Séance du 25 novembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Organismes extraparlementaires (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Article 42 (p. 3 )

MM. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Barnier, président de la délégation pour l'Union européenne ; James Bordas, Aymeri de Montesquiou, Lucien Lanier, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Danièle Pourtaud.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Daniel Hoeffel, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.
Amendement n° I-133 de Mme Beaudeau. - Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

4. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires israéliens (p. 5 ).

5. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6 ).

Article 21 (p. 7 )

MM. Gérard Miquel, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Amendements n°s I-181 de M. Eckenspieller, I-82 de M. Hérisson et I-15 de la commission. - MM. Joseph Ostermann, Pierre Hérisson, le rapporteur général, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Retrait de l'amendement n° I-181 ; adoption de l'amendement n° I-82, l'amendement n° I-15 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 22 (p. 8 )

Amendement n° I-16 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 22 bis (p. 9 )

MM. Jean-Pierre Demerliat, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 22 bis (p. 10 )

Amendement n° I-141 de M. de Montesquiou. - MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-113 de Mme Beaudeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 22 ter (p. 11 )

Amendement n° I-17 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 22 ter (p. 12 )

Amendements n°s I-233 à I-235 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Retrait des trois amendements.
Amendements n°s I-115 de Mme Beaudeau, I-162 de M. Michel Mercier, I-228 rectifié de M. Haut ; amendements identiques n°s I-142 de M. Joly et I-157 rectifié de M. Revol ; amendement n° I-182 de M. Oudin ; amendements identiques n°s I-116 de Mme Beaudeau et I-156 de M. Revol. - MM. Guy Fischer, Daniel Hoeffel.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

MM. Claude Haut, Bernard Joly, Jean Clouet, Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Jean-Philippe Lachenaud, Daniel Hoeffel. - Retrait des amendements n°s I-182, I-157 rectifié, I-156, I-228 rectifié, I-162 et I-142 ; rejet des amendements n°s I-115 et I-116.
Amendements n°s I-60 rectifié de M. Adnot, I-84, I-83 de M. Hérisson, I-190 de M. Oudin, I-165 de M. Joly et I-187 de M. Ostermann. - MM. Hubert Durand-Chastel, Pierre Hérisson, Jacques Oudin, Bernard Joly, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Retrait des six amendements.
Amendement n° I-227 de M. Angels. - Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-184 de M. Joyandet et I-230 de Mme Pourtaud. - M. Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Philippe Lachenaud. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-231 de Mme Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-185 de M. Ostermann. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean Bernard, Michel Charasse, Jean-Philippe Lachenaud. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

Amendement n° I-186 de M. Leclerc. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-188 de M. Joyandet. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-47 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-117 de Mme Beaudeau, I-189 rectifié bis de M. Oudin et sous-amendement n° I-270 de la commission ; amendements n°s I-155 rectifié de M. Bordas et I-256 de M. Badré. - MM. Thierry Foucaud, Jacques Oudin, Philippe Nachbar, Denis Badré, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Philippe Lachenaud, le président de la commission. - Rejet de l'amendement n° I-117 ; adoption du sous-amendement n° I-270 et de l'amendement n° I-189 rectifié bis modifié insérant un article additionnel, les amendements n°s I-155 rectifié et I-256 devenant sans objet.
Amendements n°s I-114 de Mme Beaudeau et I-232 de M. Mélenchon. - MM. Guy Fischer, Gérard Miquel, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement n° I-114 ; retrait de l'amendement n° I-232.
Amendement n° I-229 de M. Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Demande de réserve (p. 13 )

Demande de réserve de l'article 24. - MM. le président de la commission, le secrétaire d'Etat. - La réserve est ordonnée.

Article 23 (p. 14 )

Amendement n° I-236 de M. Angels. - MM. Marc Massion, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-237 de M. Angels. - Retrait.
Amendement n° I-238 de M. Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Jean-Philippe Lachenaud, Michel Charasse. - Rejet par scrutin public.
Amendement n° I-18 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 24 (p. 15 )

Amendement n° I-118 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 25. - Adoption (p. 16 )

6. Motion d'ordre (p. 17 ).
MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

7. Communication du Gouvernement (p. 19 ).

8. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 20 ).

Article 24 (précédemment réservé) (p. 21 )

MM. Marc Massion, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Amendement n° I-269 du Gouvernement. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; le rapporteur général. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 26 (p. 22 )

MM. Denis Badré, Bernard Angels, Christian de La Malène, Jean-Jacques Hyest, Robert Calméjane, le secrétaire d'Etat.
Amendements n°s I-64 de M. Badré, I-19 de la commission et sous-amendement n° I-69 rectifié bis de M. Chérioux ; amendements n°s I-192 à I-196 de M. Schosteck, I-239 rectifié bis à I-241 de M. Delanoë et I-119 de Mme Beaudeau. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, Jean Chérioux, Jacques Oudin, Bernard Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le secrétaire d'Etat, Christian de La Malène, Jean-Philippe Lachenaud, Michel Caldaguès, Michel Charasse. - Retrait de l'amendement n° I-64 ; adoption du sous-amendement n° I-69 rectifié bis et de l'amendement n° I-19 modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 28 (p. 23 )

Amendements n°s I-263 de la commission, I-66 de M. Badré, I-85 de M. Deneux, I-138 et I-137 de M. Loridant. - MM. le rapporteur général, Denis Badré, Marcel Deneux, Paul Loridant, le secrétaire d'Etat, Thierry Foucaud, Jean-Pierre Demerliat. - Adoption de l'amendement n° I-263 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 28 bis. - Adoption (p. 24 )

Article 28 ter (p. 25 )

Amendement n° I-25 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 28 ter (p. 26 )

Amendements n°s I-199 à I-201 de M. César. - M. Jacques Oudin. - Retrait des quatre amendements.
Amendement n° I-88 de M. Arnaud. - M. Jean Huchon. - Retrait.

Article 30 (p. 27 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Oudin, Jean Bizet, Robert Calméjane, Gérard Miquel.
Amendements identiques n°s I-38 de la commission, I-68 de M. Richert et I-205 de M. Bizet, amendement n° I-251 de M. Mauroy. - MM. le rapporteur général, Gérard Miquel, le secrétaire d'Etat, Jacques Oudin, Jean-Philippe Lachenaud. - Adoption des amendements n°s I-38, I-68 et I-205 supprimant l'article, l'amendement n° I-251 devenant sans objet.

Article 31. - Adoption (p. 28 )

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 29 ).

10. Renvoi pour avis (p. 30 ).

11. Dépôt de rapports (p. 31 ).

12. Ordre du jour (p. 32 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de cinq organismes extraparlementaires :
- la Commission centrale de classement des débits de tabac ;
- le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ;
- le conseil d'administration de la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer ;
- le conseil d'administration de la société nationale de programme Radio France internationale ;
- le conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
En conséquence, j'invite la commission des finances, la commission des affaires sociales et la commission des affaires culturelles à présenter des candidatures.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 66 [1998-1999].)
Nous allons examiner l'article 42, relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Article 42



