainsi que vous l'avez indiqué.
L'article 28 de la loi du 31 mai 1990 a pour origine, je me permets de l'indiquer, un amendement parlementaire, que le Gouvernement, à l'époque, n'avait pas soutenu, car il lui semblait quelque peu improvisé et mal venu dans la mesure où la loi à laquelle il était proposé de l'intégrer n'avait pas la même logique, puisque cette loi s'abstenait de classer comme public défavorisé toute une composante sociale. Par ailleurs, le Premier ministre de l'époque avait chargé un ancien préfet d'une mission d'ensemble sur les problèmes des gens du voyage, et il aurait été peu courtois de légiférer sans attendre les conclusions que cette mission était susceptible de rendre.
Il n'en reste pas moins que l'amendement a été adopté. Les intentions de ses auteurs étaient positives, constructives : ils souhaitaient apporter une solution à un problème déjà réel à l'époque, même s'il est aujourd'hui encore plus d'actualité.
L'article 28 visait donc à régler ces difficultés par l'élaboration de schémas départementaux et par une obligation de réaliser des aires d'accueil pour les gens du voyage. Mais cette réalisation ne reposait que sur la bonne volonté, car le texte ne prévoyait aucune contrainte ni aucun calendrier.
Force est de constater que l'objectif n'a pas été atteint, comme vous l'avez rappelé et comme l'avait souligné ici même le rapporteur de votre commission des lois, M. Delevoye, lors de la présentation d'une proposition de loi consacrée à ce sujet.
Seul un tiers des départements ont élaboré un schéma et un peu plus d'un quart des communes de plus de 5 000 habitants ont rempli leur obligation, ce qui représente en tout, avec les aires construites par d'autres communes, non concernées par le seuil des 5 000 habitants, environ 10 000 places, dont certaines disparaissent faute d'être gérées et surveillées.
Une évolution du cadre législatif et financier est donc nécessaire : évolution du cadre législatif puisque les conditions d'une mise en oeuvre effective des dispositions ne sont pas assurées ; évolution du cadre financier aussi, car on ne peut pas faire comme s'il ne s'agissait que de mauvaise volonté : certaines collectivités n'ont pas les moyens de faire face à l'obligation en cause.
Le Gouvernement a donc avancé, et je suis heureux de pouvoir vous l'indiquer, dans l'élaboration interministérielle de propositions qui seront soumises à une large concertation.
L'objectif est d'aboutir à un équilibre dans les droits et les devoirs de chacun : les collectivités locales doivent mieux honorer leurs obligations en matière d'accueil et les gens du voyage doivent mieux respecter les règles, en particulier les règles d'installation.
Nos travaux sont donc guidés par le souci de garantir une application effective des dispositions relatives au stationnement non seulement à travers l'évolution du cadre juridique, mais aussi par la mobilisation de moyens financiers pour faciliter la réalisation et la gestion des aires d'accueil nécessaires.
Face à la diversité des situations et des besoins, nous souhaitons apporter des réponses elles aussi diverses.
Nous distinguerons donc, comme vous l'avez fait dans votre question - car manifestement vous connaissez très bien le problème, madame Beaudeau - d'abord le séjour et le passage.
Il s'agira de rendre plus effective l'obligation de création d'aires d'accueil inscrites dans un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, notamment en prévoyant des délais pour l'adoption de ces schémas et la réalisation des aires d'accueil. Cette mesure est liée à la question de l'itinérance traditionnelle de ces populations.
Il faut distinguer ensuite les grands rassemblements occassionnels.
Nous envisageons, sur l'initiative du préfet, de désigner de vastes terrains temporairement mobilisables pour le bon déroulement de ces regroupements, puisque nous sommes effectivement confrontés, comme vous l'avez évoqué, à ces manifestations nouvelles dans la vie de ces communautés.
Nous devons, en troisième lieu, distinguer la sédentarisation, ou la semi-sédentarisation. Pour cela, il nous faut faciliter la réalisation non pas d'aires d'accueil pour les gens de passage mais de véritables terrains d'accueil familiaux et, parallèlement, l'offre d'un habitat adapté pour des familles optant pour la sédentarisation.
Il n'est pas question de les sédentariser d'office. En cas de semi-sédentarisation, sans doute la caravane sera-t-elle encore le mode d'habitat. En revanche, pour satisfaire à la sédentarisation définitive, pourquoi ne pas envisager un mode d'habitat en dur. Le financement dont on dispose, notamment avec les prêts locatifs aidés dits d'intégration, pour lesquels l'Etat apporte une subvention non négligeable, devrait être une réponse.
Parallèlement à ce dispositif global auquel nous travaillons, un plan d'action concernant la scolarité des enfants de ces familles et les activités économiques exercées, notamment commerciales, sera également soumis à la commission nationale des gens du voyage. Cette dernière sera réactivée et renouvelée par ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité.
Telles sont les mesures nouvelles que le Gouvernement proposera au Parlement dans les prochains mois afin, à la fois, d'aider à la reconnaissance de la dignité des voyageurs et d'atteindre la bonne harmonie avec les populations concernées par leur voisinage. Il s'agit de favoriser les deux objectifs que vous souhaitez légitimement concilier.
Ces éléments de réponse avaient été préparés dans la perspective d'une intervention que je ferai, en fin de matinée, devant le congrès de l'Association des maires de France. Grâce à votre question, madame Beaudeau, le Sénat en aura eu la primeur.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'être présent ce matin au Sénat, car je sais que vous devez ensuite participer au congrès de l'Association des maires de France et prendre part à une table ronde portant sur cette question très sensible et très préoccupante du stationnement des nomades.
Je me félicite également de ce que vous partagiez cette idée qu'il existe différents problèmes à régler, qui ne doivent pas faire l'objet d'un traitement uniforme. J'estime comme vous qu'il convient maintenant de modifier la législation, mais aussi de prévoir des financements, très certainement croisés, il ne s'agit pas, en effet, d'un simple problème de volonté.
Je vois en outre que la situation a changé depuis 1990, notamment sur la question de la semi-sédentarisation.
Les problèmes sont à mon avis assez simples en ce qui concerne les grands voyageurs, puisqu'il s'agira de les régler à l'échelon du département ou de la région, en trouvant des terrains qui ne seront utilisés que quelques jours. Il y a donc là des initiatives à prendre en matière d'aménagement d'aires régionales modernes le long des grandes voies de circulation.
S'agissant des familles en voie de sédentarisation, je crois que vous estimez vous aussi que la solution doit être cherchée en tenant compte de deux idées.
La première a été exprimée par le directeur des études tziganes, lequel juge qu'il s'agit d'une population fragilisée, en quête d'un nouvel équilibre, y compris sur le plan économique.
La seconde a été formulée par l'auteur de l'ouvrage Tziganes en France , qui estime - et je crois que vous venez vous aussi de faire la même analyse - que les familles en question sont souvent en peine d'accession à une parcelle familiale.
Je sais que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'un problème sociologique, de vie quotidienne se pose et qu'il faut trouver des solutions.
Vous annoncez qu'un texte pourrait venir rapidement en discussion devant le Parlement. Il faut faire vite, parce que de nouvelles tensions sont prévisibles dans mon département mais aussi dans d'autres. Nous devons éviter les conflits à tout prix. De plus, il y a un enjeu humain. Mais vous l'avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat.

RÉFORME DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS
ET AVENIR DE LA FORÊT

M. le président. La parole est à Mme Bardou auteur de la question n° 331, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mme Janine Bardou. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur les scieries, qui sont parmi les premiers employeurs en milieu rural, notamment dans les zones forestières, qui couvrent désormais 27 % de notre territoire. Ces scieries contribuent pour une large part à exploiter une ressource sylvicole abondante et renouvelable et à approvisionner l'industrie du bois en matière première homogène et transformable.
Pour répondre aux enjeux soulignés par le rapport Bianco et parce qu'elles pourraient permettre un grand développement de l'emploi en zone rurale, les scieries ont besoin d'opérer d'importants investissements qui doivent être accompagnés par des aides communautaires et nationales dans les zones éligibles à ce type d'actions.
Il est vital pour ce secteur, comme pour les gestionnaires et les propriétaires de la forêt - Office national des forêts, communes forestières, sylviculteurs - que la réforme en cours des fonds structurels européens, qui risque d'entraîner une diminution des crédits, n'écarte pas a priori du bénéfice de ces interventions, dans son volet sylvicole, les scieries implantées en milieu rural. En effet, certains pays ne sont pas favorables à ce que les scieries bénéficient de ces fonds.
Je me fais l'écho des inquiétudes des scieurs à ce sujet et vous demande, en conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, comment le Gouvernement compte intervenir auprès des instances communautaires, pour défendre et développer ce levier nécessaire au développement rural ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'accepter les excuses de M. Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui, retenu ce matin, m'a chargé de vous communiquer la réponse à votre question.
Dans le cadre du programme « Agenda 2000 » et de la réforme des fonds structurels, le projet de règlement communautaire sur le développement rural comporte un chapitre consacré à la sylviculture.
Les propositions de la Commission européenne intègrent l'ensemble des mesures qui figuraient jusqu'à présent dans divers règlements spécifiques.
Elles innovent cependant en prévoyant, à l'article 30, un soutien sous forme de paiement compensatoire afin de préserver et d'améliorer la stabilité écologique des forêts ou de restaurer des forêts endommagées dans des zones souffrant de handicaps naturels majeurs, lorsque ces forêts revêtent un rôle protecteur et écologique d'intérêt général qui ne saurait être assuré par le seul revenu sylvicole.
La France soutient les propositions de la Commission pour l'Agenda 2000 dans le domaine de la forêt et du bois. A cet effet, elle participe activement aux groupes de travail de la Commission et du Conseil.
Elle encourage, en outre, la Commission à élaborer une stratégie forestière européenne, en réponse à la demande présentée par le Parlement européen dans le cadre des nouveaux pouvoirs qui lui ont été donnés par le traité de Maastricht.
La plupart des réserves émises par les pays nordiques et par l'Allemagne devraient pouvoir être levées, d'une part, grâce à une amélioration rédactionnelle des textes et, d'autre part, par la négociation d'un compromis d'ensemble sur la nouvelle doctrine de financement et d'emploi des fonds sociostructurels.
Toutefois une inquiétude majeure de la France subsiste, qui porte sur l'extrême difficulté à faire reconnaître par la Commission, les pays nordiques et l'Allemagne la contribution précieuse des PME-PMI du bois au développement rural. Il convient donc d'agir afin que la légitimité d'une intervention de fonds communautaires dans ce secteur soit reconnue.
C'est là une difficulté que la France s'efforce de surmonter en faisant partager ses analyses quant à la contribution précieuse des PME-PMI dans le domaine du bois, problème que vous avez soulevé dans votre question, madame Bardou.
Les dispositions forestières du projet de règlement communautaire sur le développement rural ne constituent qu'un cadre général, qu'il appartient aux responsables de la mise en place des fonds communautaires de s'approprier, en prenant notamment en compte la nécessité de trouver les contreparties nationales nécessaires. La négociation des prochains contrats de plan entre l'Etat et les régions devra s'efforcer de trouver ces solutions.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, présentera, le mercredi 25 novembre, une communication en conseil des ministres, afin de rappeler les grands enjeux économiques et environnementaux que représente la forêt. Il définira, à partir des conclusions du rapport Bianco, les axes d'une stratégie forestière, les termes des nouveaux contrats de plan Etat-régions et de la reformulation du contrat d'objectifs avec l'Office national des forêts. Enfin, les mesures législatives à prendre seront arrêtées. Ces mesures devraient répondre à vos préoccupations, madame le sénateur.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai que l'Europe fait un effort important en ce qui concerne la préservation de la forêt sur le plan écologique. Mais il est un autre aspect de la question : les emplois et les activités économiques liés à la forêt.
Dans certaines régions - particulièrement en zone de montagne - les investissements nécessaires sont très lourds et les retours financiers pour les entreprises assez faibles.
Par ailleurs, il y a la très grande concurrence de l'Europe du nord et les scieries ont connu des fluctuations extrêmement importantes, qui ont provoqué un certain découragement chez les entrepreneurs.
Les scieries n'ont pas toujours des bases financières très importantes et les entrepreneurs devraient être aidés, d'autant qu'ils jouent un rôle important dans le maintien de l'activité en milieu rural.
L'Europe n'a pas changé d'attitude. Je me permets donc d'insister auprès du Gouvernement afin qu'il soutienne les préoccupations des scieurs et, plus largement, qu'il défende le milieu rural.

MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE KARLSRUHE
SUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIE`RE

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 325, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Philippe Richert. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe, signé le 23 janvier 1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif est de favoriser et de faciliter la coopération décentralisée entre les collectivités des régions transfrontalières des pays signataires.
La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire d'aide au développement interrégional, INTERREG, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application de cet accord et les nouvelles structures de coopération qu'il propose sont en mesure de faire progresser davantage.
Or, en dépit de son approbation par la loi du 5 février 1997 et de son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après achèvement des procédures internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant inapliqué.
Le décret d'application, paru le 22 août au Journal officiel, ne précise en effet en aucune manière ses modalités de mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération transfrontalière.
En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient contraintes d'imaginer des structures expérimentales et de solliciter les services de l'Etat pour obtenir l'aval de ce dernier et conférer une existence légale aux groupements qu'elles envisagent de créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de fait, différée.
Je souhaite que soient élaborés au plus tôt les textes d'application de cet accord, et adressée aux collectivités une information complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis en place, voire un cadre juridique précis, dans lequel des initiatives pourraient être prises, en toute connaissance de cause, par les collectivités.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vais vous apporter la réponse qu'aurait dû vous faire M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'intérieur par intérim. Elle comporte tout d'abord le rappel juridique de procédures applicables ; en conclusion, elle vous fournira un exemple concret prouvant que l'ensemble du dispositif peut de fonctionner, malgré l'aridité juridique que vous avez relevée.
Les traités ayant, aux termes de l'article 55 de la Constitution, « une autorité supérieure à celle des lois », ils s'imposent en droit français, où ils sont directement applicables dès leur entrée en vigueur, sans qu'une loi de transposition soit nécessaire si leurs dispositions sont suffisamment précises et complètes. Dans le cas contraire, une loi ou un décret d'application doit être pris.
Au cas particulier du traité de Karlsruhe, notamment de la création de groupements locaux de coopération transfrontalière, aucun texte d'application n'est un préalable à la mise en oeuvre du traité. Des projets de convention visant à la création de groupements locaux de coopération transfrontalière peuvent donc être envisagés dans le respect des clauses du traité, lequel fixe un certain nombre de principes, mais renvoie aux dispositions du droit national de chaque cocontractant sur certains points et au droit de l'un des Etats sur d'autres.
Le traité prévoit ainsi, en son article 4, que chaque collectivité qui conclut une convention doit respecter, préalablement à son engagement, les procédures et les contrôles résultant du droit interne qui lui est applicable et que les actes que prend chaque collectivité pour mettre en oeuvre la convention de coopération sont soumis aux procédures et aux contrôles prévus par le droit interne qui lui est applicable.
Par conséquent, les délibérations des collectivités territoriales françaises qui souhaitent participer à la création d'un groupement local de coopération transfrontalière sont donc soumises, par le traité lui-même, au contrôle de légalité de droit commun et il appartient au représentant de l'Etat de vérifier notamment si l'objet de la convention et les missions du futur groupement correspondent bien aux compétences effectivement exercées par la collectivité concernée, compte tenu des compétences qui sont institutionnellement les siennes depuis les lois de décentralisation, mais aussi de celles qu'elle a pu déléguer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte.
Selon l'article 3 du traité, en effet, les groupements locaux de coopération transfrontalière ne peuvent être créés que pour l'exercice de compétences communes aux collectivités qui s'associent et, selon son article 4, une convention de coopération ne peut avoir pour effet de modifier le statut ni les compétences de ces collectivités.
La création d'un groupement local de coopération transfrontalière est par ailleurs subordonnée, lorsque ce groupement a son siège sur le territoire français, à un arrêté préfectoral, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article 11 du traité.
Cet arrêté ne peut être pris sans vérification préalable de la conformité des statuts aux articles 8 et 11 à 15 du traité ainsi qu'aux dispositions du code général des collectivités territoriales qui complètent ces articles.
Lorsque le groupement local a son siège en territoire étranger et est de ce fait régi, de manière combinée, par le traité et par un droit étranger, la collectivité doit être autorisée à participer au groupement par un décret en Conseil d'Etat, conformément à l'article 4 précité du traité et au premier alinéa de l'article L. 1112-4 du code général des collectivités territoriales.
Indépendamment des contrôles et autorisations explicitement prévus par le traité de Karlsruhe, applicables dans tous les Etats concernés selon le droit propre à chacun, les services de l'Etat sont évidemment à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à résoudre les questions, parfois complexes, que la rédaction de statuts mettant en oeuvre de manière combinée les clauses d'un traité et le droit national suscitée.
C'est, notamment, grâce aux échanges de qualité qui ont eu lieu entre les collectivités concernées et les services préfectoraux que le premier groupement local de coopération transfrontalière a pu être créé dans le Haut-Rhin par un arrêté préfectoral du 22 octobre 1998, soit un an après l'entrée en vigueur du traité de Karlsruhe.
Tel est, monsieur le sénateur, le droit applicable. Il appelle effectivement des opérations administratives en apparence complexes, mais ce dispositif permet néanmoins d'obtenir des résultats concrets, ainsi que l'exemple du Haut-Rhin en témoigne. J'espère que, dans nos régions frontalières, nous pourrons mettre à profit les dispositions du traité de Karlsruhe.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis satisfait de vos propos, encore qu'un exemple qui montre que l'on arrive à ses fins lorsqu'on y met beaucoup d'énergie ne soit pas de nature à démontrer que la procédure engagée par l'Etat pour être aux côtés des collectivités facilite beaucoup la tâche de ces dernières.
Nous savons combien il est difficile de mettre en place des structures de coopération, notamment en interne dans nos régions. Cela est évidemment encore beaucoup plus complexe lorsqu'il faut travailler avec des partenaires étrangers, lorsqu'il s'agit d'une région transfrontalière et lorsqu'on a à mettre en harmonie un traité avec le droit interne.
Quand nous sommes en interne dans nos régions, nous avons des modèles qui permettent très facilement de mettre en place une structure juridique ou administrative pour concrétiser ce partenariat entre les collectivités locales, pour créer des structures de coopération intercommunale. Je me demande s'il ne serait pas possible de prévoir, en matière de coopération transfrontalière, des modèles permettant, là aussi, de faciliter la mise en place et l'application de ces nouvelles procédures.
Nous devons non seulement donner la possibilité de coopérer, mais également faciliter la coopération. Cela ne doit pas être une possibilité qui, de temps en temps, s'applique. Celadoit être le cas général, chaque fois que l'intérêt l'exige. En effet, on peut imaginer - et je connais des cas très précis - que, pour des questions d'adduction d'eau ou de forage, il soit nécessaire de passer au-delà des frontières.
Il est dommage de laisser aux collectivités la charge d'accomplir toutes ces démarches administratives compliquées et de ne pas les accompagner, dès le début, de façon plus stricte et par une lisibilité plus simple des différents textes que nous leur soumettons et que nous leur demandons d'appliquer.

RÉORGANISATION DES SERVICES DE POLICE
ET DE GENDARMERIE EN MEURTHE-ET-MOSELLE

M. le président. La parole est à M. Nachbar, auteur de la question n° 360, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Philippe Nachbar. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et porte sur les conséquences particulièrement lourdes en Meurthe-et-Moselle du projet de réorganisation des services de gendarmerie et de police : onze brigades de gendarmerie et quatre commissariats supprimés !
Ces mesures concernent à la fois l'agglomération nancéenne au sens large, qui voit disparaître six brigades, des zones rurales, notamment Arracourt et Bernécourt, qui voient disparaître deux gendarmeries alors qu'il s'agit pourtant de zones proches d'agglomérations et traversées par des voies de communication importantes et, enfin, le Pays Haut, qui voit disparaître quatre commissariats sur cinq et, de surcroît, trois brigades de gendarmerie alors qu'il s'agit d'une zone frontalière - vous la connaissez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qui est confrontée à la délinquance et qui connaît, depuis vingt ans, une crise économique chronique qui a lourdement fragilisé une partie de la population.
Si un tel schéma devait persister, monsieur le secrétaire d'Etat, il serait préjudiciable à la sécurité des populations. Je suis de ceux qui pensent que la sécurité passe par la prévention, laquelle suppose la présence sur le terrain des forces de sécurité, gendarmes ou policiers, qui connaissent très bien, les uns et les autres, les problèmes de la population.
Un tel schéma serait également préjudiciable à un aménagement équilibré du territoire, qui passe par le maintien sur place des services publics de proximité.
Nous nous sommes souvent battus dans cette région, frontalière de la vôtre, si j'ose dire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que soient maintenus les services publics qui sont essentiels à l'activité économique et à la présence de l'Etat auprès des populations.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, devant l'émotion que ce projet a suscitée au sein de la population, parmi les personnels concernés et les élus, je souhaite connaître le sort que le Gouvernement entend lui réserver.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de conclure votre question en parlant d'un projet, parce qu'au départ vous avez évoqué ce qui pouvait apparaître comme étant des décisions déjà prises. Or, vous savez très bien que tel n'est pas le cas. Il s'agit de propositions qui ont été faites, qui ont été relayées par la presse et dont les élus locaux se sont saisis pour donner leur sentiment.
Tout cela est parti d'une question portant sur la répartition territoriale des zones de sécurité entre la police et la gendarmerie.
Un rapport parlementaire a été rédigé conjointement par un député, M. Roland Carraz, et par un sénateur, M. Jean-Jacques Hyest, et a servi de support à des propositions faites lors du conseil de sécurité intérieure du 27 avril dernier.
Telle est l'origine du projet que vous avez évoqué.
Le Gouvernement, pour sa part - et je parle au nom de M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'intérieur par intérim, qui est retenu par ailleurs - s'est résolument prononcé en faveur d'une démarche de concertation sur cette question extrêmement sensible, en effet. Vous avez porté témoignage de cette sensibilité s'agissant du Pays Haut en Meurthe-et-Moselle.
Le Gouvernement a décidé d'élargir la mission d'expertise locale qu'il avait confiée aux préfets de départements dans un premier temps.
A cet effet, il a chargé M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, ancien préfet de police de Paris, de procéder à une concertation approfondie et à un véritable audit des hypothèses de transfert arrêtées par le conseil de sécurité intérieure du 27 avril dernier.
M. Fougier, qui doit remettre son rapport et ses propositions à la fin de l'année, se déplacera auparavant dans toutes les régions métropolitaines. Il sera à Metz le 7 décembre prochain et rencontrera tous les élus qui le souhaitent.
Je ne peux que vous inviter à solliciter un rendez-vous auprès de M. Fougier afin que vous lui exprimiez votre sentiment et que vous lui exposiez l'analyse que vous faites du dispositif relatif à votre région du Pays Haut en Meurthe-et-Moselle.
En ce qui concerne la suite qui sera donnée à ce rapport, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a récemment rappelé sa position lors d'une visite à la gendarmerie, en Seine-et-Marne, en assurant que « ce projet serait conduit avec détermination, mais sans confusion ni précipitation » et que « nous entrons dans une phase de véritable concertation et non de décision à ce sujet. Les décisions viendront ensuite. »
Le Gouvernement, je tiens à le répéter, procédera avec le souci de la plus large concertation : le calendrier et les effectifs concernés seront revus, le moment venu, en tenant compte des conclusions et des recommandations de M. Fougier.
Ainsi, les objectifs fixés par le Premier ministre seront poursuivis, dans l'esprit d'assurer, conformément aux orientations du colloque de Villepinte, le droit à la sécurité pour tous et partout. M. Philippe Nachbar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.
Je retiens de votre intervention quelques mots comme « sujet sensible » et « projet », ce qui exclut tout caractère définitif.
Voilà qui nous laisse espérer qu'une véritable concertation aura lieu, alors que la première phase pouvait laisser penser que la décision était déjà prise.
En tout cas, je retiens l'idée de participer à une rencontre avec M. le préfet Fougier, le 7 décembre, à Metz. Je ne manquerai pas d'en informer les élus concernés.

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ATTEINTES
PAR LA MALADIE D'ALZHEIMER

M. le président. La parole est à Mme Heinis, auteur de la question n° 352, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Anne Heinis. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, porte sur le drame familial que constitue la maladie d'Alzheimer.
A l'occasion de la journée mondiale consacrée à cette maladie, le 21 septembre dernier, l'accent a été mis sur le poids de la prise en charge des malades, qui repose actuellement presque exclusivement sur l'entourage et la famille, alors que seuls sont remboursés les soins médicaux, à vrai dire peu couteux par rapport à la prise en charge.
En réponse à une question posée par l'un de nos collègues, M. Vasselle, en avril dernier, M. le secrétaire d'Etat à la santé avait ainsi conclu : « Je vous dirai très franchement que, pour le moment, notre pays ne fait pas face à cette affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond ».
En effet, à un certain stade, l'hébergement en maison de retraite médicalisée devient souvent inéluctable et le coût en est très élevé, environ 12 000 francs par mois. Ce coût est en effet un peu plus important dans les établissements qui reçoivent des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, car celles-ci nécessitent une surveillance constante.
Certes, une réduction d'impôt peut être accordée, mais seulement pour les personnes de plus de soixante-dix ans et dans la limite de 15 000 francs.
Par ailleurs, la prestation spécifique dépendance, la PSD, réservée aux personnes de plus de soixante ans, ne peut, en tout état de cause, être attribuée au-delà d'un plafond de ressources de 11 700 francs pour un couple, ce qui exclut évidemment toute une catégorie de population dont les revenus sont un peu supérieurs, mais qui ne peuvent cependant pas assumer une telle charge.
Dans l'état actuel des recensements, le nombre des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer est estimé entre 350 000 et 400 000 personnes. C'est important ! Aussi, je comprends bien que le problème de la prise en charge de ces personnes ne puisse être résolu en une seule fois. Il s'agit d'une maladie invalidante qui, assez rapidement, induit des phénomènes d'arriération mentale. Il convient donc de s'en préoccuper.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne pourrait-on envisager l'octroi d'aides progressives à l'hébergement, des mesures de réduction d'impôts plus importantes, ou l'élévation, voire la disparition, des seuils actuels qui limitent les aides de façon drastique ?
J'ai peine à croire que, à l'heure où l'on envisage de trouver quelque 6 milliards à 7 milliards de francs de crédits pour les bénéficiaires du PACS - si celui-ci est voté - nous ne puissions pas prévoir un financement pour un début de prise en charge de ces malades, dont le nombre est malheureusement appelé à augmenter. En effet, cette maladie touche majoritairement des personnes d'un certain âge et, comme notre population vieillit, tant qu'on n'aura pas trouvé de thérapie adaptée, le nombre de malades augmentera en proportion.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas possible d'envisager un début de prise en charge des frais considérables que supportent les familles obligées de garder leur malade chez elles alors qu'elles n'ont pas réellement les moyens de les soigner, surtout si l'entourage est peu nombreux ? Ces malades ont besoin d'être constamment surveillés et aidés, et leurs proches se sentent rapidement coupables de ne pas leur apporter tous les soins nécessaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Madame la sénateur, je voudrais d'abord vous présenter les excuses de Mme Aubry, qui m'a chargé de vous communiquer sa réponse.
Il est vrai, madame la sénateur, que les personnes atteintes de maladies neurodégénératives de type Alzheimer sont principalement prises en charge par les familles. Environ 500 000 familles seraient concernées. Même si ce problème ne touche pas que des personnes âgées, la France, comme les autres pays européens, y sera, sauf progrès thérapeutique majeur, de plus en plus confrontée dans les prochaines années en raison du vieillissement de sa population.
Comme vous le rappelez, madame la sénateur, il existe des dispositifs d'aide pour ces familles comme pour toute situation de handicap ou de dépendance. Permettez-moi de vous les rappeler.
Il s'agit d'abord des prestations d'aide sociale, à savoir l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation compensatrice, attribuée lorsque cette forme de handicap frappe une personne avant soixante ans, ce qui, hélas ! est parfois le cas, ou la prestation spécifique dépendance, la PSD, lorsque cette pathologie affecte une personne ayant soixante ans et plus.
A cet égard, je tiens à vous préciser qu'un couple peut bénéficier d'une aide au titre de la prestation spécifique dépendance si ses ressources dépassent 11 700 francs, cette somme étant le plafond pour une personne seule.
Les familles peuvent aussi bénéficier des prestations de l'assurance maladie adaptées à la gravité de ces maladies. Ainsi, une exonération des charges patronales de sécurité sociale est attribuée pour l'emploi d'une aide à domicile dès lors qu'un malade se trouve dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne et qu'il bénéficie de l'allocation compensatrice tierce personne, de la majoration pour tierce personne, de la PSD, d'une pension de retraite ou d'invalidité ou pour la seule raison qu'il est âgé de soixante-dix ans ou plus.
Vous le savez, ce dernier chef d'exonération en fonction de l'âge fait actuellement l'objet d'une proposition de modification de la part du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit de rééquilibrer les exonérations des charges de sécurité sociale afin de favoriser l'intervention de professionnels employés par les associations d'aide à domicile. Celles-ci bénéficieront désormais d'une exonération à 100 % pour ce type d'intervention, ce qui augmentera leur capacité d'action en faveur des personnes handicapées ou dépendantes, notamment celles qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Enfin, des mesures fiscales sont prévues, soit au titre des emplois familiaux, soit à celui de l'hébergement en service de soins de longue durée ou en maison de retraite médicalisée pour les personne âgées de soixante-dix ans ou plus, mesures auxquelles peut s'ajouter le bénéfice d'une demi-part supplémentaire pour les personnes titulaires de la carte d'invalidité.
Ces aides doivent être encore améliorées pour être mieux adaptées au besoin d'aide et aux ressources financières de la personne.
Au demeurant, des aides financières ne suffisent pas si elles ne peuvent être converties en services de qualité.
Afin de favoriser le maintien à domicile dans les meilleures conditions possibles, il est en effet essentiel d'agir très tôt pour aider la personne et son entourage, car la charge physique et psychologique de ces pathologies est très lourde pour les proches.
Il faut aussi que les intervenants à domicile soient suffisamment formés et que des solutions de relais, telles que l'hébergement temporaire, soient envisagées.
Lorsque leur maintien à domicile devient impossible, ces personnes doivent être assurées d'une prise en charge adaptée en établissement. Ceux-ci doivent évoluer en conséquence.
Il s'agit d'un défi majeur, que la réforme de leur système de tarification va nous permettre de relever en prenant mieux en compte l'état des personnes, dans le respect des normes de qualité.
Ainsi, madame Heinis, les pouvoirs publics ont entrepris d'apporter des solutions adaptées à ce problème de santé publique et à ses répercussions sociales et familiales. Cet effort sera poursuivi et amplifié, notamment à la suite de la concertation en cours avec le secteur de l'aide à domicile et en réponse aux travaux des conférences de santé.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre réponse, dans laquelle vous avez énuméré les différents systèmes d'aide, que nous connaissons tous. Permettez-moi de rappeler la réponse faite par M. Kouchner voilà quelques mois : « Je vous dirai très franchement que, pour le moment, notre pays ne fait pas face à cette affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond. »
Je comprends que vous me donniez une réponse administrative, qui est tout à fait exacte d'ailleurs, sur l'état des aides accordées actuellement, mais c'est précisément parce que ces réponses administratives ne permettent pas de répondre aux besoins que je me suis permise de poser ma question à Mme le ministre.
Je souhaite attirer son attention sur ce problème très douloureux, car, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, les cas risquent malheureusement de se multiplier.
Se pose ainsi le double problème d'une aide à la prise en charge à domicile des intéressés, leurs familles cherchant en général à les garder le plus longtemps possible, et d'une aide à la prise en charge dans les maisons de retraite spécialisées lorsque le maintien à domicile n'est plus possible.
Or la question de la qualification et de la formation peut être résolue, et cela relativement facilement, car le nombre des personnels s'accroît. On constate en effet un certain développement des services d'aide à domicile, des services d'aide ménagère, etc., et il existe de très nombreux projets de création de nouvelles maisons de retraite adaptées. Je peux vous dire à cet égard que, si les aides étaient un peu plus importantes et si les conditions de création de ces maisons de retraites faisaient l'objet d'une étude plus approfondie, celles-ci pourraient être bien plus nombreuses.
Une de ces maisons - elle est d'ailleurs privée - a été créée dans le département de la Manche. Elle rend d'énormes services, mais, en tout état de cause, le coût mensuel de l'hébergement de la personne est de l'ordre de 12 000 à 12 500 francs, ce qui représente une dépense considérable pour de très nombreux budgets. Cette somme une fois réglée, il ne reste à l'autre conjoint plus rien pour vivre. Il est en effet assez rare que la maladie touche les deux membres du couple, et donc lorsque l'un est hébergé, l'autre doit conserver une habitation, régler les dépenses de la vie courante, aller voir son conjoint, etc. Dans la pratique, les gens n'y arrivent pas.
C'est sur ce problème que je voulais appeler à nouveau l'attention de Mme la ministre, en lui demandant - même si je comprends très bien que tout ne peut pas être pris en charge dès maintenant - d'étudier la mise en place d'un dispositif plus large.
En effet, si nos pronostics les plus fâcheux se vérifient, c'est-à-dire si le nombre de malades touchés par la maladie d'Alzheimer augmente dans les années qui viennent, plus on tardera, plus la situation sera difficile, car les sommes en jeu seront plus importantes.
Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour faire passer mon message auprès de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité et de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

ASSURABILITÉ DES PERSONNES
ATTEINTES PAR LE VIH

M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 362, adressée à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Fournier. Monsieur le secrétaire d'Etat, en effet, j'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conditions particulièrement strictes qui sont opposées à certains de nos concitoyens lors de la conclusion de contrats d'assurance, notamment lorsqu'il s'agit de prêts.
Je vise ici, en particulier les personnes qui sont atteintes de pathologies dites « graves » et, tout spécialement celles qui sont atteintes du virus de l'immuno-déficience humaine, ou VIH, mais on pourrait aussi penser aux diabétiques et à d'autres infections à caractère « chronique ».
Les avancées thérapeutiques dans ce domaine, tout comme le jeune âge de la population touchée par le VIH, doivent conduire le législateur et le Gouvernement à réfléchir à ce que l'on nomme « l'assurabilité » de ces personnes.
La loi de juillet 1990 qui permet de sanctionner les discriminations pour maladie et handicap dispense les assureurs des sanctions encourues par les autres prestataires de service. Quant à la convention conclue entre l'Etat et les sociétés d'assurance le 3 septembre 1991, modifiée en 1993, elle est devenue caduque si l'on considère le peu de cas qui en a été fait par les parties.
Cette convention prévoyait, moyennant le paiement d'une surprime, l'accès aux contrats d'assurance pour les personnes identifiées comme séropositives au VIH.
La société change, la science progresse, le droit, à son tour, doit évoluer.
Est-il acceptable que certains de nos concitoyens, jeunes se voient légalement privés de la possibilité de souscrire des prêts à la consommation, parfois modestes, ou des prêts immobiliers parce qu'ils présentent un risque que la médecine, aujourd'hui, permet pourtant d'éloigner ?
L'insertion sociale, la construction de projets de vie, mais aussi la citoyenneté sont en jeu.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer si le Gouvernement auquel vous appartenez, au côté de Mme Aubry, est disposé à prendre des mesures tendant à assouplir les conditions d'assurance opposées à ces personnes, et à adresser ainsi un signe fort de solidarité et d'encouragement à une jeune génération déjà marquée par la vie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je me sens un peu plus compétent pour faire part de la réponse de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité à votre question puisque aussi bien Bercy est également concerné par ces difficiles problèmes d'assurance.
Vous avez appelé l'attention de Mme Aubry sur les conditions d'assurabilité des personnes atteintes de maladies ou de handicaps, en particulier sur le cas de personnes atteintes par l'infection du VIH.
Comme vous le soulignez justement, il s'agit là d'un problème pouvant toucher une large partie de la population puisque l'on estime aujourd'hui que 120 000 à 160 000 personnes sont porteuses du VIH, dont 30 000 ont effectivement développé un sida.
Les progrès thérapeutiques réalisés depuis 1996 ont transformé le pronostic de cette maladie, devenue maintenant une affection chronique pouvant évoluer sur plusieurs années. Il importe, dès lors, que ces personnes puissent accéder dans des conditions satisfaisantes, explicites et respectées par tous à des prêts leur permettant de réaliser leurs légitimes projets, comme il est important d'éviter tout processus d'exclusion.
Vous rappelez, monsieur le sénateur, l'existence de la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 et de la convention du 3 septembre 1991 sur « l'assurabilité des personnes séropositives et les règles de confidentialité du traitement des informations médicales par l'assurance ».
Cette convention détaille un dispositif permettant l'accès à l'assurance des personnes séropositives ainsi que les conditions garantissant la confidentialité et le respect de la vie privée lors du recueil des indications sur l'état de santé de ces personnes.
Elle a, par ailleurs, fait l'objet d'un avenant en 1995, et non en 1993. Cet avenant permet, outre les emprunts immobiliers, les emprunts concernant l'acquisition de locaux ou de matériels professionnels.
J'ajoute que ladite convention instaure un groupe de suivi qui, sur convocation du président, se réunit au moins deux fois par an pour tout à la fois informer les membres du groupe - représentants des finances, de la santé, des assurances et des associations de malades - sur l'évolution de la maladie, examiner les difficultés particulières et veiller à l'application de la convention.
Il existe donc un cadre conventionnel qui nous apparaît susceptible de répondre au mieux à l'assurabilité des personnes atteintes par le VIH. Encore faut-il qu'il y ait un fonctionnement harmonieux de ce comité de suivi.
C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics vont, dans les jours qui viennent, nommer un nouveau président de ce comité de suivi, en lui demandant tout particulièrement de veiller à la mise en oeuvre immédiate de trois orientations.
Premièrement, les associations de patients, qui sont les plus à même d'identifier les éventuelles difficultés, doivent être mieux représentées ; elles seront d'ailleurs, à ce sujet, reçues dans les prochains jours par les collaborateurs de mon collègue Bernard Kouchner.
Deuxièmement, le comité de suivi doit réfléchir à une politique permettant une communication claire sur les droits des personnes porteuses du VIH.
Troisièmement, en tenant compte de l'existence de cette convention et en partant de l'évaluation des besoins des personnes séropositives, le comité de suivi se doit de recenser et d'analyser les problèmes concrets rencontrés, en rechercher les causes et préciser éventuellement par quels moyens il pourrait y être efficacement remédié.
Martine Aubry et Bernard Kouchner attachent beaucoup d'importance à ce que ce comité de suivi remplisse pleinement ses missions, afin de répondre aux attentes des patients.
N'oublions pas que ces hommes et ces femmes, souvent jeunes, ont retrouvé l'espoir grâce aux progrès thérapeutiques. Il faut, parallèlement, que la société leur garantisse les possibilités de jouir pleinement de leurs droits, dont certains conditionnent la vie matérielle, la vie.
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la réponse que vous venez de me communiquer. Je crois que c'est en s'efforçant de recueillir l'accord de tous que nous parviendrons à trouver les solutions juridiques et humaines adaptées à chacun.

AVENIR DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE

M. le président. La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 357, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Mme Dinah Derycke. J'ai en effet souhaité attirer l'attention de M. Bernard Kouchner sur l'avenir de la gynécologie médicale.
Il s'agit d'une spécialité propre à notre pays, créée en 1966, soit un an avant la loi Neuwirth. L'évolution de ses pratiques et le fait que 80 % des praticiens soient des femmes ne sont pas détachables de ces trente années de lutte en faveur du droit des femmes.
Le gynécologue médical suit sa cliente tout au long de sa vie, parfois dès l'âge de quatorze ans. Sa pratique est fondée essentiellement sur la prescription de contraceptifs, la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, le dépistage des cancers féminins et la prescription des traitements substitutifs de la ménopause. C'est dire que sa mission est, pour une très large part, une mission de prévention.
Un sondage réalisé récemment par la SOFRES a démontré l'attachement des femmes à ces consultations régulières : 67 % d'entre elles déclarent refuser de remplacer leurs rendez-vous réguliers chez leur gynécologue par les rendez-vous chez leur médecin généraliste, et elles sont encore plus nombreuses à refuser de les remplacer par des consultations à l'hôpital.
Or les gynécologues médicaux sont appelés à disparaître à moyen terme, cette spécialité en tant que telle ayant été supprimée en 1986. La gynécologie médicale est devenue une matière théorique enseignée aux gynécologues obstétriciens, dont la formation demeure fondée essentiellement sur l'obstétrique et la chirurgie. Très peu d'entre eux pratiqueront en cabinet la gynécologie médicale. Avant 1986, cent trente gynécologues médicaux étaient formés par an. Aujourd'hui, ce ne sont plus que vingt des gynécologues obstétriciens formés chaque année qui pratiqueront éventuellement, en cabinet, la gynécologie médicale.
L'harmonisation européenne des études ne saurait être une justification. Cette spécialité, que nos voisins européens nous envient, doit-elle disparaître au motif qu'elle est une spécificité française ?
Au regard de la maîtrise des dépenses de santé, la gynécologie médicale est peu coûteuse et cette spécialité a contribué au fort recul de nombreuses maladies, comme le cancer du col de l'utérus.
En outre, la plupart des gynécologues médicaux sont conventionnés.
La disparition à moyen terme des gynécologues médicaux sera fortement préjudiciable à l'état de santé des femmes. Elles seront moins nombreuses à se faire suivre régulièrement et la politique de prévention des cancers féminins, réaffirmée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, en pâtira.
En conséquence, je souhaiterais savoir si le secrétariat d'Etat à la santé envisage de prendre des mesures pour enrayer cette évolution, qui est un recul pour les femmes, une régression au regard de leurs droits, notamment de leur droit à la santé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le président, je crois que ma présence au banc du Gouvernement devrait durer le plus possible car, au fur et à mesure que la matinée avance, les réponses que je suis chargé d'apporter sont de plus en plus positives ! (Sourires.)
Madame la sénateur, vous avez appelé l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'avenir de la gynécologie médicale.
Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de supprimer la pratique de la gynécologie médicale, bien au contraire. Martine Aubry et Bernard Kouchner s'étonnent simplement que le problème soit soulevé à la fin 1998, alors que, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé, la décision générale de créer une seule filière de formation pour les spécialistes date de 1982.
Cette décision était d'ailleurs incontournable puisqu'elle était liée à la nécessité d'instituer la reconnaissance mutuelle des diplômes européens et la libre circulation des médecins à l'intérieur de l'espace européen. Chacun comprendra qu'il ne peut, dès lors, être question de revenir à une double filière de formation.
Cela étant, cette décision de 1982 ne peut expliquer, à elle seule, la diminution du nombre de gynécologues médicaux dont vous faites état.
Il convient de rappeler que les gynécologues médicaux sont actuellement, en France, au nombre de mille neuf cent vingt. Dans ces conditions, il n'est peut-être pas tout à fait pertinent de parler d'une disparition à moyen terme de cette profession car, même si le Gouvernement ne prend aucune mesure, les gynécologues médicaux seront encore environ mille cinq cents en 2010 et mille en 2020.
Quoi qu'il en soit, Mme Aubry et M. Kouchner ont d'ores et déjà annoncé, à la lumière des propositions du groupe de travail présidé par le professeur Nicolas, que, dès 1999, serait individualisée une filière de gynécologie-obstétrique à l'issue du concours d'internat.
Actuellement, le nombre de gynécologues-obstétriciens formés chaque année est compris entre soixante-quinze et quatre-vingt-cinq. Dès 1999, ce nombre pourra être augmenté de façon très significative.
Il convient par ailleurs de noter que, depuis quelques années, 50 % des internes préparant le diplôme de gynécologie-obstétrique sont de sexe féminin. L'expérience montre que les femmes spécialistes en gynécologie-obstétrique s'orientent plutôt vers la gynécologie médicale.
Ce sont donc aujourd'hui près de quarante gynécologues qui se forment chaque année à cette spécialité et l'individualisation de la filière de formation va permettre, en quelques années, de revenir à la formation d'environ centre trente gynécologues médicaux par an.
Faut-il encore le rappeler ? les gynécologues médicaux et les obstétriciens se sont mis d'accord sur un plan de formation de quatre ans. Ce plan comprend une base chirurgicale d'un an et une base obstétricale d'un an également, ainsi qu'une formation de deux ans au libre choix de l'interne. Comme vous le constatez, il ne s'agit pas du tout d'une formation exclusivement chirurgicale.
Pour autant, cela ne veut pas dire que le Gouvernement va abandonner l'idée de former de façon plus complète les généralistes, en particulier pour la participation aux gestes de dépistage des cancers féminins. Si les généralistes ne s'y intéressent pas, toute une partie de la population qui ne consulte pas de gynécologue en sera exclue. C'est une situation que Mme Martine Aubry comme M. Bernard Kouchner se refusent à envisager. Il en va de même de la prescription de la contraception et du traitement hormonal substitutif de la ménopause.
Il y aura donc bien une modification de la formation du généraliste dans la réforme des études médicales à venir, ce qui n'est en rien contradictoire avec notre volonté de former plus de gynécologues médicaux.
Tels sont les éléments de réponse que Mme Martine Aubry et M. Bernard Kouchner souhaitaient porter à votre connaissance, madame la sénateur, éléments qui vous montrent que la santé des femmes, dans le domaine qui vous préoccupe, n'est nullement menacée.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le secrétaire d'Etat, si je ne devais retenir qu'un élément de votre réponse, c'est que nous reviendrons, à terme, à la formation d'environ cent trente gynécologues médicaux par an, comme c'était effectivement le cas voilà une quinzaine d'années.
La réduction drastique opérée depuis n'a peut-être pas attiré l'attention sur le moment mais, aujourd'hui, nous en constatons les résultats : il n'y a plus que vingt ou trente gynécologues médicaux nouveaux par an. Et même si, comme vous le dites, nous disposons aujourd'hui de mille neuf cent vingt gynécologues médicaux, le chiffre ne me semble pas vraiment exorbitant au regard de la population féminine de notre pays.
La seule formation des médecins généralistes, qui, il est vrai, notamment pour le dépistage des cancers féminins, doit peut-être encore être améliorée, ne règlera pas pour autant la question parce que la réalité, incontournable, c'est que les femmes ne souhaitent pas consulter leur médecin généraliste sur des problèmes gynécologiques. Je sais que cela peut paraître curieux pour des êtres humains de sexe masculin, mais c'est ainsi, et tous les sondages le prouvent. Une relation intime et très particulière se noue entre la femme et son gynécologue, qui, dans 80 % des cas, est en fait une femme. Et les femmes refusent, là aussi, de changer leurs pratiques.
Je rappelle également que les gynécologues médicaux accomplissent un vrai travail de prévention, qui permet de réaliser des économies à la fois humaines, puisqu'il y a moins de maladies, et financières.
Je ne souhaiterais donc pas que l'on nous oppose une législation européenne, dont on voit mal tout de même pourquoi elle aurait des effets aussi négatifs sur la formation des gynécologues médicaux.
Je serai attentive à l'évolution, dans les prochaines années, de l'effectif des gynécologues médicaux en formation, souhaitant que nous retrouvions effectivement le nombre annuel de cent trente.