M. le président.
« Art. 42. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 1999 à 95 milliards de francs. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 42 du projet de loi de finances fixe à 95 milliards de francs le prélèvement sur ressources qui représente notre contribution au budget européen pour 1999. Cette somme est à rapprocher des 91,5 milliards de francs, prélèvement de 1998.
Nous relevons donc une progression de 3,8 %. C'est beaucoup trop pour que nous l'acceptions sans réserve.
Ce prélèvement nourrit un budget européen dont nous devons déplorer l'inflation - 2,8 %. C'est également beaucoup trop.
Cette progression du prélèvement ne facilite pas par ailleurs la recherche de l'équilibre de notre projet de loi de finances national. Ce n'est pourtant pas un poste qui aurait dû réserver de mauvaises surprises. Mais, disant cela, je ne veux évidemment pas faire supporter à l'Europe les déséquilibres de notre budget. Vous savez que je n'aime pas voir l'Europe considérée comme bouc-émissaire pour couvrir nos propres défaillances ou nos propres faiblesses, mais nous savons que l'équilibre de votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, est compromis par bien d'autres options, nationales celles-là.
Disons donc simplement que ce surcroît de prélèvements de 3,5 milliards de francs n'est pas satisfaisant, et notons que l'augmentation des dépenses de votre propre projet de budget ne vous qualifie pas bien pour condamner le projet de la Commission. Ou alors, il vous faudra pratiquer le « faites ce que je dis et non ce que je fais », ce qui n'est généralement ni très agréable ni très efficace.
J'ajoute que cette conjonction d'augmentations vient mal à propos banaliser à nouveau le principe même de dérapage que, précisément, le traité de Maastricht avait pour objet de condamner, en proposant aux Etats membres de s'entraîner les uns les autres vers la sagesse budgétaire. Comme quoi l'Europe de Maastricht est exemplaire, si nos budgets national et européen pour 1999 le sont eux beaucoup moins. Nos partenaires, eux, ont fait les efforts qu'il fallait pour tendre vers la sagesse !
La contagion de la sagesse de Maastricht n'a pas encore totalement frappé la France. Et il est fâcheux que, s'agissant de son propre budget, l'Union ne saisisse pas une exceptionnelle occasion de donner l'exemple. Le contre-exemple qu'elle nous propose nous semble au contraire d'autant plus éloquent, donc mal venu, que le budget européen peut être maîtrisé jusqu'au premier euro. Il ne supporte en effet pas de dette et couvre très peu de frais de fonctionnement.
Faire beaucoup mieux était donc possible. Cela aurait été un signe politique fort apprécié par les Etats membres comme par les citoyens de ces Etats membres. C'est une occasion manquée. Il est dommage pour la construction européenne que cette occasion n'ait pas été saisie alors que c'était le moment.
Dans le détail, le budget de l'Union devrait être mieux maîtrisé. Globalement, il gagnerait à être davantage subsidiaire. Comme je l'ai déjà dit lors de débats précédents, plus de budget européen ne signifie certainement ni plus ni mieux l'Europe. Au contraire, cela favorise l'expression des réserves, ou au moins l'attentisme des Etats qui supportent principalement la charge du financement de l'Union.
En dénaturant l'idée européenne, cela en éloigne des entreprises ou des contribuables qui demandent, aujourd'hui, en toute priorité, et surtout en France, un désarmement des prélèvements obligatoires.
On aurait donc pu attendre mieux du premier budget de l'euro. On aurait pu attendre mieux du premier budget mis en oeuvre au lendemain du lancement effectif des négociations d'adhésion liées à l'élargissement à l'Est alors qu'était très opportunément lancé un vrai débat, celui sur l'Agenda 2000. Il aurait enfin fallu faire mieux pour construire le budget qui servira de référence à la définition des nouvelles perspectives financières, perspectives qui vont régir les choix budgétaires de l'Union européenne pendant les prochaines années. Autant d'occasions manquées !
Sommes-nous à ce point à court d'idées ou de volonté politique, pour laisser passer de telles opportunités ?
A la lumière de ces premières observations et compte tenu du caractère très analytique de mon rapport écrit, permettez-moi maintenant de mettre surtout en perspective les grands choix traduits par ce projet de budget, en les situant dans le contexte du développement actuel de la construction européenne.
L'année 1998 - je le disais à l'instant - restera une date marquante de cette construction. Nous sommes désormais clairement engagés sur la voie d'une union politique de plein exercice, et cette Union poursuit sa construction pas à pas, démocratiquement, sur la base de l'adhésion des peuples et dans le respect des identités et de la personnalité de chacun de ses membres.
En mai dernier, nous avons vu aboutir en temps, en heure et dans de très bonnes conditions, le processus engagé sept ans plus tôt à Maastricht avec la monnaie unique. L'Europe était présente au rendez-vous qu'elle s'était fixé, et le délai qu'elle s'était donné pour cela se révélait sage. La volonté politique réaffirmée par les chefs d'Etat avait conduit onze Etats à entrer dans l'Union monétaire dès sa constitution.
Frapper monnaie est bien un privilège de la souveraineté politique. Rentrant dans l'euro, choisissant de partager la même monnaie unique, ces Etats faisaient le choix d'assumer ensemble cette souveraineté. Ils réaffirmaient leur choix d'une Europe politique, et cet avènement de l'euro représente aujourd'hui un approfondissement concret et qui sera réussi. Il le faut, et ce sera le cas.
Les institutions nécessaires au bon fonctionnement de l'Union monétaire se mettent en place, et celle-ci a déjà montré son efficacité dans un contexte international passablement turbulent. La volonté est suffisamment affirmée pour que les problèmes rencontrés soient clairement posés, puis traités.
J'ajoute que l'effet intégrateur de l'Union monétaire est impressionnant. Il suffit d'avoir constaté les efforts accomplis par chacun de ses membres pour que l'Union monétaire puisse être lancée sans qu'aucun craigne de la voir aller à l'échec par la faute de son voisin : bel exemple de solidarité, rendu possible par l'intérêt évident de l'opération.
Un seul regret à nouveau dans cette saine compétition : dans cette course à l'exigence partagée, dans cette course à l'excellence, la France n'a sans doute pas été la plus allante. Je continue à regretter que nous restions lanterne rouge pour le déficit budgétaire et que notre dette continue à s'alourdir. Nos partenaires aussi ont éprouvé des difficultés, ils les ont généralement mieux surmontées.
La sagesse budgétaire avait été fixée comme préalable à la sagesse monétaire. Le pacte de stabilité exige que cette sagesse budgétaire soit durable.
L'effet intégrateur joue aussi à l'extérieur du « Onze » de l'Union monétaire actuelle.
La Suède commence à reconsidérer sa position en voyant sa situation se dégrader par rapport à la Finlande.
Demain, peut-être, la Norvège elle-même, pour ne pas prendre de retard au plan économique par rapport à la Suède, reconsidérera son refus de l'Union européenne, parce qu'elle ne pourra pas rester en dehors de l'Union monétaire.
L'économique peut donc entraîner le politique. D'ailleurs, l'histoire de l'Union européenne et de sa construction l'a déjà largement démontré.
L'année 1998 marque aussi, disais-je en préambule, le lancement effectif du processus d'élargissement à l'Est. Lui aussi a un effet intégrateur très fort. Ici, et c'est tant mieux, toute idée de nivellement par la base a été écartée tant pour les membres actuels que pour les futurs candidats.
L'entraînement joue aussi dans le sens de l'exigence : exigence économique sur tous les fronts pour tous les candidats ; exigence financière lorsque le Premier ministre lituanien, M. Vagnorius, nous écoute avec une grande attention lui suggérer d'aligner désormais sa monnaie nationale, le litas, sur l'euro et non plus sur le dollar pour bien marquer la priorité que son pays donne à sa candidature à l'Union européenne ; exigence démocratique en Slovaquie ; jusqu'à l'armée turque, gardienne de l'héritage laïque de l'Atatürk, dont le chef d'état-major me disait, voilà deux ans, son rejet désormais absolu de l'idée même de tout coup de force pour que la candidature turque à l'Union européenne puisse prendre toute sa crédibilité.
En cette fin de siècle, l'Union s'approfondit donc, et l'Union s'élargit même si ce n'est pas aussi vite et aussi loin dans tous les domaines, même si l'Europe de la défense reste un peu en panne. Il est plutôt satisfaisant de constater qu'avec ses imperfections l'Union continue à séduire de nouveaux candidats. Sa capacité à s'élargir et son ouverture sur le monde font sa force et garantissent son rayonnement. Tant pis pour les esprits chagrins !
Alors, il faudra tôt ou tard revenir sur la mise en place d'une politique de sécurité intérieure et extérieure européenne. Il faudra également ouvrir vraiment le dossier de la subsidiarité, seule manière de viser plus d'efficacité, une meilleure économie de moyens et une appropriation plus forte de l'idée européenne par les citoyens de l'Europe.
Et puis, il faut bien sûr une réflexion budgétaire qui soit elle aussi véritablement politique. Il ne s'agit plus seulement de financer des politiques communes, il faut doter d'un véritable budget une Union devenue politiquement adulte. Doter d'un budget ne signifie pas forcément apporter beaucoup de crédits ; cela veut dire doter d'un budget conforme aux compétences de l'Union et à l'idée que nous nous faisons de la construction européenne.
Vous notez, mes chers collègues, que je suis passé du registre des satisfactions à celui des questions ou des ambitions, voire des inquiétudes. Vous le savez, c'est parce que je crois profondément en l'idée européenne que je ne veux pas la voir galvaudée ou compromise. Une exigence de tous les instants et sur tous les dossiers doit, au contraire, nous animer alors que nous savons que la moindre défaillance ou la plus petite erreur peuvent provoquer des ravages dans une opinion dont nous savons qu'elle reste terriblement versatile. Nous ne voulons pas que cette opinion décroche de l'Union européenne. Nous savons qu'elle attend de nous que nous sachions lui parler simplement de cette grande idée qu'est la construction européenne.
Derrière tout ce que je viens de dire, vous avez évidemment lu le mot « budget ». Avant l'euro, il y avait une exigence budgétaire à partager ; avec l'euro, il y aura harmonisation fiscale, donc, là aussi, des conséquences directes sur les budgets des Etats membres cette fois, et indirectes sur le budget de l'Union européenne.
Le budget d'une Union européenne politique devrait d'abord être adopté dans le cadre d'une démarche claire et démocratique.
Du côté des dépenses, la procédure de codécision peut paraître compliquée, et nous pouvons déplorer de n'avoir pratiquement pas notre mot à dire alors même que nous sommes les véritables payeurs.
Du côté des recettes, qui nous touchent directement, puisque c'est nous qui les apportons, il y a encore beaucoup à dire puisqu'elles proviennent pour une part principale - qui s'élargit encore d'année en année - des prélèvements opérés sur les recettes des Etats membres, sans que ceux-ci aient vraiment la possibilité de les refuser.
La question des ressources propres reste donc entièrement posée, et le recours à une forme de cotisation des Etats membres conduit fatalement à un débat sur les contributions nettes.
Or ce débat n'est vraiment pas d'esprit européen. Il est en outre totalement faussé dans la mesure où les Etats n'apportent tout de même pas la totalité des recettes et dans la mesure où une part de la dépense seulement, et encore différente de la part des recettes apportées par les Etats, est géographiquement affectée dans les différents Etats.
Les comparaisons sont donc vraiment difficiles, même si certains ne se privent pas d'en faire. Mais quelle valeur ont-elles dans ces conditions ?
Au demeurant, si les Etats de l'Union se sont rapprochés, c'est bien sûr pour faire mieux ensemble et au bénéfice de chacun, ce qu'ils auraient fait moins bien séparément. C'est aussi pour faire ensemble ce qu'ils n'auraient pas du tout pu faire seuls.
« Produire » de la paix, de la liberté ou de la démocratie dans le monde, ils n'auraient pas pu le faire seuls ! Or, cela n'a pas de prix. C'est une dépense commune évidemment, mais elle est difficile à localiser, et il est difficile de savoir au bénéficie de quel Etat membre elle a été réalisée. Ces dépenses vont manifestement au bénéfice de l'Union et elles ont un intérêt indirect pour le monde entier.
S'agissant des dépenses, alors que la définition de nouvelles perspectives financières s'approche, nous devons également prôner une grande rigueur.
Le recours à la subsidiarité s'impose déjà. Il s'imposera de plus en plus avec l'élargissement à l'Est.
En effet, l'Europe sera large. La géographie, l'Histoire et la volonté des peuples en ont décidé ainsi. Et il est clair qu'elle sera forte également. En effet, pourquoi nous donnerions-nous du mal pour bâtir une Union dont nous aurions par avance accepté qu'elle soit faible ou qu'elle aille à l'échec ? Non, nous ferons ce qu'il faut pour qu'elle soit forte.
Le débat « approfondissement ou élargissement ? » n'est plus de saison. Il faut l'approfondissement et l'élargissement.
Pour qu'elle puisse être à la fois large et forte, l'Europe devra limiter strictement son champ d'action. Je propose dès lors d'utiliser comme crible, au-delà du mot un peu technique et un peu compliqué de « subsidiarité », de répondre aux deux questions simples suivantes : est-ce que l'Europe réalisera mieux cette action que les Etats ne pourraient le faire ? Est-ce que cette action construit l'Europe ?
Il faut aussi, bien sûr, pourchasser toutes les fraudes, refuser tous les gaspillages et écarter toutes les facilités. Les précautions et autres provisions ne sont par ailleurs plus de saison.
A cet égard, il peut être prudent de fixer des plafonds ou des lignes directrices. Malheureusement, s'ils sont mis en place pour interdire les débordements, il est clair qu'ils apparaissent immédiatement, aussi et d'abord, comme une incitation à pousser la dépense jusqu'à atteindre le plafond, même lorsque cela ne s'imposerait pas tout à fait.
Pour finir, je passerai très vite en revue les grands postes de dépenses, me limitant à formuler quelques observations particulières.
Si les autorités communautaires paraissent très fières du cinquième programme cadre de recherche et développement, ou PCRD, je ne suis pas certain, pour ma part, qu'il représente vraiment ce que l'Union doit apporter aux Etats pour favoriser les synergies en matière de recherche.
Je l'ai déjà dit dans mes rapports précédents, je n'y reviens donc pas. Je sais que l'on doit pouvoir faire beaucoup mieux, mais il faut remettre complètement en cause la politique « de guichet » qui reste pour le moment de saison dans ce domaine.
Les réseaux transeuropéens - je crois savoir que M. Daniel Hoeffel interviendra à nouveau sur ce point tout à l'heure - sont créateurs d'emplois. Ils réduisent les distances. Ils construisent donc l'Europe beaucoup mieux que d'autres actions. A ce titre, ils doivent être privilégiés.
Les actions extérieures qui donnent son identité à l'Union dans le monde doivent, elles aussi, être privilégiées, chaque fois qu'existent les bases légales nécessaires, bien sûr. Si ces bases légales n'existent pas, lancer des actions extérieures peut être une catastrophe. Cela se retournerait contre l'Europe et contre la générosité de l'idée qui les a fait naître.
S'agissant de la politique agricole commune, des marges de manoeuvre ont été constituées ces dernières années. Elles ont notamment permis de financer sans trop de difficultés la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB.
Ces marges sous la ligne directrice provenaient de ressèrement entre les cours mondiaux et les cours européens. Mais la différence entre ces cours tend à nouveau à se creuser. J'appelle donc l'attention du Gouvernement : nous devons aujourd'hui être beaucoup plus prudents sur ce point. Les précautions ne sont plus de saison. Il faut suivre très strictement et très attentivement l'évolution des cours.
J'en viens maintenant aux dépenses d'actions structurelles, et c'est là que je serai le plus critique, de manière constructive, bien entendu, monsieur le ministre, car, vous le savez, je suis d'abord préoccupé par l'avenir.
Les crédits d'engagement dans ce domaine progressent de 16 %, ce qui explique, pour l'essentiel, le dérapage de l'ensemble du budget européen qui nous est proposé.
Cette augmentation de 16 % provient de la nécessité de solder le paquet Delors II d'Edimbourg et pose trois problèmes.
L'engagement d'Edimbourg consistait à engager obligatoirement avant 1999 un montant de crédits donné. Peu importait que l'on ne parvienne pas à les dépenser ! Le solde est donc inscrit pour le dernier exercice, simplement afin de tenir l'engagement.
Il est pourtant clair que la dépense n'est pas une fin en soi. Il est non moins vrai que ce que des chefs d'Etat ont fait voilà sept ans, des chefs d'Etat pourraient le défaire en prenant acte de l'excès d'ambition du programme mis en place ou des difficultés rencontrées depuis pour le réaliser.
Considérer au contraire qu'il faut aller jusqu'au bout quoi qu'il arrive ne relève pas de ce qu'il y a de meilleur à Bruxelles. Ce type d'attitude peut aussi détourner de l'Europe des esprits raisonnables et au moins nous laisser nous-mêmes quelque peu surpris et quelque peu déçus. Ce n'est pas parce qu'une première erreur a été commise qu'il faut se croire obligé d'en faire une seconde.
Evoquons le deuxième problème posé par la nécessité de solder le paquet Delors II.
Dans certains domaines, les crédits d'actions structurelles sont déjà dépensés avec plus d'un an de retard. Il est évident que l'on verra ce retard s'accroître si l'on inscrit de nouveau au projet de budget pour 1999, une dotation en progression très sensible.
Ces retards provoquent, eux aussi, des critiques tout à fait justifiées contre la méthode européenne, donc contre l'Europe.
Troisième problème : les actions structurelles doivent observer le principe d'additionnalité. Augmenter aujourd'hui les dotations européennes signifie augmenter en proportion l'effort attendu des Etats et des collectivités territoriales.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite à conclure.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Je termine, monsieur le président.
Ceux-ci vont-ils pouvoir suivre en un temps où ils s'obligent eux-mêmes à pratiquer une réelle rigueur budgétaire ? Cette contradiction entre une Europe qui dérape et des financeurs plus proches qui s'y refusent ne sert pas non plus l'Europe.
Monsieur le ministre, pour ces trois raisons, il faut faire quelque chose pour revenir à la sagesse dans un domaine, celui des actions structurelles, qui pèse désormais très lourd dans le budget européen et qui est emblématique.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous demande de nouveau de peser de tout votre poids, même si votre crédibilité est un peu entamée comme je le disais en introduction, pour que la présentation, le contenu et le volume du budget européen s'améliorent. Cela me paraît possible pour peu que l'on en ait la volonté et cela me paraît indispensable pour que la construction d'une Europe politique puisse se poursuivre sans défaillance et avec l'assentiment des peuples.
Mes chers collègues, malgré ces réserves, la commission des finances vous recommande d'adopter l'article 42 du projet de loi de finances. Vous n'avez d'ailleurs pas beaucoup de marge de manoeuvre à cet égard.
C'est parce que je ne veux pas voir dévoyée l'idée européenne que je m'attache à censurer tout ce qui peut donner lieu à critique dans la construction de l'Union. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, comme chaque année, le Parlement est appelé à approuver, sans vraiment en discuter, la contribution française au budget des Communautés européennes, et, comme chaque année, les parlementaires que nous sommes, sur tous les bancs me semble-t-il, au Palais-Bourbon comme au palais du Luxembourg, éprouvent ce sentiment un peu désagréable, et même à certains égards frustrant, d'être placés devant le fait accompli. J'avais d'ailleurs, lorsque j'étais à votre place, monsieur le ministre, compris ce sentiment de frustration dont vous me permettrez de vous dire que je le ressens encore plus aujourd'hui.
En 1999, le montant de la participation française au budget communautaire, comme l'a dit notre rapporteur M. Denis Badré, s'élèvera donc à quelque 95 milliards de francs sans que les représentants de la nation en aient vraiment fait le choix. Pourtant, nous le savons tous, le principe du consentement à l'impôt par les représentants de la nation se trouve à la source même de la création des parlements.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vrai !
M. Michel Barnier, président de la délégation pour l'Union européenne. Il est gravé dans le marbre de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le budget de l'Europe, pourtant, fait encore, en catimini, exception à la règle solennelle de ce consentement : bien fâcheuse exception en vérité !
Est-il vraiment conforme à la démocratie telle que nous la vivons aujourd'hui que la participation financière de la France au budget communautaire, qui croît chaque année en importance, emprunte encore la procédure un peu baroque de notre débat d'aujourd'hui ? Personnellement, je ne le crois pas et j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire en d'autres temps.
Sans doute, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il là un nouveau sujet de dialogue et de travail entre le Gouvernement et le Parlement pour poursuivre ensemble la démocratisation de la politique européenne de la France.
C'est avec un certain optimisme que je vous lance une sorte d'appel, monsieur le ministre, car au-delà des considérations politiques et partisanes, nous avons déjà bien travaillé et nous allons bien travailler, me semble-t-il, en faveur de cette démocratisation comme peut en témoigner - en tout cas je le souhaite - le dialogue qui s'est engagé dans la perspective de la ratification du traité d'Amsterdam, dialogue dans lequel, je veux le redire, le Sénat, par les arguments qu'il développe et qu'il développera au sein de sa délégation pour l'Union européenne et au sein de la commission des lois, tient et tiendra une place centrale dans la droite ligne des orientations définies à cette tribune, par notre président, M. Christian Poncelet.
A propos du traité d'Amsterdam, je veux dire quelques mots, sans entrer dans le détail.
L'essentiel, monsieur le ministre, est désormais - si vous me permettez cette métaphore - que le Parlement et le Gouvernement règlent leurs montres ensemble !
L'enjeu n'est pas de conférer au Parlement je ne sais quel droit de veto ou pouvoir d'irruption dans le mandat que le Gouvernement tient du peuple pour conduire la politique européenne de la France, et que nul ne lui conteste, ici ou ailleurs. Du moins est-ce ainsi sous cette République, et je ne fais pas partie de ceux qui veulent en changer.
L'enjeu est tout simplement de permettre au législateur qu'est le Parlement de s'exprimer sur des textes qu'il va être mis en demeure d'entériner, et cela avant que le sort n'en soit jeté. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, c'est la moindre des choses !
Je sais que vous en êtes conscient et que vous le regrettez avec nous, mais laissez-moi prendre le parfait exemple de cette contribution au budget des communautés européennes.
Que nous demande-t-on d'approuver?
L'exercice budgétaire pour l'année 1999 constitue la dernière tranche de la programmation budgétaire communautaire, qui avait été arrêtée pour sept ans en 1992, c'est-à-dire, en clair, que ces perspectives financières ont été adoptées avant la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution et que le Parlement n'a pas, à proprement parler, été consulté à leur sujet.
Depuis, nous suivons le chemin dessiné en 1992 et notre discussion annuelle, très franchement, n'en infléchit pas le cours.
Certes, grâce à l'article 88-4, nous pouvons nous prononcer chaque année sur l'avant-projet de budget présenté par la commission, mais l'intérêt d'une intervention du Parlement, sur ce sujet comme sur tous les autres, c'est... ce serait de prendre date aussi en amont que possible.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous devons régler nos montres, vous et nous, pour que le travail du Parlement prenne place au bon moment - c'est l'intérêt du Gouvernement et de ceux qui le conseillent - pour que notre travail s'inscrive dans la discussion des enjeux communautaires au lieu d'en être un épilogue, pour que notre travail vienne enrichir la réflexion du Gouvernement et que, dans ces conditions, les représentants de la nation puissent s'associer à ses choix.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il faut que la révision constitutionnelle à laquelle on prête la dernière main en ce moment soit enfin le point de départ d'une nouvelle époque avec un dialogue adulte entre le Parlement et le Gouvernement.
Les questions européennes, mes chers collègues, je peux en témoigner comme beaucoup d'entre nous, ne sont plus des questions de politique étrangère.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est exact !
M. Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monnaie, transports, règles de toutes natures fixées par les directives, chasse par exemple, tout cela, ce n'est plus de la politique étrangère.
Il faut donc que nous aboutissions, et la discussion à propos du traité d'Amsterdam en est l'occasion, à un dialogue adulte. Au Gouvernement de proposer, de négocier, de décider ; au Parlement d'inspirer, d'informer, de débattre.
Cette nouvelle époque, nous allons devoir l'aborder ensemble, et l'entamer très vite, faute de quoi il ne faudra pas s'étonner que le décrochage avec les citoyens, ce déficit démocratique que nous constatons tous à propos de la construction européenne, ne s'aggrave à l'infini.
Le paquet Delors II 1993-1994 va s'achever à la fin du mois de mars. D'après le calendrier envisagé à Cardiff de nouvelles perspectives financières doivent être adoptées, portant sur la période 2000-2006.
Les enjeux de ce paquet Santer sont, chacun le sait, cruciaux pour l'avenir de l'Union européenne car il s'agit de déterminer un cadre financier permettant l'élargissement à l'Est, et cela dans un contexte de contestation par certains Etats membres, et non des moindres, comme l'Allemagne, de leur contribution nette au budget communautaire.
Le Parlement a été saisi, toujours en application de l'article 88-4, des propositions formulées par la Commission pour l'établissement des futures perspectives financières. Pour la première fois, il aura la possibilité de se faire véritablement entendre sur la définition du cadre financier de l'Union européenne. Notre délégation pour l'Union européenne examinera prochainement un rapport de notre collègue Denis Badré pour que le Sénat dispose de la meilleure information sur ce sujet et puisse débattre en amont de la programmation pluriannuelle des dépenses communautaires.
Sur le fond, je me bornerai à formuler trois observations.
Première observation : sachons tenir compte de l'expérience, c'est-à-dire de certaines erreurs du passé.
Sur ce point, je ne peux que vous approuver, monsieur le ministre, lorsque vous dénoncez le statut privilégié des dépenses structurelles. C'est ce statut qui conduit, nous le voyons dans le budget pour 1999, à augmenter d'une année sur l'autre les dépenses communautaires dans une proportion difficilement compatible avec l'effort de rigueur demandé aux Etats membres, notamment dans le cadre de l'Union économique et monétaire. Il y aura d'ailleurs beaucoup à dire sur l'utilisation, ou plutôt la non-utilisation, des dotations consacrées aux actions structurelles.
Deuxième observation : le débat sur les contributions nettes des Etats membres ne saurait conduire à remettre en cause la logique communautaire.
Nous ne saurions ainsi admettre un raisonnement en termes de juste retour, comme on l'entend quelquefois, ni consentir à la généralisation du « chèque britannique » - c'est même sa suppression qui, en toute logique, devrait être à l'ordre du jour ; nous ne saurions non plus admettre ce non-sens communautaire d'un cofinancement des aides directes à l'agriculture. Comment pourrait-on qualifier de « commune », a fortiori de communautaire, une politique que quinze Etats - peut-être bientôt vingt et un -, chacun de leur côté, financeraient, même partiellement, en fonction de critères qui, pour être conformes aux principes établis à Bruxelles, seraient interprétés par chacun - chacun chez soi, chacun pour soi - en fonction de ses intérêts propres ? Privée de règle du jeu, la politique agricole commune exploserait et nous savons bien que la France serait la première frappée par cette explosion.
Troisième et dernière observation : l'heure est à la discipline budgétaire pour les Etats membres. Elle l'est au nom de l'Union économique et monétaire. Elle l'est également pour obtenir ce que la Commission européenne appelle « une croissance saine ». Cette discipline, l'Union européenne doit également se l'imposer à elle-même. La contribution des Etats membres, en particulier de la France, ne peut continuer de croître au rythme de 3,5 % à 4 % par an, rythme bien supérieur à la progression attendue du PNB.
Il nous faudra donc faire des coupes ou des économies dans certaines politiques. Lesquelles ? Nous en discuterons prochainement, mais je ne crois pas que cela puisse véritablement concerner les dépenses agricoles.
Il faut en effet savoir, mes chers collègues, que la Commission a retenu des hypothèses fort optimistes, pour ne pas dire irréalistes, pour calculer la marge disponible sous la ligne directrice agricole. Je pense bien entendu aux données macro-économiques, établies avant la crise asiatique, avant la crise russe, avant la crise financière internationale.
Je pense surtout à l'hypothèse selon laquelle les nouveaux Etats membres ne bénéficieraient que des mesures d'intervention et non des aides directes de la PAC, hypothèse dont la réalisation me semble pour le moins incertaine. La Cour des comptes européenne considère d'ailleurs que les dépenses agricoles effectives dépasseront, entre 2002 et 2006, la ligne directrice agricole.
Nous devrons donc rechercher des économies ailleurs. Peut-être dans les dépenses structurelles, peut-être au niveau de certaines politiques internes, peut-être ailleurs...
En tout état de cause, face au bouleversement prévisible lié à l'élargissement de l'Union - que nous souhaitons et que nous devons préparer sérieusement, sans prendre de raccourci, dans l'intérêt des futurs Etats membres et dans notre intérêt - et aux risques d'implosion qui apparaissent ça et là, la France doit s'exprimer au nom de l'intérêt supérieur de la construction européenne, dont le sens semble, hélas ! oublié de tous au milieu de cette grande empoignade budgétaire.
Comme lors du rendez-vous en partie manqué d'Amsterdam, elle doit rester ferme, presque intransigeante, quant à son ambition d'une Europe politique, d'une Europe qui ne se résumerait pas à un supermarché, mais qui deviendrait progressivement une puissance politique et souveraine, une Europe capable de disposer de son budget et de s'appuyer sur des institutions efficaces. Car, nous le savons bien, une Europe sans budget et sans institutions efficaces serait cette grande Europe molle, cette grande bourse d'échanges sans âme dont rêvent plus ou moins discrètement les Anglo-Saxons. Et puisque j'évoque en cet instant l'âme de l'Europe, la confiance qu'elle devrait inspirer à nos compatriotes, je voudrais, en conclusion, monsieur le ministre, et un peu en marge de la discussion budgétaire et technique qui s'engage, vous soumettre ainsi qu'au Gouvernement auquel vous appartenez, comme je l'ai fait hier en commission des affaires étrangères devant M. Védrine, une idée qui m'est venue en regardant, comme vous tous, les images terribles du cataclysme qui s'est abattu voilà quelques semaines sur les pays d'Amérique centrale et qui a provoqué plusieurs dizaines de milliers de morts.
En observant la bonne volonté - celle de la France en particulier - mais désordonnée des pays européens pour porter secours aux peuples de ces pays, je me suis dit qu'il y avait là une posibilité d'action commune et lisible. Pourquoi ne pas créer, sous l'impulsion de la France, par exemple, une force d'intervention humanitaire commune aux quinze nations européennes immédiatement mobilisable et dotée d'une structure permanente ?
C'est avec de telles idées - et celle-ci n'en est qu'une parmi d'autres - que l'Union européenne portera un message d'espoir susceptible d'être entendu non seulement à l'extérieur de ses frontières, mais aussi - je le dis en pensant aux débats qui s'ouvrent sur le traité d'Amsterdam, l'euro et les élections européennes - à l'intérieur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole et à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur spécial a très bien présenté les orientations et les enjeux du projet de budget européen pour 1999.
Pour ma part, je voudrais revenir sur la nouvelle dérive des dépenses observée dans ce projet de budget. Elle est inquiétante, car elle est révélatrice d'un manque de maîtrise des politiques engagées au niveau communautaire.
Néanmoins, le budget que nous examinons, au travers de la contribution française, me semble appartenir à une ère qui s'achève. Il n'est pas seulement le dernier d'une programmation budgétaire commencée en 1993 et qui doit s'achever l'année prochaine. Il est aussi le dernier d'une période - pourquoi ne pas le dire ? - un peu insouciante de la construction européenne et de son financement.
Aujourd'hui, les choses changent. Chacun se rend compte de l'importance de l'Europe, du poids financier des politiques communautaires et de leur influence sur notre avenir.
L'heure n'est plus aux grandes déclarations et aux dépenses toujours plus importantes. Le temps du réalisme est venu. Certains pourront le regretter, préférant les temps héroïques de premiers pas de la construction européenne.
J'y vois un signe positif, celui d'une Europe moins théorique, plus réelle, qui nous concerne plus directement et dont nous mesurons mieux les effets, une Europe plus mûre financièrement et politiquement.
Cette « maturité » nous conduit à appréhender les questions budgétaires européennes comme nous le faisons pour les questions financières nationales, avec les mêmes préoccupations, selon les mêmes principes.
Il en est ainsi de la maîtrise des dépenses publiques. Cette idée, que la majorité sénatoriale défend avec constance dans le cadre de ce projet de loi de finances, est désormais au coeur du débat européen, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Dans trois semaines, à Vienne, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne devraient dégager les grandes lignes de la réforme financière de l'Union européenne, pièce maîtresse d'Agenda 2000.
Cette réforme comprend, outre son aspect financier, la réforme de la politique agricole commune et des fonds structurels, dans la perspective de l'élargissement à une dizaine de pays de l'Est et à Chypre à l'horizon 2005-2006. L'enjeu est donc important.
Huit pays de l'Union, dont l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, sont favorables à une stabilisation des dépenses européennes en termes réels jusqu'en 2006, soit un gel du budget européen à environ 85 milliards d'écus par an durant toute la période.
Cette formule permettrait à l'Europe de montrer l'exemple de la rigueur budgétaire durant les premières années de l'euro.
Elle permettrait en même temps de stabiliser au moins à leur niveau actuel les contributions budgétaires de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de l'Autriche, qui réclament une nette diminution de leur participation financière.
Enfin, pour la France, elle éviterait la menace d'une renationalisation partielle de la PAC que sous-tend l'idée du cofinancement national des dépenses agricoles mises en avant par la Commission européenne pour réduire les dépenses communautaires et pour diminuer la contribution budgétaire allemande.
Les quinze ministres européens des finances ne sont pas encore parvenus à un accord sur cette question essentielle, notamment en raison de l'opposition des pays qui craignent qu'un gel des dépenses européennes n'augmente leur contribution budgétaire ou ne réduise les fonds structurels dont ils bénéficient en priorité. Mais la question est désormais posée, et c'est déjà un point positif.
Le débat sera rude, mais il y aura débat. Je trouve cela à la fois sain et nécessaire.
Je souhaite maintenant insister sur un second point qui me paraît essentiel.
J'ai évoqué une nouvelle ère, une évolution des mentalités. Il s'agit d'une évolution sur le fond, c'est-à-dire la nature des politiques et la structure du budget européen, mais aussi sur la forme, autrement dit la manière dont ces politiques sont adoptées et appliquées.
L'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui montre les limites de l'influence du Parlement dans le processus de décision communautaire.
Nous allons voter l'article 42 du projet de loi de finances sans avoir la possibilité de modifier le montant de la contribution fançaise au budget européen ni de proposer une répartition différente des dépenses communautaires.
Le Gouvernement en décide seul, avec ses partenaires européens. Le Parlement ne peut qu'approuver ou rejeter en bloc les traités soumis à sa ratification.
Cette situation doit nous amener à réfléchir au moment où l'Assemblée nationale examine le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam.
Plusieurs propositions, dont certaines émanent du Sénat, tendent à renforcer le contrôle du Parlement et son association aux travaux de l'Union européenne.
Nous aurons l'occasion d'en débattre ici même le mois prochain, mais je voulais aborder ce sujet aujourd'hui, car le processus budgétaire européen illustre bien le chemin qui reste à parcourir. Il est indispensable que nous soyons mieux associés aux décisions qui, chaque jour un peu plus, concernent nos concitoyens, nos enfants, notre avenir.
Il s'agit là d'un impératif de transparence qui conditionne pour une bonne part le succès de la construction européenne.
A ce sujet, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part d'une interrogation de ma collègue Anne Heinis, sénateur de la Manche, et que je fais mienne.
Alors que l'Union européenne a adopté des politiques structurelles et prévu des fonds pour les financer, certains services de l'administration française semblent s'ingénier à compliquer les procédures et les demandes d'information.
Selon certaines informations, ils se permettraient même d'apprécier l'opportunité d'actions pourtant décidées au niveau européen.
Dans ces conditions, les collectivités locales hésitent à conseiller aux porteurs de projets de constituer des dossiers de subvention, dans la mesure où les règles fixées par l'administration évoluent sans cesse.
De plus, nous constatons un allongement des délais d'instruction des dossiers, et il n'est pas rare que les subventions soient versées de dix à douze mois après la réalisation des travaux.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, que seules les structures disposant d'une trésorerie importante peuvent supporter de tels délais. Il s'agit, là encore, d'une question de transparence. Voter des crédits européens est une chose. Les attribuer convenablement sur le terrain en est une autre.
Mme Heinis et moi-même souhaitons savoir si le Gouvernement compte faire des efforts dans ce domaine, notamment en incitant son administration à ne pas prendre trop de libertés avec les politiques mises en route sur le plan européen. Nous vous remercions par avance pour votre réponse.
Dans cette attente, et au-delà des remarques que j'ai pu faire sur le fond, je tiens à indiquer que le groupe des Républicains et Indépendants votera l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers du débat récurrent sur la contribution française au budget communautaire, c'est en réalité une question essentielle qui se pose à nous : quel budget pour l'Europe, et pour quelle Europe ?
Le consentement au prélèvement européen, évalué cette année à 95 milliards de francs, est un acte de foi en l'Europe, et il me paraît important de le rappeler à un moment où certains de nos partenaires contestent le niveau de leur contribution, remettant ainsi en cause les politiques communes et le principe de solidarité entre les pays et les régions.
Mais ce consentement ne nous empêche pas d'émettre des réserves sur le volume de la dépense communautaire, sa gestion ou sa finalité.
Il est effectivement paradoxal que, à un moment où les budgets nationaux sont soumis à de fortes contraintes pour satisfaire aux critères de convergence prévus par le traité de Maastricht, le budget communautaire enregistre pour 1999 une forte hausse, relevant du même coup la contribution nette des grands financeurs, dont celle de la France.
D'autre part, on ne peut qu'exprimer une vive préoccupation devant les irrégularités et les insuffisances qui caractérisent la gestion des crédits communautaires. La récente controverse entre le Parlement européen et la Commission en a donné de nouveaux exemples.
Ces deux facteurs sont de nature à susciter un sentiment de rejet dans l'opinion publique et risquent d'alimenter l'idée, chère à certains, d'une renationalisation de ces fonds.
Cependant, au-delà des modalités de la dépense communautaire, la véritable interrogation porte sur l'ambition au service de laquelle elle est mise. Tout budget sert la mise en oeuvre d'une politique, et celui de l'Union européenne n'échappe pas à cette règle.
Ce budget pour 1999 est un budget de transition, se contentant d'apurer les engagements pris à Edimbourg pour la période 1993-1999 ; il est donc loin de préparer l'Europe aux défis qui l'attendent. Car, monsieur le ministre, vous plus que tout autre allez le mesurer, le contexte dans lequel il s'inscrit n'est en rien, lui, une transition.
Cette dernière année du xxe siècle devrait en effet concrétiser les espoirs et les efforts de tous ceux qui travaillent à la construction européenne. Elle sera en tout cas marquée par des échéances importantes : la ratification du traité d'Amsterdam ; la mise en place de l'euro ; la définition des nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 ; enfin, les élections européennes.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur ces échéances, et tout d'abord sur la ratification du traité d'Amsterdam.
Votre position vis-à-vis de celui-ci manque de clarté. Le sens de l'Etat voudrait que vous le refusiez ou que vous le fassiez vôtre. Au lieu de cela, vous manifestez une tiédeur peu mobilisatrice, notamment pour les citoyens, prétextant avoir hérité du dossier lors de votre venue aux affaires et n'avoir pu faire autrement que de l'entériner.
Pourtant, en dépit d'une lacune majeure sur le plan institutionnel, les progrès sont réels dans certains domaines : asile, immigration, sécurité intérieure et justice, politique étrangère et de sécurité commune.
Vous préférez revendiquer la paternité du volet social. Soit ! Je ne rappellerai pas ici quelques extraits des discours de M. Blair, en opposition totale avec le vôtre, mais il est évident que celui-ci est à usage interne, permettant à vos associés de la gauche plurielle de se prétendre dispensés de leurs engagements d'estrade.
Pourtant, sur des sujets sensibles comme l'immigration, qui intéresse, avec des attitudes très contrastées, tous les citoyens, il est urgent de montrer une certaine cohésion.
Aujourd'hui, il n'y a aucune cohérence des Etats face à l'immigration clandestine, alors que les frontières intérieures n'existent plus. Chaque pays se débarrasse de ces malheureux immigrés et ces derniers courent d'un pays à l'autre en fonction des déclarations parues dans la presse.
Et je ne parle pas de la cacophonie qui règne dans notre pays sur les 60 000 sans-papiers identifiés, entre les déclarations de Mme Voynet, favorable à leur légalisation sans condition, et celles du Premier ministre et du ministre de l'intérieur, qui y sont opposés.
Ne jouons plus sur la sémantique : un sans-papier est un clandestin, entré par effraction sur le territoire ou n'ayant pas respecté le contrat qu'il a passé avec la France au moment de la demande et de l'obtention de son visa. Affirmez votre choix : soit il n'a pas d'existence administrative et doit être reconduit à la frontière, soit vous abolissez les frontières. Mais n'entretenez pas d'équivoque. Défendez la position française à l'échelon européen ou trouvez un moyen terme qui soit commun.
Autre sujet, constituant certainement le support à la fois objectif et affectif qui permettra aux citoyens de l'Union de se sentir et de s'affirmer européens : la politique de défense et de sécurité commune.
Il faut bien admettre que ce qui devrait être une politique extérieure n'est aujourd'hui qu'un ensemble de déclaration provoquant plus l'irritation de nos concitoyens que la conviction d'appartenir à une Union soudée par des intérêts communs.
La liste est longue des signes d'inefficacité et d'incohérence de cette politique.
Combien de morts a-t-il fallu en Bosnie, combien d'humiliations, avant que la force d'intervention rapide ne soit mobilisée sous l'impulsion forte du président Chirac ?
Comment expliquer également que l'Europe finance aux deux tiers l'Autorité palestinienne et qu'elle soit totalement absente des négociations de paix ?
Monsieur le ministre, vous affirmez que treize gouvernements sur quinze, puisque socialistes, mèneront la même politique et faciliteront en cela la construction européenne. Pouvez-vous nous confirmer que vos collègues allemands et britanniques sont prêts à demander la transformation de l'UEO en pilier européen de l'OTAN ?
Par ailleurs, où en êtes-vous en ce qui concerne l'Agence européenne de l'armement ? Il est évident que le caractère étatique ou mixte de nos entreprises concernées est un obstacle. Choisissez-vous le statu quo, au risque de priver ces entreprises d'une dimension internationale et de les condamner à court terme, ou êtes-vous prêt à les privatiser totalement ?
J'en viens au deuxième grand défi de cette année : le rendez-vous de la monnaie unique, qui va constituer un pôle de stabilité monétaire certain. La France s'est déjà qualifiée au dernier rang pour l'euro et le projet de budget pour 1999 ne semble pas la préparer mieux à cette perspective. Le niveau du déficit budgétaire, estimé à 2,7 %, est en effet largement tributaire d'une prévision de croissance qui semble pour le moins optimiste avec, entre autres, un dollar à six francs.
Vous avez, hélas ! sans doute par souci d'apaisement politique vis-à-vis de votre majorité plurielle, choisi d'augmenter les dépenses de l'Etat plutôt que d'utiliser les plus-values fiscales générées par la croissance pour réduire drastiquement le déficit. M. le rapporteur spécial a tenu des propos très éclairants à cet égard.
M. Strauss-Kahn rappelait récemment à Londres son attachement à la culture de la stabilité et à une gestion responsable des finances publiques. Mais comment compte-t-il respecter à la fois le pacte de stabilité auquel la France est liée par le traité d'Amsterdam et les promesses qui ont été faites pour satisfaire les surenchères des communistes et des Verts ? L'accumulation de mesures telles que les 35 heures ou les emplois-jeunes pèse déjà lourd sur ce budget - plus de 55 milliards de francs - alors même qu'aucune baisse tangible d'impôt n'est engagée, contrairement à ce qui se fait en Allemagne et au Royaume-Uni, ou que l'écart entre les taux de TVA n'est toujours pas réduit.
Allez-vous céder à l'esprit de Pörtschach, qui commence à se répandre parmi vos collègues de la nouvelle gauche européenne ? Après avoir insisté sur l'intangibilité du pacte de stabilité sous peine d'attenter à la crédibilité de l'euro, le président du Conseil italien n'a-t-il pas appelé l'Union à abandonner sa lecture orthodoxe ?
Troisième défi : la définition d'un nouveau cadre financier pour la période 2000-2006. Les discussions en cours sur Agenda 2000 constituent à cet égard un indicateur privilégié de l'orientation future des politiques communes.
Vous allez entrer, monsieur le ministre, dans une phase active des négociations. Comment allez-vous défendre les intérêts de la France et sa conception de l'Europe ? A voir ce que l'on nous propose dans ce cadre, la question mérite d'être posée.
Tout d'abord, l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale ne manquera pas d'accentuer l'aspect redistributif des politiques communautaires. La France aura à faire face, dans ce cas, soit à une augmentation de sa contribution, soit à une diminution de son taux de retour, voire aux deux à la fois.
Le deuxième point de l'Agenda 2000 est la réforme de la PAC. Les révisions radicales proposées - forte baisse des prix d'intervention dans les secteurs des céréales, de la viande bovine et du lait et cofinancement par les Etats des aides directes - ne sont ni acceptables par la France ni tenables pour les agriculteurs français.
Si les baisses et les aides sont appelées à évoluer au cours des discussions, la France, principale bénéficiaire de l'Europe verte, avec plus de 60 milliards de francs reçus en 1997, ne peut rester passive face à cette tentative de renationalisation, voire de démantèlement accéléré d'une politique qui été le fer de lance de la construction européenne.
Ce n'est pas là une critique adressée au Gouvernement, monsieur le ministre. Je prends acte de l'action du ministre de l'agriculture et connais son hostilité à une telle évolution de la PAC. Mais il est important que vous nous rassuriez encore et que vous montriez la cohésion du Gouvernement sur cette position.
Enfin, j'aborde le dernier volet de l'Agenda 2000 : le financement de l'Union pour la période 2000-2006. La remise en question de son niveau de contribution par l'Allemagne, soutenue par la Suède, les Pays-Bas et l'Autriche, remise en question à laquelle la Commission semble sensible, est inquiétante. Doit-on voir là le signe d'un effritement des relations franco-allemandes ? Cette remise en cause est-elle compatible avec la volonté de politiques communes et le principe de solidarité entre les Etats, notamment à la veille de l'élargissement ?
En conclusion, je souhaiterais attirer votre attention sur ceux sans lesquels l'Europe ne pourra se faire : les citoyens.
Monsieur le ministre, vous avez, nous avons un rôle essentiel à jouer pour que le processus de construction européenne, à l'oeuvre depuis plus de quarante ans, ne se déroule pas, au mieux, dans l'indifférence, au pire, dans l'hostilité des citoyens.
C'est beaucoup plus les citoyens que les sénateurs qu'il faut convaincre. Rares, ici, sont ceux qui se déclarent totalement hostiles à ce processus : certains sont résignés ; la plupart sont pragmatiques ; d'autres, heureusement, sont encore enthousiastes. Je sais, pour vous voir vous battre depuis longtemps pour cet idéal, que vous vous rangez vous-même parmi les enthousiastes.
Toutefois, à la question posée par nos concitoyens : « A quoi sert l'Europe ? », il n'est pas certain que nous sachions répondre de manière convaincante.
La volonté délibérée de « rapprocher les intérêts pour rapprocher les hommes », selon la formule de Jean Monnet, a certes engendré de beaux succès, qui constituent un premier ciment.
Les citoyens européens sont conscients de la nécessité d'une économie européenne forte face aux Etats-Unis, au Japon ou à d'autres pays. Ils sont fiers, sûrement, des grandes réalisations industrielles que sont Airbus ou Ariane, mais ont-ils un fort sentiment d'appartenance à un ensemble commun ?
A l'heure actuelle, les agriculteurs forment peut-être la seule catégorie socioprofessionnelle accoutumée à vivre l'Europe au quotidien. Mais, dans le reste de la population, dans les PME et les petites entreprises artisanales, l'Europe reste largement vécue comme une vaste machinerie technocratique, servant uniquement à produire des normes.
L'euro va incontestablement renforcer les liens entre les populations des Etats membres parce qu'il va, de manière tangible, marquer l'irruption de l'Europe dans leur vie quotidienne.
Mais il est d'autres initiatives propres à rapprocher l'Europe des citoyens.
Monsieur le ministre, pourquoi avoir retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le projet de loi portant sur la modification du mode de scrutin européen ?
M. Jacques Oudin. Ça, c'est une bonne question !
M. Aymeri de Montesquiou. Même les Britanniques, Européens les plus tièdes, ont compris qu'il fallait un lien entre les citoyens et les députés européens. En France, pourquoi ne pas proposer un scrutin à l'échelle régionale ?
Avec le mode de scrutin que nous connaissons aujourd'hui, les citoyens votent pour un parti, ou plus encore pour une tête de liste, et non pour le bon fonctionnement des institutions européennes ni pour le choix d'une politique européenne sociale, économique et extérieure.
Votre gouvernement a manqué de pugnacité, de courage, préférant ménager sa majorité plurielle plutôt que de défendre ses convictions européennes et l'intérêt des générations futures. C'est regrettable !
Dans un domaine symbolique et pratique, je vous suggère une initiative. Les consulats sont, par essence, en terre étrangère, des lieux où un citoyen peut trouver une protection administrative. Or les citoyens des quinze pays de l'Union sont-ils véritablement en terre étrangère lorsqu'ils se trouvent hors de leurs frontières nationales mais à l'intérieur de l'Union ? Ne pourraient-ils trouver auprès des mairies ou de l'équivalent de nos préfectures les relais administratifs dont ils ont besoin ?
Donnons l'exemple en créant un guichet dans nos préfectures et interrogeons-nous sur l'utilité de nos consulats dans l'Union européenne et sur leur éventuelle suppression. N'y a-t-il pas là une initiative qui pourrait être une source d'économies à moyen terme et surtout une concrétisation de la citoyenneté européenne ?
La construction européenne est, nous le savons tous, un domaine qui, en France, dépasse les clivages politiques traditionnels. Vous avez là, monsieur le ministre, ainsi que dans un degré rare d'homogénéité politique au niveau européen, avec treize gouvernements de gauche sur quinze, l'occasion d'engager des réformes profondes indispensables, notamment institutionnelles, pour donner à l'Europe la substance qui lui manque à l'aube de ce troisième millénaire.
Résolument Européens, les membres du groupe du RDSE approuvent l'article 42 fixant la participation française au budget communautaire. Mais soyez sûr qu'ils seront très attentifs aux réponses que vous voudrez bien leur apporter quant aux choix que vous entendez défendre lors des prochaines échéances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai de dresser un constat et de vous faire part de quelques réflexions.
Le budget de l'Union européenne pour 1999 s'élève à 85,8 milliards d'euros soit environ 566 milliards de francs. Par rapport au budget de 1998, cela représente une augmentation de la contribution française de 3,5 milliards de francs.
Notre participation au budget européen a donc connu une évolution considérable en trente ans puisqu'elle était, en 1971, de 1 milliard 250 millions de francs, en 1980, de 17 milliards de francs et, en 1990, de 56 milliards de francs.
Pour 1999, la contribution française sera de 95 milliards de francs, soit la plus importante après celle de l'Allemagne.
Le débat actuel sur la contribution des Etats membres au budget de l'Union européenne s'est ouvert il y a un an, reconnaissons-le, dans un climat conflictuel. Cette discussion a commencé sur un ton très dur, chacun des Etats défendant ses propres intérêts, ce qui est normal. Pour notre pays, ce débat qui annonce le rééquilibrage du budget de l'Union européenne est fondamental. En effet, certains Etats ont demandé un allégement de leur contribution : il s'agit de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Suède et des Pays-Bas.
L'Allemagne, par exemple, a demandé que sa contribution soit allégée de 30 %. Or si le poids financier d'un Etat membre est diminué, il faut évidemment prévoir une solution pour pallier ce manque de trésorerie. La réponse qui vient à l'esprit est simple et relève du bon sens : la participation des autres pays membres sera obligatoirement augmentée. Ce qui nous conduit à nous poser la question essentielle : comment procéder à une participation équitable de chaque pays au budget de l'Union européenne ?
La Commission a effectué à un relevé de l'ensemble des propositions concevables ; j'en citerai trois.
La première consiste à revoir le mécanisme des ressources propres en le fondant davantage, voire intégralement, sur le produit national brut. Les Etats membres les plus riches selon ce critère - Belgique, Danemark, Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche et Suède devraient payer davantage, les bénéficiaires étant la Grèce, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni. Ce scénario ne répond pas du tout aux aspirations de Bonn, de La Haye, de Vienne ou encore de Stockholm.
La deuxième option consiste à prévoir un mécanisme de correction généralisé en introduisant un système de remboursement partiel des soldes nets, au-delà d'un certain seuil de déficit, qui pourrait être de l'ordre de 0,3 % du produit national brut. L'Allemagne gagnerait ainsi environ 1,7 milliard d'euros.
Enfin, il y a la troisième option, que certains ont appelée l'option agricole.
En effet, la Commission a suggéré qu'à partir de l'an 2000 les Etats membres prennent en charge une partie des dépenses agricoles, par exemple 25 % des aides directes de l'Union européenne, jusque-là financées intégralement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA. Malheureusement pour la France, l'institution européenne semblerait avoir un faible pour cette solution. Nous ne pouvons que nous opposer avec détermination à cette proposition, et cela pour plusieurs raisons.
Cela représenterait pour la France, premier pays agricole de l'Union européenne, un coût de 649 millions d'euros pour l'échéance 2006, soit 4,2 milliards de francs.
Ce nouveau type de financement signifierait, en fait, le début d'un retour à la nationalisation des politiques agricoles au sein de la Communauté. Elle permettrait peut-être aux gouvernements des Etats membres de réorienter la politique agricole, notamment au travers des contrats territoriaux d'exploitation, vers des modes de production plus soucieux de l'environnement, de l'emploi du territoire et, surtout, de la qualité. Mais cela se ferait obligatoirement aux dépens d'une partie du monde paysan, et plus particulièrement des exploitations les plus modestes.
Le Président de la République, conscient des besoins de l'agriculture, de notre agriculture, est convaincu qu'un tel plan se ferait au détriment du monde agricole français dans son ensemble. En effet, pour toutes les organisations agricoles de notre pays, une telle mesure signifierait la mise à mort de la politique agricole commune.
M. Jacques Oudin. C'est vrai !
M. Lucien Lanier. Chaque Etat apporterait des modalités particulières à sa propre organisation, qui modifieraient par conséquent les règles de la concurrence, et l'on ne pourrait donc plus parler de politique agricole commune.
Comme l'a souligné le Président de la République à Aurillac, à l'occasion de sa rencontre avec la profession agricole, le 2 octobre dernier : « Les Français n'ont pas toujours suffisamment conscience de ce qu'ils doivent à l'agriculture ».
En effet, nous ne devons pas oublier que, voilà quarante ans, notre pays était importateur de denrées alimentaires, car nous ne produisions pas suffisamment de produits agricoles pour nourrir notre population.
Grâce aux efforts de recherches et d'expérimentation de ce secteur ces quarante dernières années, la France est aujourd'hui l'un des premiers exportateurs de produits agro-alimentaires dans le monde.
Selon les estimations officielles, en l'an 2050, la planète devrait compter 9 milliards d'habitants. Ainsi, abandonner le marché mondial maintenant, dans cette perspective, serait pour l'agriculture française et européenne une véritable erreur de calcul : ce serait se priver de débouchés très prometteurs.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Lucien Lanier. Le monopole du « pouvoir vert » n'appartient à personne, et les Etats-Unis ne doivent pas pouvoir laisser penser qu'ils peuvent se l'approprier !
La crise de la banane est un exemple de ce genre de comportement. En effet, si l'Union européenne ne fait pas bloc face aux multinationales américaines, les Etats-Unis pourraient bien nous évincer définitivement de certains marchés.
Nous ne pouvons accepter que l'on ouvre l'Europe au marché de la « banane dollars », et que l'on importe de grandes quantités de ces bananes, au seul motif que les producteurs pratiquent un moindre coût pour s'assurer le monopole, au détriment, d'ailleurs, de pays qui sont parmi les plus pauvres : les pays d'Afrique, des Caraïbes ou du Pacifique. On ne peut oublier que le libre-échange n'est pas une fin en soi et qu'il ne vaut que s'il est mis au service des hommes et de la prospérité commune.
Aussi, les Quinze doivent accepter l'ambition de mener ce combat et de relever le défi de parler d'une seule voix au service de leur peuple.
Il est évident que l'issue du débat concernant le rééquilibrage du budget de l'Union ne sera pas sans sacrifices. Je me permets de rappeler, en conclusion, ce que disait Jean Monnet : « Nous sommes là non pour négocier des avantages mais pour rechercher notre avantage dans l'intérêt commun ».
C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR votera l'article 42. (Très bien ! Et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, dans le cadre de la discussion budgétaire, le prélèvement opéré en faveur du budget des Communautés européennes. Le mode d'élaboration de ce budget n'ayant pas été modifié, je suis conduite à reprendre les remarques de fond qui ont été formulées les années précédentes.
Ma première remarque porte sur le rôle des parlements nationaux. Vous le savez, nos assemblées ont un pouvoir particulièrement limité, puisque notre vote ne pourra pas modifier les prélèvements. Ils nous sont donc, en quelque sorte, imposés.
Il ne me paraît pas inutile de souligner l'importance des parlements nationaux comme représentants des populations ayant des droits : ceux de l'information, du contrôle et de la prise de décision.
Chaque parlementaire refuse l'idée même d'être membre d'une simple chambre d'enregistrement. L'affaiblissement du pouvoir législatif ne pourrait, en effet, qu'accroître la désaffection des électeurs et renforcer le refus des citoyens de participer à la vie politique de notre pays. Nous souhaitons exactement le contraire, c'est-à-dire une construction européenne qui corresponde aux aspirations et aux espoirs des peuples qui composent l'Europe, notamment le sud de l'Europe, et non aux intérêts désincarnés des lobbies des institutions financières et des capitaux spéculatifs.
Ma seconde remarque portera sur le montant de ce budget, qui est supérieur à ceux de bien des ministères et qui ne cesse d'augmenter ; plusieurs de mes collègues l'ont d'ailleurs souligné avant moi. Cette année, ce budget progresse de 2,8 %, soit 3,5 milliards de francs. Il n'est pas inutile de noter que cette augmentation est supérieure à l'inflation. Il atteint 95 milliards de francs, contre 91,5 milliards de francs l'année dernière.
Les sommes dégagées pourraient, nous semble-t-il, être affectées différemment dans le budget national. Au moment où l'actualité révèle chaque semaine des situations dramatiques, de telles sommes permettraient d'éviter les tragédies humaines dues à la misère, que l'on connaît.
J'en viens à ma troisième remarque. Nous ne pouvons débattre ni de l'assiette ni de l'affectation des sommes réparties par Bruxelles. Nous devons pourtant nous interroger sur l'utilisation des prélèvements nationaux et des fonds communautaires.
Jusqu'à présent, les politiques de rigueur des Etats membres dictées par l'application des critères de convergence dans le cadre de l'union économique et monétaire n'ont pas enrayé de manière significative le chômage. Elles ont même souvent entraîné une aggravation de la crise sociale, le démantèlement des services publics et une précarité accrue du travail.
Le peu de temps dont je dispose ne me permet pas de développer le grand dossier de l'agriculture française, qui est pourtant particulièrement complexe.
Enfin, je ne saurais taire nos vives critiques à l'égard d'une actualité toute récente : les fraudes sur le budget européen. Chaque année, on nous répond que ces irrégularités sont inacceptables et que des mesures seront prises. L'engagement n'est pourtant jamais tenu.
Monsieur le ministre, cette année, le rapport rendu par la Cour européenne des comptes stigmatise des irrégularités dans le budget européen se montant à environ 28 milliards de francs, soit 5 % du budget total de l'Union.
A ces fraudes répétées chaque année, il faut ajouter la fraude sur la TVA intracommunautaire : elle est estimée à environ 40 milliards de francs de manque à gagner fiscal pour notre pays, soit la moitié de la somme versée chaque année par la France à l'Europe.
Ces sommes seraient nécessaires pour relever les minima sociaux et répondre ainsi à l'exigence des chômeurs.
Le vote du budget pour 1999 intervient dans un contexte européen désormais modifié du fait tout à la fois de l'élargissement de l'Union et du changement de certaines majorités. Aujourd'hui, et plusieurs de mes collègues l'ont également souligné, treize gouvernements sur quinze se disent fortement préoccupés par les questions de l'emploi.
Nous voulons aller vers la construction d'une Europe plus sociale et plus démocratique. Il nous paraît donc absolument indispensable de réorienter l'actuelle démarche de construction européenne et de prendre des mesures concrètes pour répondre aux besoins des peuples.
La France pèse d'un poids certain en Europe. Elle est donc en mesure d'influer sur les dynamiques qui vont dans le sens d'une réorientation des objectifs de l'Union. Tout récemment encore, M. le Premier ministre a manifesté son opposition à l'adoption de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement, marquant ainsi son refus de soumettre notre pays à ce qui est considéré par certains comme une fatalité de la mondialisation ultralibérale.
Ainsi, les 24 et 25 octobre, lors du sommet de Pörtschach, les Quinze ont choisi le soutien à la croissance et à l'emploi et se sont prononcés en faveur d'une baisse des taux d'intérêt.
Certains mouvements sociaux actuels traduisent un refus plus fort des licenciements et le souhait d'un relèvement tant des minima sociaux que des aides d'urgence. Dans notre propre pays, des mobilisations s'organisent pour le droit à la santé et la sauvegarde de l'hôpital. Les assurés expriment haut et fort leurs inquiétudes sur leur avenir et sur leur protection sociale. Enfin, la récente actualité nous rappelle l'exigence des lycéens pour de meilleures conditions d'études. Et nous ne pouvons oublier les exigences des salariés du service public, qui réclament plus de sécurité.
L'Europe est en train de bouger. Les dogmes de la pensée unique et la rigueur monétaire et budgétaire sont désormais mis en cause. Nous souhaitons une autre utilisation de l'argent pour financer un véritable pacte pour l'emploi et la croissance, se substituant au pacte de stabilité. Nos propositions visant à taxer les capitaux fluctuants et les profits spéculatifs gardent toute leur actualité.
Pour manifester notre volonté de voir la construction européenne réorientée, nous avons donc présenté un amendement qui tend à stabiliser la participation de notre pays au budget de l'Union européenne. Il nous semble utile de signaler ainsi fortement notre volonté de réfléchir concrètement avant de modifier cette participation. Il s'agit non pas d'un geste de défiance à l'égard du Gouvernement mais, au contraire, de la manifestation de notre volonté d'établir un bilan critique avant d'aller plus avant. D'ailleurs, si j'ai bien compris, monsieur le ministre, le Gouvernement se propose lui-même de demander le gel des dépenses budgétaires communautaires.
Les parlementaires nationaux doivent pouvoir s'exprimer beaucoup plus sur les problèmes européens et exercer leur droit de contrôle. Cette revendication a d'ailleurs été formulée par la quasi-totalité des intervenants qui m'ont précédée à cette tribune. Aujourd'hui, ce rôle des parlementaires est plus que limité.
Pour toutes les raisons précédemment évoquées, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la septième année consécutive, les parlementaires sont appelés à débattre de la contribution française au budget communautaire.
L'année 1999 sera, pour l'Union européenne, la dernière année de la programmation budgétaire pluriannuelle amorcée en 1993.
Après un budget à croissance nulle en 1998, le projet pour l'exercice 1999 a été établi au niveau de 96,52 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 85,87 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation exceptionnelle respectivement de 6,05 % et de 2,81 %.
Si ce budget semble ainsi marquer une rupture par rapport aux deux derniers exercices, c'est essentiellement en raison de l'inscription de la totalité du solde des fonds structurels, procédure engagée afin de respecter la programmation arrêtée par le Conseil d'Edimbourg.
En réalité, il constitue essentiellement un budget de transition et demeure caractérisé par la maîtrise des dépenses.
Ainsi, avant d'aborder la question qui nous intéresse tous ici et qui est celle de la capacité de l'Union à mettre en oeuvre ses priorités politiques, j'examinerai successivement, et parfois dans le détail, le budget communautaire, d'une part, la contribution française, d'autre part.
Ce budget est le reflet de la volonté des Etats membres de poursuivre les efforts de rigueur nécessaires pour assurer la stabilité de la monnaie unique.
Ainsi, pour comparer ce qui est comparable, sans inclure le solde des fonds structurels, la progression des dépenses par rapport à l'année dernière est particulièrement modérée. Elle est, en effet, de 0,56 % s'agissant des crédits d'engagement et de 0,49 % pour les crédits de paiement.
Les dépenses communautaires se situent encore largement sous le plafond de 1,27 %. Le taux devrait représenter 1,11 % du PIB communautaire pour la fin de la programmation.
Néanmoins, nous pouvons légitimement nous poser la question de la gestion et de l'utilisation des crédits disponibles. L'inscription de la totalité du solde des fonds structurels est-elle en effet liée à une surestimation des dépenses ou à une mauvaise gestion des fonds à l'échelon des Etats membres ? Il semble qu'il s'agisse, en réalité, d'un problème de délais de mise en route des projets et non pas d'un frein mis par les gouvernements aux dépenses nationales. J'y reviendrai dans un instant.
On peut enfin se féliciter que la lutte contre la fraude et contre les atteintes aux intérêts financiers des Communautés devienne un objectif de la Communauté et des Etats membres, en vertu du nouvel article 209 A introduit par le traité d'Amsterdam. Par ailleurs, la majorité qualifiée et la codécision du Parlement européen permettront de faciliter un renforcement des dispositifs communautaires destinés à lutter contre la fraude dans tous les domaines du budget communautaire et sur tout le territoire de l'Union.
En attendant, saluons le renforcement de l'UCLAF, l'unité de coordination de la lutte antifraude, en tant que structure d'enquête indépendante et dotée de meilleurs moyens.
On peut espérer que ces différents outils seront efficaces et contribueront à assainir la gestion des crédits communautaires.
J'en viens maintenant aux dépenses prévues dans le cadre des politiques communes.
La politique agricole commune, d'abord. La dépense communautaire est toujours stable, dans le droit-fil des modalités d'accompagnement arrêtées en 1992. Dans la perspective de la réforme de la PAC, nous soutenons le maintien de la ligne directrice agricole, mais nous ne sommes pas favorables à l'idée d'un cofinancement de la PAC. Nous pensons qu'il faut préserver un modèle agricole européen qui contribue à l'emploi, au développement rural, à l'aménagement du territoire et à la sécurité alimentaire, tout en assurant la compétitivité de notre agriculture.
S'agissant des politiques structurelles, nous nous trouvons là face à un problème complexe.
La difficulté dans ce domaine vient de ce que nombre des sous-exécutions concernent des dépenses dans lesquelles les Etats membres interviennent en cofinancement. Or le principe d'additionnalité qui s'applique à ces crédits suppose que les Etats membres suivent le rythme d'évolution de ces crédits tel qu'il résulte des décisions budgétaires européennes. Dans le cas contraire, les dotations attribuées aux actions structurelles qui ne sont pas utilisées sont normalement rééchelonnées et réintégrées dans les dépenses prévues pour les années suivantes.
Le Conseil ayant décidé cette année de ne pas rééchelonner les engagements et les paiements en matière d'actions structurelles sur les prochains exercices budgétaires, l'augmentation des crédits est particulièrement importante cette année. La croissance des crédits consacrés aux aides structurelles s'élève ainsi à 16,6 % en crédits d'engagement et à 9 % en crédits de paiement.
Le constat de sous-exécution des crédits communautaires incite actuellement certains Etats membres à demander soit la réintégration de ces crédits dans l'enveloppe nationale, soit une diminution de leur contribution au budget communautaire.
Je me séparerai sur ce point des solutions préconisées par les orateurs précédents. Je sais que ce dossier constituera dans les prochaines semaines l'un des noeuds des négociations sur l'Agenda 2000. Nous espérons que le Gouvernement parviendra à convaincre ses partenaires européens de trouver une solution plus satisfaisante. Il conviendrait que la politique d'aide structurelle soit non pas simplement un mécanisme redistributif, mais bien une politique d'aide qui concrétise des objectifs politiques définis par les Etats membres.
C'est pourquoi, à notre avis, on peut s'interroger sur une éventuelle réaffectation automatique des crédits non engagé.
Si un tel mécanisme était adopté, ces crédits devraient, nous semble-t-il, être en priorité employés pour les investissements tels que les grands travaux européens, qui contribueront à double titre, par la création d'emplois et l'aménagement du territoire, à l'unité et à la cohésion de l'espace européen. Ils pourraient par ailleurs contribuer, dans le cadre du Fonds social européen, à soutenir la réalisation des objectifs quantifiés définis dans les lignes directrices pour l'emploi.
En réduisant les disparités régionales, les politiques structurelles doivent en effet concrétiser l'objectif majeur de la construction européenne qui consiste à promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union européenne, tout en accroissant les chances de faire de la monnaie unique une réussite.
Si la France n'est pas un des premiers bénéficiaires des fonds structurels, elle doit cependant veiller à ce que leur efficacité soit évaluée au regard des critères de l'emploi et à ce que l'objectif de cohésion de l'espace européen ne soit pas sacrifié aux contraintes de l'élargissement.
J'en viens maintenant aux politiques internes. Contrairement à ce qui est constaté pour les fonds structurels, on peut ici s'inquiéter de la diminution de l'ensemble des dépenses concernant les politiques internes, principales victimes de l'effort d'économie, tant en crédits d'engagement qu'en crédits de paiement. Ce sont, en effet, les politiques internes qui font l'objet des principales coupes, conduisant à une baisse des dépenses de 5,3 % en crédits d'engagement et de 1,3 % en crédits de paiement par rapport au budget 1998.
Si les crédits de paiement augmentent pour les réseaux transeuropéens, la réalisation des quatorze projets adoptés par le Conseil d'Essen demeure encore incertaine.
On peut également s'inquiéter de l'insuffisance du montant alloué à la recherche et au développement technologique, compte tenu de leur rôle pour l'avenir de l'Union, en particulier en termes de compétitivité.
L'accord intervenu le 17 novembre entre le Conseil et le Parlement européen sur le cinquième programme-cadre recherche a arrêté la dotation globale de 14 milliards de francs et 968 millions d'euros, une dotation ainsi en augmentation de 4,61 % par rapport à la précédente. Le Parlement a finalement accepté la révision éventuelle de la dotation en fonction du prochain cadre financier pour la période 2000-2006, tout en conservant la maîtrise budgétaire.
Les péripéties des négociations sur ce programme, qui ont duré plus d'un an, ne doivent pas nous faire oublier l'enjeu essentiel que constitue le développement de la recherche pour les entreprises. Au moins 10 % de la dotation seront d'ailleurs réservées à la participation des petites et moyennes entreprises à la recherche.
Il nous semble particulièrement important de respecter les montants attribués à la ligne SOCRATES, qui finance les actions d'ERASMUS et des actions dans l'enseignement scolaire, ainsi qu'à la ligne Media II, c'est-à-dire les actions de formation aux métiers de l'audiovisuel et d'encouragement au développement et à la distribution audiovisuels, ligne dotée de 60 millions d'euros en 1999.
Les crédits attribués à « l'initiative emploi » prise par le Parlement européen le 23 octobre 1997 progressent, quant à eux, de 3 % en crédits d'engagement et de 23 % en crédits de paiement par rapport au budget 1998, soit un quadruplement par rapport à l'exécution 1997. Cela mérite d'être salué, mais on peut néanmoins s'interroger sur le montant de ces crédits, qui ne sont peut-être pas encore à la hauteur de la priorité politique réaffirmée au sommet de Pörtschach.
Il faut rappeler que les crédits inscrits sur cette ligne budgétaire, créée l'an dernier et dotée de 450 millions d'euros pour la période 1998-2000, sont principalement destinés à aider les petites et moyennes entreprises à créer des emplois durables. Le Conseil ECOFIN du 19 mai dernier a d'ailleurs arrêté un certain nombre de mesures d'aides financières aux petites et moyennes entreprises innovantes mobilisant 150 millions d'euros en crédits d'engagement pour 1999. J'en profite d'ailleurs pour répondre à M. le rapporteur spécial sur ce point : ce n'est pas parce que les plans pour l'emploi demeurent nationaux qu'il ne peut pas y avoir, en ce domaine, d'initiatives européennes.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Je ne crois pas avoir dit cela !
Mme Danièle Pourtaud. Elles auraient, nous le savons, des retombées nationales.
Enfin, s'agissant de l'action extérieure, on peut constater un réaménagement limité. Les crédits de paiement diminueraient de 3,1 % par rapport au budget 1998 et les crédits d'engagement augmenteraient de 4,6 %.
Le budget destiné à la politique étrangère et de sécurité commune proprement dite est intégralement reconduit, conformément à l'accord interinstitutionnel relatif à son financement.
Pour le reste, le Conseil a choisi de privilégier le programme PHARE destiné aux pays candidats à l'adhésion, au détriment du programme MEDA, ce qui lui permet de respecter les engagements pris à Cannes en juin 1995.
Les crédits d'engagement en faveur des pays méditerranéens ainsi que ceux qui concernent le Moyen-Orient et le Proche-Orient ont été stabilisés, les crédits de paiement diminuant, quant à eux, de 10,3 %.
Il nous paraît aujourd'hui fondamental de financer les programmes préparatoires à l'élargissement tout en préservant ceux qui sont liés au partenariat euro-méditerranéen.
Notons, par ailleurs, que les crédits de paiement ont été préservés pour les lignes les plus sensibles, telles que l'aide alimentaire ou humanitaire, ou encore la coopération avec les républiques issues de l'ex-Yougoslavie.
Il faut souligner, comme vient de le démontrer le soutien aux pays victimes du cyclone Mitch, que seule l'Union européenne est capable de fournir un effort financier de cette ampleur. C'est pourquoi sa marge d'action en matière d'urgence doit être protégée.
J'en viens à ce qui fait plus particulièrement partie de la discussion budgétaire que nous menons en ce moment au Sénat : la contribution française.
La part de la France dans le budget communautaire est relativement stable. Elle s'élèverait à 95 milliards de francs, soit une augmentation de 3,8 % par rapport à l'évaluation révisée pour 1998. Notre pays reste le deuxième contributeur avec 17 %, derrière l'Allemagne avec 27,4 %, tout en étant le premier bénéficiaire avec 16 % des versements. Ces chiffres ne doivent pas cependant sortir de cette enceinte, pour des raisons que chacun, ici, connaît et, je l'espère, partage.
En effet, dans le domaine agricole, environ 90 % des crédits communautaires sont versés directement aux organismes d'intervention sans transiter par le budget de l'Etat. La France est le premier bénéficiaire de la PAC, dont elle aura reçu 22,6 % des crédits en 1997, soit plus de 60 milliards de francs.
Les versements communautaires en faveur de la France par le biais des fonds structurels représentent en moyenne 9,8 % des dépenses structurelles totales sur la période 1994-1999. Il s'agit de l'adaptation des structures agricoles, du développement des zones rurales, des régions en reconversion industrielle et de la lutte contre le chômage.
Ainsi, globalement, le retour vers la France des sommes qu'elle a versées est évalué à 16 %, devant l'Allemagne 14,2%, l'Italie 12,6 %, l'Espagne 11,3 % et le Royaume-Uni 10,8 %.
Le budget communautaire n'est bien évidemment pas un simple exercice comptable où chaque Etat devrait retrouver exactement sa mise de départ. En effet, cela reviendrait à faire un trait sur le principe de solidarité communautaire et à méconnaître les effets induits, que l'on peut attendre des politiques communes, sur le dynamisme local et sur l'emploi.
J'aborde maintenant les priorités politiques qui doivent être celles de l'Union.
Le budget annuel de l'Union européenne doit bien évidemment refléter ses objectifs politiques. Au-delà d'un examen trop strictement budgétaire, nous devons, me semble-t-il, nous interroger sur la manière dont l'Union pourrai continuer à faire fonctionner ses politiques communes et à relever les nouveaux défis qui s'offrent à elle.
Trois priorités sont désormais officiellement celles de l'Union : d'abord, le passage à la monnaie unique, ensuite, la mobilisation pour la croissance et l'emploi, enfin, le futur cadre financier de l'Union.
S'agissant du passage à la monnaie unique, je voudrais, en premier lieu, me féliciter que onze Etats membres aient pu être retenus pour cette étape, contrairement aux craintes exprimées sur certaines travées l'an dernier. Cela est dû à la fois aux efforts de rigueur des Etats membres et à une volonté politique forte. La mise en place de la monnaie unique va être un atout essentiel pour la poursuite des politiques prioritaires de l'Union. Ainsi facilitera-t-elle la coordination des politiques économiques des Etats membres participant à la monnaie unique, au sein du Conseil de l'euro, et l'achèvement de l'harmonisation fiscale, qui est déjà bien engagée. Cela nous semble indispensable pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Les Français et les Allemands ont d'ailleurs décidé de clore les négociations en juin 1999.
Par ailleurs, la zone euro constitue déjà un pôle de stabilité face à la crise financière internationale.
Partant du constat de ce premier succès, le sommet informel de Pörtschach a marqué un tournant dans l'ordre des priorités de l'Union.
Désormais, la priorité politique de l'Union est donc clairement celle de la croissance et de la création d'emplois.
Reste à poursuivre la mise en oeuvre des lignes directrices dans le sens de l'extension des objectifs quantifiés et à faire de la convergence en matière d'emploi une politique à part entière de l'Union. Elle est étroitement liée à la réalisation de la monnaie unique et au renforcement de la coordination des politiques économiques.
Le Conseil européen de Luxembourg, en novembre 1997, avait permis de donner un contenu concret à l'engagement pris à Amsterdam de mettre en application les dispositions du nouveau traité relatives à l'emploi sans attendre la ratification. Les quinze ont pris cet effort de convergence au sérieux.
Les plans d'action nationaux ont donné un nouvel élan aux politiques de l'emploi dans tous les Etats membres. Les résultats des initiatives nationales commencent à être visibles partout. En 1997, ont été créés dans l'Union 800 000 emplois nouveaux, chiffre le plus important depuis le début des années quatre-vingt-dix. On constate ainsi une diminution significative du chômage en Europe : il est passé de 10,6 % en août 1997 à 10 % en août 1998. C'est mieux, mais ce n'est pas encore satisfaisant.
C'est pourquoi il est important que le prochain sommet européen à Vienne donne plus de profondeur et de précision à la finalité de ces plans, et ce à la lumière de l'expérience accumulée pendant la première année. La Commission devrait se servir de ces lignes directrices pour continuer à fixer des objectifs concrets, des comparaisons argumentées et chiffrées étant désormais possibles. A travers cette exigence de croissance et d'emploi, la priorité donnée en 1988 à la cohésion économique et sociale est plus que jamais d'actualité.
Deux objectifs s'imposent pour les prochains exercices budgétaires : privilégier les dépenses susceptibles d'avoir un effet significatif sur l'emploi et développer les potentialités du chapitre « emploi » du traité d'Amsterdam, y compris en termes budgétaires.
L'idée d'un grand emprunt communautaire pour l'emploi et la compétitivité, chère à M. Jacques Delors et défendue par M. le Premier ministre, est l'une des pistes possibles de relance de la croissance, dans une situation qui est aujourd'hui relativement favorable à ce type d'initiative. Nous invitons le Gouvernement à développer cette idée lors du Conseil européen de Vienne en décembre et à convaincre nos partenaires européens de sa nécessité. Il faudra à la fois déterminer la source de cet emprunt et sa destination précise, en termes d'objectif politique.
J'en viens à la troisième priorité : la préparation du nouveau cadre financier de l'Union qui doit prendre en compte à la fois la perspective de l'élargissement, la réforme de la PAC et la refonte des politiques structurelles. Nous l'avons vu tout à l'heure, le budget de 1999 est en effet le dernier des perspectives financières 1993-1999.
Tout l'enjeu est, ici, d'assurer un financement de l'élargissement qui puisse préserver une mise en oeuvre satisfaisante de nos politiques communes.
Le Gouvernement français avait obtenu au Conseil de Luxembourg, en décembre 1997, le principe d'une double programmation des dépenses : programmations distinctes des dépenses consacrées aux politiques communes et de celles qui seront consacrées aux nouveaux Etats membres.
Le gouvernement soutient également aujourd'hui la stabilisation des dépenses budgétaires européennes. Monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous préciser quelles seraient les conséquences d'une telle stabilisation sur les dotations futures des politiques communes.
Les négociations en cours autour des futures perspectives financières ne doivent pas en effet, selon nous, être l'occasion de mesurer si tel ou tel Etat membre est gagnant ou perdant, mais elles doivent être conduites en tenant compte des objectifs politiques que l'Union se fixera.
Je conclus.
Force est de constater que le budget qui nous est aujourd'hui présenté manque encore de lisibilité et de visibilité quant aux priorités politiques de l'Union. Nous souhaitons que le prochain porte les espoirs formés à l'occasion du sommet de Pörtschach et qu'il concrétise cette aspiration commune : mettre l'emploi au coeur de la construction européenne. Le traité d'Amsterdam sera bientôt en vigueur ; il faudra réfléchir à l'affectation de crédits pour la mise en oeuvre réelle des politiques qui seront désormais inscrites sous le titre de l'emploi.
Pour les parlementaires socialistes français, voter ce budget est surtout l'occasion d'affirmer leur volonté de poursuivre la construction européenne. Il reste que la réforme du financement des politiques de l'Union sera bien la marque de la volonté des Etats de poursuivre cette construction dans le bon sens, celui d'une plus grande intégration au service des citoyens.
Confiant, mais vigilant, le groupe socialiste votera donc l'article 42. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Jean Faure remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son excellent rapport, notre collègue Denis Badré présente une analyse sans complaisance du budget des Communautés européennes. Dans son diagnostic, il évoque en particulier les perspectives financières, en insistant sur le fait que celles-ci doivent faire l'objet d'« une vigilance sans faille », ce sont les termes de son rapport.
Cette exigence est difficile à mettre en oeuvre quant on sait que chacun des pays de l'Union européenne estime à la fois payer une contribution trop élevée et ne pas recevoir assez de retombées financières de ce budget.
Cela étant dit, je me bornerai à faire deux observations, l'une concernant la politique des fonds structurels et l'autre les réseaux transeuropéens.
Les fonds structurels représentent, surtout avec l'actuelle génération desdits fonds, un effort budgétaire considérable de la part de l'Union européenne. En effet, si la politique agricole commune utilise 50 % des crédits, la politique des fonds structurels en mobilise environ 30 %.
Les résultats obtenus concrètement sont-ils à la mesure de l'effort considérable qui a été consenti ? Les objectifs qui ont été fixés à cette politique étaient les suivants : obtenir une meilleure cohésion au niveau de l'Union européenne, réduire le plus possible les écarts de développement entre les différents pays, mais aussi à l'intérieur des pays, aider les gouvernements à réduire les inégalités entre régions. C'est incontestablement, dans l'esprit de ceux qui ont voulu la politique des fonds structurels, un facteur important de concrétisation d'une véritable politique d'aménagement du territoire à l'échelon européen.
Aujourd'hui, le résultat n'est pas tout à fait en rapport avec les espoirs qui avaient été placés dans cette politique. Trop de saupoudrage entre les pays, trop de saupoudrage entre les régions ont abouti au constat que les écarts de développement entre les différentes zones géographiques d'Europe n'ont pas été très sensiblement réduits.
Ne considérez pas cette observation comme une critique, car j'ai moi-même apporté ma part à cette situation lors des négociations qui ont été conduites en 1993. La France a probablement été correctement traitée dans les négociations mais, dans l'application et la concrétisation sur le terrain, il y a souvent eu, force est de le reconnaître, une certaine difficulté à assister à l'éclosion de suffisamment de projets concrets susceptibles de mobiliser les moyens mis en oeuvre. Les procédures d'utilisation et de mise en oeuvre des fonds structurels, compte tenu du nombre important de partenaires dans notre pays, ont été et sont encore trop complexes. Nous devrons probablement en tenir compte dans les efforts que nous aurons à entreprendre pour simplifier, assouplir et concrétiser. (M. Machet applaudit.)
Les nouvelles négociations devront être menées dans un contexte caractérisé par la stabilité des crédits accordés à l'Union européenne et, dans l'avenir immédiat, par l'augmentation du nombre d'utilisateurs potentiels de ces fonds structurels.
Nous aurons nous-mêmes, en France, à opérer une sélectivité plus grande dans le choix des zones éligibles, mais je suis conscient, monsieur le ministre, des difficultés qui sont celles de tout négociateur. Au départ, la discussion s'engage sur la base de critères stricts et, dans la phase finale, le rapport de forces fait parfois s'estomper la rigueur des critères.
Cependant, nous vous faisons confiance pour conduire cette négociation avec la volonté d'obtenir un meilleur impact encore dans les années à venir, pour contribuer à apporter un concours européen efficace à notre propre politique d'aménagement du territoire.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Ma seconde observation a trait aux réseaux dits « transeuropéens ».
« Les crédits réservés aux réseaux », a déclaré à juste titre M. le rapporteur spécial, « ne représentent qu'une proportion minime des crédits disponibles dans les politiques internes. » C'est parfaitement exact, et c'est regrettable pour quatre raisons au moins.
Premièrement, inlassablement, depuis le sommet européen d'Essen, les réseaux transeuropéens sont considérés comme un facteur essentiel de la cohésion européenne. Or ces réseaux figurent régulièrement à l'ordre du jour des sommets européens successifs, mais, hélas ! leur concrétisation tarde toujours.
Deuxièmement, les réseaux sont, je le crois, un facteur de cohésion et d'aménagement du territoire. Ils relient les pays entre eux et facilitent le désenclavement des zones périphériques de l'Europe, ce qui est nécessaire pour donner le contenu le plus concret possible à un aménagement du territoire européen authentique.
Troisièmement, l'Union européenne prépare, depuis cinq ou six ans, l'élaboration du schéma de développement de l'espace communautaire, le SDEC. Or un tel schéma serait nécessairement purement théorique et abstrait s'il n'était pas concrétisé sur le terrain par la réalisation d'un certain nombre d'axes dans les différents modes de transport.
Enfin, quatrièmement, psychologiquement, pour que l'Europe soit perçue d'une manière concrète par les Européens, il faut que ces derniers aient le sentiment de percevoir des signes tangibles sur le terrain.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Eh oui !
M. Daniel Hoeffel. Or, les axes transeuropéens, parmi d'autres éléments, peuvent contribuer à une perception positive de l'Europe.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que le Gouvernement français puisse rester l'avocat décidé de cette cause et puisse faire valoir les arguments qui lui permettront de mettre en oeuvre et de concrétiser ses propres projets, parmi lesquels figurent un certain nombre de réseaux transeuropéens.
Vous seriez surpris si je n'évoquais pas au moins un exemple parmi ces réseaux, celui du TGV Est européen, qui est non pas une liaison purement interne à l'Hexagone - faut-il inlassablement le rappeler ? - mais un maillon d'un grand réseau reliant la région d'Ile-de-France et l'Ouest de notre pays au Centre-Europe. C'est, je crois, une raison supplémentaire pour que nous le défendions non pas contre tel autre projet de TGV, car nous connaissons votre attachement profond à la réalisation simultanée d'un axe Nord-Sud et d'un axe Est-Ouest, mais pour qu'il soit réalisé.
Aussi, monsieur le ministre, je vous fais confiance pour défendre ces exigences sur plan de la politique tant des fonds structurels que des réseaux transeuropéens.
C'est pourquoi mes collègues de l'Union centriste et moi-même suivrons les propositions de notre rapporteur spécial en votant les crédits consacrés aux affaires européennes et figurant à l'article 42. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte - c'est bien le terme ! - à la Haute Assemblée du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat à travers le prélèvement européen.
Je souhaite, à cette occasion, vous apporter une appréciation circonstanciée sur le projet de budget européen pour 1999, qui clôt les perspectives financières arrêtées à Edimbourg.
Conscient, comme M. Michel Barnier, du caractère un peu frustant de ce débat, conscient aussi de l'appétit du Sénat de commencer déjà à parler d'autre chose, par exemple d'Amsterdam, je m'efforcerai aussi de mettre ce débat budgétaire en perspective. En effet, nous allons entrer dans une phase plus active de préparation de l'Agenda 2000, c'est-à-dire du prochain paquet financier européen. Par ailleurs, de nombreux dossiers européens essentiels pour l'avenir de l'Union doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi, notamment dans le cadre de la coopération franco-allemande, qui a été activement relancée depuis la formation du gouvernement du chancelier Gerhard Schröder, en particulier dans la perspective maintenant toute proche - il aura lieu la semaine prochaine - du sommet franco-allemand de Postdam.
Je vous dirai ainsi comment le Gouvernement envisage la période nouvelle qui s'ouvre devant nous depuis l'alternance en Allemagne, avec la victoire des socio-démocrates et des Verts.
Pour aussi nette qu'elle soit, cette victoire ne doit pas nous faire oublier l'oeuvre européenne du chancelier Helmut Kohl, qui restera dans l'histoire comme le chancelier de la réunification allemande mais aussi comme celui qui a su convaincre son peuple de renoncer, en faveur de l'euro et dans l'intérêt de l'Europe, à la puissance solitaire du deutschemark et de la Bundesbank.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Le Conseil européen en témoignera à Vienne, dans quelques jours, en recevant M. Kohl à déjeuner - ce qui est banal - mais en lui accordant aussi la dignité de citoyen d'honneur de l'Europe, dont seul avait bénéficié avant lui Jean Monnet.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Il fallait le faire !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Avant d'aborder le budget européen pour 1999, je tiens à remercier le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Badré, ainsi que le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Barnier, qui exercent en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, dont ils ont beaucoup parlé, la vigilance de votre assemblée sur les actes de la Communauté et leur traduction en droit interne. Mes collaborateurs et moi-même avons travaillé avec eux de manière étroite et extrêmement positive, et je veux saluer la qualité coutumière de leurs réflexions.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Merci, monsieur le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je tiens en premier lieu à vous apporter quelques éléments de réflexion sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui.
La Commission a présenté, en juin dernier, son avant-projet de budget. Il est en progression de 6,6 % en crédits d'engagement et de 3,5 % en crédits de paiement par rapport au budget de 1998. Ces taux de progression d'ensemble, et je reprends là l'observation initiale de M. Badré, sont élevés. Ils s'expliquent par une évolution très contrastée des dotations des différentes rubriques du budget communautaire.
En effet, le budget de la PAC est reconduit en euros courants, alors que les dépenses des fonds structurels enregistrent une progression record de 16,6 % en crédits d'engagement et de 9 % en crédits de paiement.
Lors du conseil Budget du 17 juillet dernier, la France a exprimé, par la voix du secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Sautter, son mécontentement devant cet avant-projet, assez coûteux au total et, surtout, déséquilibré dans sa structure interne.
J'en profite au passage pour répondre à ceux qui s'étonnent d'une politique budgétaire laxiste - j'ai entendu M. Badré ainsi que M. de Montesquiou dire quelques mots à ce sujet - que chacun sait que M. Christian Sautter est un gardien, au nom du Gouvernement, extrêmement rigoureux des finances publiques et, pour ma part, sans entrer dans ce débat, je veux dire que je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui, oui, à augmenté les dépenses publiques de 1 % - ce qui est positif pour soutenir la croissance par la demande interne -, qui a en même temps diminué les prélèvements obligatoires -, M. le Premier ministre, Lionel Jospin, a dit hier notre intention à cet égard - et qui continue de réduire, à un rythme absolument compatible avec les disciplines de l'Union européenne et les critères de Maastricht, les déficits publics. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Joël Bourdin. N'importe quoi !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. C'est un point sur lequel il y a un vrai débat !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Restons sur les questions européennes !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je veux bien en rester aux questions européennes, mais je devais quand même faire cette petite incursion sur les finances nationales, puisque que vous vous êtes autorisés vous aussi à y venir ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. José Balarello. Et la CSG !
M. Jean Chérioux. C'est la méthode Coué !
M. Joël Bourdin. Demandez aux retraités !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Toutefois, le projet de budget adopté par le Conseil ne procède qu'à des économies assez réduites par rapport à l'avant-projet de la Commission. Les Quinze ont pu se mettre d'accord, en juiller dernier, sur des économies de 256 millions d'euros sur la rubrique 3, qui rassemble les autres politiques internes de l'Union, et de 209 millions d'euros sur les actions extérieures de l'Union.
En deuxième lecture, le conseil Budget a en outre décidé hier même une économie supplémentaire de 500 millions d'euros en crédits de paiement sur les fonds structurels, afin d'ajuster les crédit aux besoins réels.
Par ailleurs, le conseil Budget a énergiquement refusé hier l'amendement proposé par le Parlement européen visant à saturer tous les plafonds des rubriques financières pour 1999. Cet amendement représenterait un coût de près de 4 milliards d'euros pour les finances communautaires, mais le Parlement européen a indiqué qu'il était prêt à le retirer définitivement du champ des discussions en échange d'un engagement du Conseil à traiter favorablement ses prétentions pour le futur accord interinstitutionnel.
Il va de soi, je veux le dire ici, que nous refusons cette forme de pression. Une nouvelle rencontre sera organisée début décembre entre le Conseil et une délégation du Parlement européen, afin d'aboutir à une forme de conciliation qui pourrait reconnaître au Parlement européen une certaine flexibilité dans l'utilisation des crédits de la rubrique de dépenses, en échange de l'abandon de son amendement.
Je veux au passage rassurer Mme Pourtaud, qui a émis le souhait que soit préservées l'action du Parlement européen en faveur de l'emploi et la ligne qui lui est spécifiquement consacrée. Bien entendu, cette ligne de 450 millions d'euros sur trois ans sera préservée.
Le projet de budget de l'Union, voté en deuxième lecture par le Conseil, s'établit donc, en l'état, à 96,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 85,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 6,1 % pour les engagements et de 2,3 % pour les crédits de paiement. Les efforts d'économies décidés par le Conseil sur les rubriques 2, 3 et 4 ont permis de ramener l'évolution des paiements au niveau du taux de progression des dépenses du budget de l'Etat pour 1999, qui est également de 2,3 %.
Compte tenu du système de ressources de l'Union européenne, l'évaluation de notre contribution au budget de l'Union s'établit donc à 95 milliards de francs, soit une progression de 3,8 % par rapport à 1998. La contribution française pour 1998 avait été évaluée, vous le savez, à 91,5 milliards de francs en loi de finances initiale, et cette évaluation est maintenue dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 1999. Cette contribution - il est vrai que l'on peut regretter, à l'instar de M. Barnier, qu'elle soit évoquée dans un cadre aussi contraint, compte tenu de son importance - représentera 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes de l'Etat pour 1999 contre une estimation à ce jour de 6,3 % pour 1998.
J'en viens à présent au fond du projet de budget adopté hier par le Conseil en deuxième lecture.
Le poids du passé pèse lourdement sur ce budget. Pour respecter les accords d'Edimbourg de 1992, le Conseil a en effet inscrit l'intégralité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévus à l'origine pour la période. Compte tenu du doublement de cette enveloppe par rapport au paquet Delors I, qui était peut-être un peu rapide - je reviendrai tout à l'heure sur les observations de M. Hoeffel - compte tenu aussi du fait que nous avons accumulé depuis 1993 un retard important dans l'engagement des fonds, le coût de ces engagements d'Edimbourg se trouvera concentré sur l'exercice 1999. La rubrique 2 du budget communautaire s'établit ainsi à 39 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 30,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 16,6 % pour les engagements et de 7,2 % pour les paiements par rapport à 1998.
J'observe que la dépense structurelle représentera en 1999 un poids dans le budget communautaire quasiment équivalent à celui de la dépense agricole. Je note aussi que le volontarisme de la programmation d'Edimbourg a porté ses fruits tout de même puisqu'il a permis à trois des quatre pays de la cohésion - l'Espagne, le Portugal et l'Irlande - de faire partie du premier train de l'euro, ce qui est une bonne chose pour eux mais aussi, bien sûr, une bonne chose pour toute l'Union et pour l'assise politique de la monnaie unique, comme le Gouvernement le souligne constamment depuis maintenant plus d'un an.
Mais ce nouvel équilibre communautaire doit aussi nous conduire à une réflexion sérieuse sur le traitement de la dépense structurelle dans les prochaines perspectives financières.
En particulier, il ne nous paraît ni possible au plan budgétaire, ni même justifié au plan économique d'allouer, comme le propose la Commission, les deux tiers de l'enveloppe budgétaire des fonds structurels au nouvel objectif 1, consacré aux régions en retard de développement, dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.
Par ailleurs, la quasi-parité avec la dépense agricole plaide à l'évidence pour une remise en cause du statut privilégié de la dépense structurelle. De ce point de vue, les propositions de la Commission, qui visent à dégager automatiquement les crédits non engagés au-delà d'une période déterminée, vont dans le bons sens ; Mme Pourtaud a présenté une observation pertinente à ce sujet. Il faut sans doute aller au-delà et demander à mettre un terme à l'obligation d'atteindre le plafond de 0,46 % du PIB communautaire pour les fonds structurels.
J'ai été attentif aux remarques et propositions de M. Hoeffel au sujet des fonds structurels. J'abonde dans le même sens et je le remercie de sa confiance. Comme lui, je crois qu'il faut réduire la couverture géographique, notamment pour l'objectif 1 - les régions en retard de développement - et au contraire, concentrer l'effort pour ce qui concerne la France sur les objectifs nouveaux 2 et 3 des fonds structurels. C'est dans ce sens que nous allons négocier, même si cela n'est pas simple. Nous savons en effet que d'autres pays, y compris l'Allemagne, en raison de la situation des Länder de l'Est, ont des intérêts différents. Les négociations se terminent toujours par un compromis. Croyez que le Gouvernement est très déterminé à ce que ce compromis soit favorable aux intérêts français - j'y reviendrai.
A l'inverse des dépenses structurelles, la rubrique 1, qui regroupe les dépenses de la politique agricole commune, enregistre dans le projet de budget pour 1999 une croissance zéro par rapport aux crédits ouverts en 1998, avec la reconduction des 40,4 milliards d'euros inscrits l'année dernière.
Cette « évolution » apparemment vertueuse ne résulte pas, en fait, d'un effort spécifique d'économie. Elle reflète la simple poursuite du versement des aides directes aux agriculteurs dans un cadre réglementaire inchangé. Elle traduit également - on peut s'en réjouir - la continuité des interventions de marché dans un contexte de bonne tenue des marchés mondiaux et des principales productions agricoles qui bénéficient de prix garantis européens.
S'agissant des autres politiques internes - l'éducation, la recherche-développement, les réseaux d'infrastructures - qu'on regroupe traditionnellement dans la rubrique 3 du budget de l'Union, les crédits d'engagement sont en réduction de 5,3 % et les crédits de paiement en réduction de 1,4 % par rapport à 1998.
Ces baisses n'affecteront pas véritablement la substance des actions communautaires qui sollicitent la rubrique 3. Elles se contentent de tirer la conséquence de la sous-exécution qui affecte cette catégorie de dépenses. Le Conseil s'est borné là à faire un acte de bonne gestion en fixant les crédits d'engagement comme les crédits de paiement très exactement au niveau atteint en exécution par les dépenses de la rubrique 3 en 1997.
Au surplus, un traitement favorable a été accordé à deux catégories particulières de dépenses qui représentent à elles seules près de trois quarts des dépenses de la rubrique 3 et qui nous paraissent essentielles pour consolider la compétitivité de l'économie européenne.
Le projet de budget pour la recherche-développement bénéficiera ainsi de 3,4 milliards d'euros de crédits d'engagement et de 3 milliards d'euros de crédits de paiement. Ces crédits correspondent à la première année du cinquième programme-cadre de recherche et de développement, le PCRD, pour la période 1999-2002, sur lequel un accord a pu être trouvé entre le Conseil et le Parlement européen le 18 novembre dernier, après plusieurs mois de négociations difficiles. Cet accord, vous le savez, retient une dotation globale de 14,96 milliards d'euros, en progression de 4,61 % par rapport à l'enveloppe du précédent PCRD. M. Badré a souhaité que l'on fasse mieux pour faire jouer en la matière les synergies européennes.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Mieux, cela veut dire moins de crédits !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Cela a été l'attitude de la France. Nous avons souhaité la maîtrise du PCRD pour que soit fait à la fois un effort réel en faveur de la recherche-développement mais aussi pour que la gestion en soit mieux contrôlée. Cela a été notre attitude constante et nous pensons avoir, sur ce point, obtenu gain de cause avec ce chiffre symbolique qui se situe juste au-dessous de la barre des 15 milliards d'euros.
Je veux assurer à Mme Pourtaud que nous serons tout à fait vigilants à l'intérieur de ce cadre pour préserver les deux lignes sur lesquelles elle a attiré mon attention : la ligne SOCRATES, qui sert à financer le programme ERASMUS, et la ligne MEDIA II, qui sert à financer des programmes audiovisuels.
En outre, les crédits alloués aux réseaux transeuropéens font l'objet d'un accroissement très substantiel de 3,4 % en crédits d'engagement et de 15 % en crédits de paiement par rapport à 1998 pour atteindre le niveau de 579 millions d'euros en crédits d'engagement en 1999.
Ces crédits permettent d'amorcer le tour de table des bailleurs de fonds pour la poursuite de la mise en oeuvre du programme de grands travaux, adopté lors du Conseil européen d'Essen, en 1994.
J'ai entendu à la fois les remarques de M. Badré et le vibrant plaidoyer de M. Hoeffel, qui sait qu'il trouvera en moi un relais, un soutien pour les grands travaux qui concernent l'Est de la France. Je pense au TGV-Est qui, comme il le dit, n'est nullement contradictoire avec d'autres TGV, notamment le TGV Rhin-Rhône.
Il est clair que cette augmentation du budget ne sera pas suffisante. Et la question d'un instrument financier complémentaire, de prêts de la Banque européenne d'investissement, d'un grand emprunt - à ce sujet M. Jospin recevait hier M. D'Alema - ou d'une autre mobilisation de fonds d'investissement reste posée aux Européens si nous sommes capables d'afficher, en la matière, l'ambition nécessaire.
Pour être tout à fait complet sur ce panorama de la dépense communautaire prévue pour 1999, je terminerai en parlant de l'action extérieure de l'Union en direction des pays tiers.
Dans ce domaine, le projet de budget, hors réserve d'aide d'urgence, prévoit une augmentation des crédits de 4,6 % pour les engagements qui s'établissent à près de 6 milliards d'euros. En revanche, il prévoit une réduction de 3,2 % pour les paiements, qui reflète la volonté du Conseil de tirer les conséquences de la sous-exécution importante de ces crédits. Les crédits de paiement s'établissent ainsi à un peu plus de 4 milliards d'euros, soit un niveau légèrement supérieur à celui qui a été atteint en 1997. Pour ce qui concerne les pays d'Europe centrale et orientale, comme les pays méditerranéens, ce projet de budget est conforme aux engagements souscrits au Conseil européen de Cannes, sous présidence française.
Comme je vous l'indiquais dans mon propos introductif, la présentation du budget communautaire doit, bien entendu, être resituée - comme vous l'avez d'ailleurs fait les uns et les autres dans vos interventions - dans la perspective des échéances européennes qui nous attendent. Je vais donc évoquer rapidement quelques dossiers.
Parmi les dossiers importants de cette session parlementaire - c'est peut-être le principal - figure naturellement la ratification du traité d'Amsterdam avec, au préalable, la révision de la Constitution.
Ce n'est pas la première fois que nous abordons ces questions. Vous connaissez le calendrier : le Gouvernement a présenté un projet de loi de révision constitutionnelle en Conseil des ministres le 29 juillet dernier et des dates ont été fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de l'année. Nous sommes au coeur de son examen par l'Assemblée nationale, dont les travaux se sont prolongés assez tard cette nuit. Ils reprendront cet après-midi, pour s'achever la nuit prochaine. Ce texte sera soumis au Sénat les 16 et 17 décembre prochain.
Nous espérons ainsi que le Congrès pourra être réuni dès la mi-janvier. Cela devrait nous permettre, ce qui est indispensable, d'achever la procédure de ratification au plus tard avant la fin du mois de février prochain.
Sur le fonds, quels sont les éléments nouveaux ?
S'agissant de la révision constitutionnelle, le Gouvernement, comme cela a toujours été le cas par le passé en pareilles circonstances, s'est tout simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel.
Il n'a donc proposé de modifier, avec l'accord bien entendu du Président de la République, que le seul article 88-2 de la Constitution, pour autoriser les transferts, non pas de souveraineté, mais de compétences qui seront nécessaires le cas échéant lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières délicates relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile.
Mais il est tout à fait concevable que le Parlement juge nécessaire de compléter cette révision constitutionnelle, notamment par l'extension du contrôle du Parlement national sur les actes communautaires.
Dans le cadre de la discussion qui se déroule à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a dit qu'il ne voyait aucun inconvénient, bien au contraire, à la proposition d'amélioration de l'article 88-4 présentée par le rapporteur de la commission des lois, M. Henri Nallet.
Je réponds ainsi à Michel Barnier, qui souhaitait un dialogue adulte entre le Gouvernement et le Parlement. En élargissant le champ de l'article 88-4 aux actes législatifs des deuxième et troisième piliers, en faisant en sorte que certains documents puissent être communiqués aux assemblées, je crois que nous allons dans ce sens. En revanche, je ne crois pas qu'il faille se saisir de ce débat - mais nous y reviendrons devant la Haute Assemblée - pour modifier les équilibres institutionnels de la Ve République. Sans me montrer aussi sévère que certains sénateurs du RPR, j'estime en effet qu'il faut éviter à cette occasion toute dérive institutionnelle.
Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la ratification du traité en faveur de laquelle je continue de plaider, monsieur de Montesquiou, sans tiédeur ou avec moins de tiédeur peut-être que certains de ceux qui l'ont négociée. Le débat s'est ouvert hier à l'Assemblée nationale et j'ai pu dire, à cette occasion, que je proposais cette ratification du traité sans états d'âme parce qu'il contient des avancées en matière de politique sociale, en matière d'emploi, de politique étrangère et de sécurité commune, en matière de services publics, d'environnement, de droits de la personne et des citoyens, d'égalité entre hommes et femmes, de non-discrimination, etc.
Selon moi, ce traité pèche davantage en fait par ce qu'il ne contient pas que par ce qu'il contient. Ce qu'il ne contient pas, on le sait - c'est quand même un échec que M. de Charette lui-même a souligné, hier, dans un discours d'ailleurs fort talentueux à l'Assemblée nationale - à savoir que le premier objectif de la conférence intergouvernementale qui était de réformer les institutions européennes préalablement à l'élargissement n'avait pas été atteint.
Je crois qu'il n'y a rien qui justifie, aujourd'hui, qu'on ne ratifie pas ce traité. Il est très important - ce sera d'ailleurs un enjeu devant le Sénat - qu'il y ait une cohérence entre la révision constitutionnelle et la ratification : ne pas réviser, c'est aussi refuser de ratifier. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Je précise aussi à M. de Montesquiou, qui s'est ému pour la citoyenneté européenne, que je partage, bien sûr, son point de vue : comme il le sait, le Gouvernement avait proposé un projet de loi modifiant le mode de scrutin pour les élections européennes ; il a été adopté par le Conseil des ministres mais il n'a pu être mené à son terme. On connaît les raisons de son abandon. Vous en avez cité certaines qui sont le fait de la majorité, mais si les groupes qui appartiennent aujourd'hui à l'opposition l'avaient à l'époque davantage soutenu, peut-être ce projet aurait-il connu une meilleure fortune ! Nous avons manqué là une bonne occasion pour l'Europe, pour la démocratie, pour la citoyenneté européenne, occasion qu'il faudra saisir plus tard.
J'en viens tout naturellement au deuxième sujet d'avenir que je souhaite évoquer brièvement devant vous : l'élargissement de l'Union européenne.
Vous le savez, le processus d'élargissement a commencé et la négociation avec les premiers candidats a débuté. L'exercice est donc bien engagé.
Ce qui nous importe, à nous Gouvernement français, et qui nous importe plus que jamais, c'est que ce processus historique positif, qui a une vraie dimension spirituelle et politique, reste contrôlé : le Conseil doit en conserver la maîtrise politique non pas pour le retarder, mais bien au contraire pour assurer son succès.
Dans ce contexte, et alors que certains Etats membres ont pu être tentés d'inciter le prochain Conseil européen à Vienne à ouvrir de nouvelles négociations avec cinq nouveaux candidats, nous considérons qu'il faut s'en tenir aux six négociations déjà engagées. Elles doivent en effet être conduites avec sérieux et la Commission n'aurait pas les moyens de mener simultanément onze négociations.
Je constate à cet égard que la Commission dans son rapport sur les progrès de chacun des onze candidats, rapport rendu public le 4 novembre dernier, ne propose pas l'ouverture de nouvelles négociations, du moins pas avant la fin de l'année prochaine. Cela me paraît sage.
La question du traitement budgétaire de l'élargissement est tout aussi cruciale.
Comme vous le savez, nous avons obtenu au Conseil européen de Luxembourg que le prochain paquet Santer - l'Agenda 2000 - qui fixera le cadre financier de l'Union pour les années 2000 à 2006, opère une distinction étanche entre la programmation des dépenses relatives à l'élargissement et la programmation des dépenses bénéficiant aux Quinze.
C'est la première des garanties indispensables pour assurer la préservation des politiques communes de l'Union.
Cela m'amène, là encore naturellement, à l'Agenda 2000, c'est-à-dire à la négociation financière du paquet Santer.
Pour nous, l'Agenda 2000 est un tout, qui doit donc faire l'objet d'une négociation d'ensemble et non pas de conclusions partielles et successives.
M. Bordas a souligné ce qu'est et ce que doit être l'approche fondamentale du Gouvernement et du Président de la République dans cette affaire, puisque c'est une négociation conduite dans le cadre du Conseil européen et qui sera conclue, nous l'espérons, sous présidence allemande, c'est d'abord de stabiliser les dépenses à Quinze.
Ce sera là notre attitude constante, notre ligne essentielle dans ce débat et, dans cette négociation, nous défendrons à la fois nos intérêts nationaux fondamentaux et l'intérêt communautaire.
Nos intérêts nationaux fondamentaux, c'est-à-dire d'abord, à l'évidence, la préservation de la politique agricole commune.
La PAC doit être réformée pour favoriser son insertion dans les marchés internationaux, pour affermir sa vocation exportatrice. Elle doit être réformée également pour mieux prendre en compte la multifonctionnalité du modèle agricole européen qui est tourné vers la production mais également garant des équilibres du territoire, de la préservation de l'environnement, d'un certain type d'exploitation contribuant à maintenir l'emploi en milieu rural, et, de ce point de vue, je partage entièrement la vision exposée par Mme Pourtaud.
Cela signifie, par conséquent, que nous sommes catégoriquement, résolument, absolument, opposés à l'idée de cofinancement de la politique agricole commune, comme l'ont manifesté MM. de Montesquiou et Lanier. Le cofinancement comporterait effectivement des menaces de renationalisation, voire le démantèlement à terme de la politique agricole commune.
Sur ce sujet, soyez certains que les pouvoirs publics français sont totalement en harmonie. Le Président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement se sont exprimés et s'exprimeront dans les différentes enceintes avec une totale unité.
L'intérêt communautaire doit être justement appréhendé, et, pour le Gouvernement, l'intérêt communautaire commande d'abord d'adopter une programmation d'ensemble qui soit compatible avec les disciplines budgétaires de l'UEM.
De ce point de vue, les propositions de la Commission sont, à l'évidence, beaucoup trop coûteuses, et je reprends ainsi ce que je disais à M. Hoeffel sur les fonds struc-turels.
J'ai eu l'occasion de m'en entretenir à plusieurs reprises avec Mme Wulfmathies, commissaire européen en charge de la politique régionale de l'Union. Pour notre part, nous estimons que l'effort pour les Quinze devrait résider dans la reconduction de l'effort consenti dans le cadre du paquet Delors II, qui était déjà considérable, puisqu'il correspondait à un quasi-doublement des fonds struc-turels.
L'intérêt communautaire commande aussi de rejeter avec fermeté toute généralisation des systèmes de compensation que l'Union a accordés dans le passé à certains de ses Etats membres.
Nous ne devons pas étendre des dérogations accordées dans le passé au Royaume-Uni - dérogations qui, d'ailleurs, ne se justifient plus - à des pays qui sont aujourd'hui, à l'égard de l'Union, dans une situation financière plus défavorable que ne l'était celle du Royaume-Uni en 1984.
Il conviendrait plutôt de poser la question d'un retour aux sources de la logique de l'intérêt communautaire, qui doit absolument prévaloir sur la logique pernicieuse du juste retour. Je partage sur ce point l'opinion de M. Badré selon laquelle l'approche en termes de soldes nets n'a guère de sens. En tout cas elle n'a pas de sens positif pour nous.
Nous rejetons également, de la même façon que nous refusons le cofinancement de la politique agricole commune, toute thèse qui viserait à instituer, au sein de l'Union, un écrêtement des soldes nets.
Ce sont là les deux éléments de refus très forts que met en avant le Gouvernement dans cette discussion.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. M. Bordas s'est fait l'écho des préoccupations de sa collègue Mme Heinis, sénateur de la Manche, sur la lenteur de l'instruction, dans les services de l'Etat, des dossiers relatifs aux subventions structurelles. Je reviens sur ce point parce qu'il me paraît indispensable de l'aborder lorsqu'on envisage la réforme des fonds structurels.
La réforme proposée pour 2000 à 2006 prévoit de simplifier le dispositif - vous le savez - et nous souscrivons à son architecture : trois objectifs au lieu de sept, un document de programmation unique, une évaluation des programmes à mi-période, une simplification des circuits administratifs et financiers entre l'Union et les Etats membres.
Nous avons marqué notre accord sur tous ces principes.
Mais il reste, sur la période antérieure, des reliquats considérables et il faut maintenant que tout le monde se mobilise.
Enfin, je dirai quelques mots sur la mise en route de l'euro, l'indispensable coordination des politiques économiques et le complément social ou, plus précisément, le volet social de cette construction européenne que nous souhaitons maintenant.
Nous sommes à un moment particulier, un moment charnière.
L'euro existe déjà sur les marchés ; il existera officiellement le 1er janvier 1999. Chacun en voit aujourd'hui les bienfaits. Il permet, en effet, d'éliminer ou, en tout cas, d'atténuer les effets de la spéculation internationale.
L'euro nous crée une responsabilité nouvelle : participer à une réforme de l'architecture financière internationale dans le sens du mémorandum français présenté par M. Dominique Strauss-Kahn. Mais il reste aux Européens à donner du sens à cette entreprise considérable qui est, à proprement parler, historique.
Après tout, si l'on n'y prenait garde, l'euro ne pourrait être que l'agrégation comptable de onze monnaies jusqu'ici isolées. Cette vision - c'est clair - n'est pas la nôtre.
Je rappelle d'ailleurs que nous avons demandé et obtenu à Amsterdam la convocation d'un sommet extraordinaire sur l'emploi, qui s'est tenu à Luxembourg en novembre 1997, qui a débouché sur des résultats très substantiels, notamment l'adoption de lignes directrices pour l'emploi, dont nous allons vérifier l'évaluation à Vienne.
Nous avons aussi obtenu la création d'un Conseil de l'euro, qui est une instance politique, qui n'est pas un gouvernement économique, contrairement à ce que j'entendais hier à l'Assemblée nationale, mais qui permet de dialoguer avec une banque centrale qui est indépendante et qui doit le rester.
Ce nouveau Conseil de l'euro doit aussi débattre de la question essentielle de la réforme économique, de questions qui deviennent véritablement urgentes dans le contexte nouveau de l'euro, comme l'harmonisation fiscale et sociale.
Nous nous orientons vers l'adoption d'obligations plus contraignantes dans le domaine de la fiscalité de l'épargne.
Nous devons aussi avancer sur le dossier de la concurrence fiscale déloyale pour les entreprises, principale source de distorsion de concurrence au sein de l'Union.
Nous souhaitons réellement que les progrès soient forts dans le domaine de l'harmonisation fiscale.
Nous devons aussi songer, de manière plus générale, à consolider le modèle social européen en dotant l'Union européenne d'une charte des droits civiques et sociaux.
Je veux ici me faire l'écho des propos de Mme Bidard-Reydet : oui, nous souhaitons une Europe plus sociale et plus démocratique.
J'ai rappelé quelques-uns de ces éléments. Nous allons poursuivre en ce sens. Il faut engager un dialogue social sur l'Europe. C'est en ce sens que les partenaires sociaux ont été consultés le 21 octobre dernier par Mmes Aubry et Péry et par moi-même, et le seront, le 3 décembre, par Mme Aubry et M. le Premier ministre.
Il faut certes aller plus loin. Comme vous, madame le sénateur, j'ai conscience que le traité d'Amsterdam, s'il est plutôt positif, n'est pas le grand traité fondateur de l'Europe politique et sociale que nous souhaitons et pour laquelle nous devons continuer à nous battre.
En conclusion, je me contenterai de souligner la détermination et la continuité de la politique européenne qui est menée par le Gouvernement depuis juin 1997 et qui est profondément marquée par notre volonté de rééquilibrer la construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi.
Je partage sur ce point le sentiment de M. Barnier : la politique européenne n'est plus, c'est vrai, une politique étrangère, mais il faut en même temps instaurer une cohérence entre la politique nationale et la politique européenne. Il ne s'agit pas d'une tâche facile. Il n'est point besoin de rappeler que nous sommes quinze au sein de l'Union. Or nous n'avons pas toujours les mécanismes de décision adéquats pour avancer aussi vite et aussi fort que nous le souhaiterions.
M. Barnier a réclamé, comme M. Lang l'avait fait jadis dans un autre lieu, plus d'âme pour l'Europe. Je partage bien évidemment ce souhait. Mais, en même temps, pour que l'Europe ait plus d'âme, il faut qu'elle ait une cohérence et une efficacité et c'est en ce sens qu'il est indispensable, pas seulement pour la mécanique européenne, mais véritablement pour la démocratie, de réformer profondément les institutions de l'Europe.
S'agissant de l'Amérique centrale qu'a évoquée M. Barnier, la France et l'Europe ont réagi rapidement. Les organisations non gouvernementales sont en place. Elles ont l'expérience du terrain. Mon sentiment personnel est qu'il est préférable de les privilégier plutôt que de mettre en place tout de suite une force permanente d'intervention humanitaire. Mais l'idée est intéressante. Le débat est ouvert, et je remercie M. Barnier de sa proposition qui contribue utilement à alimenter la discussion.
Je crois sincèrement que, dans le domaine des affaires européennes, nous pouvons faire nôtre la formule utilisée par M. le Premier ministre pour qualifier de manière plus générale son action.
« Dès le début, nous avons géré », disait Lionel Jospin. Nous nous souvenons d'ailleurs tous du collectif budgétaire que nous avons adopté, dans l'urgence, en 1997 pour réussir l'euro. Il ajoutait : « Jusqu'au bout, nous réformerons. » Notre objectif reste de construire une Europe-puissance, capable d'exister sur la scène internationale et dans le domaine monétaire, capable aussi de consolider notre modèle de développement économique et social qui a partie liée avec nos valeurs de civilisation.
Dans le vote aujourd'hui, de la contribution française au budget de l'Union européenne, c'est aussi tout cela qui est en arrière-plan et je suis persuadé que, sur toutes les travées de cette assemblée, avec les nuances, parfois plus, que nous connaissons, nous le voulons ensemble. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Par amendement n° I-133,Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin de l'article 42, de remplacer le montant : « 95 milliards de francs » par le montant : « 91,5 milliards de francs ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon une tradition désormais bien établie, notre groupe dépose, à l'occasion de l'examen de l'article de la loi de finances relatif à l'estimation de la participation de la France au budget des Communautés européennes, un amendement de réduction du montant de la contribution de notre pays.
Plusieurs justifications sous-tendent le dépôt de cet amendement.
La première est relative au fait que les modalités de fixation de la contribution française, fondée par un prélèvement sur les recettes de TVA et en fonction de l'évolution du produit intérieur brut marchand, sont contestables.
La deuxième raison porte sur le fait que notre pays est, de longue date, un contributeur net au budget de la Communauté, quand bien même il bénéficierait d'importants retours, en matière agricole par exemple.
Même si d'aucuns estiment qu'il est un peu vain de procéder à une sorte d'évaluation de cette contribution nette, il n'en demeure pas moins que cette réalité est concrètement vécue par notre pays et qu'elle contribue à maintenir un certain niveau de déficit public.
La troisième justification qui guide notre amendement tient au fait qu'une fois de plus le niveau de progression de la contribution française est supérieur à la hausse de l'ensemble des dépenses du budget national.
La quatrième remarque tient aux modalités d'exécution mêmes de ce budget communautaire.
Comme le souligne le récent rapport de la Cour des comptes européennes, il subsiste de nombreuses irrégularités dans la distribution des subsides européens, des irrégularités qui nuisent à la transparence des opérations menées à partir de ces fonds.
Je ne manquerai pas ici de souligner que cette opacité est en partie due à l'extrême complexité - pour ne pas dire plus - des procédures d'instruction des financements et des méthodes de suivi des réalisations financées.
L'Europe, telle qu'elle demeure conçue, même si elle est en train de changer, souffre incontestablement d'une réelle gabegie dans la gestion quotidienne de son fonctionnement, gabegie qui ne manque pas de brouiller quelque peu l'image que peuvent s'en faire les Européens.
Nous inclinons d'ailleurs à penser que c'est aussi dans le déficit démocratique accumulé dans la gestion des affaires européennes et dans le rôle respectif des différentes institutions de la Communauté qu'il convient de rechercher l'origine de ces errements.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Votre rapporteur a indiqué tout à l'heure combien il déplorait lui-même la progression du prélèvement, comme d'ailleurs la progression du budget européen lui-même.
Par son amendement, le groupe communiste républicain et citoyen confirme que votre rapporteur a été bien compris, du moins dans ses attendus. Nous trouvons en effet dans l'amendement l'expression, que je salue, d'un double attachement à la construction européenne et à la rigueur budgétaire, double attachement qui a toujours guidé votre rapporteur lui-même.
Celui-ci a cependant été obligé de vous rappeler tout à l'heure que notre contribution au budget de l'Europe résulte d'engagements internationaux. Nous devons donc veiller à ce que ceux-ci soient respectés ; il en va de la parole de la France et, bien sûr, de la confiance que nos partenaires peuvent avoir dans notre action.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Cet amendement correspond, c'est vrai, à une tradition bien établie, et il en sera de même de la réponse du Gouvernement, qui ne peut accepter cet amendement.
En effet, comme vous le savez, le prélèvement est une contribution obligatoire qui résulte de l'appartenance de la France à l'Union européenne et des obligations découlant des traités en vigueur, en l'occurrence la décision sur les ressources propres de l'Union que le Parlement a ratifiée.
Le chiffre inscrit dans le projet de loi de finances constitue simplement une juste évaluation du montant de cette contribution en 1999, évaluation effectuée sur la base du projet de budget établi par le Conseil le 17 juillet dernier, en première lecture.
Quelques modifications marginales ont, il est vrai, été apportées au projet de budget en deuxième lecture par le Conseil, hier même, mais cela ne justifie pas, à ce stade, une quelconque minoration du prélèvement européen.
C'est pourquoi nous considérons qu'il faut soit retirer cet amendement, ce qui serait la logique, soit le rejeter. M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-133, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 42.