SITUATION DES PRODUCTEURS DE PEAUX D'OVINS

M. le président. La parole est à M. Murat, auteur de la question n° 345, transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Bernard Murat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vous entretenir des conséquences de la situation des producteurs de peaux de moutons français au regard du revenu agricole et, au-delà, de l'industrie et du commerce de cuirs et de peaux.
La situation est très préoccupante, car cette industrie connaît actuellement une crise sans précédent dans le domaine de la peau de mouton. Votre secrétariat d'Etat ainsi que le ministère de l'agriculture et de la pêche étant en charge de ce dossier, je vous remercie d'éclairer notre institution sur les dispositions que vous souhaitez prendre sur ce dossier sensible qui touche, comme nous allons le voir, de nombreux secteurs d'activité.
La production nationale de peaux brutes d'ovins se situe aux environs de 7,2 millions de peaux par an, soit 600 000 par mois. Environ 80 % de la production française est exportée vers la Turquie et l'Espagne pour être alors transformés en vêtements à destination essentiellement de la Russie.
Or, à la fin du mois d'août 1998, la dégradation de la situation économique en Russie a provoqué la fermeture du marché turc. Par voie de conséquence, cette crise a entraîné l'effondrement des cours de ces matières premières.
Les entreprises françaises ont, malgré tout, et il convient de le souligner, continué à acheter régulièrement la production des peaux d'agneaux à leurs fournisseurs. Elles se sont retrouvées, au 30 septembre 1998, avec un stock estimé à environ 2 millions de pièces, soit à peu près un tiers de la production nationale annuelle. Aujourd'hui, ces stocks ne trouvent plus aucun acquéreur, grèvent lourdement la trésorerie des entreprises et perdent leur valeur marchande.
Prenons le cas concret d'une entreprise moyenne qui possède actuellement 180 000 peaux en stock, stock correspondant aux achats de mi-avril à mi-août 1998. Le prix d'achat moyen, à cette époque, était - il importe de le noter - de 45 francs par peau. Aujourd'hui, cela n'a plus aucune valeur. Le marché étant bloqué, l'entreprise détient environ 7,5 millions de francs de trésorerie immobilisée. Les banques ne pouvant la soutenir indéfiniment, si le Gouvernement n'intervient pas, elle n'aura qu'une solution : le dépôt de bilan.
En ce qui concerne l'emploi, les conséquences sont déjà très préoccupantes. Les restructurations imposées par cette crise ont eu pour conséquence immédiate la suppression de 20 % du personnel. A terme, c'est l'ensemble des salariés de ce secteur qui risque de devoir s'inscrire à l'ANPE, avec les chances que vous connaissez de retrouver un emploi, compte tenu de leur très faible qualification.
Ainsi, cette crise commerciale qui intervient en France, et pour la première fois dans ce secteur - cela mérite également d'être souligné - doit être examinée avec la plus grande attention, et ce pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, pour l'agriculture, les éleveurs de la filière ovine doivent pouvoir continuer la commercialisation des peaux provenant de leurs cheptels abattus, qui représentent une part très importante du revenu des agriculteurs. Ces producteurs sont particulièrement affectés - vous le savez - par la baisse du cours du mouton, comme c'est le cas dans mon département de la Corrèze, et notre collègue M. Mouly peut en témoigner.
Ensuite, pour l'environnement et la santé publique, une mesure doit intervenir afin que les abattoirs français ne soient pas engorgés par un stockage qui poserait, à terme, des problèmes d'hygiène et d'environnement principalement aux maires ruraux et, de façon générale, à l'ensemble des collectivités locales.
Enfin, et je serais tenté de dire surtout, pour l'industrie, l'activité économique des peaux ne doit pas être condamnée. Les entreprises françaises de ce secteur pourraient ne plus faire face à leurs obligations dans les mois qui viennent si une solution type « prêts-relais » n'est pas mise en place rapidement par les pouvoirs publics.
A défaut, la situation aurait une conséquence directe sur l'image de marque du savoir-faire français dans les métiers du cuir à travers le monde et porterait un coup fatal à la mégisserie française, déjà en grande difficulté du fait de la concurrence des pays en voie de développement, dans lesquels le coût de la main-d'oeuvre est très faible.
Aussi, je vous serais très reconnaissant, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir éclairer le Sénat sur les solutions que le Gouvernement propose de mettre en oeuvre pour résorber cette crise et, surtout, dans quels délais.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'évoquer, à la fin de votre question, les conséquences de cette crise sur l'industrie. En effet, les implications ne concernent pas seulement la filière ovine en amont, mais également le traitement en aval. Ainsi, certains problèmes industriels sont directement liés à l'exploitation des cuirs et peaux, exploitation qui fait partie d'un secteur plus vaste comportant habituellement le textile, l'habillement, la chaussure, les cuirs et peaux.
Les pouvoirs publics sont donc conscients des problèmes rencontrés par la filière ovine, en particulier pour sa partie « peaux ». Cette filière est de longue date fragile, en raison de la crise du marché intérieur et du caractère très spéculatif de cette matière à l'échelle internationale. En effet, devant la raréfaction des débouchés intérieurs pour les peaux d'ovins, les opérateurs ont dû se tourner vers la grande exportation - 80 %, vous l'avez indiqué, chiffre qui ne laisse pas d'impressionner - tant pour les négociants en peaux brutes d'origine française que pour les mégissiers qui fournissent des peaux déjà traitées françaises ou étrangères.
Ces derniers mois ont vu la disparition, d'abord du marché asiatique, puis du marché russe, qui s'est effondré pour des causes évidentes, alors qu'il représentait plus de 40 % des débouchés directement ou indirectement, ce qui a accru les énormes difficultés du secteur. Il en est résulté un effondrement des prix et, surtout, un arrêt des ventes, phénomène qui dépasse d'ailleurs le seul cas français, pour atteindre l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Stockages et surstockages montrent l'engorgement et le blocage de la filière, puisque, à l'arrêt des ventes et la chute des cours qui en résulte, il faut ajouter d'autres répercussions sur l'amont, jusqu'aux éleveurs de moutons, via les abattoirs.
Les conséquences sur l'emploi sont importantes, vous l'avez déjà souligné à juste titre, notamment pour plusieurs régions, déjà touchées ou en passe de l'être.
La recherche d'une solution est complexe. Loin de moi l'idée de me « défiler », mais je constate que nous recherchons depuis des années à stabiliser ce marché et que l'affermir n'est pas simple. Toute solution implique que l'on en évalue bien les effets, car les enjeux financiers sont considérables, plusieurs dizaines de millions de francs.
Les services concernés du ministère de l'agriculture et de la pêche, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, du secrétariat d'Etat à l'industrie et aussi - vous l'avez dit à l'instant - du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement procèdent actuellement à une étude attentive du dossier afin d'assurer un fonctionnement plus normal de la filière.
Cela étant, l'Etat, dans le contexte - français et européen - d'économies de marché, ne peut pallier le risque économique normal ni fausser le jeu du marché.
Ce n'est pas pour autant qu'il se désintéresse de la situation dans les mesures qu'il est appelé à prendre.
Vous avez in fine avancé une solution qui fait d'ores et déjà partie de celles que j'étudie avec mon collègue M. Strauss-Kahn. Il faut toutefois remarquer que, si l'Etat peut accompagner le système bancaire, il ne peut pas se substituer à lui. Le système bancaire a, dans le financement des entreprises, ses responsabilités propres, et il n'est pas question que l'Etat se substitue à lui.
Je me suis rapproché de mon collègue ministre de l'agriculture et, ayant entendu la liaison pertinente que vous faisiez avec l'ensemble des maillons de la chaîne, je me rapprocherai du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous propose que nous étudiions ensemble, avec les autres sénateurs et députés concernés dans leur région respective, les mesures concrètes et précises que nous serons appelés à prendre rapidement pour remédier à la situation qui est grave, en effet, et qui nous inquiète.
M. Bernard Murat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de l'intérêt que vous portez à ce problème, dont nous nous sommes déjà entretenus précédemment. Il est vrai qu'il dépasse votre seul département ministériel, car il s'inscrit dans un secteur d'activité plus vaste avec, en aval, l'industrie des cuirs et peaux et, en amont, bien évidemment, les producteurs.
On parle beaucoup de la crise porcine en France, mais on parle très peu de la crise que connaissent les producteurs d'ovins. Pour un producteur, le prix de revient du « cinquième quartier », c'est l'expression généralement employée pour désigner la peau de mouton, varie en fonction de la production. Il est évident que des peaux de l'Aveyron sont vendues plus chères que des peaux de la Corrèze. Reste que, globalement, la peau de mouton représente aujourd'hui une part très importante du revenu du producteur. C'est donc un problème vaste.
Le Gouvernement ne peut évidemment se substituer aux banques. Là aussi, c'est un vaste débat, que l'on pourrait reprendre dans bien des domaines. En effet, lorsque des PME, des PMI et certaines activités économiques ont besoin de banques, ces dernières se mettent toujours aux abonnés absents.
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est exact !

AVENIR DES CLASSES TECHNOLOGIQUES

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 318, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Christian Demuynck. Je regrette beaucoup que M. Allègre ne soit pas présent ce matin. En mai dernier, j'étais déjà intervenu sur les quatrièmes technologiques et c'est Mme Ségolène Royal qui m'avait répondu.
J'étais intervenu parce qu'il était prévu, à la rentrée 1998, de supprimer les quatrièmes technologiques. Ces classes particulièrement importantes permettent à des élèves qui se sentent mal dans l'enseignement général de trouver une voie pour intégrer rapidement une profession, voire pour suivre une formation.
J'avais alors exprimé le souhait que l'on maintienne les quatrièmes technologiques. J'avais été particulièrement surpris car Mme Ségolène Royal m'avait répondu par l'affirmative. Dans sa réponse, qui était très intéressante, elle avait notamment déclaré : « C'est précisément parce que je considère qu'une erreur a été faite en supprimant purement et simplement les quatrièmes technologiques - dans certains collèges, et je vous rejoins sur ce point, elles constituent pour les jeunes une vraie chance de remise à niveau et de réinsertion dans le système scolaire - que j'ai pris des dispositions, par une instruction du 9 janvier 1998 relative à l'organisation de la rentrée scolaire 1998 dans les collèges, afin de maintenir le potentiel mobilisé jusqu'à présent pour l'enseignement dispensé dans ces classes. »
J'avais été quelque peu surpris de cette réponse, qui était en contradiction avec les informations que nous avait fournies l'inspection académique. Aussi ai-je demandé à Mme Ségolène Royal de bien vouloir confirmer ses propos, ce qu'elle a fait. Elle a alors indiqué : « Nous nous employons à rattraper les décisions extrêmement graves qui ont été prises. En ce qui concerne les classes de quatrièmes technologiques, monsieur le sénateur, je vous confirme que, malgré les décisions réglementaires prises par M. Bayrou de les supprimer toutes à la rentrée 1998 - ce qui constituait une décision malvenue pour le système scolaire - j'ai décidé de maintenir toutes celles qui subsistent dans les collèges. »
Je ne pouvais qu'être satisfait. J'ai donc informé les principaux de collège et les professeurs. En Seine-Saint-Denis, vous le savez certainement, il y a eu quelques mouvements l'an dernier, l'inspecteur d'académie a été remplacé par une nouvelle inspectrice. Je l'ai rencontrée et je lui ai dit : « Madame l'inspectrice, l'année prochaine, vous allez maintenir les quatrièmes technologiques. Comment allez-vous faire ? Allez-vous en avoir les moyens ? » Elle m'a fait cette réponse extraordinaire : « Vous savez, monsieur le sénateur, les ministres sont loin de la réalité ! Je ne pourrai pas maintenir ces quatrièmes technologiques en septembre prochain. » Telle fut bien la réalité : en septembre 1998, les quatrièmes technologiques ont été purement et simplement supprimées.
Aussi, ma question est très simple : pourquoi la promesse faite par Mme Ségolène Royal n'a-t-elle pas été tenue, que vont devenir les classes de troisièmes technologiques et, surtout, qu'allez-vous faire de ces professeurs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur Demuynck, il est heureux que ce soit moi qui vous transmette la réponse de M. Allègre en tant que secrétaire d'Etat à l'industrie, je suis en effet concerné par le développement de la technologie et, en amont, par les classes de technologie. Je vous prie d'excuser l'absence tout à fait involontaire de mon collègue, qui doit nous rejoindre d'un instant à l'autre.
La nouvelle organisation des enseignements en classe de quatrième, telle qu'elle a été définie par l'arrêté du 26 décembre 1996, est entrée en vigueur à la rentrée scolaire 1998. Les classes de quatrième technologique stricto sensu ont donc été, comme vous l'avez dit, supprimées dans les collèges. Un dispositif « groupes nouvelles technologies appliquées » leur succède. Une circulaire précisant les enseignements dispensés dans ces groupes est en cours de publication. Elle prévoit trois domaines d'activités : la communication assistée par ordinateur, la fabrication assistée par ordinateur et les automatismes. Nous sommes donc bien dans le domaine de l'industrie.
Une grande autonomie, plus large, concrète, décentralisée et inventive, est laissée aux établissements pour mettre en place ces groupes, comme l'a souhaité M. Allègre, pour accueillir ces élèves au mieux de leurs aspirations et motivations.
Dans ce cadre, chaque inspecteur d'académie répartira les moyens qui lui ont été attribués pour les collèges de son département, en fonction de l'analyse qui aura été effectuée des besoins locaux.
En ce qui concerne la classe de troisième, l'arrêté du 26 décembre 1996 relatif à l'organisation des enseignements en classe de troisième entrera en application en septembre 1999. Les élèves pourront alors choisir - et ce terme est important - entre une classe de troisième à option langue vivante 2 et une classe de troisième à option technologie. En outre, et cela va dans votre sens, les lycées professionnels continueront d'accueillir les élèves qui le souhaiteront en classe de troisième technologique.
Je pense que, par cette réponse, M. Allègre vous aura donné entière satisfaction.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Il est vrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette réponse me donne satisfaction.
Cela étant dit, je regrette vivement que Mme Ségolène Royal n'ait pas diffusé les informations que vous venez d'évoquer. Par ailleurs, je ne suis pas certain que l'inspectrice d'académie de Seine-Saint-Denis soit véritablement informée. Une réunion s'est tenue pas plus tard que lundi dernier, à laquelle elle assistait ainsi d'ailleurs que le recteur, et aucune information complémentaire ne nous a alors été donnée.
Je prends donc acte de vos propos, et j'espère que cette fois-ci les promesses seront tenues, car rien n'est plus regrettable que de voir un ministre de la République ne pas tenir ses engagements.
M. le président. Nous saluons l'arrivée de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie !

FERMETURES DE GENDARMERIES EN ZONES RURALES

M. le président. La parole est à M. Rispat, auteur de la question n° 349, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'instar d'autres départements, le Gers, que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée, connaît à son tour des annonces à répétition de suppression de brigades de gendarmerie. Six d'entre elles étaient concernées au mois de juillet, et quatre autres semblent aujourd'hui menacées.
Ma première question porte donc sur la réalité de ces chiffres, ainsi que sur le caractère irrémédiable de ces suppressions dans les chefs-lieux de canton concernés.
Tout cela est d'autant plus grave que le département du Gers est le premier département rural de France. Malgré la très faible densité et la dispersion sur une grande superficie de l'habitat rural, la criminalité y est très faible. Cela est dû essentiellement à la présence des brigades de gendarmerie en milieu rural et à la confiance que l'ensemble de la population, toutes classes d'âge confondues, leur témoigne. Depuis une dizaine d'années, cette situation a été confortée par le développement du système de téléalarme, qui permet aux personnes âgées de vivre leur vieillesse en sécurité dans leur propre maison, leur évitant ainsi la maison de retraite et toutes les conséquences que cela implique. Le risque est donc grand de laisser des espaces ruraux entiers sans une surveillance appropriée et rapide de gendarmes qui sont, comme vous le savez, ceux qui, avec les élus, connaissent le mieux leur canton d'attribution.
Cette insécurité va toucher également les forces vives de la population, notamment les chefs d'entreprise et les agriculteurs. A titre d'exemple, dans le Gers, il est question de supprimer la brigade de Miradoux, chef-lieu de canton de 500 habitants mais très proche de l'autoroute et des agglomérations agenaise et montalbanaise. D'ores et déjà, un jeune chef d'entreprise de cette commune, employant soixante personnes et fabriquant de l'informatique de grande valeur, s'inquiète des délais d'intervention en cas d'effraction dans son dépôt qui contient plusieurs millions de francs de matériel. Ainsi, la nouvelle programmation porterait la plupart des trajets à plus d'une demi-heure, voire bien plus les week-ends ou les jours fériés, en particulier pour la vingtaine de communes qui dépendent de la brigade d'Estang, autre brigade visée par cette mesure.
Cette question est d'autant plus d'actualité que M. le Premier ministre a annoncé hier, devant l'association des maires de France, la fin du gel de la fermeture des services publics en milieu rural. Monsieur le ministre, je vous rappelle que le moratoire mis en place par le gouvernement Balladur en 1993, prorogé par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire - CIADT - qui a eu lieu à Auch en avril 1997, permettait d'éviter la fermeture des bureaux de poste, des perceptions, des écoles et des gendarmeries en milieu rural. Il avait été décidé au nom du principe républicain, intangible, d'égalité devant le service public. Ce moratoire avait notamment permis, par le maintien de ces services publics, de mettre un coup d'arrêt à la désertification de nos campagnes.
Je constate avec tristesse mais aussi avec un grand mécontentement que l'annonce de la suppression des brigades de gendarmerie concordera avec la fin du moratoire : est-ce l'illustration de la nouvelle politique d'aménagement du territoire en direction du monde rural ?
De plus, toujours dans le Gers, les brigades mises en cause ont bénéficié de travaux importants de rénovation, assumés par les collectivités locales, communes et départements. Voilà moins de trois semaines, j'ai voté, comme conseiller général, des crédits pour la modernisation de la gendarmerie de Bassoues, pourtant appelée par vos services à disparaître. Il y a, vous l'avouerez, une certaine incohérence dans la démarche de l'Etat à laisser financer ce qui est appelé à être rayé de la carte.
Garants intangibles de l'ordre républicain, assurant à tous, et en particulier aux plus faibles d'entre nous, le droit imprescriptible à la sécurité, les gendarmes ont un rôle prépondérant et rassurant dans la vie quotidienne de la population en zone rurale. Nos concitoyens, où qu'ils se trouvent, souhaitent toujours beaucoup plus de sécurité. Ce projet, s'il aboutissait, irait donc à l'encontre des aspirations des nombreux habitants de nos communes.
Sans nier l'effort nécessaire de sécurité à réaliser dans les grands centres urbains - alors pourquoi prévoir la suppression de la seule brigade opérant en milieu urbain dans notre département, à Seissan ? - nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir reprendre ce dossier et d'engager une plus large consultation avec l'ensemble des élus et des acteurs socioprofessionnels concernés, en tenant compte non seulement de la gendarmerie, mais aussi du maintien et de l'implantation des autres services publics en milieu rural.
Vous connaissez mieux que personne, monsieur le ministre, les problèmes liés à la sécurité, que vous avez dû aborder dans les établissements scolaires, et vous savez parfaitement que l'école est déterminante dans la vitalité de notre milieu rural.
C'est pourquoi la sécurité physique et morale, c'est-à-dire la sécurité républicaine, qui a d'ailleurs toujours conservé ses compagnies, doit aussi conserver ses brigades.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais doublement m'excuser : d'abord, parce que, retardé je présidais le comité de l'énergie atomique je n'ai pu répondre à une question qui m'était posée ; ensuite, parce que je vais maintenant répondre à une question qui concerne le ministre de la défense. Je ne voudrais pas que vous pensiez que l'habitude du Gouvernement est de faire répondre les ministres qui ne sont pas concernés.
C'est donc, monsieur le sénateur, au nom de mon collègue M. Alain Richard, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence, que je vais m'exprimer.
Le Gouvernement a la ferme volonté d'assurer l'égalité des citoyens devant le droit à la sécurité. C'est pourquoi le Conseil de sécurité intérieure a validé les conclusions du rapport de MM. Hyest et Carraz, relatives à une nouvelle répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire national, dans la perspective d'une réorganisation en faveur des zones urbaines les plus marquées par la délinquance.
L'évolution envisagée est rendue nécessaire parce que le maillage territorial de la gendarmerie, hérité de l'histoire, doit s'adapter au développement des moyens de communications et aux changements démographiques.
La volonté du Gouvernement implique un certain nombre d'adaptations au niveau des zones rurales et des petites villes. Aussi des aménagements seront-ils apportés au dispositif actuellement en place afin de parvenir à la meilleure adéquation entre le besoin de sécurité des populations et les moyens mis en oeuvre, en particulier concernant les effectifs.
Ces modifications du dispositif actuel ne sauraient toutefois se traduire par un affaiblissement de la sécurité dans les zones rurales où la gendarmerie maintiendra un maillage territorial de façon à poursuivre, auprès des populations, son action de proximité.
En raison des problèmes posés, le Gouvernement a décidé de faire conduire par M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, une consultation approfondie sur ce réaménagement, non seulement au niveau national, mais également avec les autorités locales et les élus, et en conséquence de modifier le calendrier initial.
M. Fougier doit rendre ses conclusions avant la fin de l'année. Le Gouvernement prendra ensuite des décisions. La réalisation du programme ainsi défini s'effectuera sur une période pluriannuelle. La situation des brigades territoriales concernées dans le département du Gers, unités très peu chargées en termes de population et de faits délictueux constatés, sera donc examinée dans ce cadre.
Le Gouvernement a ainsi engagé une démarche progressive, marquée par le souci de l'intérêt général, du dialogue et du réalisme. Il convient de rappeler que le but de cette opération de rationalisation et d'optimisation des moyens affectés aux missions de sécurité publique avait déjà été affirmé dans la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
Sans préjuger la décision qui sera prise, le Gouvernement ne manquera pas de tenir compte de la situation spécifique des brigades territoriales concernées, qui feront l'objet d'une attention particulière, en termes d'aménagement du territoire et de droit à la sécurité des populations, là comme ailleurs. J'ajouterai, monsieur le sénateur, que, étant moi-même originaire d'un village rural, je suis particulièrement attentif à ces problèmes.
M. Yves Rispat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Je tiens à remercier M. le ministre de la réponse qu'il m'a communiquée. J'ajoute que j'apprécie sa connaissance du milieu rural.
Toutefois, j'insiste sur les graves conséquences, en termes d'insécurité, qu'aurait la suppression de brigades de gendarmerie : il en résulterait, en effet, une atteinte au bien-vivre des populations rurales, un accroissement des handicaps supportés par l'aménagement du territoire et le risque de voir apparaître et se développer une délinquance, une criminalité « exportées » des zones urbaines.
Le slogan de notre département est : « Le bonheur est dans le Gers ». (Sourires.) Ne nous l'enlevez pas !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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LOI DE FINANCES POUR 1999

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entrons donc dans le cycle budgétaire, ce cycle qui avait été autrefois qualifié par Edgar Faure de trois substantifs qui sont certainement encore dans vos mémoires. Nous allons ainsi entamer ensemble une « liturgie » qui, aux yeux de la majorité sénatoriale, ne laisse aucune place à l'infaillibilité gouvernementale (Sourires.) ; nos propositions secoueront la « léthargie » - du moins l'espérons-nous - de débats trop conventionnels ; enfin, nous voudrions nous concentrer sur l'essentiel, au fil de ces journées, en limitant l'inévitable « litanie » des chiffres. (Nouveaux sourires.)
Vous ayant dit cela en guise d'introduction, mes chers collègues, j'en viens maintenant à l'essentiel.
En présentant les équilibres généraux de ce projet de loi de finances, je vais essayer de vous convaincre des insuffisances de la vision et de l'approche du Gouvernement pour vous inciter à adhérer à une autre logique.
En effet, 1999 va être une année très significative, j'allais dire très stratégique pour notre pays : elle verra s'appliquer le premier budget de la France dans une zone monétaire unifiée, avec toutes les contraintes... mais sans doute aussi toutes les chances que cela représente.
Or, lorsque nous écoutons les membres du Gouvernement, nous pouvons souvent avoir le sentiment d'entendre un certain double langage, car deux discours sont simultanément tenus. L'un est dirigé vers l'opinion publique, vers le Parlement et vers les différentes catégories socio-professionnelles, et met en avant les objectifs de croissance, d'emploi, de solidarité sociale et aboutit le plus souvent à plus de dépenses publiques ; l'autre, qui est distillé dans les rencontres intergouvernementales, en Europe et ailleurs, fait apparaître la nécessité d'une convergence de nos finances publiques, d'un renforcement de la discipline commune, afin de réussir dans le cadre nouveau que nous nous sommes donné. Et, parfois, on peut se demander, en écoutant ces deux discours, lequel est le bon, lequel est le vrai et quelle est la véritable orientation de la politique budgétaire et économique de ce pays.
Nous savons que la zone monétaire intégrée ne sera un socle de stabilité économique que si certaines conditions sont remplies, que si notre monnaie unique est en mesure d'inspirer confiance dans le monde entier et de devenir une monnaie de réserve, choisie librement par les banques centrales d'un très grand nombre de pays dans le monde, bien au-delà de nos frontières.
Nous savons que cette évolution vers une zone monétaire intégrée a notamment pour objet de permettre à notre économie de bénéficier de taux d'intérêt aussi bas que possible, ce qui est un avantage considérable pour la France, qui a longtemps dû ses taux élevés, en termes réels, à la nécessité de défendre sa devise. Nous savons, en effet, que le bas niveau des taux d'intérêt est une condition essentielle à une demande intérieure soutenue, tant de la part des ménages que des entreprises, et donc une condition essentielle pour maintenir une croissance forte, susceptible d'engendrer un maximum d'emplois nouveaux.
C'est une loi de l'économie mondiale que la correspondance de bas niveaux d'intérêt avec la discipline de l'assainissement financier. Mais nous savons que nos économies et nos finances publiques sont grevées par un endettement élevé et que nous devons conduire notre politique économique de manière à alléger la charge de la dette pour les générations futures.
C'est à Amsterdam, en juillet 1997, que l'actuel gouvernement a souscrit à l'engagement d'aller « vers l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire ». Il faut donc également interpréter en ce sens vos propos récents, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lorsque vous avez dit préférer au couplage politique budgétaire laxiste - politique monétaire restrictive un couplage politique budgétaire rigoureuse - politique monétaire expansionniste.
Comment ne serions-nous pas, pour la plupart d'entre nous, en accord avec ce propos ? Toutefois, face à la réalité de la loi de finances initiale telle que vous nous la soumettez, nous n'avons pas le sentiment que ce budget réponde à la condition que vous avez vous-même posée !
Et c'est parce que nous avons cette conviction que nous nous apprêtons à amender très substantiellement le budget que vous nous soumettez, afin de le rendre compatible avec les objectifs qui sont ceux auxquels la France est tenue vis-à-vis de l'environnement international.
Mme Hélène Luc. Mais quels objectifs avez-vous ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet environnement international, madame Luc, quel est-il ? C'est un environnement très volatile, très complexe et il est émaillé de nombreuses crises. Or nous observons que le cadrage macro-économique que nous soumet le Gouvernement est un cadrage volontariste - cela ne nous déplaît pas nécessairement - mais qu'il a été fixé à la fin du premier semestre de 1998, avant qu'interviennent ou se précisent certains aléas extérieurs.
Je n'insisterai pas sur ces sujets, qui sont connus, et je ferai simplement allusion à l'hypothèse monétaire pour l'année 1999, qui s'établit à 6 francs pour un dollar alors que les prévisionnistes sont plutôt proches du niveau actuel, de l'ordre de 5,50 francs, sans revenir sur les nombreux éléments novateurs qui sont intervenus dans l'environnement économique mondial et européen depuis le mois de juin dernier.
Je souhaite, en revanche, m'arrêter quelque peu sur les aléas intérieurs, car le budget que vous nous proposez, sur fond de croissance substantielle, suppose d'abord la confiance des ménages et des entreprises. Celle-ci suppose elle-même un niveau d'inflation faible - cela nous semble acquis, probablement même à un niveau plus bas que celui de 1,1 %, qui est l'hypothèse gouvernementale. Elle suppose surtout que l'emploi s'améliore, et c'est bien là le noeud gordien de la politique économique, comme de la politique tout court, chacun le sait.
Tout récemment, le Fonds monétaire international faisait remarquer, s'agissant de la France, la forte résistance du chômage à la baisse. Il l'attribuait à une structure inadaptée du marché du travail. Il prévoyait, par ailleurs, un chômage s'élevant à 11,2 % de la population active à la fin de 1999, résultat somme toute médiocre après trois années de forte croissance.
Il faut insister sur un fait : dans notre pays, le contenu en emplois de la croissance demeure faible, surtout au regard des emplois marchands, j'allais dire les vrais emplois.
En 1999, selon les prévisions officielles, chaque point de croissance créérait 110 000 emplois, dont seulement 57 000 emplois marchands. L'amélioration des statistiques de l'emploi provient donc, pour une très large part, de l'emploi administré, de même que les créations d'emplois marchands se concentrent largement sur l'emploi précaire.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la majorité sénatoriale ne remet pas en cause le cadrage macro-économique que vous proposez. Ce cadrage est volontariste, et nous le prenons comme tel.
Nous constatons toutefois que ce budget va nous faire prendre de très grands risques. En effet, nous n'avons pas véritablement de marge d'errreur. Or, vous devrez d'ici quelque temps présenter le programme de stabilité de la France à nos partenaires européens en respectant l'article 5 du règlement du Conseil européen du 7 juillet 1998, lequel prévoit que le Conseil examine si l'objectif à moyen terme fixé par le programme de stabilité offre une marge de sécurité pour assurer la prévention d'un déficit excessif.
Avons-nous cette marge de sécurité ? Pour ma part, je ne le crois pas, car, en face des espérances conjoncturelles que nous affichons, nous chargeons sans cesse la barque de structures supplémentaires, de dépenses pérennes et de lourdeurs pour l'avenir dont nous risquons d'être les prisonniers.
M. Alain Gournac. C'est certain !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai cherché des références et des citations, et, une fois n'est pas coutume, je vais citer l'actuel président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, qui a dit voilà peu, à propos du projet du budget - mais ce n'est que l'une des expressions d'une majorité plurielle, je le sais bien !...
M. Josselin de Rohan. De plus en plus plurielle !
M. Philippe Marini, rapporteur général... « Le projet de budget ne renferme que peu de capacités d'évolutivité par rapport aux possibles aléas à venir. » Il a tout à fait raison !
M. Paul Loridant. Fabiusien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel équilibre budgétaire nous proposez-vous ? Vous prévoyez de ramener le déficit de l'Etat, en chiffres ronds, de 258 milliards de francs à 236 milliards de francs. Cette réduction nous semble être à la fois insuffisante et incertaine.
Il aurait été possible, en 1999, compte tenu de l'hypothèse de croissance, de faire bien davantage. D'ailleurs, si l'on considère sur une longue période l'évolution du taux de croissance et celle du déficit de l'Etat, on constate que, dans les périodes de récession économique, le déficit plonge très vite et que, dans les périodes d'amélioration de la conjoncture économique, le déficit ne se réduit que très lentement, très péniblement et par petits paliers.
A nos yeux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes en train de répéter les erreurs qui ont déjà été commises lors d'une phase de croissance significative sous le gouvernement de M. Michel Rocard. En d'autres termes, comme le gouvernement de M. Michel Rocard, le gouvernement de M. LionelJospin se laisser aller à la facilité.
A vrai dire, comment apprécier le déficit affiché pour la loi de finances ? On peut le faire par rapport à l'exécution de l'exercice 1998, et très bientôt, vous nous présenterez d'ailleurs le projet de loi de finances rectificative.
A voir l'évolution des choses, compte tenu d'une marche très favorable de l'économie, on peut penser que logiquement vous pourriez, si vous le vouliez, dégager à la fin de cette année un déficit de 210 milliards de francs. C'est une tendance naturelle, et cela suppose que l'on ne grève pas ce déficit de la présente année de charges et de dépenses susceptibles d'apparaître en anticipation, en quelque sorte, sur l'exercice 1999.
Nous estimons aussi que les efforts dont vous vous glorifiez sont insuffisants en ce qui concerne la dette. En effet, en 1999, si l'on vous suit, nous ne réduirons pas notre endettement par rapport au produit intérieur brut. Nous serons, en Europe, le seul pays à ne pas s'imposer cette discipline. Le seul, ce n'est pas tout à fait vrai, car il y a aussi le Luxembourg, mais la dette de ce pays par rapport au produit intérieur brut ne représente que 8 %, contre près de 60 % pour la France !
Nous observons aussi, en matière d'endettement, que les ressources que l'on va drainer sur les marchés financiers, à hauteur de 520 milliards de francs, vont servir, d'une part, à rembourser des emprunts antérieurs, pour environ 280 milliards de francs, et, d'autre part, à boucler les comptes de fonctionnement, pour 70 milliards de francs, ce qui serait naturellement interdit à quelque commune, département ou région que ce soit.
Au demeurant, chacun sait qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne - pour ce qui est de la Grande-Bretagne, c'est encore un projet - des textes fondamentaux visent à réserver de manière explicite et limitative les ressources d'emprunt à la couverture des dépenses d'investissement.
Chez nous, les dépenses d'investissement, de l'ordre de 8 % de la totalité des masses budgétaires, c'est le résidu. On emprunte 520 milliards de francs et l'on n'investit que 170 milliards de francs. Ce n'est certes pas satisfaisant !
Et puis, on peut, bien sûr, se demander, comme l'a fait le président de l'Assemblée nationale - vous voyez que le propos de la commission n'a aucun caractère idéologique - « si l'embellie de notre produit national brut n'aurait pas pu être utilisée davantage pour faire baisser la dette et les impôts ». Cela lui crée sans doute un trouble, et ce trouble, mes chers collègues, nous le partageons ! (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Réduction du déficit insuffisante mais aussi réduction incertaine et rigidité accrue des dépenses !
Les dépenses pour l'emploi, pour la dette publique et pour la fonction publique sont passées de 57 % des recettes fiscales nettes, en 1990, à 88 % en 1998.
Vous ne vous proposez pas - bien au contraire - de limiter cette rigidité. Nous constatons, par exemple, que l'ensemble des charges de la fonction publique et des rémunérations publiques passent de 56,4 % des recettes fiscales nettes, en 1998, à 56,8 %, soit encore un peu plus, en 1999.
A l'examen de l'équilibre des ressources nouvelles et des dépenses nouvelles, que constate-t-on ? La belle croissance - nous voulons y croire - nous apporterait, en 1999, 75 milliards de francs, en chiffres ronds, de recettes d'impôts supplémentaires, et nous trouvons en face 37 milliards de francs de dépenses nouvelles destinés à financer ce que vous appelez vos priorités.
Mais quelle est la première des priorités, en chiffres ? C'est - je n'ai fait que lire le document budgétaire - 22 milliards de francs de surcroît de rémunérations, de surcroît de masse salariale pour la fonction publique. C'est vrai, c'est là la toute première priorité de ce Gouvernement, toutes les autres venant assez largement derrière.
Il y a donc, d'un côté, des recettes « volatiles » et, de l'autre, des emplois rigides. S'y ajoute même le fait que certaines recettes ne se renouvelleront pas, tel le prélèvement de 5 milliards de francs que vous vous proposez de faire sur les fonds propres des caisses d'épargne, avant même de nous soumettre le projet de texte concernant la réforme de leur statut, donc de manière tout à fait prématurée.
Si nous devions vous suivre, nous enregistrerions un déficit structurel des comptes publics beaucoup trop élevé en 1999. En d'autre termes, l'Etat vit au-dessus de ses moyens !
Pour 1999, le déficit structurel, tel que le définissent les spécialistes des finances publiques, serait, selon la direction de la prévision, de 1,8 % du PIB, soit un excès des dépenses permanentes par rapport aux recettes permanentes, toujours selon la terminologie de la direction de la prévision, de 160 milliards de francs par an.
Malgré les difficultés qu'il a rencontrées, le précédent gouvernement a fait mieux que vous, car il a réduit le déficit structurel de 0,8 point de PIB par an, alors que vous ne le réduisez, de 1997 à 1999, que de 0,2 point par an. Ces chiffres montrent, mieux que toute autre démonstration, que vous avez bien de la chance, que vous misez sur la conjoncture et que vous ne réalisez que très peu d'efforts sur les dépenses de structures.
A la vérité, ce constat devrait être encore quelque peu noirci, car il faut bien voir la part des efforts des uns et des autres. Quand on raisonne sur le déficit des administrations publiques, il faut en effet considérer trois sous-ensembles : l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités locales.
Les collectivités locales, en 1999, vont apporter un excédent de 13 milliards de francs.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Un exemple !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, un exemple !
La sécurité sociale, à supposer que les hypothèses chiffrées de la loi de financement soient fondées, apporterait, elle aussi, un excédent de 13 milliards de francs, soit 26 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 8 milliards de francs provenant des organismes divers d'administration centrale.
L'Etat, lui, on le sait, enregistre un déficit de 237 milliards de francs.
Il suffirait donc que les excédents escomptés des collectivités locales et, surtout, de la sécurité sociale se transforment en déficits pour que nous soyons peut-être proches du déficit excessif ou dans le déficit excessif tel que qualifié par les accords européens.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous parlez souvent de vos efforts en matière de réduction des prélèvements obligatoires. A cet égard, je crois pouvoir dire, tout en étant très modéré dans l'expression, que les propositions que vous nous faites sont, pour une très large part, des propositions en trompe-d'oeil. Vous n'êtes pas en mesure d'engager une vraie réforme fiscale comme le fait, par exemple, le nouveau chancelier allemand.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais oui, c'est une réalité ! Dès son arrivée au pouvoir, il indique que ses premières priorités sont la réforme de l'impôt sur le revenu et l'abaissement des prélèvements obligatoires. Dieu sait, pourtant, que je ne partage pas toutes les options, toutes les orientations du chancelier allemand !
M. Claude Sautter, secrétaire d'Etat. Il semblerait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis toutefois bien obligé de constater que, contrairement à lui, vous n'entreprenez aucune réforme de l'impôt sur le revenu.
Vous cherchez par exemple des modalités un peu étranges pour résoudre des cas particuliers comme la déduction forfaitaire au bénéfice de telle ou telle profession. Vous ne poursuivez pas l'effort de baisse de l'impôt sur le revenu qui avait été engagé par le précédent gouvernement.
M. Marc Massion. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous saupoudrez des réductions de TVA alors que, si je ne me trompe, vous aviez, il n'y a pas si longtemps, évoqué une diminution du taux normal. Réductions coûteuses d'ailleurs et dont il faut parier qu'elles ne seront guère perçues par les ménages !
Naturellement, vous faites porter l'effort sur les collectivités territoriales avec une réforme de la taxe professionnelle dont les effets risquent d'être très contradictoires : effets sur nos budgets locaux - cela sera dit tout au long du débat - effets aussi sur les contribuables, car les mesures d'accompagnement de la réforme contrarient cette même réforme !
Les prélèvements obligatoires s'élèveront à près de 46 % en 1999.
M. Marc Massion. En baisse par rapport à vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'il y a baisse, ce n'est que par un effet d'optique. En effet, cette baisse part du point haut de 46,1 %, qui a été atteint en 1997, après l'entrée en application de la loi portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal et financier. Après avoir taxé de plus de 20 milliards de francs supplémentaires les entreprises, il est facile de faire apparaître une toute petite baisse optique !
Alors, que devons-nous faire, mes chers collègues ? Devons-nous rejeter en bloc ce projet de budget ou devons-nous essayer de l'améliorer ?
Bien entendu, le Sénat étant une maison raisonnable, c'est la seconde voie que nous allons vous proposer.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout le sens de nos propositions pour un budget alternatif de responsabilité et de confiance.
Responsabilité, cela veut dire que ce que nous proposons est faisable, à portée de la main, raisonnable ; ce ne sont pas des plans tirés sur la comète. Nous avons d'ailleurs, sur bien des sujets, réfréné nos ardeurs, que ce soit en matière de fiscalité ou de dépenses.
Ce budget alternatif dont nous allons débattre est donc un budget responsable. Mais c'est également un budget de confiance parce que nous pensons aux années futures et aux générations à venir, auxquelles il faut donner tous les moyens de leur liberté, ce qui signifie qu'il faut alléger les charges de structure et de la dette qui viendront amputer leur marge de manoeuvre et leur pouvoir de décision.
Que faut-il faire pour requalifier ce budget et le rendre acceptable ?
En premier lieu, il faut réduire davantage le déficit pour stabiliser la dette publique, et ce par un effort supplémentaire de 14 milliards de francs. Pourquoi 14 milliards de francs ? Parce que ce chiffre correspond, d'une part, au montant nécessaire pour stabiliser la dette en termes de pourcentage du produit intérieur brut, d'autre part, au rendement fiscal d'un point de croissance supplémentaire.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas mis en cause vos hypothèses économiques, mais si, par malheur, elles devaient ne pas se réaliser totalement, mieux vaudrait ne pas placer le pays ou ses finances publiques dans une situation impossible.
Nous savons bien que pèsent sur nos finances publiques des charges futures très lourdes : en 2015, les seules retraites de la fonction publique représenteront 226 milliards de francs alors qu'elles ne s'élevaient qu'à 108 milliards de francs en 1995. Elles feront plus que doubler, et je parle en francs constants, en volume. Nous savons que tout cela nous attend, que tout cela est inéluctable.
Comment l'Etat pourra-t-il faire face à ces énormes charges futures s'il ne s'allège pas fort vigoureusement aujourd'hui qu'il en a les moyens ?
J'ai trouvé une autre citation pour émailler mon propos.
M. Paul Loridant. Mitterrand ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Non, mon cher collègue, mais vous n'êtes pas loin, il s'agit de Jack Lang (Rires), qui s'intéresse aussi aux questions financières et budgétaires. Que déclarait Jack Lang en juin dernier ? « Il faut accélérer la marche vers la réduction des déficits et ramener ce pourcentage à 1,7 % dès 1999. » Nous qui sommes très raisonnables et très modérés, nous nous contenterions d'un taux de 2,15 %, au lieu d'un taux de 2,3 % que vous nous proposez.
Par ailleurs, il faut assurément réduire les charges de structure. Nous proposons donc, dans les 75 milliards de francs de recettes supplémentaires, de n'affecter à la hausse inéluctable des dépenses que 11 milliards de francs au lieu des 37 milliards de francs que vous prévoyez. Vous observez que notre proposition est, je le répète, modérée. Elle n'est pas déflationniste. Elle est responsable. Pour nous, un bon budget, c'est un budget qui permet de dépenser mieux et qui permet à l'Etat d'assumer d'abord ses missions prioritaires.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, on pourrait toujours discuter sur le point de savoir quel est l'impact des finances publiques sur l'emploi, éternel sujet pour les économistes. Sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes beaucoup plus savants que moi !
Je voudrais simplement faire un rappel : entre 1970 et aujourd'hui, la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut est passée de 40 % à 55 % ; dans le même temps, la dette publique, elle, est passée de 0 % à 60 %. Quant au chômage, qu'est-il devenu ? Se serait-il réduit au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses publiques et de l'endettement public ? Mais non, nous le savons bien, puisqu'il est passé pendant cette même période de 3 % à 12 % de la population active !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, si accroître la dépense publique était la solution pour lutter contre le chômage et pour le réduire, ne verrait-on pas cette vérité économique dans les chiffres issus du passé ?
La commission des finances estime qu'il faut s'attaquer au déficit de fonctionnement et au déficit structurel, qu'il faut préserver l'investissement porteur d'avenir et seul justiciable d'un financement par emprunt. Nous estimons donc qu'il faut faire des économies, que nous avons chiffrées, dans notre exercice, à 26 milliards de francs,...
Mme Hélène Luc. Sur le dos des pauvres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... ce qui conduit à refuser, sous forme d'économies ciblées, un certain nombre de dépenses qui correspondent à des politiques que nous n'approuvons pas. Vous voulez les 35 heures obligatoires à un certain terme et vous y affectez de l'argent : nous refusons de voter ces crédits !
Mme Hélène Luc. Ah bon ?
M. Marc Massion. Vous refusez d'appliquer la loi ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur les emplois-jeunes, le Sénat avait voté de nombreux amendements au projet de loi de Mme Aubry.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous avez proposé par ailleurs un certain nombre de nouveaux dispositifs sociaux. Ces dépenses étant des dépenses engagées, nous les acceptons en tant que telles, mais nous estimons qu'il est possible de faire des efforts de redéploiement de plus de 150 milliards de francs dans la masse globale des aides à l'emploi, de même que nous pensons qu'il est possible, sans réduire en rien les droits sociaux, de faire des efforts d'économie et de rigueur sur des crédits comme ceux du RMI, qui représentent 25 milliards de francs. C'est la Cour des comptes qui le dit, et pas seulement nous ! On peut mieux contrôler et faire preuve de plus de rigueur en ce domaine.
Et puis, naturellement, tout exercice budgétaire se traduit - ce n'est pas à M. le secrétaire d'Etat que je vais l'apprendre - par des mesures de caractère forfaitaire ; il n'y a pas de budget sans que l'on doive imposer des limitations de nature globale.
En ce qui nous concerne, nous estimons qu'il ne faut pas toucher aux ministères de souveraineté, c'est-à-dire aux affaires étrangères, à la défense, à la justice et à l'intérieur. Nous estimons qu'il ne faut pas toucher à l'investissement qui est déjà insuffisant, je l'ai dit. Mais nous pensons que l'on peut faire un effort de réduction de 5 % sur le train de vie de l'Etat, c'est-à-dire sur un très grand nombre de dépenses de fonctionnement, et que l'on peut également faire un effort de réduction de 1 % sur la masse salariale globale de l'Etat. Une réduction de 1 % sur la masse salariale globale, cela veut simplement dire que, pour quatre départs à la retraite d'agent public en 1999, trois seulement seraient remplacés. C'est raisonnable...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et c'est à portée de main. Cela ne concerne pas, bien entendu, les ministères de souveraineté que j'ai cités.
Les efforts que préconise votre commission, mes chers collègues, sont modérés : ils portent sur à peine 1,4 % du total des charges de l'Etat. Qui parmi nous, dans la gestion de la collectivité territoriale dont il a la charge, n'a été en mesure de faire un tel effort et, éventuellement, de le répéter sur plusieurs exercices ? Que l'on ne prétende donc pas que l'exercice est impossible ! Même si aujourd'hui nous sommes dans une période de facilité, c'est un exercice auquel, de toute façon, demain ou après-demain, vous ou vos successeurs, monsieur le ministre, seront contraints, nous le savons ; alors, autant commencer le plus vite possible.
Il faut ajouter, bien entendu, que notre vision est une vision responsable. Après avoir amendé les budgets des différents ministères concernés, ainsi que je viens de le dire, la commission des finances vous proposera, mes chers collègues, de voter les budgets ainsi modifiés. Naturellement, nous nous exprimerons largement sur ce que nous pensons de la politique menée dans chacun des secteurs d'activité du Gouvernement. Et il y a beaucoup à dire, et il y a beaucoup de critiques à faire sur le fond !
Nous voulons, enfin, engager une véritable baisse des prélèvements obligatoires, mais sans démagogie, car la baisse des prélèvements doit succéder à l'assainissement et non pas le précéder. On ne peut pas procéder comme nous le voudrions, dès 1999, avec toutes les nouvelles charges de structure, à la réduction de l'impôt sur le revenu que nous appelons de nos voeux ; mais il faudrait le faire par la suite.
La commission a examiné les différentes mesures nouvelles concernant les recettes. Nous avons pris des positions que nous justifierons tout au long du débat. Je dirai simplement en cet instant que nous avons rejeté certaines mesures telles que la taxe générale sur les activités polluantes, qui a de nombreux effets pervers dans divers secteurs d'activité, et l'extension tout à fait déraisonnable et improvisée de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, sur un certain nombre d'autres sujets, nous vous proposerons, mes chers collègues, de rejeter les mesures nouvelles concernant les recettes qui figurent dans ce projet de loi de finances.
Nous estimons enfin qu'il faut, comme vous le proposez, monsieur le ministre, être très attentif aux risques de délocalisation de l'épargne et des activités économiques. En d'autres termes, il faut, c'est vrai, lutter contre l'évasion fiscale mais la meilleure façon de le faire n'est-il pas d'engager un processus de réduction des prélèvements obligatoires et de revenir, en matière d'impôt sur le patrimoine, par exemple, à un plafonnement raisonnable...
M. Philippe François. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... de la totalité des charges d'impôts par rapport aux revenus d'un contribuable donné ? Quand on y sera parvenu, on pourra s'opposer sans doute avec encore plus d'efficacité aux risques ou aux tentations d'évasion fiscale vers l'étranger.
Je conclurai ce propos, monsieur le ministre, en invitant nos collègues à réfléchir, au-delà de ce budget, à tout ce qu'il convient de changer en matière de finances publiques.
Nous nous fondons sur l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, texte excellent qui a fait partie de la nouvelle donne de la Ve République. Mais le temps s'est écoulé et nous nous situons aujourd'hui dans un autre contexte économique et européen.
Il conviendra certainement, à l'avenir, de mieux assurer la convergence des prévisions économiques et des hypothèses de croissance entre les économies européennes.
Il conviendra aussi, me semble-t-il, de mieux associer le Parlement à l'exécution de la loi de finances.
Il conviendra également de s'astreindre, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne, à ce principe de bon sens selon lequel il ne faut plus financer le fonctionnement par l'emprunt.
Il faudra aussi faire preuve de prudence et ne pas cibler les hypothèses de croissance les plus optimistes pour fonder tout l'équilibre budgétaire sur de telles données prévisionnelles.
Enfin, il faudra suivre les conseils qui ont été donnés s'agissant de la réforme de la comptabilité de l'Etat par certains d'entre nous, au premier rang desquels se trouve Jean Arthuis. La comptabilité patrimoniale de l'Etat devra être un guide pour la gestion et pour la prévision des budgets futurs.
N'y a-t-il pas une anomalie, mes chers collègues, à ce que, dans ce projet de loi de finances, l'on n'évoque nulle part le remboursement des emprunts ?
Le budget de la France, et les choses sont ainsi faites depuis toujours, ne fait figurer en dépenses que les intérêts de la dette. L'amortissement du capital, le remboursement des emprunts se trouvent ailleurs, c'est-à-dire dans les mouvements de trésorerie. La direction du Trésor est extrêmement performante, chacun le sait !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans n'importe quelle entreprise c'est pareil !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais n'y a-t-il pas des limites à l'exercice ? Un manque de visibilité, un manque de transparence ? Ne faut-il pas progresser pour l'avenir ? Ne faut-il pas imaginer des méthodes budgétaires plus claires, plus souples et qui concourent à l'indispensable réforme de l'Etat ?
Mes chers collègues, c'est avec le voeu que l'on s'engage courageusement dans cette voie que j'achève cet exposé, en vous remerciant de votre bienveillante et patiente attention. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France porte-t-elle encore une grande ambition ?
Au moment où son économie achève de s'ouvrir au monde, au moment où elle se dote d'une monnaie commune à onze pays de l'Union européenne, la discussion de son budget, au Parlement, doit être un moment fort de vérité et d'affirmation d'une ardente volonté politique.
C'est dans cet esprit que le Sénat engage ce débat budgétaire.
C'est le sens des propositions de sa commission des finances que le rapporteur général, avec le talent que nous lui connaissions déjà mais dont il a fait à nouveau preuve voilà un instant vient de nous exposer, avec une clarté que j'ai trouvé tout à fait convaincante.
Il a su parfaitement décrire, analyser, illustrer le projet de loi de finances qui nous est soumis, il nous a proposé des solutions alternatives. Comme il l'a dit, je les fais miennes et les soutiens sans réserve.
Ces solutions sont dans le droit-fil du débat d'orientation budgétaire que nous avons tenu, dans cette enceinte, au printemps dernier. Je limiterai donc mon propos à quelques points essentiels auxquels on n'échappe pas dans un débat budgétaire : les déficits, hélas ! les dépenses et les prélèvements.
S'agissant des déficits, oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, une réduction plus importante était possible, comme M. le rapporteur général l'a dit.
Pour la première fois, en effet, et depuis longtemps, le solde pouvait être arrêté à un niveau permettant de stabiliser la dette en ratio de produit intérieur brut. Les 74,5 milliards de francs de recettes supplémentaires attendues de la croissance vous le permettaient.
Le déficit budgétaire que vous nous proposez reste donc, à nos yeux, trop élevé, il atteint en effet 237,3 milliards de francs. Il ne diminue que de 20,5 milliards de francs par rapport à l'année dernière, de 20,5 milliards de francs rapportés aux 74,5 milliards de francs de ressources nouvelles, reconnaissez que l'effort est bien modeste !
Or cette facilité à laquelle vous nous conviez, monsieur le ministre, précisément au moment où il était possible de faire autrement, ainsi que cela a été démontré, illustre, je le crains, le retard inquiétant de la France à opérer les réformes structurelles dont elle a pourtant un urgent besoin, alors même que les circonstances le permettaient - nous savons en effet que les réformes sont difficiles en France - et alors que la prochaine échéance électorale est lointaine et que la croissance vous offrait les marges de manoeuvre nécessaires. C'était donc le moment.
Sur les quinze pays de l'Union européenne, la France affiche le plus fort besoin de financement des administrations publiques. Elle sera l'un des seuls pays à ne pas stabiliser sa dette publique par rapport au produit intérieur brut alors qu'une réduction supplémentaire d'environ 15 milliards de francs l'aurait rendu possible.
La commission des finances a donc parfaitement raison de vous proposer de fixer le déficit budgétaire à un niveau qui le permet et d'éviter ainsi que la dette publique ne continue de dériver. Mes chers collègues, le niveau atteint par la dette publique - plus de 5 000 milliards de francs - dévore chaque année en intérêts 20 % de recettes fiscales nettes. Notre devoir absolu, vis-à-vis de nous-mêmes, mais plus encore vis-à-vis des générations futures, est de faire au plus vite refluer cette dette.
J'en viens aux dépenses.
Les dépenses liées à la fonction publique dérivent de 21 milliards de francs soit, à titre d'exemple, 3 milliards de plus que l'évolution du produit de l'impôt sur le revenu des Français. Comment voulez-vous que nos compatriotes puissent croire que leurs impôts pourront baisser un jour, dès lors que toutes les sommes supplémentaires qui sont prélevées sur leurs revenus, chaque année, ne couvrent même pas les suppléments de dépenses de fonction publique ?
Le présent serait moins déprimant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous ne sembliez pas vous satisfaire de cette situation. Vous vous apprêtez en effet à recruter de nouveaux fonctionnaires, même si vous m'objecterez sans doute que le solde de création des emplois civils est à l'équilibre.
A cela s'ajoutent les 100 000 nouveaux emplois-jeunes prévus pour 1999, qui viendront inévitablement, au terme des cinq ans, s'ajouter à des effectifs déjà excessifs.
Au chapitre des dépenses, M. le rapporteur général a eu raison d'évoquer la montée inexorable des charges de retraite de la fonction publique. En 2010, le budget de l'Etat devra supporter plus de 70 milliards de francs constants supplémentaires. Le coût budgétaire total sera à cette époque du même ordre que la charge de la dette aujourd'hui. Cette charge de retraites est donc bien - cela a été dit à cette tribune - la « seconde dette » de l'Etat.
Pour aider les Français à en prendre conscience, il serait indispensable que le Gouvernement montre la voie de la lucidité et de l'audace. La remise en ordre des régimes spéciaux nécessite en effet des décisions courageuses et sans doute impopulaires, mais il ne sert à rien de les retarder.
Or, là encore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quel message délivrez-vous ?
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, vous nous avez proposé d'affecter 2 milliards de francs à un fonds spécial alors que, pendant le même temps, vous autorisez la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, à s'endetter du même montant pour financer des prestations courantes. Or, la CNRACL est aujourd'hui structurellement excédentaire, son déficit étant dû à un désengagement de l'Etat qui remonte à 1985 et sur lequel il va bien vous falloir revenir !
Alors que la branche vieillesse est déjà déficitaire, vous accordez 2 milliards de francs supplémentaires à la revalorisation des retraites. Certes, la mesure est appréciée par les actuels retraités, mais, franchement, est-elle responsable à l'endroit des générations futures ?
Face à ces dérives, je rappelle l'attachement constant du Sénat à la maîtrise de la dépense publique, non par esprit de contradiction mais parce que le niveau de la dépense publique d'un pays est devenu l'un des premiers indicateurs de sa crédibilité.
Or notre niveau de dépense n'est pas crédible. L'Etat dépense trop ; il se révèle incapable de contenir ses dépenses, tant il peine à se réformer. Les chiffres donnés par M. le rapporteur général parlent d'eux-mêmes.
Le reproche majeur qui peut être adressé au Gouvernement est de repousser cet impératif, parfois même de sembler douter de son bien-fondé. Comment, en vérité, se satisfaire d'emprunter l'année prochaine 69 milliards de francs pour financer les dépenses de fonctionnement et reporter sur les générations futures le paiement des dépenses courantes d'aujourd'hui ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Loin de servir la solidarité, l'excès de dépenses la mine.
Contrairement aux apparences et à une dialectique très sommaire, une dépense publique excessive est antisociale : elle alimente les prélèvements obligatoires, elle renchérit les coûts, elle affaiblit la compétitivité de nos entreprises, elle fragilise nos emplois et elle affaiblit peu à peu la cohésion sociale. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les transferts sociaux ne remplaceront jamais des emplois durables. C'est en tout cas ma conviction, et je souhaite l'exprimer.
A qui pourra-t-on faire croire qu'un budget qui consacre 237 milliards de francs aux intérêts de la dette est un budget social alors que, mes chers collègues, cette somme est égale à l'ensemble des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il est urgent et nécessaire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de s'attaquer aux composantes les plus rigides de la dépense publique, d'engager un mouvement progressif de réduction et de redéploiement des effectifs du secteur public et une réforme des régimes de retraites.
Les comparaisons le montrent : les pays qui ont le mieux réussi sont ceux qui ont fait l'effort le plus significatif sur les dépenses.
Inversement, il serait avisé d'endiguer le reflux des dépenses d'équipement public. Si la dépense est une sorte de fatalité socialiste, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, alors, je vous en supplie, concentrez-la sur l'investissement - il en a bien besoin - et réduisez le fonctionnement.
M. Serge Vinçon. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce sera plus conforme aux intérêts des générations futures.
Or nous assistons - chacun le sait - à une nouvelle baisse des dépenses d'équipement de l'Etat. Heureusement que les collectivités locales sont là, et ce ne sont pas les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils régionaux qui siègent à la Haute Assemblée qui me contrediront !
M. Denis Badré. Ce ne sont pas les maires non plus !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'en viens enfin aux prélèvements obligatoires, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Vous prélèverez 74,5 milliards de francs - environ 75 milliards de francs - supplémentaires tout en annonçant que vous baissez les impôts. Je n'ignore évidemment pas l'effet naturel de la croissance, mais beaucoup de Français penseront qu'il s'agit d'une étrange dialectique !
Vous dénoncez l'augmentation de la TVA pratiquée en 1995, mais vous la maintenez au même niveau en évitant soigneusement de reconnaître que, pour la ramener au niveau antérieur, vous devriez trouver environ 60 milliards de francs d'économies supplémentaires alors que vous peinez tant par ailleurs à diminuer les dépenses.
Parfois - mais rarement - les circonstances économiques permettent de mener de front la baisse des déficits et la réduction des impôts, sans réduire en même temps les dépenses. C'est une illusion dangereuse en vérité, car, au premier retournement de conjoncture, les déficits et la dette s'envolent.
La baisse vraie des impôts - dont je rappelle qu'à mes yeux elle passe par la baisse des dépenses - est une nécessité pour les contribuables, mais elle l'est tout autant pour le pays.
Le passage à l'euro, dont nous nous réjouissons quasiment tous à la Haute Assemblée, révèlera, dès le 1er janvier prochain, d'une manière éclatante mais aussi inquiétante pour nous, les différences de coûts fiscaux et sociaux qui forment les prix des productions françaises, au risque de les pénaliser à l'échelle de l'Europe.
Dans la perspective antérieure du marché unique et de la liberté de circulation des capitaux, ce qu'on a appelé un « désarmement » fiscal a dû être engagé. Il a été chiffré à 221 milliards de francs en 1993 par suite des mesures prises depuis 1985. Un autre « désarmement » est aujourd'hui nécessaire, et il sera très supérieur au précédent lorsqu'on sait que 480 milliards de francs, selon mes calculs - mais j'y inclus, il est vrai, les dépenses sociales - de dépenses publiques nous séparent de la moyenne de nos partenaires européens. Mes chers amis, la baisse de 16 milliards de francs annoncée cette année montre la longueur du chemin qui reste à parcourir.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, se fixer pour objectif la stabilisation des prélèvements en ratio de PIB ne suffira pas. La diminution des déficits et des prélèvements obligatoires ne pourra résulter que d'une politique affirmée de maîtrise des dépenses publiques. De cette manière, notre pays pourra résorber sa dette et pourra ainsi éviter de compromettre l'avenir de ses enfants.
La question des prélèvements me conduit à évoquer brièvement la réforme de la taxe professionnelle présentée comme une amélioration de la fiscalité qui pèse sur les entreprises.
Ce qui a pu apparaître comme une bonne idée au départ se révèle chaque jour une aventure dont personne peut-être ne semble plus vraiment maîtriser les effets.
L'examen des articles nous permettra d'éviter quelques dégâts irrémédiables. Mais nous ne parviendrons pas, malgré le génie du rapporteur général et du Sénat, à évitercomplètement les effets pervers du nouveau dispositif.
Ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat - je ne prends qu'un exemple pour ne pas vous faire perdre inutilement votre temps - ne craignez-vous pas qu'au cours des premières années, certaines entreprises, y compris industrielles, ne voient leur taxe professionnelle substantiellement augmenter ? Est-ce une volonté affirmée de votre part ou, au fond, un effet mal maîtrisé de cette réforme ?
S'agissant de la compensation des pertes de recettes des collectivités locales, si vos intentions sont pures, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat - et je ne doute pas qu'elles le soient - pourquoi vous opposer au système de dégrèvement - avec gel des taux, bien entendu - qui apaiserait, vous le savez, les inquiétudes des élus locaux ?
S'agissant du contrat de solidarité et de croissance, dont vous vantez les mérites comparés au pacte de stabilité arrivant à échéance, pourquoi utilisez-vous les recettes fiscales des collectivités locales pour mener votre politique de péréquation ? Il serait plus judicieux que l'Etat, pour conduire sa politique, utilisât ses propres moyens et pas ceux des collectivités locales. Il ne saurait y avoir de péréquation que sur concours budgétaires. A défaut, ce serait répartir la pénurie et, surtout, déresponsabiliser les élus qui ont tant à faire pour attirer les entreprises et pour maîtriser les dépenses.
J'en viens, mes chers collègues, aux priorités qui doivent être les nôtres en matière de réduction des prélèvements obligatoires. J'en propose trois.
La première vise à réduire les charges sociales qui pèsent sur le travail, sur les bas salaires en particulier. Le passé récent nous a montré que dépenser toujours plus pour l'emploi et prélever toujours plus sur les salaires nous a placés parmi les pays européens les moins performants, sur les fronts aussi bien du chômage que des finances publiques.
On m'a objecté, on m'objectera encore et toujours, que les allégements de charges n'ont pas créé d'emplois. Mais les allégements ponctuels ne doivent pas masquer la tendance longue à l'alourdissement des prélèvements.
La clé de l'indispensable réforme structurelle de notre marché du travail se trouve là, et non, comme le pense Mme Martine Aubry, dans des contraintes supplémentaires sur les entreprises. On ne peut à la fois les dissuader d'embaucher et les obliger à le faire. Le président Poncelet nous a récemment montré la voie sur ce sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La deuxième priorité est de reprendre le processus engagé de réforme de l'impôt sur le revenu, mais ce point ayant été développé par M. le rapporteur général, je n'y reviendrai pas.
La troisième priorité a pour objet d'alléger la fiscalité de l'épargne et du patrimoine, des ménages comme des entreprises. Dans la course à l'attractivité fiscale, nous ne sommes pas suffisamment compétitifs. Cette situation risque de nous faire perdre des cerveaux, de l'activité et des emplois. Il convient d'y remédier au plus vite.
Mes chers collègues, j'en viens à ma conclusion.
Plusieurs sénateurs socialistes. Ah !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'entends des manifestations de soulagement ! (Sourires.)
Nous nous accordons tous à reconnaître que la France est un grand pays, la quatrième puissance industrielle du monde. Elle a un génie propre qui lui a permis d'atteindre l'un des plus élevés niveaux de développement du monde.
Son handicap majeur aujourd'hui, c'est l'Etat, dont vous avez la charge, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat. Il est coûteux, trop souvent peu efficace, brouillon, tatillon, lent, lourd. S'il ne se réforme pas rapidement, il peut compromettre les chances de la France et des Français.
Pourtant, je ne désespère pas et je ne crois pas que la réforme et la France soient antinomiques.
Il faut simplement à ses gouvernements de la stabilité, vous en avez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, une vision, et nous pouvons ensemble partager celle de l'Europe, une volonté et du courage pour passer de l'Etat omniprésent et omnipotent à l'Etat stratège, c'est-à-dire un Etat qui fixe les objectifs, en définit les moyens et mobilise la nation pour les atteindre.
Tel est le sens de la proposition de la commission des finances : un budget alternatif de responsabilité et de confiance, que M. le rapporteur général vous a présenté et que je vous demande à mon tour d'approuver pour marquer toute la confiance que vous portez en la France. Je veux parler non pas d'une France frileuse, abritée derrière des statuts désuets, mais de la France qui ose, de la France qui livre la bataille de la compétitivité, de la France qui gagne, de la France qui sait dominer sa peur de l'avenir pour enclencher une dynamique de développement et de modernisation, de la France qui porte une nouvelle ambition : concilier dans un monde ouvert efficacité économique et harmonie sociale.
C'est cet esprit, mes chers collègues, qui soufflera dans ces lieux tout au long de cette discussion et qui sera la contribution du Sénat au succès de notre pays ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je dois vous dire le plaisir que Christian Sautter et moi retrouvons à venir devant vous présenter ce projet de loi de finances.
Le Sénat a cette caractéristique supérieure dans toutes les assemblées de la République qu'il ne cherche pas à surprendre ceux qu'il convie à venir écouter ses débats. Comme à l'accoutunée, avec la même qualité que lorsque le président Poncelet présidait aux destinées de la commission des finances, nous avons pu, Christian Sautter et moi-même, constater que les propos tenus se situaient dans la droite ligne des thèses défendues depuis longtemps par votre assemblée.
Vous ne serez pas surpris que je ne les partage pas intégralement et, dans ces conditions, que je sois amené, sur certains points, à y répondre. Auparavant, permettez-moi de faire un petit tour d'horizon de la situation économique, car c'est bien dans un cadre économique donné que se situe un budget, et non pas dans l'abstrait, en dehors de toute référence à ce qui se passe chez nous et autour de nous. Christian Sautter, quant à lui, interviendra ensuite pour entrer plus longuement dans le détail des mesures tant fiscales que budgétaires que nous aurons à discuter ensemble.
Nous vous présentons donc, tous les deux, le deuxième budget du gouvernement que dirige Lionel Jospin.
Il y a un an, l'économie française n'était pas sortie de l'atonie qu'elle connaissait depuis la crise de 1992-1993. Il y a un an, le chômage augmentait. Il y a un an, la France n'était pas qualifiée pour l'euro et il n'était pas absolument certain qu'elle puisse l'être.
Où en sommes nous ? Il reste évidemment beaucoup à faire, et personne ici ne dira le contraire : le chômage continue à être important, beaucoup de salariés ont des situations précaires, notre pays compte beaucoup d'exclus et il n'y a donc aucune raison de chanter victoire d'une quelconque manière !
Pourtant, en regardant aussi largement que possible un certain nombre d'indicateurs économiques, j'ai le sentiment que nous sommes plutôt sur le bon chemin.
L'année dernière, je vous proposais un budget fondé sur une prévision de croissance de 3 % - vous vous rappelez combien cette prévision était décriée ; non seulement nous respecterons cette prévision, mais nous la dépasserons en atteignant 3,1 %.
L'année dernière, à l'occasion de ce budget, j'annonçais 200 000 créations d'emploi dans le secteur privé. Selon l'INSEE, il y en a 300 000. Ce sont - je le précise en direction de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des finances - des emplois marchands, car je ne parle pas, bien entendu, de ceux qui, par ailleurs, sont susceptibles d'être créés par l'action publique, tels que les emplois-jeunes.
Trois cent mille emplois, ce n'est pas tout à fait rien ! C'est deux fois plus que la moyenne annuelle des années soixante, quand la croissance était sensiblement supérieure, trois fois plus que la moyenne annuelle des années soixante-dix et cinq fois plus que la moyenne annuelle des années quatre-vingt.
Trois cent mille emplois sur un an, cela ne suffit évidemment pas. J'en attends autant pour l'année 1999, mais ce sont 300 000 emplois quand même !
Le chômage ne diminue pas dans les mêmes proportions, on le sait bien. La relation est de l'ordre de 50 %, ce qui est classique dans notre pays. On n'est donc pas surpris que le nombre d'inscrits au chômage n'ait diminué que de 175 000. Evidemment, cela nous paraît à tous insuffisant, mais c'est néanmoins un changement.
Quant à la croissance du pouvoir d'achat, il était prévu l'année dernière à la même époque qu'elle serait de 2,3 % en 1998 ; nous constaterons à la fin de l'année que le pouvoir d'achat aura crû de 3 % en 1998.
Le déficit attendu l'année dernière pour 1998 était de 3 % ; nous constaterons avec le collectif que nous présenterons dans quelques jours qu'il est ramené à 2,9 %.
Les prélèvements obligatoires auront en effet diminué de 0,2 point en 1998. Je reviendrai sur les remarques que M. le rapporteur général faisait sur ce sujet tout à l'heure, me contentant pour le moment de constater cette baisse.
Quant à la dépense publique, que nous sommes tous d'accord pour maîtriser en pourcentage du produit intérieur brut, elle diminuera de un point en 1998, comme d'ailleurs en 1999.
Au total, ces résultats, qui, pris séparément, n'ont pas une signification suffisante, montrent pris tous ensemble que l'économie française va dans la bonne direction.
Certains diront que nous avons eu de la chance. Certes, l'environnement international a été plutôt porteur, mais chacun sait aussi ce que Napoléon disait des réformes politiques et de la chance !
Dans ces conditions, si les Français ont de la chance lorsqu'ils élisent un gouvernement de gauche et n'en n'ont pas quand ils élisent un gouvernement conservateur, leur choix doit être fait pour longtemps ! (Rires sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas vrai pour toujours !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah, on ne sait pas ! En tout cas, c'est vrai maintenant !
Ce qui est sûr, c'est que, depuis 1993, la croissance française était au-dessous de la moyenne européenne. Ainsi, lorsque l'on cumule les années de 1993 à 1997, on s'aperçoit que le déficit de croissance français par rapport à la moyenne européenne est de 1,7 point, ce qui aurait représenté 300 000 créations d'emplois supplémentaires si nous avions connu la croissance européenne de 1993 à 1997 ! Ce n'est pas dû à l'environnement international qui est le même pour tous !