(L'article 42 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES ISRAÉLIENS

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de la Knesset, l'assemblée parlementaire israélienne, conduite par son président, M. Dan Tikhon, qui séjourne actuellement en France à l'invitation conjointe des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
J'espère que cette visite permettra de resserrer encore les relations privilégiées existant entre nos deux institutions, notamment grâce aux groupes d'amitié qui, dans chaque assemblée, permettent d'approfondir le dialogue constant qu'entretiennent la France et Israël. Cette délégation est reçue aujourd'hui par M. Philippe Richert, président du groupe d'amitié France-Israël du Sénat.
Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite à nos collègues israéliens et à leur président la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à fortifier les liens entre nos deux pays. (Applaudissements.)

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LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article 21.

Article 21



M. le président.
« Art. 21. _ L'article 279 du code général des impôts est complété par un h ainsi rédigé :
« h) Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréé au titre de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. »
Sur l'article, la parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le groupe socialiste du Sénat demande l'application du taux réduit de TVA pour la collecte et le traitement des déchets.
La collecte et le traitement des ordures ménagères restent en effet les seuls services publics locaux soumis au taux normal de TVA. Avec le relèvement de ce taux au 1er août 1995, l'écart a d'ailleurs encore augmenté par rapport aux autres services publics locaux : l'eau, l'assainissement, les transports, qui sont soumis au taux réduit.
Il est indispensable que cette situation dérogatoire soit réglée rapidement, alors même que les décisions européennes d'harmonisation des taux de TVA classent les ordures ménagères dans les services à taux réduit et que les exigences croissantes de qualité des procédés - suppression des décharges, épuration des fumées, développement du tri et du recyclage - font augmenter rapidement le coût à la charge de contribuables locaux. En effet, comme la prestation de traitement est pour la collectivité une dépense de fonctionnement sur laquelle elle ne récupère par la TVA, la charge est supportée par le contribuable local. Une réduction du taux de TVA permettrait donc une baisse des impôts locaux.
Enfin, le passage au taux réduit de TVA permettra de favoriser l'adoption par les collectivités locales et leurs groupements de meilleurs procédés sur le plan de l'environnement tout en diminuant le coût pour les ménages de cet effort d'amélioration de notre environnement. Cela permettra également de rendre plus satisfaisant le régime de TVA appliqué aux services d'enlèvement d'ordures ménagères, qui aggrave en particulier fortement le coût du traitement des déchets pour les communes les plus éloignées du centre de traitement.
Le Gouvernement a proposé dans ce projet de loi de finances le passage au taux réduit pour les opérations de collecte et de tri sélectif. Cette position ayant pour objet de concentrer l'aide accordée aux collectes sélectives est une avancée importante qui répond aux objectifs que je viens de rappeler. L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur général, a introduit les opérations de traitement des déchets ayant fait l'objet d'un tri sélectif. Une nouvelle avancée est donc réalisée ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
Nous soutiendrons donc sans réserve cette disposition.
M. Marc Massion. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant que nous n'abordions l'examen des articles relatifs à l'application du taux réduit de TVA, j'aurais souhaité me livrer à quelques considérations et présenter quelques réflexions susceptibles de servir de termes de référence pour nos délibérations. Je ne l'ai pas fait hier soir compte tenu du rythme de nos travaux, mais je crois utile, sans lasser, je l'espère, l'attention de notre assemblée, d'insister sur quelques points.
Nous allons donc examiner - nous en avons déjà examiné quelques-uns - un certain nombre d'amendements consistant à appliquer des baisses ciblées de TVA sur des biens et des services. Le Gouvernement a lui-même donné le signal en ce sens puisque, faute de pouvoir procéder à un mouvement global, il a saupoudré des réductions de taux de TVA sur un certain nombre de produits ou services.
Quel que puisse être l'intérêt sur le fond de ces baisses de TVA, je dois rappeler les contraintes auxquelles nous sommes soumis, indépendamment de la volonté des uns et des autres.
D'une part, nous devons veiller à l'équilibre du budget, et la commission des finances, dans sa démarche d'ensemble, vous a bien expliqué, mes chers collègues, quels étaient les objectifs à atteindre en ce domaine.
Je vous rappelle que, de notre capacité à maintenir l'équilibre, à maintenir le solde dans les limites que nous avons fixées, dépendra la crédibilité de nos propositions budgétaires et donc, mes chers collègues, de notre budget de responsabilité et de prudence.
D'autre part, notre action doit nécessairement respecter le droit communautaire applicable en ce domaine.
Les dispositions communautaires nous autorisent à appliquer un taux normal qui est celui de droit commun. Elles nous permettent également d'avoir, sans que cela soit obligatoire, un ou éventuellement deux taux réduits sur quelques produits ou services énumérés de façon limitative par l'annexe H de la sixième directive « TVA » de 1977. Cela signifie que, si un produit ou un service n'est pas compris dans cette liste, qui comporte dix-sept points, il ne nous est pas possible de réduire, que nous le voulions ou non, de notre propre initiative le taux de TVA qui lui est applicable, sauf à nous mettre directement en contradiction avec le droit communautaire.
Afin d'étendre la liste des biens et services, pouvant être éligibles aux taux réduits, il appartient au Gouvernement d'agir auprès de la Commission européenne afin que celle-ci propose une modification de ladite directive. Cette modification ne peut toutefois intervenir, je le rappelle, qu'à l'unanimité des Etats membres.
En fonction de cette grille d'analyse, cinq grandes séries de mesures vous sont proposées par divers amendements.
En premier lieu, il s'agit de la baisse de la TVA sur le chocolat et la confiserie et autres produits dérivés. Cette mesure est compatible avec le droit communautaire mais d'un coût budgétaire élevé. C'est pourquoi la commission des finances préconise que cette question soit évoquée lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
En deuxième lieu, réduire le taux de la TVA pesant sur les activités de restauration, outre le coût budgétaire important que représenterait une telle décision, n'est pas possible en l'état actuel de la réglementation communautaire, car les prestations de restauration ne figurent pas sur la liste des services susceptibles d'être soumis au taux réduit.
Nous souhaitons que le Gouvernement veuille bien nous informer de l'état d'avancement des négociations menées avec la Commission européenne.
En troisième lieu, différents amendements visent à abaisser le taux de TVA frappant certains produits interactifs, en particulier les cédéroms. Ces mesures sont sympathiques, mais malheureusement, et je parle sous le contrôle du rapporteur spécial du Sénat pour les affaires européennes, elles sont « euro-incompatibles ».
M. Denis Badré. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En quatrième lieu, il est proposé de réduire le taux de TVA pesant sur le droit d'utilisation des installations sportives. Une telle mesure serait compatible avec les règles communautaires, mais son coût budgétaire serait élevé, et cela conduit la commission des finances à suggérer au Sénat de l'examiner lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.
Enfin, la baisse de la TVA affectant le traitement des déchets, qui fait l'objet de l'article que nous allons examiner à l'instant même, doit permettre d'accompagner et d'encourager l'important effort d'investissement que fournissent nos collectivités territoriales, lequel contribue à la défense de l'environnement.
Une telle baisse serait conforme à la réglementation communautaire. Une première étape a été franchie à l'Assemblée nationale par l'extension de l'application de la TVA à taux réduit au traitement des déchets ayant fait l'objet d'une collecte sélective. Nous verrons tout à l'heure qu'il convient de préciser encore cet aspect des choses,...
M. Denis Badré. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... car il est pour une part resté dans le flou, malgré l'avancée intéressante intervenue à l'Assemblée nationale.
Nous aimerions donc obtenir du Gouvernement des précisions quant à la définition des opérations de traitement. Il s'agit en particulier de savoir si les opérations de valorisation énergétique y sont bien incluses, et à quelles conditions.
Par ailleurs, nous souhaitons étendre le champ d'application de cette mesure, et des amendements seront présentés en ce sens. Des propositions seront également formulées à l'occasion de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-181, MM. Eckenspieller et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent :
A. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 21 pour insérer un h dans l'article 279 du code général des impôts :
« h) Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales effectuées dans le cadre du service public local pour le compte des communes ou de leurs groupements. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble des opérations de collecte des ordures ménagères sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - »
Par amendement n° I-82, M. Hérisson propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 21 pour le h de l'article 279 du code général des impôts :
« h) Les prestations de collecte ainsi que les prestations de tri, de recyclage et de valorisation matière, ou biologique, des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, délivrées aux communes et organismes publics de coopération intercommunale qui répondent aux objectifs de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, le caractère probatoire étant fourni par la mise en oeuvre d'un contrat avec un organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret n° 92-377 du 1er avril 1992, y compris la redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant à ces opérations. »
Par amendement n° I-92, M. Adnot propose de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 21 pour le paragraphe h de l'article 279 du code général des impôts :
« h) Les prestations de collecte ainsi que les prestations de tri, de recyclage et de valorisation matière énergétique ou biologique des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, délivrées aux communes et organismes publics de coopération intercommunale qui répondent aux objectifs de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, le caractère probatoire étant fourni par la mise en oeuvre d'un contrat avec un organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret n° 92-377 du 1er avril 1992, y compris la redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant à ces opérations. »
Par amendement n° I-15, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose dans le texte présenté par l'article 21 pour compléter l'article 279 du code général des impôts, après les mots : « et de traitement des déchets », d'insérer les mots : « notamment sous forme de valorisation énergétique ».
La parole est à M. Joseph Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-181.
M. Joseph Ostermann. Le service des ordures ménagères représente, pour les collectivités territoriales et, à travers elles, pour nos concitoyens, un coût de plus en plus élevé.
Cette augmentation quasi exponentielle des coûts tient, d'une part, à l'application progressive d'une réglementation extrêmement contraignante, d'autre part, à la volonté des élus d'assurer un service de qualité.
La collecte sélective, la collecte en conteneurs identifiés et pesés, le tri et le compostage, mais aussi l'incinération avec valorisation de l'énergie, engendrent des frais tout à fait considérables.
Plus l'incinération est « propre », plus l'investissement initial est important, mais plus aussi les charges de fonctionnement s'accroissent. En effet, plus on arrive à capter de polluants, qui ne seront donc pas rejetés dans le milieu naturel, plus les coûts liés à leur inertage et à leur mise en décharge de classe I atteignent des montants impressionnants.
Il ne paraît pas normal, dans ces conditions, que cet effort financier très important des collectivités territoriales soit encore alourdi par la perception, par l'Etat, d'une TVA au taux de 20,6 %.
A l'instar de ce qui a été décidé pour le service de l'eau et pour celui de l'assainissement, le service des ordures ménagères, dans sa globalité, devrait pouvoir bénéficier d'un taux réduit de TVA, c'est-à-dire 5,5 %.
On peut ajouter que, dans sa rédaction actuelle, l'article 21 ne manquerait pas de donner lieu à des interprétations diverses et de susciter, en conséquence, un contentieux abondant.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour défendre l'amendement n° I-82.
M. Pierre Hérisson. L'application du taux réduit de TVA à l'ensemble des opérations de collecte et sélective des déchets municipaux, y compris celle des déchets résiduels, des journaux et magazines ainsi que des fermentescibles, serait, pour les collectivités locales, une réelle incitation à recourir au recyclage.
Le taux réduit de TVA ne pourrait naturellement s'appliquer qu'aux collectivités engagées dans une politique de valorisation des déchets par l'intermédiaire d'un contrat avec une société agréée.
Le coût total pour le budget de l'Etat de la disposition ainsi modifiée dans un esprit qui ne peut qu'aller dans le sens des souhaits du ministère de l'environnement serait de 450 millions de francs, en tenant compte d'un rendement réaliste des collectes sélectives effectuées, ce qui assurerait la neutralité fiscale du dispositif proposé.
M. le président. L'amendement n° I-92 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-15 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-181 et I-82.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aux termes du texte de l'article 21 tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale, après l'adoption d'un amendement présenté par M. Migaud, rapporteur général, sont soumises au taux réduit de TVA « les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers... portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréée au titre de la loi... du 15 juillet 1975 ».
Selon le rapport écrit de M. Migaud, la commission des finances de l'Assemblée nationale a voulu « étendre l'application du taux réduit aux opérations de traitement portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'une collecte séparative, d'autant plus que, lorsqu'il y a tri sélectif, il y a normalement valorisation ». M. Migaud ajoute : « L'impact budgétaire serait alors porté de 327 millions de francs à environ 425 millions de francs. »
Cela a été redit en séance par le rapporteur général de l'Assemblée nationale : « L'amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de la mesure proposée par le Gouvernement aux opérations de traitement sur des matériaux ayant fait l'objet d'une collecte séparative. »
Dans son rapport sur la fiscalité de l'énergie, notre collègue députée Mme Nicole Bricq rappelle que le traitement comporte différentes filières : en premier lieu, l'élimination par stockage ou incinération ; en second lieu, la valorisation, soit par recyclage, c'est-à-dire la valorisation matière, soit par utilisation des calories qui sont récupérées lors de l'incinération - on parle de valorisation énergétique - soit par compostage, c'est-à-dire la valorisation biologique ou organique.
Il apparaît donc que la valorisation énergétique, qui est une modalité du traitement des déchets, dès lors qu'elle est précédée d'une collecte séparative, ou tri sélectif, relève du taux réduit de TVA quand elle porte sur des matériaux faisant l'objet d'un contrat avec une entreprise agréée ; au premier rang des entreprises agréées se trouve ECO-Emballages, que nous connaissons tous.
Ce point, mes chers collègues, n'a cependant pas été explicitement tranché ni dans le commentaire d'article de M. Migaud ni en séance publique à l'Assemblée nationale. Il apparaît donc nécessaire de savoir ce que sont exactement ces prestations de traitement des déchets et de se faire confirmer - nous espérons que vous voudrez bien le faire, monsieur le secrétaire d'Etat - que la valorisation énergétique, qui est distincte de l'incinération, est bien comprise dans le champ de cet article 21.
Cette position est d'ailleurs celle que défend Mme Bricq à la page 130 de son rapport : « Votre rapporteur propose de réserver le bénéfice de cette mesure de baisse de la TVA, dans un premier temps, aux services de collecte sélective et de traitement des déchets en vue d'une valorisation. »
La modification introduite par l'Assemblée nationale correspondait à cette hypothèse et c'était un prolongement logique de la proposition contenue dans le rapport.
Par ailleurs, la vente des produits issus du traitement ainsi opéré, distincte des prestations de traitement, reste soumise au taux de TVA du matériau ainsi recyclé ou traité.
En outre, des problèmes concrets d'application vont se poser.
Il est en effet difficile de faire la distinction, lors du traitement, entre des déchets selon qu'ils ont fait ou non l'objet d'une collecte séparative.
De même, il convient de se faire préciser que le taux réduit s'applique bien aux opérations réalisées entre collectivités - prestations d'un syndicat intercommunal pour ses communes membres ou d'une commune pour une autre collectivité - ainsi qu'aux déchetteries.
Il convient aussi de rappeler l'importance de l'effort d'investissement réalisé par nos différentes collectivités et par les groupements en ce domaine.
Il serait donc extrêmement souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat - et le Sénat a déjà eu plusieurs fois l'occasion d'y insister - que l'ensemble de la filière de collecte et de traitement des déchets ménagers soit soumise au taux réduit.
Compte tenu de son coût et de son éventuel impact sur l'équilibre budgétaire, une telle mesure de généralisation devrait, selon la commission, être discutée en seconde partie.
Dans ces conditions, la commission souhaite que le Gouvernement puisse informer le Sénat des raisons du retard dans la mise en place des plans d'élimination des déchets et des difficultés rencontrées par les collectivités locales lors de la mise en oeuvre de ces plans.
C'est en fonction de cette analyse d'ordre général que la commission présente l'amendement n° I-15, qui vise à préciser clairement que les installations de valorisation énergétique sont bien comprises dans le champ d'application de l'article 21 tel qu'il a été voté à l'Assemblée nationale, le texte actuel visant de façon générique le traitement des déchets.
L'amendement n° I-181 tend à appliquer le taux réduit à l'ensemble de la filière de la collecte et du traitement des déchets. Pour les raisons que je viens d'exposer, la commission, tout en en approuvant le principe, préférerait qu'il soit retiré à ce stade de la discussion pour être examiné lorsque nous aurons abordé la seconde partie de la loi de finances, afin de ne pas perturber excessivement l'équilibre budgétaire.
M. Joseph Ostermann. Alors, je le retire !
M. le président. L'amendement n° I-181 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-82 a pour objet l'application du taux réduit de TVA aux opérations de tri et de traitement des déchets ménagers. Il précise les conditions d'application du taux réduit pour les opérations de collecte et de traitement.
La commission a pris acte de la baisse de TVA applicable à la collecte, au tri et au traitement des déchets ménagers dès lors qu'elle porte sur des matériaux ayant fait l'objet d'une convention ad hoc avec une société agréée.
En conséquence, elle estime que cet amendement est satisfait par son amendement n° I-15. Je suggère donc à M. Hérisson de bien vouloir se rallier à la position de la commission après avoir, bien entendu, écouté ce que le Gouvernement a à nous dire sur cet important sujet.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-82 et I-15 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je veux revenir brièvement sur les deux exposés introductifs à ce débat sur la TVA pour bien souligner qu'il existe effectivement deux conceptions de la réforme fiscale.
Le Gouvernement - M. Miquel l'a très bien indiqué - a la volonté, bien sûr dans les limites que lui imposent tant les moyens financiers disponibles que la réglementation européenne, d'abaisser le taux de la TVA, qui est un impôt sur la consommation. En même temps, il souhaite renforcer les dispositions fiscales tendant à améliorer l'environnement.
M. le rapporteur général, pour sa part, nous a expliqué qu'il avait d'autres priorités fiscales, et je le remercie d'avoir été aussi clair sur ce point.
L'amendement n° I-181 a été retiré, mais je tiens néanmoins à indiquer que, dans un premier temps, le Gouvernement était favorable à ce que les opérations de collecte des déchets ménagers et le tri sélectif soient soumis au taux réduit de TVA. L'Assemblée nationale a ajouté le traitement des déchets ménagers dans le cadre du tri sélectif parmi les opérations pouvant désormais bénéficier du taux réduit de TVA.
Le auteurs de l'amendement n° I-181 souhaitaient que ce taux réduit s'applique à toutes les opérations de traitement des ordures ménagères, et j'ai cru comprendre que M. le rapporteur général était favorable à cette proposition, du moins dans son principe.
Outre qu'une telle mesure aurait un coût très important, le Gouvernement considère qu'il faut privilégier les dispositions tendant à améliorer l'environnement. Or tel ne serait évidemment pas le cas d'une disposition visant l'intégralité des opérations de traitement des ordures ménagères pour l'application du taux réduit.
Il est un autre élément que je tiens à verser au débat, car nous le retrouverons par la suite : si l'on soumet au taux réduit de TVA l'ensemble des activités du service des ordures ménagères, on accorde un avantage aux seules entreprises privées qui effectuent ces opérations. En effet, la collectivité locale assurant elle-même ce service ne bénéficierait pas de cette mesure, et il y aurait là une certaine iniquité.
J'en viens à l'amendement n° I-82.
M. Hérisson souhaite que les recettes de valorisation des déchets bénéficient du taux réduit de TVA. Je tiens à être précis sur ce point, puisque M. le rapporteur général m'a également interrogé à ce sujet.
Il est clair que tout ce qui concerne l'incinération des déchets fait partie du champ d'application de la TVA à taux réduit. Mais, du point de vue du Gouvernement, la valorisation ultérieure des déchets ne peut pas bénéficier du taux réduit de TVA. Il s'agit, en effet, de contrepartie, de livraisons de biens, que ce soit des matériaux de construction ou de l'énergie, qui doivent être frappés au taux qui est propre à leur catégorie.
Je rappelle - mais M. le rapporteur général et M. Hérisson le savent fort bien - que le droit communautaire ne permettrait pas d'appliquer des taux de TVA différents, selon que les matériaux de construction sont fabriqués à partir de sable et de ciment ou selon qu'ils sont issus du recyclage de déchets.
C'est la raison pour laquelle je demande le rejet de l'amendement n° I-82.
M. le rapporteur général, dans un souci de précision qui l'honore, demande un certain nombre d'informations complémentaires à la suite du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale.
L'extension de la mesure aux prestations de traitement, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, couvre non seulement les opérations d'incinération des déchets qui ont fait l'objet d'une collecte sélective, j'y insiste - ce n'est pas le cas le plus fréquent - mais également les opérations d'incinération des déchets qui constituent le résidu d'opérations de collecte et de tri sélectif effectuées en amont dans le cadre de ce que l'on appelle - les spécialistes comprendront - les contrats multimatériaux.
Vous avez aussi souhaité, monsieur le rapporteur général, que le taux réduit de TVA soit étendu aux recettes issues de la valorisation énergétique. Je vous ai répondu sur ce point en commentant l'amendement présenté par M. Hérisson.
Pour résumer, le Gouvernement souhaite le retrait des amendements n°s I-82 et I-15. Dans le cas contraire, il en demanderait le rejet.
M. le président. Monsieur Hérisson, l'amendement n° I-82 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson. A moins que j'aie mal compris, la réponse de M. le secrétaire d'Etat ne me donne pas satisfaction. Par conséquent, je maintiens mon amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-15 n'a plus d'objet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que vous me demandiez la parole, mais je ne pouvais pas vous la donner pendant le déroulement du scrutin. Je vous la donne donc maintenant.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je voulais faire remarquer - je le fais avec retard et vous prie de m'en excuser - que cet amendement n'étant pas gagé il tombait sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
M. le président. La suite de la procédure parlementaire permettra de revoir cette disposition !
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Article 22



M. le président.
« Art. 22. _ I. _ A l'article 257 du code général des impôts, il est inséré un 7° ter ainsi rédigé :
« 7° ter Sous réserve de l'application du 7° et du 7° bis , les livraisons à soi-même, par les propriétaires, des travaux portant sur des logements à usage locatif visés au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation qui bénéficient de l'aide financière de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat prévue à l'article R. 321-4 dudit code, et pour lesquels la décision d'attribution de l'aide est intervenue à compter du 1er janvier 1999.
« Les livraisons à soi-même mentionnées à l'alinéa précédent constituent des opérations occasionnelles ; »
« II. _ Au 6 de l'article 266 du code général des impôts, après les mots : "au 7° bis ", sont insérés les mots : "et au 7° ter ".
III. _ L'article 269 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le 1 est complété par un e ainsi rédigé :
« e) Pour les livraisons à soi-même mentionnées au 7° ter de l'article 257, au moment de l'achèvement de l'ensemble des travaux et au plus tard dans les deux ans de la date de la notification de l'attribution de l'aide de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. »
« 2° Au a du 2, les mots : "aux b, c et d du 1" sont remplacés par les mots : "aux b, c, d et e du 1".
« IV. _ Au 4 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts, après les mots : "au 7° bis ", sont insérés les mots : "et au 7° ter ".
V. _ L'article 284 du code général des impôts est complété par un V ainsi rédigé :
« V. _ Les personnes qui ont été autorisées à soumettre au taux réduit de 5,5 % les livraisons à soi-même de travaux mentionnés au 7° ter de l'article 257 sont tenues au paiement du complément d'impôt lorsque les logements ne sont pas affectés à la location dans les conditions prévues au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Par amendement n° I-16, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe I de cet article pour insérer un 7° ter dans l'article 257 du code général des impôts :
« 7° ter. Sous réserve de l'application du 7° et du 7° bis, les livraisons à soi-même, par les propriétaires, des travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement portant sur des logements à usage locatif visés au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, qui bénéficient pour partie de l'aide financière de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat prévue à l'article R. 321-4 dudit code, et pour lesquels une décision d'attribution de l'aide est intervenue à compter du 1er janvier 1999.
« Les livraisons à soi-même mentionnées à l'alinéa précédent constituent des opérations occasionnelles ; »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application des dispositions du A ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe VI ainsi rédigé :
« VI. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'élargissement du champ des travaux éligibles au taux réduit de TVA dans les logements à usage locatif visés au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite tout d'abord faire un commentaire sur le vote qui vient d'intervenir à l'article 21. Nous aurons, effectivement, à reprendre ce sujet.
M. le secrétaire d'Etat nous a indiqué que l'incinération des déchets avec récupération de la chaleur était bien un mode de traitement éligible au taux réduit de TVA.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. S'il y a tri sélectif !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans le cadre défini par la circulaire Voynet, il y a nécessairement tri sélectif !
Il y a une valorisation organique et énergétique, et c'est donc bien, nous a-t-on dit, l'ensemble du programme de traitement qui est éligible au taux réduit.
L'amendement n° I-82 qui vient d'être adopté apporte des précisions en matière de collecte. Il s'inscrit dans la logique des mesures qui ont été votées à l'Assemblée nationale, dans la mesure où il fait référence au contrat avec un organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret du 1er avril 1992. Il nécessitera néanmoins d'être revu, afin d'être harmonisé avec ce que préconise la commission des finances.
J'en arrive à l'article 22 et à l'amendement n° I-16 que la commission a déposé.
Il s'agit de faire entrer dans le champ d'application de la TVA à taux réduit les travaux réalisés dans les logements conventionnés qui ouvrent droit à l'aide personnalisée au logement.
Seuls les travaux bénéficiant d'une subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, peuvent se voir appliqué de ce taux réduit.
Les travaux effectués dans ces logements sont toutefois plus importants que les travaux subventionnés et les dossiers déposés à l'ANAH comprennent des devis qui peuvent concerner à la fois des dépenses subventionnables et des dépenses non subventionnables.
Notre amendement a pour objet de prévoir que le taux réduit de TVA s'applique aux travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement. Cette définition est identique à celle qui est retenue pour le logement social et moins restrictive que la mention des seuls travaux subventionnés par l'ANAH.
Ainsi, l'ANAH pourra instruire l'ensemble du dossier et sera en mesure de distinguer, dans le dossier qui lui est soumis, les travaux qui entrent dans le champ d'application de la TVA à taux réduit et ceux qui entrent dans le champ des subventions qu'elle peut accorder.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'article 22 prévoit également, dans une finalité sociale, d'appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux qui ont fait l'objet d'une décision d'attribution d'une aide financière de l'ANAH.
Ce dispositif, qui a donc un champ d'application très large, présente deux qualités : simplicité et justice fiscale.
Ce que vous proposez, monsieur le rapporteur général, c'est d'étendre l'application du taux réduit à certains travaux qui ne sont pas susceptibles d'être financés par l'ANAH, et qui, du point de vue du Gouvernement, ne revêtent pas un caractère prioritaire.
Cela signifie que la nature des travaux pour lesquels serait demandée l'application du taux réduit de TVA devrait être examinée par une administration, laquelle serait privée du critère simple d'attribution de l'aide par l'ANAH : cette dernière, après instruction du dossier, décide d'attribuer ou non son aide ; si cette aide est accordée, cela ouvre droit automatiquement au taux réduit.
Monsieur le rapporteur général, le dispositif proposé par le Gouvernement a le mérite d'être simple et équitable, me semble-t-il, alors que le vôtre est complexe ; je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est inéquitable.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, je demanderai son rejet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Article 22 bis



M. le président.
« Art. 22 bis . _ Après le troisième alinéa du I de l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les dépenses payées à compter du 15 octobre 1998, les montants mentionnés au deuxième alinéa sont doublés et le pourcentage mentionné au troisième alinéa est porté à 20 %. Toutefois, le montant des dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt en 1998 ne pourra excéder les montants prévus au présent alinéa. »
Sur l'article, la parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Cet article est important. C'est pourquoi je souhaite en rappeler le contexte et l'intérêt.
En septembre 1998, le Parlement européen a adopté le rapport de M. Bernard Castagnède, qui demande à la Commission européenne de présenter une directive tendant à appliquer un taux réduit de TVA à titre expérimental à certains services à forte densité de main-d'oeuvre.
De son côté, la Commission européenne a ouvert une réflexion sur la réduction du taux de la TVA en faveur des secteurs à forte densité de main-d'oeuvre. Parmi les secteurs proposés, le Gouvernement avait, semble-t-il, retenu celui des services à domicile.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a souhaité également inclure la possibilité d'appliquer le taux réduit de TVA pour les travaux d'amélioration et d'entretien dans l'habitat.
Aujourd'hui, cela ne peut se faire que pour l'habitat social, grâce à une disposition adoptée l'année dernière et à une autre mesure que nous venons d'adopter. L'élargissement à tous les travaux serait une excellente chose et nous soutenons les démarches pour une révision en ce sens de la directive européenne.
Pouvez vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous confirmer la position du Gouvernement sur cette réduction du taux de TVA sur les services à domicile et sur les travaux d'entretien ?
En outre, je voudrais insister sur l'intérêt de ces négociations européennes. Comme nous l'avons déjà dit, la TVA est l'impôt le plus injuste socialement, et la meilleure manière de réduire cette injustice est d'appliquer le taux réduit aux produits et services de première nécessité.
Il est donc nécessaire de revoir largement l'annexe H de la directive européenne, qui dresse la liste les produits et services pouvant être soumis au taux réduit.
Cette réduction de la TVA ne pouvant se réaliser aujourd'hui, l'Assemblée nationale, dans l'attente de la décision européenne, a adopté une amplification du crédit d'impôt, au titre des dépenses d'entretien de l'habitation.
Ce crédit d'impôt prend en compte un montant maximal de travaux de 5 000 francs pour une personne célibataire et de 10 000 francs pour un couple marié, et il est plafonné à 15 % du montant des dépenses.
Il faut relever que les personnes non imposables peuvent bénéficier de cette mesure, car les sommes en question peuvent leur être remboursées.
Par cet article 22 bis , le Gouvernement double le plafond et il porte de 15 % à 20 % le taux applicable à compter du 15 octobre. Cette mesure est très importante et le groupe socialiste la soutient totalement.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Demerliat a posé une question au Gouvernement ; il est courtois de lui répondre, d'autant qu'il s'agit d'une question importante.
En 1998, le Gouvernement ne pouvant baisser le taux de TVA sur les travaux d'entretien à domicile, il a imaginé un système quelque peu complexe de crédit d'impôt, que l'Assemblée nationale a plus que doublé. Ce système a déjà produit ses premiers effets.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, quant à la mise en place d'un système simple, dans lequel c'est le taux de TVA lui-même qui serait ramené à 5,5 %.
Je peux vous confirmer que Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons saisi du problème le commissaire Monti ; nous lui avons de nouveau écrit, le 19 octobre dernier, afin d'inciter la Commission à progresser en la matière.
Je rappelle que, après avoir manifesté une attention bienveillante au cours du sommet exceptionnel sur l'emploi de décembre 1997, la Commission avait envisagé de diminuer la TVA sur certaines activités de main-d'oeuvre.
Le Gouvernement, dans son programme d'action nationale pour l'emploi, au début de 1998, a placé cette question au coeur de sa politique.
Il incombe à la Commission d'élaborer une directive et de la soumettre aux quinze Etats, qui devront l'approuver à l'unanimité, puisque c'est la règle pour tout ce qui a trait à la fiscalité.
Ma réponse est claire, monsieur Demerliat, et vous constatez que nous oeuvrons pour obtenir dès que possible une décision européenne qui fasse passer la TVA applicable aux travaux d'entretien à domicile du taux normal au taux réduit.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22 bis.

(L'article 22 bis est adopté.)

Articles additionnels après l'article 22 bis



M. le président.
Par amendement n° I-141, MM. de Montesquiou, Mouly et Joly proposent d'insérer, après l'article 22 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1 du I de l'article 199 sexies D du code général des impôts, après les mots : "réparations et d'amélioration" sont insérés les mots : "et de travaux de prévention et de lutte contre les termites et autres insectes xylophages".
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Dans de très nombreuses communes, les termites ou autres insectes xylophages provoquent des dégâts considérables assimilables à une catastrophe naturelle. Des mesures fiscales incitatives aideraient à mobiliser nos concitoyens contre ce fléau et contribueraient à le juguler. Les dispositions prises à ce titre pourraient être, par exemple, vérifiées par le centre technique du bois et de l'ameublement afin que les entreprises chargées de ce travail puissent vérifier les renseignements libératoires fournis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Sénat connaît bien le sujet, puisqu'une proposition de loi a été examinée par la commission des affaires économiques et du Plan et adoptée à l'unanimité par notre assemblée pour répondre au problème. Je rappelle que la proposition de loi émanait tout à la fois de M. Camoin ainsi que d'un certain nombre de ses collègues, et de M. Pastor, également cosignataire avec un certain nombre de ses collègues du groupe socialiste.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce texte est en attente d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et nous souhaiterions vivement que des engagements puissent être pris à cet égard.
Avec l'amendement n° I-141, il s'agit d'étendre le crédit d'impôt applicable aux travaux de grosses réparations et d'améliorations afférents à la résidence principale du contribuable aux travaux de prévention et de lutte contre les termites.
La commission souhaiterait entendre le Gouvernement sur le fond du problème et savoir s'il a des précisions à nous apporter sur le sort de la proposition de loi dont j'ai rappelé tout à l'heure l'existence.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur de Montesquiou, le Gouvernement est évidemment soucieux d'aider à la prévention et à la lutte contre les termites et autres insectes xylophages. Je rappelle cependant que ces actions sont déjà comprises implicitement dans les dépenses d'amélioration éligibles à la réduction d'impôt pour gros travaux, et ce en vertu de l'article 199 sexies D du code général des impôts.
M. le rapporteur général a rappelé l'existence d'une proposition de loi tendant à protéger les acquéreurs et les propriétaires d'immeubles contre les termites et autres insectes xylophages. Ce texte a déjà été examiné par le Sénat. Je comprends donc que, par cet amendement, en quelque sorte d'appel, il souhaite inviter l'Assemblée nationale à se saisir au plus vite du problème. Cependant, je ne peux pas prendre d'engagement sur ce point. Monsieur le rapporteur général, vous le savez, le calendrier parlementaire est très chargé. J'ai cependant pris note de la volonté exprimée par M. de Montesquiou et je me ferai un devoir d'en informer mon collègue ministre chargé des relations avec le Parlement.
En somme, monsieur de Montesquiou, vous avez satisfaction : implicitement, ces dépenses sont prévues et, en ce qui concerne la proposition de loi, vous avez de nouveau attiré l'attention sur son sort.
Je vous propose donc de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Je le retire, mais j'aurais souhaité que tous les immeubles soient concernés et non pas uniquement l'habitation principale. En d'autres termes, j'aurais souhaité qu'« implicitement » devienne « explicitement » ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° I-141 est retiré.
Par amendement n° I-113, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 22 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 302 bis ZC du code général des impôts sont abrogées.
« II. - En conséquence, dans l'article 150 M du code général des impôts, le taux « 5 p. 100 » est remplacé par le taux : "4 p. 100". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le supplément de loyer de solidarité a été instauré par l'ancienne majorité pour, selon ses textes fondateurs, permettre le financement de la solidarité envers les plus démunis par les locataires du parc social. En outre, une taxe prélevée sur le supplément de loyer de solidarité payée par les offices d'HLM permettait en partie le financement du fonds de solidarité pour le logement étendu aux copropriétés.
Nous avions alors dénoncé le principe qui consiste à faire financer par les moins pauvres des actions de solidarité au profit des plus pauvres.
Je me permettrai de souligner ici que cette solidarité d'un genre particulier était, en fait, organisée au seul profit du marché, marché qui est tout de même, qu'on le veuille ou non, à l'origine des difficultés de logement de nos compatriotes.
En effet, c'est bel et bien une logique de marché et de segmentation de la « clientèle » qui a inspiré la mise en place du supplément de loyer de solidarité. A cet égard, la ségrégation qui est pratiquée au sein du parc locatif social nous inquiète réellement, et je crois que le Gouvernement est attentif à ce problème.
Cependant, l'expérience de la perception de la taxe a eu le mérite de prouver au moins deux choses.
La première, c'est que le nombre de personnes susceptibles de s'acquitter de ce supplément était très largement inférieur aux prévisions. Ce sont surtout les couples de retraités qui ont été touchés, eux qui contribuent à maintenir l'équilibre social du parc locatif HLM.
La seconde, c'est que la politique d'attribution des logements sociaux était largement ouverte aux ménages les plus modestes, malgré quelques situations un peu particulières rencontrées dans certains organismes. La plupart des locataires ont bien souvent aujourd'hui des ressources plus que modestes.
Il faut également remarquer que le coût de perception de la taxe a été entièrement imputé aux organismes bailleurs. Or ce coût administratif, d'ailleurs relativement élevé, ne se justifiait pas pour l'ensemble des organismes, dont certains connaissent des difficultés de fonctionnement majeures du fait de la situation sociale de leurs locataires.
Nous avons, en son temps, apprécié positivement que M. le ministre du logement ait finalement proposé de supprimer le lien organisé, à l'origine, entre perception de la taxe et financement de la contribution de l'Etat aux fonds de solidarité logement.
Les plafonds fixés pour le supplément de loyer de solidarité ont d'ailleurs été largement modifiés par le gouvernement actuel, de sorte que 30 % à 40 % des familles, notamment des ménages de retraités, n'y sont plus assujetties.
Nous le redisons : la question du logement des plus démunis nécessite bien d'autres initiatives et solutions que celle qui consistait à opposer les uns aux autres, les locataires du parc locatif social.
Nous pensons cependant qu'une étape nouvelle doit être franchie avec la suppression pure et simple de ce supplément de loyer de solidarité que rien ne justifie plus vraiment dès lors que la loi contre les exclusions a défini en particulier les voies et moyens nécessaires pour répondre aux besoins en matière de logement.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen invite le Sénat à adopter cet amendement de bon sens et de justice sociale. (Applaudissement sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, avant de se prononcer, souhaiterait entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme M. Fischer l'a rappelé, depuis dix-huit mois, cette cotisation a déjà, à plusieurs reprises, retenu l'attention du Gouvernement. Mme Luc, notamment, a souvent insisté sur l'importance de ménager une certaine diversité sociale dans nos cités - les spécialistes parlent de mixité - de façon que nos concitoyens ne soient pas « rangés », si je puis dire, par catégories homogènes. C'est pour cela, monsieur Fischer, que des premières dispositions ont été prises en la matière.
Pour autant, le Gouvernement n'est pas prêt, comme vous le souhaitez, à supprimer entièrement cette cotisation dont le produit, de l'ordre de 280 millions de francs en 1999, est susceptible, à condition d'être bien employé, de servir à la solidarité précisément comme vous le souhaitez. C'est pourquoi le Gouvernement, et plus spécialement M. le ministre de l'équipement, du transport et du logement et M. le secrétaire d'Etat au logement recherchent les conditions dans lesquelles le produit de cette taxe pourrait être directement affecté à la Caisse de garantie du logement social de façon à revenir, hors de la logique de marché que vous avez dénoncée, à un soutien plus direct au secteur HLM.
Le Gouvernement a donc compris l'appel qui lui était lancé avec cet amendement. Sans aller jusqu'à retenir l'option radicale que vous suggérez, à savoir la suppression des cotisations sur le surloyer, le Gouvernement confirme qu'il oeuvre dans le sens indiqué. Je vous demande donc, monsieur Fischer, de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, je serai contraint d'en demander le rejet.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° I-113 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Nous avons déjà débattu à plusieurs reprises avec M. le secrétaire d'Etat au logement de ce dossier : le groupe communiste républicain et citoyen le considère comme fondamental.
Comme, j'en suis persuadé, bon nombre de nos collègues eux aussi impliqués dans la gestion du logement social, nous nous inquiétons en effet de l'évolution du parc HLM.
Sous prétexte d'instituer la solidarité, en fait, on la fait payer aux locataires eux-mêmes, et à des locataires malgré tout modestes, souvent des retraités ayant travaillé toute leur vie.
C'est pourquoi, par principe, nous maintenons l'amendement n° I-113.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, mais compte tenu aussi de la nature du gage, qu'elle ne juge pas satisfaisante, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-113, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 22 ter



M. le président.
« Art. 22 ter . _ L'article 261 D du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :
« d) Aux prestations d'hébergement fournies dans les villages résidentiels de tourisme, lorsque ces derniers sont destinés à l'hébergement des touristes et qu'ils sont loués par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un exploitant, dans des conditions fixées par décret.
« Ces villages résidentiels de tourisme s'inscrivent dans une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisirs définie par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° I-17, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par cet article pour compléter l'article 261 D du code général des impôts par les mots : « en Conseil d'Etat ».
La parole est à M. le rapporteur général. M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 22 ter vise à mettre en place un régime fiscal de nature à favoriser la rénovation de l'immobilier touristique en assujettissant à la TVA une nouvelle catégorie d'établissements appelés « villages résidentiels de tourisme ».
Cette disposition, qui résulte d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale sur l'initiative de sa commission des finances, a fait l'objet d'un large consensus. Il s'agit de mettre en place un régime fiscal qui soit susceptible de faciliter la réhabilitation d'un parc immobilier de tourisme aujourd'hui vieilli.
Le principe de la mesure est simple : on permet l'assujettissement à la TVA des prestations fournies par une nouvelle catégorie d'établissements touristiques constituée par les locaux meublés d'habitation dont les propriétaires ont conclu, avec des exploitants, un contrat de location d'une durée minimale de neuf ans dans le cadre d'une opération globale de réhabilitation immobilière. Ainsi sera-t-il possible de récupérer la TVA payée en amont sur les opérations de rénovation.
La commission des finances du Sénat est favorable, sur le fond, à cette mesure, mais elle s'interroge sur la méthode qui consiste à définir un régime fiscal par anticipation, puisqu'il doit s'inscrire dans des opérations d'un type nouveau dites « opérations de réhabilitation d'immobilier de loisir » qui n'ont pas encore été définies dans leur contenu comme dans leur procédure.
Un décret en Conseil d'Etat - ce qui avait d'ailleurs été prévu, me semble-t-il, dans la rédaction initiale de la commission des finances de l'Assemblée nationale - paraît être une sécurité s'agissant d'ensembles immobiliers comportant de nombreux propriétaires ; de plus, cela assurerait une bonne articulation avec le régime des opérations de réhabilitation immobilière, qui, lui, est défini par un décret en Conseil d'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. S'agissant du fond, cet article est intéressant puisqu'il va permettre à des villages de montagne de développer des activités touristiques importantes.
Cet article comporte deux alinéas.
Il est fait état, dans le premier alinéa, d'un décret simple et, dans le second, d'un décret en Conseil d'Etat. Le rapporteur général souhaiterait que le premier alinéa prévoie un décret en Conseil d'Etat. Bien que aucune liberté publique ne soit en cause, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-17, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22 ter, ainsi modifié.

(L'article 22 ter est adopté.)