Nous avons donc fait moins bien en moyenne que nos partenaires européens de 1993 à 1997. En revanche, en 1998, nous sommes 0,2 point au-dessus de la croissance moyenne européenne et, en 1999, quelles que soient les prévisions qui se révéleront les bonnes, les différents instituts situant la moyenne plus ou moins haut, nous resterons aussi 0,2 ou 0,3 point au-dessus de la moyenne européenne.
C'est encore le cas avec la prévision récente de l'OCDE, qui met la moyenne générale plutôt bas, autour de 2 %, 2,1 % - je crois d'ailleurs que cette Organisation se trompe -, mais qui met celle de la France à 2,4 %.
Là non plus, ce n'est ni la chance ni l'environnement international qui comptent, c'est la politique économique.
Ou bien, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne croyez pas à la politique économique et vous pensez que tout nous vient de l'extérieur sans que nous puissions rien y faire et, dans ces conditions, nous pouvons nous dispenser d'un débat budgétaire ensemble, ou bien vous croyez - et je suis sûr que c'est le cas - que la politique économique a une influence - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous faites des propositions - et alors force est de constater que la politique économique que vous avez conduite pendant quatre ans, de 1993 à 1997, nous a mis au-dessous de la moyenne européenne et que celle qui est conduite cette année et - en prévision seulement - pour l'année prochaine nous met au-dessus de la moyenne européenne. En tout cas, pour 1998, ce n'est plus une prévision, c'est une constatation !
M. Claude Estier. Eh oui !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le budget qui vous est présenté a été beaucoup plus longuement travaillé que le précédent, lequel, chacun s'en souvient, avait été fait dans des conditions de rapidité liées aux aléas politiques.
Cette année, nous avons tenu, M. Christian Sautter et moi-même, à ce que la préparation du débat budgétaire commence très tôt. Cela a été le cas notamment en matière fiscale au sujet de laquelle des rapports ont été demandés à de nombreux parlementaires. C'est vrai aussi de la discussion que nous avons eue sur les orientations budgétaires. C'est vrai encore, et je pense que vous en conviendrez, car beaucoup d'entre vous, individuellement, me l'ont confirmé, du rapport économique et financier pour lequel un effort a été fait afin qu'il soit beaucoup plus nourri et beaucoup plus riche que par le passé, pour qu'il comprenne plus d'analyses et permette donc un débat plus large.
Une des discussions autour de laquelle tourne ce débat budgétaire est évidemment la prévision du taux de croissance.
M. le rapporteur général a eu l'amabilité de dire qu'il ne la remettait pas en cause ; je l'en remercie. Ce n'est pas le cas de l'opposition à l'Assemblée nationale. Mais, je ne jouerai pas, comme vous le faisiez tout à l'heure, au petit jeu de la comparaison des discours au sein de l'opposition nationale en rappelant les paroles éclairées de M. le président de l'Assemblée nationale ou de M. Jack Lang. Je conçois qu'il puisse y avoir une différence entre la sagesse de la majorité sénatoriale et les errements de l'opposition à l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye. C'est pour ça qu'il faut garder le Sénat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et tel qu'il est !
M. le président. Ces un beau compliment que vous faites làau Sénat, monsieur le ministre, je vous en remercie. Il faudra le dire au Gouvernement pour qu'il soutienne l'institution ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne suis jamais avare de compliments à l'égard du Sénat, ce qui me permet ensuite de dire avec d'autant plus de franchise, et vous ne m'en voulez jamais, ce que je pense des propositions que vous faites ! (Sourires.)
Toujours est-il que vous ne remettez pas en cause la projection de croissance.
Vous dites aussi, monsieur le rapporteur général, que tout repose assez largement sur la confiance. Je suis d'accord avec vous : en matière économique, la confiance fait beaucoup. C'est sans doute parce que le Gouvernement a su, dans la seconde moitié de 1997, rétablir une certaine confiance que nous avons eu, en 1998, la croissance que nous constatons.
Je constate aussi que les indicateurs de la confiance, pour peu fiables qu'ils soient, sont aujourd'hui à des niveaux supérieurs à ce qu'ils étaient voilà un an. C'est vrai, par exemple, pour les indicateurs de confiance des ménages, et cela se traduit dans la consommation.
Donc, si vous pensez vraiment - et c'est aussi mon avis - que la façon dont la confiance s'exprime de la part tant des consommateurs que des entreprises est l'un des facteurs déterminants de la croissance, vous devez alors être relativement rassurés quant à la croissance pour 1999 ; c'est sans doute la raison pour laquelle vous ne remettez pas en cause cette prévision.
Il est vrai qu'au cours de 1998 l'horizon international s'est un peu assombri. Il est vrai aussi que, depuis un mois et demi, chacun a le sentiment que nous sommes plutôt en train de sortir de la période la plus aiguë de la crise - je le dis avec précaution car, en la matière, chacun le sait ici, il peut y avoir des retournements rapides. Enfin, nous avons tous l'impression, en France comme à l'étranger, que la période la plus difficile est derrière nous. Aussi, la prévision de croissance de 2,7 % me semble toujours valable. Elle n'est pas si ancienne, contrairement à ce que certains ont dit parfois ; elle a été établie fin août, comme le veut la tradition. De toute façon, pour que le projet de loi de finances soit déposé sur le bureau du conseil des ministres début septembre, il ne pouvait en être autrement !
Cette prévision de croissance ne me semble pas non plus tenir compte de l'environnement international.
Vous savez que la prévision avait été établie au mois d'avril dernier à 2,8. Puis, elle est passée à 2,4 en raison d'une aggravation de la récession internationale - dans le scénario d'avril, elle n'était pourtant pas considérée comme très bonne, mais enfin, elle s'est aggravée. Elle a finalement remonté à 2,7 en raison d'une appréciation plus positive de la demande intérieure. C'est donc un double mouvement qui l'a conduite de 2,8 à 2,7. Finalement, je ne la crois pas trop optimiste.
Ce qui me frappe, c'est que, au dire des instituts de sondage, le plancher de notre croissance s'est beaucoup relevé depuis deux mois. Auparavant, certains - à tort ou à raison, mais il ne s'agit que de prévisions - envisageaient pour 1999 une croissance de 1,5, parfois 2 ; ceux d'entre vous qui suivent ces questions avec précision s'en souviennent.
Aujourd'hui, toutes les prévisions sont remontées beaucoup plus haut. Certes, ce « beaucoup plus haut » est généralement plus faible que ce que prévoit le Gouvernement, mais même l'OCDE, qui présentait la prévision la plus basse, 2,4, ne cite plus le chiffre de 2 ni, a fortiori, celui de 1,5.
Je vois donc, dans cette amélioration de la situation, une diminution de l'incertitude qui fait que, si l'on n'a pas le fétichisme de la décimale - et, en matière de prévisions, qui peut l'avoir, surtout quand la période est un peu troublée, comme c'est le cas cette année ? - on peut être sûr que la croissance sera forte l'année prochaine.
Une deuxième chose est sûre : la France fera la course en tête car, quels que soient les instituts de prévision, aucun ne met en doute que la France aura la croissance la plus élevée des grands pays d'Europe. Certes, certains pays comme l'Irlande auront une forte croissance, mais leur situation est un peu particulière. En tout cas, parmi les trois pays - la France, l'Allemagne et l'Italie - qui, à eux trois, représentent 75 % du PIB de la zone euro, il est clair que la France sera sensiblement en tête.
Je maintiens donc cette prévision de croissance de 2,7 %, d'autant que le Gouvernement n'est pas un institut de conjoncture - cette idée figurait dans les propos de votre rapporteur - et que, dès lors, la prévision qu'il formule est au moins autant une cible à atteindre. Le Gouvernement n'est pas spectateur de ce qui se passe en matière de croissance, il est un acteur et il s'assigne une politique dont il pense raisonnablement qu'elle peut lui permettre d'atteindre cette croissance de 2,7 %.
Il ne s'agit donc pas simplement d'une prévision ; il s'agit aussi d'un objectif de politique économique auquel doit correspondre une stratégie, stratégie que je vais développer brièvement.
Je ferai tout d'abord remarquer que ce qui s'est passé en 1998 me semble plutôt valider les choix politiques du Gouvernement.
Parmi ceux-ci, je citerai tout d'abord le choix européen, largement suivi par la Haute Assemblée. On en a traité maintes et maintes fois depuis plusieurs mois, et je ne ferai pas perdre de temps sur cette question. Notons cependant que la perspective de l'euro a créé une zone de stabilité dont on peut penser qu'elle n'aurait pas existée sans elle. Si l'on considère la crise de 1994 - la crise mexicaine - ou la crise de 1992 dont certains disent qu'elle était plutôt de moindre ampleur que celle que nous avons vécue, on constate que les fluctuations sur les parités, comme la hausse très importante des taux d'intérêt que ces fluctuations avaient engendrées sont sans commune mesure avec la totale stabilité des parités qui a prévalu dans la zone euro pendant la dernière crise et le niveau très bas des taux d'intérêt que nous pratiquons, puisque nous avons les taux d'intérêt les plus bas du monde, mis à part le Japon, qui est un cas un peu particulier.
Quoi que l'on pense de l'opportunité de la mise en place de l'euro - je ne reviendrai pas sur ce débat - force est de constater que la stabilité a été mise à l'épreuve d'une crise très dure - on se serait passé de cette épreuve, mais puisque la crise a eu lieu, tirons-en au moins les leçons - et que nous avons tous bénéficié, consommateurs pour emprunter ou consommer, entreprises pour emprunter ou investir, de cette stabilité et donc du bas niveau des taux d'intérêt.
Je suis frappé de constater qu'au moment où nous avons vu le yen fluctuer de quelque 15 % en vingt-quatre heures, passant de 132 à 115 yens pour 1 dollar, alors que quelques jours plus tard le gouvernement italien tombait, la lire n'a pas varié de 1 . Voilà une autre manière d'illustrer la stabilité monétaire dans laquelle nous sommes entrés !
Le deuxième choix opéré par le Gouvernement, qui est beaucoup moins partagé, a été de miser sur la demande interne.
Cette orientation avait été affirmée lors de la campagne électorale. Tel a été l'objet de la politique systématiquement mise en oeuvre, et je crois que nous avons eu raison. Si notre croissance a été peu touchée - je ne dis pas qu'elle ne l'a pas été - par un environnement international dégradé, c'est justement parce que nous avons fait en sorte, et nous continuerons en ce sens, qu'elle repose fondamentalement, voire exclusivement, sur la demande interne, consommation et investissement, et non sur les exportations. Malgré l'effet négatif sur la croissance qu'auront ces dernières en 1999, j'espère que notre taux de croissance sera de 2,7 % parce que la demande interne est très vigoureuse.
Notre croissance en matière de consommation est en effet de l'ordre de 4 %. Qu'en est-il, me direz-vous, de l'investissement ? Il progresse moins vite, moins sûrement que la consommation car il existe toujours un décalage, et il est clair que la crise financière que nous avons traversée a ralenti les anticipations d'investissements de la part des entreprises. Je pense toutefois que ceux-ci vont reprendre leur rythme normal dans la mesure où ils reposent essentiellement sur la demande, c'est-à-dire la consommation. La consommation ayant repris - après que la crise financière eut quelque peu retardé le processus - l'investissement repartira.
Il reste que ce choix de fonder la croissance, non par principe mais parce qu'il correspondait, selon notre analyse, à la situation de la France aujourd'hui, sur la demande interne est non pas l'inverse - le mot est un peu excessif - mais assez différent du choix effectué par le gouvernement précédent. En tout cas, il a été validé par les résultats de 1998.
Il faut dès lors mener une politique économique qui nous permette d'avoir la plus forte croissance l'année prochaine. En effet, au-delà de tous les débats comptables sur la diminution ou non du déficit ou bien sur la diminution ou non des prélèvements obligatoires, ce qui importe, nous pouvons tous en être d'accord, c'est la croissance créatrice d'emplois.
Les Français sont avant tout concernés par la baisse du chômage. Certes, ils s'intéressent à d'autres sujets, comme le volume de la dépense publique, celui de la dette publique, les déficits ou les impôts - ce sujet les intéresse encore peut-être davantage d'ailleurs - mais leur moral est avant tout conditionné, nous le savons tous, par les résultats en matière de chômage.
C'est parce que le chômage a tendance à baisser que la confiance des ménages augmente.
Que faire pour atteindre le niveau de croissance le plus élevé possible ? L'histoire récente ne sert pas toujours de modèle. En économie plus qu'ailleurs, on ne peut pas transposer les périodes. Mais on aurait tort de ne pas en tirer quelques leçons.
Tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, vous indiquiez par anticipation que vous partagiez la conclusion à laquelle je vais arriver, d'ailleurs rapidement.
Lorsque l'on regarde la politique menée aux Etats-Unis au début des années quatre-vingt par le couple exécutif-banque fédérale, c'est-à-dire MM. Reagan et Volcker, on voit une politique budgétaire qui laisse filer le déficit et, en réaction, une politique monétaire très dure. Dans les années qui suivirent, on a pu constater un écroulement de la croissance américaine.
Lorsque l'on regarde la politique menée par le gouvernement allemand lors de l'unification, on constate que pour des raisons que je n'ai pas à juger, elle a tendu à financer les dépenses de cette unification sans augmenter les impôts, donc par une augmentation du déficit. En réaction, la Bundesbank durcit les taux d'intérêts. Il s'ensuivit un écroulement de la croissance européenne dans la période 1993-1997.
Regardons aussi, je le dis sans polémique, la politique suivie par le gouvernement de M. Balladur. Celui-ci s'était donné l'objectif, que je partage, d'assurer la stabilité de la parité franc - mark en vue de l'euro. Mais, à cette fin, la mécanique a été la même : il fallait des taux d'intérêts élevés, lesquels ont été compensés par une politique budgétaire qui a entraîné des déficits importants. En matière de croissance, cela n'a pas donné de résultats réjouissants.
Voilà donc trois exemples dans lesquels la combinaison entre une politique monétaire dure et une politique budgétaire laxiste a donné de mauvais résultats.
A l'inverse, nous avons sous les yeux les résultats d'une politique symétrique : celle des Etats-Unis, qui ont mené une politique monétaire d'accompagnement et une politique budgétaire de réduction du déficit. Or, après sept ans de croissance, ils bénéficient d'excédents budgétaires, ce qui n'était pas arrivé depuis un certain temps. Il n'y a pas si longtemps que les uns et les autres tempêtions, pour des raisons de circulation de l'épargne mondiale, contre le déficit budgétaire américain. Il s'agit donc d'un changement notable.
C'est cette combinaison que nous devons mettre en oeuvre en Europe, d'autant qu'elle correspond parfaitement aux conditions que nous connaissons aujourd'hui, à savoir : un niveau d'inflation extrêmement faible rendant inutile une politique monétaire trop dure, en France comme en Europe ; des finances publiques qu'il faut continuer d'assainir...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plus vite !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur général, si cette remarque s'adresse à mon discours, je vais vous satisfaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, pas du tout.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si elle a trait à la diminution du déficit, il faudra vous contenter de ce que le Gouvernement a prévu.
De toute façon, une politique à taux d'intérêt élevés et une politique d'augmentation du déficit conduiraient à faire monter l'euro par rapport au dollar, ce qui, à l'évidence, n'est pas l'intérêt de nos économies européennes.
Toutes ces raisons concourent donc à cette politique, et il me semble que c'est bien celle que la coordination des politiques économiques que la France a obtenue au sein de la zone euro et qui commence doucement à se mettre en oeuvre devrait permettre de mener.
Je vous rappelle, pour terminer sur ce point, que nous avons des taux d'intérêt faibles, même si l'on peut penser que ce serait mieux s'ils étaient encore plus faibles - plus faibles que ceux des Anglais, que ceux des pays qui restent en dehors de l'euro, plus faibles que ceux des Etats-Unis. Il est tout de même frappant que l'Italie, qui n'est pas réputée pour être un pays de stabilité financière historique, emprunte aujourd'hui moins cher que le Royaume-Uni, qui, à l'inverse, est paré de toutes les vertus en qualité de place financière.
Nous avons donc des taux faibles, qui continuent à baisser en moyenne sur la zone de l'euro, puisque la convergence se fait vers les taux franco-allemands et non pas vers la moyenne. Nous avons vu les baisses italiennes, espagnoles, portugaises, irlandaises, et cela a conduit à une baisse moyenne sur la zone euro, ce qui fera au total une réduction de plus de cinquante points de base. Par ailleurs, ne désespérons pas que les taux des pays du coeur de l'Europe soient amenés à évoluer un jour.
C'est bien dans cette stratégie que nous nous engageons. Mais changer de stratégie ne veut pas dire obligatoirement basculer complètement, en oubliant le caractère mesuré et raisonné qui doit s'attacher aux évolutions.
J'en viens à ce qui fait le coeur de notre débat d'aujourd'hui : la stratégie budgétaire.
Messieurs les sénateurs, j'ai bien entendu les critiques que vous avez formulées. Certaines m'ont fait sourire. Peut-être sourirez-vous de la même manière aux critiques que je ferai à vos propres critiques... En tout cas, lorsque vous évoquez le fait que le déficit structurel a particulièrement baissé au cours de la législature précédente, vous renvoyez à des chiffres qui ne sont pas faux, mais que vous ne souhaitez sûrement pas voir revenir.
Car, si le déficit structurel a baissé, c'est parce qu'il y a eu deux points de pression fiscale de plus. Est-ce cela que vous recommandez ? Certainement pas ! Vous recommandez le contraire ! Donc, ce qu'il faut, c'est faire baisser le déficit structurel, certes, le plus possible, certes, mais pas par la méthode qui consiste à augmenter l'impôt !
Pour ma part, je préfère un déficit structurel qui baisse en 1998 et en 1999, avec des impôts qui n'augmentent pas, voire qui baissent. Bien sûr, vous pouvez dire qu'ils ne diminuent pas assez ; c'est un débat. Mais vous ne pouvez pas renvoyer à ce qui s'est passé voilà quelques années où, pour faire baisser le déficit structurel, on a augmenté de deux points le taux de la TVA, ce qui, tout le monde le reconnaît maintenant, a alors cassé la croissance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est parce que la croissance avait baissé qu'il a fallu augmenter la TVA !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais le taux de croissance résulte largement de la politique économique !
M. Josselin de Rohan. Et en 1993 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais il n'y avait pas eu de hausse d'impôt avant 1993 !
M. Josselin de Rohan. Elle s'est produite après !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quelle que soit la façon dont vous prenez le problème, vous n'aboutissez pas : si c'est la faute de la hausse d'impôt, c'est bien celle de 1995 qui est en cause ; si c'est la faute de la politique économique, on n'a aucune raison de vouloir reproduire aujourd'hui une politique économique qui a conduit à des taux de croissance aussi faibles.
J'admets parfaitement que l'on me dise : « La réduction du déficit structurel que vous opérez est insuffisante. » Il est légitime d'en débattre. Mais on ne peut pas dire : « Voyez comme on l'a bien fait voilà quelques années » puisque, justement, cela a été fait selon la pire méthode, celle qui a cassé la croissance.
Par ailleurs, s'agissant de la dette, j'ai entendu avec beaucoup de plaisir M. Marini et M. Lambert manifester leur souci pour les générations futures. Je croyais en effet entendre mon discours de l'année dernière à cette même tribune, à la même époque. Je me réjouis de voir que, même si c'est avec un certain retard à l'allumage, le Sénat reprend avec sérénité les thèses que le Gouvernement énonce. Peu-être, l'année prochaine, sur d'autres sujets, nous suivrez-vous aussi ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Tirez-en des conséquences !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je dis cela parce que je n'ai pas trouvé trace, dans les précédents débats budgétaires au Sénat, d'un souci aussi grand du ratio dette publique/PIB.
M. François Trucy. Ah si !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'entends : « Ah si ! » sur ma droite. Je ne sais pas à qui l'attribuer.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On va le retrouver ! (Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si cela a été dit, ma remarque vaut encore pour le fait que celui qui l'a dit n'a pas été écouté. En effet, si le ratio dette publique/PIB diminue en l'an 2000, comme je l'annonce depuis un an, ce sera la première fois depuis vingt-cinq ans.
M. Josselin de Rohan. Cela a commencé en 1994 !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tout cas, si ce souci s'est effectivement manifesté plus tôt au Sénat, j'en serai très heureux. Ce serait une raison de plus de féliciter le Gouvernement de réussir à y répondre, plutôt que de regretter brusquement que cela n'ait pas eu lieu un an plus tôt, alors que, pendant des années et des années, le Sénat a voté des budgets qui continuaient à accroître allègrement le ratio dette publique/PIB, qui va maintenant baisser.
M. Michel Caldaguès. De quelles années parlez-vous ? C'est vous qui avez géré la plupart du temps !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je parle de ces années d'enfer, qui sont heureusement de plus en plus loin derrière nous ! Chaque année qui passe nous éloigne des années tristes : 1994-1997 ! (Rires sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Et 1993, ça ne vous dit rien ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous croyez sans doute que nous avons oublié les périodes antérieures ! Sûrement pas ! Mais tous les documents montrent que la croissance de la dette publique a été particulièrement forte à partir de 1994.
M. Josselin de Rohan. Lire, c'est dangereux pour vous !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quoi qu'il en soit, je suis ravi de voir que le Sénat reprend la position que le Gouvernement affichait dès l'année dernière. L'année dernière, c'était évidemment plus risqué puisque c'était une prévision sur deux ans ; maintenant, c'est une prévision sur un an. Je le confirme, à partir de l'an 2000, le ratio dette publique/PIB baissera dans notre pays, et ce sera la première fois depuis vingt-cinq ans.
Cela nous a conduit à définir pour 1999 un déficit de 2,3 % du PIB. On peut discuter pendant des heures sur le point de savoir s'il ne fallait pas le fixer à 2,4 % ou à 2,2 %. Il n'existe pas de trébuchet pour déterminer, à la décimale près, le bon déficit. Puisqu'il faut bien s'arrêter à un chiffre, nous avons retenu celui-là.
Il représente, vous l'avez dit, 50 milliards de francs de baisse par rapport au déficit de l'année précédente et le retour, pour la première fois depuis 1991, à l'équilibre primaire que notre pays avait donc quitté depuis sept ans, c'est-à-dire l'équilibre hors service de la dette ; c'est évidemment la première étape d'une gestion saine des finances publiques.
Fallait-il faire plus ? On peut toujours en débattre.
J'ai dit, voilà quelques semaines, devant l'Assemblée nationale, que notre effort en matière de réduction du déficit était l'un des plus importants de la zone euro. Et puis j'ai découvert, en lisant l'excellent rapport de M. Marini, un tableau montrant que c'était en fait « le » plus grand effort de la zone euro en la matière. J'y ai vu comme un satisfecit accordé par votre rapporteur général au Gouvernement.
Evidemment, on peut toujours considérer qu'il faudrait aller encore plus loin.
Moi, je relève surtout que c'est le plus grand effort de la zone euro, même si certains pays nous suivent de près.
Sans doute me direz-vous que c'est parce que, dans les autres pays, le déficit est moins important.
M. Josselin de Rohan. Par exemple !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais cela tient probablement au fait que, dans ces pays, la gauche est au pouvoir depuis plus longtemps... (Rires et exclamations.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ça, c'est risqué ! M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vision un peu trop manichéenne !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'au rythme que nous suivons, nous sommes en train de rejoindre un peloton que nous avions lâché par la grâce de gouvernements de diverses couleurs.
Constatons simplement ensemble que l'effort accompli cette année par la France en matière de réduction du déficit est le plus élevé de tous les pays de la zone.
Je reviens maintenant sur les prélèvements obligatoires. Ils sont en diminution de 0,2 point en 1998 et nous prévoyons une nouvelle baisse de 0,2 point en 1999. En 1999, nous verrons si cela se vérifie, mais la baisse de 1998 est en train de se réaliser sous nos yeux.
M. le rapporteur général dit : « Oui, mais c'est parce que vous avez augmenté artificiellement les prélèvements de 1997 avec la MUFF, la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. Maintenant, vous faites apparaîtres une baisse en 1998, mais cette baisse est factice. »
Quand bien même vous auriez raison, la baisse est constatée, elle est réelle ; ce n'est pas un maquillage des chiffres. Si vous aviez raison, nous n'aurions évidemment guère de mérite. Mais, sans esprit de polémique, je ne crois pas que vous ayez raison, et je voudrais m'arrêter quelques instants sur l'année 1997.
Que s'est-il passé cette année-là ? Nous avons fini l'exercice que vous aviez commencé - vous, c'est-à-dire la majorité sénatoriale ou le gouvernement qu'elle soutenait - avec le même niveau de dépenses, celui que vous aviez voté. Le gouvernement de Lionel Jospin s'est même offert - petite facétie - le luxe de finir l'année avec des dépenses inférieures de un milliard de francs au niveau que vous aviez voté.
Par ailleurs, le déficit de 3 %, compte tenu de la soulte de France Télécom - mais cela n'est pas en cause - était également celui que vous aviez voté. Le niveau de recettes était donc aussi celui que vous aviez voté. Dès lors, les prélèvements obligatoires de 1997 n'ont en rien été accrus par la nouvelle majorité.
Vous m'objecterez que nous avons augmenté l'impôt sur les sociétés. Certes, mais nous l'avons fait pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu que le gouvernement de M. Juppé a mise en oeuvre mais qui n'était pas financée. Et c'est bien le problème ! Si elle avait été financée, nous aurions fini l'année avec cette baisse que nous avons réalisée et dans le cadre que vous aviez prévu : dépenses que vous aviez prévues, déficit que vous aviez prévu et donc recettes que vous aviez prévues.
Cette baisse de l'impôt sur le revenu était d'ailleurs tellement peu financée que, dit-on, cela n'a pas été sans rapport avec la décision de M. le Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale. Vous me direz que ce qui se passe à l'Assemblée nationale est de peu d'importance ici. Soit ! (Sourires.)
En tout cas, je ne peux pas admettre la remarque selon laquelle le niveau des prélèvements obligatoires de 1997 serait imputable au nouveau gouvernement. Soyons honnêtes et logiques ! Quand on réalise les mêmes dépenses que celles que vous avez votées et le même déficit que celui que vous avez voté, c'est bien que l'on a les mêmes recettes que celles que vous aviez votées ! Cependant, ces recettes n'étaient pas au rendez-vous puisque la baisse de l'impôt sur le revenu n'était pas financée. Il a donc fallu reconstituer lesdites recettes en augmentant l'impôt sur les sociétés. Mais, au total, le prélèvement fiscal de 1997 n'est pas différent en masse, même s'il l'est en structure, de celui que vous aviez voté.
Le taux des prélèvements obligatoires de 1997, pardonnez-moi de le dire ainsi, c'est le vôtre. Eh bien, de 1997 à 1998, on constate une baisse de 0,2 point de ce taux. Certes, 0,2 point, ce n'est pas beaucoup, je le reconnais, mais c'est mieux que la hausse de 0,5 point que nous avons connue pendant chacune des quatre années précédentes. Et, l'année prochaine, nous opérerons une nouvelle baisse de 0,2 point.
Bien sûr, il faudrait faire mieux !
Mais reconnaissez tout de même avec moi qu'une majorité ayant soutenu un gouvernement qui, pendant quatre années consécutives, a fait 0,5 point de PIB de prélèvements obligatoires de plus n'est pas forcément la mieux placée pour reprocher à un gouvernement qui, pour la deuxième année consécutive, prévoit 0,2 point de prélèvements obligatoires de moins, de ne pas faire assez.
Cela ne m'empêche pas d'écouter vos conseils avec attention. Nous ferons tout pour que la croissance soit assez forte pour nous permettre d'aller plus vite encore dans cette baisse des prélèvements obligatoires. Si nous continuons à un rythme plus rapide, nous pourrons, avant la fin de la législature, retrouver le niveau de prélèvements obligatoires que la France connaissait avant que la majorité précédente n'accède au pouvoir. (Sourires.)
Pour ce qui est de la dépense publique, nous avons décidé de l'augmenter de 1 % en 1999. C'est un choix politique. Comme tout choix politique, il est évidemment critiquable.
Je rappelle que, pendant la campagne électorale, nous avons défendu certaines propositions en matière de politique économique et sociale. Nous les avons mises en oeuvre en 1998. Nous considérons - mais je sais que ce n'est pas votre cas - qu'elles contribuent à la croissance, notamment par la confiance qu'elles rétablissent.
Nous avons donc pensé que les mesures qui concrétisent ces propositions devaient être financées, non plus seulement pour une demi-année, comme en 1998, mais pour une année pleine. C'est vrai des emplois-jeunes, comme c'est vrai de la réduction du temps de travail, toutes mesures dont vous contestez le bien-fondé. Mais c'est le centre de notre politique. Nous n'avons aucune raison de penser, au vu de l'année 1998, qu'elle donne de mauvais résultats. Il est donc bien légitime que nous la financions.
Nous avons, en conséquence, évalué la progression des dépenses à 1 %, et cela après un examen attentif.
Je signale que, malgré cette croissance de 1 % de la dépense publique, que vous critiquez si fort, monsieur le rapporteur général, le ratio dépense publique/PIB continue de baisser puisque le PIB va augmenter de 2,7 % et la dépense publique de 1 %. Vous pourriez réclamer une baisse plus rapide, mais n'ayez pas à l'esprit que le ratio dépense publique/PIB augmente.
A vrai dire, il s'agit d'une tendance historique observée dans notre pays depuis maintenant une quinzaine d'années, avec seulement une interruption, au cours d'une période que j'ai déjà évoquée tout à l'heure : les années 1994-1997. En effet, au cours des quinze dernières années, la seule période où le ratio de la dépense publique de l'Etat rapportée au PIB a recommencé à augmenter, c'est celle des années 1994-1997.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout à l'heure, vous parliez en valeur ; maintenant, vous parlez de ratio, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je parle en effet du ratio de la dépense publique rapportée au PIB, qui est bien l'indicateur pertinent pour savoir quelle part puise effectivement l'Etat dans la richesse nationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant des prélèvements de 1997, vous parliez en valeur.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, j'ai parlé du taux des prélèvements obligatoires sur le PIB de 1997, et j'ai affirmé qu'il vous était imputable.
Pour ce qui est de la dépense publique, on peut souhaiter - mais ce n'est pas mon opinion - qu'elle baisse plus vite par rapport au PIB. En tout cas, ce ratio baisse, et le seul moment où il n'a pas baissé, c'est pendant les années 1994-1997.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'était pas une période de croissance !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Que ce soit ou non une période de croissance, cela n'y change rien ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela change tout au rapport !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, car, chacun le sait bien, en période de croissance, nombre de dépenses augmentent : la rémunération des fonctionnaires, par exemple, parce que ceux-ci souhaitent légitimement bénéficier de la croissance, ou encore les dotations aux collectivités locales, notamment, et pour les mêmes raisons.
Si les dépenses de l'Etat n'avaient pas augmenté au cours de la période considérée, le ratio n'aurait pas augmenté non plus puisque, comme vous le dites, la croissance était faible. Si elle avait été nulle, le dénominateur n'aurait pas changé. Pour que le ratio augmente, il a nécessairement fallu que le numérateur augmente. C'est donc bien que vous avez laissé les dépenses croître trop vite. Mais n'y revenons pas, c'est le passé !
Je souhaite répondre en quelques mots à ce que vous avez dit à propos de l'Allemagne.
Vous avez cité l'Allemagne en exemple. Je ne peux que m'en réjouir, eu égard à tout ce qui peut rapprocher l'actuel gouvernement allemand et l'actuel gouvernement français. Je m'en réjouis d'autant plus que vous avez salué la baisse des impôts en Allemagne. Or, lorsque j'examine ce que le gouvernement allemand a annoncé dans ce domaine, je ne vois rien qui soit très différent de ce que nous faisons.
Il a, en effet, annoncé une baisse d'impôts de 10 milliards de marks, soit 33 milliards de francs, sur cinq ans. Or, 33 milliards de francs en cinq ans, cela fait 6 ou 7 milliards de francs par an, tandis que, cette année, la France connaît, non pas 7 milliards de francs de baisse, mais 16 milliards de francs. Donc, si vous trouvez particulièrement bien ce qu'annoncent les Allemands, combien laudateurs seront alors vos commentaires sur la politique du Gouvernement, car nous ne pouvons pas faire deux fois mieux sans que vous ayez la logique d'applaudir deux fois plus !
Je ne sais pas ce que feront effectivement les Allemands - pour le moment, il ne s'agit que d'annonces - mais, au vu de ces annonces, honnêtement, les Allemands font moins que nous !
M. Marc Massion. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est intéressant !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je terminerai sur le contre-budget que vous avez voulu présenter. Il serait peu courtois de ma part de ne pas le commenter suffisamment et par une sorte de benign neglect, pour reprendre une expression britannique, de le laisser de côté. Vous avez fait l'effort d'entreprendre un travail de ce type et il me semble donc naturel que le Gouvernement, sans en surestimer l'importance, en fasse néanmoins le commentaire.
Tout d'abord, au titre de l'équilibre général, mon sentiment est que le projet de loi de finances, tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale, est équilibré. Evidemment, c'est un sentiment subjectif et politique !
Il est équilibré, puisque les excédents de recettes liés à la croissance sont partagés en trois parts à peu près égales : 16 milliards de francs de baisse d'impôt ; 21 milliards de francs de réduction des déficits et 16 milliards d'augmentation des dépenses, soit un peu pour les dépenses, pour financer les priorités - moins que la croissance, donc le ratio baisse -, beaucoup pour la baisse du déficit et pas mal tout de même pour la baisse des impôts.
On aurait pu préférer une autre répartition, mais c'est celle que nous avons choisie. Vous en proposez une autre et, sans remettre en cause la prévision de croissance, vous choisissez d'obtenir 26 milliards de francs de baisse des dépenses par rapport au budget que nous présentons. Honnêtement, je trouve que vous diabolisez de façon un peu ridicule la dépense publique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous, vous la réhabilitez !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis plus pragmatique : je réfléchis aux moyens de la rendre le plus utile possible. J'admets volontiers que nous sommes dans des économies où le ratio de la dépense publique doit plutôt baisser, et il baisse. De là à diaboliser la dépense publique, comme si toute dépense publique était par nature mauvaise, à tel point qu'un bon budget serait un budget mort, honnêtement, je ne peux pas vous suivre !
En effet, on ne peut pas considérer l'importance de la dépense publique et son intérêt pour la nation sans considérer les services qu'elle rend et son efficacité.
Si la dépense publique était totalement inefficace, alors quand bien même elle ne serait que de la moitié de celle que nous avons, elle serait encore trop importante. A l'inverse, si la dépense publique rend des services à la nation, du point de vue économique comme dans d'autres domaines, alors elle a sa justification. Ensuite, c'est un choix politique de préférer une école publique ou une école privée, une santé publique ou une santé privée. (M. le président de la commission des finances proteste.)
Je ne dis pas que c'est votre cas, je dis que ce sont des choix de nature politique, qui se justifient à condition qu'ils soient efficaces.
Précisément, sur le plan économique, qui nous intéresse ici au premier chef, la dépense publique en France est-elle efficace ?
En matière de réseaux, de routes, de télécommunications, ...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec les routes, nous n'avons pas d'ennuis : il ne s'en construit plus dans notre pays !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On en fait de moins en moins !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en matière de services rendus aux entreprises, est-elle efficace ou non ?
Il est difficile d'avoir un thermomètre pour le mesurer, mais je vous en propose quand même un que, à mon avis, vous ne sauriez récuser : les entreprises étrangères ont-elles envie ou non de venir investir en France, et, surtout, de façon comparée, ont-elles envie ou non d'investir en France plus qu'en Allemagne, en Espagne ou au Royaume-Uni ?
Eh bien ! mais vous le savez, nous sommes le deuxième pays après, justement, le Royaume-Uni, pour l'accueil d'investissements étrangers en Europe, devant l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche et le Danemark. Ces investisseurs viennent en France parce qu'ils trouvent que l'opération est bonne, parce qu'ils veulent des investissements rentables.
Quand on les interroge sur les raisons pour lesquelles ils viennent, ils répondent, c'est vrai, que, pour ce qui est des impôts au sens large, la situation n'est pas terrible ...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous avons des routes, des télécommunications, des services !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et qu'ils vont en payer un peu plus qu'ailleurs mais, comme le disait Mme Beaudeau à l'instant, ils font valoir, à l'inverse, que les services publics qui leur sont offerts sont meilleurs, que les télécommunications sont meilleures, que les personnels sont mieux formés. Sinon, ils ne viendraient pas ! Vous le savez tous, vous les rencontrez comme moi.
On peut donc préférer un haut niveau des dépenses publiques et un haut niveau de services, à un bas niveau de dépenses publiques et un bas niveau de services...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas le sujet !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais, pour être honnête, il faut comparer le niveau des dépenses au niveau des services.
On ne saurait en aucun cas dire que, par nature, la dépense publique doit à tout prix être diminuée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne faut pas le dire !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Un haut niveau de dépenses d'investissement, c'est ce que nous voulons !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Lambert, « un haut niveau de dépenses d'investissement », dites-vous ! Mais les dépenses qui font fonctionner les hôpitaux dans notre pays ce sont, pour beaucoup, évidemment, des dépenses de fonctionnement. Et les Français souhaitent avoir de bons hôpitaux. Allez leur dire que vous voulez moins d'infirmières !
Je sais que ce type de réponse est facile, mais c'est tout de même une réalité. Il n'y a pas que l'investissement dans la vie ou plutôt il faut le prendre au sens large : l'éducation et la santé, ce sont aussi des investissements humains.
Donc, n'ayons pas une vision strictement comptable ou patrimoniale de ce qu'est l'investissement. Toute la théorie économique de ces vingt-cinq dernières années tend à montrer que l'éducation, au moins - vous en conviendrez avec moi - est aussi, pour une collectivté, une forme d'investissement. Or la dépense d'éducation, c'est largement de la dépense de fonctionnement, au sens de nos catégories comptables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Est-elle pour autant efficace ? Ecoutez les lycéens !
M. Marc Massion. Laissez parler le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Est-elle pour autant efficace ? Oui. Notre système de formation est globalement efficace. J'en prends pour juges - le critère vaut ce qu'il vaut - les investisseurs étrangers. Ceux qui nous regardent de l'extérieur ont tendance à considérer que le personnel est, en effet, mieux formé en France que dans beaucoup d'autres pays.
On peut rendre plus efficace encore la dépense publique. Le jour où, à cette tribune, monsieur le rapporteur général, vous commencerez votre rapport en disant : « Il faut baisser la dépense publique, mais voilà ce que je propose, à dépense publique donnée, pour la rendre plus efficace », notre dialogue sera encore plus constructif.
M. Josselin de Rohan. Eh bien, faites-le !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. A en juger par l'évolution des préoccupations vis-à-vis des générations futures, c'est pour l'année prochaine ! (Sourires.) J'attends donc l'année prochaine, de votre part, si vous le voulez bien, des propositions dans ce sens !
En tout cas, 26 milliards de francs de baisse de la dépense, cela fait - au contraire du 1 % d'augmentation en volume que nous proposons - 0,7 % de baisse en volume, ce qui ne s'est tout simplement jamais vu. Je ne dirai pas qu'il faille le faire pour autant, car on a quand même quelques soupçons quand, dans l'opposition, on vous propose une solution qui n'a jamais été tentée par le passé. Cela ne veut pas dire qu'elle est impossible, mais on comprend qu'elle est peut-être plus facile à mettre en oeuvre sur le papier que dans la réalité.
En tout cas, vous n'avez jamais proposé, et encore moins mis en oeuvre une baisse des dépenses publiques de cette ampleur. D'ailleurs, heureusement, car cela aurait eu des conséquences graves !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas une baisse !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais si !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui ! 27 milliards de francs, c'est une diminution de 0,7 % en termes réels !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais il reste 11 milliards de francs d'augmentation de la dépense.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avec l'inflation ! Mais je parle, moi, en termes réels.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous m'interrompiez, surtout quand vous me donnez l'occasion de préciser qu'il s'agit bien d'une baisse en termes réels. Bien sûr, il reste l'augmentation liée à l'inflation, mais votre assemblée est assez avertie pour savoir faire la différence entre ce qui est lié à l'inflation et ce qui est une hausse ou une baisse. Ici, en termes réels, il s'agit bien d'une baisse de 0,7 %, ce qui ne s'est jamais vu de mémoire de ministre des finances !
D'ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous êtes tellement conscient du caractère peu raisonnable de votre proposition que vous avez dû dire au moins quinze fois à la tribune : « Nous proposons des choses raisonnables ». (Rires sur les travées socialistes.)
Si c'était le cas, vous n'auriez pas besoin de le justifier à ce point. La réalité saute aux yeux. Votre proposition est heureuse, parce qu'elle permet le débat et, de ce point de vue, je vous en remercie, mais son caractère raisonnable a en effet besoin d'être réaffirmé à peu près à toutes les phrases ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Comment répartissez-vous les 26 milliards de francs de baisse ?
M. Josselin de Rohan. C'est un peu facile !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Six milliards de moins pour les emplois-jeunes : autrement dit, dehors !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a redéploiement !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas de la baisse, alors ! Attendez ! Moi, je sais ce que veut dire « redéployer » : cela signifie que cela ne baisse pas, mais que l'on se sert de l'argent pour faire autre chose. Dans ces conditions, je me permets de vous interroger, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le total qui baisse !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Moi, je regarde ce que vous mettez dans les 26 milliards de francs, et je lis, dans votre rapport : moins 6 milliards de francs au titre des emplois-jeunes. Si c'est redéployer pour vous, soit ! Mais alors ils ne sont plus dans les 26 milliards. Donc, où prenez-vous les 26 milliards de francs, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit des 150 milliards d'aide à l'emploi qui peuvent être mieux gérés ; nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, nous en reparlerons !
Je constate, moi, que vous proposez de diminuer de 6 milliards de francs les crédits au titre des emplois-jeunes, au moment même où la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, unanime, a soutenu nos propositions en matière d'emplois-jeunes pour l'année prochaine. Je vois bien là, dans votre esprit, les errances des députés de l'opposition ! Je n'insiste pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'exagérons pas, monsieur le ministre, c'est excessif !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. « Errances » ? Oui, le mot est peut-être un peu fort ; disons « erreurs » !
Ensuite, vous supprimez 3,5 milliards de francs d'appui à la réduction du temps de travail.
Vous ne croyez pas à la réduction du temps de travail : c'est votre droit. Mais, à mesure que l'année se déroulera et que des centaines, voire des milliers d'accords seront signés et que des emplois seront effectivement créés, les 3,5 milliards de francs seront utilisés et donc vous aurez à répondre, alors, du fait que, si vous les aviez supprimés pour arriver à vos 26 milliards de francs, vous auriez du même coup supprimé les emplois en face !
Vous pouvez être contre ou pour la réduction du temps de travail, dire que c'est une bonne ou une mauvaise méthode, mais vous ne pouvez certainement pas renoncer aux 3,5 milliards de francs sans renoncer aux emplois correspondants. Or, comme je pense que, comme nous, vous recherchez la création du maximum d'emplois, il ne paraît pas très raisonnable de supprimer ces 3,5 milliards de francs.
J'en viens aux 8 milliards de moins pour la rémunération des fonctionnaires. Là, c'est sans débat ! C'est autant de moins dans la consommation, au-delà du problème de la rémunération effective des fonctionnaires, qui, en effet, augmente rapidement dans ce budget, principalement parce qu'il a fallu rattraper le gel de 1996, dont vous reconnaîtrez volontiers que je n'étais pas responsable.
Mais puisque, en 1996, les engagements pris vis-à-vis des fonctionnaires n'ont pas été respectés, il fallait bien le faire un jour. La hausse des fonctionnaires de l'année prochaine ressemble quand même un peu à un apurement des dettes du passé !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous le regrettez ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Effectivement, je le regrette. J'aurais préféré que vous les augmentiez en 1996, comme vous vous y étiez engagés, pour qu'on ait moins besoin de les augmenter cette année, c'est sûr ! Mais, que voulez-vous ? Moi, je me sens comptable de la continuité de l'Etat, et comme celui-ci n'a pas tenu ses engagements vis-à-vis des fonctionnaires en 1996, il fallait bien, à un moment donné, remettre les compteurs à zéro !
Puis - mais peut-être est-ce une faute de frappe, car je ne peux pas y croire - vous proposze de diminuer de 5 % les crédits du RMI ! Alors là, honnêtement, les bras m'en tombent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la Cour des comptes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et ils n'augmentent pas pour autant l'impôt sur la fortune, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La remarque est fondée : vous suivez plus volontiers la Cour des comptes quand il s'agit de baisser le RMI que lorsqu'il est question d'augmenter l'impôt de solidarité sur la fortune.
Cela étant, je ne crois pas qu'aucun élu dans cette assemblée puisse se résoudre à admettre que nous soyons dans l'obligation de nous soumettre à une forme de gouvernement des juges...
Ce que la Cour des comptes propose est extrêmement intéressant et important ; il reste que, au bout du compte, les choix politiques, c'est nous et vous qui les faisons ! Quand on propose de diminuer de 5 % les crédits du RMI, il faut avoir le courage de ses propositions et ne pas se cacher derrière la Cour des comptes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est à droits constants !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si c'est à droits constants, cela coûte ce que cela coûte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut gérer mieux. Il faut moins d'abus ! C'est tout !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur général, en toute amitié : au-delà de l'affichage, quand on décompose vos 26 milliards de francs - je ne reviens pas sur la crédibilité d'ensemble, j'ai dit tout à l'heure ce que j'en pensais - on voit bien que, n'ayant pas voulu toucher, et avec raison, aux ministères dits régaliens, vous avez dû vous en prendre principalement aux crédits d'intervention. L'ennui, c'est que les crédits d'intervention servent précisément à intervenir, et que, là où vous les retirez, ils n'existent plus. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'ils auraient dû servir aux emplois-jeunes, au RMI, à la réduction du temps de travail, ils font défaut !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous apprécions tous l'humour, pour ne pas dire l'ironie, des formules que vous utilisez, mais je me dois de rappeler au Sénat que tout exercice de réduction des dépenses doit respecter les règles qui nous régissent, en particulier l'ordonnance organique relative aux lois de finances.
Nous ne pouvons pas inscrire des crédits supplémentaires là où nous pensons qu'ils pourraient être utiles et nous ne pouvons parfois réduire les crédits que là où c'est possible. L'exercice du redéploiement, encore une fois, en fonction des règles qui nous régissent, n'est donc pas commode à présenter. Il est donc un peu facile d'ironiser sur la méthode elle-même. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Lambert, si l'objectif est de montrer au pays que l'on peut faire un budget différent, peu importe les règles de l'ordonnance organique. Vous montrez quel budget vous auriez fait, c'est tout ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Nous sommes légalistes, nous respectons la loi, tout de même ! Vous avez beaucoup d'audace !
M. Paul Loridant. Ce qu'ils sont légalistes, tout de même !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pouvez-vous un seul instant penser que les modifications que je viens de rappeler - mais ce n'était que quelques exemples pris dans votre liste - seraient soutenues par le Gouvernement ou par sa majorité à l'Assemblée nationale ?
Quel est l'intérêt de proposer un contre-budget - exercice que je crois intéressant - sinon celui de dire à la nation : voilà le budget tel que nous le présenterions ? Alors, ne vous abritez pas derrière des arguments juridiques et dites politiquement ce que vous voulez faire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous prévoyons de réduire 14 milliards de francs le déficit, c'est tout !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Or, ce que je constate politiquement c'est ce que je suis en train de décrire. De toute façon, le problème que pose votre contre-budget, ce ne sont pas tant l'immobilisme, ni même les crédits que vous supprimez, contrairement aux souhaits des Français - qu'ils ont fait connaître par le vote qu'ils ont émis en juin 1997. Non, le vrai problème, c'est que, avec votre contre-budget, qui repose sur une hypothèse de croissance de 2,7 % - vous l'avez d'ailleurs confirmé, sinon vous n'avez plus les recettes - vous n'avez plus 2,7 % de croissance ! C'est en ce sens que votre exercice est assimilable à un tour de passe-passe. En réalité, avec ce budget-là, vous faites ce qui a déjà été fait, ou ce que l'on a déjà tenté de faire, peut-être pas avec cette ampleur mais dans cet esprit, dans des années passées, et vous cassez la croissance.
Ce que le Gouvernement s'efforce d'essayer de vous faire partager, sans succès, j'en conviens, c'est que, pour avoir la plus forte croissance possible, il faut jouer sur toutes les touches du piano et que l'on ne peut tout bousculer d'un coup en misant tout sur la réduction la plus rapide du déficit. Certes, il faut le réduire, mais on ne réduit pas impunément le déficit, à n'importe quel rythme, sinon on casse la croissance. Si on ne le réduit pas du tout ou pas assez, on ne résout pas les problèmes structurels. Mais si on le réduit trop, on casse la croissance. Tout le problème est de trouver - je ne dis pas que nous y sommes arrivés - un équilibre. La grande différence entre votre proposition, au-delà des éléments ponctuels, et le budget proposé par le Gouvernement, c'est l'équilibre.
S'il existe une différence dans ce budget entre la droite et la gauche, ce n'est pas tellement dans le fait de vouloir diminuer les impôts - il est assez facile de réunir une majorité sur ce sujet - mais de savoir à quel rythme, sur quel chemin et comment il est possible effectivement d'atteindre les objectifs. De ce point de vue, honnêtement, la méthode que vous proposez a échoué dans le passé.
Est-ce la seule différence entre ces deux propositions ? Non ! Car, en matière de fiscalité, vous formulez d'autres propositions et je conclurai sur ce point.
Vous proposez, d'abord, de revenir sur la baisse du plafond du quotient familial que propose le Gouvernement. C'est totalement incohérent car, voilà quelques jours, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, vous avez voté la suppression des conditions de ressources pour les allocations familiales. Si vous votez la suppression des conditions de ressources et que vous n'acceptez pas la baisse du plafond du quotient familial, vous augmentez les charges de l'Etat de quelque 4 milliards de francs. Or vous dites vouloir les baisser. Où est la cohérence ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un choix politique pour la famille ! Ce n'est pas le vôtre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Marini, j'ai le plus grand respect pour la famille. D'ailleurs, j'en ai fondé trois ! (Rires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tous nos compliments !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour autant, il ne paraît pas obligatoire d'être incohérent en matière budgétaire.
Vous proposez bien de réduire l'impôt sur le revenu, mais comme vous ne disposez pas du premier franc pour le faire, comme en 1997 d'ailleurs, vous suggérez de reporter la disposition à l'an 2000. L'exercice est facile !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Responsable !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, on sent chez vous une vigueur nouvelle par un éloge vibrant en faveur de la fiscalité écologique,...
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. C'est le viagra écologique ! (Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... à tel point que vous proposez d'augmenter de huit centimes, près de dix centimes à la pompe, le prix du gazole. Mais de l'avis des écologistes eux-mêmes - honnêtement, ils sont plus compétents que vous et moi réunis en matière d'écologie...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est à voir !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais si ! Laissons à chacun ses compétences.
Ce qui fonde, de la part des écologistes eux-mêmes, ce qu'ils appellent, de façon peut-être un peu grandiloquente, l'an I de la fiscalité écologique, c'est la taxe générale sur les activités polluantes. Or, c'est précisément celle que vous supprimez. Il s'agit encore d'une incohérence !
Quant à la justice fiscale, vous rejetez les deux articles qui résultent des travaux de l'Assemblée nationale concernant la lutte contre l'évasion en matière d'ISF. Est-ce bien raisonnable ? Vous rejetez les autorisations que sollicite l'administration afin de pouvoir demander des éclaircissements à un contribuable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne rejette pas !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah bon ? Vous, ce sont 26 milliards de francs de dépenses en moins.
Nous, en matière fiscale, ce sont pour cette année et 1999, 20 milliards de francs de baisse de l'impôt sur les revenus du travail et 28 milliards de francs de hausse de l'impôt sur les revenus du capital. C'est un choix politique. J'admets tout à fait qu'il ne soit pas partagé par la majorité du Sénat. Mais cela montre bien les différences importantes en termes politiques - vous l'avez rappelé à l'instant sur un autre sujet - qui existent entre votre proposition et la nôtre... en dehors de quelques incohérences, que j'ai relevées tout à l'heure.
Je n'entre pas dans le détail des remarques que vous formuliez à propos de la taxe professionnelle, de la TVA ou des droits de mutation. Je n'ai pas entendu que vous critiquiez la baisse de la TVA ni celle des droits de mutation. Par conséquent, ce qui est au coeur de la réforme fiscale de cette année, vous ne l'avez pas remis en cause, et je m'en réjouis.
En ce qui concerne la taxe professionnelle - M. Sautter y reviendra plus longuement - je ne crois pas beaucoup à la proposition de dégrèvement que vous formulez, car elle est très déresponsabilisante pour les communes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout le contraire !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La charge est mise sur le dos de l'Etat, quoi qu'il arrive, ce qui, honnêtement, n'est pas très satisfaisant. Je crois que les propositions d'indexation qui ont été faites sont très correctes. Je sens d'ailleurs, dans les différentes assemblées de maires, qu'elles ne sont pas si mal reçues.
La réforme inquiète-t-elle ? Oui, monsieur le rapporteur général, la réforme inquiète toujours. Il faut oser la réforme et, si j'osais, j'irais jusqu'à dire que ce qui fait la différence entre les conservateurs et les progressistes, c'est d'oser la réforme, pas de voir qu'elle ne présente pas de problème. Bien sûr que cela pose des problèmes de réformer, surtout lorsqu'il s'agit de réformer quelque chose d'aussi compliqué, de mal construit au bout du temps, cette usine à gaz, comme on l'a dit, qu'est la taxe professionnelle.
Vous me disiez : ne voyez-vous pas qu'il y a des difficultés ? Oui, je le vois, mais le problème, c'est de savoir si l'on réforme tout de même malgré les difficultés ou si, après avoir appelé les réformes pendant des années, quand celles-ci sont mises en oeuvre, on reste tranquillement dans son fauteuil en disant : « C'est trop difficile. »
Le Gouvernement assume les difficultés de cette réforme. Elle sera favorable à l'emploi et, en fin de compte, aux collectivités territoriales. Nous aurons l'occasion d'approfondir cette question au cours du débat, je n'y reviens donc pas. Il est vrai que c'est une réforme compliquée. J'ai presque tendance à dire que si cela avait été simple, cela aurait été fait depuis un moment.
Je conclus.
J'ai le sentiment que nous avons la croissance en 1998 et que nous l'aurons en 1999, certes parce que l'environnement international n'est pas mauvais - encore que, par ailleurs, certains passent leur temps à dire que l'environnement international n'est pas si bon ; il faudrait tout de même être cohérent et admettre que l'influence extérieure n'est donc pas si forte - mais aussi et surtout parce que nous menons une politique qui conduit à la croissance.
C'est l'engagement de la majorité qui soutient le Gouvernement aujourd'hui : rechercher la croissance maximale, pour plus d'emplois et de pouvoir d'achat. C'est cette politique que nous avons conduite en 1998, laquelle a donné des résultats qui, sans être mirobolants, sont sensiblement plus satisfaisants que ceux qui avaient été obtenus précédemment. C'est cette politique que nous vous proposons de poursuivre.
Vous en proposez une autre. Je constate simplement que lorsque celle-ci était à l'oeuvre, elle n'a pas si bien réussi. Vous vous souciez de problèmes que vous avez aggravés voilà quelques années. Je pense en particulier à la hausse de la dette publique durant les années 1994, 1995, 1996 et même 1997. Je suis heureux que vous vous en souciez. Aussi, je pense que vous vous féliciterez avec nous en l'an 2000 quand, pour la première fois, cette dette baissera.
Ce qui me paraît sûr, c'est que ce budget est exactement l'inverse de celui qui a été fait dans les années précédentes et que vous feriez si vous aviez la majorité aujourd'hui. Il y a bien deux logiques possibles de politique économique comme de politique budgétaire. Je ne suis donc pas surpris que vous ne soyez pas d'accord. Cela est dans l'essence même des choses. Je considère même que, sur un certain nombre de points, vous auriez pu être moins timide dans vos propositions. Cela reste assez conservateur sur un certain nombre de réformes, mais je ne doute pas que, dans un prochain exercice de même nature, vous alliez plus loin.
Ce qui est sûr, c'est que, à ces temps où certains s'interrogent sur les différences qu'il peut y avoir entre une politique économique de droite et une politique économique de gauche, la détermination que vous mettez à défendre vos propositions et à montrer combien elles sont différentes des nôtres, vient conforter l'opinion que j'ai, selon laquelle il y a bien deux politiques. J'espère que tous ceux qui en doutent vous aurons bien entendus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai évidemment pas sur les aspects stratégiques que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient de rappeler.
Le projet de budget que nous proposons a pour objet de consolider la croissance et de financer les priorités issues des élections de juin 1997, en particulier le développement de l'emploi, le renforcement de la justice sociale et l'amélioration du fonctionnement du service public. Comme l'a dit M. Dominique Strauss-Kahn, nos marges de manoeuvre sont réparties en trois tiers à peu près égaux : 16 milliards de francs pour la baisse des impôts, 16 milliards de francs pour le financement de véritables priorités et 21 milliards de francs de baisse du déficit.
En ce qui concerne les impôts, dans une première partie, je commenterai plus largement les réformes fiscales qui vous sont proposées. C'est une année où nous avons osé modifier beaucoup plus d'impôts que cela n'a été le cas au cours des vingt années précédentes. Je m'attacherai à répondre aux interrogations, aux inquiétudes, que le président Lambert a exprimées sur la taxe professionnelle, et j'irai un peu au-delà en évoquant les relations entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne les dépenses, je ne reviens pas sur les chiffres globaux : une progression en volume de 1 %, soit 16 milliards de francs. Je souhaite, avant d'entrer un peu dans le détail, dans une deuxième partie, faire deux commentaires.
Le premier : à ces 16 milliards de francs de dépenses supplémentaires, qui apparaissent au grand jour, s'ajoutent, dans l'ombre, si je puis dire, 30 milliards de francs, qui résultent de redéploiements. En matière de réformes structurelles de la dépense publique, que, me semble-t-il, M. le rapporteur général appelait de ses voeux, ces 30 milliards de francs sont la preuve tangible que le Gouvernement en a fait une bonne part. Je reviendrai brièvement, à l'issue de la deuxième partie, sur la partie dépenses du contre-budget que M. le rapporteur général a proposé.
Ma deuxième remarque introductive sur les dépenses est celle-ci : à côté de ces 30 milliards de francs de redéploiements, nous avons procédé, à la demande du Conseil constitutionnel, à une réforme de clarification qui était attendue. Nous avons procédé à une rebudgétisation de recettes et de dépenses publiques qui ne figuraient pas dans le corps même du budget. S'agissant des dépenses, cela représente un montant considérable : 45 milliards de francs. Il s'agit de dépenses qui n'apparaissaient pas dans la loi de finances initiale ou de dépenses qui faisaient l'objet d'une affectation dans le cadre de comptes spéciaux du Trésor. Ainsi, la Haute Assemblée pourra débattre à partir d'une image plus sincère de la réalité de la dépense publique.
Avant d'entrer dans le débat sur la réforme fiscale, je voudrais simplement ajouter une information au développement très précis que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a fait tout à l'heure quant à la dette.
Monsieur le rapporteur général, en matière de progression de la dette, je compare deux années : en 1996, la dette de l'Etat a augmenté de trois points de PIB ; en 1999, elle croîtra, certes, mais seulement de 0,5 point de PIB, pour se stabiliser en l'an 2000, voire pour commencer à fléchir quelque peu.
J'en viens à la fiscalité. Nous vous proposons des réformes fiscales de grande ampleur qui ont un double objet : l'emploi et la justice fiscale. J'y ajoute - M. Strauss-Kahn a déjà insisté sur ce point tout à l'heure - une réforme fiscale en faveur de l'environnement. Je ferai ensuite quelques commentaires en ce qui concerne la volonté de simplification de l'impôt, ce que l'on appelle familièrement « l'allègement de l'impôt-papier » qui est ressenti de manière particulièrement lourde par les petites et moyennes entreprises.
Il s'agit d'une fiscalité plus favorable à l'emploi. Le fer de lance de cette réforme fiscale, c'est effectivement la réforme de la taxe professionnelle. Mais j'indiquerai tout à l'heure que d'autres éléments vont dans le même sens.
La réforme de la taxe professionnelle est attendue depuis très longtemps. Chacun en son temps a critiqué, en employant des adjectifs plus ou moins vigoureux, cet impôt qui joue contre l'emploi, puisque plus une entreprise crée d'emplois, plus elle paie.
Que fallait-il faire ? Une première proposition a été formulée par le Conseil des impôts, cette assemblée d'experts particulièrement qualifiés. Ils ont suggéré de nationaliser la taxe professionnelle, c'est-à-dire de l'établir à un taux unique pour l'ensemble du territoire, cette fiscalité unique étant ensuite répartie entre les diverses collectivités selon des règles à définir.
La proposition que j'ai entendue de la part de M. Fourcade, qui a mentionné une fois l'idée que, peut-être, il faudrait désormais partager l'impôt sur le bénéfice des sociétés entre l'Etat et les collectivités locales, ressortit quelque peu à la même logique.
Nous n'avons pas voulu suivre cette logique de « nationalisation ». Nous avons privilégié une réforme plus sobre mais qui, je crois, est entièrement concentrée sur sa finalité, c'est-à-dire une réforme pour l'emploi.
En effet, la suppression en cinq ans de la part salariale de la taxe professionnelle va alléger substantiellement le fardeau fiscal, attaché à l'emploi, des entreprises qui développent aujourd'hui l'emploi. Si l'allégement sera, en moyenne, de 35 %, puisque la part salariale représente 35 % de l'assiette de la taxe professionnelle, il sera de 50 % dans le bâtiment, activité de proximité absolument insensible aux crises asiatique, russe ou latino-américaine, ainsi que dans les services, et seulement de 20 % dans l'industrie manufacturière. Par conséquent, ce sont les secteurs à fort contenu de main-d'oeuvre qui seront directement intéressés.
Les entreprises les plus bénéficiaires seront les entreprises petites et moyennes, puisque l'allégement sera en moyenne de 40 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est de moins de 50 millions de francs et seulement de 25 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 500 millions de francs. Cette réforme est donc ciblée.
De plus, nous vous proposons que cette réforme, qui s'étalera sur cinq ans, bénéficie d'abord aux entreprises les plus petites, c'est-à-dire celles qui ont moins de 500 000 francs de masse salariale : elles verront disparaître entièrement cette part salariale qui représente, selon les secteurs, 20 %, 40 % ou 50 % de l'assiette de la taxe professionnelle.
Cela signifie concrètement, mesdames, messieurs les sénateurs, que les artisans du bâtiment et les commerçants, s'ils emploient un petit nombre de salariés, verront leur taxe professionnelle baisser de moitié en un an.
Il s'agit donc d'une réforme importante pour l'emploi, dont le Gouvernement attend beaucoup. D'après les contacts que nous avons avec les parlementaires et les chefs d'entreprise, elle apportera aux petites et moyennes entreprises, dès 1999, un signal de confiance important dont on peut attendre une progression de l'emploi.
L'inquiétude des élus locaux porte non pas sur ce point, me semble-t-il, mais sur la compensation, et peut-être, en amont, sur un principe qui est au coeur des réformes de décentralisation de 1982, c'est-à-dire sur l'autonomie fiscale des collectivités locales. Il s'agit là d'une exception française en Europe, exception à laquelle le Gouvernement n'entend pas porter atteinte.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Heureusement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous remercie de cette approbation, monsieur le rapporteur général !
Que se passera-t-il ? Avant la réforme, les concours de l'Etat représentaient 30 % des recettes des communes. Après la réforme, on passera à 36 %. On peut donc affirmer que l'exception française de l'autonomie fiscale des collectivités locales, à laquelle nous sommes tous attachés, perdurera.
J'en viens à la question de la compensation et du dégrèvement.
Le Gouvernement propose un système simple, prévisible et dynamique.
Ce système est simple : on prendra les derniers taux connus, ceux de 1998, et les dernières bases connues, celles de 1999.
Personne ne conteste le mode de compensation pour 1999, qui se fera franc pour franc. Mais, même après 1999, la compensation sera calculée de façon très favorable puisque la base ainsi définie sera ensuite indexée sur le concours le plus avantageux de l'Etat aux collectivités locales, c'est-à-dire sur la dotation globale de fonctionnement qui, vous le savez, croît comme l'inflation, plus la moitié du produit intérieur brut.
En 2004, cette compensation sera intégrée dans l'enveloppe de la dotation globale de fonctionnement et s'ajoutera donc à la DGF actuelle.
On constate par conséquent, de la part du Gouvernement, une volonté de sécuriser cette compensation au contraire de l'invention, en 1987, de la DGCTP, la dotation globale de compensation de la taxe professionnelle, qui a connu une évolution très défavorable.
« Les collectivités locales vont-elles rentrer dans leurs frais et n'y perdront-elles pas ? », me demandez-vous.
Il y a une façon très simple d'examiner ce point : cette réforme va porter sur cinq ans, c'est-à-dire sur les années 1999 à 2003. Examinons ce qui s'est passé pendant les cinq dernières années, c'est-à-dire entre 1992 et 1997 : la base salaires a progressé de 10,5 % ; mais la compensation que nous vous proposons, compte tenu de ses modalités d'indexation, aurait progressé de 12 %, si elle avait été appliquée. Sur les années 1992-1997, le système proposé par le Gouvernement est donc plus avantageux que celui qui existait antérieurement.
« Quid du reste ? » me demanderez-vous, c'est-à-dire des deux tiers demeurant de la pleine compétence des collectivités locales : la base d'investissement.
Même durant cette période 1992-1997 au cours de laquelle l'investissement progressait de façon médiocre, la base d'investissement a cru de 30 %. Par conséquent, la compensation proposée est, me semble-t-il, simple, juste et dynamique. Nous aurons l'occasion d'en débattre de nouveau.
En revanche, toujours en considérant la période 1992-1997, le dégrèvement aurait été moins avantageux. En outre, il aurait eu l'inconvénient d'exiger des entreprises de continuer à faire des déclarations sur leurs effectifs et sur le salaire, sans que cela serve à asseoir l'impôt. Par conséquent, alors que le Gouvernement cherche à simplifier l'impôt papier - je pense d'ailleurs que vous partagez cette volonté - le dégrèvement entraînerait la nécessité de continuer à faire remplir des formulaires inutiles par les entreprises.
Traitant des collectivités locales, je répondrai à une autre interrogation de M. le président de la commission des finances sur l'avenir des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. La question est très simple : d'où venons-nous ? Où allons-nous ? Nous venons d'un pacte de stabilité et nous allons vers un contrat de croissance et de solidarité.
Le pacte de stabilité, sur la période 1996-1998, était un pacte unilatéral imposé par le gouvernement de l'époque aux collectivités locales : l'enveloppe « normée » de 150 milliards de francs environ vers les collectivités locales était fixée sur la seule inflation. C'était aussi un pacte dans lequel la dotation globale de compensation de la taxe professionnelle servait de variable d'ajustement et connaissait une baisse extrêmement rapide.
Quelle a été la proposition du Gouvernement qui s'est trouvée amplifiée par l'Assemblée nationale en première lecture ?
Premièrement, le Gouvernement propose un contrat : il y a eu une très large concertation à laquelle le président de la commission des finances de l'époque et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat de l'époque ont participé. Cette concertation n'est pas une codécision, mais je crois que nous avons débattu amplement sur ces questions !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Merci de le rappeler !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les associations d'élus des villes, des petites, moyennes et grandes communes, des conseils généraux et des conseils régionaux ont été associées à cette concertation.
Deuxièmement, on est sorti de l'indexation sur la seule inflation pour permettre aux collectivités locales de retrouver une part des fruits de la croissance. Le Gouvernement a proposé 15 % du taux de croissance en volume la première année, c'est-à-dire en 1999, puis 25 %, puis 33 %. L'Assemblée nationale a relevé le chiffre de 15 % pour la première année à 20 %.
Il y a donc eu discontinuité dans la méthode - on est passé d'un pacte imposé à un contrat concerté - et discontinuité dans la progression des dotations, puisque l'on passe de la seule inflation à une partie de la croissance.
Enfin, le Gouvernement, à la demande de l'Assemblée nationale, a complètement exonéré de baisse de la dotation globale de compensation de la taxe professionnelle les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine ainsi que les communes bourgs-centre en milieu rural qui ont ce que l'on appelle des charges de centralité particulières.
Je sais que nous aurons l'occasion de débattre longuement à nouveau des relations entre l'Etat et les collectivités locales, ainsi que de la réforme de la taxe professionnelle ; mais M. le président de la commission des finances ayant posé des questions précises, j'ai voulu lui répondre de la façon la plus détaillée possible.
La baisse de la part salariale n'est pas la seule mesure favorable à l'emploi.
A cet égard, je mentionnerai une série de mesures convergentes en faveur du bâtiment et du logement : outre la baisse de la part salariale qui intéressera, je l'ai dit, l'artisanat du bâtiment, il convient de citer la baisse des droits de mutation à titre onéreux - ces droits que, monsieur le président de la commission des finances, on appelle à tort « frais de notaire » (Sourires) - ainsi que l'institution d'avantages fiscaux pour les bailleurs privés de logements intermédiaires.
En outre, l'Assemblée nationale a ajouté deux mesures : le doublement du crédit d'impôt pour l'entretien des logements par les locataires ou par les propriétaires, et la suppression de la TVA sur les ventes de terrains à bâtir à des particuliers.
Mme Hélène Luc. Tout ne sera pas mis en cause ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le bâtiment sera donc bien l'un des moteurs et, je dois dire, madame Luc, que l'initiative de cette proposition est venue de l'extrême gauche de la majorité plurielle.
Mme Hélène Luc. Ce que je voudrais savoir, c'est si elle ne sera pas remise en cause, comme on le dit dans les journaux.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous aurons l'occasion d'en reparler, madame le sénateur. C'est une bonne proposition, et nous ferons en sorte qu'elle soit répercutée sur le terrain.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Enfin, dernier point en matière d'emplois, un certain nombre de mesures sont destinées à accélérer les transmissions des entreprises, car nous savons que c'est un élément favorable au dynamisme de l'emploi et au maintien des centres de décision en France.
Ainsi, en cas de donation, il y aurait un allégement de 50 % des droits de mutation à titre gratuit si le donateur a moins de 65 ans et de 30 % s'il a entre 65 et 75 ans.
La fiscalité sera ensuite plus favorable à la justice sociale.
Nous avons accru - on en a peu parlé, sauf à l'occasion des propositions développées par M. le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'ISF - la fiscalité du patrimoine, notamment afin d'empêcher une évasion fiscale trop fréquente aujourd'hui, car il est clair que plus l'impôt est complexe, plus les puissants ont des facilités pour y échapper.
En conséquence - nous en débattrons - l'impôt de solidarité sur la fortune devrait voir son rendement accru de 30 %, c'est-à-dire qu'il passerait de 11 milliards de francs en 1998 à 14,5 milliards de francs en 1999, sous réserve, évidemment, de l'évaluation des marchés financiers.
Le Gouvernement souhaite aussi adapter l'exonération des droits de succession dont bénéficient les produits d'assurance vie, afin que l'assurance vie, qui est un mode normal de transmission du patrimoine, ne permette pas à certains d'échapper entièrement aux droits de succession.
Nous avons aussi proposé que l'avoir fiscal que les entreprises se versent entre elles soit réduit de 50 % à 45 %, et ce pour encourager les entreprises à privilégier les investissements productifs par rapport aux investissements financiers. Des baisses de la TVA - M. Dominique Strauss-Kahn en a d'ailleurs parlé - constituent également des mesures favorables à la justice fiscale : après les travaux de rénovation dans les logements sociaux, ce sont les abonnements à l'électricité et au gaz, un certain nombre d'appareillages pour personnes handicapées, ainsi que la collecte, le traitement et l'élimination des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif qui profiteront de ces baisses.
Au total, il y en a pour plus de 12 milliards de francs sur les deux années 1998 et 1999, et je passe, pour ne pas vous lasser, sur la suppression des droits de timbre sur les cartes d'identité et les permis de conduire, qui représentent 600 millions de francs et qui intéressent quatre millions de bénéficiaires parmi les Français les plus modestes.
Pour ce qui est de la fiscalité écologique, vous savez que le Gouvernement veut ramener, en sept ans, l'écart existant entre le prix du gazole et le prix du super sans plomb à la moyenne européenne, d'où une hausse relative de 7 centimes par an pendant sept ans, soit, en 1999, une hausse du gazole de 7 centimes et, pour la première fois depuis vingt ans, pas de hausse de la fiscalité sur le super sans plomb. Je suis sûr que le Sénat, qui a milité pour ce type de mesure, approuvera ces dispositions !
Quant à la taxe générale sur les activités polluantes, je pense que nous aurons l'occasion d'en parler longuement ! Elle permettra de dégager des moyens accrus et de conduire une lutte plus efficace contre les principales pollutions.
Enfin, pour ce qui concerne la simplification administrative, vous me permettrez de citer le travail remarquable de ma collègue Mme Lebranchu, et plus particulièrement deux mesures : tout d'abord, les entreprises qui réalisent moins de 500 000 francs de chiffre d'affaires seront désormais exonérées du paiement de la TVA, et donc de déclaration en la matière, mais elle seront, évidemment, privées corrélativement de la possibilité de déduire la TVA sur leurs achats ! Cette mesure importante devrait permettre de lutter contre le travail clandestin et donner aux artisans une possibilité de développement plus grande que celle qu'ils ont actuellement. Ensuite, grâce à l'allégement du régime simplifié d'imposition à la TVA - une seule déclaration au lieu de cinq - ce sont, au total, près de quinze millions de formulaires par an qui ne seront plus remplis par les entreprises, mais aussi par les ménages puisque des simplifications en matière de droit de bail vont également intervenir.
J'en viens maintenant aux dépenses pour démontrer, si cela était nécessaire, à M. le rapporteur général que la politique du Gouvernement ne consiste pas à accroître mécaniquement ce qu'il a appelé les « charges de structure », mais à financer de véritables priorités : priorité à l'emploi, à la solidarité, à l'éducation, aux grands services publics.
Ainsi, nous n'avons pas honte - au contraire ! - de faire croître le budget de l'emploi de 3,9 % en 1999, car cela devrait nous permettre de lutter plus efficacement contre le chômage grâce à l'allégement des charges, à la réduction négociée du temps de travail et aux emplois-jeunes.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, on en comptera 150 000 à la fin de 1998, et 250 000 à la fin de 1999. A ce sujet, je veux dire à ceux qui ont condamné les emplois-jeunes que, ce matin, devant l'Association des maires de France, j'ai félicité les maires qui ont déjà permis le recrutement de 17 000 jeunes. Sur le terrain, les jeunes de leurs communes ont ainsi trouvé une véritable solution, en assurant, de plus, des services de proximité qui, sans eux, n'auraient pas été assurés.
Par ailleurs, le budget de la santé et de la solidarité progressera de 4,5 %. C'est la conclusion concrète de la loi de lutte contre les exclusions : vous avez voulu la faire, nous l'avons faite, et nous la finançons.
Quant à la politique de la ville, à laquelle vous êtes sensibles, son budget est en hausse de 32 %.
En ce qui concerne l'effort en faveur du logement, les dépenses sont en hausse de 4 %.
Pour ce qui est de l'éducation, secteur dans lequel M. le rapporteur général souhaite opérer des coupes claires en considérant qu'il ne s'agit pas d'une dépense de souveraineté - alors que, pour nous, c'est l'investissement souverain du xxie siècle, mais je vais m'en expliquer dans un instant - le budget de l'enseignement scolaire progresse de 4,1 %, et celui de l'enseignement supérieur de 5,5 %.
Il est vrai que, lorsque M. le rapporteur général propose la suppression de 17 000 emplois, utilisant pour cela une méthode qui a le mérite de la simplicité en ne remplaçant que trois fonctionnaires sur quatre dans les ministères non souverains, cela signifie qu'il s'apprête à supprimer 12 000 postes budgétaires dans l'éducation nationale. Mais je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler !
Mme Hélène Luc. Allez expliquer cela dans les lycées !
M. Roland du Luart. Il faut faire revenir à l'éducation nationale ceux qui sont ailleurs !
M. Serge Vinçon. Oui, réintégrez les enseignants dans les classes !
M. Josselin de Rohan. Les « mis à disposition » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous en reparlerons !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après le récent mouvement des lycéens, nous allons affecter, au contraire, 14 000 adultes supplémentaires dans les écoles...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voulons des enseignants, certes ! Mais que les enseignants commencent par enseigner !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et nous vous demanderons d'approuver une dépense supplémentaire de 431 millions de francs. L'avenir, en matière d'éducation, est donc plutôt de notre côté que du vôtre !
Mme Hélène Luc. On va donc ajouter des crédits !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les crédits ont été ajoutés à la fin de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale : 431 millions de francs. Le Gouvernement tient ses promesses !
S'agissant des grands services publics, ceux que vous qualifiez de souverains, le budget de la justice progresse de 5,6 %. Il est vrai qu'un certain retard devrait être rattrapé et que Mme la garde des sceaux cherche à accélérer les procédures pénales, à développer des modes alternatifs de règlement des litiges et à mettre en place des maisons de justice, tous exemples concrets qui tendent, me semble-t-il, à rapprocher le service public de la justice de nos concitoyens. Le ministère de la justice bénéficiera ainsi de 930 postes budgétaires supplémentaires.
Vous savez que, à la suite de la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre, le Gouvernement a décidé de stabiliser les effectifs civils des fonctionnaires, alors qu'ils diminuaient avant 1997 et que vous avez l'intention de poursuivre dans la voie de la diminution. Or les 930 emplois nouveaux attribués au ministère de la justice seront évidemment compensés par une diminution dans d'autres ministères, y compris au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie !
Le budget de la sécurité civile est en hausse de 3 % et vous constaterez, à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire, que nous y avons ajouté, en fin de gestion 1998, 400 millions de francs parce que la sécurité est un droit et que ce sont les plus pauvres qui, souvent, en sont le plus dépourvus.
Le budget de la culture rattrape son retard. Il atteindra bientôt le fameux seuil de 1 % des dépenses de l'Etat : 0,97 % l'an prochain.
Le budget de l'environnement, quant à lui, progresse de 15 %, auxquels s'ajoute le produit de la taxe générale sur les activités polluantes.
Telles sont les remarques que je souhaitais présenter à propos de l'examen de ce projet de budget. Sans ajouter aux propos de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le contre-budget de votre commission des finances - nous aurons l'occasion d'en discuter - permettez-moi simplement de souligner un contraste : vous souhaitez - c'est votre droit - diminuer de 5 % les crédits consacrés au RMI ainsi que ceux qui sont affectés à l'allocation de parent isolé. Je laisse aux intéressés le soin de comprendre comment une telle économie forfaitaire peut être réalisée !
Nous, nous menons une politique différente : nous avons revalorisé les minima sociaux, qui avaient été sous-indexés dans le passé. Il y a là deux approches différentes, M. Strauss-Kahn l'a très bien souligné.
En conclusion, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre logique n'est effectivement pas la vôtre, ou du moins celle qui a été développée avec clarté et constance par M. le rapporteur général ainsi que par M. le président de la commission des finances. Nous avons, nous, un objectif de croissance solidaire, nous voulons accompagner le développement des entreprises qui ont créé 300 000 emplois depuis un an, nous voulons répartir plus justement les fruits de cette expansion, comme nous l'avons fait avec un certain succès depuis un an et demi.
Le projet de budget que nous vous présentons pour 1999, et dont nous aurons l'occasion de débattre, va dans le même sens. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Fourcade applaudit également.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 108 minutes ;
Groupe socialiste, 88 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 62 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 57 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 26 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours du récent débat d'orientation budgétaire, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avions exprimé notre inquiétude au vu de certains choix opérés par le Gouvernement.
Le projet de budget pour 1999 dont est saisi à présent le Sénat constitue la première loi de finances entièrement maîtrisée par le gouvernement actuel et le dernier avant le programme pluriannuel de stabilité qui doit être transmis à la Commission européenne à la fin de cette année.
Ce projet de budget, sorti de son contexte, peut - je dis bien « peut » - apparaître vertueux, avec la réduction du taux des déficits publics qui est prévue en 1999 et 2000.
Or, malheureusement ! au-delà des apparences, la politique économique et budgétaire du Gouvernement souffre de deux défauts majeurs : elle ne tient pas suffisamment compte de l'évolution de la conjoncture internationale et, par ailleurs, le Gouvernement renoue avec un certain laxisme - je le souligne - au niveau de la dépense publique,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Xavier de Villepin. ... d'où une réduction insuffisante des prélèvements obligatoires. Ce n'est assurément pas la meilleure façon de préparer la France à l'entrée, imminente, dans la zone euro !
Une première remarque s'impose : elle concerne le décalage entre les hypothèses économiques, relativement optimistes selon moi car définies au printemps dernier, et l'évolution défavorable de la conjoncture internationale, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat !
Certes, on nous annonce, pour 1998, 24 milliards de francs de recettes budgétaires supplémentaires par rapport aux prévisions. La croissance économique de notre pays est, en effet, littéralement portée par la demande intérieure, par une consommation des ménages et par un investissement soutenus.
Mais, sous l'effet du ralentissement de la demande mondiale, nos exportations connaissent d'ores et déjà un ralentissement brutal. Conséquence de la vigueur de la demande intérieure, de leur côté, les importations progressent plus rapidement, de telle sorte que la contribution des échanges extérieurs à la croissance devrait être légèrement négative cette année, et plus encore en 1999.
La lucidité doit donc être de mise chez l'ensemble des dirigeants européens : la récession et la crise financière, en Asie et dans les pays émergents, ont dès maintenant et auront dans l'avenir un impact hélas négatif sur nos exportations et, donc, sur notre croissance.
La crise asiatique, née en Thaïlande au printemps 1997, s'est intensifiée progressivement pour s'étendre à l'ensemble des pays émergents. Cette récession est d'autant plus forte que la région a connu une croissance économique élevée. Certaines monnaies ont ainsi perdu 75 % de leur valeur.
Quant à la propagation si rapide de la crise, de l'Asie à la Russie en passant par l'Afrique du Sud et le Venezuela, elle est le résultat logique de la mondialisation croissante des marchés et des économies.
La crise asiatique a eu au moins le premier mérite de dévoiler les faiblesses cachées par deux décennies de croissance forte au sein même des économies émergentes, avec des systèmes bancaires et financiers insuffisamment robustes, l'absence de contre-pouvoirs et des mécanismes de surveillance défaillants.
Mais c'est surtout le mode de fonctionnement de l'ensemble de l'économie mondiale qui est en cause : depuis la fin des années quarante, l'économie internationale s'est transformée, passant d'une économie fondée sur l'activité à une économie de crédit, fondée sur l'endettement tant externe qu'interne.
Les économies asiatiques ont eu le tort de reposer leur croissance sur ce système de crédit permanent.
L'ampleur de la crise s'explique d'ailleurs essentiellement par les niveaux de l'endettement atteints - la dette extérieure de la Corée du Sud avoisine 140 % de son PIB - ainsi que par les méthodes utilisées, à savoir l'endettement à court terme pour des financements à long terme et des prêts octroyés pour des surinvestissements en infrastructures ou des placements spéculatifs.
Pour reprendre le titre d'un ouvrage célèbre, ce sont ces pratiques inflationnistes qui constituent une véritable « horreur économique », dont le chômage et la pauvreté sont les résultantes logiques.
Sur le plan international, l'ampleur des conséquences possibles de la crise pour le monde industrialisé s'explique par le fait que les banques occidentales ont massivement investi dans les pays asiatiques, comme en Amérique latine ou en Russie.
Autre source d'inquiétude : des pays comme le Japon et la Corée du Sud détiennent l'essentiel de la dette extérieure américaine, soit 20 % des bons du Trésor des Etats-Unis.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Xavier de Villepin. En tout état de cause, la croissance en France risque, malheureusement - je regrette de ne pas être d'accord sur ce point avec M. Strauss-Kahn - de ne pas atteindre, en 1999, les 2,7 % prévus dans le projet de loi de finances, le consensus actuel des instituts de conjoncture, y compris ceux qui sont proches de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, se faisant plutôt sur 2,5 %.
Une telle erreur de prévision, avec ses conséquences sur les recettes et les dépenses, pourrait engendrer de sérieux problèmes budgétaires à notre pays en 1999 mais surtout en l'an 2000.
La solution de facilité consistant en un creusement du déficit, retenue au début de l'année 1999, est évidemment à exclure du fait de nos engagements européens.
Le pacte de stabilité, avec son dispositif de sanctions, laissera bien peu de marge de manoeuvre aux gouvernements nationaux soucieux d'utiliser le déficit budgétaire comme outil de mesure économique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !
M. Xavier de Villepin. Pour des raisons identiques, il est hors de question de recourir à l'endettement. L'ajustement budgétaire éventuel ne pourra donc se faire que par une contraction des dépenses.
J'en viens à mon deuxième point.
Les deux grandes erreurs de ce nouveau projet de budget sont de laisser augmenter de nouveau les dépenses publiques - on l'a très bien dit tout à l'heure - et, parallèlement, de ne pas réduire significativement la pression fiscale.
L'effort de rigueur budgétaire, est hélas ! plus que jamais indispensable. Le Gouvernement n'a pas voulu l'engager pour des raisons purement politiciennes : il convient avant tout pour lui de satisfaire certaines revendications des diverses composantes de la majorité gouvernementale,...
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Xavier de Villepin. ... une majorité victime de forces centrifuges à la veille de la mise en place de l'euro. Nous n'avions pas besoin de cela !
Les économies que vous ne faites pas aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, seront d'autant plus dangereuses pour les Français dans un an ou deux.
Le Gouvernement a donc choisi d'assouplir la rigueur budgétaire avec un budget en augmentation, officiellement, de 1 % en francs constants, en fait de 1 % à 2 %. Cette hausse est beaucoup plus rapide que celle qui a été enregistrée en 1997, dernière année exécutée, et que celle qui est actuellement constatée pour l'année 1998.
Les principales augmentations de crédits concernent la revalorisation des salaires de la fonction publique, pour 15 milliards de francs en 1999 et pour 23 milliards de francs en 2000, sans oublier les aides liées à l'application des 35 heures, qui représenteront 7 milliards de francs en 1999, et les emplois-jeunes, à hauteur de 5 milliards de francs. On atteint au total près de 27 milliards de francs, qui auraient été sans doute plus efficacement employés en réductions de charges sociales, ainsi que dans la réduction du déficit et de la dette !
MM. Josselin de Rohan et Serge Vinçon. Très bien !
M. Xavier de Villepin. La stabilisation, dès 1999, de la dette totale des administrations publiques nécessiterait, en effet, que l'on affecte au moins 14 milliards de francs supplémentaires à la réduction du déficit budgétaire. C'est ce que propose, dans son projet de budget alternatif, la commission des finances, à laquelle je rends hommage.
A défaut, le ratio entre la dette publique et le PIB devrait encore se dégrader d'un demi-point du PIB, la dette de l'Etat stricto sensu augmentant de près de 1 % du PIB.
Autre fait inquiétant, la croissance des charges de personnel au sein du budget de l'Etat : 42 milliards de francs de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 ! Les dépenses de la fonction publique représentent désormais plus de 50 % des charges publiques.
Contrairement au gouvernement d'Alain Juppé, qui avait eu le courage de réduire les effectifs de la fonction publique, avec 5 000 postes supprimés en 1996, le pouvoir actuel préfère stabiliser les effectifs budgétaires tout en revalorisant les traitements de façon substantielle. Là aussi, la vertu du Gouvernement n'est qu'apparente.
Il en est de même, par ailleurs, pour les prélèvements sur les entreprises ! Le budget affiche une réduction d'impôts de 12 milliards de francs sur les entreprises en 1999, alors même que le secteur productif est ponctionné de près de 40 milliards de francs cette année, si l'on intègre les premières mesures prises durant l'été 1997.
S'agissant des prélèvements obligatoires, nous lisions récemment, dans une étude d'un organisme que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, le Conseil d'analyse économique, que « les prélèvements ne sont qu'en apparence plus forts en France qu'à l'étranger... ». Cette étude prend pour référence les Etats-Unis, où les statistiques ne tiennent pas compte des prélèvements sociaux !
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, il suffit de regarder le récent classement effectué par Eurostat pour constater le réel retard pris par la France dans ce domaine : elle fait bien partie des pays les plus taxés au sein de l'Union européenne, occupant la cinquième place derrière les trois partenaires scandinaves et la Belgique.
Avec plus de 46 % du PIB de prélèvements, la France devance nos principaux partenaires, l'Allemagne fédérale, qui n'est qu'à 41,6 %, ainsi que le Royaume-Uni, qui est à 35,9 %. Or, c'est bien sur le plan de la fiscalité et des prélèvements sociaux que les pertes de marges de manoeuvre devraient être les plus sensibles avec la mise en place de l'euro.
Dès le 1er janvier prochain, la monnaie unique et les diverses harmonisations réglementaires vont inéluctablement mettre en évidence les disparités fiscales, ce qui risque d'intensifier le mouvement de délocalisation des activités, des personnes et de l'épargne. Ainsi, c'est à une véritable « révolution copernicienne » que nous allons assister dans les prochaines années.
La France ne pourra donc pas vivre durablement avec un taux de prélèvement supérieur à celui de ses principaux partenaires et néanmoins concurrents.
Il en est ainsi pour l'impôt sur les sociétés qui devra baisser d'ici à l'an 2000, et surtout pour les charges sociales, qui représentent 19,2 % du PIB, taux le plus élevé de l'Union européenne.
Or, les mesures fiscales proposées dans ce budget ne sont pas à la hauteur des défis que notre pays va devoir relever. C'est la seconde grande lacune de ce budget pour 1999.
Le montant des réductions d'impôt permet juste de stabiliser l'évolution des recettes fiscales en proportion du PIB.
Simultanément, on attend toujours l'allégement des cotisations patronales, si souvent annoncé par la majorité gouvernementale. Objet de profondes divergences au sein de la gauche plurielle - le Sénat l'a encore constaté à l'occasion du tout récent débat sur le financement de la sécurité sociale ! - cette réforme est renvoyée à 1999.
Mme Hélène Luc. Ça avance !
M. Xavier de Villepin. Rappelons que, dès 1995, le gouvernement d'Alain Juppé avait prévu près de 40 milliards de francs d'allégements de charges sociales.
Au-delà de l'insuffisance relative de l'effort de réduction des prélèvements, certains choix d'allégements paraissent peu convaincants. Je pense aux mesures disparates de réduction de la TVA, dont l'influence sur la consommation restera probablement très limitée.
Je n'insisterai pas sur les défauts de la réforme de la taxe professionnelle ; mon collègue Yves Fréville en reparlera au cours de cette discussion générale. En tout état de cause, les 7 milliards de francs de réduction d'impôts concernés seraient mieux utilisés sous forme d'abaissements de charges sociales.
A ce stade de mon intervention, je souhaite rendre hommage à la démarche courageuse de la commission des finances du Sénat. Pour la deuxième année consécutive, et ce en concertation, je tiens à le souligner, avec les autres commissions et les groupes de la majorité, elle est parvenue à définir un projet de contre-budget.
Les deux grandes priorités de ce contre-projet sont la réduction du déficit budgétaire et le désendettement de notre pays, d'une part, l'allégement des charges pesant sur le secteur productif, d'autre part.
Le projet de budget alternatif du Sénat allie donc lucidité et rigueur face aux différents défis auxquels notre pays est confronté, en premier lieu la mise en place de l'euro, que les intervenants précédents n'ont pratiquement pas évoquée, et la mondialisation des marchés.
Il est primordial de réformer dès que possible nos structures économiques et sociales. L'Etat doit, en particulier, réduire son train de vie et instaurer de nouvelles règles de gestion à caractère patrimonial, idée chère à notre collègue Jean Arthuis. A ce propos, le Parlement doit jouer pleinement son rôle et engager, dès qu'il le peut, des procédures d'enquête sur l'utilisation des deniers publics. Je pense, en particulier, à la commission d'enquête qui vient d'être mise en place au Sénat, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste, pour étudier l'affectation des personnels de l'éducation nationale.
Il appartient à l'opposition et à sa représentation parlementaire au sein du Sénat de présenter aux Français un projet économique et budgétaire alternatif. Ce sera l'objet de nos débats jusqu'au 8 décembre prochain.
Sous le bénéfice de ces observations, et après avoir rendu de nouveau hommage à l'excellent travail réalisé par la commission des finances, son président, Alain Lambert, et son rapporteur général, Philippe Marini, le groupe de l'Union centriste soutiendra le budget corrigé proposé par l'ensemble de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, porté par la croissance espérée, le projet de loi de finances pour 1999 aurait pu, aurait dû prendre une inflexion indispensable pour l'évolution de nos finances publiques. Malheureusement, cette occasion unique n'a pas été saisie, et j'ai le sentiment que le Gouvernement est de nouveau inspiré par l'esprit de « réhabilitation de la dépense publique », dont nous connaissons pourtant les effets malencontreux.
L'analyse rigoureuse à laquelle se sont livré le rapporteur général et le président de la commission des finances le démontre avec clarté et pertinence. En effet, en prenant le parti d'augmenter de 1 % les dépenses en volume, et peut-être de plus de 1 % si l'inflation continue sur son rythme actuel, le Gouvernement accentue les rigidités structurelles du budget.
Certes, la croissance soutenue que nous pourrions enregister l'année prochaine en masquera temporairement les effets. Toutefois, dès que la croissance s'essouflera, nous retrouverons le mécanisme de « ciseaux » : les recettes diminueront, les dépenses poursuivront sur leur lancée et, mécaniquement, le déficit recommencera à s'accroître.
Ce n'est pas autrement, mes chers collègues, que les dépenses « Rocard » ont créé les déficits « Balladur » et « Juppé » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Roland du Luart. Il est tout de même piquant, sinon navrant, de constater qu'un gouvernement peut bénéficier de l'effet politique de dépenses accrues alors qu'il passe le « mistigri » à son successeur, qui devra se dépêtrer des déficits.
En revanche, il est réconfortant de constater que des membres éminents de la majorité actuelle, notamment MM. Laurent Fabius ou Jack Lang, ont pris conscience de cette mécanique inexorable et pris publiquement position en faveur d'une maîtrise accrue des dépenses et des déficits.
Je constate en effet que les dépenses nouvelles que le Gouvernement soumet à notre appréciation sont non pas des dépenses occasionnelles, mais des dépenses structurelles qui se répèteront d'année en année, qu'il s'agisse des emplois jeunes - dont chacun sent bien qu'ils seront pérennisés d'une manière ou d'une autre - des trente-cinq heures qui, au mieux, stabiliseront l'emploi tout en étant budgétairement coûteuses, ou de la politique d'embauche et de rémunérations dans la sphère publique.
J'ai trop le souvenir d'avoir vivement critiqué, dans le projet de loi de finances pour 1996, la création nette de trois mille emplois de fonctionnaires pour ne pas réitérer mes observations.
Certes, le solde de création des emplois civils est à l'équilibre, si l'on ne tient pas compte, bien entendu, des emplois-jeunes - alors même qu'à l'éducation nationale ou à l'intérieur il s'agit quasiment d'emplois publics - mais je constate qu'il y a création nette de 5 000 emplois de militaires de carrière, par application de la professionnalisation des armées.
Je constate aussi que le coût des rémunérations publiques, la revalorisation des retraites comprise, s'accroîtra de 21 milliards de francs l'an prochain, soit pour fixer un ordre de grandeur, à peu près l'équivalent du budget de la justice !
Nous continuons donc, sur notre lancée, si je puis dire, alors que nous savons bien que des réformes structurelles s'imposent. Sans doute notre fonction publique est-elle la meilleure du monde, mais c'est aussi de loin la plus coûteuse, et la plus importante.
Chacun s'accorde à penser que des réformes de fond s'imposent, qu'il s'agisse de la déconcentration des décisions, de la rationalisation du nombre de corps de fonctionnaires, de l'introduction hardie des technologies nouvelles, de l'âge de la retraite, de l'intéressement aux performances ou de la durée effective du travail. Mais ces réformes sont toujours esquissées et jamais mises en oeuvre.