Articles additionnels après l'article 22 ter



M. le président.
Je suis d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous trois sont présentés par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-233 vise à insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 1° ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-234 tend, après l'article 22 ter , à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le f de l'article 279 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« f) L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice ; ».
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-235 a pour objet d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le f de l'article 279 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du droit de la famille ; »

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre ces trois amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En vérité, ces trois amendements ont le même objet, le deuxième et le troisième étant des amendements de repli successif. Ils s'inscrivent dans un combat engagé depuis longtemps, en tout cas depuis qu'un gouvernement a porté le taux de TVA de 18,60 % à 20,60 %.
Monsieur le président de la commission des finances, vous nous aviez vous-même, en tant que rapporteur général, encouragés à poursuivre ce combat. En effet, le 19 juillet 1995, alors que M. Michel Charasse venait de défendre les mêmes amendements, dont j'étais le premier signataire, vous aviez dit : « Il a semblé à la commission que la présente proposition de loi ne devait pas servir à modifier les règles qui s'appliquent en la matière autres que celles qui sont relatives au taux de la TVA. La commission s'est fixé ce principe, elle y reste fidèle. A lui seul il justifie le rejet de ces amendements. Néanmoins, elle n'a pas trouvé ces amendements indignes d'intérêt. Il lui semble que les dispositions qu'ils contiennent méritent d'être retenues. Aussi pourraient-elles être proposées au Sénat à l'occasion de l'examen du collectif ou, mieux encore, de la prochaine loi de finances. »
Bien sûr, l'impôt indirect est, nous en sommes tous convaincus, l'impôt le plus injuste qui soit - c'est l'art de plumer l'oie sans la faire crier, dit-on, mais toutes les oies, y compris les plus défavorisées !
Est-il possible d'abaisser le taux de TVA ? Nous proposons, par notre premier amendement, de supprimer la TVA sur l'ensemble des honoraires exposés en justice ; par le second au moins de l'abaisser à 5,5 % et par le troisième, enfin, de l'abaisser à 5,5 % au moins en matière de droit de la famille. Une rectification de nos trois amendements s'impose : il s'agit des seuls honoraires car il n'y a plus de frais de justice. Nous nous honorons, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la gauche de l'hémicycle, d'avoir obtenu, après une longue lutte, qu'il n'y en ait plus, en principe, c'est-à-dire que la justice soit gratuite.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Quand on s'honore, on s'honore en général, et cela concerne l'ensemble de l'hémicycle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement ! Ce n'était pas très adroit de ma part, puisque j'ai besoin de votre complicité, que vous nous aviez en quelque sorte annoncée en 1995. (Sourires.) Disons que nous nous honorons particulièrement sur ce côté de l'hémicycle.
Est-il facile de supprimer la TVA ? On nous répond : Non ! et on nous oppose l'Europe, dont il m'apparaît qu'en la matière l'interprétation des règles est assez élastique. De toute façon, ce ne serait pas une raison pour ne pas voter les amendements que nous proposons. En effet, à l'évidence, il faut tendre à une gratuité totale de la justice. Sans même parler de la TVA en général, ce combat-là devrait recueillir un consensus.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où nous voulons consolider l'Europe, il faudrait bien que, dans tous les pays européens, la justice soit gratuite. Songez qu'une personne qui divorce et qui gagne moins de 7 000 francs par mois - et ne bénéficie donc pas de l'aide juridictionnelle - sera obligée de payer, outre les honoraires de son avocat, 20,60 % de TVA. Il n'est pas admissible que cette situation perdure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous pour vous battre sur ce point. L'adoption par le Sénat de l'amendement n° I-233 ou subsidiairement des amendements n° I-234 ou n° I-235 vous aidera à obtenir que la justice soit gratuite et en tout cas traitée de la même manière dans tous les pays. Or, certains pays européens n'ont pas de TVA sur la justice, d'autres ont un taux de TVA de 5,5 % ; en France, il est de 20,60 %.
On nous objecte qu'il n'est pas possible de revenir en arrière, je n'en suis pas convaincu. Quoi qu'il en soit, pour vous aider à vous battre sur ce thème qui, nous en sommes certains, nous est commun, je demande au Sénat d'adopter l'amendement n° I-233. Je suis d'ailleurs persuadé qu'il recevra le soutien de l'ensemble de la Haute Assemblée compte tenu des quasi-engagements pris à l'époque par M. le rapporteur général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-233, I-234 et I-235 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Dreyfus-Schmidt, ces amendements sont évidemment très... sympathiques,...
M. Michel Charasse. ... séduisants !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... voire séduisants à certains égards. Mais je crains que leur coût budgétaire ne soit véritablement très élevé. En effet, tous les honoraires exposés en justice représentent - peut-être M. le secrétaire d'Etat a-t-il une évaluation ? - une somme qui est loin d'être négligeable.
Par ailleurs, les services que vous évoquez ne figurent pas, hélas ! sur la fameuse liste de la fameuse annexe de la fameuse directive.
M. Paul Loridant. C'est euro-incompatible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas à un Européen ardent comme vous que je dois rappeler que nous sommes dans un Etat de droit, dans une « union de droits », si je puis dire, qui engendre des dispositions contraignantes, que nous devons appliquer et qu'il faut prendre au sérieux. Cela n'empêche pas de souhaiter leur modification. Mais, j'ai rappelé dans quel cadre institutionnel il est possible d'y procéder.
Dans ces conditions, vous comprendrez que, à son grand regret, la commission ne puisse qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne vais pas surenchérir dans les regrets. Je ferai valoir des arguments pour vous inciter à retirer ces amendements.
Le premier - je n'insiste pas sur ce point car M. le rapporteur général l'a développé - concerne le droit communautaire, qui a été approuvé à l'unanimité. Il me paraît difficile que les professions de justice puissent se mettre en contravention du droit.
J'ajouterai deux arguments d'ordre économique et social.
Sur le plan économique, si vous exonérez de TVA ces prestations de services ou si vous les soumettez au taux réduit, il en résultera deux inconvénients. D'abord, la TVA payée sur les achats effectués ne pourra pas être déductible. Ensuite, à partir du moment où on ne paie plus la TVA, on doit payer la taxe sur les salaires,...
M. Michel Charasse. Et voilà !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui n'est pas négligeable s'agissant d'activités de main-d'oeuvre très qualifiée comme celle dont vous vous faites, à juste titre, le vibrant défenseur. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe de dénégation.)
Sur le plan social, je rappellerai, car c'est important, que l'aide juridictionnelle, c'est-à-dire l'aide qui est apportée aux personnes qui n'ont pas les moyens de payer un avocat, est déjà soumise au taux réduit de 5,5 %, ce qui me paraît juste. Par ailleurs, une disposition permet aux avocats et aux avoués qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 245 000 francs par an et dont la clientèle est constituée essentiellement de particuliers - ces professionnels font probablement plus du droit de la famille que du droit des affaires - de bénéficier d'une franchise spécifique qui a les mêmes effets qu'une exonération de TVA.
Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, pour cet ensemble de considérations, le Gouvernement n'est donc pas favorable à ces trois amendements, et si vous ne les retirez pas, je serai contraint de demander au Sénat de les rejeter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-233.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai relevé un malentendu grave, et je suis ravi que nous puissions en discuter.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé les avantages que la TVA en matière de justice peut avoir pour les avocats et vous avez ajouté que j'étais leur vibrant défenseur. C'est, veuillez m'excuser, monsieur le secrétaire d'Etat, un contresens complet.
Je n'ai pas besoin de préciser - mais pourquoi ne pas le faire ? - que je suis avocat honoraire et non plus en activité. De plus, ce n'est absolument pas pour mes anciens confrères que je me bats, au contraire donc.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une forte TVA sur leurs honoraires présente peut-être pour eux des contreparties appréciables, mais là n'est pas le problème. Je suis le défenseur vibrant non pas des avocats, mais des justiciables. J'ai donné des exemples. Le plafond de l'aide juridictionnelle est ce qu'il est. Je veux bien comprendre qu'il est difficile, en l'état actuel des finances publiques, d'aller plus loin, encore que ce soit le but que nous avons en commun. Mais, tel qu'il est, ce plafond engendre des situations tout à fait regrettables. Je l'ai dit, nous avons engagé, les uns et les autres, un combat pour parvenir à ce que la justice soit gratuite pour les justiciables. Avec la TVA sur les honoraires, elle ne l'est plus.
J'aimerais au moins que vous nous ayez bien compris et que, nous ayant bien compris, vous preniez devant nous l'engagement de vous battre à l'échelon européen pour que la TVA soit supprimée en matière de justice. S'il vous paraît possible de prendre cet engagement, nous retirerons nos amendements.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote. M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Les négociations sur les directives européennes en matière de TVA ont duré si longtemps que nous sommes sans doute un certain nombre dans cet hémicycle à y avoir participé à un moment ou à un autre et à avoir gardé le souvenir de leur complexité.
Cela étant, il y a quand même quelque chose d'assez curieux dans les classements qui ont été opérés, à l'époque, entre le taux normal et le taux minoré, c'est-à-dire entre les deux catégories de taux. La notion de produits dits « de consommation populaire », ou « de prestations de consommation populaire », a été, me semble-t-il, assez mal appréhendée par le Conseil des ministres européen et par la Commission elle-même.
Le problème est délicat, dans la mesure où rouvrir la négociation sur la répartition des produits, c'est ouvrir une boîte de Pandore terrible. Il n'empêche que nous constatons, à la faveur des amendements qui sont régulièrement déposés sur chaque loi de finances ou sur chaque collectif tous les ans, qu'il y a tout de même un certain nombre de problèmes et que ces problèmes doivent également se rencontrer chez nos partenaires européens.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, je serais heureux que vous entendiez clairement l'appel que vous lance M. Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes bien convaincus que, pour l'instant, ses trois amendements, même si le Sénat se faisait plaisir en les votant, ne seraient pas applicables ou entraîneraient la mise en demeure de la France par la Commission puis notre condamnation, par la Cour de justice à la demande de la Commission, si nous persistions dans l'illégalité.
Mais ne serait-il pas possible de demander, dans le paquet de réformes fiscales qui est actuellement à l'étude à Bruxelles, une révision d'ensemble de la liste, sinon par produit, du moins par groupe de produits, afin de mieux distinguer ce qui relève de ce que j'appellerai la consommation populaire ou la grande consommation de ce qui relève de la catégorie des autres produits taxés au taux normal ?
L'accès à un service public - et la justice est un service public - est tout de même un « produit » de consommation courant et, par conséquent, cela mériterait, me semble-t-il, qu'une démarche soit engagée dans ce sens, à la fois pour la justice mais aussi, peut-être, pour les autres produits ou prestations que nous allons inventorier tout au long de ce débat, puisque nous allons examiner dans un instant toute une série d'amendements divers et plus ou moins justifiés qui vont se heurter aux mêmes objections tirées du droit européen.
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous lance un appel : la France ne pourrait-elle pas, dans un memorandum complémentaire adressé au commissaire européen qui suit actuellement les questions fiscales - il s'agit de M. Monti -, poser ce problème ?
J'ajouterai qu'il ne faut pas oublier le coût budgétaire de ces mesures pour l'Etat, question qui n'est pas négligeable au moment où nous sommes obligés, les uns et les autres, de tenir correctement les comptes de la France et les déficits publics. Et je voudrais profiter de cette brève intervention pour dire à M. le secrétaire d'Etat qu'il existe un gisement inexploré et inexploité depuis très longtemps, à savoir le recouvrement des amendes contraventionnelles et pénales.
Si les amendes pénales et contraventionnelles se prescrivent en un an, les greffes et les comptables du Trésor sont incapables de procéder à leur recouvrement normal dans ce délai et le budget de l'Etat perd tous les ans, de ce fait, 1,5 milliard de francs. En effet, au bout d'un an, toutes les amendes - qu'elles soient contraventionnelles ou pénales - sont prescrites.
M. Jean-Pierre Fourcade. Il a raison !
M. Michel Charasse. Je souhaiterais donc que, parallèlement à la démarche que le Gouvernement pourrait entreprendre auprès de Bruxelles - non pas pour tout remettre sur le tapis, mais pour tenter d'opérer une distinction plus rigoureuse mais aussi plus réaliste entre la consommation populaire et le reste - vous examiniez, monsieur le secrétaire d'Etat, ce problème irritant du recouvrement et de la prescription des amendes, qui fait perdre beaucoup d'argent au Trésor public.
Si vous prenez l'engagement de présenter cette notule à Bruxelles pour que ce sujet soit examiné, je suis persuadé - le connaissant bien et connaissant sa bonne foi dans cette affaire ainsi que ses convictions européennes - que M. Dreyfus-Schmidt retirera ses amendements le coeur un peu plus léger.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai bien entendu l'appel vibrant de M. Dreyfus-Schmidt en faveur des justiciables, appel qui a été renforcé de manière ô combien éloquente par M. Charasse.
Comme je l'ai dit, le Gouvernement a la volonté de demander à Bruxelles d'évoluer en matière de TVA. Pour cela, plusieurs méthodes sont possibles, dont l'une pourrait satisfaire aussi bien le Sénat que l'Assemblée nationale : il suffirait de dresser une liste très longue de produits et de services, qui aurait certes l'avantage de rendre le Gouvernement sympathique mais qui ne déboucherait sur rien. En effet, nous savons d'ores et déjà que nos amis néerlandais voudraient alors faire passer au taux réduit la fabrique des sabots, par exemple, et je vous laisse imaginer ce qui se passerait si chaque pays ajoutait un élément sur cette liste.
La justice constitue incontestablement un sujet tout à fait important. En matière de pression courtoise mais ferme sur Bruxelles, le Gouvernement a toutefois mis la priorité sur l'emploi. C'est ainsi que, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, nous avons écrit le 19 octobre au commissaire Monti au sujet des services d'entretien à domicile et que nous insistons actuellement pour que certains services de main-d'oeuvre passent du taux normal au taux réduit. Cela ne signifie nullement, monsieur Dreyfus-Schmidt, que la justice ne soit pas une activité susceptible de mériter tous nos soins, mais je crois que nos revendications seront d'autant mieux entendues à Bruxelles qu'elles seront ciblées.
Je pourrais, certes, vous offrir des espoirs pour plus tard, mais, pour l'instant, ce serait vous mentir que de prétendre que la priorité du Gouvernement ne porte pas sur les services à domicile et sur un certain nombre d'activités comportant une proportion considérable d'emplois, qualifiés ou non.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, monsieur Charasse, j'ai entendu votre appel : nous ne serons pas inertes vis-à-vis de Bruxelles, mais nous allons donner la priorité aux activités de main-d'oeuvre. La priorité absolue du Gouvernement et, je crois, de nombre d'entre nous, va en effet à l'emploi et nous préférons déposer des demandes ciblées sur un certain nombre de secteurs employant beaucoup de main-d'oeuvre que de demander - ce qui serait certainement souhaitable, monsieur Charasse ! - une remise à plat complète du dispositif. Ceux qui ont l'expérience des négociations à quinze savent très bien que, si l'on souhaite remettre à plat tout un dispositif, nous pourrons en parler encore l'an prochain, puis l'année suivante et aussi longtemps que ce sera nécessaire.
Nous avons donc un souci d'équité. Malgré le grand respect que nous avons pour la justice, l'efficacité commande que l'on concentre les demandes de la France sur les activités de main-d'oeuvre.
Je regrette, monsieur Dreyfus-Schmidt, de ne pas prendre l'engagement solennel d'écrire demain au commissaire Monti sur ce sujet, mais je suis sûr que vous comprendrez que la France doit définir des priorités et que la justice doit temporairement passer derrière les secteurs de main-d'oeuvre. De nombreux pas ont été faits, tant dans le budget de 1998 que dans le projet de budget pour 1999 dans ce dernier domaine, et des dizaines de milliers d'emplois, voire davantage, sont en jeu.
J'espère, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous comprendrez le point de vue du Gouvernement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne sais pas si j'interviens au bon moment de notre débat, mais je crois pouvoir le faire à l'occasion de la discussion des amendements déposés par M. Dreyfus-Schmidt, puisque je connais ses sentiments européens.
Je redoute, mes chers collègues, que nous ne développions une sorte d'« euro-allergie fiscale » à l'occasion des discussions qui vont suivre. Or il ne nous faut surtout pas le faire et nous devons être pédagogues sur ce sujet.
Je tiens à rappeler, tout d'abord, que nous avons la liberté de fixer le niveau de nos taux, même si nous sommes tenus d'avoir un taux de droit commun et un, voire deux taux réduits.
Ensuite, il ne faut pas oublier non plus, mes chers collègues, que le produit de la TVA représente la moitié des ressources de l'Etat et que, chaque fois que l'on propose de réduire le prélèvement opéré sur un produit au titre de la TVA, nous nous proposons de réduire à due concurrence les dépenses de l'Etat, sauf à augmenter l'impôt, ce que nous n'envisageons pas. Il faut donc que nous soyons pleinement responsables de ce point de vue.
Il reste que le taux réduit, qui est un taux d'exception par rapport au taux de droit commun, peut concerner, après discussion - nous connaissons la grande diplomatie de M. le secrétaire d'Etat au budget dans les discussions qu'il a à mener avec nos partenaires européens - des prestations et des éléments supplémentaires.
Je souhaite simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous tenir informés - mais je sais que vous en avez tout à fait la volonté et nous utiliserons au maximum cette information, car elle nous aidera - des travaux que vous menez sur le plan européen pour que le Parlement, dont c'est la mission, puisse connaître précisément quelles sont les priorités du Gouvernement.
A cet égard, je vous indique, monsieur le secrétaire d'Etat, que, même s'il m'est arrivé de vous critiquer par ailleurs, vous avez répondu de manière très claire voilà un instant. Nous connaissons bien ainsi les priorités du Gouvernement en ce qui concerne le champ du taux réduit, et peut-être pourrons-nous aborder la fiscalité de la TVA avec plus de sérénité.
J'ai cru devoir intervenir à ce moment du débat, parce que j'ai peur qu'à l'occasion de la discussion des amendements qui vont suivre nous ne nous crispions les uns et les autres sur ce sujet et nous ne finissions par en conclure que l'Europe est une catastrophe alors qu'elle est une chance pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, nous sommes de bons Européens, mais nous sommes aussi de bons Français. Or le fait que nous soyons de bons Français ne nous empêche pas de discuter la politique de certains gouvernements, et même de tous les gouvernements, quand nous estimons qu'ils ont tort !
Il en est de même pour l'Europe. Etre Européens signifie non pas que nous acceptons toutes les décisions de la Commission ou du Conseil des ministres, mais que nous continuons à nous battre dans le cadre de l'Europe pour obtenir ce que nous estimons juste. Or nous estimons choquant que, en matière de TVA, les pays qui ont porté le taux de cette taxe à 20,6 % ne puissent pas revenir en arrière.
Par ailleurs, il existe des règles différentes selon les pays, et ce n'est pas une bonne manière de faire l'Europe que d'appliquer dans des secteurs prioritaires des taux différents selon les pays.
Quoi qu'il en soit, la justice - notamment sa gratuité - me paraît être une priorité de tous les temps. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que la première priorité est l'emploi. C'est effectivement aussi une première priorité ! Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous continuerons ce débat, si vous le voulez bien, en d'autres occasions. Pour l'instant, je constate que vous avez courageusement opposé votre position à notre supplique. Nous serons donc lâches : nous retirons nos amendements. (Sourires.)
M. le président. Les amendements n°s I-233, I-234 et I-235 sont retirés.
Nous allons ainsi pouvoir aborder la partie épicurienne de notre débat, en évoquant notamment le caviar et le chocolat ! (Sourires.)
Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-115, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - Le taux prévu au 6° du paragraphe III bis de l'article 125 A est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-162, MM. Michel Mercier, Fréville, Huriet, Hoeffel, Machet et Mme Bocandé proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A - Le a du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par les mots : ", toutefois, les bonbons, sucre cuit plein, sucre plein ferme, pâte à mâcher, caramel sont admis au taux réduit ;"
« B. - Dans la seconde phrase du b du 2° du même article, après les mots : "beurre de cacao", sont inserés les mots : ", ainsi que les tablettes de chocolat au lait, les tablettes de chocolat au lait avec riz".
« II. - La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-228 rectifié, M. Claude Haut et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le a du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : " ; toutefois, les fruits confits sont admis au taux réduit".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-142 est présenté par MM. Joly et de Montesquiou.
L'amendement n° I-157 rectifié est déposé par MM. Revol, Grillot et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22 ter, un article ainsi rédigé :