Nous savons tous, par exemple, qu'il a un fort pourcentage d'enseignants consciencieux, mais nous savons aussi que le système en vigueur à l'éducation nationale ne permet ni de récompenser les bons éléments ni de sanctionner les médiocres. Dans le monde ouvert que nous connaissons, une telle situation n'est plus concevable.
Je conclurai sur ce point par une phrase qu'Alain Minc avait écrite en 1994 dans un rapport qui avait fait quelque bruit à l'époque : « La fonction publique a le choix entre évoluer aujourd'hui ou subir demain un séisme statutaire. » Quatre ans plus tard, son intuition me semble toujours d'actualité !
Plus encore, je suis inquiet de voir poindre, sur le moyen et le long terme, des risques considérables de dérapage des dépenses publiques, tout d'abord en ce qui concerne les charges de pensions publiques, qui constituent, comme l'a fort bien rappelé le président de la commission des finances, M. Alain Lambert, la deuxième dette de l'Etat ; ensuite, pour ce qui a trait aux entreprises publiques structurellement et lourdement déficitaires, SNCF, réseau ferré de France, Charbonnages de France ou les structures de défaisance du Crédit lyonnais et du comptoir des entrepreneurs.
Nous finançons aujourd'hui ces entreprises en vendant - et j'y suis favorable - les « bijoux de la République » qu'il s'agisse de France Télécom ou, dans les conditions que l'on sait, du Crédit lyonnais. Comment ferons-nous demain quand ces entreprises auront été privatisées entièrement et que subsisteront les entreprises structurellement déficitaires ?
Il y a aussi le problème, qui ne cesse de s'aggraver, des prises en charge d'impôts locaux par le budget de l'Etat. L'an dernier, c'était plusieurs milliards de francs au titre de la taxe d'habitation, cette année ce sont plusieurs autres milliards de francs au titre de la taxe professionnelle. Quel que soit par ailleurs le bien-fondé de ces prises en charge, je dois constater qu'elles vont rigidifier encore plus nos dépenses publiques.
Je pense enfin aux relations financières entre la France et la Communauté européenne.
Il me semble évident que la contribution de la France risque de s'accroître - ce sont les demandes des « gros » contributeurs nets qui nous y conduiront - et que les retours en notre faveur diminueront par suite de l'élargissement de l'Union européenne et de la réforme de la politique agricole commune.
Il y aura à mon sens une forte pression sur les finances publiques nationales pour compenser les conséquences de cet autre « effet de ciseaux ».
Retraites publiques, entreprises publiques, prise en charge d'impôts locaux, retours communautaires : voilà autant de sujets qui me rendent perplexe et qui m'inquiètent. Bien entendu, ils ne datent pas d'hier et ils continueront à se poser demain. Mais je dois immédiatement ajouter que les conditions étaient remplies pour que le Gouvernement s'y attaque avec détermination. La croissance attendue le permettait, mais des choix différents ont été opérés.
Il importait de le dire et de souligner combien le budget alternatif proposé par le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s'imposait. Je le soutiens sans réserve, ainsi que la majorité de la commission des finances et l'ensemble du groupe des Républicains et Indépendants.
Il me paraît sage de regretter l'insuffisante décrue des prélèvements obligatoires : 16 milliards de francs d'impôts en moins, c'est appréciable mais bien peu après les 50 milliards de francs de prélèvements sociaux et fiscaux supplémentaires résultant des décisions prises en 1997 et 1998, et, me direz-vous, monsieur le secrétaire d'Etat - et j'en conviendrai - après les 120 milliards de francs de la loi de finances initiale de 1996.
M. Paul Massion. Très bien !
M. Roland du Luart. Il faut être objectifs !
M. Marc Massion. C'est suffisamment rare pour le souligner !
M. Roland du Luart. L'excès, aujourd'hui, nécessite un retour à une fiscalité normale.
Je demeure en effet persuadé qu'une réforme d'ensemble de notre fiscalité demeure plus que jamais d'actualité. Il faudra l'aborder de manière pragmatique mais résolue, par une approche commune des prélèvements fiscaux et sociaux.
La promotion de l'effort et la récompense de l'audace et de l'innovation devront être encouragées. Nous avons trop vécu avec des systèmes de taux élevés et d'assiette minorée par des réductions spécifiques. Des taux élevés pour l'affichage, des « niches » fiscales pour préserver le goût de l'initiative.
Ce système un peu hypocrite, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou sur les mutations à titre gratuit, est remplacé, depuis l'année dernière, par un système moins hypocrite : les taux élevés ont été maintenus, mais les exemptions ont disparu.
Cette surfiscalisation ne sera pas tenable longtemps. La face visible de cette évolution est bien connue : les retraités et l'abattement de 10 % dont la suppression est planifiée, les journalistes qui souffrent toujours de mal-être fiscal.
Mais la face invisible est beaucoup plus préoccupante et manifestera progressivement ses effets regrettables sur notre économie. J'observe déjà sur le terrain, je suis sûr que vous partagez cet avis, mes chers collègues, les effets de la réforme de la CSG. Nos compatriotes, qui reçoivent les avis d'imposition à ce titre, prennent enfin conscience des mesures fiscales et sociales prises depuis l'année dernière.
J'observe aussi, comme tous mes collègues ici présents, que nos enfants, au sortir de l'université, hésitent aujourd'hui à rester en France et commencent à préférer tenter leur chance à l'étranger.
Je crois devoir attirer l'attention du Gouvernement - avec quelque solennité - sur la situation des cadres français. Premières victimes de prélèvements sociaux sur l'épargne, de la réforme de l'impôt sur le revenu, par le biais des emplois familiaux notamment, de la stagnation des salaires dans le secteur privé et de variables d'ajustement dans la problématique des 35 heures, ils sont appelés à augmenter leurs cotisations retraites et, dans le même temps, ils sont privés d'un système attractif de stock options. Ces cadres constituent pourtant le fer de lance de notre économie.
Nous leur devons cet hommage et nous devons, du même élan, prendre conscience du découragement qui, progressivement, les gagne. Il y a là un sujet d'une extrême importance, et nous nous devons de l'aborder.
Un second sujet de préoccupation a trait à la fiscalité de la famille. Les volte-face du Gouvernement sur ce sujet nous inquiètent et inquiètent les familles françaises.
Sans entrer dans la problématique d'une politique nataliste - ce n'est pas le sujet aujourd'hui - je constate néanmoins que les familles n'ayant qu'un enfant seront pénalisées par le projet de loi de finances. En effet, elles n'auront pas droit, bien entendu, aux allocations familiales, mais, de surcroît, elles verront considérablement réduite la légitime compensation que constitue le quotient familial.
A titre personnel, je suis choqué de constater que, dans le même temps, des avantages fiscaux seront consentis à des couples que je ne saurais qualifier de familles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !
M. Roland du Luart. Il y a là un choix politique implicite que je ne puis que rejeter catégoriquement.
M. Josselin de Rahan. Il faut fonder trois familles, comme le ministre !
Pour conclure sur ce sujet fiscal, je constate que, d'ores et déjà, des frottements apparaissent entre les pays de l'euro et que l'harmonisation fiscale qui se dessine livre ses premiers enseignements.
Je ne prendrai pour exemple que la fiscalité de l'épargne. Le consensus européen semble se fixer vers un prélèvement maximal de 20 %, alors que la fiscalité française est bien supérieure.
Après avoir surtaxé l'épargne au plan fiscal et social en 1997, le Gouvernement va-t-il nous proposer des allégements dans le projet de loi de finances pour l'an 2000 ? Ce serait le chemin de la raison, et je souhaite vivement qu'il puisse l'emprunter ! J'ai cru comprendre que M. le ministre de l'économie et des finances s'engagerait peut-être dans cette voie lors du projet de budget pour l'an 2000.
Plus généralement, j'ai la conviction que nous n'avons pas encore correctement apprécié les conséquences formidables de la concurrence que va susciter la mise en oeuvre de l'euro dans une économie mondiale de plus en plus ouverte. Concurrence fiscale, mais aussi concurrence sociale, car les coûts de revient seront de plus en plus comparables et les rigidités structurelles et psychologiques de moins en moins fortes !
Bien entendu, il n'y aura pas de révolution au 1er janvier 1999, pas plus qu'au 1er janvier 2002, mais il y aura la poursuite d'une évolution qui peut être inquiétante, car l'exaspération fiscale de nos concitoyens ne doit pas être sous-estimée. Démotivation, évasion fiscale, délocalisation des cerveaux et des activités constituent le triple risque auquel nous serons ... auquel nous sommes déjà confrontés.
Pour stopper la croissance de ces prélèvements obligatoires, et le faire d'une manière durable et crédible aux yeux des opérateurs économiques, il n'y a pas d'autre solution que de maîtriser et de réduire les dépenses publiques.
Je me rappelle, l'an dernier, combien le rapport Nasse et Bonnet avait été utilisé pour justifier la politique budgétaire du Gouvernement. Je regrette tout simplement qu'il n'ait pas été suivi d'effets. Il se concluait, en effet, par un plaidoyer sans ambiguïté en faveur tant d'une maîtrise de la dépense publique que d'une réforme ambitieuse de l'Etat, et ce dans le cadre de prélèvements obligatoires trop lourds.
Je ne saurais donc que me réjouir de l'appel au courage et à la volonté que nous lancent notre président et notre rapporteur général en proposant de réduire les dépenses publiques. J'ai entendu leur appel et je les soutiendrai, et avec moi le groupe des Républicains et Indépendants, quelles que soient, par ailleurs, les contraintes juridiques qui ne nous permettent pas d'être aussi clairs et ambitieux que nous le souhaiterions.
Comme eux, je regrette que l'accent ne soit pas mis sur les dépenses d'investissement. Pour 1999, les dépenses civiles des titres V et VI, comme celles des comptes d'affectation spéciale, sont orientées à la baisse, alors même que, de 1993 à 1997, ces dépenses ont déjà décru de 9,4 % en exécution.
Cette orientation croissante du budget de l'Etat vers les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement ne laisse pas d'être préoccupante. Elle ne fait que mieux ressortir le rôle prépondérant des collectivités locales en faveur de l'investissement.
S'agissant des collectivités locales, qui, on l'oublie trop souvent, contribuent à nos grands équilibres économiques, je souhaite formuler plusieurs remarques de nature budgétaire et fiscale.
Tout d'abord, si la croissance des dotations de l'Etat atteint 2,5 milliards de francs l'année prochaine, au titre de la DGF, il convient de souligner que l'effet des décisions du Gouvernement en matière de rémunérations publiques va se traduire, pour ces collectivités, par un surcroît de dépenses de personnel de près de 4 milliards de francs. Le rapprochement entre ces deux chiffres me paraît particulièrement éclairant.
En second lieu, le nouveau pacte dit « contrat de solidarité et de croissance », s'il contient des dispositions qui sont intéressantes et qui seront améliorées par les amendements de notre commission, recèle également des mesures qui pénaliseront certaines collectivités. En effet, compte tenu du rôle d'ajustement de la DCTP, des communes verront leur attribution de DGF croître moins vite que ne baissera leur dotation de DTCP. Bref, elles seront perdantes.
De plus, les charges non décidées par les collectivités - et elles sont nombreuses en matière sociale, environnementale ou fiscale - ne sont pas prises en compte par le contrat de croissance. A ce titre, les collectivités pourront, là aussi, voir leurs charges dictées par des mesures réglementaires ou législatives augmenter plus vite que les dotations qu'elles recevront au titre de l'enveloppe dite normée.
D'une manière insidieuses - et cela depuis plusieurs années, il faut le reconnaître - se développe un mouvement régulier de perte de l'autonomie des collectivités locales, perte qui, je le crains, sera renforcée par les conséquences à terme de la réforme de la taxe professionnelle.
En effet, mes chers collègues, la réforme que nous allons voter, même après les excellents amendements de notre commission, porte en elle les germes d'une mort annoncée de cet impôt. En créant un impôt à taux toujours élevé et à base beaucoup plus étroite, car limitée aux seuls investissements, on créé en effet les conditions objectives d'une suppression à terme de cet impôt.
Comment imaginer qu'il puisse perdurer alors que, dès l'an prochain, nous verrons monter au créneau toutes les entreprises qui investissent et qui viendront nous expliquer, parfois à juste titre, qu'elles préfèrent se délocaliser plutôt que d'avoir à supporter ces impôts qui les pénalisent dans la sphère du marché unique et de l'euro marquée par une concurrence toujours plus vive ?
Le problème de l'autonomie fiscale des collectivités locales va donc se poser avec acuité dans quelques années et probablement plus vite qu'on ne peut aujourd'hui l'imaginer.
Comme le déclarait avant-hier le président du Sénat, Christian Poncelet, devant les maires de France : « Un lien devra toujours exister entre l'économie d'un territoire et les gestionnaires locaux, qui ont aujourd'hui vocation à être des aménageurs de l'avenir. »
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. Roland du Luart. Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales réflexions que m'inspire ce projet de loi de finances pour 1999. Je regrette sincèrement que, collectivement, le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat ne fassent pas preuve de plus de responsabilité et de courage politique, car l'avenir risque de ne pas être rose pour les générations futures ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'a brillamment rappelé tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le budget est l'expression d'une politique. Il s'est exprimé avec beaucoup de talent, mais le talent ne peut masquer l'histoire !
Quand on compare la période allant de 1993 à 1997 à celle qui va de 1997 à nos jours, il ne faut pas oublier que, de 1988 à 1993, l'Etat a connu un déficit croissant dans des proportions considérables en raison d'une dépense publique non maîtrisée, d'une prévision non tenue.
Il a bien fallu, sauf à mettre en cause l'appartenance de la France au système de la monnaie unique européenne, prendre des mesures d'urgence en 1993. Il est bon, dans un tel débat, de rester convenables, objectifs et de ne pas travestir la réalité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous avez présenté comporte trois zones d'ombre. Je remercie M. Marini de son excellent rapport et M. le président de la commission des finances de sa remarquable contribution qui ont permis de les mettre en évidence.
Première zone d'ombre : on a peine à croire que ce projet de budget est le dernier avant la mise en place de l'euro. En effet, il est clair, comme l'a très bien noté mon collègue M. de Villepin, qu'il y a discordance entre les orientations de ce texte et les contraintes auxquelles nous seront soumis dans quelques mois, du fait de l'euro.
Ce projet de budget, qui aurait dû préparer la mise en oeuvre de la monnaie unique, rapprocher les fiscalités et effacer un certain nombre de distorsions de taux, ne va donc pas dans le bon sens.
La deuxième zone d'ombre concerne l'objectif de croissance.
Pour être atteint, il suppose, M. Strauss-Kahn l'a dit, une forte augmentation de la demande intérieure, donc des revenus salariaux. L'objectif de croissance de la masse salariale retenu pour le budget à la fois de l'Etat et de la sécurité sociale est en progression de 3,4 %. Mais, là encore, il est difficile de penser que cet objectif sera atteint alors que la généralisation des 35 heures ne peut réussir que si elle est accompagnée d'une modération de la croissance des salaires. C'est une deuxième contradiction que la commission des finances a parfaitement relevée.
Sans juger du caractère optimiste ou non de la prévision, car, je suis d'accord avec le Gouvernement, ce n'est pas une prévision qu'il faut viser, c'est un objectif qu'il faut avoir, j'ai peur néanmoins que tout dérapage, tout mécompte en matière de conjoncture, n'entraîne une réduction moins forte du déficit budgétaire de l'Etat.
La troisième zone d'ombre - et la troisième contradiction relevée - de ce projet de budget concerne le déficit de l'Etat, qui est encore très fort. En effet, si l'on enlève la contribution positive apportée par les collectivités locales, par la sécurité sociale et par les autres organismes publics, le déficit de 1999 atteindra 2,7 % du PNB, pourcentage qui est très proche de la barrière des 3 %. Cela signifie que le Gouvernement n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre.
Je consacrerai ma brève intervention - puisque M. Paul Girod interviendra après moi - au traitement réservé aux collectivités locales dans ce budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ces dernières ont maîtrisé leur endettement, et beaucoup mieux que l'Etat. Elles ne sont pas asphyxiées par le poids de leurs dettes, qu'elles ont bien renégociées. Elles sont engagées aujourd'hui dans un processus vertueux, que l'Etat n'envisage que pour 2000, qui consiste à faire moins d'emprunts dans l'année considérée qu'il n'y a de remboursements.
De plus, elles assurent 75 % des investissements de vie collective et, par conséquent, elles représentent un facteur important de la croissance.
Enfin, elles sont pour l'ensemble du pays, sur le plan de la proximité, par les actions qu'elles consentent en matière de fonctionnement, par la coopération qu'elles apportent à l'Etat, à l'ANPE, en matière de chômage, un relais essentiel, qui est d'ailleurs le seul qui ne subisse pas les critiques de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le premier point de désaccord, c'est la sortie du pacte de stabilité. Nous étions tous les deux, ce matin, devant l'assemblée générale des maires, et nous avons eu l'occasion d'en parler. Vous avez inventé un très beau nom : « pacte de croissance et de solidarité ».
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. « Contrat » !
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas un PACS ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. « Contrat de croissance et de solidarité ». Que c'est joli ! Ce contrat a fait l'objet de concertations, ce dont je vous donne acte, mais il comporte un point positif et deux points négatifs.
Le point positif, c'est l'effort fait en direction des communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et des bourgs-centres recevant la première part de la dotation de solidarité rurale. En effet, le Gouvernement a consenti une majoration de 500 millions de francs hors enveloppe normée, ce qui va se traduire par une augmentation, je vous en donne acte. C'est donc un point positif, qui est d'ailleurs ressenti comme tel par ceux qui bénéficieront d'une telle majoration.
J'en viens aux deux points négatifs.
D'abord, la discordance mathématique entre l'indexation de la dotation globale de fonctionnement et celle de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité entraîne une réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, devenue variable d'ajustement. Or, mes chers collègues, d'après les études faites par le comité des finances locales, l'actuelle compensation de douze milliards de francs va être amputée de 25 % au cours des trois prochaines années et les collectivités locales perdront 4 milliards de francs.
De plus, en dépit des modifications adoptées par l'Assemblée nationale concernant le partage de cette perte, il faut que vous le sachiez, ce sont près de 500 villes de plus de 10 000 habitants ne bénéficiant pas de la dotation de solidarité urbaine - et qui ne sont pas des bourgs ruraux - qui supporteront dès 1999 une amputation de près de 25 % de la DCTP. Cela signifie une diminution des concours de l'Etat pour un certain nombre de communes, de bourgs et de villes qui constituent pourtant le maillage de notre pays. Il faut le savoir !
Pour les autres collectivités, groupements de communes, départements et régions, coexistent de bonnes choses et de moins bonnes.
La réduction des droits d'enregistrement va dans le sens de la mobilité du marché immobilier, mais les modalités retenues pour la compensation sont quelque peu forfaitaires et parfois confiscatoires.
Quant à l'innovation proposée en Ile-de-France pour les entrepôts et les locaux commerciaux, il vaudrait mieux y renoncer, monsieur le secrétaire d'Etat, tant la mesure est mal étudiée et mal adaptée aux besoins de la collectivité régionale.
Il existe d'autres moyens de trouver de l'argent que d'aller taxer les entrepôts. De plus, c'est malvenu dans une période de forte concurrence, où il est précisément question de réduction des prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'en viens à la réforme de la taxe professionnelle : c'est le grand dossier qui va voir s'affronter le pouvoir central et les collectivités locales.
Je ne peux pas nier, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'assiette de cet impôt et le rôle que l'Etat a été contraint d'assurer pour son financement posent problème. Je crédite le Gouvernement de son initiative. Mais je veux présenter cinq observations essentielles sur cette réforme, et je terminerai mon intervention en précisant ce qui, de mon point de vue, aurait été préférable.
Premier point : le mécanisme ingénieux d'effacement progressif de la base salariale de l'assiette de la taxe professionnelle crée, dans notre système fiscal, un nouveau principal fictif.
Nous savons tous ce que sont les principaux fictifs ; nous en avons assez souffert pendant un certain nombre d'années. Il crée donc un nouveau principal fictif puisque la compensation se fera sur la référence des salaires effectivement versés en 1997, et cela quelle que soit l'évolution de la matière économique de base, de la matière salariale de base.
Le mécanisme rompt également le lien entre le développement de l'activité et le rendement de l'impôt. Il va favoriser les industries de main-d'oeuvre, mais défavoriser celles qui font appel aux technologies nouvelles nécessitant d'importants investissements. Je reviendrai sur ce point.
Le deuxième point a trait aux quatre mesures annexes de la réforme. En vérité, la commission des finances en a trouvé cinq, ce dont je la félicite.
Les mesures annexes proposées - pérennisation du plafonnement par rapport à la valeur ajoutée, majoration du plancher, majoration de la cotisation de péréquation et suppression en deux ans de la réduction pour embauche et investissement - vont modifier la situation relative des entreprises et atténuer, pour beaucoup d'entre elles - on ne l'a pas assez dit - les bénéfices de la réforme.
En effet, nombre d'entreprises vont à la fois bénéficier d'une réduction de la taxe sur la part salaires et subir la majoration d'un certain nombre d'autres cotisations. Dès lors, l'effet de la réforme sera pratiquement annihilé.
C'est pourquoi, vous entendant tout à l'heure nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'objectif central de la réforme était l'emploi, je me suis demandé s'il ne dissimulait pas un objectif second, tout aussi important, qui consistait pour l'Etat à récupérer un peu de ce qu'il verse au titre de la taxe professionnelle. Si je compte bien, au bout de cinq ans, le relèvement de la cotisation minimale au fonds de péréquation et le relèvement du plancher en matière de valeur ajoutée ne vont-ils pas, en effet, rapporter à l'Etat une dizaine de milliards de francs : c'est toujours ça de pris ! Et bien entendu, cette somme viendra en « déduction » des abattements prévus par la réforme.
J'en arrive à ma troisième remarque.
L'intégration, au terme de la période, de la compensation globale de 55 milliards de francs dans la DGF et l'affectation au budget de l'Etat des deux majorations dont je viens de parler inquiètent les élus locaux.
Un examen plus attentif fait apparaître que tout se passe comme si la péréquation - tant au niveau département, qu'au niveau national - reculait au profit d'un gigantesque mécanisme budgétaire national où il sera bien difficile de connaître les entrées et les sorites. Le transfert de 55 milliards de francs, c'est-à-dire du tiers du produit de l'actuelle taxe professionnelle, d'un impôt à un concours de l'Etat constitue, quoi qu'on en dise, une réduction significative de la marge de manoeuvre des quatre niveaux de collectivités locales.
A vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effet se limite à faire passer l'importance des concours de l'Etat dans les budgets locaux de 30 % à 36 %. Or, pour un grand nombre de collectivités, loin de représenter quelques points de pourcentage, cela signifie un changement complet de stratégie.
Quatrième remarque : comme vient de le souligner très justement M. du Luart, le risque de voir compromettre l'ensemble de l'impôt n'est pas écarté.
La taxe professionnelle repose aujourd'hui sur quatre éléments : la valeur locative des installations, les investissements, les recettes pour les professions libérales et la part salaires des entreprises.
La suppression de l'un d'entre eux va entraîner un débat très difficile sur les autres et, à terme, les collectivités locales risquent de ne disposer que d'impôts obsolètes, contestés ou trop ciblés : l'automobile, l'immobilier et les investissements des entreprises. C'est un risque majeur et, dans cinq ou dix ans, il se peut que nous perdions la totalité de cette imposition des entreprises.
Dernière observation sur ce sujet : l'objectif proclamé de supprimer un obstacle à la création d'emplois ne nous paraît guère convaincant. Tous les économistes, qu'ils soient de gauche ou de droite, comme dirait M. Strauss-Kahn, s'accordent aujourd'hui à considérer que le vrai blocage de l'emploi réside dans le poids trop élevé des charges sociales concernant les salaires les plus modestes.
A examiner ce qui s'est passé dans l'économie française depuis dix ans, on constate qu'au cours des années de faible croissance la création d'emplois a été elle-même très faible : 10 000 emplois nets ont été créés au cours des mauvaises années que furent 1992 et 1993.
Or 300 000 emplois viennent d'être créés ; M. Strauss-Kahn l'a indiqué tout à l'heure. Si vraiment la taxe professionnelle était un obstacle à l'emploi, nous n'aurions pas constaté la création de 300 000 emplois au moment où la conjoncture redémarrait. La véritable corrélation, elle est entre création d'emplois et conjoncture, non pas entre création d'emplois et taxe professionnelle.
M. Josselin de Rohan. Bien vu !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'espère que le Sénat, suivant les propositions de sa commission des finances, corrigera largement les aspects dangereux ou préoccupants des réformes que je viens d'évoquer.
Est-ce à dire, comme nous l'a reproché M. Strauss-Kahn, que nous serions incapables de procéder à la moindre réforme ?
Compte tenu de la conjoncture, qui est certes bien orientée, mais qui suscite néanmoins quelques inquiétudes pour la fin de 1999 et l'an 2000, compte tenu de la mise en place de l'euro, comme l'a rappelé très justement M. de Villepin, et compte tenu de l'ensemble des précautions qu'il faudrait prendre, j'aurais, pour ma part, en premier lieu, limité la croissance de la dépense publique à l'augmentation des prix. C'est d'ailleurs ce que propose la commission des finances. Une augmentation de 1 % en volume de la dépense publique, c'est exactement celle qu'avaient fixée M. Fabius puis M. Rocard. On a vu ce qu'il en est résulté sur les déficits et sur les comptes extérieurs !
J'aurais, en deuxième lieu, indexé le pacte de croissance et de solidarité sur les bases qui ont été retenues par le législateur pour la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire le taux d'augmentation des prix augmenté de la moitié du taux de croissance.
J'aurais enfin, en troisième lieu, engagé la réforme de la taxe professionnelle, non pas comme vous le faites, c'est-à-dire en agissant sur la part salaires qui, comme vous l'avez reconnu, diminue au sein de l'assiette, mais en agissant sur ce qui bloque à l'heure actuelle le développement de l'activité en France, à savoir le coût trop important de la part investissement.
J'aurais donc, comme le propose le conseil des impôts, modifié la variable investissement, en acceptant que, dans l'évaluation de la part investissement, on tienne compte de l'amortissement, ce qui va dans le bon sens, car cela engage les entreprises à investir. Comme j'aurais, par ailleurs, mieux indexé le pacte de croissance et de solidarité, les collectivités locales auraient accepté cette modification de fond de la taxe professionnelle.
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous devons tous ensemble travailler à la réduction du poids des charges sociales touchant les salaires compris entre un smic et un smic et demi et il faut pérenniser cette réduction. C'est elle qui permettra aux petites et moyennes entreprises d'embaucher davantage et qui réduira la précarité de certains contrats de travail.
Donner un peu plus aux collectivités locales, engager la réforme de la taxe professionnelle en commençant par l'investissement et non pas par la part salaires, faire porter l'effort sur la réduction des charges sociales sur les bas salaires, ne pas augmenter la dépense publique de manière à faire apparaître une réduction plus sensible du déficit de l'Etat : tout cela constitue, je le reconnais, une autre logique, une autre politique. Mais c'est une politique que nous pouvons proposer et dont nous pouvons légitimement être fiers.
On finira bien un jour par reconnaître que nous avons raison, ne serait-ce que parce que nous sommes engagés dans l'euro et que, de ce fait, nous devons faire converger notre politique économique et sociale avec celles des autres pays européens.
Ce n'est plus le moment de mener des opérations « à la française » en regardant le passé. Il faut au contraire s'occuper de l'avenir. Or l'avenir, ce sont les jeunes, c'est l'abandon d'une fiscalité trop forte, telle celle qu'ont connue les pays nordiques autrefois, ce sont les technologies nouvelles qui supposent de gros investissements. C'est dans ce sens qu'il faut aller.
Le Gouvernement, je le crains, a cherché un effet rapide sur les entreprises et sur les médias. J'ai peur que, à terme, cela ne se traduise par une recentralisation.
C'est ce risque qui m'empêchera, comme la plupart des membres de mon groupe, de voter ce budget tel qu'il nous est soumis et c'est la raison pour laquelle la majorité de ce groupe soutiendra les propositions de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Avant d'aborder le projet de loi de finances pour 1999, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de me faire l'écho de l'émotion qui a saisi la population de Morlaix et même de toute la Bretagne à la suite de l'annonce de la fermeture de la manufacture de Morlaix, qui va priver la ville de 187 emplois.
Nous avons pris acte de l'intention du Gouvernement d'intervenir auprès de la SEITA pour qu'elle rapporte sa décision ou que des compensations soient apportées à la ville de Morlaix.
Nous vous demandons de veiller à ce que cette collectivité locale, qui est déjà très éprouvée, comme toute la région, par des restructurations industrielles délicates et douloureuses, ne soit pas encore pénalisée par la fermeture d'une manufacture qui a trois cents ans d'existence.
Le projet de budget pour 1999 soumis à notre examen doit être mesuré à l'aune de trois critères : sa capacité à conforter le développement de notre économie et de l'emploi, le respect de nos engagements européens, l'adaptation de l'économie française à l'évolution de l'économie mondiale.
Nous nous prononçons sur des orientations, sur une politique, sachant combien est étroite notre marge de manoeuvre en raison de la structure budgétaire et du poids des services votés.
Parce que nous sommes sans illusion sur le sort ultime réservé à nos amendements, nous avons fait le choix d'opposer un projet alternatif au projet gouvernemental, montrant par là qu'il existe, pour stimuler et conforter notre économie, d'autres voies et d'autres moyens que ceux qui sont proposés au pays.
Je félicite et je remercie M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, de l'exercice pédagogique et politique auquel ils se sont livrés avec le talent que tous leur reconnaissent. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Je forme le voeu que leurs remarques comme leurs suggestions profitent à ceux qui oeuvrent pour une autre approche économique, mais également à l'information de nos concitoyens et des élus locaux.
Le projet de loi de finances pour 1999, sous la forme présentée par le Gouvernement, ne recueille pas notre assentiment parce qu'il n'allège pas suffisamment les charges et les contraintes qui pèsent sur notre économie et parce qu'il ne prépare pas véritablement l'avenir.
Serge Vinçon. Hélas !
M. Josselin de Rohan. Alléger les charges qui pèsent sur les contribuables comme sur les entreprises, mettre un terme aux pesanteurs et aux rigidités qui découragent et paralysent les initiatives, pénalisent l'investissement, réduisent les marges d'action des collectivités locales : telle devrait être notre ambition ; telle n'est malheureusement pas l'orientation prise par le Gouvernement.
Nous éprouvons, en premier lieu, des inquiétudes quant à la possibilité de maintenir le déficit budgétaire dans les limites fixées par le ministre de l'économie et des finances, du fait de l'évolution de l'environnement international. La perspective d'un taux de croissance de l'économie établi à 2,7 % et d'un dollar maintenu à 6 francs, hypothèses sur lesquelles a été fondé le projet budgétaire, semble quelque peu hasardeuse.
Nous sommes moins alarmés par les prévisions discordantes des instituts de prévision, qui se sont souvent trompés, il faut bien le dire, que par le tassement de la confiance en l'avenir de nos industriels, qui, à travers la réduction de leurs carnets de commandes, sont bien placés pour mesurer la bonne santé de notre appareil productif.
M. Xavier de Villepin. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. Par ailleurs, nous notons que le rythme d'abaissement du chômage tend à faiblir.
Un tiers environ de l'économie mondiale est frappé par la récession, et rien ne nous garantit contre une manipulation du dollar au cas où la croissance américaine tendrait à diminuer.
La plupart de nos partenaires européens ont révisé à la baisse leurs perspectives de croissances ; nous sommes les seuls à ne l'avoir pas fait. Puisse, monsieur le secrétaire d'Etat, votre optimisme être fondé !
Permettez au Huron que je suis de vous poser une question : pourquoi, si vous ne craignez pas une récession des économies occidentales, insistez-vous avec tant de force pour obtenir des banques centrales une baisse des taux d'intérêt ? Peut-on à la fois faire pareille demande et maintenir un taux de croissance prévisionnel plus élevé que celui de nos partenaires ?
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Comment, par ailleurs, financerez-vous le déficit sans réduction sensible des dépenses publiques ou sans accroissement significatif de la fiscalité si les recettes que vous avez prévues venaient à manquer ?
C'est bien sur ce point, en effet, que pèche votre projet de budget : le poids de la dépense publique et l'ampleur des prélèvements obligatoires vous priveront, en cas de retournement de la conjoncture, de possibilités de manoeuvre et, si vous ne voulez pas alourdir les charges fiscales et sociales, vous serez contraint de laisser filer le déficit.
Vous aurez alors répété l'erreur de vos prédécesseurs de 1988 en ne profitant pas des acquis de la croissance pour désendetter le pays et alléger la fiscalité. Cette constatation n'est pas le fait des seuls opposants : elle a été faite aussi par d'éminentes personnalités issues de vos propres rangs.
La dépense publique augmente d'un point de plus que l'inflation prévisionnelle. Cette augmentation sera plus forte si, contrairement à ce qui est escompté, le niveau des prix baisse dans les prochains mois.
Avec près de 54 % du PIB, le montant de nos dépenses publiques est nettement supérieur à celui de nos partenaires de l'Union européenne. La moyenne de l'Union européenne était de 5,9 points inférieure au niveau français en 1997, et l'écart sera de 6,4 points en 1999. Or, lors de la conclusion du traité d'Amsterdam, nous avons souscrit au pacte de stabilité, qui postule un retour rapide à l'équilibre budgétaire assorti, rappelons-le, de sanctions financières pour les Etats déficitaires.
Comment ferez-vous pour ramener le déficit de 2,3 % à 1,5 % du produit intérieur brut d'ici à 2002 sachant que, selon les experts, même avec une croissance de 2,5 % de notre économie en moyenne pendant les trois prochaines années, le déficit atteindrait encore 2 % du produit intérieur brut ?
Pouvez-vous espérer y parvenir quand, sur les 75 milliards de francs de recettes induits par la croissance, vous affectez 21 milliards de francs aux rémunérations de la fonction publique et 37 milliards de francs à des dépenses nouvelles dont beaucoup seront consacrées aux financements d'emplois publics et ne sont assorties d'aucune mesure de redéploiement ou de réduction d'effectifs ?
Selon les experts, pour satisfaire aux critères du pacte de stabilité, il faudrait désormais ne remplacer aucun des agents publics partant en retraite. On doute fort que vous puissiez souscrire à une telle politique.
Dès lors, la structure budgétaire continuera de se rigidifier, les dépenses reconduites automatiquement, singulièrement celles de fonctionnement, prenant une part croissante dans le budget de l'Etat au détriment des dépenses d'investissement. En vérité, en réhabilitant la dépense publique, vous êtes - ne le prenez pas en mauvaise part monsieur le secrétaire d'Etat - un bon et fidèle disciple de M. Michel Rocard ! (Sourires.)
Le Premier ministre a lui-même reconnu l'ampleur des prélèvements obligatoires qui frappent les Français et s'est engagé à les diminuer.
Qu'en est-il dans les faits ?
Vous nous aviez annoncé l'an dernier une stabilisation des prélèvements or, selon EUROSTAT, l'office statistique des Communautés européennes, la France a connu en 1997 un niveau record avec un prélèvement qui représentait 46,3 % du produit intérieur brut.
M. Marc Massion. C'est votre héritage !
M. Josselin de Rohan. Héritage ou pas, vous aviez pris des engagements et vous ne les avez pas tenus !
Nous, nous avons hérité de Pierre Bérégovoy un déficit qui était très supérieur à celui qu'il avait annoncé. Entre nous, en ce qui concerne les héritages, il vaut beaucoup mieux nous succéder que vous succéder ! (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !
M. Josselin de Rohan. Notre pays se situe loin au-dessus de la moyenne européenne et l'Etat continue d'accroître ses ponctions quand nos partenaires européens stabilisent les leurs.
Les entreprises ont dû supporter 59 milliards de francs de prélèvements supplémentaires sur trois ans - 19,5 milliards de francs en 1997, 29,8 milliards de francs en 1998 et 9,5 milliards de francs en 1999.
Pour les ménages, vous nous avez indiqué que, après la ponction de 11,5 milliards de francs en 1998, la pression fiscale se relâcherait en 1999. Vous ne mentionnez pas les 5,15 milliards de francs supplémentaires pris aux ménages l'an prochain, ce qui porte à 16,7 milliards de francs, en deux ans, les prélèvements fiscaux !
Les familles, quant à elles, ne sont pas bien traitées. Dans la définition qu'il donne des allégements fiscaux, le Gouvernement ne mentionne pas l'abaissement de l'avantage maximum en impôt résultant du quotient familial, qui accroît les prélèvements de 4 milliards de francs. Prétendre que cette mesure, qui frappe 600 000 familles, compense l'annulation de la mise sous condition de ressources des allocations familiales est pour le moins osé, car la mise sous condition de ressources n'avait été prise que pour une année et les deux mesures mises en parallèle sont juridiquement de nature différente : l'une est une imposition et l'autre, une allocation. Certaines familles seront doublement pénalisées. Elles auront vu leurs allocations familiales supprimées en 1998 et leur quotient familial baisser en 1999.
A l'occasion de sa déclaration de politique générale, en juin 1997, le Premier ministre s'était promis de faire baiser la TVA. Dix-huit mois plus tard, force est d'observer que les baisses sont homéopathiques, alors que le redémarrage de la croissance aurait dû permettre d'amorcer la décrue des taux.
La baisse de la TVA sur les abonnements au gaz et à l'électricité permettra à chaque famille de récupérer 130 francs par an, soit 0,2 % du SMIC mensuel, pour un montant de 4 milliards de francs. La baisse en faveur des bailleurs de logements sociaux représente pour l'Etat une perte de recettes de 200 millions de francs. Tout cela doit être rapporté au montant global annuel de la TVA, qui représente 675 milliards de francs, ou de la CSG, qui rapporte 334 milliards de francs.
La vérité est que vous êtes quelque peu piégés. Vous vous rendez compte que l'excès d'impôt conduit à l'évasion fiscale ou à la fraude comme l'excès de charges sociales conduit à freiner l'embauche et nuit à l'emploi. L'excès fiscal et l'excès de charges sociales amoindrissent la compétitivité de nos entreprises dans un contexte de concurrence internationale avivée.
Le seuil de tolérance est sans doute atteint pour les contribuables et pour les assurés sociaux.
Mais vous ne pouvez à la fois accroître sans cesse les dépenses pour les trente-cinq heures, les emplois-jeunes, la lutte contre l'exclusion et, demain - excusez du peu - pour l'audiovisuel public, et diminuer la pression fiscale directe ou indirecte, a fortiori quand une croissance de notre économie est loin d'être assurée, sauf à augmenter ces déficits que vous vous proposez de réduire. Cela étant, peut-être comptez-vous sur l'intention prêtée à nos voisins de laisser filer leurs déficits pour justifier vos difficultés à réduire le nôtre !
Les collectivités locales, quant à elles, peuvent nourrir quelques sujets d'inquiétude. En effet, pour la troisième année consécutive, le Gouvernement s'appuie sur les excédents dégagés par les collectivités locales pour afficher une baisse du déficit budgétaire français. Or, comme cela a été fort bien dit tout à l'heure, sans ces excédents et ceux des organismes sociaux, le déficit pour 1999 atteindrait 2,7 % du produit intérieur brut.
La baisse proclamée des prélèvements obligatoires implique une réduction de la pression fiscale des communes, des départements et des régions. Comment une telle baisse est-elle possible quand des lois votées à votre initiative appellent expressément les collectivités locales à prendre une large part dans le financement des emplois-jeunes, des actions de lutte contre l'exclusion et des trente-cinq heures ?
Vos amis, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pressent, que dis-je, nous somment de relayer l'action de l'Etat ou de suppléer ses défaillances dans des domaines qui relèvent principalement de sa compétence. Céder à leurs instances a pour conséquence inéluctable un relèvement de la fiscalité locale.
Quant aux revalorisations des traitements de la fonction publique, elles entraînent une hausse parallèle des rémunérations des agents publics territoriaux et la hausse des frais de fonctionnement des budgets locaux.
Vous ne pouvez pas nous demander d'être vertueux à votre place et nous mesurer les moyens de souscrire aux disciplines auxquelles vous vous dérobez !
Peut-on tenir le projet de budget pour progressiste dans la mesure où il contribuerait à fonder l'avenir ? La réponse est négative, ce texte n'amorçant aucune des réformes de structure indispensables à la modernisation et à l'adaptation de notre économie à un environnement international instable.
Des chroniqueurs qui vous sont favorables s'émerveillaient, il n'y a pas longtemps, de ce que vous aviez procédé à plus de privatisations que le gouvernement précédent. Je ne sais, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous avez apprécié ce compliment, car ce n'est pas ce que M. Lionel Jospin nous avait annoncé dans sa déclaration de politique générale.
M. Serge Vinçon. Reculs et reniements !
M. Josselin de Rohan. Mais regardons-y d'un peu plus près !
Malgré vos dénégations, le récent rapport sur la mise en oeuvre des opérations de transfert au secteur privé d'entreprises publiques a montré que vous y preniez goût. En 1997, comme certainement en 1998, le montant des cessions constatées en fin d'année est supérieur à celui qui fut annoncé en loi de finances.
Certaines de ces privatisations sont imposées par l'Union européenne et vous n'aviez pas d'alternative. « Le mendiant n'a pas le choix », dit un proverbe anglais !
Cependant, en atermoyant dans des secteurs comme celui des industries, celui de la défense, pour les restructurations notamment, en maintenant un contrôle étroit de l'Etat sur la gestion des entreprises, on s'expose à perdre des batailles majeures.
C'est bien le souhait de nos partenaires allemands et britanniques de ne pas avoir pour interlocuteur direct ou indirect le gouvernement français qui les a conduits à opérer un regroupement de leur industrie aéronautique qui exclut pour l'instant la France. Si, demain, nous ne pouvons rejoindre ce nouveau pôle, il y a fort lieu de redouter qu'il contractera des alliances avec des partenaires d'outre-Atlantique qui fragiliseront notre propre industrie. Il est urgent pour vous d'agir pour éviter notre marginalisation.
M. Serge Vinçon. Certainement !
M. Josselin de Rohan. Autre exemple où l'ont voit que l'ouverture trop timide du capital risque d'obérer l'avenir de l'entreprise, celui d'Air France. Il est clair que des accords sont en train de se constituer pour des partages de trafic, la mise en pool de certaines ressources ou l'exploitation commune de certaines lignes qui lieront entre elles de grandes compagnies aériennes ayant d'autres soucis, d'autres pratiques et d'autres logiques qu'une entreprise nationale. Dans ce domaine aussi, je crains que notre singularité n'entraîne notre mise à l'écart et nous prive de perspectives de développement.
Il est un point, enfin, que je voudrais évoquer et qui pourrait constituer pour la France un revers majeur, l'accord boursier entre les places de Londres et de Francfort auquel Paris, jusqu'à ce jour, n'était pas partie. A quelques semaines du passage à l'euro, cette alliance entre les deux premières bourses d'Europe concentrera sur ces deux places la plus grande partie des transactions et consacrera leur prééminence absolue sur les marchés financiers.
Le Gouvernement, au moment où l'accord a été conclu, ne m'a guère paru s'être ému de cette situation. Nous avons appris aujourd'hui que Paris et Milan deviendraient parties à l'accord. Nous aimerions savoir s'ils jouiraient des mêmes droits et prérogatives que les membres fondateurs, et dans quelles conditions.
Dans le domaine fiscal, vous aviez annoncé une large réforme de la taxe d'habitation et de la taxe foncière résultant de la réforme des bases locatives. Il n'y aura aucune réforme, ni de la taxe d'habitation, ni de la taxe foncière, ni des bases cadastrales. On devine les raisons de ce recul : à quelques mois des élections municipales de 2001, le très grand nombre de contribuables locaux ayant vu leur imposition augmenter plus significativement manifestera son vif mécontentement à l'égard du pouvoir ; il vaut mieux se prémunir de ce genre de colère.
La réforme de la taxe professionnelle, telle qu'elle est conçue, aboutit par le biais de la compensation, via la subvention, à priver les collectivités locales d'une recette autonome et porte atteinte à la libre administration de ces collectivités.
Nous savons ce qu'il advient dans le temps des compensations. A propos de cette « réforme », deux questions se posent. Premièrement, des collectivités locales dont plus de 60 % des recettes dépendent d'une subvention de l'Etat, ou d'une compensation via une subvention, sont-elles encore autonomes ? Deuxièmement, la réforme de l'intercommunalité que doit nous présenter M. le ministre de l'intérieur, et qui repose essentiellement, dans le domaine fiscal, sur la taxe professionnelle, a-t-elle encore vraiment un sens ?
Le pacte de croissance et de solidarité qui est substitué au pacte de stabilité entre l'Etat et les collectivités locales prévoit, pour 1999, une indexation des concours de l'Etat sur la croissance qui ne portera que sur 20 % de celle-ci. Il s'ensuit une diminution moyenne de la dotation de compensation de la taxe professionnelle de 11 %. Les communes rurales non éligibles à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, enregistreront une baisse de 17 %, car elles ne bénéficieront pas de la modulation en fonction de la DSU.
Ces « bricolages » de la fiscalité sont d'autant plus regrettables que tout le monde s'accorde sur la nécessité de revoir l'imposition sur le revenu et l'imposition locale.
Il n'est plus possible de cumuler une CSG dont le taux ne cesse de croître et un impôt sur le revenu dont on n'aménage pas les tranches. Il faudra bien un jour faire un choix.
Si l'on veut réformer la taxe professionnelle, il faut non pas procéder par étapes ou par petites touches, mais réfléchir sérieusement et sereinement sur les perspectives et les modalités d'une imposition de remplacement qui ne déconnecte pas les collectivités locales de leur environnement économique.
Vous disposez du temps nécessaire pour étudier de telles réformes dans la concertation avec toutes les parties intéressées. Pourquoi n'engagez-vous pas le dialogue sur ce point ?
Il est un domaine, enfin, qui, je le reconnais volontiers, échappe à votre responsabilité, mais qui ne peut pas ne pas retentir sur notre économie : je veux parler de notre système de sécurité sociale.
Le financement futur des retraites et particulièrement des régimes spéciaux ne peut manquer d'avoir des conséquences sur nos finances publiques. Il est grand temps d'ouvrir ce chantier, car les réformes sont inéluctables si l'on veut garantir les retraites sans ponctions considérables sur les cotisants et les contribuables.
La gestion, laxiste, de l'assurance maladie a conduit à accroître les contributions pour les professions de santé intéressées. Si des réformes structurelles ne sont pas entreprises avec détermination, c'est l'ensemble de l'économie qui sera pénalisé, les particuliers comme les entreprises, du fait de l'alourdissement des prélèvements sociaux.
Mes chers collègues, il paraît que nous avons tout lieu de nous rassurer et de nous réjouir puisque l'Europe devient sociale démocrate. (Sourires.) Seule, la malheureuse Espagne est aujourd'hui réfractaire. Mais ce scandale ne saurait sans doute durer !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On l'espère comme vous !
M. Josselin de Rohan. Pour dire le vrai, nous souhaiterions, quant à nous, que la France, à tant faire, devînt un peu plus socialle-démocrate, ce qui constituerait un progrès ! (Nouveaux sourires.) M. Henri Emmanuelli a proclamé que M. Lionel Jospin était « imblairable ». C'est fort dommage, car M. Blair, lui, ne croit pas que l'avenir du Royaume-Uni passe par une extension du secteur public et une hausse de la fiscalité. Figurez-vous qu'il envisage même de privatiser... le métro !
En Grande-Bretagne, les allocations chômage sont supprimées après trois offres refusées et les abus traqués.
Si le Premier ministre, à défaut d'être « blairisable », devenait « schrödérisable », nous bénéficierions d'une baisse des impôts dans le secteur marchand et non principalement dans le secteur public. Hélas ! M. Lionel Jospin n'est pas social-démocrate ; il est socialiste, et son gouvernement avec lui. Son budget, quels que soient ses défauts, a au moins le mérite de refléter toutes les caractéristiques d'une gestion socialiste. Vous comprendrez que ce soit la raison essentielle pour laquelle nous n'en voulons pas.
Comme l'an dernier, la majorité sénatoriale n'a pas voulu rejeter purement et simplement le projet de loi de finances, elle a souhaité montrer que l'on pouvait gérer mieux et autrement les finances publiques.
Le grand mérite de la démonstration remarquable effectuée par le président de la commission des finances et par le rapporteur général est d'avoir fait ressortir qu'il était possible, avec les dividendes de la croissance, de diminuer le train de vie de l'Etat, de stabiliser la dette publique et d'alléger les charges fiscales.
Parce que nous sommes convaincus que les pistes qu'ils ont ouvertes, comme les solutions qu'ils proposent, sont viables et raisonnables, parce que l'on ne peut considérer comme irréalistes ou excessives les orientations qu'ils ont présentées, nous soutiendrons leur démarche et nous voterons le budget alternatif qu'ils nous proposent, avec l'espoir qu'un jour il nous sera possible d'adopter non plus des budgets virtuels, mais des budgets réels, qui permettront à notre pays de s'engager dans la voie de la modernité et du progrès, et non d'entrer à reculons dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