« I. - Au b du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts, après les mots : "Toutefois le chocolat,", sont insérés les mots : "le chocolat au lait,".
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-182, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la seconde phrase du b du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts, après les mots : "Toutefois le chocolat,", sont insérés les mots : "le chocolat au lait,".
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du même code. »
Les deux derniers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-116 est présenté par Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-156 est déposé par MM. Revol, Grillot et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits de chocolaterie et de confiserie suivants :
« 1° Chocolats présentés en tablettes ou en bâtons à compter du 1er janvier 1999 ;
« 2° Bonbons de chocolat vendus en vrac à compter du 1er janvier 2000 ;
« 3° Produits de chocolat préemballés individuellement à compter du 1er janvier 2001 ;
« 4° Produits de confiserie et autres produits de chocolat préemballés à l'exception des boîtages, à compter du 1er janvier 2002 ;
« 5° Tous produits de chocolaterie à compter du 1er janvier 2003.
« La gamme des produits mentionnés ci-dessus est définie par décret.
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° I-115.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je vous remercie de me reconnaître comme le premier des épicuriens qui vont s'exprimer ! (Sourires.)
Avec votre autorisation, je vais défendre les deux amendements n°s I-115 et I-116, ce dernier étant un amendement de repli.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. L'amendement n° I-115 fait suite, si l'on peut dire, à un débat déjà relativement ancien en cette matière et portant sur les modalités d'assujettissement à la taxe à la valeur ajoutée des opérations menées sur les produits alimentaires.
En effet, contrairement à ce que permettent expressément les directives européennes en la matière, il demeure dans notre pays quelques produits alimentaires soumis au taux normal de TVA, alors même qu'ils pourraient bénéficier du taux réduit.
Je plaiderai pour une catégorie de ceux-ci, notamment les produits de la chocolaterie et de la confiserie.
Pour être tout à fait clair, on pourra rappeler ici à bon droit que la tradition française de la confiserie et de la chocolaterie est une tradition de grande qualité, ce qui semble en particulier motiver le grand intérêt que certains groupes de dimension internationale, tels que Kraft General Foods, Nestlé ou Cadbury-Schweppes, ont pu manifester pour certaines de nos entreprises de production d'origine familiale, et qui s'est traduit notamment par des politiques d'acquisition.
De plus, le secteur artisanal de la confiserie et de la chocolaterie, qu'il s'agisse de la production ou de la distribution, est particulièrement vivant dans notre pays et témoigne le plus souvent d'un attachement à la défense d'une certaine qualité des produits.
Cette « qualité France » est d'ailleurs, à notre avis, à opposer aux multiples tentatives menées à l'échelon européen pour obtenir de la Commission européenne qu'elle édicte des directives où, nous le savons bien, la qualité du produit passerait quelque peu au second plan, après la conquête de l'important marché de la gourmandise.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas de la gourmandise !
M. Guy Fischer. Ne cherchez pas à me déstabiliser, monsieur le président ! (Sourires.)
Le débat que nous avons eu dans le passé sur cette taxation du chocolat a maintes fois achoppé sur la question du coût financier de la mesure.
Il n'en demeure pas moins que, de notre point de vue, cette donnée doit progressivement s'effacer derrière les effets bénéfiques qu'une réduction du taux de TVA pourrait avoir tant pour les prix proposés à la vente que pour l'emploi dans ce secteur.
Même si l'opération peut, au bout du compte, coûter de 2 milliards à 3 milliards de francs en valeur brute, force est de constater que la pilule est moins amère, si l'on peut dire, si l'on prend en compte le fait qu'un emploi créé dans une branche d'activité, c'est d'ores et déjà de 120 000 à 125 000 francs de dépenses d'indemnisation du chômage en moins !
Bien sûr, cette dimension systémique de l'approche des questions fiscales doit, à notre sens, marquer notre réflexion et ne peut être oubliée.
C'est pourquoi nous proposons d'adopter deux amendements allant dans ce sens.
Le premier vise à appliquer, dès l'an prochain et en totalité, le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux produits de la chocolaterie et de la confiserie.
Le second procède un peu plus progressivement et invite donc à un étalement de l'application du taux réduit, en commençant, d'ailleurs, par les produits de plus grande consommation. Cette démarche est - il faut le relever - inspirée d'une proposition de loi qui fut déposée, en son temps, par notre regretté collègue Barbier, ce qui fait que nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à lui réserver un sort bienveillant. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel, pour défendre l'amendement n° I-162.
M. Daniel Hoeffel. Le chocolat transcende tous les clivages. Je suis en effet amené à défendre un amendement qui n'est pas en opposition fondamentale, bien au contraire, avec celui que vient de défendre notre collègue M. Fischer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous serez « chocolat » tous les deux ! (Rires.)
M. Daniel Hoeffel. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il ne faut jamais préjuger l'issue d'un débat ! (Sourires.)
S'il y a des produits alimentaires - je n'en citerai aucun - qui méritent, à n'en pas douter, l'appellation de « produit de luxe », il en est d'autres - c'est le cas du chocolat comme de la confiserie - qui, incontestablement, sont des produits plus populaires, plus familiaux, et qui, de ce fait, méritent un traitement fiscal différent.
C'est l'objet de cet amendement, qui me donne aussi l'occasion de rappeler qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une production à fort potentiel dans notre pays, d'une production grande utilisatrice de main-d'oeuvre et qui, de ce fait, mérite un certain nombre d'égards et d'encouragements.
Le taux majoré de TVA pénalise incontestablement ces produits. Monsieur le secrétaire d'Etat, puissiez-vous être sensible à des arguments qui, loin d'être purement techniques, vont bien au-delà ! C'est la supplique que, au travers de cet amendement, nous vous adressons. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE. - M. Guy Fischer applaudit également.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La parole est à M. Haut, pour défendre l'amendement n° I-228 rectifié.
M. Claude Haut. Après le chocolat, les fruits et la confiserie !
Mais, avant de traiter de ces productions spécifiques, je souhaite, me placant sur un plan beaucoup plus général, insister sur le fait - tout le monde le sait, mais il est toujours bon de le rappeler - que la TVA, comme le montrent toutes les études, n'est pas un impôt satisfaisant sur le plan de la redistribution.
Malgré les difficultés que cela engendre pour le Gouvernement, notamment sur le plan budgétaire, bien des efforts ont toutefois été entrepris pour réduire le taux de la TVA sur certains produits, et le projet de loi de finances pour 1999 le démontre encore.
J'ai entendu, au cours des débats qui ont précédé, se manifester une opposition à certaines modifications de taux à l'échelon européen et à la directive européenne qui traite de ce sujet.
Je ne sais pas si les fruits confits sont « eurocompatibles » - on me le dira bientôt ! Mais ce que je sais, c'est que cette production est une production agricole, au même titre que d'autres moins taxées qu'elle.
Pour permettre le développement de cette production, de cette filière qui engendre un certain nombre d'emplois dans le pays d'Apt, que certains ici connaissent bien, il conviendrait donc de consentir un effort en matière fiscale.
Tout à l'heure, vous avez parlé d'emploi, monsieur le secrétaire d'Etat. Dans cette filière, il y a de nombreux emplois à la clé, d'autant que la compétitivité de nos entreprises est mise à mal par la concurrence de marchandises importées à bas prix d'Europe centrale ou orientale.
En conclusion, cet amendement, dont l'incidence financière est négligeable, permettrait la poursuite du développement d'une activité importante pour le département de Vaucluse et, notamment, pour le pays d'Apt.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Bernard Joly. Intervenant après mes collègues Daniel Hoeffel et Guy Fischer, je vais parler du chocolat au lait. (Exclamations.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce sont des amendements à croquer ! (Sourires.)
M. Bernard Joly. Il ressort d'une récente enquête qu'en termes relatifs les foyers modestes dépensent sept fois plus pour leur consommation de chocolat et de confiserie de chocolat que les foyers aisés et qu'ils subissent donc davantage - dans les mêmes proportions - l'impact de la TVA discriminatoire - je dis bien « discriminatoire » - appliquée à ces produits.
Cet amendement a l'avantage d'être cohérent avec la proposition de loi adoptée par la commission des finances de la Haute Assemblée en 1997, qui prévoyait un passage progressif en cinq ans au taux de 5,5 %, en commençant par les tablettes de chocolat.
En conclusion, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que personne ne soit « chocolat » ! (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Roland du Luart. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-157 rectifié.
M. Jean Clouet. J'ai l'impression que cet amendement a déjà été largement défendu dans cette assemblée.
Je me contenterai de dire que Mme de Sévigné s'est trompée. (Ah ? sur de nombreuses travées.) Mme de Sévigné disait : « Racine passera comme le chocolat. » (Sourires.) Racine n'est pas passé. Quant au chocolat, il est omniprésent.
Le groupe des Républicains et Indépendants, après avoir apprécié l'hommage rendu à notre ancien collègue Bernard Barbier, se rallie, bien entendu, à la vague de défense du chocolat qui s'est organisée dans cet hémicycle. Qui sait ? peut-être aurons-nous une dégustation hors taxes à la fin des débats ! (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. Quelle que soit la couleur du chocolat !
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-182.
M. Jacques Oudin. Comment voulez-vous que le groupe du RPR se tienne en dehors de ce combat pour le chocolat ? C'est impossible ! L'unanimité qu'a soulignée M. Daniel Hoeffel sera donc complète, avec la dernière intervention sur le chocolat au lait.
Cela étant, est-ce bien raisonnable, monsieur le secrétaire d'Etat, de passer autant de temps sur ces produits fondamentaux que sont le chocolat au lait et les fruits confits, alors que la France est confrontée à des problèmes aussi importants que ceux que provoque la crise mondiale ?
Cela étant dit, nous défendons l'« amendement chocolat ».
M. le président. L'amendement n° I-116 a déjà été défendu.
La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-156.
M. Jean Clouet. Ce que j'ai dit pour l'amendement n° I-157 rectifié vaut pour celui-là.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tous ces amendements, dont la commission a pris connaissance avec une certaine gourmandise (Sourires), relèvent de la même inspiration.
La commission des finances est très attentive à ce sujet. L'un de nos collègues a cité la proposition de loi de notre regretté collègue Bernard Barbier ; cette proposition, je le rappelle, avait été rapportée au sein de la commission des finances.
Nous attachons effectivement beaucoup d'importance, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que les différentes productions qui ont été évoquées puissent être soutenues comme elles le méritent par le Gouvernement auprès des instances communautaires pour que l'on puisse également, le moment venu, procéder aux arbitrages budgétaires qui leur sont favorables.
Cela étant dit, la commission des finances, dont le rôle est toujours ingrat et difficile dans une discussion budgétaire, se doit de faire, en toute franchise, deux observations.
La première, c'est qu'il convient de considérer l'ensemble de ce sujet des biens alimentaires de façon globale et cohérente au fond, et c'est ce à quoi la commission vous convie, mes chers collègues, pour la seconde partie de la loi de finances, où nous réexaminerons de manière systématique et méthodique tous ces amendements qui, de façon diverse mais avec un objectif commun, visent à soutenir des productions, des biens et des services alimentaires auxquels nos attachons, naturellement, beaucoup d'importance.
La seconde observation, c'est qu'il faut, bien sûr, avoir présente à l'esprit l'incidence budgétaire globale de toutes les propositions qui ont été faites, de tout ce qui a constitué notre menu ces dernières minutes, sur le solde de la loi de finances. Or cette incidence globale est de l'ordre de 2,5 milliards à 3 milliards de francs.
Dans le cadre de l'épure budgétaire sur laquelle nous travaillons, il n'est manifestement pas possible de donner suite à ces propositions pour l'année 1999.
Compte tenu des lourdeurs du budget de l'Etat, compte tenu de toutes les charges de structure rigides sur lesquelles la discussion générale et les échanges de ces derniers jours ont permis de mettre l'accent, nous ne pouvons trouver les marges de manoeuvre nécessaires.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer et d'accepter que cette discussion reprenne dans un cadre global et cohérent lors de l'examen de la seconde partie de la loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous avez invoqué le droit communautaire. Mais il ne peut pas l'être en la matière car il n'interdit pas d'appliquer aux produits de confiserie et au chocolat le taux réduit de TVA. Cet argument, peut-être commode à employer, est en l'occurrence inapproprié.
Pourquoi les choses seraient-elles plus faciles en deuxième partie du projet de loi qu'en première partie ? Nous verrons bien ! Je ne suis pas certain que, en l'an 2000, puisque la deuxième partie a pour objet de prévoir des mesures fiscales qui s'appliqueront non pas en 1999 mais au cours des années suivantes, nous puissions disposer de 3,2 milliards de francs. Mais je fais confiance à l'imagination de la commission des finances du Sénat pour répondre aux demandes qui ont été exprimées.
Je reprends l'ordre chronologique des amendements. J'ai beaucoup aimé l'expression « qualité France » que M. Fischer a employée et qui serait défendue sur l'important marché de la gourmandise. Mais, en la matière, la TVA n'est peut-être pas le bon moyen de la défendre. En effet, si le taux de TVA est réduit, il le sera pour les produits fabriqués en France comme pour ceux qui sont importés de l'étranger.
Monsieur Fischer - et ce propos vise les différents auteurs d'amendements - si les 3,2 milliards de francs en question sont juridiquement possibles, d'un point de vue budgétaire, le Gouvernement, après en avoir débattu avec sa majorité, a décidé que les quelque 12 milliards de francs de baisse de TVA devaient être concentrés sur d'autres produits ou services que la confiserie, le chocolat, les margarines et les graisses végétales. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler, mais, pour 1999, nous ne pouvons pas faire plus.
M. Hoeffel m'a demandé si j'avais du coeur. Bien évidemment, oui ! A l'approche des fêtes de Noël, je comprends bien que le chocolat au lait et le chocolat au lait avec riz, puisque tel est l'objet de l'amendement n° I-162, soient des produits qui émeuvent, y compris des membres du Gouvernement en charge du budget. Avec la confiserie, le coût de la mesure est de 1,5 milliard de francs. Pour les raisons que je viens d'exposer, le Gouvernement ne peut pas s'engager dans cette direction.
M. Haut a eu la sagesse de restreindre sa proposition aux fruits confits. Selon lui, au moins dans les bonnes maisons, ce produit comporte... des fruits. En conséquence, il demande qu'il soit traité comme un produit agricole et non comme un produit de confiserie. Malheureusement, en dépit du plaidoyer talentueux de M. Haut, les fruits confits sont considérés comme des fruits de confiserie. Quant à la concurrence en provenance d'Orient, elle ne serait en rien réduite par une diminution du taux de la TVA sur ces produits, je l'ai démontré tout à l'heure. Pour ma part, je fais confiance aux artisans, aux petites, moyennes et grandes entreprises : des fruits confits de qualité continueront d'être fabriqués dans notre pays.
MM. Joly, Clouet et Oudin nous ont montré que la droite pouvait faire... alliance autour du chocolat au lait... (Sourires.)
M. Roland du Luart. Quelle que soit la couleur !
M. Chrisitian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et je les en félicite. Je leur rappelle que le chocolat noir de ménage est déjà soumis au taux de TVA réduit. Je comprends qu'ils aient plus d'ambition en la matière, mais la mesure qu'ils préconisent a un coût de 400 millions de francs. Ce n'est pas une des priorités du Gouvernement.
En résumé, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements, dont il demande le retrait.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° I-115 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je voudrais d'abord faire le point sur le déroulement de nos travaux.
Depuis le début de l'après-midi, soit depuis bientôt deux heures, nous avons examiné onze amendements. A ce rythme, vous devez prévoir de siéger jeudi après-midi sur les articles de la première partie, car il nous sera impossible d'achever, comme prévu, leur discussion jeudi matin.
Cette remarque n'est pas destinée à restreindre en quoi que ce soit ni la qualité ni la densité de nos travaux, mais j'ai le devoir de vous informer de leur avancement.
S'agissant plus spécialement des travaux que nous menons en ce moment, certes, nous sommes les uns et les autres attachés à cette industrie et à ses produits, mais nous sommes aussi des hommes politiques responsables.
Je m'adresse à mes collègues de la majorité : mes chers collègues, vous avez, avec la force de conviction qui est la vôtre, dit au Gouvernement tout ce que vous vouliez lui dire ; mais, je vous en supplie, le temps est maintenant venu, après que vous avez porté l'alerte comme vous deviez le faire, de retirer vos amendements parce que, à défaut, d'une part, nous n'allons plus rester dans les délais compatibles avec la discussion budgétaire et, d'autre part, nous risquons d'adopter des amendements sur lesquels, avec regret, nous serions obligés de revenir dans une seconde délibération.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas rester insensibles à l'appel du président de la commission des finances.
Tout à l'heure, j'ai dit que se posaient peut-être dans notre pays des problèmes plus graves que celui du prix du chocolat.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d'Etat, ce débat a eu son importance puisqu'il a permis de souligner l'absurdité de certains taux de TVA. Pourquoi le chocolat noir de ménage est-il taxé à 5,5 % alors que le chocolat au lait, qui est mangé par les mêmes enfants, l'est à 20,60 % ? Tout cela est totalement incohérent !
J'aimerais donc, en contrepartie du retrait de ces amendements - et je conçois que, pour achever le débat, il faille en passer par là - que vous nous présentiez une politique cohérente dans le domaine des produits alimentaires.
Certes, je conçois que le caviar soit taxé à 20,60 % et le chocolat pour enfant à 5,5 % ou plus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne date pas de ce gouvernement !
M. Jacques Oudin. En effet ! Mais puisque vous considérez que vous n'êtes pas un gouvernement conservateur mais un gouvernement révolutionnaire, montrez-nous par des actes ce que vous pouvez faire dans ce domaine !
Cela étant dit, l'amendement n° I-47 que j'ai déposé et auquel vous vous opposerez certainement, monsieur le secrétaire d'Etat, rapporterait un milliard de francs au budget. Mais, comme vous allez le rejeter, là encore, on ne pourra que déplorer une certaine incohérence du Gouvernement.
Cette réserve étant formulée, je retire l'amendement n° I-182. (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° I-182 est retiré.
Monsieur Lachenaud, les amendements n°s I-157 rectifié et I-156 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je retire ces amendements, répondant à la demande formulée par le président de la commission des finances.
J'ajoute que je voterai contre les amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Les amendements n°s I-157 rectifié et I-156 sont retirés.
Monsieur Haut, l'amendement n° I-228 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Haut. Je retire cet amendement, mais, compte tenu du faible coût que cela représenterait - contrairement aux chiffres importants qui ont été cités - je pense qu'il faudra y revenir.
M. le président. L'amendement n° I-228 rectifié est retiré.
Monsieur Hoeffel, l'amendement n° I-162 est-il maintenu ?
M. Daniel Hoeffel. Qu'il y ait un vote ou non, je tiens à constater qu'il y a consensus au Sénat pour appeler l'attention du Gouvernement sur une situation inéquitable s'agissant de la fiscalité applicable à un certain nombre de produits.
Cela étant dit, et ce débat étant effectivement nécessaire - il y a des rappels qui s'imposent - je ne reste pas insensible à l'appel lancé par M. le président de la commission des finances ; je retiens des propos de M. le rapporteur général qu'il n'est peut-être pas exclu que, à un stade ultérieur, ce débat de fond soit repris, et, quels que soient les risques d'un retrait, je retiens la parole donnée et je retire l'amendement. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° I-162 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-115, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
Monsieur Joly, l'amendement n° I-142 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-142 est retiré.
Monsieur Fischer, l'amendement n° I-116 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-116, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis sais de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-54 rectifié, M. Mélenchon propose d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, insérer un article 281 decies ainsi rédigé :
« Art. 281 decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne :
« a) La restauration à savoir les ventes des repas, plats cuisinés, préparations culinaires de toute nature destinées à l'alimentation humaine et prêts à être consommés immédiatement et en l'état, vendus à consommer sur place ou à emporter ;
« b) Les ventes de boissons non alcoolisées vendues à consommer sur place. »
« II. - A l'article 279 du code général des impôts, le a bis est supprimé.
« III. - Les pertes de recettes générées, le cas échéant, par l'application des dispositions ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits prévus aux articles 219 et 885 U du code général des impôts. »
Par amendement n° I-60 rectifié, MM. Adnot et Durand-Chastel proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article 281 decies ainsi rédigé :
« Art. 281 decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 14 % en ce qui concerne les prestations :
« 1. De la restauration rapide quelle que soit la surface de l'établissement concerné.
« 2. Effectuées par les traiteurs et par les établissements effectuant des ventes livrées à domicile.
« 3. De restauration à consommer sur place, traditionnelle et en libre service.
« 4. de la restauration collective d'entreprise concédée.
« 5. Par distribution automatique.
« 6. De la restauration parallèle exercée par les boulangeries, charcuteries, etc. »
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par l'augmentation du tarif du droit de consommation sur les alcools visé à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-84, MM. Hérisson, Huriet, Amoudry, Arnaud, Huchon et Fréville proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281 quinquies du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 281 quinquies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % pour la restauration, qu'il s'agisse de la fourniture de repas à consommer sur place ou à emporter. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-190, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne la vente à consommer sur place dans le secteur de la restauration. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-165, MM. Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 268 quater du code général des impôts il est inséré un article additionnel rédigé comme suit :
« Art. ... - Il est appliqué une règle particulière d'assiette en ce qui concerne les ventes de repas, le plats cuisinés, de préparations culinaires de toute nature destinées à l'alimentation humaine et prêts à être consommés immédiatement et en l'état, vendus à consommer sur place et les ventes de boissons non alcoolisées vendues à consommer sur place.
« La base d'imposition est constituée par :
« a) D'une part, la valeur des matières premières ;
« b) D'autre part, la valeur restante obtenue par la différence entre le prix de vente brut et la valeur des matières premières. »
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-83, MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Huchon et Fréville proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le a quater de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« a quater) La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-187, MM. Ostermann, Leclerc et les membres du groupe RPR proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le a quinquies, il est inséré dans l'article 279 du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de restauration. »
L'amendement n° I-54 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° I-60 rectifié.
M. Hubert Durand-Chastel. Je retire cet amendement pour me joindre à mes collègues, étant entendu que M. Marini a indiqué que nous pourrions peut-être le reprendre ultérieurement, lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 1999. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° I-60 rectifié est retiré.
La parole est à M. Hérisson, pour défendre les amendements n°s I-84 et I-83.
M. Pierre Hérisson. La création d'un second taux réduit de TVA fixé à 14 %, qui pourrait être appliqué à l'ensemble du secteur de la restauration, n'enfreint nullement le droit communautaire et s'insère dans le cadre de la réflexion engagée par la Commission et le Parlement européens, ainsi que par le Gouvernement français sur l'application d'un taux réduit de TVA aux activités à forte densité de main-d'oeuvre.
Il est bien évident que ce débat est ouvert depuis déjà longtemps. Nous revenons régulièrement sur ce problème de la réduction du taux de TVA applicable à la restauration rapide.
Notre collègue M. Oudin a bien posé le problème : l'incohérence de l'application de ces différents taux de TVA est totalement incomprise par les consommateurs.
Si l'engagement était pris de revenir, à l'occasion d'un débat de fond, sur la cohérence en matière d'application de ces taux, je serais prêt à retirer les amendements n°s I-83 et I-84.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-190.
M. Jacques Oudin. Je l'ai déjà dit tout à l'heure, il n'y a pas de ligne directrice et d'harmonisation compréhensible des taux de TVA sur toute la chaîne des produits alimentaires.
Pourquoi certains taux sur certains produits ? Pourquoi d'autres taux sur d'autres ? Nous n'avons jamais obtenu d'explication cohérente, alors même que nous avons pour mission, au Parlement, de voter en toute connaissance de cause un certain nombre de taux.
Cet amendement vise à appliquer un taux de TVA de 14 % à la fourniture de repas à consommer sur place. Il s'agit ainsi de dynamiser une activité économique importante dans un secteur, le tourisme, qui est soumis à la concurrence internationale.
En outre, l'amendement a l'avantage d'engager l'harmonisation de la situation au niveau européen.
Je saisis cette occasion pour demander au Gouvernement et à la commission des finances d'étudier une harmonisation - éventuellement à produit égal - mais en tout cas une harmonisation satisfaisante.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° I-165.
M. Bernard Joly. Etant donné le nombre des interventions sur ce sujet, et ce sur toutes les travées et depuis des années, je ne comprends pas l'acharnement du Gouvernement à rester sur ses positions.
Les parlementaires ont présenté des propositions. Cette augmentation du taux intermédiaire sur le prix des plats à emporter, je l'ai déjà défendue. De son côté, la profession a proposé de créer plusieurs milliers d'emplois. Pourtant, la réponse est toujours « niet ». C'est dangereux parce que, en termes d'aménagement du territoire, cette hôtellerie-restauration familiale rurale risque un jour de nous manquer sérieusement.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Bernard Joly. La profession est en difficulté. Pourtant, on l'ignore et on soutient la restauration rapide. Or, les deux ne boxent pas dans la même catégorie !
J'ajoute que nous, les responsables du tourisme, nous essayons de mettre en place une formation de qualité, ce qui n'est pas le cas dans la restauration rapide.
Monsieur le secrétaire d'Etat, prenez garde : ces restaurateurs risquent de disparaître, surtout en milieu rural. Pour l'instant, ils sont combatifs, mais ils en ont assez d'attendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-187.
M. Jacques Oudin. M. Joly a tout dit ! Ce débat, nous l'avons déjà eu, et nous obtenons toujours les mêmes réponses.
Le refus que l'on s'obstine à nous opposer s'appuie sur l'absence de raisonnement solide pour l'étayer.
Il n'y a pas de justification à ce refus. On ne peut pas nous expliquer pourquoi on nous dit non.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais vous répondre !
M. Jacques Oudin. Telle est la politique du ministère des finances, quel que soit, d'ailleurs, le titulaire du poste.
Le secteur de la restauration en France est soumis à deux taux de TVA différents : l'un de 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison de repas à domicile, l'autre à 20,6 % alors pour la restauration à consommer sur place.
Cette situation crée des inégalités que nous dénonçons dans cette enceinte depuis plusieurs années.
Bien des restaurateurs sont en difficulté parce qu'ils sont taxés à 20,6 % alors que d'autres jouent sur « le consommé sur place » et « l'emporté ». De plus, l'existence de deux taux complique les comptabilités.
Le présent amendement vise donc à assujettir le secteur de la restauration dit « traditionnel » au même taux de TVA que le secteur de la vente à emporter, soit 5,5 %.
On aurait peut-être pu envisager un taux intermédiaire.
Reconnaissons clairement que nous n'avons pas une politique cohérente en la matière. C'est regrettable pour le Parlement, mais aussi pour le Gouvernement, et, surtout, pour ce secteur, qui en souffre, et je le regrette.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-84, I-190, I-165, I-83 et I-187 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements sont très proches les uns des autres et ils portent sur un sujet qui me paraît d'autant plus familier que j'avais été, l'an dernier, l'un des signataires d'un amendement identique et tendant à instaurer le taux unique de 14 % en matière de restauration.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'étais alors et je demeure, de même que l'ensemble des membres de la commission, j'en suis sûr, très sensible aux arguments qui ont été soutenus.
Le secteur de la restauration est en effet traité de manière inéquitable en matière de TVA en raison, d'une part, de la différence entre les produits à emporter et la restauration classique et, d'autre part, de la forte spécificité de ce métier en matière de main-d'oeuvre.
Ces services sont bien à forte densité de main-d'oeuvre. Dans cette branche d'activité, nombre d'emplois peuvent être créés, et l'on n'en tient pas suffisamment compte dans la politique fiscale.
Chacun connaît dans sa commune un restaurant qui, immédiatement ou très rapidement après son ouverture, a créé cinq ou dix emplois, quand les choses allaient bien.
Il est clair, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il existe un effet de démultiplication très fort sur l'emploi dans ce domaine et que l'instrument « taux de TVA » est un instrument puissant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre Gouvernement a fait d'autres arbitrages. Vous avez notamment fait adopter une mesure, que nous n'avons pas contestée puisqu'elle est favorable au public : la baisse du taux de la TVA pour les abonnements au gaz et à l'électricité.
Mes chers collègues, cette baisse de taux, que nous avons déjà votée, coûtera 4 milliards de francs. Or, les mesures relatives à la restauration dont nous venons de parler coûteraient un peu plus de 4,5 milliards de francs, soit le même ordre de grandeur.
Quel est l'effet de la réduction du taux de la TVA pour les abonnements au gaz et à l'électricité ? Pour 80 % des abonnés, cela ne représentera qu'une économie de 100 francs par an.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cent trente francs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cent trente francs, dites-vous ? Je ne chinoiserai pas !
En outre, nous avons démontré, dans le rapport de la commission des finances, que plus on consomme d'électricité et plus la mesure est intéressante. Il ne s'agit donc pas nécessairement d'une mesure très sociale. Néanmoins, dans la phraséologie en usage en ce moment, elle est présentée comme telle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on avait voulu faire un budget plus social et plus favorable à l'emploi, à l'entreprise, notamment à la petite entreprise, il eût certainement été préférable de modifier de façon substantielle les taux de TVA sur la restauration et de faire ce que nos collègues recommandent.
Vous vous êtes exprimés, mes chers collègues, de façon à la fois très claire et très responsable. Il y a lieu maintenant, pour le Gouvernement, de poursuivre les négociations avec la commission sur ce sujet.
Il serait bon que le Gouvernement puisse nous dire où il en est. Mais, compte tenu de l'absence de marge de manoeuvre financière à l'intérieur du budget tel que nous l'avons redéfini, c'est-à-dire de façon plus vertueuse que le Gouvernement, il convient que vous retiriez ces amendements, qui indiquent un cap, dont il faudra absolument se rapprocher dans l'avenir.
Mes chers collègues, la commission est désolée de vous demander le retrait de vos amendements, car elle partage les objectifs que vous avez défendus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Oudin a dit - c'est son droit le plus strict - que la politique du Gouvernement n'était pas claire. Il me semble donc nécessaire, en bonne courtoisie républicaine, d'essayer de répondre à sa question, même si les amendements doivent être retirés.
Dans la situation actuelle, nous devons opérer une distinction entre le droit et la réalité.
Au titre du droit, la restauration est considérée comme une prestation de services : c'est moins le civet de lapin qui est en cause que le travail réalisé pour le préparer et le présenter. A ce titre, elle est taxée à 20,6 %. En revanche, les ventes à emporter sont considérées comme des ventes de produits et il n'est pas fait de différence entre une baguette et un sandwich.
M. Jacques Oudin. Mais si !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Laissez-moi expliquer la situation, s'il vous plaît. Je ne justifie pas, j'essaie de clarifier les choses.
La réalité, c'est que la frontière entre la restauration et la vente à emporter est devenue particulièrement floue. La preuve en est que certains professionnels pratiquent à la fois une activité de restauration, c'est-à-dire que la consommation a lieu sur place, et la vente à emporter. C'est à mes yeux ce qui explique que des questions soient posées sur ce thème sur toutes les travées de la Haute Assemblée.
Que faire ? Voilà la question. Il y a trois points sur lesquels je voudrais insister.
Tout d'abord, il faut commencer par le trivial : le coût. M. le rapporteur général dit que la mise en oeuvre de la disposition proposée coûterait 4 milliards de francs, et qu'il vaudrait mieux consacrer à la compensation de cette dépense les 4 milliards de francs affectés à la diminution du taux de TVA frappant les abonnements au gaz et à l'électricité.
Je ferai deux remarques à ce propos.
La première, c'est que 4 milliards de francs représentent le coût d'une opération un peu complexe mais que je vais essayer d'expliquer simplement.
Il s'agit de ramener à 14 %, pour les services de restauration, un taux de TVA qui est actuellement de 20,6 %. Cela constitue un avantage accordé à toutes ces activités traditionnelles auxquelles nous sommes attachés, à la ville comme à la campagne, mais il est bien clair que cela suppose aussi de porter de 5,5 % à 14 % le taux affectant d'autres prestations, notamment la vente à emporter.
Je mentionne en passant que la restauration collective, qui supporte actuellement un taux de TVA de 5,5 %, serait également concernée par ce relèvement à 14 %. En tout état de cause, si l'on veut maintenir le coût de l'opération à 4 milliards de francs, il est nécessaire de procéder à cette augmentation. Si tel n'était pas le cas, le coût serait évidemment plus élevé.
Qui seraient les bénéficiaires d'une telle mesure ? Je vais, au grand dam de M. le rapporteur général, être un peu social. En effet, la clientèle des restaurants est composée, pour un quart, de touristes - et nous sommes, bien évidemment favorables au tourisme, qui apporte une contribution importante à notre balance des paiements - mais pour le reste, il s'agit de citoyens français qui ne comptent pas parmi les plus modestes. En effet, les études montrent que plus le revenu est élevé, plus la proportion de celui-ci consacrée à la restauration est forte. Evidemment, quand on dispose de revenus élevés, on va davantage au restaurant, on dépense une part importante de son revenu au restaurant.
Cela étant, il n'y a pas de raison d'empêcher des personnes disposant de quelques moyens d'aller au restaurant d'autant que tout le monde y va peu ou prou.
Je veux simplement faire remarquer qu'un ouvrier qui dépense en général, d'après les études, 1 000 francs par an dans les restaurants y gagnerait 60 francs, soit la moitié de l'abonnement EDF-GDF si le taux de la TVA était porté de 20,6 % à 14 %.
M. Gérard Braun. S'il y va avec sa femme, cela équivaudra à la baisse sur l'abonnement EDF-GDF ! (Rires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous prie de m'excuser d'avoir fait tous ces calculs, mais je voulais simplement faire remarquer qu'on peut se poser la question de savoir si c'est une mesure socialement prioritaire.
Toutefois, à partir du moment où - M. le rapporteur général l'a très bien dit - la restauration est une activité de main-d'oeuvre et où de très nombreux parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, posent la question, le gouvernement actuel a décidé d'être peut-être plus actif que le gouvernement précédent... (M. le rapporteur général s'exclame.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Est-ce que l'on ne s'éloigne pas du sujet ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pas du tout ! En effet, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi-même avons écrit au commissaire européen en charge de la fiscalité le 8 juillet - je peux communiquer ces lettres à la commission des finances, si elle le souhaite et si elle ne les a pas déjà - pour l'entretenir de la restauration et des services à domicile. Le 17 juillet, il nous a répondu que, pour la restauration, c'était non et que pour les services à domicile, il allait réfléchir.
Le Gouvernement va continuer - et je crois que c'est l'intérêt des amendements qui étaient déposés et que je prends comme des amendements d'appel - à faire pression pour que le droit européen change, car il s'agit d'activités de main-d'oeuvre qui pourraient, cela a été dit - et pas seulement par M. le rapporteur général - développer beaucoup d'emplois dans notre pays.
Je voudrais dire à M. Joly, qui souhaitait dissocier la partie fabrication et la partie commercialisation, que la Cour de justice européenne précise, dans l'arrêt du 2 mars 1996, que la restauration est « une opération unique de prestation de services ».
Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je tiens à dire à tous ceux qui se sont exprimés que le Gouvernement est attentif à cette question, qu'il a entendu l'appel lancé et qu'il va continuer à plaider ce dossier à Bruxelles, car, avec les services à domicile, la restauration est une activité de main-d'oeuvre qui comporte, de surcroît, des aspects culturels auxquels il est attaché.
Vous ayant donné ces explications, je suggère que vous retiriez vos amendements.
M. le président. Monsieur Hérisson, les amendements n°s I-84 et I-83 sont-ils maintenus ?
M. Pierre Hérisson. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s I-84 et I-83 sont retirés.
Monsieur Oudin, les amendements n°s I-190 et I-187 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Oudin. Je les retire aussi, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s I-190 et I-187 sont retirés.
Monsieur Joly, l'amendement n° I-165 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Avant de le retirer, je souhaite faire deux brefs commentaires en réponse à M. le secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, j'ai proposé que l'on retienne un taux intermédiaire de 14 %. Si ce taux ne comble pas le déficit budgétaire, peut-être faut-il le relever. (M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat, fait un signe de dénégation.) En tout cas, l'introduction d'un taux intermédiaire n'en mérite pas moins réflexion.
Ensuite, les clients du Fouquet's ou de chez Maxim's ont peut-être de hauts revenus, mais j'ai insisté sur l'hôtellerie et la restauration rurales, dont la clientèle, composée notamment de clubs du troisième âge, n'a pas des revenus extraordinaires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. L'amendement n° I-165 et retiré.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, je partage tout à fait votre souci de ne pas perdre de temps, mais M. le secrétaire d'Etat, par son intervention, a tout de même connoté le débat qui vient d'être engagé !
Monsieur le secrétaire d'Etat, afin de prouver que nous ne sommes pas moins sociaux que vous - nous ne nous excusons d'ailleurs pas de ne pas utiliser le mot « social » au détour de chaque phrase que nous prononçons, car nous avons la conviction de mettre toute notre action au service des autres, au service des plus démunis - la commission des finances, dès le mois de janvier prochain, travaillera sur les deux sujets...
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... qui ont été très longuement évoqués tout au long de l'après-midi.
Nous vous entendrons donc, monsieur le secrétaire d'Etat - puisque vous nous faites l'amitié de répondre à chacune de nos invitations...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est la moindre des choses !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... à la fois sur l'examen que vous faites de ces sujets, sur les requêtes que vous avez présentées à Bruxelles et sur les réponses que vous avez obtenues.
Nous entendrons également tous les membres de la Haute Assemblée qui souhaitent s'exprimer sur ce sujet.
Ainsi, nous pourrons y voir clair, faire des propositions précises et avancer sur ce sujet très important. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Toujours après l'article 22 ter , je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-183, M. Doublet propose d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 bis , il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui concerne :
« a) La part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible bois, quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas a, b et c du 3° bis de l'article 278 bis ;
« b) Le terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique représentatif du combustible bois, quant le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas a, b et c du 3° bis de l'article 278 bis ;
« c) Les achats de bois de chauffage et aux déchets de bois réalisés par les collectivités locales et destinés au chauffage de leur patrimoine. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-227, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« ... part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible bois, quand le combustible est un des trois mentionnés aux alinéas a, b et c du 3° bis du présent article.
« ... terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique représentatif du combustible bois quand le combustible est un des trois mentionnés aux alinéas a, b et c du 3° bis du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-183 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Bergé-Lavigne, pour défendre l'amendement n° I-227.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit toujours de TVA, mais d'une autre qualité de calories puisque cet amendement traite du bois de chauffage. (Sourires.)
La loi de finances pour 1997 a permis l'application du taux réduit de TVA sur les bois de chauffage. Mais, en l'état actuel de la législation, ce taux réduit ne s'applique que dans le cas d'une utilisation domestique directe. Or ces bois sont aussi utilisés pour des réseaux de chaleur.
Cet amendement n° I-227 vise donc à appliquer le taux réduit de TVA sur les bois de chauffage à usage domestique, lorsqu'ils sont utilisés par des réseaux de chaleur à des fins domestiques pour un chauffage uniquement au bois.
Ce taux réduit pourrait ainsi s'appliquer aux particuliers. Il nous paraît, en effet, que l'application de cette mesure est appréciée de façon beaucoup trop restrictive. En effet, est considéré d'usage domestique le bois utilisé pour le chauffage de locaux à usage d'habitation ou de locaux affectés à un usage collectif autre que professionnel, commercial ou industriel. Cette notion de locaux à usage d'habitation comprend les maisons individuelles et les immeubles collectifs d'habitation. Pourtant, dans ces immeubles collectifs, lorsque la prestation de chauffage est réalisée par un exploitant de chaleur qui utilise du bois, le taux de TVA est de 20,6 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est tout de même difficile de chauffer au bois des immeubles collectifs sans passer par un réseau de chaleur. Il est donc normal que le taux réduit de TVA sur le bois s'applique également à ces immeubles, dont les occupants sont le plus souvent des foyers modestes.
En matière de taxe intérieure sur le gaz naturel, la doctrine administrative a admis, « pour éviter des distorsions de traitement entre les utilisateurs directs du gaz naturel et ceux qui sont alimentés par un réseau de chaleur », de considérer les entreprises exploitantes comme des intermédiaires pour l'application de l'exonération de cette taxe. Pourquoi ne pas faire la même appréciation en la matière ?
Enfin, la contrainte communautaire ne semble pas s'exercer puisqu'il s'agit simplement de résoudre le cas des intermédiaires que sont les réseaux de chaleur urbains et que la Commission européenne incite les Etats membres à utiliser l'outil fiscal pour favoriser les énergies renouvelables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette proposition serait bénéfique pour l'environnement, permettrait de développer la filière bois-énergie, de réduire nos importations d'énergie fossile et de créer des emplois en zone rurale.
La cohérence d'une telle distorsion de traitement étant, de plus, difficile à expliquer aux utilisateurs, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° I-227.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le problème posé dans les amendements tant de Mme Bergé-Lavigne que de M. Michel Doublet est un problème réel et relativement complexe que nous connaissons bien au sein de cette Haute Assemblée.
La commission des finances a déjà oeuvré, vous le savez, pour développer l'utilisation du bois comme combustible. C'est d'ailleurs sur notre initiative que, depuis la loi de finances pour 1997, le bois de chauffage affecté à un usage domestique est soumis au taux réduit. Il arrive, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en matière de TVA le Sénat se fasse entendre ! Ce fut le cas en l'occurrence.
Par ailleurs, et conformément aux engagements pris devant le Sénat, une instruction fiscale a défini de façon large la notion d'usage domestique.
En revanche, la réglementation communautaire précise malheureusement que les ventes d'énergie sont soumises au taux normal, notamment lorsqu'elles sont effectuées par des réseaux de chaleur. C'est la question de fond que nous avons abordée lorsque nous avons étudié les amendements sur les réseaux de chaleur, amendements que nous n'avons pas été en mesure de voter.
Nous sommes contraints de nous référer à cette position, en espérant une évolution du droit communautaire. Mais, dans l'immédiat, tant que celle-ci n'est pas intervenue, la commission ne peut que solliciter le retrait de l'amendement n° I-227.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement rejoint l'avis de M. le rapporteur général. Une instruction administrative du 31 mars 1998 a étendu le champ de l'usage domestique aux maisons de retraite et aux hôpitaux.
La question se pose maintenant, vous l'avez dit avec beaucoup de justesse, pour les réseaux de chaleur utilisant le bois.
Ces derniers ont une double vertu : en raison, d'abord, des abonnements dont nous avons déjà parlé et, ensuite, du matériau utilisé, à savoir le bois, qui fait partie des énergies ayant un caractère écologique marqué.
Le 7 septembre 1998, j'ai écrit au commissaire européen M. Monti pour qu'il aille dans le sens souhaité. La première réponse que nous avons obtenue est négative.
J'en profite pour dire à M. le président de la commission des finances que le travail que le Sénat entreprendra sur ce sujet dès le mois de janvier nous aidera, surtout si le Parlement et le Gouvernement réclament ensemble un certain nombre de réformes des règles communautaires. La cause française ne pourra qu'en être renforcée. Je répondrai donc bien évidemment favorablement, comme d'habitude, à l'invitation qui me sera faite.
Ayant entendu l'appel que vous avez lancé, madame Bergé-Lavigne, et parce que nous travaillons en ce sens, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-227 est-il maintenu, madame Bergé-Lavigne ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Compte tenu de la réponse que vient de faire M. le secrétaire d'Etat, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-227 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-184, MM. Joyandet, Trégouët, Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel et Ostermann proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 sexies du code général des impôts est complété par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les CD-Rom et autres supports de contenus interactifs sont imposés au taux réduit de TVA de 5,5 % ».
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-230, Mme Pourtaud, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 6° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6° Les livres et supports de contenu interactif, à caractère éducatif et culturel, y compris leur location.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code des impôts. »
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-184.
M. Jacques Oudin. Cet amendement n'ayant pas reçu un avis favorable de la part de la commission des finances lorsqu'elle l'a examiné, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-184 est retiré.
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° I-230.
Mme Danièle Pourtaud. Par cet amendement nous proposons, comme pour les livres, d'appliquer le taux réduit de TVA aux CD-Rom et autres supports interactifs de l'avenir, tels que les DVD et les CDI, à caractère éducatif et culturel.
Le CD-Rom, pour ne citer que ce support, est devenu, avec l'entrée dans la société de l'information, un outil indispensable de la connaissance et de la pédagogie.
Face à la révolution mondiale des nouvelles technologies, il doit être, au même titre que les sites français, l'un des vecteurs de la francophonie. La France dispose d'importants atouts en termes de recherche et d'innovation, mais notre marché est encore trop étroit pour qu'elle puisse les faire valoir.
Selon la dernière étude du ministère de la culture en juin 1998, l'ordinateur a pénétré dans 22 % des foyers, et 3,4 % seulement de la population française utilise l'Internet à domicile et au bureau. Si la France est en train de rattraper son retard en la matière, elle reste encore au douzième rang des Etats européens, très loin derrière la Finlande.
En baissant la TVA sur les CD-Rom, c'est donc le soutien à l'industrie française des contenus multimédias que nous proposons. La baisse de la TVA permettrait une relance générale de ce marché.
En outre, il s'agit de démocratiser l'accès aux nouvelles technologies. Aujourd'hui, l'internaute type français et, par là même, l'utilisateur de CD-Rom est un homme jeune, de quinze à quarante ans, cadre moyen ou supérieur et habitant Paris ou l'Ile-de-France.
M. Hilaire Flandre. C'est pour ça que vous les défendez !
Mme Danièle Pourtaud. Il ne fait pas de doute que cette baisse de la TVA permettrait d'élargir le cercle des consommateurs.
M. Hilaire Flandre. Ben voyons !
Mme Danièle Pourtaud. J'ajouterai que le Gouvernement a largement engagé une politique volontariste pour équiper massivement les établissements scolaires en matériels informatiques. Dans la logique de cette politique, que j'approuve totalement, il serait cohérent de faciliter l'achat de supports multimédias par les enseignants et les élèves.
Contre cette baisse de TVA, on nous opposait déjà en 1996 et en 1997 la directive européenne de 1992, qui fixe la liste des produits pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA.
Cette liste, nous le savons, ne comprend pas les CD-Rom en tant que tels, mais elle vise le livre, ainsi que les droits d'auteur et leur rémunération. Nombre de textes juridiques font aujourd'hui des supports interactifs, à la différence des logiciels, une oeuvre de l'esprit au même titre que le livre. Les CD-Rom, qui n'existaient pas en 1992, sont, en quelque sorte, des livres sur écran, fruit de l'évolution des nouvelles technologies.
En fait, il serait possible, sans modifier l'annexe H, de leur appliquer le taux réduit de TVA. En effet, les CD-Rom entrent dans la catégorie des produits composites auxquels peuvent être appliqués deux taux de TVA, celui qui est relatif aux droits d'auteur, taxés, je vous le rappelle, à 5,5 %, ou celui qui est afférent à la fabrication du support vierge. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, comme la plus-value principale des CD-Rom est constituée par les droits d'auteur, ces supports devraient bénéficier du taux réduit.
Voilà pourquoi nous pensons qu'aujourd'hui la directive européenne de 1992 ne peut plus s'opposer à cette baisse de TVA.
En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. En ce qui concerne l'interprétation du droit communautaire, je souhaiterais entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais répondre à M. Oudin, qui ne s'est pas exprimé, et à Mme Pourtaud, qui a développé le souhait d'appliquer le taux réduit de TVA aux CD-Rom et autres supports de contenu interactif.
Sur l'exposé des motifs, nous sommes tous d'accord. Il faut essayer de développer l'accès de tous, des jeunes, des femmes, à ces nouveaux supports. C'est pourquoi nous avons écrit au commissaire Monti - vous voyez que le Gouvernement est très actif, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous l'avons fait comme d'autres gouvernements l'avaient fait antérieurement. Je dis cela tout particulièrement à l'intention de M. le président de la commission des finances, pour ne pas lui donner le sentiment que nous faisons les premières démarches. Nous avons écrit le 8 juillet, et nous avons obtenu, en date du 31 juillet, la même réponse que précédemment, réponse qui était négative et dont nous n'allons pas nous satisfaire.
Madame Pourtaud, à partir du moment où le Gouvernement partage votre motivation, entend votre appel, a effectué des démarches et en effectuera d'autres, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il est quand même un peu extraordinaire, après que notre collègue Jacques Oudin, pour faciliter le débat et en accélérer le déroulement, eut retiré son amendement, de voir ensuite notre collègue socialiste, qui est censée faciliter la tâche du Gouvernement, mais aussi celle du Sénat, développer une argumentation à laquelle le groupe du RPR, ainsi que celui des Républicains et Indépendants adhèrent.
M. Denis Badré. De même que l'Union centriste.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il ne faudrait pas croire, en effet, que seul le groupe socialiste a le monopole de la défense de l'application du taux réduit de TVA aux biens culturels.
Nous avons donc entendu, avec beaucoup de patience mais aussi le sentiment de perdre quelque peu notre temps, l'argumentation lue, et non pas développée de manière improvisée et originale, par notre collègue Mme Pourtaud.
Nous sommes, nous aussi, favorables à la baisse de la TVA sur les biens culturels.
Nous avons entendu que le Gouvernement demandait le retrait de l'amendement n° I-230 ; nous espérons qu'il en sera ainsi décidé.
M. le président. Mme Pourtaud, l'amendement n° I-230 est-il maintenu ?
Mme Danièle Pourtaud. Avec un talent qui ne pourra absolument pas rivaliser avec celui de mon collègue M. Lachenaud, je vais accéder à la demande de M. le secrétaire d'Etat en ayant bien noté que le sujet reste ouvert et que, par conséquent, comme les feuilles d'automne, nous le retrouverons l'année prochaine à la même époque.
M. le président. L'amendement n° I-230 est retiré.
Par amendement n° I-231, Mme Pourtaud, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 bis du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° les supports de musique enregistrée, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je lirai à nouveau mon intervention, n'en déplaise à notre collègue M. Lachenaud !
Cet amendement tend à appliquer le taux réduit de TVA aux supports de musiques enregistrées, autrement dit aux disques.
La démocratisation de l'accès à la culture fait partie des objectifs majeurs de l'actuel ministère de la culture. Dans la charte des missions de service public, Catherine Trautmann rappelle, notamment aux opérateurs du spectacle vivant, la nécessité d'adapter leur politique tarifaire pour permettre l'accès du plus grand nombre aux salles de spectacles. A cet égard, en plus des subventions qui permettent de faire baisser le prix des places, les droits d'entrée aux spectacles et aux établissements culturels bénéficient d'un taux de TVA réduit. Dans cette logique, le disque, qui est le prolongement du concert dans le secteur musical, devrait pouvoir bénéficier, lui aussi, d'un taux réduit.
En outre, afin de favoriser l'industrie française du disque, le conseil supérieur de l'audiovisuel a pour mission de faire respecter le quota de 40 % de retransmission de chansons françaises à la radio, quota qui comporte lui-même 20 % de nouvelles productions et de nouveaux talents. Il me semble paradoxal de soutenir d'un côté nos musiques et de maintenir de l'autre un coût élevé du disque à travers la TVA, frein naturel à la consommation.
Par ailleurs, le marché du disque en France ne se porte pas si bien qu'il y paraît. Certes, il a augmenté en valeur en 1997. Mais, en volume, les ventes d'albums chutent depuis 1995. Au total, en 1997, il s'est vendu un million et demi d'albums de moins qu'en 1996 et 2,6 millions de moins qu'en 1995 ; la moyenne annuelle d'albums achetés par foyer français est de 5,5. C'est l'un des chiffres les plus faibles d'Europe. Ce phénomène semble persister en 1998, malgré une offre de plus en plus riche et diversifiée.
C'est donc sans doute plus que jamais le moment de proposer ce taux réduit, d'autant que la concurrence du multimédia, à travers ce que l'on appelle la convergence, permettra bientôt d'écouter un disque à partir d'un équipement informatique. Cette concurrence risque évidemment de handicaper l'industrie du disque. Le taux réduit permettrait de lui donner un nouveau souffle. Je vous rappelle que le passage de la TVA de 33,33 % à 18,6 % le 1er décembre 1987 a provoqué une hausse des ventes de 35 % l'année suivante.
Encore une fois, on pourra nous opposer la directive de 1992, qui n'a pas retenu le disque comme bien culturel pouvant bénéficier d'un taux réduit. Mais le disque, comme le livre, est un bien culturel de grande consommation dont il faut favoriser l'accès à tous.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour les raisons qui ont déjà été exposées et à son grand regret, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le gouvernement a bien conscience qu'il s'agit d'un point important, mais le commissaire Monti a répondu, le 31 juillet dernier, qu'en l'état actuel du droit européen, les disques, cassettes sonores, CD-Rom et CD interactifs, ne pouvaient pas bénéficier du taux réduit.
Il a toutefois ajouté une phrase qui est peut-être la feuille d'été qui nous présage de beaux automnes : « La commission ne peut toutefois pas ignorer que l'application de taux différents sur ces produits par rapport aux livres notamment est susceptible de créer des distorsions de concurrence. » Or, vous savez que la Commission de Bruxelles est très attentive aux distorsions de concurrence. J'y vois une petite fenêtre d'espoir qui devrait pouvoir justifier le retrait de votre amendement, madame.
M. le président. Madame Pourtaud, entendez-vous l'appel de M. le secrétaire d'Etat ?
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens d'abord à saluer les efforts du Gouvernement, qui a tenu compte des débats parlementaires puisque nous avions déjà, sur diverses travées, présenté, l'année dernière, des amendements allant dans le même sens.
Il y a peut-être, effectivement, une lueur d'espoir pour notre prochain rendez-vous annuel ! J'accepte donc de retirer cet amendement, en faisant remarquer à mes collègues que les débats parlementaires ont cette utilité de sensibiliser le Gouvernement aux préoccupations de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° I-231 est retiré.
Par amendement n° I-185, M. Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 sexies , il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % sur les opérations individualisées de construction, reconstruction, réhabilitation totale ou extension de casernements de gendarmerie réalisées par les collectivités locales et déclarées prioritaires et urgentes par le ministre de la défense mais ne faisant pas l'objet d'une subvention de la part de l'Etat. »
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est important non seulement pour les collectivités locales, mais aussi pour la cohérence de l'action gouvernementale. A l'occasion de son examen, la commission des finances a émis le souhait de connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer ; je suppose que M. le rapporteur général le rappellera.
En effet, selon la circulaire du 28 janvier 1993, les collectivités territoriales qui assurent la maîtrise d'ouvrage d'un projet de construction de casernement de gendarmerie reçoivent une subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût-plafond des unités-logements ou à 20 % pour les communes de moins de 10 000 habitants qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs collectivités.
Or, actuellement, compte tenu des contraintes budgétaires imposées au département de la défense, le montant de l'aide à l'investissement destiné aux collectivités territoriales est limité, ce qui entraîne une importante réduction du nombre d'opérations immobilières dont la réalisation peut être autorisée.
Toutefois, le ministère a proposé aux collectivités qui le souhaitent, et pour les seuls projets urgents et prioritaires, de conduire ces opérations sans subvention de l'Etat.
Cette décision constituerait un transfert particulièrement inquiétant de charges de l'Etat vers les collectivités locales, transfert d'autant moins acceptable que la sécurité est une mission régalienne de l'Etat. C'est pourquoi, pour en atténuer les effets, le présent amendement vise à introduire une réduction de TVA à 5,5 % sur ces opérations.
Cet amendement, monsieur le président, mes chers collègues, est presque un amendement de désespoir. En effet, placer les collectivités locales dans l'obligation de construire tout en leur supprimant quelque aide que ce soit et en maintenant un taux de TVA majoré, c'est tout à fait inique.
C'est pourquoi je pense que cet amendement devrait recueillir l'avis favorable de tous les membres de notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à ce que le désengagement financier de l'Etat, souvent constaté en ce qui concerne les travaux relatifs aux casernes de gendarmerie et qui se traduit par des charges supplémentaires pour les départements et pour les collectivités territoriales en général, soit en partie compensé par une extension exceptionnelle du champ du taux réduit de la TVA à ces travaux.
La commission des finances adhère à l'argumentation qui a été présentée par notre collègue Jacques Oudin. Elle considère que cet amendement ne devrait pas contrevenir à la législation communautaire, dans la mesure où celle-ci dispose que le taux réduit peut s'appliquer à la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale.
Des casernes de gendarmerie comportent des logements ; on peut considérer que, par destination, il s'agit de logements à caractère social.
Finalement, la commission, qui a un préjugé favorable à l'égard de cet amendement, souhaiterait entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général a bien posé la question : les logements de fonction des gendarmes sont-ils des logements sociaux ou non ? En effet, seuls les logements sociaux, selon le droit communautaire, peuvent bénéficier du taux réduit de la TVA. Or, l'article R. 331-4 du code de la construction et de l'habitation dispose que les logements qui sont occupés à titre d'accessoire d'un contrat de travail ou en raison de l'exercice d'une fonction ne sont pas des logements sociaux.
Je comprends le souci des élus locaux de vouloir bien loger leurs gendarmes, et l'Etat leur en est reconnaissant. Toutefois, en l'état actuel du droit, on ne peut pas considérer, juridiquement, qu'il s'agit de logements sociaux, donc de logements dont la construction, la reconstruction ou la réhabilitation serait susceptible de bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %.
Aussi, me fondant sur ces bases juridiques, je demande le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-185.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je mets sur le compte d'un lapsus le fait que M. le secrétaire d'Etat ait dit : il faut que les collectivités locales logent leurs gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de loger les gendarmes « de l'Etat », de permettre à l'Etat d'assumer ses fonctions régaliennes.
Dans cette affaire, vous êtes en train de rompre un accord qui existait depuis des années entre l'Etat et les collectivités pour le logement des gendarmes de la République. Cette manière d'agir n'est pas républicaine.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux bien corriger mon lapsus : je parlerai de « nos » gendarmes.
M. Jean Bernard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Il arrive que des casernements ne puissent pas loger les gendarmes. Ceux-ci sont alors logés dans des habitations qui relèvent du parc locatif et qui sont éligibles au taux minoré de TVA. Que se passe-t-il dans ce cas ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. A partir du moment où les gendarmes sont logés dans des logements sociaux, par définition, ces logements bénéficient du taux réduit de TVA ! J'avoue ne pas avoir saisi la subtilité de votre question, monsieur le sénateur.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je souhaiterais demander à M. le secrétaire d'Etat de nous apporter une réponse sur un point très précis. C'est là une invitation et non pas un ordre, naturellement... (Sourires.)
M. le président. C'est ainsi que nous l'avions compris nous-mêmes ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse. Et lui aussi, je l'espère !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais oui !
M. Michel Charasse. Les locaux que construisent les collectivités locales pour la gendarmerie, ce que l'on appelle les casernements, comportent une partie bureaux et une partie logements, laquelle est bien distinguée dans le financement partiel de ces opérations par la gendarmerie nationale.
Ces logements ont-ils, oui ou non, un caractère social ? C'est la seule question !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement !
M. Michel Charasse. Si ce sont des logements sociaux par nature et presque par destination, c'est automatiquement le taux de 5,5 % qui s'applique. Si ce ne sont pas des logements sociaux, ils ne peuvent pas être éligibles au taux réduit. Dans ces conditions, l'amendement de M. Ostermann n'est même pas nécessaire.
Quand les collectivités locales construisent des gendarmeries, elles ne le font pas n'importe comment ! Tout cela est soumis à des normes, et ces normes sont établies par référence à la réglementation s'appliquant aux logements sociaux.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Bien sûr, il arrive que certaines collectivités aillent au-delà des normes, c'est-à-dire qu'elles fassent mieux, mais la subvention de la gendarmerie ne s'applique qu'à la partie qui correspond aux normes. Si l'on va au-delà des normes, on en est de sa poche !
L'amendement de M. Ostermann pourrait être, à mon avis, retiré sans inconvénient si le Gouvernement était d'accord pour considérer - et une simple instruction administrative suffirait à le préciser - que, lorsque les logements qui sont construits par les collectivités locales strictement selon les normes imposées par la gendarmerie, sans aller au-delà, relèvent du logement social et que le taux de 5,5 % s'applique. Et la question serait réglée. Mais cela, monsieur le secrétaire d'Etat, se négocie et se règle avec la direction des services fiscaux dans chaque département, au cas par cas. D'ailleurs, la direction des services fiscaux intervient déjà pour le calcul du loyer...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Tout à fait !
M. Michel Charasse. ... puisque c'est elle qui en fixe le montant et qu'elle est partie à la convention signée avec l'Etat.
Dans ce cas-là, l'amendement de M. Ostermann n'est pas utile. Au-delà, nous sortons du cadre du logement social.
Si M. le secrétaire d'Etat nous dit : « Ce qui correspond aux normes, c'est du logement social », il n'y a pas besoin d'article de loi et l'amendement de M. Ostermann n'a plus lieu d'être.
Si M. le secrétaire d'Etat nous dit que, lorsque les collectivités locales décideront librement de faire plus que ce que prévoient les normes de la gendarmerie, donc sans bénéficier d'une subvention sur la totalité des travaux, alors, il ne peut y avoir application du taux réduit puisqu'on sort du cadre du logement social, nous ne pouvons qu'être d'accord.
Voilà ce que vous devez nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat : on voit au cas par cas ; si c'est du logement social, on applique le taux de 5,5 % ; si ça n'en est pas, on ne l'applique pas. C'est tout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaiterais attirer l'attention sur un point juridique.
Jusqu'à présent, dans cette discussion sur les taux de TVA, nous nous sommes référés à la réglementation communautaire. Or il n'existe pas, dans le domaine qui nous occupe en cet instant, de limite qui puisse être invoquée au titre de la réglementation communautaire. Certes, le concept de logement social est inscrit dans celle-ci. Mais qui définit le logement social ? Ce n'est pas le droit communautaire, c'est le droit national.
Il suffirait donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, par une modification du code de la construction et de l'habitation, que vous avez cité, ou par une instruction administrative, comme l'a suggéré M. Charasse, on assimile explicitement les logements de fonction des gendarmes à des logements sociaux.
M. Michel Charasse. Quand ils correspondent aux normes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque les normes de construction et d'habitabilité sont les mêmes, bien entendu.
Cela peut donc être précisé dans un texte de droit interne. Une telle précision ne soulève aucune difficulté et ferait entrer sans contestation possible les travaux réalisés par les collectivités locales dont il s'agit dans le champ d'application du taux réduit.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu des souhaits qui ont été exprimés et sur lesquels un accord très large s'est dégagé, pourriez-vous nous donner l'assurance que vous plaiderez en ce sens au sein du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Avant de répondre à M. Charasse, qui, comme toujours, pose des questions très claires, je ferai remarquer qu'au détour de la discussion du projet de loi de finances nous sommes en train de débattre de l'article R. 331-4 du code de la construction et de l'habitation. Bien entendu, je trouve cela passionnant et, pour ma part, je pourrais en parler aussi longtemps que vous le souhaitez. Je suggère néanmoins que le Sénat revienne sur ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de budget pour le logement.
En l'état actuel du droit, les choses sont claires : les logements de fonction ne sont pas des logements à caractère social. Pour ma part, je ne peux que m'en tenir à cela. Si ce ne sont pas des logements à caractère social, les travaux réalisés ne peuvent pas bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %, qu'on y loge des gendarmes ou d'autres personnes méritant tout autant notre estime.
Si vous voulez modifier le code de la construction et de l'habitation, je prends acte de votre souhait, monsieur le rapporteur général, et je m'en ferai l'écho auprès de mes collègues, mais je ne prendrai ici aucun engagement sur ce point aujourd'hui.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je pense que l'argumentation de M. Charasse est tout à fait fondée mais, en accord avec mon collègue Serge Vinçon, qui est un spécialiste des problèmes de défense, je tiens à souligner que, dans ce débat, un point essentiel a été passé sous silence, et c'est le fait que la direction de la gendarmerie a décidé de supprimer les subventions aux collectivités.
En fin de compte, dans ce contexte, l'application du taux de 5,5 %, c'est une misère !
En fait, il s'agit de savoir quelle politique le Gouvernement de la République entend mener concernant le logement des gendarmes.
En effet, pour ce qui concerne les collectivités, même si nous obtenons l'application du taux de 5,5 %, elles ne pourront construire que des logements à la mesure de leurs moyens.
Ce que mon collègue Ostermann et moi-même voulons dénoncer à travers cet amendement, c'est le désengagement de l'Etat sur un problème qui intéresse au plus haut point toutes les collectivités, à savoir le logement de nos gendarmes.
Car il faut bien savoir, mes chers collègues, qu'il n'y aura plus de casernes comme il y en avait avant !
Ce n'est peut-être pas la préoccupation majeure du Gouvernement, mais je vous assure que ce que vous faites, monsieur le secrétaire d'Etat, est une mauvaise action !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le ministre, très souvent, ce sont les conseils généraux qui construisent à la fois les casernements, c'est-à-dire les logements, et les locaux administratifs et techniques.
J'ai déjà supervisé, en Ile-de-France, la construction de très nombreuses gendarmeries, et je l'ai fait en coopération avec l'Etat, ce qui est normal s'agissant d'une mission qui touche à la sécurité de notre pays.
Je signale au passage que, en Ile-de-France, cela se fait sans subvention mais avec un mécanisme de loyer, lequel est fixé par les services fiscaux comme il est de règle pour toute utilisation du domaine.
Lorsque M. le ministre de la défense est venu devant la commission des finances, nous lui avons fait part de nos préoccupations à ce sujet. Nous lui avons d'abord fait observer que ces logements devaient bien être considérés comme des logements sociaux et que, à ce titre, ils pouvaient notamment bénéficier des crédits de réhabilitation, car il ne faut pas oublier que certains de ces logements ont été construits il y a vingt ou vingt-cinq ans.
D'autre part, dans la mesure où nous réalisons, sur les logements destinés aux gendarmes, des opérations assimilables à celles que nous effectuons sur des logements sociaux, tout en respectant les normes fixées par la gendarmerie - dimension, nombre de pièces, variables selon le grade, etc. - nous lui avons demandé si, en tant que maître d'ouvrage « remplaçant » l'Etat, nous pourrions obtenir l'autorisation de construire ces logements par l'intermédiaire d'organismes d'HLM, car c'est autorisé dans certains secteurs, mais pas dans d'autres.
Aujourd'hui, je voterai l'amendement tel qu'il est présenté parce qu'il permet au moins de soumettre clairement le problème au Gouvernement.
Nous attendons de celui-ci qu'il nous dise : oui, ce sont des logements sociaux, oui, nous tenons à votre coopération, oui, vous avez droit au taux réduit de TVA, oui, vous avez droit aux crédits de réhabilitation et, oui, vous avez le droit de passer un accord avec le ou les organismes d'HLM de votre département.
Nous sommes impatients de vous entendre sur ces points, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous compris, et vous aussi, qu'il y avait là un problème.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ah oui !
M. Michel Charasse. Mais, moi, je ne souhaite pas que nous compliquions la tâche du Gouvernement.
Or je considère qu'il y a un risque réel de contentieux, duquel l'Etat pourrait fort ne pas sortir gagnant.
Mais je voudrais ajouter une remarque. Si la gendarmerie est fermée - et il est effectivement question d'en fermer quelques-unes en ce moment - et si la collectivité propriétaire fait quelques réparations pour la donner en location, ces réparations seront affectées d'un taux de 5,5 %
Autrement dit, à partir du moment où ce sont les gendarmes, ça ne peut pas être 5,5 %, mais, quand ce ne sont plus les gendarmes, ça peut être 5,5 % ! Il suffit donc que les gendarmes s'habillent en civils, et on leur fera du 5,5 % ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut que vous preniez l'engagement de prendre cette question en considération parce qu'elle est tout à fait sérieuse : c'est un vrai problème.
Je ne pense pas qu'on puisse le régler par l'amendement de M. Ostermann parce que son libellé est trop général : dans la mesure où il ne s'en tient pas aux travaux réalisés selon les normes, on a en effet le sentiment, à lire le texte de l'amendement, que tous les travaux de casernement, même s'ils vont au-delà des normes, pourraient relever du taux de 5,5 %. Or cela n'est pas possible.
C'est la raison pour laquelle nous allons voter contre l'amendement n° I-185, mais je supplie M. le secrétaire d'Etat de nous dire qu'il va examiner cette question et tenter de nous proposer, à la faveur d'un prochain débat, au cours de la navette ou dans le cadre d'un collectif, une solution qui corresponde exactement à ce que nous voulons : que ce qui relève véritablement du social bnéficie du régime de droit commun.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement que M. Oudin a défendu est un amendement d'appel, et l'appel va en fait au-delà de la question du taux de TVA. C'était en quelque sorte le bouchon sur la bouteille : l'amendement a fait sauter le bouchon, et un problème géant s'est alors manifesté, par la voix de tous ceux qui se sont exprimés dans ce débat.
Le Gouvernement a entendu l'appel et ne mésestime nullement la gravité du problème puisqu'il s'agit de « nos » gendarmes, monsieur Oudin. Vous l'avez d'ailleurs déjà soumis à mon collègue ministre de la défense, ainsi que M. Lachenaud l'a indiqué.
Le Gouvernement va étudier cette question. Je ne vous promets pas de trouver immédiatement une solution, car, en l'état actuel du droit, je ne peux que le répéter, les logements de fonction des gendarmes ne sont pas des logements sociaux. Toutefois, s'ils sont construits comme des logements sociaux, la question pourrait se poser.
Bien sûr, la question n'est pas nouvelle, mais je dois dire qu'elle a été soulevée ce soir avec des accents particulièrement vibrants.
Ayant donc entendu votre appel, monsieur Oudin, je vous demande de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-185 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-185, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 ter .
(M. Jean Faure remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. Par amendement n° I-186, MM. Leclerc, Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann, Trégouët et Courtois proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le a quater de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
" a quater. - La fourniture de travaux d'entretien, de rénovation et de réhabilitation des logements ;"
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement tend à étendre le taux de TVA de 5,5 % accordé l'an dernier aux travaux réalisés dans les HLM et, cette année, aux travaux effectués dans le cadre de l'ANAH, à l'ensemble des travaux, quels que soient les logements qui en bénéficient. Il n'y a absolument aucune raison juridique d'établir une discrimination entre les travaux.
J'ai apprécié la comparaison de notre collègue Michel Charasse : un gendarme en civil peut bénéficier du taux réduit de 5,5 %, alors que l'on appliquera le taux de 20,6 % au gendarme en uniforme.
On instaure des discriminations qui n'ont aucun fondement ! En outre, cet amendement permet à des propriétaires ou à des locataires d'effectuer régulièrement des travaux.
Le taux de 5,5 % limite le recours au travail au noir, chacun l'a compris. Cet amendement devrait donc contribuer à aider le secteur du bâtiment dans de nombreuses régions, notamment les régions touristiques, où les logements bâtis voilà vingt ou trente ans nécessitent des travaux importants de rénovation. Ces travaux favoriseront les créations d'emplois, les constructions de logements neufs ayant diminué.
C'est un amendement à la fois de cohérence et de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme tout à l'heure dans le domaine de la restauration, on met là le doigt sur une incitation fiscale qui serait extrêmement efficace en termes de politique de l'emploi. C'est un problème de choix, de priorités.
Manifestement, dans le projet de budget qui nous est présenté, et compte tenu des amendements que nous pouvons raisonnablement déposer, nous n'avons pas la possibilité de trouver les marges de manoeuvre nécessaires pour substituer un choix de ce genre, qui serait excellent sur le plan économique, à d'autres choix qui ont été arrêtés.
Dans ces conditions, en attendant, bien sûr, d'entendre les explications du Gouvernement, la commission, pour des raisons simplement budgétaires, ne peut qu'être réservée sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vingt-trois milliards de francs : défavorable !
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Vingt-trois milliards de francs : retrait !
M. le président. L'amendement n° I-186 est retiré.
Par amendement n° I-188, MM. Joyandet, Trégouët, Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel et Ostermann proposent d'insérer, après l'article 22 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b octies de l'article 279 du code général des impôts est complété par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les services d'information accessibles par les réseaux de télécommunication ; »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux services d'informations accessibles par les réseaux de télécommunication. Je n'ai pas pu le chiffrer, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Malheureusement, il ne nous semble pas que cette mesure soit applicable, compte tenu des contraintes du droit communautaire. Il serait utile d'entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est moins cher, monsieur le président, mais c'est euro-incompatible !
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-188 est retiré.
Par amendement n° I-47, M. Oudin propose d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le b nonies de l'article 279 du code général des impôts est abrogé. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Vous allez être content de moi, monsieur le secrétaire d'Etat, car cet amendement rapportera un milliard de francs à l'Etat !
M. Michel Charasse. Bravo !
M. Jacques Oudin. Cela dit, l'année dernière, j'ai défendu un amendement analogue, qui a été repoussé.
M. Michel Charasse. Les raisins sont trop verts !
M. Jacques Oudin. Le b nonies de l'article 279 du code général des impôts soumet au taux réduit de TVA les droits d'entrée perçus pour la visite des parcs à décors animés qui illustrent un thème culturel. En gros, ces termes alambiqués désignent Disneyland-Paris, le parc Astérix et le Futuroscope.
Les droits perçus pour les activités directement liées à ce thème bénéficient également du taux réduit à 5,5 %, les attractions et divertissements sportifs accessoires demeurant soumis au taux normal de 20,6 %.
Lorsqu'un prix forfaitaire et global donne accès à l'ensemble des manifestations organisées, l'exploitant du parc à décors animés doit ventiler dans sa comptabilité les recettes correspondant à chaque taux.
Ce régime de TVA dérogatoire résulte de l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1986.
La notion de « parc à décors animés » a été précisée par une instruction du 4 mars 1988 : il s'agit de parcs aménagés de façon permanente qui comportent des décors animés au moyen de figurines ou de personnages vivants, de projections sur écrans ou de tout autre procédé mécanique ou audiovisuel.
Les thèmes culturels retenus peuvent développer des sujets divers, tels que l'histoire, les sciences et les techniques, la musique, l'architecture, l'ethnologie ou s'inspirer de personnages de fiction - je pense à Mickey - quelle que soit l'oeuvre qui les a créées : contes de fées, romans, bandes dessinées, dessins animés, films, etc.
Les exigences ainsi posées par l'administration fiscale et leur précision sont telles qu'elles aboutissent à restreindre le champ d'application du taux réduit à des activités extrêmement rares et créent, de fait, une discrimination au profit de quelques parc importants. Il s'agit d'un cas fiscal très intéressant que M. Michel Charasse doit parfaitement connaître.
Cette rupture de l'égalité devant l'impôt est caractérisée pour les ensembles sportifs et les parcs aquatiques qui restent soumis au taux normal de 20,6 % alors que les conditions de fonctionnement et leurs finalités ludiques n'apparaissent pas différentes de celles des parcs à décors animés.
Je prends un exemple très concret, que chacun comprendra : une piscine cantonale qui se veut ludique et qui est gérée par un concessionnaire est soumise au taux de 20,6 % alors qu'elle est strictement populaire. Dans le même temps, Disneyland-Paris acquitte un taux de 5,5 %. Telle est l'égalité fiscale dans ce domaine !
L'annexe H de la sixième directive TVA 77/388 CEE du 17 mai 1977 classe parmi les prestations de services pouvant faire l'objet d'un taux réduit de TVA le droit d'utilisation des installations sportives et le droit d'admission dans les parcs d'attraction. L'usage fait par la France de cette faculté semble arbitrairement restreint.
Je vous propose donc de mettre un terme à cette discrimination fiscale dépourvue de justification économique et de contribuer ainsi à accroître les recettes de l'Etat de un milliard de francs. Cela permettra, au demeurant, de ramener de 20,6 % - taux qui est exorbitant - à 5,5 % le taux de TVA applicable aux installations sportives utilisées par nos enfants tous les jours de la semaine. Il s'agit notamment de certaines piscines qui sont gérées par des délégataires de service public.
J'attends votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme M. Oudin, je serai intéressé par la réponse de M. le secrétaire d'Etat.
Il convient de rappeler que la définition des parcs à décors animés, qui remonte à 1986, est assez spécifique.
A cette époque, on s'était efforcé de définir les meilleures conditions d'accueil possibles pour une très grande infrastructure susceptible d'avoir un effet d'entraînement considérable sur une bonne partie du Bassin parisien. Vous voyez à quelle installation je fais allusion.
Mais, bien entendu, en dehors de Disneyland-Paris dont il s'agit, d'autres parcs d'attractions bénéficient du taux réduit de TVA : le Futuroscope, le parc Astérix, qui se trouve dans mon département, d'autres en Moselle ou je ne sais où.
Il est clair que si l'on suit le chemin recommandé par notre collègue, dont je comprends bien les motivations, on va destabiliser ces activités et créer probablement, sans transition, des difficultés qui se traduiront par la diminution des sous-traitances et des charges d'exploitation de telle ou telle nature.
Les parcs d'attractions dont il s'agit et qui, aujourd'hui, semblent avoir atteint une bonne rentabilité, n'ont pas toujours été aussi prospères. Il existe donc un risque de perturbation profonde de l'équilibre financier de ceux qui ont la chance de bénéficier de cette mesure.
Certes, il en est d'autres, tout aussi estimables, qui ne répondent pas à la définition donnée en 1986. Peut-être serait-il préférable de voir si l'on peut modifier quelque peu cette définition, mais je crois que notre collègue Jacques Oudin s'est déjà attaqué à ce problème. Il a essayé de le résoudre de manière positive sans y parvenir et, à présent, il l'aborde du côté négatif.
La commission des finances a examiné de façon attentive ce sujet. Compte tenu des conséquences qui lui semblent assez lourdes de cette mesure et faute d'une évaluation suffisamment approfondie, elle souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Oudin pose deux questions distinctes.
La première est celle des parcs à décors animés, à propos desquels M. le rapporteur général s'est exprimé. Il n'y a pas qu'un grand parc à l'est de Paris ; il en existe dans beaucoup de points de notre territoire. Si l'on suivait M. Oudin - et les conséquences de cette mesure sur l'emploi ne seraient peut-être pas très favorables - il faudrait appliquer le taux normal de TVA à tous les parcs d'attractions, de jeux et de manèges forains qui se trouvent sur notre territoire.
Cela favoriserait la multiplication du nombre d'emplois de gendarmes et compliquerait les problèmes de logement que nous avons évoqués antérieurement.
Par conséquent, cette première partie de votre proposition, monsieur Oudin, ne mérite pas le soutien du Gouvernement.
S'agissant des parcs aquatiques, vous savez que trois types de piscines existent : les piscines à vagues et bains bouillonnants, pour lesquelles vous voulez ramener le taux de TVA de 20,6 p. 100 à 5,5 p. 100 ; les piscines qui sont gérées par des entreprises et auxquelles est appliqué le taux de 20,6 p. ; enfin, les piscines municipales qui sont gérées le plus souvent par des associations et qui ne supportent pas la TVA. Il est assez difficile de faire baisser le taux applicable aux piscines à vagues si les piscines sans vagues gérées par des entreprises continuent de se voir appliquer un taux de 20,6 %.
Il me semble, monsieur Oudin, que votre amendement mérite quelque approfondissement. Je vous suggère donc de le retirer.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, m'a fait un immense plaisir : elle montre, une fois de plus, la totale incohérence du dispositif de la fiscalité indirecte et de la TVA !
Je citerai votre prédécesseur - sans dire son nom - au cours de la séance du Sénat du lundi 25 novembre 1996, c'est-à-dire voilà exactement deux ans : « La position de M. Oudin est tout à fait respectable. La différence entre les trois régimes de TVA applicables n'a pas une justification inattaquable - et c'est un euphémisme : les installations en régie sont exonérées ; les installations concédées sont soumises au taux normal mais les parcs à thèmes au taux réduit. Il serait tout à fait justifié que le groupe de travail qui va s'intéresser à la fiscalité des installations sportives étende ses investigations à ce problème, afin qu'une solution cohérente lui soit trouvée. »
Le groupe de travail n'a pas fonctionné ou bien il n'a obtenu aucun résultat. L'incohérence règne toujours !
Vous l'avez bien dit, deux problèmes se posent.
Certes, il est un peu provocant de ma part de demander que l'on applique le taux de 20,6 % aux parcs à thèmes, genre Disneyland-Paris, encore que cela pourrait rapporter un milliard de francs à l'Etat. Mais cet amendement a surtout pour objet de mettre fin à l'incohérence de ce dispositif fiscal, monsieur le secrétaire d'Etat : pourquoi une piscine gérée directement par la municipalité - comme celle que dirige mon collègue M. Lachenaud - n'est-elle pas assujettie à la TVA, alors que celle qui est concédée est imposable à 20,6 % et que celle qui est gérée par une association peut bénéficier du taux réduit ?
Pour ma part, j'ai fait construire une piscine cantonale. Pendant deux ans, l'administration fiscale a consenti à lui appliquer le taux de 5,5 %. Puis, brusquement, elle n'a pas tenu compte des répercussions de sa décision en matière d'emploi et elle lui a appliqué le taux de 20,6 %. J'ai été obligé d'augmenter les prix de 18 % !
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette politique en matière de TVA - il a été question du chocolat, des cédéroms et, maintenant, nous évoquons les installations sportives - est totalement incohérente, je le répète.
Je tenais à présenter cet amendement, afin de souligner cette incohérence et le fait que le Gouvernement n'a rien fait depuis deux ans à cet égard ! Je le regrette.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pour les piscines, c'est vrai !
M. Jacques Oudin. Cela étant, je retire l'amendement n° I-47.
M. le président. L'amendement n° I-47 est retiré.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-59 rectifié, MM. Adnot et Durand-Chastel proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... à compter du 1er janvier 1999, le droit d'utilisation des installations sportives. »
« II. - Les pertes de recettes engendrées par l'application du I sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par l'augmentation du tarif du droit de consommation sur les alcools visé à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-117, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation des installations sportives. »
« II. - Le taux du prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence de l'application du I ci-dessus. »
Par amendement n° I-189 rectifié, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Leclerc, Eckenspieller et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation d'installations sportives ».
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-143, MM. Joly, de Montesquiou, Mouly et Pelletier proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 279 du code général des impôts, il est rétabli un b sexies rédigé comme suit :
« b sexies) Les droits d'utilisation des installations sportives ; »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-155 est présenté par M. Bordas, Mme Heinis, MM. Revet, Narchbar, Pelchat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-256 est déposé par MM. Badré, Huriet, Amoudry, Fréville et Moinard.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations liées aux activités sportives et à l'utilisation des équipements sportifs. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-59 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-117.
M. Thierry Foucaud. Je partage, au moins partiellement, l'opinion de notre collègue M. Oudin.
Notre amendement porte également sur l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée au droit d'utilisation d'installations sportives.
Chacun sait ici que la pratique sportive est organisée, si l'on peut dire, autour de deux grands secteurs : d'une part, un secteur associatif particulièrement dense et dont les qualités ne sont plus à vanter ; d'autre part, un secteur privé qui a notamment investi certaines pratiques spécifiques.
Fondamentalement, ce sont les pratiques de l'équitation, du golf ou encore de la culture physique qui ont été investies par des opérateurs privés, dont la raison sociale est parfois connue - on pense aux opérateurs de parcs aquatiques - mais qui ne sont, le plus souvent, que de petites unités.
Selon le syndicat professionnel du secteur, on dénombre en effet 4 000 entreprises dans le domaine de la pratique sportive de loisir, employant, au total, 12 000 salariés en équivalent temps plein.
Il importe ici de souligner que ces entreprises sont assez souvent tenues par des exploitants individuels, l'exploitation d'un centre équestre ou d'un poney-club pouvant être une activité accessoire de l'activité agricole.
S'agissant de ce que l'on appelle « l'euro-compatibilité » de la mesure, on pourra ici souligner - je reprends là les propos de M. Oudin - qu'elle est acquise aux termes de la sixième directive TVA, en son annexe H, où figurent quelques biens et services que nous nous attachons, depuis plusieurs débats budgétaires, à faire entrer dans notre législation.
Nous sommes donc, comme beaucoup ici, suffisamment critiques sur les conditions de la construction européenne pour demander, quand cela peut être utile, que l'on applique certaines règles si elles sont plus favorables que la législation interne existante.
Reste évidemment la question du coût de la mesure que nous préconisons.
Il apparaît que le coût brut de la mesure se situerait autour de 375 millions de francs, ce qui demeure, à notre avis, relativement modique, d'autant que le coût net de l'opération est minoré des effets potentiels de la mesure.
Selon une étude du même syndicat professionnel, la réduction du taux de TVA sur le droit d'utilisation des installations sportives devrait être en quelque sorte partagée entre la réduction des tarifs, pour environ un tiers, et la création d'emplois, pour les deux tiers restants.
Une telle démarche est évidemment à évaluer, mais il n'est pas interdit de penser qu'au bout de dix-huit à vingt-quatre mois, l'opération trouverait son équilibre du fait même des créations d'emplois et, très concrètement, de la réduction de certaines charges de solidarité incombant à la collectivité. Il faut considérer également l'effet sur l'aménagement du territoire, notamment sur l'animation touristique de certaines régions.
Soulignons, enfin, que les professionnels de ce secteur, qui a parfois souffert de pratiques commerciales discutables, sont engagés depuis plusieurs mois dans la définition d'un code de déontologie que nous ne pouvons qu'apprécier à sa juste mesure et qui permet de motiver un examen favorable de la proposition que nous faisons.
En outre, je signalerai à M. Oudin, en ce qui concerne, notamment, Eurodisney, que, lors de la dernière discussion budgétaire, Mme Buffet a pu mettre en évidence son intérêt pour la réduction du taux de TVA, considérant qu'un parc privé comme Disneyland-Paris a obtenu un tel traitement, mais que cela n'a pas empêché la société américaine Eurodisney de pratiquer à l'encontre du public des tarifs d'accès aux attractions élevés et, dans le même temps, une politique d'embauche pour le moins discriminatoire.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-189 rectifié.
M. Jacques Oudin. Le texte initial de cet amendement était le même que celui que vient de défendre M. Foucaud. (Sourires.)
Je sais d'avance les arguments que va nous opposer M. le secrétaire d'Etat. Il va nous dire que, si nous adoptons cet amendement, nous allons favoriser les golfs - ce n'est pas démocratique - les centres équestres - ce n'est pas plus démocratique ...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne dirai jamais cela !
M. Jacques Oudin. ... ou les centres de remise en forme, qui ne sont pas plus démocratiques !
Je vais donc rectifier mon amendement pour en limiter l'application aux installations sportives « gérées par délégation d'une collectivité locale ».
Ainsi, le texte est plus ciblé et plus aisément acceptable par notre assemblée.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-189 rectifié bis, visant à insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation d'installations sportives, gérées par délégation d'une collectivité locale.
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement permettrait donc aux installations sportives populaires aménagées ou financées largement par une collectivité et donc ouvertes à tous les habitants d'une commune, d'un groupement de communes, voire d'un département, de bénéficier du taux réduit de 5,5 %, à condition qu'elles soient gérées par délégation de service public d'une collectivité locale. Ainsi, nous ciblons très exactement la mesure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aurez du mal à contrer mon amendement ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° I-143 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Nachbar, pour défendre l'amendement n° I-155.
M. Philippe Nachbar. L'objet de cet amendement est le même que celui de l'amendement n° I-189 rectifié bis. Je suis d'ailleurs tellement favorable à la précision qu'a introduite M. Oudin que je rectifie également l'amendement n° I-155 en ajoutant, après les mots : « des équipements sportifs », les mots : « dans le cadre d'une délégation de service public ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-155 rectifié.
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-256.
M. Denis Badré. Mon amendement, identique au précédent, a déjà été fort bien présenté par M. Nachbar. De surcroît, comme je parle le dernier sur ce chapitre sportif avant que nous en passions aux prestations funéraires, je peux être concis ! (Sourires.)
Nous devons aujourd'hui lutter contre le dopage pour sauvegarder la santé des sportifs de haut niveau. Par l'ensemble de ces amendements, nous proposons de favoriser l'ouverture d'installations sportives pour améliorer plutôt la santé de tous les Français, qui sont potentiellement amateurs de sport.
Les économies induites par nos amendements seraient au demeurant considérables. J'ajoute qu'il s'agit tout simplement de considérer le sport comme un loisir, ce qui me paraît aller dans le sens d'un bon équilibre social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-117, I-189 rectifié bis, I-155 rectifié et I-256 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces différents amendements visent tous à favoriser la pratique sportive lorsqu'elle a lieu dans des installations confiées par une collectivité locale à un opérateur privé dans le cadre d'un contrat ou d'une convention définissant la mission de cet opérateur. L'objet me paraît intéressant et bien délimité.
Mes chers collègues, je vous propose que nous travaillions ensemble à la rédaction la meilleure possible de ces amendements, ou de celui d'entre eux qui en serait la synthèse. Sans doute serons-nous en mesure de faire ce travail d'ici à l'examen de la seconde partie. D'ailleurs, en commission, nous avions eu cette discussion, d'où il était ressorti qu'il fallait bien présenter la mesure, bien la délimiter, en insistant, notamment, sur les missions de service public et sur les conventions entre collectivités et opérateurs privés, et ce pour couper court à toute interprétation fantaisiste des intentions des auteurs de ces amendements.
Je demande donc à ces collègues de bien vouloir retirer provisoirement leurs amendements, en attendant que nous soyons en mesure de les adopter sous la forme la plus satisfaisante possible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En parlant des entreprises sportives, monsieur Foucaud, vous avez fort clairement expliqué qu'il y avait un « cheval » de secteur associatif et une « alouette » d'entreprises sportives, seules ces dernières étant assujetties au taux normal de la TVA.
Vous avez argué du fait que, si l'on abaissait le taux de TVA en faveur des 4 000 entreprises concernées qui emploient 12 000 salariés, elles pourraient embaucher davantage.
Je comprends que vous souhaitez aiguiser la concurrence entre les entreprises sportives et les associations sportives. Je ne sais pas si tel est vraiment l'objectif que vous poursuivez, mais c'est le risque que l'on court avec cette disposition.
Quant au coût, que vous évaluez à 350 millions de francs, alors que je dispose d'une évaluation à 500 millions de francs, il est tout de même relativement élevé.
Nous avons ensemble - « ensemble » au sens large - jugé que les baisses de TVA dont nous avions la faculté pouvaient être concentrées sur d'autres activités que les entreprises sportives. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Je voudrais simplement tenter de répliquer à M. Oudin, qui a, par avance, estimé que je ne pourrais pas lui répondre, que les collectivités locales, qu'il connaît évidemment beaucoup mieux que moi, de par les fonctions multiples qu'il exerce, ont la possibilité de confier leurs installations sportives à des associations - solution retenue dans la très grande majorité des cas. Par conséquent, il existe une solution qui donne satisfaction, et pour laquelle le taux réduit de TVA ne s'applique pas, tout simplement parce qu'il n'y a pas de TVA du tout !
Vous dites que, dans certains cas, des collectivités locales pourraient déléguer...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela se fait déjà !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je suppose que tout existe dans la nature, y compris dans la vie locale ! En tout état de cause, il faudrait être sûr que la délégation de service public soit parfaitement qualifiée, raison pour laquelle je comprends M. le rapporteur général quand il propose à M. Oudin de « ciseler » son dispositif.
En tout état de cause, si ces amendements n'étaient pas retirés, je serais contraint d'en demander le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-117.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous avons décidé de ne pas retirer cet amendement, eu égard à la contradiction qui existe aujourd'hui entre le traitement réservé à Disneyland-Paris et le sort qui est fait aux autres installations sportives de France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux bien être obéissant, mais je veux aussi être intelligent ! (Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Si je comprends bien, il est difficile de concilier les deux ! (Rires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-117, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-189 rectifié bis .
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos explications, monsieur le secrétaire d'Etat.
En gros, vous nous dites que, pour échapper à la TVA, il suffit de confier la gestion des installations sportives à des associations, ce que vous nous invitez à faire. Mais, dans ce cas, vous ne percevrez aucune recette ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais oui !
M. Jacques Oudin. Ma solution, qui consiste à confier la gestion des installations sportives plutôt à un délégataire, donnera lieu, en revanche, grâce à l'application du taux même réduit de 5,5 %, à la perception de recettes supplémentaires pour l'Etat.
C'est tout de même un comble que le secrétaire d'Etat au budget préconise une solution qui se traduit par une perte de recettes pour le budget de l'Etat.
De surcroît, je signale que l'association gestionnaire d'installations complexes est souvent déficitaire, ce qui n'est pas toujours la meilleure solution pour la collectivité concernée. La délégation de service public d'installations complexes gérées par des spécialistes aboutit souvent à une gestion équilibrée, parfois à des bénéfices, et à des recettes pour l'Etat au titre de la TVA, certes pas au taux de 20,60 % mais au taux réduit, à savoir 5,5 %.
Monsieur le secrétaire, tous les médecins affirment que pour qu'une population soit en bonne santé elle doit faire du sport. Donc, plus vous inciterez nos concitoyens à faire du sport, notamment dans des piscines ou des centres, meilleure sera leur santé et plus les finances de la sécurité sociale se rééquilibreront. En l'occurrence, vous faites coup double : vous avez, d'une part, plus de recettes au titre de la TVA et, d'autre part, moins de dépenses de sécurité sociale.
Reconnaissez que l'amendement n° I-189 rectifié bis répond à ces objectifs. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de le voter, à une large majorité.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je voulais appeler votre attention sur la différence fondamentale qui existe entre l'amendement initial et l'amendement en son état actuel. L'amendement initial, je ne l'aurais pas voté. L'amendement rectifié, je le voterai des deux mains, si j'ose dire, puisque je l'approuve entièrement.
S'agissant en effet des activités sportives - le même raisonnement aurait pu être appliqué au secteur culturel - un gouvernement précédent, de même inspiration que le vôtre, a mis en place la loi Sapin qui fait obligation aux collectivités locales, sous le contrôle du préfet, de procéder à des consultations pour gérer les équipements sous forme de délégation de service public.
C'est une forme non claire et non identifiée de gestion, avez-vous dit, monsieur le ministre. Je m'inscris en faux contre une telle assertion. Rien n'est plus facile que de déterminer si l'équipement est géré en délégation de service public ou pas. En effet, s'il fait l'objet d'une délégation de service public, il y a la publicité de l'appel à candidatures, l'examen des candidatures, la définition du contrat, le contrôle administratif du préfet. C'est une opération tout à fait identifiée et transparente.
Par ailleurs, cela concerne un nombre très limité de cas. Le coût de la mesure serait de l'ordre de 500 millions de francs, avez-vous dit. Nous ne pouvons le croire ! Si vous nous aviez dit que, compte tenu de la rectification de l'amendement, cela représenterait une dizaine de millions de francs, nous aurions pu le croire. Mais vous auriez aussi pu arguer du fait que cet amendement a été rectifié en séance pour préciser que vous étiez dans l'impossibilité de déterminer le coût. Cela aurait été plus clair et plus convaincant !
Il s'agit donc d'une opération circonscrite, dont le cadre juridique est bien identifié et le coût limité. Ce sont, à mes yeux, autant de raisons pour voter l'amendement tel qu'il a été rectifié.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux préciser à M. Lachenaud que le chiffre de 500 millions de francs que j'ai cité valait pour l'ensemble des entreprises sportives et ne concerne donc pas le champ d'application plus réduit de l'amendement après rectification.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes en train de voter les articles de première partie, qui constitue le budget alternatif proposé par le Sénat.
Mes chers collègues, les réponses qui vous sont données par le Gouvernement peuvent éventuellement - je le comprendrais - susciter de votre part quelque courroux. Il faut que nous puissions maîtriser l'impact financier des décisions que nous prenons. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que M. le rapporteur général, avec le talent que chacun lui connaît, présente un sous-amendement ayant pour objet d'améliorer l'amendement n° I-189 rectifié bis pour que nous soyons assurés que l'impact financier soit limité, comme vous l'avez indiqué, monsieur Lachenaud. La rédaction que pourrait présenter M. le rapporteur général serait à peu de chose près celle que vous avez évoquée.
Nous éviterions ainsi de nous retrouver au moment de l'examen de l'article d'équilibre avec un solde dégradé par rapport aux options que nous avons choisies ensemble.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me hasarde à proposer à nos collègues la formulation suivante : « ... le droit d'utilisation des installations sportives données à bail par une collectivité à un professionnel privé dans le cadre d'une mission de service public. » Cette rédaction vous semble-t-elle correspondre à votre intention ?
MM. Jacques Oudin. Accepté !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est plus large !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est moins précis que la délégation de service public !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je propose donc : « dans le cadre d'une délégation de service public ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° I-270, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et visant, dans le texte proposé par l'amendement n° I-189 rectifié bis, à remplacer les mots : « gérées par délégation d'une collectivité locale » par les mots : « données à bail par une collectivité à un professionnel privé dans le cadre d'une délégation de service public ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Oudin cherche la cohérence.
Au terme de réflexions, que je respecte, nous parvenons à distinguer, pour la même piscine, les quatre cas suivants : gestion désintéressée par une association, pas de TVA ; gestion effectuée par une association à caractère lucratif, TVA au taux de 20,60 % ; gestion déléguée à une entreprise à but lucratif de service public, 5,5 % ; exploitation commerciale classique, 20,60 % ! Monsieur Oudin, je ne suis pas certain que nous cheminions dans le sens de la cohérence et de la simplification qui vous sont chères ! Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-270.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. La proposition de M. le rapporteur général nous agrée. Elle constitue une avancée intéressante. Lorsqu'il y a délégation de service public, il faut appliquer le taux de TVA le plus bas. Dans ces conditions, l'apport positif que représente ce sous-amendement doit, nous semble-t-il, emporter l'adhésion de la majorité sénatoriale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-270, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-189 rectifié bis.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. A partir du moment où l'amendement n° I-189 rectifié bis reprend en partie, même de façon atténuée, ce que nous souhaitions, nous le voterons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° I-189 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 22 ter, et les amendements n°s I-155 rectifié et I-256 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-114, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de services funéraires. »
« II. - Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général des impôts sont abrogées. »
Par amendement n° I-232, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété in fine par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations habituelles fournies par les services de pompes funèbres et les crémations. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° I-114.
M. Guy Fischer. Cet amendement, que nous proposons depuis plusieurs années, répond, selon nous, à une légitime interrogation.
En effet, chacun sait que l'un des domaines clés de l'harmonisation fiscale européenne porte sur la recherche d'un équilibre nouveau en matière de fiscalité indirecte.
Je me permettrai donc, une fois de plus, de rappeler que la sixième directive TVA ouvre la faculté d'appliquer, selon les termes du point 15 de son annexe H, le taux réduit de TVA aux services fournis par les entreprises de pompes funèbres et de crémation ainsi qu'aux livraisons de biens qui s'y rapportent.
Nous estimons donc, eu égard à la question posée, qu'il est grand temps que notre pays utilise cette faculté et que soit mis un terme au renchérissement d'un tel service.
Nous savons que des garanties doivent être prises en matière d'imputation sur le niveau des tarifs pratiqués par les différentes entreprises effectuant ce type de prestations.
Nous estimons même que la réduction du taux de TVA concernant ces prestations doit s'accompagner d'une réaffirmation de règles déontologiques pour le moins indispensables, d'autant qu'il n'existe plus de monopole en la matière. Mais nous savons fort bien que la plus grande entreprise française est pratiquement sous la coupe du plus grand groupe mondial américain.
Il n'en demeure pas moins que dans l'intérêt même des familles confrontées à ces charges toujours pénibles - certaines signent des contrats leur permettant de régler mensuellement, en quelque sorte par anticipation, leurs funérailles ; d'autres, notamment les moins aisées sont amenées à emprunter ou à faire de plus en plus appel aux services des centres communaux d'action sociale - nous nous devons d'appliquer effectivement à ces prestations le taux réduit de TVA.
M. le président. La parole est à M. Miquel, pour présenter l'amendement n° I-232.
M. Gérard Miquel. Cet amendement a le même objet.
Les services funéraires sont importants et un taux de TVA de 5,5 % doit leur être appliqué. En effet, ces services pouvant être considérés comme des services de première nécessité et la directive européenne relative à la TVA les placent dans la liste des services auxquels on peut appliquer le taux réduit.
Afin de cibler au maximum la mesure sur les ménages modestes et de réduire le coût pour l'Etat, nous proposons, par cet amendement, d'appliquer le taux réduit de TVA uniquement sur les prestations habituelles fournies par les services de pompes funèbres et les crémations. En effet, l'administration fiscale a, nous semble-t-il, la possibilité de faire une distinction entre les prestations effectuées afin que la baisse de TVA soit réellement ciblée sur les ménages les plus modestes.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-114 et I-232 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur le plan juridique, cette disposition peut être mise en oeuvre, car les services funéraires figurent bien dans l'annexe H de la directive communautaire de 1977.
Cela étant dit, le coût semble important et c'est pourquoi la commission des finances ne peut vous suivre, mes chers collègues. Elle émet donc un avis défavorable.
Toutefois, et même si cela ne modifie pas l'avis qu'elle vient d'émettre, je ferai part à M. le secrétaire d'Etat de la surprise que l'on peut éprouver à l'égard de certaines évaluations. L'an dernier, une mesure analogue avait été proposée et on nous avait dit que sa mise en oeuvre coûterait 2 milliards de francs. Cette année, officieusement, s'agissant de la même mesure, a été avancé un montant sensiblement plus faible. Peut-être a-t-on révisé les hypothèses de mortalité ou les modes de calcul ? Je ne le sais pas, mais, sur des sujets de ce genre, il est évidemment difficile de raisonner lorsqu'on ne dispose pas d'un instrument d'évaluation suffisamment fiable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je comprends bien la motivation des amendements qui ont été défendus par MM. Fischer et Miquel.
La dépense relative aux prestations de services funéraires, qui intervient à un moment particulièrement pénible dans la vie des familles, est lourde, et elle l'est d'autant plus que le revenu des personnes concernées est modeste.
En ce qui concerne le coût de le mesure proposée, monsieur le rapporteur général, je n'ai pas le souvenir de vous avoir indiqué un chiffre triple l'an dernier...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas dit triple !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y a un compte rendu intégral !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai un grand respect pour vous, donc, je vérifierai. Je vous communique en tout cas ce soir le chiffre de 700 millions de francs, qui n'est pas négligeable.
Un débat s'est intauré entre le Gouvernement et sa majorité d'où il est ressorti que les 12 milliards de francs d'allégement de TVA devaient aller vers d'autres secteurs. Il est vrai que l'on ne peut pas tout faire à la fois !
Je reconnais toutefois la préoccupation qui a été exprimée. Elle a sa justification parce que chacun a pu avoir l'occasion d'être confronté à ce genre de circonstance. Mais, cette année, il n'est pas possible de la satisfaire, monsieur Fischer, monsieur Miquel. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler ?
Vous ayant écoutés, je vous demande néanmoins, à l'un et à l'autre, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Monsieur Fischer, maintenez-vous l'amendement n° I-114 ?
M. Guy Fischer. Nous comprenons l'argumentation que vous venez de développer, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous souhaitons réellement insister. En effet, les indications financières qui nous ont été transmises montrent qu'aujourd'hui a lieu un débat sur le coût du service rendu, notamment pour les familles les plus populaires.
Bien que le monopole des prestations ait été dénoncé, nous sommes convaincus que ce sont les grands groupes nationaux et internationaux qui, à des coûts surestimés, font prévaloir aujourd'hui leurs intérêts.
Nous sommes très attachés à cet amendement et nous le maintenons donc.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-114, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-232.
M. Michel Charasse. Il est mort ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais il n'est pas encore enterré ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Miquel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Compte tenu des explications qui ont été données par M. le secrétaire d'Etat, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-232 est retiré.
Par amendement n° I-229, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lagauche, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1er octobre 1999, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'application en France et en Europe de la directive européenne 92/77 du 19 octobre 1992 concernant les taux de TVA et sur l'état des négociations en cours sur sa modification, ainsi que sur les propositions sur le passage au régime définitif de TVA. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Les débats sur les difficultés que nous éprouvons pour modifier le taux de TVA de certains produits en raison de la directive européenne du 19 octobre 1992 montrent à l'évidence la nécessité d'un rapport sur l'application, en France et en Europe, de cette directive ainsi que sur l'état des négociations en cours s'agissant de sa modification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Angels rejoint en la circonstance le souci exprimé tout à l'heure par le président de la commission des finances : il est nécessaire de remettre en perspective tous les sujets relatifs à l'application des différents taux de TVA. Nous estimons qu'il faut faire le point, au sein de la commission des finances, et entendre des différentes parties intéressées.
Le rapport proposé par M. Angels sur l'état des négociations relatives à la modifiction de la sixième directive constitue sans doute un jalon utile, mais, d'ici là, nous mènerons un travail non moins utile au sein de la commission des finances, comme l'a suggéré M. Lambert.
Quoi qu'il en soit, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On nous dira : voici un rapport de plus !
Je rappelle à M. Angels que, tous les deux ans, la Commission européenne établit un rapport sur l'application des taux réduits de TVA. Le Gouvernement transmet ce document important au Parlement. La dernière édition remonte au 13 novembre 1997, la Haute Assemblée en a eu communication.
Cela dit, M. le président de la commission des finances a souhaité animer un chantier sur ce point. Peut-être les comptes rendus des travaux de la commission donneront-ils satisfaction aux auteurs de l'amendement ? En tout cas, si monsieur Angels tient quand même à ce qu'un rapport supplémentaire soit prévu, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point.
Ce qui est important, monsieur Angels - et je crois que nous sommes en accord complet sur ce point - c'est que nous puissions travailler ensemble pour faire évoluer l'état actuel de la répartition des biens et des services entre le taux normal et le taux réduit afin de permettre le passage à ce dernier taux d'un certain nombre d'activités qui pourraient être à la source de très nombreuses créations d'emplois.
En résumé, par respect pour vous, monsieur Angels, je m'en remets à la sagesse du Sénat, mais je ne suis pas sûr que le rapport que vous préconisez soit absolument utile dès lors que nous recevrons l'an prochain, à peu près à la même époque, un rapport de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-229.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour clore ce débat sur ce chapitre important de la loi de finances concernant l'évolution de notre législation sur la TVA, notre collègue M. Angels, au nom du groupe des sénateurs socialistes et apparentés, nous propose que soit rédigé un rapport sur les conditions d'application de la directive de 1992 et, surtout, sur les simulations de l'application du régime définitif de la taxe sur la valeur ajoutée.
Pour notre part, nous sommes tout à fait convaincus qu'il est nécessaire de parvenir, au niveau européen comme au niveau national, à une réduction sensible du poids de la taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes fiscales.
La taxe sur la valeur ajoutée est en effet un impôt dégressif dont souffrent essentiellement - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - les ménages les plus modestes, ce qu'attestent d'ailleurs sans la moindre équivoque tous les rapports qui ont pu être produits ces dernières années en matière de fiscalité, qu'il s'agisse du rapport Ducamin ou encore du rapport Bourguignon qui vient d'être présenté au comité d'analyse économique.
On sait, par exemple, que, pour les 20 % de Français les plus pauvres, les droits indirects pèsent pour 13,1 % des dépenses totales, tandis que pour les 10 % de Français les plus riches, ce poids ne constitue que 10,1 % des dépenses totales.
C'est donc avec cette perspective de réduction des inégalités que nous devons, que la France doit envisager toute participation à la négociation du régime définitif de la taxe sur la valeur ajoutée.
Se pose ensuite la question des taux pratiqués sur tel ou tel bien ou tel ou tel service.
Nous sommes, pour notre part, partisans d'une réduction générale des taux d'imposition sur la valeur ajoutée. Je ne reviendrai pas sur cette position, qui est connue.
S'agissant du taux réduit, nous devons envisager, effectivement, de le porter dans notre législation au niveau plancher recommandé par la directive de 1992.
Le coût de l'opération est, de notre point de vue, à mesurer au regard de ce que le taux réduit et les autres taux particuliers rapportent effectivement au budget de l'Etat, c'est-à-dire quelque 15 milliards de francs nets.
S'agissant du taux normal, nous estimons nécessaire qu'indépendamment de toute initiative européenne sa baisse soit organisée dans les délais les meilleurs.
Chacun a pu mesurer, à l'aune du ralentissement de la croissance - ce qui tord d'ailleurs le cou à la prétendue neutralité fiscale de la TVA -, ce que la hausse de ce taux en 1995 avait pu causer comme dégâts.
Nous pensons, de surcroît, que, si l'harmonisation fiscale européenne commence par se traduire par l'accroissement relatif de la fiscalité indirecte, elle fera, dès lors, la démonstration de sa profonde iniquité.
Si les règles en vigueur en matière de TVA doivent évoluer, ce ne peut être que dans le sens d'un allégement global de cette taxe dans le budget des consommateurs.
C'est ce que nous attendons du Gouvernement, dans le cadre des négociations en cours, et c'est à la lumière de ces observations que nous voterons cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-229, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 22 ter .