5

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, en remplacement de M. Bernard Joly, démissionnaire.
En conséquence, j'invite la commission des affaires économiques et du Plan à présenter un candidat.
La nomination du sénateur appelé à siéger au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. GérardLarcher.)

6

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président le texte de trois décisions rendues le 19 novembre 1998 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans les départements du Gers, de l'Aude et à Wallis-et-Futuna.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.

7

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne surprendrai personne en indiquant d'emblée que six des sénateurs non inscrits soutiendront sans réserve la position exprimée par M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances quant à la nécessité d'atteindre un meilleur équilibre budgétaire tout en pratiquant une baisse des prélèvements obligatoires, et, en conséquence, les différentes mesures qui découlent de cette position.
On pourrait d'ailleurs légitimement se demander si le rééquilibrage est suffisant et s'il est acceptable de continuer à admettre que le déficit budgétaire puisse couvrir autre chose que l'investissement.
Soyons clairs ! Nous ne sommes pas dupes et nous savons très bien qu'il restera peu de chose de l'exercice auquel nous nous livrons après le retour de ce texte à l'Assemblée nationale.
La valeur de cet exercice tient non pas à l'importance de la réduction du déficit, mais à l'obligation faite à chacun d'entre nous de participer à la maîtrise budgétaire et donc dans le changement de mentalité que cela suppose : « Un bon budget n'est pas celui qui augmente mais celui qui utilise bien l'argent public ».
Tout prélèvement supplémentaire, toute d'emploi dans la fonction publique signifie soit une perte de compétitivité pour les entreprises, soit une baisse de pouvoir d'achat pour les particuliers, et donc des pertes d'emplois pour les Français.
Cette obligation, que nous nous imposons pour la deuxième année consécutive, n'est pas des plus faciles. Il est tellement plus simple d'être démagogique, de demander toujours plus. Notre position ne s'inscrit pas dans le court terme, ce qui rend d'ailleurs plutôt service à ce gouvernement, mais vise à une prise de conscience plus globale de l'ensemble des Français sur ce qu'est l'intérêt général.
Il nous faut faire connaître et partager aux différents acteurs économiques et sociaux cette ligne de conduite. Nous n'aurons véritablement gagné que lorsque tous ceux qui nous sollicitent prendront l'habitude de proposer, en même temps qu'une mesure nouvelle, une suppression ou un redéploiement d'une mesure ancienne.
Nous regrettons vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas profité des 75 milliards de francs de plus-values fiscales pour supprimer cette détestable habitude qui consiste, comme c'est le cas cette année encore, à financer 70 milliards de francs de fonctionnement par du déficit budgétaire, donc de l'emprunt.
Il n'est pas normal que, dans cette conjoncture favorable - mais pour combien de temps encore ? - vous n'ayez pas engagé de programme de réduction de la dette.
Pis encore, en donnant l'illusion, grâce à une analyse comparative en pourcentage, que les prélèvements obligatoires baissent, alors qu'en masse ils augmentent, vous consolidez des charges de structures qui vont gravement obérer notre avenir en cas de retournement de la conjoncture.
Tout est fait, semble-t-il, pour repousser à plus tard la solution des problèmes ou la comptabilisation des charges réelles de notre société ; il en est ainsi, par exemple, des emplois-jeunes, de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de la dette, etc.
L'habileté de ce gouvernement à gérer le court terme et à présenter les choses de façon cosmétique est remarquable, monsieur le secrétaire d'Etat, mais cela me fait penser au chant de la cigale de M. de La Fontaine. Chacun connaît la morale de cette fable. Je crains cependant que le moment venu, cette fois, la fourmi n'ait vraiment une tâche ardue.
Cela ne fait que renforcer la justesse des propositions de la commission des finances. C'est pourquoi nous la soutiendrons résolument. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention aura pour objectif d'exprimer notre appréciation globale du projet de loi de finances pour 1999, et mon amie Marie-Claude Beaudeau présentera nos analyses et nos propositions d'amélioration des dispositions du texte lui-même.
Le projet de loi de finances pour 1999 qui nous est soumis constitue, dans les faits, le premier budget dont le gouvernement de la gauche plurielle a la pleine maîtrise.
Il se doit donc d'apporter les réponses à l'attente de toutes celles et tous ceux qui ont choisi, voilà quinze mois, le changement pour rompre avec la politique libérale de la droite et pour retrouver la voie de la croissance, de l'emploi et de la justice sociale.
Ce projet de budget, même s'il comprend d'indéniables mesures de progrès, telle la réduction de l'avoir fiscal des entreprises, la baisse de la TVA sur l'achat de terrains pour les particuliers, la baisse de la TVA sur les abonnements du gaz et de l'électricité, le renforcement de l'impôt sur la fortune, dont le rendement sera augmenté de deux milliards de francs, ne rompt cependant pas encore suffisamment avec la logique qui a prévalu à la mise en place de la monnaie unique.
D'ici à la fin du mois de décembre, nous espérons que de nouveaux pas pourront être accomplis, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'économie dans notre pays connaît un petit mieux. La croissance, qui pourrait être plus forte, est revenue. Que faire donc de ses fruits ? Toute la question est là !
A cet égard, monsieur le rapporteur général, nous avons, c'est évident, une logique complètement différente de la vôtre. Pour notre part, nous estimons que tout doit être fait pour consolider la croissance en redistribuant équitablement les richesses, favorisant ainsi la consommation intérieure qui constitue le socle le plus solide pour garantir le progrès et le développement, alors que les exportations sont tributaires des situations de crise internationale qui peuvent surgir à tout moment.
Parti d'un projet initial en deçà de cette ambition, la discussion a permis d'apposer plus franchement le sceau du changement sur ce projet de budget, à la suite notamment de notre travail avec les députés communistes et avec vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, travail qui a permis d'accroître de 14 milliards de francs la partie « recettes ».
La meilleure prise en compte de l'aspiration au changement est aussi, sans nul doute, encouragée par la vigueur du mouvement social. Ce fut le cas avec le formidable mouvement lycéen, qui a conduit à une première amélioration du budget de l'éducation nationale, laquelle ne répond cependant pas suffisamment aux demandes des lycéens et des rapporteurs. Nous souhaitons la voir inscrite au titre des crédits nouveaux dans la présentation du budget qui sera faite au Sénat.
Les luttes qui se développent, de l'hôpital à l'industrie - comme aux Chantiers du Havre - de la SEITA aux services publics de transports montrent l'attente d'un volontarisme plus grand dans l'action économique pour l'emploi et contre la précarité, et nous nous réjouissons à cet égard des intentions affirmées à propos des contrats à durée déterminée et des abus commis par les entreprises.
Les avancées que j'évoquais constituent un premier pas. Elles doivent être confirmées et complétées d'ici à la fin de la navette parlementaire.
Consolider la croissance est d'autant plus nécessaire que, si notre économie va un peu mieux, tel n'est pas le cas ailleurs dans le monde.
Depuis un an, de secousse en secousse, l'Asie s'effondre, l'économie russe s'est quasiment dissoute voilà quelques semaines, et l'Amérique latine s'inquiète !
Chacun sait que nous sommes passés tout près, en septembre, d'une véritable crise systémique qui aurait pu emporter, comme dans un jeu de dominos, le système financier dans son ensemble, y compris celui des Etats-Unis.
Chacun sait également que les dangers ne sont pas écartés pour autant. La crise financière est là, et d'importantes réformes sont à mettre en oeuvre de toute urgence pour éviter un écroulement dont les plus démunis, qu'il s'agisse des pays ou des populations, pâtiraient en premier lieu. C'est en ce sens que nous estimons urgent d'instaurer des mécanismes de régulation, de contrôle des flux de capitaux. Le projet de taxe élaboré par M. Tobin, prix Nobel d'économie, nous paraît une intéressante base de réflexion. Nous avons d'ailleurs déposé, voilà un an, une proposition de loi allant dans ce sens.
Cette crise violente, aux conséquences humaines dramatiques - licenciements massifs, émeutes avec effusions de sang comme en Indonésie, explosion de la misère dans des pays montrés il y a peu comme des modèles de développement - provoque la montée des interrogations sur le système capitaliste lui-même.
Les graves secousses évoquées mettent l'accent sur les dangers de l'ultralibéralisme et du dogme monétariste.
M. le Premier ministre lui-même, après avoir dénoncé avec raison, le 19 juin dernier, la « société de marché » et rappelé, le 30 août, que « le marché, s'il génère des richesses, ne produit ni solidarité ni projet commun », que « la France a besoin d'un équilibre entre l'Etat et le marché », affirmait ceci dans un article du 10 septembre : « le capitalisme ne souffre pas seulement d'une hypertrophie de sa finance, il nourrit une faiblesse constitutive. Dans le même temps où il crée des richesses, il les concentre à l'excès ; s'il assure pour le progrès technique un essor contenu de la production, il tend à exclure du monde du travail un nombre de plus en plus grand d'hommes et de femmes. Il porte en lui cette source de déséquilibre. »
Nous qui, depuis longtemps, résistons à l'idée qu'il n'existerait pas d'autre voie que le capitalisme, qui avons refusé le culte du gagneur, de l'argent-roi, nous apprécions cette analyse du capitalisme qui apparaît pour ce qu'il est vraiment, un frein à l'épanouissement de tous les hommes, un obstacle au développement harmonieux et équilibré de l'humanité sur chacun des continents de la planète.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a connu d'autres expériences !
Mme Hélène Luc. Une contradiction nouvelle et intéressante apparaît entre la conception fondatrice de l'euro, conception qui contraint encore ce projet de loi de finances, et la nécessité de stopper la spéculation financière.
La crise du capitalisme appelle des solutions nouvelles auxquelles nous réfléchissons et que nous mettons en débat. En France, l'audace doit être de mise pour franchir une nouvelle étape du changement. C'est dans cet état d'esprit que nous abordons la discussion budgétaire.
Il faut desserrer le carcan imposé par une conception ultralibérale de l'Europe, conception qu'il s'agit désormais d'abandonner pour enclencher une nouvelle construction européenne, sociale et démocratique.
Ce n'est pas l'euro, pris comme outil de spéculation, qui protégera l'Europe des désordres internationaux, mais bien une politique de croissance dynamique, source de développement et de coopération.
Agir pour la croissance, c'est engager une réforme fiscale qui doit assurer la redistribution des richesses.
Agir pour la croissance, c'est réduire de manière plus significative encore la TVA, cet impôt injuste qui pèse pour 13 % sur les revenus des ménages les plus défavorisés, mais moitié moins sur les revenus des plus aisés.
Agir pour la croissance, c'est aller plus loin encore dans l'alourdissement de l'impôt sur la fortune. Il faut inclure les biens professionnels dans le calcul de cet impôt, c'est une question de justice et d'efficacité. La croissance des gros patrimoines, qui enfle par des activités spéculatives et non productives, est indécente.
La lecture, dans un mensuel spécialisé de l'Etat, des mille fortunes les plus élevées de France est insupportable au regard des difficultés endurées par des millions de nos concitoyens au moment où vont rouvrir les Restos du coeur.
Agir pour la croissance, ce n'est certainement pas alourdir plus encore les charges sur les collectivités territoriales. Or l'extinction progressive de la part salariale de la taxe professionnelle fait peser un risque d'aggravation de leur situation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Hélène Luc. Combien d'emplois seront-ils dégagés par cette mesure ? Comment sera compensée la perte de recettes à long terme ? Quand intégrera-t-on les actifs financiers dans le calcul de cette taxe ? Nous attendons des éclaircissements du débat qui s'engage, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ce budget est en évolution. Des premières annonces au texte dont nous débattons aujourd'hui, le Gouvernement a accepté des amendements qui ont permis des progrès significatifs.
En outre, cette loi de finances permet la mise en oeuvre du plan emplois-jeunes et la mise en place des 35 heures. C'est là un élément fondamental de notre appréciation positive au sortir des débats de l'Assemblée nationale.
La droite, outre son réflexe d'opposition habituelle à toute disposition de gauche, perçoit l'enjeu de ce débat. Elle sait que prend corps dans le pays l'idée que le libéralisme, loin d'être une fin en soi, mène à l'échec économique et social.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le communisme aussi !
Mme Hélène Luc. Ce libéralisme est majoritairement rejeté en France, comme il l'est de plus en plus en Europe, et une alternative doit être élaborée avec l'intervention des citoyens, dont nous voulons être les relais.
L'attitude de la majorité sénatoriale n'est donc pas étonnante. Sous l'appellation « contre-budget », c'est en fait un renforcement anarchique de l'austérité, fait de coupes claires tout autant qu'incohérentes dans les crédits que vous proposez.
Quand le rapporteur général évoque les emplois-jeunes, il parle de « lourdes charges ». Quand il évoque les réductions de dépenses supplémentaires, c'est bien entendu celles qui sont liées aux 35 heures ou à l'augmentation, pourtant contenue, des rémunérations des fonctionnaires. Enfin, quand le rapporteur général évoque la répartition des fruits de la croissance, il répond « assainissement des finances publiques ».
La majorité sénatoriale propose donc de réduire les dépenses publiques de 26 milliards de francs. La droite se trompe de combat en s'arc-boutant sur les principes sacro-saints de l'ultralibéralisme. Cela ne l'empêchera pas, d'ailleurs, dans les villes et les villages - c'est le cas dans mon département - de se plaindre de l'insuffisance des crédits et des dotations qu'ici même elle va réduire. Mais elle n'est plus à une contradiction près.
M. Michel Sergent. C'est bien vrai !
Mme Hélène Luc. Au cours de la discussion de ce projet de budget, nous nous opposerons point par point à toute mise en cause de la politique de changement voulue par la majorité des Français.
La majorité sénatoriale, en persistant dans cette attitude, confirme son décalage croissant avec les attentes populaires.
Nous avons fait le choix de la participation au gouvernement pour qu'il réussisse, et nous le redisons. La garantie de cette réussite, c'est la mise en oeuvre de réformes profondes débouchant sur des changements tangibles de la vie quotidienne.
Les mouvements sociaux et leur diversité sont à prendre comme autant de soutiens et d'encouragements à poursuivre la mise en oeuvre d'une politique forte de croissance, de justice et de transformation sociale.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen apporteront donc un soutien vigilant sans surenchère, en s'opposant fermement au conservatisme de la droite et en apportant toute leur énergie, leur capacité d'initiative et de proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes ches collègues, je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui sur le projet de budget pour 1999, et ce pour quatre raisons : parce que c'est véritablement le premier budget dont la gauche, depuis son retour au Gouvernement, peut reconnaître pleinement la paternité ; parce que ce budget arrive à un moment « charnière » du passage à l'euro, qui représente pour nous un espoir de progrès économique et social ; parce que ce budget s'inscrit dans une situation conjoncturelle qui montre que nos choix économiques aussi bien que budgétaires sont les bons ; enfin, parce que cela va me donner l'occasion de répondre, tout au long de mon intervention, aux propositions de la majorité sénatoriale, qu'elle qualifie de « contre-budget ».
M. Denis Badré. De budget alternatif... comme le courant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De budget de responsabilité !
M. Bernard Angels. Effectivement, ce texte est véritablement la première loi de finances dont le Gouvernement peut assumer totalement la paternité. L'année dernière, la discussion de la dernière loi de finances est arrivée seulement quelques mois après que le gouvernement de Lionel Jospin eut pris ses marques. La mise en chantier des grandes réformes n'a ainsi pu être lancée véritablement qu'au cours de l'année 1998.
Aujourd'hui, la situation est donc sensiblement différente : dix-sept mois ont passé depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Jospin. Un travail considérable a été engagé depuis lors.
La loi de finances qui nous est présentée constitue, par conséquent, la concrétisation d'un nombre déjà important d'engagements pris au cours de la dernière campagne des législatives et sur lesquels je reviendrai dans un instant.
Cette politique nous est permise parce que les objectifs des budgets précédents, du collectif de 1997 comme du budget de 1998, ont été réalisés.
Il fallait remplir les conditions pour la mise en place de l'euro, en particulier la réduction des déficits. Il fallait également encourager la demande intérieure afin de galvaniser la croissance après des années difficiles, nous permettant ainsi de rattraper le retard accumulé et de réduire le chômage.
Ces objectifs ont été atteints puisque la France fait partie des pays membres de l'euro et puisque notre croissance devrait atteindre 3,1 % en 1998.
Les résultats économiques sur l'emploi, principal objectif du Gouvernement, sont encourageants : fin septembre, il restait un peu plus 2,9 millions de chômeurs en France. Ce chiffre est encore trop considérable pour nous permettre, naturellement, d'être satisfaits, mais force est de constater que, depuis longtemps, la tendance n'a pas été aussi bonne qu'aujourd'hui. La baisse du chômage, constatée sur un an, est évidente et sans appel : elle atteint 5 %, et même 6,6 %, si l'on prend le mode de calcul défini par le Bureau international de travail.
L'INSEE prévoit, pour 1998, 285 000 créations d'emplois dans le secteur marchand, chiffre qui n'a jamais été atteint depuis 1989. Avec les emplois-jeunes, ce seront 360 000 emplois qui auront été créées, au total, en 1998.
Ces résultats sont d'ailleurs reconnus par le patronat lui-même comme étant le résultat non seulement de notre croissance, mais également de l'action gouvernementale, en particulier sur les emplois-jeunes.
Le pouvoir d'achat des ménages est en progression de 2,5 %, ce qui permet une forte croissance de la consommation, renforcée par un bien meilleur moral des ménages. L'investissement des entreprises, après de nombreuses années de baisse qui auraient pu handicaper notre pays dans la compétition mondiale, est repartie : 7 % de croissance cette année, selon la dernière prévision de l'INSEE.
Tous les indicateurs qui permettent de conforter ce qu'il est convenu d'appeler le « cycle vertueux » de la croissance sont donc au rendez-vous.
A ce stade, j'aimerais interpeller la majorité sénatoriale.
M. Michel Charasse. Enfin !
M. Marc Massion. Ils ne sont pas là !
M. Bernard Angels. L'année dernière, vous vous êtes efforcées d'expliquer que nos bons résultats étaient à mettre à votre actif. Aujourd'hui, vous assurez que c'est la croissance internationale qui nous permet ces bons résultats.
Je pense que, à ne pas reconnaître des évidences, ont perd toute crédibilité.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Bernard Angels. Vous êtes en droit de considérer que, même si notre politique obtient de bons résultats économiques, elle est moins bonne que la vôtre parce qu'elle s'inscrit dans un choix de société que vous souhaitez différent.
A vous, alors, par la force de votre programme, ...
M. Michel Charasse. Ils n'en ont pas !
M. Bernard Angels. ... de montrer aux Français que vous avez raison plutôt que d'avoir recours à des allégations inexactes qui dénaturent la réalité des faits.
Cela étant, je vous ferai remarquer que, si les bons résultats enregistrés en matière économique étaient uniquement le fruit de la croissance mondiale, on pourrait s'étonner que la crise internationale qui a éclaté dernièrement aux quatre coins de globe n'ait pas eu un impact fortement négatif sur notre pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne vous réjouissez pas trop vite !
M. Bernard Angels. On voit bien aussi combien une politique volontaire, notamment au niveau budgétaire, est nécessaire et efficace pour conforter une croissance interne. On voit bien également combien les règles du marché, lorsqu'elles ne sont pas régulées, sont dévastatrices.
M. Michel Charasse. Ô combien !
M. Bernard Angels. De ce point de vue, le volontarisme français en matière de croissance est salvateur.
Je ne reviendrai pas sur la polémique sur les prévisions de croissance du Gouvernement, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas une polémique !
M. Bernard Angels. ... si ce n'est pour rappeler qu'il n'est pas de bon ton d'aggraver par des anticipations négatives les effets de la crise internationale. Ces anticipations sont d'ailleurs, dans leur diversité, peu éloignées de cette prévision et certaines, comme celle du FMI, sont même supérieures. Elles montrent toutes que la zone euro se trouve épargnée aujourd'hui par les désordres constatés sur les marchés, ce qui montre bien également qu'une volonté pro-européenne est nécessaire.
M. Roland du Luart. Ça, c'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut s'en donner les moyens !
M. Bernard Angels. Et, même si la conjoncture internationale venait à s'aggraver, il est clair que les gouvernements européens, en majorité de gauche, ne resteraient pas passifs. D'ailleurs, ils sont en train d'infléchir leur politique, à l'instar de ce que fait le Gouvernement français, vers le soutien de la croissance.
Les interventions de MM. D'Alema et Lafontaine, au-delà de leurs différences, m'apparaissent en ce sens porteuses d'espoir car elles illustrent bien le fait que les gouvernements européens sont prêts à coordonner leurs politiques pour soutenir la croissance et l'emploi. Après des années de politique économique uniquement soucieuse de stabilité des prix, cela fait plaisir à entendre.
Je veux, ici, encourager fortement notre gouvernement à poursuivre les initiatives qu'il est en train de prendre sur ce dossier d'actualité.
Par rapport à cette nécessaire réflexion, je pense, comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il convient de ne pas oublier que notre très faible inflation peut, et même doit nous conduire à une baisse des taux d'intérêt. Rien ne justifierait, aujourd'hui, une politique monétaire trop restrictive qui risquerait de bloquer ce nouvel élan donné à la croissance.
Parallèlement au nécessaire soutien de la croissance, la politique budgétaire doit également poursuivre des objectifs plus structurels : la réduction des déficits, le rééquilibrage de la fiscalité pour plus de justice, une dépense publique maîtrisée et orientée vers l'avenir.
Premier axe poursuivi, donc, la réduction des déficits.
Le déficit budgétaire est ramené de 256,4 milliards de francs, selon le collectif, à 236,5 milliards de francs, soit de 2,9 % à 2,7 % du PIB. Les déficits publics passeront, quant à eux, de 3 % à 2,3 % du PIB, du fait d'un léger excédent des comptes sociaux et des collectivités locales.
Les résultats du Gouvernement en la matière sont appréciables, surtout lorsqu'on se rappelle que, voilà un an et demi, le déficit public était proche de 4 %.
Cela, il ne faudrait d'ailleurs pas l'oublier quand certains évoquent un taux de déficit supérieur à celui de nos principaux voisins. Le gouvernement actuel est parti de beaucoup plus loin qu'eux, et ce qui compte, en la matière, c'est le rythme de baisse. Or, un simple regard sur un tableau de comparaison démontre que, si nous faisions moins bien que la majorité de nos principaux partenaires de 1993 à 1996, depuis, nous faisons mieux. Ainsi, l'Allemagne réduira son déficit de 2,6 % à 2,2 % seulement. La réduction des déficits est donc en marche et elle se poursuivra.
La poursuite de cette politique budgétaire est indispensable pour trois raisons.
Première raison : il est aujourd'hui indispensable de stabiliser puis de baisser le niveau de la dette de l'Etat, qui a pratiquement doublé depuis la fin de l'année 1992. Il s'agit de stopper ce que l'on appelle l'« effet boule de neige », causé par l'action conjuguée d'un solde primaire négatif et de taux d'intérêt supérieurs au taux de croissance.
Les taux d'intérêt sont aujourd'hui relativement moins élevés que ces dernières années. C'est un premier élément appréciable pour obtenir cette nécessaire stabilisation. Reste donc à dégager un excédent primaire du budget suffisant pour que s'amorce la baisse du stock de la dette publique. Dès l'année prochaine, le solde sera positif, et nous atteindrons, en l'an 2000, le niveau de 2 % de déficit qui permet le retournement.
Deuxième raison : le coût budgétaire annuel très élevé du service de la dette. Il représente une charge budgétaire de plus en plus lourde - 20 % des recettes fiscales -...
M. Michel Charasse. C'est énorme !
M. Bernard Angels. ... ce qui limite grandement les marges de manoeuvre restantes pour les actions positives du budget.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Bernard Angels. Ainsi, de 1993 à 1997, le service de la dette aura absorbé 40 % des recettes fiscales supplémentaires dégagées durant ces quatre années.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Jusque-là, excellente démonstration !
M. Bernard Angels. Merci, monsieur le rapporteur général.
Troisième raison : il faut reconstituer nos réserves pour les périodes plus difficiles - je vous rejoins sur ce point - c'est-à-dire redonner à la politique conjonctuelle la souplesse nécessaire à son efficacité.
La majorité sénatoriale souhaiterait une réduction plus rapide du déficit. Ses propositions se fondent effectivement sur une réduction du déficit accrue de 14 milliards de francs.
Mes chers collègues, on peut toujours faire mieux, en la matière, mais un débat sur 14 milliards de francs de plus ou de moins, soit moins de 0,2 % du PIB - en prévision, qui plus est ! - n'a finalement que peu d'intérêt !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On fait ce qu'on peut !
M. Bernard Angels. L'important, c'est la volonté de réduire structurellement et durablement les déficits publics, mais sans hâte excessive ou dogmatique. Et c'est peut-être là notre vraie différence avec la majorité sénatoriale et plus encore, au-delà, avec certains adeptes des thèses dites libérales !
La France n'est qu'au début de son cycle de croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Espérons-le !
M. Bernard Angels. De plus, cette croissance est fortement axée sur sa composante interne.
Enfin, nous sommes confrontés à un choc extérieur, que je crois en voie de résorption, mais qui a des effets négatifs à court terme. Il ne faut donc pas mener une politique budgétaire trop stricte qui risquerait d'avoir un effet contracyclique néfaste.
L'objectif, à terme, est clair. Il nous faut revenir à des comptes publics équilibrés ou proches de l'équilibre, et, là aussi, je vous rejoins. C'est justement parce que je crois en l'action budgétaire conjoncturelle que je défends cette approche, car le budget de l'Etat pourra ainsi de nouveau être utilisé comme une arme économique efficace.
Mais c'est aussi parce que je crois en l'efficacité de l'arme budgétaire que je ne souhaite pas que celle-ci joue aujourd'hui contre le soutien à la croissance et à l'emploi. Ce n'est pas de la recherche à tout prix de l'équilibre budgétaire que viendront la croissance et l'emploi ; c'est par la croissance et la création d'emplois que nous reviendrons à l'équilibre budgétaire.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Bernard Angels. Cette appréciation doit être élargie à un niveau aujourd'hui incontournable, celui de l'Europe.
Le deuxième axe poursuivi est la stabilisation des prélèvements obligatoires et le rééquilibrage de la fiscalité pour plus de justice.
En 1998, le Gouvernement a stabilisé les prélèvements obligatoires. Ces derniers, qui avaient crû de 2 points entre 1993 et 1997, ont légèrement baissé en 1998, de 0,2 point. Le Gouvernement prévoit de poursuivre cette baisse en 1999 et d'arriver ainsi à 47,5 %.
Fallait-il aller plus vite, comme le souhaite l'opposition, qui, d'ailleurs, n'applique pas, lorsqu'elle est au pouvoir, ce qu'elle préconise aujourd'hui ? Personnellement, je ne le pense pas.
Les baisses d'impôts ne doivent pas être décrétées de manière idéologique ; elles doivent être le corollaire pragmatique d'une rationalisation des dépenses.
La droite explique qu'« en prélevant moins, l'Etat laisse aux Français une part plus grande de liberté, de choix et de responsabilité ».
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est vrai !
M. Bernard Angels. Quel immense leurre ! En payant moins d'impôts, nos concitoyens n'auront pas, pour autant, moins de dépenses à consentir. Simplement, ils devront passer par des circuit privés.
Si l'on se réfère à ce qui se passe à l'étranger, on constate même, dans les pays qui ne disposent pas aujourd'hui de services publics aussi performants que les nôtres, que de telles orientations coûtent plus cher à l'usager ; combien coûtent en effet les soins ou l'éducation des enfants aux Etats-Unis ? Affirmer le contraire revient à nier l'évidence ou à faire le choix d'un autre projet de société, mais il faut alors clairement le reconnaître.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les Etats-Unis ont tout de même moins de chômeurs ! Mais, c'est vrai, c'est tout un débat !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout dépend de la façon dont on fait les comparaisons !
M. Bernard Angels. Je suis prêt à entamer ce débat avec vous.
En effet, en s'acquittant de leurs prélèvements, les contribuables paient pour que soit offert à chaque Français, du plus riche au plus pauvre, un niveau de service public optimal.
On pourrait d'ailleurs prétendre que, à coût constant, il serait bon d'en améliorer le rendement, mais telle n'est pas, apparemment, la démarche de l'opposition. Vouloir passer par des circuits privés relève d'une tout autre approche, celle consistant à vouloir payer uniquement pour ce que l'on dépense soi-même. Ce serait une société d'où toute idée de solidarité serait exclue, ce que nous rejetons fermement.
M. Michel Charasse. Heureusement qu'on a fait la « sécu » en 1945 ! (Sourires.)
M. Bernard Angels. Nous ne voulons pas, en effet, d'une France où seules les classes sociales les plus favorisées auraient les moyens de répondre à leurs besoins.
Je veux m'arrêter quelques instants sur les baisses d'impôts proposées par la majorité sénatoriale. Je m'étonne, de ce point de vue, que cette dernière ait choisi de revenir sur le plafonnement du quotient familial prévu dans la loi de finances. En effet, le Gouvernement a décidé de reverser à l'ensemble des familles les allocations familiales quelque que soit leur niveau de revenu. Cette décision n'est pas sans coût pour l'Etat.
M. Michel Charasse. Hélas !
M. Bernard Angels. Il était donc normal que le Gouvernement, comme le proposaient d'ailleurs les associations familiales, choisisse une solution fiscale permettant de financer la réforme.
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. Avec le PACS, il n'y aura plus de problème !
M. Bernard Angels. L'abaissement du plafond du quotient familial profite aux moins favorisés des ménages, voire affecte des ménages dont les revenus sont sensiblement supérieurs à ceux qui étaient auparavant touchés par la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
M. Michel Charasse. Le Gouvernement est trop bon !
M. Bernard Angels. L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu un dispositif qui permettra aux contribuables non concernés par la réforme des allocations familiales de ne pas être touchés par le dispositif d'abaissement du plafond du quotient.
Cette mesure que vous voulez supprimerétait donc parfaitement équilibrée. Je constate que vous vous appliquez, une fois encore, à alléger l'impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés. Alors même que le dernier rapport du Conseil d'analyse économique vient de rappeler - et il n'est pas le premier ! - que notre fiscalité est aujourd'hui modérement progressive, pourquoi vouloir accentuer cette tendance ?
Autre sujet de désaccord : le plafonnement de l'ISF. Je ne rappellerai pas les circonstances qui avaient amené le Gouvernement de M. Juppé à plafonner ce dispositif. Aujourd'hui, vous vous attachez à défaire ce qu'il vous avait pourtant fait adopter.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'en revenir à l'amendement Richard !
M. Bernard Angels. Ainsi, vous permettez aux plus grandes fortunes de France de limiter le poids de cet impôt par le biais de l'optimisation fiscale, comme on dit pudiquement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On revient à la législation socialiste !
M. Bernard Angels. Concernant, plus généralement, la fiscalité sur l'épargne et le capital, nous pensons que toute idée de baisse des prélèvements va à contresens de ce qu'il convient de faire.
M. Michel Charasse. C'est vrai !
M. Bernard Angels. On ne compte plus, en effet, les rapports qui, sans relâche, démontrent qu'en France le patrimoine est aujourd'hui sous-imposé par rapport au travail.
Pour toutes ces raisons, je pense que les orientations décidées par le Gouvernement sont les bonnes. Je suis d'ailleurs heureux que plusieurs propositions du groupe socialiste du Sénat défendues lors de la discussion du budget de l'année dernière aient été reprises dans ce texte, qu'il s'agisse de la TVA, de la fiscalité écologique ou des finances locales.
Le Gouvernement a ainsi choisi des baisses d'impôts ciblées sur les ménages, en matière de TVA ou de droits indirects. Ces baisses sont bonnes, car elles seront, à coup sûr, répercutées sur le consommateur et elles portent sur les impôts indirects, les plus injustes et les plus lourds. Ces mesures ont pourtant été stigmatisées par la droite au motif qu'il s'agit en l'espèce d'impôts de faible montant. Or il s'agit de mesures qui vont permettre principalement d'améliorer la vie quotidienne des personnes les plus modestes.
Nous aurons l'occasion de montrer au Gouvernement que nous souhaiterions aller encore plus loin sur ce sujet.
En matière de TVA, nous connaissons les contraintes du Gouvernement par rapport à Bruxelles. Mais il nous semble nécessaire que notre pays, à l'instar de ses partenaires européens, proches de nous politiquement, puissent peser sur les négociations, afin qu'une harmonisation fiscale puisse aboutir à de plus nombreuses baisses de TVA en matière de taux réduit.
Enfin, je voudrais me féliciter - pour en terminer avec la fiscalité - des nombreuses mesures qui tendent à renforcer la fiscalité du patrimoine ou à réduire les possibilités d'évasion fiscale.
Ce dernier point est important. A quoi sert l'impôt si ceux qui en sont redevables y échappent ? A rien ! Et c'est le tort, bien souvent, des parlementaires que de légiférer, en théorie, sans suffisamment appréhender les faits dans leur réalité. Le Gouvernement redresse la barre et c'est une bonne chose.
Le troisième axe, enfin, réside dans la maîtrise de l'évolution des dépenses de l'Etat tout en finançant les priorités pour l'avenir.
Les dépenses augmenteront de 1 % en volume, de 2,3 % en valeur. En conséquence, la part des dépenses de l'Etat par rapport au PIB baissera une nouvelle fois.
M. Michel Charasse. Tant mieux !
M. Bernard Angels. Cette part était de 21,1 % en 1997, 20,4 % en 1998 et il est prévu qu'elle soit de 20,1 % pour 1999. Ce dernier taux sera le plus bas depuis vingt ans.
Compte tenu des contraintes, que l'on peut regrouper sous le vocable de « services votés », c'est une évolution très maîtrisée. Pour tenir cette augmentation de 1 %, il a d'ailleurs fallu effectuer un effort important de redéploiement et d'économies, de l'ordre de 30 milliards de francs. Ce n'est pas rien ! Ainsi, par exemple, dans le budget relatif à l'emploi, de nombreux dispositifs à l'efficacité douteuse ont été réduits.
M. Michel Charasse. Il était temps !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il suffit de poursuivre un peu cet effort !
M. Bernard Angels. Il aurait fallu le faire un peu avant ! Mais merci d'approuver aujourd'hui.
Cette maîtrise des dépenses apparaît encore plus remarquable quand on se remémore l'évolution de ces dernières années.
Nous avons débattu, voilà quelques jours, des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 et 1996 et nous avons alors relevé que les augmentations de dépenses avaient été de 2,8 % de chaque année.
Ceux qui critiquent le choix du Gouvernement en matière de dépenses sont donc bien mal placés pour parler de « laxisme budgétaire ». Quant à ceux qui évoquent des réductions de dépenses d'un point de PIB par an, comme M. Madelin, ils expriment là une position idéologique qui aurait pour conséquence de détruire la société de solidarité que nous souhaitons. Je suis d'ailleurs agréablement surpris par le refus de la majorité sénatoriale de suivre cette voie extrême et peu réaliste.
Sauf à considérer que toute les dépenses publiques sont par nature improductives, il faut maintenir une régularité dans leur évolution et savoir développer certaines d'entre elles quand elles sont clairement productives, économiquement et socialement,...
M. Michel Charasse. C'est rare !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et l'investissement !
M. Bernard Angels. ... et source d'économies dans les autres secteurs. On peut évidemment toujours faire plus d'économies, mais il reste à définir dans quels secteurs.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Bernard Angels. La majorité sénatoriale souhaite des économies dans la fonction publique ...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Bernard Angels. ... mais on ne sait pas dans quels secteurs les réductions d'effectifs seront effectuées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a dit où elles ne le seraient pas !
M. Bernard Angels. Le Gouvernement a, quant à lui, fait des choix en rapport avec les engagements pris devant les Français lors des élections législatives.
Dans ce projet de budget, et c'est une de ses principales qualités, le Gouvernement a su réorienter les dépenses pour répondre aux priorités nécessaires, pour construire cette France solidaire et moderne que nous avions défendue et qui demeure notre objectif.
Nous avions dit que la lutte contre le chômage serait notre priorité et qu'il fallait, en conséquence, réorienter la dépense publique vers la création d'emplois : le budget de l'emploi progressera de 3,9 % et un effort particulier est effectué pour financer 250 000 emplois-jeunes et pour accompagner la réduction du temps de travail.
Nous avions dit qu'il fallait gagner la bataille de l'intelligence et privilégier les dépenses d'avenir : l'effort de recherche est relancé, la priorité à l'éducation nationale est rétablie, les aides aux PME sont développées, les crédits de la culture progressent fortement, l'environnement est réellement devenu une priorité budgétaire, les crédits d'équipement, chers à notre ancien président de la commission des finances, aujourd'hui président du Sénat, sont privilégiés par rapport aux dépenses de fonctionnement de l'Etat...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oh ! timidement.
M. Bernard Angels. ... puisque les premières augmenteront de 2,8 % alors que les secondes ne progresseront que de 0,3 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas dans le domaine routier !
M. Bernard Angels. Nous avions dit qu'il fallait contribuer à améliorer la vie quotidienne des Français et pour tendre vers plus de justice sociale : le logement social est relancé, les effectifs des forces de sécurité sont accrues, les crédits de la santé augmentent de 10 %, 650 millions de francs sont consacrés à la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs contre l'exclusion, les crédits budgétaires pour la ville augmentent de 22 %.
C'est pourtant l'accomplissement de ces engagements qui est critiqué par la majorité sénatoriale. Les emplois-jeunes, le poids budgétaire des 35 heures, les crédits de la fonction publique seraient des « bombes à retardement ».
Ce n'est pas le cas, à notre avis, et c'est là une bien curieuse façon de traiter d'investissements pour l'avenir.
Ce budget nous apparaît comme un budget équilibré et porteur d'avenir. Il poursuit la remise en ordre de nos finances publiques tout en soutenant la croissance. Il contribue à l'accomplissement des réformes et des réorientations nécessaires pour renforcer notre pays dans la compétition mondiale tout en préservant notre société de solidarité.
Ces orientations sont les nôtres. Le Gouvernement peut compter sur le groupe socialiste du Sénat pour les défendre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Girod. Quelle erreur !
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne vous surprendrai probablement pas si je vous dis qu'à mon tour, suivant l'exemple de notre excellent président de la commission des finances, M. Alain Lambert, je vais essayer de parcourir la fameuse trilogie : dette, fiscalité, dépenses publiques.
En acceptant ainsi le risque de la répétition, je m'engage à essayer de l'écarter en vous proposant quelques variations sur ce thème, qui me paraît intéressant.
Il me paraît d'autant plus intéressant que nous avons développé à son sujet une réflexion approfondie en commission et qu'il est tout à fait au coeur du débat. La question centrale n'est-elle pas : quel est le budget qui prépare le mieux l'avenir ?
Nous allons commencer l'année 1999 avec un budget de l'Etat déjà amputé de 240 milliards de francs : c'est le niveau - encore en progression de 1 % par rapport à 1998 - de la charge annuelle de la dette.
Partant avec un tel handicap, vous ne parvenez évidemment toujours pas à équilibrer votre projet de loi de finances, qui affiche donc à nouveau un déficit, proche - est-ce un hasard ? - de ces 240 milliards de francs, puisqu'il est arrêté à 236,5 milliards de francs. De là à dire que ces 240 milliards de francs sont ceux que vous devez affecter à la charge de la dette, il pourrait n'y avoir qu'un pas ! Rêvons donc un instant : arithmétiquement, s'il n'y avait pas de dette, il n'y aurait pas de déficit...
Mais il y a une dette ! Et tant que le déficit reste au niveau que vous retenez, cette dette continue à progresser. Elle dépasse maintenant 5 000 milliards de francs, soit trois ans de budget ! Elle continue même à progresser en valeur relative par rapport au PIB et elle se rapproche dangereusement des 60 %, qui constituent le plafond autorisé par le traité de Maastricht.
J'ajoute qu'après 1999 la grande année 2000 sera à nouveau hypothéquée dès l'origine par la nécessité de régler une annuité de dette dont nous savons déjà qu'elle aura encore progressé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut absolument qu'à l'instar des collectivités territoriales nous acceptions d'appeler « emprunt » le déficit budgétaire, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
En simplifiant quelque peu, c'est vrai, je dirai que l'Etat emprunte pour rembourser sa dette, ce que votre banquier, comme le mien, ne nous permettraient pas !
Aujourd'hui, le poids de la dette compromet l'équilibre du budget, et le déficit qu'il provoque nourrit la dette. Il faut sortir de ce cercle vicieux. C'est précisément ce à quoi le traité de Maastricht incitait tous les candidats à l'Union monétaire.
Le traité affirmait d'abord qu'il était indispensable que les économies convergent pour que l'Union fonctionne normalement, c'est-à-dire pour que ceux qui auraient choisi la rigueur ne paient pas pour ceux qui resteraient en retard. Mais le traité rappelait aussi, plus généralement et de manière plus exigeante encore, que les Etats membres de l'Union devaient se donner comme règle commune le rejet des déficits excessifs.
Voilà une saine exigence qui, à elle seule, devrait nous conduire à réhabiliter totalement un traité bien injustement critiqué. Bien plus concrètement encore, voilà une exigence que nos partenaires ont pris en compte, ce dont ils se trouvent bien.
Pour ce qui nous concerne, il ne faut pas faire semblant de ne pas voir quelques réalités.
Si nous avons juste atteint le seuil fatidique du déficit égal à 3 % du PIB en 1998, c'est grâce aux collectivités territoriales, qui ont apporté les 0,2 % qui manquaient, le déficit du budget de l'Etat atteignant 3,2 % du PIB.
A ce niveau de 3 %, la France a été « reçue » dans l'Union monétaire, mais à la dernière place !
Enfin, tant que le déficit n'est pas ramené sous les 2 %, dans les conditions actuelles de crédit, notre dette continue à progresser.
Alors, que nous proposez-vous ?
Sur la base d'une prévision de croissance de 2,7 %, vous bouclez votre projet de budget avec un déficit public de 2,3 %, en mettant évidemment à nouveau à contribution les collectivités territoriales. Nous souhaitons pour la France que vos prévisions se réalisent.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Merci.
M. Denis Badré. Mais nous n'en sommes pas complètement certains. M. le rapporteur général vous a très clairement et très fermement dit pourquoi.
Et si ces prévisions ne se réalisent pas - sauf augmentation des recettes ou réduction des dépenses... ou les deux - le déficit va à nouveau se rapprocher des 3 % du PIB, ce qui créera des tensions en notre défaveur dans l'Union monétaire et ce qui accroîtra encore davantage le niveau de la dette.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous franchissez, c'est vrai, une nouvelle étape sur le chemin de la réduction du déficit. Malheureusement, elle reste trop limitée.
Avec de nouvelles marges de croissance, cette année, un effort était objectivement plus facile à réaliser que ceux qui ont été accomplis par les gouvernements de MM. Balladur et Juppé, puis par vous-même - soyons objectifs - l'année dernière.
Nous considérons donc que, les circonstances s'y prêtant mieux, vous auriez dû faire également beaucoup mieux cette année pour préparer un peu plus l'avenir.
Je ne peux résister maintenant à la tentation de rappeler que certains n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer le fait que M. Balladur avait « laissé filer » la dette.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas la gauche !
M. Denis Badré. Celui-ci avait simplement trouvé en 1993 un déficit qui atteignait 6 %. Le ramener à 3 % a exigé de gros sacrifices tout au long des cinq années au cours desquelles nous avons subi une récession générale. Permettez-moi de rendre justice à ceux qui ont porté cet effort ingrat et, parmi eux, bien sûr, à notre collègue Jean Arthuis. C'est ce niveau exorbitant de 6 % en 1993 que nous continuons à payer aujourd'hui.
Venons-en à la fiscalité.
Dernier de l'Union monétaire pour le déficit et en passe de conserver cette place, notre pays n'est pas, loin s'en faut, le meilleur dans ce domaine. Nous allons le vérifier lorsque nous serons invités à aller vers l'harmonisation. Notre fierté nationale, bien sûr, mais plus encore notre budget en souffriront.
Nos entreprises savent qu'elles subissent des prélèvements obligatoires plus lourds que leurs voisins de l'Union. Si capitaux et cerveaux continuent à s'exiler, ce n'est pas par hasard.
Allons-nous attendre que, demain, l'Europe nous demande de réduire ces prélèvements pour cause d'harmonisation ? Je pense que nous devrions le faire spontanément et dès aujourd'hui. Je note au passage qu'à nouveau le rôle de l'Europe pourra être perçu comme positif puisque, après nous avoir engagés sur la voie de la sagesse budgétaire, elle nous pousse vers la sagesse fiscale.
La correction fraternelle ou l'émulation ont toujours été d'excellents moteurs. Encore faut-il accepter de participer à la course et de faire tourner le moteur ! Mais nous ne pourrons avoir raison seuls. Il nous faut accepter cette compétition. Elle se jouera avec nous ou sans nous. Si elle se joue sans nous, ce sera contre nous. Il y va de la capacité de nos entreprises à supporter la concurrence.
Le problème est aussi que, compte tenu de notre situation actuellement défavorable - lourdement défavorable -, le chemin que nous devrons refaire pour retrouver la moyenne européenne passera par une réduction très forte de nos ressources fiscales et compromettra d'autant l'équilibre budgétaire que nous cherchons péniblement à restaurer.
Je ne parle pas « en l'air » - Alain Lambert chiffrait très précisément ce désarmement fiscal à plus de 400 milliards de francs tout à l'heure -, nous risquons de perdre, au bas mot, plus d'un quart de nos ressources actuelles. De quoi voir doubler au moins notre déficit et rendre bien dérisoires tous nos efforts actuels.
Au passage, je remarque que M. Oskar Lafontaine, dont vous vous réclamez bien souvent, vient d'appeler les membres de l'Union à se pencher sur les politiques salariales. Pour lui, les harmonisations fiscale et sociale, qui posent peut-être un peu moins de problèmes à son pays, sont considérées comme étant déjà acquises puisqu'il passe immédiatement à l'étape suivante. Malheureusement, pour ce qui nous concerne, l'harmonisation fiscale est loin de l'être. Nous n'avons rien fait, ne serait-ce que pour nous préparer à supporter le choc budgétaire de la première étape, celle de l'harmonisation fiscale.
Puisque vous n'affectez pas suffisamment les fruits de la croissance au déficit, il vous restait bien deux manières de les utiliser : augmenter les dépenses ou réduire les recettes. Vous faites un peu les deux, mais malheureusement, à notre sens, trop les dépenses, et trop peu les recettes.
Compte tenu de ce que je viens de dire, nous aurions préféré vous voir contenir davantage les dépenses pour engager enfin, et en priorité, une décrue des prélèvements qui manifestement s'impose pour les raisons que je viens de développer. J'en ajouterai une, à savoir qu'elle répondrait à l'évidence aux voeux de nos compatriotes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ceux-ci attendent d'abord de la sécurité, des emplois, des logements, c'est vrai. Ils attendent aussi, et tout autant me semble-t-il, de payer moins d'impôts pour croire de nouveau en leur pays et retrouver la confiance en leur classe politique. Ils savent très bien que si les entreprises, notamment les PME, voient diminuer des charges qu'elles supportent de plus en plus mal, elles investiront davantage et embaucheront à nouveau.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est ce que nous faisons !
M. Denis Badré. En présentant un budget alternatif, qui a été très bien décrit par M. le rapporteur général, le Sénat entend se montrer à l'écoute des Français. Il veut montrer qu'il a compris que, pour eux, la réduction des prélèvements obligatoires représente également une priorité très forte.
Après avoir augmenté la pression fiscale de 88 milliards de francs en dix-huit mois, vous ne proposez d'affecter que 12 milliards de francs de la marge que vous offre le retour de la croissance pour améliorer la situation. C'est beaucoup trop peu !
Je précise que ces 12 milliards de francs de réduction de la fiscalité représentent un solde net. Sur certains points, vous aggravez la situation. Je note, en particulier, que 600 000 familles, dont vous nous avez pourtant beaucoup dit qu'elles représentaient pour vous une réelle priorité, vont subir l'abaissement du plafond du quotient familial. Vous avez présenté cette mesure comme la compensation de la fin de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Celle-ci ne touchait pourtant que 300 000 familles. Je vois mal où est le progrès !
Les familles avec enfants construisent la société et elles contribuent à préparer l'avenir quelle que soit la situation matérielle de la famille. Une politique familiale digne de ce nom se justifie aujourd'hui plus que jamais. Commençons au moins par ne pas casser ce qui existe.
Si d'ailleurs nous estimons qu'il faut aider davantage les familles les plus en difficulté, les dépenses correspondantes doivent être financées par l'ensemble des Français et non par les familles qui seraient en meilleure situation. Il s'agit là d'un choix qui nous oppose sur le fond.
Pour marquer l'importance que je porte à la politique familiale, je n'évoquerai pas d'autre sujet fiscal ici et aujourd'hui. Je dirai simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en matière fiscale vous pourriez faire beaucoup mieux. Vous portez une responsabilité en ne le faisant pas : pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour ne pas compromettre nos budgets de demain, d'importants progrès devraient être immédiatement engagés en matière de prélèvements obligatoires.
Je termine par les dépenses.
Comme je l'indiquais voilà un instant, je regrette de les voir encore progresser de plus de 2 %, soit nettement plus que l'inflation.
Nous déplorons également, comme le rappelait M. Lambert, que cette nouvelle progression concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Je note en effet que les dépenses d'investissement, celles qui sont directement porteuses d'emplois, sont au contraire très curieusement en réduction dans votre projet.
Nos collectivités locales s'attachent, quant à elles, à faire mieux. Beaucoup, pour parvenir à stabiliser les taux de la fiscalité locale,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Heureusement qu'elles sont là !
M. Denis Badré. ... ce qui est difficile du fait des contraintes que vous connaissez, s'attachent à reconduire en francs courants le niveau de leurs dépenses ! Puisse leur exemple vous inspirer !
De nombreux élus locaux siègent au Sénat ; ils savent quels efforts cela implique,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est sûr !
M. Denis Badré. ... ils savent aussi combien c'est nécessaire et combien les Français nous attendent sur ce point.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Denis Badré. Lorsque nous vous demandons pourquoi vous n'adoptez pas encore la même règle de conduite que celle que je rappelais à l'instant et que s'attachent à suivre nos collectivités territoriales, vous nous répondez que vous devez réaliser le programme sur lequel vous avez été élus. Cela part d'un bon principe, sans doute... mais la vie continue. Des opportunités apparaissent, de nouvelles difficultés aussi...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le programme était flou !
M. Denis Badré. Aujourd'hui, certains de vos projets s'imposent peut-être moins que d'autres. Nos débats peuvent aussi vous amener à reconsidérer vos priorités ou à les « reclasser ».
Un bon exercice de définition de priorités devrait nous conduire à voir si des dépenses existantes, qui seraient jugées moins importantes - c'est possible - que les nouvelles dépenses à financer, ne peuvent pas être réduites ou remises en cause. C'est ce à quoi s'attache notre projet de budget alternatif.
Si vous n'aviez pas de retour à la croissance à votre disposition, financeriez-vous tout de suite tout votre programme, ou le remettriez-vous, en partie, à plus tard ? Le financeriez-vous en remettant en cause des actions existantes, en augmentant la pression fiscale, ou en creusant le déficit ?
Un peu de croissance rend l'exercice plus facile. Nous notons que vous choisissez alors de tenir immédiatement les engagements de votre programme - ce qui implique des dépenses - plutôt que de réduire la dette ou la fiscalité, ce que vous n'aviez peut-être pas complètement explicité comme étant une priorité en présentant votre programme. Mais je n'ai peut-être pas été alors assez attentif. Beaucoup de Français, me semble-t-il, ont sans doute pensé que cela allait sans dire ... ou n'ont pas été attentifs non plus à la présentation de votre programme !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Dites qu'ils ont mal voté !
M. Denis Badré. S'agissant de ce programme, et surtout des dépenses qu'il implique, au risque de vous surprendre, je n'insiste pas ici sur le coût des 35 heures ou des emplois-jeunes : d'autres l'ont fait ou le feront mieux que moi.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y a tant à dire !
M. Denis Badré. Je dirai simplement, pour rester dans le seul domaine budgétaire, que nous nous heurtons à la difficulté de leur chiffrage.
J'évoquerai plutôt l'exemple du PACS. Bien sûr, il ne pèse pas, directement du moins, sur le projet de loi de finances pour 1999, mais il me paraît - cela va peut-être vous étonner - pouvoir être cité au nom des principes et de la méthode.
Vous avez engagé un débat avec évidemment la volonté de le conduire à son terme. Il se conclura sur des dépenses nouvelles, et dès maintenant vous le savez, même si ces dépenses ne seront effectives qu'en 2000 ou 2001. Implicitement, vous avez donc déjà choisi de dire que ces dépenses s'imposeront le moment venu. Et c'est bien là votre manière. Vous avez procédé ainsi pour les 35 heures et pour les emplois-jeunes, que nous devons désormais financer. Vous recommencez avec le PACS.
Alors, il faut savoir dès maintenant que celui-ci pourrait coûter entre 5 milliards et 10 milliards de francs la première année, et sans doute rapidement davantage par la suite.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle irresponsabilité !
M. Denis Badré. Cela n'est pas marginal : cette perspective pose problème dès aujourd'hui si nous voulons un peu de lisibilité interannuelle de notre budget, si nous voulons une mise en perspective de l'anticipation, bref, si nous voulons une préparation de l'avenir.
Si vous disposez demain de ces 5 milliards à 10 milliards de francs, soit presque autant que l'effort de réduction fiscale que vous demandez cette année - et je ne vois pas bien où vous trouverez cette somme - nous préférerons sans doute, à nouveau, la voir affectée à une réduction des impôts et du déficit.
Si vous persistez à faire plutôt le choix de la dépenser, pourquoi ne pas la réserver aux familles, puisque vous avez également dit que c'est votre priorité ? Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas croire que, pour vous, le PACS représente une priorité encore plus forte que la politique familiale, laquelle reste au demeurant largement en panne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Denis Badré. Si c'est votre choix, il faut l'expliciter, il faut le dire aux Français.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Denis Badré. Mais restons à l'exercice 1999.
Nous avons très normalement parlé de l'avenir des retraites à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Votre projet de loi de finances donne une illustration particulière et assez impressionnante de ce problème général : la charge des pensions civiles et militaires représente désormais plus de 10 % de notre budget et elle progresse de 15 % cette année. Où allons-nous à ce rythme ? Le débat sur les effectifs de la fonction publique dans ce contexte ne me paraît donc pas non plus théorique.
Vous ne pouvez plus, monsieur le secrétaire d'Etat, différer la mise en chantier d'une vraie réforme de l'Etat. La décentralisation ne peut pas rester en panne et une véritable déconcentration s'impose si nous voulons un Etat plus efficace, plus économe, plus proche des citoyens et qui valorise et responsabilise davantage ses agents.
Une réforme de fond dans ce domaine représente, à nos yeux, une priorité. J'ajoute qu'elle suppose une volonté politique forte et continue, du temps et de la réflexion, bien plus que des moyens budgétaires. Au contraire, elle suppose peu de moyens budgétaires, et elle peut rapporter gros, comme l'on dit ! En effet, cela vous permettra de traiter vraiment le problème des effectifs. La décontration est la manière d'apporter une vraie réponse à ce vrai problème !
En m'arrêtant sur ces deux exemples très différents - le PACS et la réforme de l'Etat - je voulais insister sur le fait que, même pour ce qui concerne son volet « dépenses », les propositions et les choix contenus dans ce projet de loi de finances ne semblent pas de nature à préparer suffisamment l'avenir.
Votre projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d'Etat, nous semble donc pour le moins discutable, des trois points de vue que je viens d'évoquer - la dette continue à s'alourdir, la fiscalité n'est que très insuffisamment allégée, les dépenses de fonctionnement progressent excessivement - et cela afin de servir des priorités que nous ne reprenons pas à notre compte. De ces trois points de vue donc, ce texte ne prépare pas suffisamment l'avenir. Pensons à nos enfants, monsieur le secrétaire d'Etat !
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, en l'état, le groupe de l'Union centriste ne peut approuver le projet de budget pour 1999. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

8

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES JAPONAIS

M. le président. J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de parlementaires japonais composée de membres de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers du Japon, et conduite par M. Kosuke Hori. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation séjourne en France à l'invitation du Parlement européen.
Elle est invitée ce soir au Sénat par notre collègue M. Jacques Valade, président du groupe d'amitié France-Japon.
Je lui présente, au nom du Sénat, nos souhaits de bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France soit agréable et contribue à renforcer les liens d'amitié existant entre nos deux pays. (Applaudissements.)

9

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serais tenté d'ajouter une petite dose d'humour à celui qui a régné en fin d'après-midi dans cet hémicycle, en disant que je suis navré de ne m'adresser qu'au secrétaire d'Etat au budget, non soutenu dans son effort par le ministre de l'économie. Ne nous a-t-on pas expliqué que le budget était au service de l'économie ? Je sais bien que le Gouvernement est un, mais je suis tout de même navré, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas, en cet instant, l'appui du ministre de l'économie.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ferai face !
M. Paul Girod. Je n'en doute pas une seconde ! Il reste que j'aurais été content qu'il puisse écouter aussi mes arguments.
Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà un projet de budget où 68 milliards de francs de dépenses de fonctionnement sont couvertes par l'endettement. C'est un fait sur lequel on peut réfléchir, gloser, dont on peut s'indigner ou simplement s'inquiéter. Je suis plûtôt dans le camp des inquiets. Ce gouvernement n'est, certes, pas le premier à procéder ainsi, je vous en donne acte, mais il est le premier à le faire dans une période où la croissance revient. Si j'ai bien entendu tout à l'heure M. le ministre de l'économie, il était heureux de constater que la croissance était au rendez-vous qu'il lui avait fixé.
De quelques souvenirs de mes études d'économie et des lectures que j'ai pu faire depuis, j'ai retenu que l'économie connaissait au moins une constante, une loi quasi physique, qu'on appelle l'hystérèse : ce terme décrit le décalage temporel existant, dans un cycle, entre des phénomènes qui s'enchaînent, entre la cause et l'effet.
Quelqu'un vous a rappelé tout à l'heure que, naguère, l'héritage laissé par vos amis avait été difficile, qu'il avait fallu redresser la situation, que nous avions subi l'hystérèse, c'est-à-dire les effets à retardement de l'exaltation budgétaire, et que vous bénéficiiez, vous, maintenant, de cette hystérèse, mais avec des effets inverses, se traduisant par un retour de la croissance.
Je ne suis malheureusement pas sûr que vous ne soyez pas en train de la détruire dans une nouvelle exaltation budgétaire. Celle-ci est effectivement un peu inquiétante dans la mesure où certaines mesures à venir vont être financées par l'emprunt et où celles qui sont pérennes, par définition, se renouvelleront. Ainsi, nous ne pourrons pas permettre à notre économie de profiter de la reprise, une reprise dont personne ne conteste l'existence, même si l'on peut éventuellement s'interroger sur son origine.
Je crois savoir que le prochain collectif, qui comporte 15 milliards de recettes supplémentaires, sera en partie consacré à régler quelques dettes qui traînent...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Depuis quand ?
M. Paul Girod. ... mais aussi à financer quelques mesures nouvelles...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Non !
M. Paul Girod. ... dont les effets se feront sentir bien au-delà du collectif.
M. le ministre de l'économie nous a expliqué avec autant d'humour que de conviction qu'il était nécessaire de consacrer une partie du budget de la France à alimenter la consommation, justifiant par là telle augmentation sans frein du traitement des fonctionnaires ou telle augmentation mal maîtrisée des dépenses du RMI.
Je crains que vous n'ayez oublié que ce que vous injectez dans la consommation pour soutenir la croissance, c'est de l'argent qui a d'abord été confisqué à cette même consommation, étant entendu que le fonctionnement de l'Etat est tel que l'influence de ce qui va être distribué n'est pas à la hauteur de l'influence de ce qui a été confisqué. Vous suivez une philosophie que l'on peut comprendre, certes, mais qu'il me paraît difficile d'appliquer trop longtemps.
Mais j'en viens plus particulièrement aux problèmes intéressant les collectivités locales, dont nous sommes ici les représentants. Je vais, bien entendu, vous parler de la réforme de la taxe professionnelle.
Celle-ci a un côté spectaculaire. Mon collègue Jean-Pierre Fourcade a démontré que son incidence sur l'emploi n'était pas aussi nette que vous le pensez et qu'il aurait peut-être mieux valu s'occuper de la modernisation des entreprises. L'investissement d'aujourd'hui étant le profit de demain et le salaire d'après-demain, mieux vaut s'occuper d'abord de l'investissement plutôt que du salaire.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas absolument convaincu que les raisonnements que vous tenez à partir d'une moyenne nationale soient pertinents, d'autant que vous prétendez cibler la mesure et que vous opérez des distinctions entre les industries de main-d'oeuvre, le bâtiment, etc. Dans cette affaire, on fait tout de même disparaître une partie des ressources habituelles des collectivités locales. Mais avez-vous mesuré les effets de cette mesure aux extrêmes ? Dans certaines communes, la taxe professionnelle représente plus de 50 % des recettes - parfois beaucoup plus - et la structure de la taxe professionnelle est telle que la part de main-d'oeuvre y est bien supérieure à 35 %.
Quel va être le devenir des finances de ces communes, qui vont se voir privées d'un système évolutif pour se voir appliquer un système figé ? Cela mérite qu'on y réfléchisse.
On nous a dit aussi que l'indexation était forcément sympathique - l'indexation de la compensation, s'entend, pas celle du dégrèvement : vieux problème ! - mais force m'est de relever quelques contradictions.
Vous allez indexer la compensation, qui sera la dernière marge de manoeuvre des collectivités locales avant la « pressurisation » des ménages, nécessaire si un problème se pose à elles à terme.
Dès lors, il y a bien une contradiction avec l'encouragement apporté à la consommation.
Par ailleurs, pour l'indexation, le taux retenu est 2,8 %. Cependant, dans la loi de financement de la sécurité sociale, il est question de 4,6 % d'augmentation des salaires. Il y a quelque chose qui ne colle pas !
Les collectivités territoriales sont d'autant plus fondées à se méfier qu'elles ont déjà donné ! Ce n'est pas la première fois qu'on les prive d'un impôt et qu'on compense, comme dirait la sagesse populaire, avec des élastiques ; ce n'est pas la première fois que la manière dont on compense ne vaut pas ce dont on a privé les collectivités territoriales : nous avons eu les distorsions de la DGF, le transfert des compétences sur des références biaisées, etc. Les régions, par exemple, se rappellent ce qui s'est passé avec les lycées.
Bref, nous avons l'expérience de ce que l'on appelle l'effet de ciseau, et nous avons donc quelques raisons de craindre un effet du même genre avec ce qui va advenir.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous aurez beaucoup de mal à faire admettre aux collectivités territoriales que, une fois le système intégré dans la DGF, il n'y aura pas, sur celle-ci et sur cette compensation, les mêmes manipulations que celles que nous avons connues par le passé.
Et puis la croissance par la consommation, cela signifie l'augmentation de la masse salariale, c'est-à-dire l'évolution très positive de ce dont vous privez les collectivités territoriales, avec, comme par hasard, une référence centrée sur 1997.
De la même manière, vous pensez compenser la diminution des droits de mutation à partir de références anciennes.
Autrement dit, les références sur lesquelles vous vous appuyez sont antérieures au retour à une évolution positive. Puis-je me permettre de vous rappeller que c'est ce que les collectivités territoriales ont connu lorsqu'elles ont reçu, par exemple, la compétence des lycées, après que l'Etat eut arrêté pendant deux ans d'en construire un seul et calculé sa compensation à partir de cette période ? Je me souviens d'avoir commis un rapport sur ce sujet pour le compte de l'observatoire des finances locales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que, de 1992 à 1997, l'évolution de la masse salariale avait été de 10,5 % et que la compensation, telle que vous la calculez, aurait été de 12 %. Je vous ferai remarquer que vous avez choisi, comme par hasard, la plus mauvaise période de référence pour l'évolution de la masse salariale et la meilleure période de référence pour le reste.
Dans le même temps, le Gouvernement auquel vous appartenez fait reposer toute l'évolution des finances locales et toute la perspective de dynamisme sur la notion d'intercommunalité.
Or les zones communautaires n'en sont encore qu'au stade de la mise en place, surtout en milieu rural. Et c'est sur ces zones que vont éventuellement venir s'implanter des entreprises, au bénéfice de tous.
Autrement dit, vous fondez votre intercommunalité sur des entreprises qui s'installeront dans des zones que l'on crée en ce moment. Où est la référence 1997 pour celles-là ? Comment pouvez-vous croire une seule seconde que les collectivités territoriales vont être en mesure de développer une politique intercommunale d'expansion économique quand vous commencez par supprimer d'un trait de plume 35 %, en moyenne, parfois davantage, des retombées fiscales qu'elles sont susceptibles d'attendre ?
Comment cela va-t-il se passer ?
Comment pouvez-vous imaginer que les dispsoitions que vous nous demandez de prendre maintenant seront compatibles avec les textes relatifs à l'aménagement du territoire et à l'intercommunalité que vous allez nous présenter dans quatre ou cinq mois ?
Pour ma part, je suis persuadé qu'il y a une contradiction de fond et que, malheureusement - mais j'ai adressé le même reproche aux gouvernements de droite - vous êtes en train de légiférer au niveau des intentions plus qu'au niveau du réel soutien à l'économie.
Cela me désole profondément parce que j'aimerais qu'un jour nous arrivions à dépasser nos clivages politiques pour mener une vraie politique d'assistance à la croissance. Mais nous n'y parviendrons sûrement pas en décourageant les collectivités locales, qui vont être à la fois, d'une certaine manière, bénéficiaires et victimes des investissements dont elles ont besoin et dont les entreprises ont besoin.
Pour l'heure, je crains de voir une contradiction fondamentale dans la démarche du Gouvernement. C'est une des raisons pour lesquelles j'aurai beaucoup de mal à voter ce projet de budget, à moins que les discussions et les navettes successives ne permettent d'y apporter des modifications substantielles. Malheureusement, je n'y crois qu'à moitié. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout pays qui renonce à poursuivre son effort pour développer ses investissements et ses infrastructures est un pays qui abandonne ses ambitions et le rôle qu'il entend jouer dans le concert des nations.
Sous cet angle, quel jugement peut-on porter sur le projet de budget pour 1999 ? Il est largement pessimiste, voire totalement négatif.
Ce gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, comme tous les gouvernements socialistes qui l'ont précédé, a d'excellentes dispositions pour ponctionner et redistribuer les richesses, pour revaloriser, réhabiliter et augmenter les dépenses publiques - tout particulièrement les dépenses de fonctionnement - ainsi que pour créer des taxes nouvelles.
Mais, bien entendu, vous avez une faiblesse, qui est la contrepartie de cette tendance à la dérive des dépenses de fonctionnement : vous procédez à l'ajustement des finances publiques par la réduction des dépenses d'investissement qui sont de la compétence de l'Etat.
Du point de vue macro-économique, l'investissement est créateur de richesses et d'emplois futurs. Ce sont des notions simples, que chacun a bien assimilées depuis longtemps, au moins dans notre assemblée.
Dans son excellente étude, notre rapporteur général cite Jacques Méraud, qui, dans son analyse sur les collectivités locales et l'économie nationale, souligne que, « dans le cas des administrations locales, ce sont les variations de l'investissement qui influent le plus sur la croissance nationale, et cela dans un sens positif : plus l'investissement public local augmente, plus le PIB est stimulé ». Il ajoute : « On observe un effet stimulant analogue de l'investissement des administrations locales sur la productivité et l'emploi du secteur privé. Il y a là une manifestation significative de ce que l'on appelle la "croissance endogène" ».
Si je parle d'abord de l'investissement public local, c'est qu'il a désormais dépassé, et de loin, le montant des investissements civils de l'Etat.
Vous avez heureusement préservé, au moins avant la régulation budgétaire - nous verrons après ! - les dépenses militaires en capital, qui s'élèveraient en 1999 à 86 milliards de francs, soit une croissance de 6,2 %. En revanche, les dépenses civiles de l'Etat, à structure budgétaire constante, s'établiraient à 72 milliards de francs, soit une diminution de 0,3 %.
Je ne m'arrêterai pas sur le fait que toutes ces dépenses sont exclusivement financées par l'emprunt - M. le rapporteur général l'a dit - emprunt qui, au passage, finance également des dépenses de fonctionnement : voilà, à nos yeux d'élus locaux, le comble des turpitudes financières, nous qui sommes sous la surveillance constante et sourcilleuse des chambres régionales des comptes... (M. le rapporteur général fait un signe d'assentiment.)
Je tiens tout de même à souligner que votre recours à l'endettement est tel que vous êtes contraint de réduire tous les secteurs de l'investissement.
Si l'on observe votre situation budgétaire au 31 août 1998, les dépenses civiles en capital ont baissé en un an de 13,1 % par rapport au mois d'août 1997, donc après votre arrivée aux affaires, alors que les dépenses ordinaires ont augmenté pendant la même période de 2,4 %.
Comme l'a souligné encore M. le rapporteur général, vos deux véritables priorités budgétaires sont les interventions sociales et les rémunérations publiques, auxquelles s'ajoutera prochainement l'explosion programmée des retraites des fonctionnaires, que vous commencez à camoufler en autorisant la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, à emprunter pour équilibrer ses comptes, que vous avez auparavant volontairement déséquilibrés.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale pour 1999, j'ai souligné l'étonnante tromperie qui consiste à faire croire que vous maîtrisez l'évolution des dépenses sociales alors que le taux directeur de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, qui a été fixé en 1997 à 1,7 %, s'est élevé à 2,2 % en 1998, et à 2,6 % en 1999. Voilà ce que l'on appelle une courbe de maîtrise des dépenses !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas vraiment cela !
M. Jacques Oudin. Mais, si le taux de 1997 a été respecté, celui de 1998 sera réalisé à hauteur de 3,4 %, ce qui enlève déjà toute signification au taux directeur prévu pour 1999.
Rapporteur spécial des crédits du ministère de la santé et de la solidarité, je m'étonnerai dans quelques jours, à cette tribune, en concordance avec les observations de la Cour des comptes, de constater la croissance constante de certaines prestations, comme celle du RMI, en dépit de l'évolution positive de la conjoncture et de l'emploi, comme le rappelait voilà quelques instants ici même M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Tout cela pour souligner, monsieur le secrétaire d'Etat, que, non seulement vous n'avez aucune volonté de maîtriser la croissance des dépenses de fonctionnement mais que, de surcroît, vous vous évertuez à les stimuler.
Le résultat d'une telle politique est donc de freiner, de réduire et de diminuer les crédits d'investissement de l'Etat, et cela dans à peu près tous les domaines et pour tous les budgets que nous aurons à examiner au cours des prochains jours.
Cet hémicycle a déjà retenti des protestations et des récriminations de nos collèges au sujet de la capacité de l'Etat à respecter ses engagements en ce qui concerne les contrats de plan avec les régions. Notre assemblée s'est également émue de votre volonté affichée de modifier à la baisse les investissements dans les secteurs vitaux pour le développement économique futur de notre pays.
Deux commissions d'enquête sénatoriales ont été constituées et ont élaboré des rapports dont la qualité n'a fait l'objet d'aucune critique, tant pour le diagnostic que pour les propositions. Il s'agissait de la commission d'enquête sur l'énergie et de celle sur les grandes infrastructures, c'est-à-dire les autoroutes, le rail et les voies fluviales.
Toutes les études que nous avons effectuées convergent malheureusement sur une analyse pessimiste de l'évolution future de nos investissements structurants et sur la volonté affichée du Gouvernement de limiter, voire de réduire ses efforts dans ces domaines.
Or il s'agit, je le répète, de l'avenir de notre pays et de sa place au coeur de l'Europe, car la géographie en a fait, c'est ainsi, une plaque tournante ou une plaque centrale dans de nombreux secteurs, plus particulièrement dans celui des transports.
De même que, durant les siècles passés, la France s'est bâtie autour de ses infrastructures routières et ferroviaires, de même, au cours des décennies futures, l'Europe se construira autour de son réseau autoroutier, de son réseau ferré à grande vitesse, de son réseau aérien, et, partiellement, de son réseau fluvial et portuaire.
Je laisserai de côté, pour m'en féliciter, la décision prise par votre gouvernement - vous voyez que je suis objectif - de confirmer l'extension de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle grâce à l'aménagement de deux pistes supplémentaires, qui permettront d'en faire l'un des principaux centres européens de transit et de répartition de trafics.
En revanche, que dire de la lenteur avec laquelle, faute de moyens financiers adéquats, se développe le réseau ferré à grande vitesse ? L'est, si cher au coeur du président Poncelet, n'est toujours pas desservi ; nos amis espagnols, qui m'ont reçu récemment, attendent que la liaison Perpignan - Figueras soit achevée ; et nos amis bretons ont les mêmes impatiences.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Quant à la liaison Rouen - Alençon...
M. Jacques Oudin. N'en parlons pas ! (Sourires.)
Le projet de canal Rhin-Rhône a été abandonné, et ainsi s'est évanouie une grande ambition nationale. Les autres aménagements prévus tels que les liaisons Seine-Est et Seine-Nord, chères également au coeur de notre rapporteur général,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jacques Oudin. ... avancent presque aussi lentement... qu'une péniche à l'arrêt !
Quant à notre réseau fluvial, il est dans un état d'entretien qui nous place en queue des pays européens.
Parmi les autres grandes infrastructures de transport, il y a les autoroutes. J'ai eu la chance, dans ma carrière, monsieur le secrétaire d'Etat, de commencer à travailler auprès d'un des grands aménageurs de notre territoire, Olivier Guichard. Partie très en retard par rapport à ses voisins européens, la France a mis au point un dispositif efficace qui lui a permis d'aménager des milliers de kilomètres d'autoroutes concédés.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Exact !
M. Jacques Oudin. Ce réseau est loin d'être achevé, mais il a un triple objet qui en fait un outil essentiel dans la compétitivité globale de notre économie.
Premièrement, il doit permettre de désenclaver les régions éloignées ou difficiles d'accès, en particulier les zones littorales ou les zones montagneuses.
Deuxièmement, le projet vise à faciliter le développement économique, car les systèmes de production et de stockage ont évolué de telle façon que les pièces ou les produits finis sont davantage sur la route et l'autoroute que dans les hangars ou sur les chaînes de production. Il n'y a plus guère d'entreprises qui acceptent désormais de s'implanter ou de se développer si elles ne sont pas situées à proximité d'un échangeur autoroutier ou d'une voie rapide.
Enfin, troisièmement, ce réseau tend à relier la France à l'Europe, car notre pays a vocation, ai-je dit, à être la plaque tournante autoroutière de l'Europe. C'est une évidence que comprennent bien nos amis espagnols, portugais, anglais, belges, allemands, hollandais ou italiens. Je souhaite que les autorités françaises en soient toujours persuadées.
Car il est évident que, dans un marché unique qui se développe, qui voit les échanges croître plus vite que les richesses nationales et la part de la route s'accroître au détriment de tous les autres modes de transport, il est indispensable d'achever au plus vite notre réseau autoroutier.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jacques Oudin. En 1994, le Gouvernement s'était engagé à l'achever en dix ans, pour 2005 donc. Cet objectif est désormais totalement abandonné.
En effet, nous savons depuis longtemps - cela ne date pas d'aujourd'hui - que les directions de votre ministère, que ce soit celle du budget ou celle du Trésor, ne sont pas favorables aux autoroutes. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Nous savons aussi, et c'est un comble, que le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement leur est hostile. Nous savons encore que le ministère des transports ne porte d'intérêt qu'au réseau ferroviaire. Nous savons, dans ces conditions, que 1 587 kilomètres d'autoroutes ont été soit reportés, soit retardés, soit annulés. J'ai lu, à cette tribune, le 7 avril dernier, la liste de toutes les sections menacées : personne ne m'a contredit !
Pour justifier son hostilité aux autoroutes, le Gouvernement a avancé toutes sortes d'arguments, qui sont tous indéfendables.
On nous a ainsi expliqué que les autauroutes étaient trop chers, car leur coût au kilomètre avait augmenté de 40 % en cinq ans. C'est exact, mais c'est nous - Gouvernement et Parlement - qui l'avons voulu en votant des contraintes nouvelles issues des lois sur les paysages, sur le bruit et sur l'eau.
On nous a de même expliqué que les sociétés d'autoroutes avaient un déficit de 150 milliards de francs et ne pourraient pas faire face à leurs échéances : on a confondu tout simplement endettement et déficit. Vous savez bien qu'une section d'autoroute atteint le « grand équilibre » financier si son trafic est égal à 20 000 véhicules par jour. Or la moyenne du trafic journalier de tout le réseau concédé est de 25 000 véhicules par jours. Ce réseau est donc rentable.
Certes, certaines sections sont déficitaires et d'autres excédentaires. C'est la raison pour laquelle le gouvernement d'Edouard Balladur avait réformé, le système autoroutier entre 1993 et 1994, en regroupant les sociétés et en aménageant le système de péréquation des péages. Cela a permis de donner une impulsion décisive à la mise en chantier de nouvelles sections autoroutières.
Vous vivez encore sur cet acquis, mais la décroissance des mises en service va apparaître rapidement.
On nous a encore expliqué que le système français était contraire aux règles européennes, mais le rapport de la commission d'enquête du Sénat a fait justice de cette affirmation.
Or, curieusement, on ne nous a jamais parlé de la sécurité renforcée que procurent les autoroutes, alors même que le Gouvernement tient de grands discours généreux sur la sécurité routière.
Pourtant, chacun sait qu'une autoroute est cinq fois plus sûre qu'une route normale et plus sûre qu'une voie rapide traditionnelle. Supportant près de 20 % du trafic national, les autoroutes engendrent moins de 3 % des tués sur les 8 000 que l'on compte annuellement dans les accidents de la route.
N'oubliez jamais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un kilomètre d'autoroute en moins, c'est souvent un mort en plus !
Au nombre des autres grands renoncements de la politique gouvernementale, je citerai l'abandon de notre ambition maritime.
Le Parlement avait voté, en juillet 1996, la loi sur le financement des parts de copropriétés de navires, les fameux quirats. J'avais été modestement un des acteurs de cette réforme présentée par M. Bernard Pons.
En décembre 1997, soit dix-huit mois plus tard, ces dispositions étaient abrogées, faisant ainsi de la France un des champions du « yo-yo fiscal », c'est-à-dire de l'incertitude fiscale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par pure idéologie !
M. Jacques Oudin. Pendant sa très brève existence, ce nouveau système fiscal avait suscité un intérêt évident et l'on voyait renaître notre développement maritime. Près de cinquante projets avaient été préparés, dont une vingtaine de navires de commerce. Tout cela a donc été quasiment annulé, quasiment, car il y a un dispositif de remplacement, mais il n'a plus qu'un intérêt limité.
Votre méthode, qui consiste à abroger par un simple article de la loi de finances ce que le Parlement a mis des mois et des semaines à élaborer après de nombreux débats, me paraît particulièrement méprisante à l'égard du travail parlementaire.
Quant aux ambitions que nous avions mises dans le développement de nos programmes portuaires, elles ont également été limitées, au point que la France continuera à être à la remorque des grands ports de la mer du Nord. Limités dans leurs accès autoroutiers et ferroviaires, nos ports font figure de parents pauvres à l'échelon européen.
Un dernier mot sur notre flotte de commerce : la France est la quatrième puissance exportatrice, sa flotte occupe le vingt-huitième rang mondial, je crois, après celle des Chypriotes. Cela se passe de commentaires.
Je conclurai mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous parlant d'histoires d'eau. (Sourires.)
M. Denis Badré. Allons bon !
M. Jacques Oudin. L'article 30 de votre projet de loi de finances créant la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, suscite des interrogations qui se transforment vite en inquiétudes dès que l'on perce les intentions du Gouvernement. Certes, regrouper des taxes et simplifier un dispositif peut être louable en soi. Mais s'il s'agit, là encore, de modifier par un simple article d'une loi de finances...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais c'est le rôle de la loi de finances !
M. Jacques Oudin. ... les dispositifs débattus et mis en place par cinq lois votées par le Parlement, le procédé nous paraît un peu cavalier.
Quand, de surcroît, il s'agit de centraliser toutes ces ressources auprès du Trésor, alors que le Parlement avait souhaité les affecter à un organisme déterminé, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, pour remplir des missions spécifiques, cela nous paraît tout à la fois dangereux et inadapté au regard des objectifs poursuivis.
Quand, enfin, le Gouvernement annonce qu'il envisage d'étendre ce système, l'an prochain, à toutes les agences de l'eau et de reprendre ainsi, au moins, 12 milliards de francs, cela nous paraît inacceptable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Recentralisation !
M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, il existe, dans notre pays, deux secteurs d'investissements publics qui fonctionnent bien car ils s'autofinancent. Le premier, c'est le secteur autoroutier car les dépenses sont gagées par les recettes futures des péages.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pas toujours !
M. Jacques Oudin. Le second, c'est le secteur de l'eau car les investissements nécessaires et considérables sont largement financés par les redevances perçues par les agences de l'eau.
Pendant la décennie quatre-vingt, les investissements dans le secteur de l'eau ont baissé. Nous nous trouvions, à cette époque, dans une situation difficile. C'est le gouvernement de Michel Rocard qui a redressé la situation avec la loi sur l'eau de 1992 et le Ve programme des agences de l'eau. L'oeuvre engagée a été poursuivie par les gouvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé. De 40 milliards de francs de travaux pour le Ve programme, les investissements ont atteint 90 milliards de francs pour le VIe programme et s'élèveront à 105 milliards de francs pour le VIIe programme.
Dans les deux cas, recettes de péages et redevances sur l'eau, vous avez été et vous êtes toujours tentés de centraliser ces ressources au niveau du Trésor. Cela peut se comprendre quand on a la responsabilité de gérer un déficit budgétaire de 236 milliards de francs.
La méthode est toujours la même. Pour le secteur routier, vous aviez envisagé de créer une holding « Routes de France » qui aurait centralisé les recettes de péages et les crédits routiers - qui, au demeurant, baissent de 10 % dans le projet de budget pour 1999 - pour répartir, ensuite, pour partie, ces crédits sur l'ensemble du réseau routier. C'est l'exemple même d'une politique de saupoudrage, opposée à une politique d'équipements structurants.
Pour l'eau, toutes les redevances devraient aller au Trésor mais seule une partie retournerait au financement des investissements destinés à l'eau. Cette fuite, cette perte en ligne due à l'affectation de ces ressources à d'autres usages que l'eau a été baptisée du nom pompeux de « double dividende » : c'est la plus vaste escroquerie intellectuelle qui ait jamais été présentée au Parlement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Jacques Oudin. Bref, ne vous étonnez pas, dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission des finances du Sénat ait décidé de supprimer l'article 30.
Certes, tout dispositif peut être amélioré. Cela est certainement le cas des agences de l'eau. Mais elles ont permis à la France de faire des progrès considérables, de bâtir, avec nos grandes entreprises spécialisées, une « école de l'eau » parmi les plus performantes du monde, de mettre en oeuvre des dispositifs que l'Europe et les autres pays souhaitent transposer avec ces trois principes essentiels : une gestion décentralisée par bassin, une gestion démocratique avec tous les usagers, un autofinancement et une adéquation entre les recettes et les dépenses à l'échelon local.
C'est l'ensemble de ce dispositif que vous détruirez en procédant à une centralisation, source d'évasion financière, au mépris de ce que la nation et son Parlement ont souhaité en votant, à l'unanimité, les lois de 1964 et de 1992.
Enfin, je ne dirai qu'un mot d'une inquiétude à long terme : notre capacité à maintenir notre potentiel électronucléaire. Une des premières décisions du Gouvernement auquel vous appartenez a été d'arrêter Super-Phénix.
A terme, quelle sera votre politique pour le maintien, le renouvellement, voire le développement, de notre parc de centrales nucléaires ? Nous avons un des potentiels les plus performants du monde, des équipes de chercheurs et d'ingénieurs qui font autorité, des capacités d'exportation considérables pour peu que nous puissions mieux nous associer avec nos amis allemands. En maîtrisant et en améliorant davantage les techniques de traitement des déchets, nous avons, nous aurons, avec l'énergie nucléaire une des énergies les plus écologiques qui soit car elle ne produit pas de gaz à effet de serre.
L'avenir de notre pays est largement conditionné par ses capacités à investir.
Nous nous réjouissons que l'investissement des entreprises ait repris une croissance nouvelle.
Nous souhaitons que nos collectivités locales puissent continuer à disposer des ressources suffisantes afin de poursuivre leur politique d'aménagement.
Nous critiquons vivement l'incapacité de l'Etat à maintenir son effort d'investissement pour compenser son laxisme en matière d'augmentation des dépenses de fonctionnement.
Bref, pour toutes ces raisons, vous le pensez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous est impossible de voter un tel projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous étiez fixé deux objectifs lors de la présentation des orientations budgétaires : le ralentissement de la dette et une progression limitée des dépenses publiques.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il y en avait d'autres !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous aviez également prévu le redéploiement des crédits existants et de nouvelles sollicitations des comptes du Trésor, avec une pression fiscale ne devant pas s'accroître, des réformes modestes en matière de fiscalité du patrimoine et des réformes plus marquées mais plus contestables en ce qui concerne la fiscalité locale.
Ces objectifs ont été tenus, mais les propositions faites constituent un projet de loi de finances pour 1999 comportant des mesures qui, pour la plupart d'entre elles, sont inspirées par des intentions de progrès, mais qui manquent de détermination dans l'expression et le chiffrage et qui reposent sur un certain nombre d'incertitudes.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit du premier projet de budget du gouvernement de la gauche plurielle issu des élections de 1997. On pouvait espérer un budget plus important, comportant des réformes de structures plus vastes, un budget plus généreux en matière d'emploi, de logement et de réponses aux besoins sociaux.
On aurait pu espérer aussi une réforme fiscale avec un renforcement de l'efficacité et de la justice sociale par l'impôt sur le revenu, et par la taxation des revenus financiers par l'extension de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Je ferai donc un certain nombre de remarques.
Première remarque : le périmètre de la loi de finances est élargi de 45,6 milliards de francs, à la suite d'une recommandation de la Cour des comptes. Des fonds de concours ont été réintroduits dans le budget. Il est juste que les crédits de paiement des retraites des postiers, des dépenses relatives au logement, au fonds de soutien aux hydrocarbures soient inscrits au budget général.
Nous approuvons pleinement cette mesure de transparence. Nous souhaiterions que soit revue la possibilité dont le Gouvernement dispose pour annuler des crédits en cours d'exercice, par le jeu de l'article 13 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Les gouvernements ne devraient pas être autorisés à amputer les crédits par simple arrêté, sans avis du Parlement.
Il est juste que l'allocation de parent isolé soit prise en charge par le budget de l'Etat, et non par la sécurité sociale. Un droit se définit par une reconnaissance budgétaire. A ce propos, envisagez-vous d'inscrire au budget de 1999 l'allocation de rentrée scolaire exceptionnelle de 1 600 francs par enfant perçue par certaines familles ? Il y a certainement encore d'autres dépenses qui doivent être inscrites au budget de l'Etat.
Ma deuxième remarque est plus politique. L'inscription de votre démarche budgétaire dans le respect des critères de convergence de l'Union européenne aura pour conséquence de limiter la portée de mesures nouvelles des titres IV, V et VI de la deuxième partie, mais aussi de marquer la conception générale de la fiscalité dans notre pays et son devenir. Cela sera perceptible en ce qui concerne les droits d'accises sur les produits pétroliers et la fiscalité de l'environnement et du patrimoine.
Ma troisième remarque porte sur l'incertitude de certaines ressources liées à la croissance espérée. Cette incertitude est fondée sur un taux de croissance de 2,7 % en 1999, alors que l'OCDE se montre plus réservée et que la plupart des organismes de prévisions le situent plutôt au niveau de 2,3 %.
Incertitude également, qui a été expliquée clairement par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le point de savoir si la France et l'Europe seront capables de maintenir le taux de croissance actuelle pendans les cinq années à venir. Nous pensons qu'une revalorisation du Smic, des pensions, des salaires, des minima sociaux, une baisse de TVA sur les produits de consommation courante seraient autant de moyens efficaces pour garantir cette croissance.
Ma quatrième remarque porte sur les faiblesses des modifications de structures pour faire avancer une politique de gauche.
M. Lionel Jospin a écrit : « Il s'agit d'équilibrer par la politique et l'action de l'Etat les déséquilibres que produit le capitalisme. L'économie de marché oui, une société de marché non. »
M. Philippe Marini, rapporteur général. Belle formule !
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'existence d'une fiscalité nouvelle fondée sur l'équité, la sincérité des ressources et la transparence dans l'imposition nous paraît être un élément premier des réformes de structures.
Après ces remarques, je voudrais, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, formuler un certain nombre d'interrogations.
Il est vrai que, jusqu'à ce projet de budget, la tendance consistait plutôt à polariser les fruits de la croissance en direction des plus grandes entreprises, des contribuables les plus aisés et de la spéculation financière.
Nous constatons avec intérêt que la philosophie générale qui sous-tend le projet de loi de finances et que nous soutenons se fonde beaucoup plus sur la recherche d'une croissance économique réelle appuyée sur le développement de la demande intérieure.
Nous observons de manière positive les mesures de réduction de la TVA sur les abonnements EDF et GDF, ou encore l'exonération de TVA sur les terrains à bâtir pour les particuliers.
Pourquoi ne retenez-vous pas notre proposition de réduction de TVA sur d'autres produits, notamment les produits alimentaires courants ? Je pense, entre autres produits, au chocolat.
Pourquoi ne voulez-vous pas réduire la TVA sur les services funéraires, sur l'utilisation des installations sportives, sur l'énergie calorifique fournie par les réseaux de chaleur ? Pourquoi ne voulez-vous pas exonérer de taxe sur les salaires les associations à but non lucratif ? Vous le savez, ces réductions favoriseraient l'emploi.
De la même façon, nous apprécions positivement les mesures concernant l'imposition sur les grandes fortunes.
Pourquoi ne voulez-vous pas aller encore vers plus de justice fiscale en prenant en compte les biens professionnelles et les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF ? Et pourquoi refuser de modifier le plafond ?
Ces mesures, nous vous les proposerons de nouveau car ce sont des mesures de justice fiscale et elles pourraient rapporter des montants intéressants, comme, d'ailleurs, la taxe sur les opérations d'achat ou de vente des dévises étrangères.
Une autre interrogation forte porte sur la fiscalité locale, Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez relancé le débat sur la réforme de cette fiscalité liée au devenir des relations de l'Etat avec les collectivités locales.
Les principales mesures fiscales que vous proposez, qui génèrent un coût pour l'Etat, portent sur la question de la compensation des allégements de fiscalité locale annoncée : plus de 8 milliards de francs sont consacrés à l'allégement des droits de mutation à titre onéreux perçus par les régions et par les départements, et la réforme engagée de la taxe professionnelle par suppression de la part sur les salaires dans l'assiette de la taxe, représente, en valeur nette, un peu moins que cette somme.
Une question est posée. Vous prétendez que la réduction puis l'extinction de la part sur les salaires auront des répercussions sur l'emploi. Nous vous demandons de préciser votre position, monsieur le secrétaire d'Etat.
Selon le rapport Migaud, cette mesure permettrait de créer environ 25 000 emplois, ce qui est bien peu au regard des besoins. Mais si à l'issue de la première année les collectivités territoriales ne perdront rien, qu'en sera-t-il ensuite ?
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les élus sont très inquiets en ce qui concerne la pérennité de la mesure. Les finances locales sortent d'un purgatoire de trois ans dû au pacte de stabilité.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il faut le dire !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le bilan est désastreux : 7 milliards de francs ont été perdus sous le gouvernement de M. Juppé, alors que l'on aurait pu récupérer 19 milliards de francs supplémentaires si les collectivités territoriales avaient pu bénéficier des fruits de la croissance.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre proposition visant à faire progresser de 2,75 % la dotation globale de fonctionnenment ne nous satisfait pas. Le taux de la dotation de compensation de la taxe professionnelle baissera de 11,2 %, sauf pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale. La perte globale sera tout de même de 7,4 %. La dotation de compensation de la taxe professionnelle diminuera plus en un an que durant le pacte de stabilité. Si le maintien en 1999 du taux de cotisation à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, nous agrée, cela ne devrait pas vous dispenser de remettre en cause compensation et surcompensation.
En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, les solutions que vous proposez sont des solutions d'attente.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous êtes bien bonne !
Mme Marie-Claude Beaudeau. La suppression pendant cinq ans de la part sur les salaires dans le calcul de la taxe professionnelle se traduira par un transfert de 54 milliards de francs, mais celui-ci ne sera que très partiel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous regretterez votre bienveillance, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il s'effectuera donc au détriment des finances locales. A terme, la taxe professionnelle sera payée à 60 % par les contribuables.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les collectivités locales perdront un sixième de leur pouvoir fiscal, monsieur le secrétaire d'Etat.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. Et voilà !
Mme Marie-Claude Beaudeau. En modifiant la taxe professionnelle, vous soulagez, c'est sûr, les finances patronales. (M. le président de la commission des finances rit.) Vous allez porter un coup sévère à la vie de nos communes, qui perdront le pouvoir de décider d'une partie de leur impôt.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Perdant le pouvoir de percevoir pleinement la taxe professionnelle, les communes perdront une part importante de leur pouvoir de décision. C'est indéniable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très juste !
Mme Marie-Claude Beaudeau. La taxe professionnelle, c'est l'âme et l'arme de beaucoup de communes françaises. Je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le secrétaire d'Etat : l'ensemble des actifs financiers représentait 26 000 milliards de francs en 1997, soit dix-huit fois le budget de l'Etat. Là, M. le rapporteur général ne dit plus que j'ai raison ! Avec un taux d'imposition de 0,3 % de ces actifs, monsieur le rapporteur général, nous obtiendrions 78 milliards de francs. Nous dépasserions les 54 milliards de francs qui manqueront aux communes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les actifs risquent de partir !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous aurons l'occasion de redéfinir nos propositions au cours de la discussion des articles.
A ce propos, je voudrais vous dire, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que vous êtes mal placés pour faire des critiques. N'est-ce pas vous qui, en 1993, avez enclenché ce processus dévastateur pour les finances locales en votant la réforme de la DGF, en abaissant le niveau de compensation de la TVA, grevant les investissements, en abaissant la dotation de compensation de la taxe professionnelle, en décidant d'un allégement transitoire de 16 % de la taxe professionnelle, en changeant les règles de plafonnement des taxes locales et en décidant la quasi-disparition des exonérations de taxes foncières ?
M. Michel Sergent. Eh bien...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela représente un héritage lourd et un relais difficile à assumer. (Ah oui ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Notre honnêteté politique nous conduit à dire ici à la majorité de la commission des finances et à son rapporteur général qu'ils ne devraient pas avoir la mémoire aussi courte.
Tout au long du débat, monsieur le secrétaire d'Etat, nous reviendrons, en défendant nos amendements, sur cette réforme fiscale, pour démontrer que celle-ci devrait répondre à trois exigences : la justice dans la répartition du financement de la dépense publique, la redistribution effective des fruits de la croissance, l'efficacité économique et sociale, avec, bien entendu, la satisfaction des besoins sociaux pour objectif.
Je voudrais faire une observation s'agissant de la privatisation du Crédit Lyonnais, monsieur le secrétaire d'Etat.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans sa note de présentation des comptes spéciaux du Trésor, mon ami Paul Loridant remarque que les recettes affectées au compte d'affectation spéciale pourraient atteindre 58 milliards de francs, contre 28 milliards de francs inscrits au projet de budget. Parmi les postes de recettes, on relève les privatisations d'Air France, du GAN et de France Télécom, mais celle du Crédit Lyonnais n'apparaît pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très surprenant !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous demande donc de nous confirmer qu'il n'est plus dans votre intention de privatiser le Crédit Lyonnais, la dernière grande banque publique populaire.
La privatisation signifierait que, après sa remise à flots grâce aux deniers publics, la bonne banque serait vendue au privé, alors que, en revanche, la mauvaise banque, celle des actifs compromis gérés par le Consortium de réalisation, resterait à la charge de la collectivité nationale jusqu'en 2014. Ni l'Etat, ni les 5 millions de clients du Crédit Lyonnais, ni les salariés qui souffrent des choix de leurs dirigeants d'hier et d'aujourd'hui, ni les contribuables n'ont intérêt à ce que l'on poursuive dans une voie socialement injuste et économiquement dangereuse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous confirmer que le Crédit Lyonnais ne sera pas privatisé ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellente question !
Mme Marie-Claude Beaudeau. En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, nos propositions visent à faire en sorte que ce projet de budget permette le progrès social et la justice fiscale. Nous ne suivrons pas la commission des finances,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle déception !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... laquelle envisage au contraire de réduire les dépenses de 26 milliards de francs.
Nous combattrons les amendements qui réduisent les dépenses publiques et les dépenses sociales.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : dans les charges communes, au chapitre 44-91, vous proposez, monsieur le rapporteur général, une économie de 2,1 milliards de francs sur les crédits d'encouragement à la construction immobilière. Concrètement, cette réduction porterait sur les primes à la construction concernant les habitations à loyer modéré, les logements financés par les prêts spéciaux du Crédit foncier de France, les prêts consentis aux fonctionnaires, l'amélioration de l'habitat rural, les départements d'outre-mer et les prêts locatifs aidés.
Nous ne laisserons pas pervertir un budget, qui présente encore pourtant des faiblesses et des insuffisances, pour en faire un budget d'austérité et de régression sociale. Notre groupe sera là aux côtés du Gouvernement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, pour terminer, vous demander si vous confirmez l'organisation d'un débat sur l'évolution du secteur financier public et le rôle de ce dernier dans l'économie nationale. Une réforme du crédit est indispensable afin d'inciter les entreprises, les PME, à investir dans le développement de l'industrie et des services. Comment l'Etat pourrait-il mettre en oeuvre une telle orientation nationale sans disposer d'établissements publics lui permettant d'impulser ses objectifs ?
Voilà un thème complémentaire du débat. L'acceptez-vous, et ce bien entendu, avant la discussion du projet de loi de modification des statuts de la Caisse d'épargne ?
Cette année, notre débat budgétaire, en plein coeur du mouvement social, sera inédit et conquérant. Certaines de nos propositions ont déjà été retenues à l'Assemblée nationale. Nous poursuivrons ici, au Sénat, un débat que nous voulons franc et positif.
Un budget tenant les engagements, c'est possible, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances donne l'occasion de faire le point sur la politique fiscale que mène le Gouvernement et permet également aux parlementaires de préciser leurs choix.
Pour quelques instants, je voudrais revenir sur les propos tenus par M. le rapporteur général à l'ouverture de notre débat, propos confirmés, si je puis dire, par M. le président de la commission des finances.
Vos arguments contre le projet de budget du Gouvernement et l'esprit qui préside à votre contre-proposition ne sont pas nouveaux. Ils ont été maintes fois réaffirmés dans cette enceinte - martelés, oserai-je même dire - par la majorité sénatoriale, et par la droite dans son ensemble. Je ne vous en fais pas grief, bien sûr, car je pense que ces propos s'inscrivent au coeur même de vos convictions, et il est clair que celles-ci restent invariables en matière fiscale.
Pour vous et vos amis, il faut que régresse de manière impérieuse et sans relâche le niveau des dépenses de l'Etat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Des dépenses de fonctionnement !
M. Marc Massion. C'est un leitmotiv permanent dont vous ne vous fatiguez pas mais qui a lassé les Français !
En effet, vous êtes intimement convaincu que l'Etat est à l'origine, sinon de tous les maux de notre société, en tout cas d'un bon nombre.
Cette idée est effectivement ancrée au coeur de la doctrine libérale. Cette école préfère laisser totalement libre cours à l'intervention du marché, à l'initiative individuelle et aux modes de financements privés plutôt que de déveloper des mécanismes de solidarité et d'offrir des services publics répondant aux besoins de la population.
Mais - faut-il vous le rappeler ? - ce type de choix libéral ne se retrouve pas dans l'histoire de notre pays, dans l'histoire de la République ! En revanche, on a une parfaite illustration des effets dévastateurs de cette politique dans les pays qui ont toujours laissé, tout au long de leur histoire, le champ libre à ces thèses ; je pense ici, en particulier, aux Etats-Unis.
Je ne peux m'empêcher de rappeler un chiffre publié voilà quelques mois dans un quotidien : 40 % des Américains qui se situent en dessous du seuil de pauvreté sont des personnes travaillant ou ayant, dans leur cellule familiale, quelqu'un qui travaille.
Le fameux Struggle for life ne crée pas que des Bill Gates ! La réalité est bien plus complexe. Il n'y a pas que des créations d'emplois qualifiés ou suffisamment rémunérateurs pour vivre décemment dans ce pays. Robert Reich souligne lui-même que les créations d'emplois qualifiés profitent essentiellement à ceux qui possèdent déjà un haut niveau d'éducation, et il revendique l'intervention de l'Etat afin de donner à chacun un bagage éducatif suffisant.
Aujourd'hui, aux Etats-Unis, les écarts de richesse se sont creusés. Ainsi, la part du PIB perçue par les 5 % les plus riches de la population est effectivement passée, dans ce pays, de 16,5 % en 1974 à 21,1 % en 1994. Quant à la part des plus pauvres, elle a, elle, diminué, passant de 4,8 % à 3,6 % !
Qu'il n'y ait pas, toutefois, d'ambiguïté : il ne s'agit pas dans mon esprit de lancer un quelconque anathème. Tous les choix politiques se respectent en tout cas, presque tous.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais nous, nous n'avons pas parlé des Etats-Unis !
M. Marc Massion. Je souhaite seulement que certains de ces choix ne soient pas des exemples pour notre pays.
Il s'agit, en effet, de savoir ce que l'on veut. Il ne suffit pas de dire qu'il y a trop de dépenses publiques. En fait, les tenants du libéralisme critiquent non pas tellement les dépenses en elles-mêmes, mais bien plutôt le fait qu'elles soient publiques, c'est-à-dire payées, au travers du budget de l'Etat ou des autres administrations publiques, par l'impôt des contribuables. Il est important de le souligner parce que les dépenses dont il est question correspondent à des besoins indispensables pour la quasi-intégralité de nos concitoyens.
N'oublions pas que le budget de l'Etat est donné comme incompressible pour une part substantielle de ses dotations.
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. C'est bien son drame !
M. Marc Massion. Le taux de 90 % est souvent cité. Quel que soit le niveau où l'on mettra le curseur, et sans entrer dans des débats d'experts, qui ira dire que notre pays a trop d'instituteurs, d'infirmières, de juges, ou de policiers ? J'oserai dire personne ! D'ailleurs, l'opposition elle-même est fort peu prolixe lorsqu'on l'interroge pour savoir où elle souhaite réaliser des coupes budgétaires, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous le disons !
M. Marc Massion. ... d'autant que nos collègues tenants de cette politique au Parlement se gardent bien, le plus souvent, de l'appliquer dans les collectivités territoriales qu'ils dirigent. Mieux même, et évidemment quand le Gouvernement est de gauche, on voit ici et là des voeux émis et des motions votées pour demander, à la suite de telle ou telle difficulté locale, plus de policiers, plus d'infirmières, plus d'enseignants.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai !
M. Marc Massion. Et pourtant, j'entends depuis toujours déclarer par la majorité sénatoriale, surtout d'ailleurs quand elle est dans l'opposition, qu'il convient de « s'attaquer aux composantes les plus rigides de la dépense publique, en particulier les dépenses de la fonction publique ».
Qui ira dire que les remboursements de sécurité sociale sont trop élévés ou que l'on pourrait se passer de bon nombre de services publics municipaux ou encore qu'il convient de diminuer les interventions économiques de l'Etat dont le rôle est d'être contracyclique et donc bénéfique en terme de croissance ?
En France, personne n'est réellement jamais passé aux actes en s'attaquant à de prétendus « gisements » où l'argent public serait affecté à des missions stériles, voire néfastes, improductives au niveau tant social qu'économique. Pour ma part, je pense que la raison en est qu'une telle entreprise n'est possible qu'à l'extrême marge.
Nous croyons, en revanche, à la nécessité d'améliorer l'efficacité de la dépense publique. Cela relève d'une tout autre démarche qui consiste à redonner encore plus de poids et d'effet à l'action publique : en clair et en tout cas, faire mieux et non pas faire moins.
Malheureusement pour elle mais heureusement pour le pays, à chaque fois que la droite est au pouvoir, ses discours ne sont pas suivis d'actes. Non seulement le niveau des prélèvements obligatoires s'accroît - la période 1993-1997 en est un exemple criant - mais le volume des dépenses n'est nullement maîtrisé à la baisse.
Je ne reviendrai pas sur le détail de l'audit réalisé voilà un an et demi lors du retour de la gauche au pouvoir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faisait de bonnes préconisations.
M. Marc Massion. Cet audit illustrait bien ces dérapages, ce dont tout le monde se souvient encore.
C'est comme si, d'une certaine manière, vous n'osiez pas aller jusqu'au bout de vos convictions, qui sont sincères, j'en suis sûr, mais qui sont très difficiles à mettre en oeuvre dans notre pays où chacun a une bonne conscience des atouts dont il dispose, en matière de service public en particulier, et qu'il souhaite préserver. Dès lors, quel jugement convient-il d'apporter ?
Faut-il considérer que ce que vous dites est critiquable en soi, ou bien que c'est critiquable parce que vous ne faites pas ce que vous dites ?
J'ai envie de répondre doublement de façon positive. Cela ne signifie pas que votre démarche soit paradoxale. Mais je crois seulement que votre discours, qui est bien sûr l'expression de votre pensée, ne peut être transformé en actes contre la volonté de la population.
Concernant le niveau des prélèvements obligatoires, je pense qu'il serait enfin temps que les responsables politiques de droite dans notre pays arrêtent de nous faire le reproche d'augmenter systématiquement les impôts. D'une part, parce que cela fait maintenant près de quinze ans que nous nous appliquons à les réduire et que nous y réussissons, d'autre part, parce que, bien qu'elle souhaite les baisser, la droite les augmente quand elle est au pouvoir.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres, que personne ne peut objectivement, voire honnêtement, contester.
Je sais bien, chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous vous efforcez toujours d'expliquer que si la gauche peut baisser les impôts, c'est grâce à la gestion passée de la droite et que si la droite augmente les impôts, c'est à cause des prétendues erreurs de la gauche.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La tendance est pourtant là !
M. Marc Massion. Je dirai seulement que ce raisonnement requiert beaucoup d'acrobaties intellectuelles qui ne trompent pas - ou en tout cas plus - les Français.
Pour notre part, nous assumons notre politique, qu'elle offre de bons ou de moins bons résultats et, pour l'instant, force est de constater que cela va plutôt dans le bon sens.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y a des hauts et des bas !
M. Marc Massion. Vouloir baisser les prélèvements obligatoires est une orientation qu'il est souhaitable d'envisager non par principe mais parce que c'est un choix politique possible.
Les comparaisons internationales des recettes publiques des différents pays dans le monde sont toujours à prendre avec beaucoup de circonspection, parce que, en regard de ces recettes, les systèmes de dépenses publiques ne sont pas homogènes entre ces pays. Il est donc illusoire de vouloir séparer ces deux volets - les recettes et les dépenses - qui n'ont de sens que reliés l'un à l'autre.
Les impôts servent une politique et, partant, un choix de société. Certes, les contribuables les plus aisés ne reçoivent jamais autant que ce qu'ils donnent. Mais est-ce critiquable ? Je ne le pense pas. C'est le principe même de la solidarité !
La question est moins de baisser l'impôt que de se demander quel impôt doit être baissé. Certes, si l'on choisit, comme le fait en général l'opposition, de baisser l'impôt pour les plus riches, ces derniers étant moins nombreux que les autres, il est possible d'envisager des baisses d'impôt individuelles et substantielles. Cela a été le cas de la dernière réforme du barème de l'impôt sur le revenu en 1996, qui a bien profité à ceux qui en ont bénéficié. Sauf qu'au total la moitié de la population - ceux de nos concitoyens qui sont les plus modestes - en a été écartée.
En revanche, si l'on souhaite abaisser l'impôt pour le plus grand nombre, une telle politique a un coût élevé - c'est vrai - et ne passe pas forcément par des baisses d'impôt substantielles pour chacun. C'est pourtant cette politique qu'il convient de mettre en oeuvre, pour des raisons de justice mais aussi d'efficacité économique : l'orientation de la présente loi de finances est là pour le démontrer.
La croissance d'un pays n'est pas uniquement alimentée par les couches les plus aisées de la société. Au contraire, même, la demande intérieure dépend essentiellement des couches modestes et moyennes de la population : le nombre compense la moindre ampleur du pouvoir d'achat individuel.
L'efficacité économique peut aller de pair avec la justice sociale, et donc avec la cohésion sociale.
Il convient d'abaisser des impôts qui, d'une part, sont appliqués au plus grand nombre et, d'autre part, reposent sur des fondements injustes.
Le choix s'impose de lui-même : il s'agit en effet de diminuer les prélèvements indirects, et ce d'autant que ces derniers occupent une place trop importante dans la structure de nos prélèvements. C'est ce qu'a amorcé le Gouvernement dans cette loi de finances et qu'il faudra, bien entendu, poursuivre.
Il est possible - et même souhaitable - de réfléchir également à une baisse d'impôt opérée sur la taxe d'habitation. Trop d'injustices se concentrent encore sur cet impôt, souvent très lourd pour nombre d'assujettis. Nous souhaitons qu'un travail conjoint du Gouvernement et de sa majorité sur ce sujet puisse se concrétiser dans les mois à venir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela a l'air difficile !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut prendre tout le temps nécessaire !
M. Marc Massion. Le Gouvernement affronte les difficultés les unes après les autres et les résout les unes après les autres, contre votre volonté mais avec l'assentiment du peuple.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne nous pressons pas !
M. Marc Massion. Toutes ces réformes coûtent cher. Mais nous avons, pour y faire face, la ressource des plus-values de recettes fiscales apportées par la croissance ainsi que celle qui est dégagée par notre politique de justice fiscale visant les plus gros patrimoines.
Je ne voudrais pas clore mon propos sans parler de la fraude fiscale. Ce fléau, qui résulte du comportement incivique de certains de nos concitoyens, est absolument révoltant, non pas uniquement pour des raisons de morale mais parce que cette fraude ne peut qu'amener en chaîne un sentiment d'injustice et, à l'extrême, d'intolérance fiscale chez les autres contribuables, qui s'acquittent, eux, honnêtement de leur dû.
Tout cela est détestable et mérite d'être combattu, comme le font déjà les services de l'administration fiscale avec opiniâtreté et efficacité. Ainsi, 70 milliards de francs ont été récupérés en 1997, mais il reste encore une fraude estimée entre 200 milliards et 400 milliards de francs.
Je me félicite des résultats importants enregistrés par le Gouvernement en quelques mois et, surtout, de son souci d'aller plus encore de l'avant, comme le montre l'important volet consacré à ce sujet dans le texte du projet de loi de finances.
Je ne doute pas que la majorité sénatoriale sera d'accord avec le Gouvernement pour donner encore plus de moyens humains aux services spécialisés dans cette tâche difficile et pourtant indispensable.
En revanche, nous sommes plus que dubitatifs sur certains effets pervers que risque d'impliquer le dispositif nouveau sur les micro-entreprises,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dans le bâtiment en particulier !
M. Marc Massion. ... mais nous aurons l'occasion de nous exprimer plus en détail à l'occasion de la discussion de l'article en cause.
Pour revenir à des considérations plus extra-territoriales, je voudrais ajouter que rien ne pourra être entrepris chez nous , si, dans le même temps, des initiatives similaires ne sont pas également engagées par Bruxelles sur le même sujet.
C'est pourquoi, en ce qui concerne la TVA intracommunautaire, sur laquelle il reste beaucoup à faire, j'aimerais connaître l'état d'avancement des mesures qui sont envisagées en liaison avec nos partenaires européens.
Si l'on ne se donne pas les moyens, dans le cadre de la zone euro, d'établir un code de bonne conduite fiscale, toute volonté de justice risquera d'en rester au stade des bonnes intentions.
En conclusion, je dirai que, selon nous, le Gouvernement est sur la bonne voie. Son action allie ambition et rigueur et il peut être sûr de trouver auprès de nous soutien sans faille et disponibilité pour travailler ensemble aux actions à mener à l'avenir pour conforter une politique de réforme déjà bien engagée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

10

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 72, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le réglement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 73, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le réglement.

11

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 555, 1997-1998) portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires culturelles.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 66 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de fnancement de la sécurité sociale pour 1999.
Le rapport sera imprimé sous le n° 74 et distribué.

13

DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Nachbar, Marcel Vidal, Ambroise Dupont, Jean Bernadaux, Jacques Valade, Mme Hélène Luc, MM. Albert Vecten, Pierre Laffitte, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Louis de Broissia, Mme Danièle Pourtaud et M. Jacques Legendre un avis, présenté au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 67 et distribué.
J'ai reçu de MM. Gérard César, Alain Gérard, Henri Revol, Bernard Dussaut, Francis Grignon, Jean Besson, Jean-Marie Rausch, Jean-Jacques Robert, Mme Odette Terrade, MM. Michel Souplet, Jean Pépin, Mme Janine Bardou, MM. Georges Gruillot, Jean-Pierre Plancade, Jacques Bellanger, Charles Ginésy, Jean Bizet, Georges Berchet, Jean-François Le Grand, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rodolphe Désiré et Gérard Larcher un avis, présenté au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 68 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Dulait, Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean Faure, Paul Masson, Serge Vinçon, Jean-Claude Gaudin et André Boyer un avis, présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 69 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Louis Boyer, Paul Blanc, Louis Souvet, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain et Jacques Bimbenet un avis, présenté au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 70 et distribué.
J'ai reçu de MM. Daniel Hoeffel, Jean-Patrick Courtois, René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Georges Othily, Patrice Gélard, José Balarello et Jean-Jacques Hyest un avis, présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur le projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n° 65, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 71 et distribué.

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 20 novembre 1998, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Discussion générale (suite).
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 20 novembre 1998, à zéro heure vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






Règles et calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 adopté
par la conférence des présidents du 3 novembre 1998 et modifié par le Sénat dans sa séance du 10 novembre 1998
Discussion des articles et des crédits


DATE

DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 19 novembre 1998
A 16 heures et le soir. Discussion générale 6 h 30

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 16 heures.

Vendredi 20 novembre 1998

A 9 h 30 . Discussion générale (suite et fin) 2 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 15 heures pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

Lundi 23 novembre 1998

A 10 heures, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie 11 h 30

Mardi 24 novembre 1998
A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 10 heures

Mercredi 25 novembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.
Nota. - L'examen des crédits relatifs au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 42.


Examen de l'article 42 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite)



3 heures 8 heures

Jeudi 26 novembre 1998

A 9 h 30, à 16 heures et le soir.

Examen des articles de la première partie (suite et fin)
Eventuellement, seconde délibération sur la première partie Explications de vote sur l'ensemble de la première partie. Scrutin public ordinaire de droit

3 h 30
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 30
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30
.
Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

2 h 30

.
A 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.

Vendredi 27 novembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
. Agriculture et pêche (+ articles 75 A et 75 B) 5 h 30
.

Education nationale, recherche et technologie : I. - Enseignement scolaire (+ article 79 ter )

4 heures

Samedi 28 novembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.

Economie, finances et industrie :
I. - Charges communes (+ articles 77 et 78 et 79 bis ) Comptes spéciaux du Trésor (articles 51 à 53, 53 bis, 54 à 58)


2 heures
.
Economie, finances et industrie : II. - Services communs et finances (et consommation)
1 h 30
. III. - Industrie (et Poste) 3 h 30
. IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (+ article 79) 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure

Lundi 30 novembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Intérieur et décentralisation : - décentralisation

2 h 30
. - sécurité 2 h 30
.
Education nationale, recherche et technologie : II. - Enseignement supérieur
2 h 30
. III. - Recherche et technologie 2 heures
. Anciens combattants (+ articles 75, 76, 76 bis et 76 ter ) 2 heures

Mardi 1er décembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Outre-mer 4 heures
.

Affaires étrangères et coopération : II. - Coopération (et francophonie)

3 h 30
. I. - Affaires étrangères 3 h 30

Mercredi 2 décembre 1998

A 9 h 30 et le soir.
Nota. - La commission des finances se réunira à 15 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.

A 9 h 30 :
Défense :
- exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 48).
- dépenses ordinaires (article 47).
5 heures

.
A 15 heures : conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

.
Le soir : suite de l'ordre du jour du matin.

Jeudi 3 décembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ articles 80 et 81)

4 heures
. II. - Santé et solidarité (+ articles 82, 83 et 84) 3 h 30
.
Aménagement du territoire et environnement : II. - Environnement
3 heures

Vendredi 4 décembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 17 heures.


Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme
I. - Services communs II. - Urbanisme et logement


1 h 30 4 heures
.
III. - Transports :
1. Transports terrestres
2. Routes 3. Sécurité routière


3 heures
.
4. Transport aérien et météorologie (+ article 85) Budget annexe de l'aviation civile
1 h 30
.
IV. - Mer :
- marine marchande - ports maritimes

1 h 30

Samedi 5 décembre 1998

A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : III. - Ville

2 heures
. Jeunesse et sports 2 heures
. Culture 3 h 30
. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; article 63 et lignes 44 et 45 de l'état E annexé à l'article 59) 3 h 30

Dimanche 6 décembre 1998

A 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 7 décembre 1998

A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice 3 heures

A 16 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Mardi 8 décembre 1998

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.



RAPPEL DES DÉCISIONS DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DU 3 NOVEMBRE 1998 CONCERNANT LES MODALITÉS DE DISCUSSION ET DE RÉPARTITION DES TEMPS DE PAROLE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999
Délais limites pour le dépôt des amendements.
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 4 décembre 1998, à 17 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- 15 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse 2 heures ;

- 10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à 2 heures ;

- 5 minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes.

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- 10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse 2 heures, ce temps étant réduit à 5 minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- 5 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à 2 heures.

c) Les groupes : Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de 10 minutes à chaque groupe et de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à 1 h 30, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à 1 h 30, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à 5 minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de 10 minutes à chaque groupe et un temps de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de 15 minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de 5 minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de 5 minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de 5 minutes.
Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

NOMINATION DE RAPPORTEURS

Projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale :
Rapporteur général : M. Philippe Marini.
Rapporteurs spéciaux :

BUDGETS


RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. - BUDGETS CIVILS

A. - Budget général

Affaires étrangères et coopération :

I. - Affaires étrangères M. Jacques Chaumont.
II. - Coopération M. Michel Charasse.
Agriculture et pêche M. Joël Bourdin.

Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire M. Roger Besse.
II. - Environnement M. Philippe Adnot.
Anciens combattants M. Jacques Baudot.

Culture et communication :
Culture M. Yann Gaillard.
Communication audiovisuelle M. Claude Belot.
Presse M. Claude Belot.

Economie, finances et industrie :
I. - Charges communes M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
II. - Services communs et finances M. Bernard Angels.
III. - Industrie M. Jean Clouet.
IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat M. René Ballayer.
Commerce extérieur M. Marc Massion.

Education nationale, recherche et technologie :
I. - Enseignement scolaire M. Jacques-Richard Delong.
II. - Enseignement supérieur M. Jean-Philippe Lachenaud.
III. - Recherche et technologie M. René Trégouët.

Emploi et solidarité :
I. - Emploi M. Joseph Ostermann.
II. - Santé et solidarité M. Jacques Oudin.
III. - Ville M. Alain Joyandet.

Equipement, transports et logement :
I. - Services communs M. Jacques Pelletier.
II. - Urbanisme et logement M. Jacques Pelletier.

III. - Transports :
Transports terrestres M. Auguste Cazalet.
Routes .
Sécurité routière M. Gérard Miquel.
Transport aérien et météorologie M. Yvon Collin.

IV. - Mer :
Marine marchande M. Claude Lise.
Ports maritimes M. Marc Massion.
V. - Tourisme Mme Marie-Claude Beaudeau.
Fonction publique et réforme de l'Etat M. Gérard Braun.

Intérieur et décentralisation :
Sécurité M. André Vallet.
Décentralisation M. Michel Mercier.
Jeunesse et sports M. Michel Sergent.
Justice M. Hubert Haenel.
Outre-mer M. Henri Torre.

Services du Premier ministre :
I. - Services généraux M. Roland du Luart.
II. - Secrétariat général de la défense nationale M. Michel Moreigne.
III. - Conseil économique et social M. Claude Lise.
IV. - Plan M. Claude Haut.

B. - Budgets annexes

Aviation civile M. Yvon Collin.
Journaux officiels M. Thierry Foucaud.
Légion d'honneur. - Ordre de la Libération M. Jean-Pierre Demerliat.
Monnaies et médailles Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Prestations sociales agricoles M. Joël Bourdin.

II. - DÉFENSE
Exposé d'ensemble et dépenses en capital M. Maurice Blin.
Dépenses ordinaires M. François Trucy.

III. - AUTRES DISPOSITIONS
Comptes spéciaux du Trésor M. Paul Loridant.

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Culture M. Philippe Nachbar.
Cinéma. - Théâtre dramatique M. Marcel Vidal.
Environnement M. Ambroise Dupont.
Enseignement scolaire M. Jean Bernadaux.
Enseignement supérieur M. Jacques Valade.
Enseignement technique Mme Hélène Luc.
Enseignement agricole M. Albert Vecten.
Recherche scientifique et technique M. Pierre Laffitte.
Jeunesse et sports M. James Bordas.
Communication audiovisuelle M. Jean-Paul Hugot.
Presse écrite M. Louis de Broissia.
Relations culturelles, scientifiques et techniques Mme Danièle Pourtaud.
Francophonie M. Jacques Legendre.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Agriculture M. Gérard César.
Pêche M. Alain Gérard.
Aménagement rural M. Henri Revol.
Industries agricoles et alimentaires M. Bernard Dussaut.
Industrie M. Francis Grignon.
Energie M. Jean Besson.
Recherche M. Jean-Marie Rausch.
PME. - Commerce et artisanat M. Jean-Jacques Robert.
Consommation et concurrence Mme Odette Terrade.
Commerce extérieur M. Michel Souplet.
Aménagement du territoire M. Jean Pépin.
Plan Mme Janine Bardou.
Routes et voies navigables M. Georges Gruillot.
Logement M. Jean-Pierre Plancade.
Urbanisme M. Jacques Bellanger.
Tourisme M. Charles Ginésy.
Environnement M. Jean Bizet.
Transports terrestres M. Georges Berchet.
Aviation civile M. Jean-François Le Grand.
Mer Mme Anne Heinis.
Technologies de l'information et poste M. Pierre Hérisson.
Outre-mer M. Rodolphe Désiré.
Ville M. Gérard Larcher.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Affaires étrangères M. André Dulait.
Relations culturelles extérieures et francophonie M. Guy Penne.
Aide au développement Mme Paulette Brisepierre.
Défense. - Nucléaire, espace et services communs M. Jean Faure.
Défense. - Gendarmerie M. Paul Masson.
Défense. - Forces terrestres M. Serge Vinçon.
Défense. - Air M. Jean-Claude Gaudin.
Défense. - Marine M. André Boyer.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Solidarité M. Jean Chérioux.
Santé M. Louis Boyer.
Ville M. Paul Blanc.
Travail, emploi et formation professionnelle MM. Louis Souvet et Mme Annick Bocandé.
Budget annexe des prestations sociales agricoles M. Louis Boyer.
Anciens combattants M. Marcel Lesbros.
Outre-mer (aspects sociaux) M. Jean-Louis Lorrain.
Logement social M. Jacques Bimbenet.


COMMISSION DES LOIS




Rapporteurs pour avis :


BUDGETS


RAPPORTEURS
Intérieur. - Décentralisation M. Daniel Hoeffel.
Intérieur. - Police et sécurité M. Jean-Patrick Courtois.
Intérieur. - Sécurité civile M. René-Georges Laurin.
Justice. - Services généraux Mme Dinah Derycke.
Justice. - Administration pénitentiaire M. Georges Othily.
Justice. - Protection judiciaire de la jeunesse M. Patrice Gélard.
Départements d'outre-mer M. José Balarello.
Territoires d'outre-mer M. Jean-Jacques Hyest.

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Albert Vecten a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 18 (1998-1999) d'orientation agricole (titre VI), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond.
M. Philippe Nachbar a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 555 (1997-1998) portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (chapitres Ier, II, IV et V), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET
D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Luc Dejoie a été nommé rapporteur du projet de loi n° 555 (1997-1998) portant réglementation des ventes de meubles aux enchères publiques, dont la commission des lois est saisie au fond.

Nomination du bureau d'une commission d'enquête

Dans sa séance du jeudi 19 novembre 1998, la commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du second degré ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement agricole, a procédé à la nomination de son bureau, qui est ainsi constitué :
Président : M. Adrien Gouteyron.
Vice-présidents :
M. Jacques Legendre ;
M. Jean-Léonce Dupont.
Secrétaire : M. Xavier Darcos.
Rapporteur : M. Francis Grignon.

Décision n° 98-2565 du 19 novembre 1998
SÉNAT. GERS

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête n° 98-2565 présentée par M. Robert Castaing, demeurant à Lectoure (Gers) et par M. Robert Perrussan, demeurant à Montesquiou (Gers), déposée auprès de la préfecture du Gers le 7 octobre 1998, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 7 octobre 1998 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 dans le département du Gers pour la désignation de deux sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Yves Rispat et Aymeri de Montesquiou, sénateurs, enregistré comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 308 du code électoral : « Un décret en Conseil d'Etat fixe le nombre, les dimensions et les modalités d'envoi des circulaires et bulletins de vote que les candidats peuvent faire imprimer et envoyer aux membres du collège électoral » ; qu'aux termes de l'article R. 155 : « Chaque candidat ou chaque liste a droit à une circulaire (...). » ; que ces dispositions n'interdisent pas aux candidats d'envoyer à leurs frais d'autres documents aux électeurs ;
Considérant, en deuxième lieu, que le document diffusé aux grands électeurs quatre jours avant le scrutin par MM. Rispat et de Montesquiou, qui faisait d'ailleurs suite à un document analogue diffusé par M. Castaing, ne contenait aucune allégation ou accusation auxquelles MM. Castaing et Perrussan aient été dans l'impossibilité de répondre ;
Considérant enfin que, si le requérant met en cause l'impartialité d'un article publié par un quotidien régional, les organes de la presse écrite sont libres de relater la campagne comme ils l'entendent ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de MM. Robert Castaing et Robert Perrussan est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à MM. Robert Castaing et Robert Perrussan et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.

Décision n° 98-2569 du 19 novembre 1998
SÉNAT. AUDE

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Jean-Pierre Nadal, demeurant à Port-la-Nouvelle (Aude) et par M. Jean-Pierre Cordier, demeurant à Espéraza (Aude), déposée auprès de la préfecture de l'Aude le le 6 octobre 1998, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 13 octobre 1998 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 dans le département de l'Aude pour la désignation de deux sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Raymond Courrière et Roland Courteau, sénateurs, enregistré comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le 23 octobre 1998 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par MM. Nadal et Cordier, enregistré comme ci-dessus le 5 novembre 1998 ;
Vu le mémoire en duplique présenté par M. Courteau, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 16 novembre 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que la circonstance que les enveloppes utilisées le 27 septembre 1998 pour l'élection de deux sénateurs dans le département de l'Aude n'aient pas été frappées du timbre à date de la préfecture, contrairement aux dispositions de l'article R. 167 du code électoral, est restée sans incidence sur la régularité du scrutin en l'absence de toute allégation de fraude et eu égard au fait que les enveloppes utilisées étaient toutes identiques ; que, dès lors, la requête doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de MM. Jean-Pierre Nadal et Jean-Pierre Cordier est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à MM. Nadal et Cordier et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.

Décision n° 98-2570 du 19 novembre 1998
SÉNAT. WALLIS-ET-FUTUNA

Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Kamilo Gata, demeurant à Mata-Utu (Wallis-et-Futuna), déposée le 6 octobre 1998 auprès de l'administration supérieure du territoire des îles Wallis-et-Futuna, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 13 octobre 1998 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1998 dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna pour la désignation d'un sénateur ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Robert Laufoaulu, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 10 novembre 1998 ;
Vu les observations présentées par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 16 novembre 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, ensemble le décret n° 59-395 du 11 mars 1959 pris pour l'application de cet article dans les territoires d'outre-mer ;
Vu l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs, complétée par l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959, ensemble le décret n° 59-393 du 11 mars 1959 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1098 dans les territoires d'outre-mer ;
Vu la loi n° 61-814 modifiée du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer ;
Vu le code électoral tel qu'applicable dans les territoires d'outre-mer ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que M. Gata soutient, en premier lieu, que M. Laufoaulu, élu sénateur du territoire des îles Wallis-et-Futuna le 27 septembre 1998, était inéligible ; qu'il fait valoir à cet égard que l'enseignement primaire, compétence dévolue à l'Etat en vertu de l'article 7 de la loi susvisée du 29 juillet 1961 modifiée conférant à ces îles le statut de territoire d'outre-mer, est intégralement assuré par la mission catholique ; que, dès lors, la situation de M. Laufoaulu doit, en raison de sa qualité de directeur de l'enseignement catholique sur le territoire, être assimilée à celle des inspecteurs de l'enseignement primaire dont l'inéligibilité est édictée au 7° de l'article L.O. 133 du code électoral ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance susvisée du 24 octobre 1958, applicable dans les territoires d'outre-mer en vertu du décret susvisé du 11 mars 1959 : « Ne peuvent être élus dans toute circonscription comprise dans le ressort dans lequel ils exercent ou dans lequel ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois :.. 7°... Les inspecteurs de l'enseignement primaire... » ;
Considérant que les inspecteurs de l'enseignement primaire ont été intégrés par le décret n° 72-587 du 4 juillet 1972 dans le corps des inspecteurs départementaux de l'éducation nationale dont le statut particulier a ultérieurement été fixé par le décret n° 88-643 du 5 mai 1988 ; que ces inspecteurs ont à leur tour été intégrés par le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990 dans le nouveau corps des inspecteurs de l'éducation nationale ; que l'inéligibilité prévue par les dispositions précitées frappe aussi ceux des inspecteurs de l'éducation nationale qui exercent les missions précédemment dévolues aux inspecteurs de l'enseignement primaire ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. Laufoaulu, qui n'appartient pas au corps des inspecteurs de l'éducation nationale, exerce dans le cadre de ses fonctions en qualité de directeur de l'enseignement catholique du territoire des îles de Wallis-et-Futuna, des missions précédemment dévolues aux inspecteurs de l'enseignement primaire ;
Considérant que M. Gata fait valoir, en second lieu, que la candidature de M. Simete, candidat au premier tour de scrutin et remplaçant de M. Laufoaulu au second tour, contrevient aux prescriptions tant de l'alinéa 2 de l'article 18 que de l'article 20 de l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 interdisant les candidatures multiples ; que ces dispositions ont été codifiées respectivement au second alinéa de l'article L. 299 et à l'article L. 302 du code électoral ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 299 de ce code : « ... Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat... » et qu'aux termes de l'article L. 302 : « Les candidatures multiples sont interdites. Nul ne peut être candidat dans une même circonscription sur plusieurs listes ni dans plusieurs circonscriptions. » ;
Considérant que M. Simete a retiré sa candidature entre les deux tours de scrutin et s'est présenté au second tour en qualité de remplaçant de M. Laufoaulu dont la candidature a été déposée entre ces deux tours ; que, par suite, il ne peut être regardé comme ayant été à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat en violation des prescriptions du second alinéa de l'article L. 299 précité ; que sa candidature n'a pas davantage contrevenu aux prescriptions de l'article L. 302 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Gata doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Kamilo Gata est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M. Gata et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.