Demande de réserve



M. Alain Lambert,
président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Afin de permettre à nos collègues de prendre leurs dispositions, j'indique d'ores et déjà que je demande la réserve de l'article 24 jusqu'à la reprise de nos travaux après le dîner, afin que la commission des finances puisse se réunir, immédiatement à la suspension de séance, pour traiter de cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La réserve est donc ordonnée.

Article 23



M. le président.
« Art. 23. - I. - L'article 790 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 790 . - Les donations effectuées conformément aux dispositions du code civil bénéficient sur les droits liquidés en application des dispositions des articles 777 et suivants d'une réduction de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et de 30 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux donations consenties par actes passés à compter du 1er septembre 1998.
« Toutefois, les donations-partages et les donations par deux parents, ou l'un d'entre eux, à leur enfant unique consenties conformément aux dispositions du code civil et par actes passés avant le 1er janvier 1999 bénéficient d'une réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq ans révolus et de moins de soixante-quinze ans. »
Par amendement n° I-236, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le I de cet article pour l'article 790 du code général des impôts, après les mots : « les donations », d'insérer les mots : « en pleine propriété ».
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Le présent article a pour objet de favoriser les transmissions anticipées de patrimoine, particulièrement pour les entreprises.
C'est une bonne initiative, à condition toutefois que, dans le même temps, un réel transfert du pouvoir de décision soit effectivement réalisé. Malheureusement, force est de constater que, dans les faits, ce type d'incitation manque souvent son objectif.
En effet, on constate, notamment dans les entreprises, des pratiques qui consistent à « donner sans donner ». C'est ainsi que fleurissent nombre d'ouvrages, de séminaires de formation, de conseils ou d'orientations sur ce sujet. On y trouve pêle-mêle les thèmes suivants : « Comment utiliser la société holding pour transmettre au mieux vos activités ? », ou encore : « Le démembrement de propriété et les structures sociétaires comme outils incontournables en matière de transmission de patrimoine ».
Il en ressort que, en combinant démembrement de propriété et constitution de société holding, il est possible à un chef d'entreprise de transmettre la nue-propriété de ses actifs tout en conservant les revenus et le pouvoir dans l'entreprise.
De cette manière, il est possible de profiter des avantages de la réduction des droits de succession sans transmettre véritablement l'entreprise et sans préparer utilement sa succession.
L'objet de l'amendement que nous présentons est de prévoir que les réductions de droit ne soient accordées qu'en cas de transmission de la propriété pleine et entière des biens transmis. Ainsi, l'avantage offert permettrait d'atteindre l'objectif escompté d'une vraie transmission et non plus, comme c'est le cas aujourd'hui, de constituer un effet d'aubaine pour le contribuable donateur sans entraîner d'effet économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l'amendement n° I-236, car il lui semble que, dans certains cas d'aménagement anticipé d'une succession, il peut être utile, dans un processus de transmission progressif des responsabilités, d'effectuer des donations qui ne soient pas des donations en pleine propriété ou comportant tous les éléments de la pleine propriété.
L'amendement n° I-236 contredit les intentions qui fondent, d'ailleurs opportunément, la mesure gouvernementale qui nous est proposée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'article 23 a pour objet d'encourager la transmission anticipée d'entreprise, ce qui, dans nombre de cas, est plutôt favorable à l'emploi.
La rédaction du Gouvernement n'opère pas de distinction entre les donations en pleine propriété - c'est ce que souhaite préciser M. Massion - ou seulement en nue-propriété.
Le Gouvernement souhaite faciliter la transmission des entreprises. L'objectif poursuivi est de faire en sorte que le plus grand nombre de chefs d'entreprise, âgés de moins de soixante-cinq ans ou a fortiori âgés de soixante-cinq à soixante-quinze ans, puissent transmettre, s'ils le souhaitent, qu'elle soit nue ou qu'elle soit pleine, l'entreprise dont ils sont les propriétaires.
Or l'amendement n° I-236 est trop restrictif et risque d'atténuer la portée et le bénéfice de la disposition qui est proposée. C'est pourquoi je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Massion, l'amendement n° I-236 est-il maintenu ?
M. Marc Massion. Je tiens d'abord à remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui ne nous surprend pas. (Sourires.)
Je comprends le souci du Gouvernement de ne pas freiner les transmissions de patrimoine, en particulier des entreprises.
Je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-236 est retiré.
Par amendement n° I-237, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les donations concernent des actions ou parts de sociétés, les réductions ne s'appliquent que si elles donnent droit à la pleine propriété des actifs qu'elles représentent, directement ou indirectement. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Il s'agissait d'un amendement de conséquence de l'amendement n° I-236 ; bien entendu, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-237 est retiré.
Par amendement n° I-238, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, ces réductions de droits de mutation à titre gratuit ne sont pas applicables aux donations de sommes d'argent dont le donateur s'est réservé l'usufruit. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement poursuit le même objectif que l'amendement n° I-236, présenté par mon ami Marc Massion. Simplement, il est de moindre portée et doit être considéré, en conséquence, comme un amendement de repli pouvant toutefois être qualifié d'« amendement de moralisation ».
Il n'y a aucune justification en effet, sauf à permettre à certains contribuables de bénéficier d'effet d'aubaine, d'offrir des réductions de droits à ceux qui réalisisent des donations d'argent, bien souvent d'ailleurs afin d'échapper à l'impôt.
Je rappelle qu'il existe un dispositif fiscal permettant de prévoir des abattements sur donations anticipées réalisées tous les dix ans. C'est amplement suffisant pour ne pas en faire plus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nos collègues appellent l'attention du Sénat sur une étrangeté juridique, sans doute assez ancienne : je n'ai pas recherché l'origine de cette disposition, mais elle ne date certainement pas d'hier.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il faut consulter M. Charasse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, M. Charasse est certainement mieux documenté que les services de la commission ! (Sourires.)
Le code civil, dans son article 587, autorise les donateurs à conserver l'usufruit de sommes en numéraire qu'ils ont données. Une telle libéralité conduit certains contribuables à procéder à des donations anticipées d'argent en nue-propriété, à seule fin, apparemment, de bénéficier de la franchise d'impôt de 300 000 francs tous les dix ans. C'est ce dont ces donateurs semblent soupçonnés.
L'article 23 ayant pour objet, dans la rédaction du Gouvernement, d'encourager les donations anticipées d'entreprise, il paraît en effet légitime de ne pas faire bénéficier des dispositions qu'il prévoit les donations de sommes d'argent.
Je crois que ce n'était pas l'objectif visé par votre dispositif, monsieur le secrétaire d'Etat, surtout si ces donations ne sont qu'un aménagement ne se traduisant finalement pas par une transmission réelle du patrimoine.
Tout cela me conduit à solliciter l'avis du Gouvernement et à lui demander s'il confirme mon analyse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme l'a dit M. le rapporteur général, l'amendement défendu par M. Angels et présenté par le groupe socialiste est particulièrement judicieux, puisqu'il vise une situation assez paradoxale où une personne quelque peu fortunée donnerait une somme d'argent à son fils ou à sa fille tout en percevant, dans certains cas, les intérêts produits par cette somme. M. Angels l'a dit avec clarté et M. le rapporteur général l'a confirmé : il s'agit purement et simplement d'évasion fiscale,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Pas du tout !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et cela n'a absolument aucun lien avec la transmission anticipée d'entreprise qui, elle, a une justification en termes d'emploi.
Si les personnes en cause veulent donner des sommes d'argent, par exemple à leurs enfants, en pleine propriété, alors ils bénéficient des droits réduits de mutation ; mais s'ils donnent cet argent en en gardant le produit, alors, je trouve l'amendement de M. Angels particulièrement judicieux. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-238.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne comprends pas l'esprit de cet amendement...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un esprit de justice !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais je suis capable d'entendre l'esprit de justice...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'en doute pas !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et de m'y convertir, monsieur le secrétaire d'Etat, encore faut-il que cela me soit expliqué, et l'explication que vous avez donnée est sans doute excellente, mais elle est insuffisante pour moi. Comme je suis perfectible - en tout cas, je crois l'être - sans doute, avec les précisions complémentaires que vous ne manquerez pas de m'apporter, me convertirez-vous !
A ce que j'ai compris du patrimoine des Français, c'est qu'il pouvait être liquide ou ne pas l'être. En entendant M. le secrétaire d'Etat, j'ai eu le sentiment que le patrimoine qui n'est pas liquide serait noble et respectable et que le patrimoine liquide le serait moins.
Est-il suspect qu'un contribuable décide de procéder de manière officielle à une donation de sommes d'argent à son descendant, qu'il la fasse enregistrer et qu'il acquitte les droits de mutation ? Est-ce suspect ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cette suspicion m'étonne ! Si l'amendement n° I-238 est adopté, que va-t-il se passer ? C'est très simple : ceux qui disposent d'un patrimoine liquide seront tentés de le transmettre sans faire de donation officielle, et ils échapperont au paiement de l'impôt !
En quelles circonstances des donations de sommes d'argent se produisent-elles ? Tout simplement, lorsque les parents, par exemple, réalisent un bien immobilier dont ils n'ont plus besoin et dont ils savent, par avance, que leurs enfants n'en seront jamais les utilisateurs.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Evidemment !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ils réalisent donc ce patrimoine immobilier et c'est l'occasion pour eux de transmettre le patrimoine qui est ainsi devenu liquide à leurs enfants. Mais il peut se faire que ces personnes aient besoin des revenus de ce patrimoine ; ils vont donc effectuer une donation en nue-propriété de sommes d'argent qui donnera lieu à la perception de droits réduits de mutation, et qui sera soumise à la progressivité des droits de successions.
Je vois quelque paradoxe à pénaliser en quelque sorte la donation en nue-propriété de sommes d'argent, dès lors qu'une transmission de sommes d'argent peut se faire de la main à la main entre donateur et donataire - chacun sait ce qu'est un don manuel - en échappant à l'impôt sur les successions.
Je partage, monsieur le secrétaire d'Etat, le souci de justice que vous avez exprimé : comme vous, je souhaite que tous les Français soient soumis au même impôt et je ne trouverais donc pas normal que telle catégorie de biens supporte des droits de succession quand telle autre n'en supporte pas. Or, avec cette disposition, on risque tout simplement de tenter les détenteurs d'argent liquide de le soustraire à l'impôt sur les successions.
L'intention de M. Angels est certainement tout à fait pure, mais elle aura l'effet contraire de l'effet recherché.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je remercie beaucoup M. le président de la commission des finances de s'être exprimé avec autant de clarté.
Il y a deux cas bien distincts, et vous les avez précisés, monsieur Lambert.
Le premier cas est celui où, après avoir vendu un bien, le père devenu vieux, comme disait La Fontaine, donne une somme d'argent à ses enfants. Là, il n'y a absolument aucun problème : les droits de mutation sont réduits.
Le second cas est un peu plus bizarre : une personne qui dispose de liquidités, par exemple parce qu'elle a vendu un bien, donne cet argent à un de ses enfants non pas pour acheter un appartement ou un cabinet de notaire...
M. Alain Lambert président de la commission des finances. Une étude ! (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... Excusez-moi : une étude de notaire ou autre chose, et elle demande au donataire de ne surtout rien faire de cet argent et, parfois, de lui en reverser les intérêts.
Quel est vraiment l'intérêt de donner de l'argent si on en récupère aussitôt les intérêts ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mais pas le capital !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Même si on donne le capital et qu'on garde par devers soi les intérêts, ce serait choquant !
Celui qui reçoit de l'argent dont il ne peut rien faire, dont il ne doit pas profiter doit en avoir peu de plaisir et peu d'intérêt !
Je crois donc qu'il y a une difficulté. Je ne dis pas que tous ceux qui font cela obéissent à des motifs d'évasion fiscale, mais leur motivation est certainement moins claire que dans une transmission par anticipation d'un peu de patrimoine à des enfants qui ont besoin de capital pour démarrer dans la vie.
Les dons en argent ne sont pas en cause, et il ne s'agit là que d'un aspect particulier, mais qui me semble significatif.
M. le président de la commission, vous dites que, si les droits de mutation sont à taux plein, il y aura des dons manuels. Mais, s'il y a dons manuels, il n'y aura plus de constitution d'usufruit et le dispositif ne fonctionnera plus.
Selon moi, il ne s'agit pas là d'une querelle théologique sur les biens liquides et les biens solides, les biens mobiliers et les biens immobiliers. L'amendement déposé par le groupe socialiste a simplement pour objet de colmater une brèche dans une paroi. Les possibilités d'évasion fiscale sont de moins en moins nombreuses, mais la paroi se fendille tous les jours.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pardonnez-moi d'abuser de ma fonction pour parler à nouveau, après M. le sécrétaire d'Etat, mais il s'agit de trouver une solution qui nous permette d'élaborer une bonne législation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je négligerai l'exemple que vous avez donné, le réinvestissement, parce que je ne crois pas que le bien dont vous avez parlé soit le plus courant sur le marché et je reviendrai aux choses essentielles.
Nous sommes partis d'un exemple : des parents détenteurs d'un patrimoine immobilier le réalisent et choisissent de répartir le produit de cette vente entre leurs enfants. Pourquoi le font-ils à ce moment-là ? Peut-être préfèrent-ils payer les droits de mutation par avance - ce qui dégage une rentrée fiscale anticipée pour l'Etat - parce qu'ils craignent une augmentation des taux des droits de succession dans les années qui viennent. Leur souhait d'acquitter immédiatement les droits de succession peut donc être tout à fait naturel.
Lorsque ces personnes étaient propriétaires du bien immobilier, personne ne trouvait choquant qu'elles donnent simplement la nue-propriété et qu'elles se réservent l'usufruit. Dès lors que le bien est vendu, certains n'acceptent pas qu'elles puissent transférer simplement la nue-propriété de la somme d'argent et qu'elles s'en réservent l'usufruit. Cette attitude est tout à fait étonnante puisqu'il en résulterait en effet que les biens seraient soumis à un régime différent selon qu'il s'agirait de biens immobiliers ou d'une somme d'argent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous prie de le croire, il n'y a aucun risque, au contraire, et il est tout à fait souhaitable de permettre que tous les détenteurs de patrimoine liquide soient tentés de transmettre celui-ci à leurs enfants de manière officielle et en acquittant les droits de succession.
Si cette somme d'argent est donnée et que les parents en conservent l'usufruit, elle pourra être employée, dans un portefeuille d'obligations, par exemple, dans un nouvel immeuble - pourquoi pas ? - l'usufruit conservé par les parents se reportant sur le bien acquis et la nue-propriété sur les enfants. Ce réemploi va donc rendre tout à fait naturelle la fiscalité appliquée à l'occasion de la transmission.
Mes chers collègues - et j'en termine par là, car j'imagine que cette discussion vous agace profondément... (Mais non ! sur de nombreuses travées), voici ce qui me paraît surprenant dans l'amendement de M. Angels : pour un bien immobilier, il considère que la transmission en nue-propriété seulement est parfaitement naturelle ; en revanche, pour un bien liquide, il estime que ce n'est plus possible ; par un ailleurs, lorsque le bien redevient immobilier à l'occasion d'un emploi, il accepte tout à fait que la transmission s'opère en nue propriété seulement. Cette incohérence ne résistera pas à l'analyse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Observons que, sur l'article 23, nous avons assisté, d'une part, à la demande de retrait des deux premiers amendements présentés par le groupe socialiste et, d'autre part, à l'acceptation de ce troisième amendement. C'est une surprise. Certains pourraient même dire que c'est un accommodement vis-à-vis de la majorité. (Protestations sur les travées socialistes.)
Nous constatons que cela s'est passé comme cela !
Ce serait un amendement de repli. Mais il ne s'agit pas du tout de repli stratégique, et cette volonté d'apparente moralisation me rappelle le proverbe : « Qui veut faire l'ange, fait la bête. »
Les arguments présentés par M. le président de la commission des finances sont en effet tout à fait convaincants.
Premièrement, le dispositif proposé est d'une irréalité économique, familiale et sociale évidente. Mes chers collègues, souvenez-vous de cette enquête parue dans l'hebdomadaire Le Point voilà quelques mois et qui montrait comment, notamment dans des milieux à revenus modestes, les parents et les grands-parents aidaient, par le mécanisme des donations, leurs enfants à se lancer dans la vie, ouvrir un petit commerce, créer une entreprise artisanale, engager une formation professionnelle continue, complémentaire et parfois coûteuse.
Pénaliser une telle possibilité sur le plan fiscal me paraît tout à fait contraire à la mise en oeuvre de la solidarité entre générations, qui s'exerce tellement aujourd'hui.
Par ailleurs, cette discrimination serait une atteinte au droit de propriété.
Le code civil a bien prévu la transmission des biens, soit en pleine propriété soit en distinguant l'usufruit et la nue-propriété. Si on les traite différemment sur le plan fiscal et si l'on pénalise la transmission en nue-propriété, on opère une discrimination et on affaiblit le libre exercice du droit de propriété.
Je considère que cet amendement réduit la liberté pour le propriétaire de disposer de son patrimoine.
En outre, sur le plan financier - et je rejoins entièrement le président de la commission des finances sur ce point, l'opération n'est pas neutre. Vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'enfant ne reçoit rien. Si, il reçoit le capital et il donne l'usufruit, qui peut être assimilé à un intérêt versé à ses parents ou à ses grands-parents. Dans ce cas-là, une déclaration est faite à l'administration fiscale et il y a imposition ou non.
Pour notre part, nous estimons, puisque nous approuvons l'esprit général du texte et des articles que nous examinons actuellement, qu'il ne doit pas y avoir d'imposition, puisque, en l'occurrence, c'est équivalent à un prêt. Mais l'enfant dispose du capital.
Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'est à la fois donner et reprendre. Non, ce n'est pas le cas ! Il y a une véritable donation, une véritable mutation et une possibilité d'action pour les enfants à partir de ce don déclaré qui est, dans certains cas, imposé et, dans d'autres non et qui est une pratique très fréquente et très utile pour le développement de la société.
C'est pourquoi, personnellement, je voterai contre cet amendement. (MM. Machet et Hoeffel applaudissent.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voterai naturellement l'amendement n° I-238. Mais, monsieur Lachenaud, en poussant votre raisonnement jusqu'au bout, si les enfants choisissent de verser une pension alimentaire, celle-ci est imposable et ils ne bénéficient d'aucun avantage. Pourquoi voulez-vous que, lorsqu'ils choisissent l'autre formule, ils en retirent un avantage. Mais ce n'est pas le débat, et je ne le prolongerai pas.
Toutefois, puisque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général m'ont amicalement taquiné, je leur signale que le don d'argent avec réserve d'usufruit a été validé par la Cour de cassation réunie en chamble civile : arrêt Abbé Brecq du 11 août 1880. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° I-238, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 98
Contre 206

Par amendement n° I-18, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 7 octobre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension temporaire du taux de 30 % à toutes les donations est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est moins complexe que les précédents et nécessitera moins de recherches juridiques et historiques !
Afin d'encourager la transmission des entreprises, cet amendement vise à étendre temporairement le taux de réduction de 30 % sur les droits de mutation à toutes les donations, quel que soit l'âge du donateur.
Cette disposition ne serait toutefois applicable que pendant un an, jusqu'au 31 décembre 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement se situe dans le droit-fil du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale.
Les députés ont en effet adopté un amendement qui portait le taux de réduction des droits à 50 %, sans condition d'âge, et cela jusqu'au 31 décembre 1999. Mais il a été abandonné lors de la seconde délibération.
Sans s'opposer au principe de cette disposition, le Gouvernement avait estimé qu'elle n'était admissible qu'au taux de 30 %, qui, je le rappelle, est applicable lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq à soixante-quinze ans.
Votre proposition reprenant ce taux de 30 %, le Gouvernement reste cohérent avec la position qu'il avait adoptée à l'Assemblée nationale.
Toutefois, monsieur le rapporteur général, un point pose problème : la disposition ne peut être appliquée à compter du 7 octobre 1998.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous demande donc, pour accepter votre amendement, dans un esprit républicain, de substituer la date du 25 novembre 1998, c'est-à-dire celle d'aujourd'hui, à la date du 7 octobre 1998, qui figurait dans le texte initial.
Sous cette réserve, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de modifier votre amendement en ce sens ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'accepte bien volontiers cette rectification, et je me réjouis de cette avancée.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, levez-vous le gage ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-18 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant à compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-18 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article 23, ainsi modifié.

(L'article 23 est adopté.)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'article 24 a été réservé.

Article additionnel après l'article 24

M. le président. Par amendement n° I-118, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 24, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général des impôts sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement de notre groupe porte sur un impôt qui, nous le savons, ne rencontre pas l'assentiment de la majorité du Sénat : le droit de timbre sur les opérations de Bourse.
Nous estimons nécessaire, contrairement à ce qui a pu être fait depuis plusieurs années, de majorer assez sensiblement le rendement de cet impôt.
On sait en effet que l'assiette du droit de timbre s'est sensiblement réduite et ne concerne pas, par exemple, les opérations menées sur les marchés obligataires ou les opérations menées par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
On nous permettra également de souligner que le taux du droit de timbre, qui est de 43 , est relativement faible puisqu'il représente, par exemple, 300 francs pour une transaction d'un montant de 100 000 francs.
Il est aujourd'hui, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général des impôts, plafonné à 4 000 francs par opération, c'est-à-dire que toutes les transactions, à partir de 1,3 million de francs environ, sont taxées selon ce plafond.
C'est précisément ce plafond que nous proposons ici de supprimer par cet amendement, dont l'objectif essentiel est de permettre de dégager de nouvelles recettes fiscales, toujours utiles par les temps qui courent.
On nous objectera peut-être, par exemple, que cette situation pourrait nuire à la fluidité, voire à l'activité du marché boursier en France. Nous ne pensons pas qu'une telle analyse puisse être faite sur ce sujet.
Le caractère symbolique de l'impôt et le coût relativement faible de cet impôt pour les intervenants sur marchés ne paraissent pas devoir justifier le maintien d'un tel plafonnement.
Le document portant évaluation des voies et moyens évalue en effet à 150 millions de francs le coût du plafonnement de l'impôt sur les opérations de bourse.
Ce sont donc 150 millions de francs - à comparer aux 2 500 milliards de francs de capitalisation de la place de Paris - que nous vous proposons de récupérer pour le compte de l'Etat, afin d'associer les marchés au financement de la charge publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est franchement défavorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'argumenterai un peu plus que M. le rapporteur général.
Je comprends tout à fait la vertu symbolique de l'amendement défendu par Mme Beaudeau, mais je voudrais insister sur un point pratique : le secteur financier, en l'occurrence la place boursière de Paris, n'est pas seulement un symbole ; c'est aussi un employeur.
Une fois l'euro mis en place, au début de l'an prochain, les places de Paris, Francfort et Londres entreront en compétition. Or, vous savez que ces deux dernières ont esquissé des rapprochements qui, si nous restions complètement passifs, voire si nous durcissions les conditions de recours à la place de Paris, pourraient être dommageables pour l'emploi lié à la Bourse de Paris.
Madame Beaudeau, vous avez déposé un amendement d'appel dont je comprends le symbole, mais, au nom de la défense de l'emploi dans un secteur où la concurrence est de plus en plus vive, même s'il reste très compétitif, je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Madame Beaudeau, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Absolument pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je note dans votre réponse que c'est encore la faute de l'euro et encore la faute de l'Europe !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Non, je n'ai pas dit cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous relirez vos propos au Journal officiel !
J'ai compris, moi, qu'avec l'arrivé de l'euro nous devons rester concurrentiels. Par conséquent, je dis bien, c'est encore une fois la faute de l'euro si nous ne pouvons supprimer le plafond pour dégager de nouvelles recettes fiscales !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est votre constatation !
M. le président. Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° I-118, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 25



M. le président.
« Art. 25. _ L'article 575 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° La deuxième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Toutefois, pour les cigarettes brunes, ce minimum de perception est fixé à 420 francs à compter du 1er janvier 1999, à 450 francs au 1er janvier 2000 et à 480 francs du 1er janvier au 31 décembre 2001 » ;
« 2° Au dernier alinéa, avant les mots : "Sont considérées", sont insérés les mots : "Jusqu'au 31 décembre 2001,". » - (Adopté.)

6

Motion d'ordre

M. le président. Le Gouvernement a demandé que l'article 79 bis du projet de loi de finances, qui est rattaché au budget des charges communes, soit examiné au cours de la séance de demain, avec le budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. effectivement, monsieur le président, cet article concernant en fait le congé de fin d'activité, sa discussion a mieux sa place dans le budget de la fonction publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous n'y voyons aucune objection, monsieur le président.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, M. le président de la commission des finances nous ayant fait part de son souhait de réunir la commission avant le dîner,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je le confirme, monsieur le président.
M. le président. ... nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 25 novembre 1998, relative à la consultation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française sur les projets de loi portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998.
Ce document a été transmis aux commissionscompétentes.

8

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous abordons l'examen de l'article 24, précédemment réservé.

Article 24

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 24. - I. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 990 I ainsi rédigé :
« Art. 990 I . - I. - Lorsqu'elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 757 B, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un ou plusieurs organismes d'assurance et assimilés, à raison du décès de l'assuré, sont assujetties à un prélèvement de 20 % à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire de ces sommes, rentes ou valeurs correspondant à la fraction rachetable des contrats et des primes versées au titre de la fraction non rachetable des contrats autres que ceux mentionnés aux articles 154 bis, 885 J et au 1° de l'article 998 et souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle, diminuée d'un abattement de 1 000 000 francs.
« Le bénéficiaire doit produire auprès des organismes d'assurance et assimilés une attestation sur l'honneur indiquant le montant des abattements déjà appliqués aux sommes, rentes ou valeurs quelconques reçues d'un ou plusieurs organismes d'assurance et assimilés à raison du décès du même assuré.
« II. - Le prélèvement prévu au I est dû par le bénéficiaire et versé au comptable des impôts par les organismes d'assurance et assimilés ou leur représentant fiscal visé au III dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux ont été versées aux bénéficiaires à titre gratuit.
« Il est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d'assurances prévue aux articles 991 et suivants.
« III. - Les organismes d'assurance et assimilés non établis en France et admis à y opérer en libre prestation de services doivent désigner un représentant résidant en France personnellement responsable du paiement du prélèvement prévu au I. »
« B. - Les dispositions du A s'appliquent aux contrats souscrits à compter du 13 octobre 1998 et aux contrats en cours pour les primes versées à compter de la même date.
« C. - Les entreprises d'assurances sur la vie ou de capitalisation, les sociétés d'assurances mixtes, les mutuelles régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance sont assujetties à un prélèvement versé au plus tard le 30 juin 1999. Son assiette est constituée par les primes ou cotisations émises en 1998, nettes d'annulations ou de remboursements, afférentes à des garanties vie ou de capitalisation, à l'exception des primes ou cotisations afférentes à des contrats visés aux articles 154 bis, 885 J et au 1° de l'article 998 du code général des impôts et souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle.
« Le taux du prélèvement est fixé à 0,20 %.
« Le prélèvement est versé par les organismes d'assurance et assimilés visés au premier alinéa ou leur représentant fiscal visé au III de l'article 990 I du code général des impôts.
« Le prélèvement est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d'assurances prévue aux articles 991 et suivants du code général des impôts.
« II. - L'article 806 du code général des impôts est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Les organismes mentionnés au I de l'article 990 I ne peuvent se libérer des sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux, à raison du décès de l'assuré, à tout bénéficiaire qu'après avoir déclaré à l'administration fiscale :
« - le nom ou la raison sociale et la domiciliation de l'organisme d'assurance ou assimilé ;
« - les nom, prénoms et domicile de l'assuré ainsi que la date de son décès ;
« - les nom, prénoms et domicile du ou des bénéficiaires pour chaque contrat ;
« - la date de souscription du ou des contrats et des avenants prévus par l'article L. 112-3 du code des assurances de nature à transformer l'économie même de ce ou ces contrats ;
« - les sommes, rentes ou valeurs dues au jour du décès de l'assuré au titre de chaque contrat rachetable et correspondant aux primes versées à compter du 13 octobre 1998 et après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré ;
« - le montant des primes versées à compter du 13 octobre 1998 et après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré au titre de chaque contrat non rachetable mentionné au I de l'article 990 I ;
« - en cas de pluralité de bénéficiaires, la fraction des sommes, rentes ou valeurs revenant à chacun d'entre eux.
« Cette déclaration doit être faite dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. »
« III. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1649 AA ainsi rédigé :
« Art. 1649 AA . - Lorsque des contrats d'assurance vie sont souscrits auprès d'organismes mentionnés au I de l'article 990 I qui sont établis hors de France, les souscripteurs sont tenus de déclarer en même temps que leur déclaration de revenus, les références du ou des contrats, les dates d'effet et de durée de ces contrats, ainsi que les avenants et opérations de remboursement effectuées au cours de l'année civile. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. »
« B. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1740 decies ainsi rédigé :
« Art. 1740 decies . - Les personnes physiques qui ne se conforment pas aux obligations prévues par l'article 1649 AA sont passibles d'une amende égale à 25 % des versements effectués au titre des contrats non déclarés. Lorsque le contribuable apporte la preuve que le Trésor n'a subi aucun préjudice, le taux de l'amende est ramené à 5 % et son montant plafonné à 5 000 francs.
« L'amende est recouvrée suivant les procédures et sous les garanties prévues pour l'impôt sur le revenu. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour cet impôt. »
Sur l'article, la parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons l'article 24, que je trouve excellent et qui témoigne du fait qu'un dispositif équilibré permet de recueillir un large accord, y compris de la part des détracteurs initiaux.
De quoi s'agit-il ?
Aujourd'hui, les contrats d'assurance vie jouissent d'une exonération total d'impôt sur les successions : chacun sait que des fortunes entières ont été placées dans l'assurance vie pour échapper à l'impôt. Cette situation n'était pas tolérable, démontrant combien, en étant par trop dérogatoire au droit commun, un régime peut avoir des effets pervers considérables.
Dans son seizième rapport, le conseil des impôts a eu l'occasion de relever que c'était dans les franges des patrimoines les plus élevées que les contribuables arrivaient à échapper à l'impôt par ce biais, ce qui n'est pas acceptable au regard de l'équité fiscale.
Il était donc normal que le Gouvernement souhaite revenir sur ce régime d'exonération, comme l'engagement en avait été pris lors de la dernière campagne des élections législatives. Personne ne peut donc prétendre être pris en traite dans cette affaire.
Si le Gouvernement a pour devoir de prévenir la fraude fiscale et de la sanctionner si elle se produit, il a aussi l'obligation d'empêcher l'évasion fiscale.
Ce que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, va dans ce sens, et nous vous en savons gré.
Lorsque l'opposition a dénoncé cet article à l'Assemblée nationale, elle avançait des chiffres considérables : pour elle, l'ensemble du secteur de l'assurance vie serait visé par le dispositif. Soyons sérieux !
Avec un abattement de 1 million de francs, le dispositif du Gouvernement ne visait que les plus gros contrats. Je me suis fait communiquer les statistiques d'une mutuelle, l'une de celles qui distribuent le plus grand nombre de contrats de ce type, et la réalité est éclairante : 85 % de ses contrats ne dépassent pas la somme de 40 000 francs par titulaire. Comparez vous-mêmes, mes chers collègues : 40 000 francs contre 1 million de francs !
On a, par ailleurs, évoqué les incertitudes juridiques que pouvait engendrer le dispositif. Pour moi, le débat sur la rétroactivité fiscale n'avait pas de sens. D'abord, parce qu'elle est autorisée par la loi et parce que, sur le fond, s'il en était autrement, une majorité parlementaire d'alternance n'aurait aucune possibilité de voter des mesures fiscales inhérentes à ses choix politiques ; elle ne pourrait que légiférer pour un avenir éventuellement limité.
Au demeurant, est-ce sérieux de considérer qu'il y a un contrat quasi juridique passé entre l'Etat et le titulaire ? A mon sens non ! Ce dernier doit arbitrer pour ses investissements, dans le cadre d'un contexte donné où se mêlent conjoncture boursière et régime fiscal donné pour ces produits, en sachant que ces deux paramètres ne sont pas figés tout simplement. On ne voit pas pourquoi, sous prétexte que l'assurance vie porte sur une épargne de long terme, elle serait à ce point privilégiée.
En revanche, j'étais dans le doute s'agissant de la question du double seuil. Je ne pense pas, en effet, au regard de l'égalité devant l'impôt, que l'on puisse fixer un seuil d'imposition différent en fonction de l'importance du patrimoine.
C'est pourquoi, je me félicite que l'Assemblée nationale ait résolu cette question en prévoyant un dispositif, par ailleurs modéré dans son application : un seuil de 1 million de francs non plus de capiral transmis mais par bénéficiaire, et un prélèvement forfaitaire de 20 % me paraissent de nature à ne susciter aucune critique.
Mes chers collègues, les réformes consensuelles sont souvent de bonnes réformes, et je constate avec satisfaction que la majorité de la commission des finances a adopté cet article.
Je souhaite qu'en séance publique ce vote unanime soit confirmé.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Elle avait peur que ce soit pire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite formuler quelques brèves considérations liminaires sur cet article 24.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la version initiale du texte concernant l'assurance-vie était véritablement inacceptable, car susceptible de porter gravement atteinte à la sécurité juridique de la fiscalité relative à l'assurance-vie.
Les modifications qui ont été apportées par l'Assemblée nationale nous permettent d'examiner ce texte de manière plus sereine. Le document qui nous est soumis est, à certains égards, un moindre mal qui serait sans doute encore un peu perfectible, mais nous craindrions, si nous nous livrions à une véritable modification de ce texte, de déplacer les équilibres subtils qui existent au sein de la majorité dite plurielle de l'Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la raison essentielle pour laquelle, ne voulant pas accroître l'instabilité législative en ce domaine, la commission des finances n'a pris l'initiative d'aucun amendement sur l'article 24.
Je souhaite toutefois formuler quelques remarques ou quelques questions à l'intention du Gouvernement.
Je me permettrai tout d'abord de faire remarquer que le régime fiscal de l'assurance vie a été modifié dix-neuf fois depuis 1980, douze fois depuis le 1er janvier 1990 et cinq fois depuis 1996.
Les professionnels estiment que ces changements continuels ou, du moins, trop fréquents fragilisent l'assurance-vie et donc l'industrie financière française à l'heure de l'euro.
Au demeurant, ce n'est pas un hasard si la collecte de l'assurance vie pour les neuf premiers mois de l'année 1998 s'est inscrite en baisse de l'ordre de 12 %.
Le Gouvernement peut-il nous confirmer et, surtout, confirmer aux assurés qu'après cette nouvelle réforme nous disposerons enfin d'un cadre fiscal stabilisé ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais qu'il vous soit possible de garantir au Sénat le caractère véritablement exceptionnel du prélèvement de 0,2 % sur les compagnies d'assurance.
D'après la lecture que nous avons faite, le texte l'indique implicitement puisque le C du paragraphe I de l'article 24 détermine l'assiette du prélèvement en faisant référence aux primes ou aux cotisations émises en 1998. Toutefois, il serait souhaitable que le Gouvernement s'engage officiellement à ne pas banaliser ce prélèvement.
Par ailleurs, je considère que le paragraphe II de l'article 24 relève du domaine réglementaire. Comme pour l'article 757 B du code général des impôts, la liste des informations à fournir par les compagnies d'assurances aurait sans doute pu être arrêtée par un décret en Conseil d'Etat. Mais nous n'irons pas au-delà de cette remarque, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous n'avons pas déposé d'amendement sur ce point.
Je conclurai mon propos par deux questions.
L'article 24 répond au souci du Gouvernement d'empêcher les abus lors de la transmission du patrimoine par le biais de l'assurance vie. Mais il est clair qu'il ne doit pas pénaliser les efforts de prévoyance en vue de la retraite et du décès des assurés. C'est pourquoi ce texte prévoit un certain nombre d'exclusions auxquelles nous allons de manière très consensuelle en ajouter une autre. Si ces exclusions sont très importantes, elles sont néanmoins par nature incomplètes.
Pour que les intentions du législateur puissent être clairement appliquées à toutes les situations que la loi ne peut pas détailler, le Gouvernement peut-il confirmer que les textes d'application prendront en compte les objectifs que je viens de rappeler ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite compléter cette demande relative à l'exclusion de la prévoyance du champ d'application de l'article 24 sur un point essentiel : le Gouvernement peut-il confirmer au Sénat que les sommes dues au titre des réversions de rentes viagères entre époux et parents en ligne directe ne seront pas assujetties à la nouvelle taxation ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Par amendement n° I-269, le Gouvernement propose :
I. - Dans le premier alinéa du I du texte présenté par le A du I de l'article 24 pour l'article 990 I du code général des impôts, après les mots : « contrats autres », d'insérer les mots : « que ceux mentionnés au premier alinéa du 2° de l'article 199 septies et ».
II. - Dans les sixième et septième alinéas du texte présenté par le II de ce même article pour le IV de l'article 806 du code général des impôts, de supprimer les mots : « et après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. M. Massion a bien montré dans quelles perspectives se situait le Gouvernement.
Nous voulons en effet, d'abord, développer l'épargne longue de précaution, qui est à la fois utile au développement dans notre pays et nécessaire à chacun pour envisager l'avenir avec confiance.
Dans le même temps, et M. Massion y a justement insisté, le Gouvernement est aussi guidé par un souci de justice fiscale. En fait, il n'y a pas de meilleur formule que celle que vous avez employée, monsieur le rapporteur général : nous avons la volonté d'empêcher les abus.
Cela étant, comme vous l'avez également dit, monsieur le rapporteur général, tout est perfectible et, avant de présenter l'amendement n° I-269, je voudrais répondre à vos interrogations.
Est-ce la fin d'un processus de réforme de l'assurance vie ? Je peux répondre par l'affirmative à cette question. Selon le Gouvernement, nous sommes parvenus à un juste équilibre entre la volonté de développer l'épargne longue dans notre pays et celle d'empêcher les abus. Par conséquent, après que le Gouvernement précédent eut réformé l'assurance vie dans une certaine direction, puis que nous l'eussions fait à notre tour, l'assurance-vie va maintenant connaître un régime fiscal de croisière.
Vous m'avez également demandé si le régime de 0,2 % était exceptionnel. Là encore, la réponse est affirmative.
Il en va de même en ce qui concerne la question fort complexe que vous m'avez posée sur les reversions.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Plein succès ! (Sourires.)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais le Gouvernement sait respecter le travail de la commission des finances du Sénat et de son rapporteur général lorsque la sagacité les inspire, et c'est souvent le cas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La soirée commence bien ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'en viens à l'amendement n° I-269.
Vous avez à juste titre relevé, monsieur le rapporteur général, que le dispositif adopté en première lecture à l'Assemblée nationale comportait une ambiguïté - certains diraient : une erreur - dans la mesure où les obligations déclaratives à la charge des organismes d'assurance-vie qui sont mentionnées dans le texte ne concerneraient que les primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré. Il y a là une sorte de vide juridique dans les obligations déclaratives qui est certainement contraire à la volonté du législateur.
C'est pourquoi l'amendement n° I-269 tend à supprimer les termes : « et après soixante-dix ans ».
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général - pardonnez-moi de mettre ainsi votre modestie à pareille épreuve ! (Sourires) -, vous avez dit que le texte adopté par l'Assemblée nationale était perfectible, notamment, en ce qui concerne les contrats qui garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant handicapé.
J'avais déjà été alerté sur ce point par vos collègues du groupe socialiste, auxquels je me dois de rendre aussi justice, car ils s'étaient émus du silence du texte sur ce point.
L'autre partie de l'amendement n° I-269 vise donc à répondre au souci que le groupe socialiste et vous-même avez exprimé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, réunie lors de la suspension de séance, a examiné cet amendement.
Elle a constaté que le paragraphe I répondait à un réel besoin social. Nos collègues socialistes avaient exprimé leur préoccupation à ce sujet.
Cette avancée avait été souhaitée dans mon rapport écrit. Notre collègue Bernard Joly a également déposé un amendement dans ce sens.
Il s'agit d'une mesure d'équité, tenant compte de la nature propre des contrats de prévoyance destinés à permettre à un enfant handicapé de s'assumer, de trouver son autonomie économique lorsque ses parents auront disparu.
Le paragraphe II de l'amendement à rectifier ce qui nous est apparu comme une erreur matérielle. Quoi qu'il en soit, il nous semble tirer les conséquences des intentions qui ont guidé le compromis intervenu à l'Assemblée nationale.
La commission émet donc un avis tout a fait favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-269, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-144 rectifié, MM. Joly, de Montesquiou, Pelletier et Huriet proposent :
I. - De compléter in fine le paragraphe B du I de l'article 24 par les mots : « , mais ne s'appliquent pas aux contrats souscrits en faveur de personnes handicapées. »
II. - De compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Pour compenser les pertes de recettes dues au dégrèvement du prélèvement de 20 % sur les contrats souscrits en faveur des personnes handicapées, les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux vois l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Article 26



M. le président.
« Art. 26. - I. - L'article 231 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 231 ter . - I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage est perçue dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines.
« II. - La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel sur de tels locaux.
« La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable.
« III. - La taxe est due :
« 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ;
« 2° Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes ;
« 3° Pour les locaux de stockage, qui s'entendent des locaux ou aires couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production.
« IV. - Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique.
« V. - Sont exonérés de la taxe :
« 1° Les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage, situés dans une zone franche urbaine telle que définie par le B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« 2° Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ;
« 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 300 mètres carrés, les locaux de stockage d'une superficie inférieure à 500 mètres carrés.
« VI. - Les tarifs sont applicables dans les conditions suivantes :
« 1. a. Pour les locaux à usage de bureaux, un tarif distinct au mètre carré est appliqué par circonscription, telle que définie ci-après :
« - première circonscription : ler, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 14e, 15e, 16e, 17e arrondissements de Paris et arrondissements de Nanterre et Boulogne-Billancourt du département des Hauts-de-Seine. »
« - deuxième circonscription : 5e, 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e, 20e arrondissements de Paris et arrondissement d'Antony du département des Hauts-de-Seine ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
« - troisième circonscription : départements de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne et du Val-d'Oise.
« Dans chaque circonscription, ce tarif est réduit pour les locaux possédés par l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes ou les établissements publics sans caractère industriel ou commercial, les organismes professionnels ainsi que les associations ou organismes privés sans but lucratif à caractère sanitaire, social, éducatif, sportif ou culturel et dans lesquels ils exercent leur activité.
« b. Pour les locaux commerciaux et de stockage, un tarif distinct au mètre carré est appliqué selon que la surface totale imposable excède ou non respectivement 2 500 mètres carrés et 5 000 mètres carrés.
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à :
« 1° Pour les locaux à usage de bureaux :



1re CIRCONSCRIPTION

2e CIRCONSCRIPTION

3e CIRCONSCRIPTION







Année


Tarif normal

Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit
1999 70 35 42 25 20 18
2000 72 36 43 26 21 19
2001 74 37 44 27 22 20
2002 76 38 45 28 23 21
2003 78 39 46 29 24 22
2004 80 40 47 30 25 23


« 2° Pour les locaux commerciaux :

ANNÉE

SURFACE TOTALE COMPRISE

entre 300 m² et 2 500 m²

SURFACE TOTALE ÉGALE

ou supérieure à 2 500 m²

1999 12 30
2000 15 36
2001 18 42
2002 21 48
2003 24 54
2004 27 60


« 3° Pour les locaux de stockage :

ANNÉE

SURFACE TOTALE COMPRISE

entre 500 m² et 5 000 m²

SURFACE TOTALE ÉGALE

ou supérieure à 5 000 m²

1999 7 14
2000 9 17
2001 11 20
2002 13 23
2003 15 26
2004 17 28

« 3. A compter de l'année 2005, les tarifs de la taxe sont révisés annuellement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction.
« VII. - Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du paiement de la taxe, avant le 1er mars de chaque année, auprès du comptable du Trésor du lieu de situation des locaux imposables.
« VIII. - 1. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à la taxe sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
« 2. Le privilège prévu au 1° du 2 de l'article 1920 peut être exercé pour le recouvrement de la taxe.
« II. - Au c du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, les mots : "taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux" sont remplacés par les mots : "taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage". »
Sur l'article, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Par cet article, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez deux dispositions de nature différente : l'extension de l'assiette de la taxe sur les bureaux aux commerces de détail de plus de trois cents mètres carrés et aux locaux de stockage d'une superficie supérieure à cinq cents mètres carrés, d'une part, et une indexation du tarif de la taxe, d'autre part.
Je marque ici une opposition très ferme à l'extension de l'assiette de la taxe. Celle-ci représenterait une injustice, un non-sens économique et une régression de l'aménagement du territoire en Ile-de-France.
Car, l'Ile-de-France, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'Etat, mérite aussi un bon aménagement du territoire.
Si la taxe en question peut se justifier s'agissant des bureaux, il n'en est pas de même pour les activités commerciales et les entrepôts, dont la répartition sur le territoire de la région est actuellement relativement équilibrée.
Les commerces de détail jouent un rôle essentiel dans l'animation des centres villes, à proximité des lieux de clientèle. Ils répondent à une réelle attente des personnes peu mobiles ou non motorisées. Ils représentent souvent un dernier rempart contre la forme de grande exclusion qu'est la solitude.
Les taxer irait donc totalement à l'encontre de la politique pratiquée par la plupart de nos municipalités, qui cherchent, à l'inverse, à encourager leur installation lorsqu'ils n'existent pas et à les soutenir lorsqu'ils existent.
A vous suivre, monsieur le secrétaire d'Etat, on risquerait de favoriser la concentration des commerces hors des agglomérations, alors même que l'on assiste depuis quelques mois à un nouveau déplacement de la grande distribution.
Ce phénomène de concentration des commerces aurait évidemment des conséquences fâcheuses sur la circulation, les nuisances et la qualité de la vie : excusez du peu !
S'agissant des lieux de stockage, les soumettre à de nouvelles charges entraînerait des délocalisations vers les régions proches, ce qui ne serait qu'un moindre mal s'il s'agit, par exemple, de la Picardie - n'est-ce pas monsieur le rapporteur général ? (Sourires.) - mais aussi, bien souvent, vers les pays voisins, avec cette fois des conséquences à l'échelle nationale, notamment en termes d'emploi.
Et la justification de l'article 26 ne saurait se trouver dans un objectif d'aménagement du territoire ! Il ne s'agit plus du débat Ile-de-France - province : c'est un débat qui oppose l'Etat et l'Ile-de-France. La province n'a donc rien à y gagner. En revanche, l'Ile-de-France, en première ligne, a tout à y perdre.
Nous ne sommes d'ailleurs pas non plus dans un débat droite-gauche. J'ai moi-même interrogé publiquement à ce sujet le président de la région d'Ile-de-France, M. Jean-Paul Huchon, alors qu'il était, voilà quelques jours, en visite dans les Hauts-de-Seine. Il m'a confirmé qu'il partageait mon analyse et m'a autorisé à en faire état.
Il devait le faire parce que l'avenir de la région est en jeu.
Il devait le faire aussi pour une question de principe : votre article 26 représente, en effet, une forme de renationalisation de l'aménagement du territoire francilien, à laquelle ne peuvent évidemment que s'opposer la grande majorité des élus de la région, quelle que soit leur sensibilité politique.
Si le débat n'est pas classique, c'est donc que la disposition proposée n'est tout simplement pas bonne. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous y renonciez.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon collègue Bertrand Delanoë aurait souhaité s'exprimer sur ce sujet qui lui tient particulièrement à coeur. Le retard pris dans le déroulement de nos travaux l'en a empêché. Bien entendu, je l'associe à mon intervention.
Il me faut tout d'abord rappeler rapidement le fondement de cet article.
Jusqu'en 1994, la région d'Ile-de-France recevait une dotation globale de fonctionnement. Depuis 1995, à la suite du vote d'une disposition figurant dans la loi sur l'aménagement et le développement du territoire, cette DGF, qui atteignait alors 1,2 milliard de francs, est réduite chaque année de 120 millions de francs.
Cependant, parallèlement, les moyens du fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, sont affectés à la région à concurrence de la réduction de la DGF pour qu'elle finance, jusqu'en 1998, les projets arrêtés par l'Etat et, à partir de 1998, ses propres projets.
Or ce fonds est financé par la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France. Le produit, tant actuel que prévisionnel, de cette taxe ne permettra pas d'assurer le versement prévu.
Il est pourtant nécessaire que les moyens d'intervention de FARIF soient maintenus, car ce fonds permet de financer la construction de logements sociaux, des investissements en matière de transports en commun et des infrastructures routières. Le choix opéré en 1995 était donc très discutable. Je rappelle d'ailleurs que le groupe socialiste l'avait combattu à l'époque.
Aujourd'hui, il faut trouver une recette de substitution afin que le financement de nombreux investissements en Ile-de-France puisse se poursuivre. Le Gouvernement propose d'étendre à d'autres secteurs l'assiette de la taxe annuelle sur les bureaux. C'est une solution simple, susceptible d'apporter les financements nécessaires et, j'insiste sur ce point, ciblée sur les bénéficiaires des investissements.
Il n'est tout de même pas anormal que ce soient les utilisateurs des infrastructures publiques de la région qui contribuent en partie à leur financement, surtout quand ils bénéficient par ailleurs de la baisse de la taxe professionnelle.
La position de la majorité sénatoriale, qui refuse l'extension sans préconiser de solution de remplacement, est donc peu logique et contraire aux besoins de développement de la région d'Ile-de-France.
Toutefois, la disposition qui nous est proposée pose de réels problèmes. (Ah ? sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Denis Badré. C'est un peu ce que je viens de dire !
M. Bernard Angels. Mais, mes chers collègues, il faut savoir être logique ! Vous l'avez sans doute remarqué, je suis quelqu'un qui dit les choses telles qu'elles sont. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Nous verrons qui rira le dernier !
L'extension est trop large, trop rapide et, dans certains cas, contraire à des priorités par ailleurs défendues par le Gouvernement et auxquelles nous sommes très sensibles. Je pense, en particulier, à l'extension aux restaurants et cafés de quartier et aux hôtels de faible et moyenne catégorie. Nous avons la volonté, pour développer l'animation et l'emploi dans nos quartiers et dans nos villes, de contribuer à leur maintien et à leur développement. Les taxer apparaîtrait comme contradictoire et, de plus, cela irait à l'encontre de notre priorité principale : l'emploi.
Cette appréciation est également valable pour les commerces construits accessoirement aux logements sociaux par les organismes d'HLM.
Plus généralement, il faut s'assurer que l'augmentation de la taxe ne viendra pas aggraver au-delà de la baisse de la taxe professionnelle les charges des entreprises. Cela pourrait alors être néfaste, en particulier pour les ports et aéroports de la région, qui pourraient perdre une partie de leur compétitivité face à leurs concurrents. En outre, cela risquerait d'entraîner des délocalisations d'entrepôts, ce qui aurait pour conséquence indirecte d'accroître les transferts routiers en Ile-de-France, ce qui, là encore, serait en contradiction avec notre volonté d'améliorer l'environnement et la qualité de l'air de notre région.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il est indispensable de remettre la mesure sur le métier, et c'est ce que nous demandons au Gouvernement. Nous ferons d'ailleurs des propositions en ce sens.
M. le président. La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur ce malheureux article 26, tout a été dit ou va être dit. Tout a été écrit, ou va être écrit... sauf les compliments ! Je me rangerai dans l'orthodoxie, ne soyez pas inquiet monsieur le secrétaire d'Etat. (Sourires).
Le Gouvernement craint que la région n'utilise mal les fonds qu'elle reçoit, en tout cas qu'elle ne les utilise pas pour l'équipement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout à fait ça !
M. Christian de La Malène. Je crois qu'il se trompe ! Le Gouvernement craint que les crédits du fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, destinés à abonder les crédits de la région, ne soient pas suffisants pour faire face aux charges d'équipement de l'Etat. Par conséquent, le Gouvernement souhaite trouver, localement, une recette de 1,2 milliard de francs.
Et pour y parvenir, il a inventé une taxe ! C'est un mauvais moyen. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai toujours appris, sur les bancs de l'école, puis au cours d'une trop longue carrière politique, que multiplier les taxes c'était une façon déplorable d'agir. D'ailleurs, de temps en temps, nous en supprimons,...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est rare !
M. Christian de La Malène. ... ce qui montre bien que cette manière de faire est loin d'être judicieuse.
Par ailleurs, cette taxe est - pardonnez la trivialité de l'expression - une extraordinaire « usine à gaz » ! Vous inventez un système avec trois zones et deux tarifs. Ces tarifs sont fixés de façon prospective jusqu'en 2004. Surtout, l'assiette sur laquelle repose cette taxe est arbitraire : il est tout à fait arbitraire de retenir comme seul critère de taxation les surfaces.
Autre inconvénient de cette mesure : vous déterminez le rendement que vous voulez obtenir en 2004 et, à partir de l'objectif ainsi défini, vous indiquez les tarifs que vous appliquerez ici ou là de façon à obtenir 1,2 milliard de francs en 2004. Il s'agit là d'une curieuse façon de procéder !
Vous dites avoir retenu ces contribuables - les commerçants et les zones d'activité qui se situent au-dessus d'un certain niveau - parce qu'ils bénéficient plus que d'autres de la logistique qui est réalisée grâce aux investissements du FARIF. Pour quelle raison un commerçant hôtelier bénéficierait-il davantage que les autres citoyens des investissements réalisés dans le métro ou en matière d'autoroute ?
L'argument de la logistique ne me paraît donc pas pouvoir être retenu.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il est peut-être normal de transférer des ressources de la région parisienne à la province. Nous n'y sommes pas hostiles. En revanche, nous sommes hostiles à ce que seuls les commerçants et les gestionnaires d'aires de stockage supportent ces transferts de charges de 1,2 milliard de francs. Pourquoi avoir choisi ces contribuables-là ?
M. Denis Badré. Très juste !
M. Christian de La Malène. N'est-ce pas illogique, anormal et arbitraire ?
Tout le monde vous l'a dit, monsieur le secrétaire d'Etat ! Je ne suis pas original en vous tenant ces propos. Vous ne reconnaîtrez certainement pas que votre copie est mauvaise mais, au fond de votre coeur, vous le pensez. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, refaites-la ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je partage, bien entendu, ce qui a été dit par mon ami Denis Badré et par M. de La Malène, ainsi que la seconde partie des propos tenus par M. Angels au nom de M. Delanoë.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'époque, la taxe sur les bureaux a été instituée afin d'éviter une trop grande concentration de bureaux en Ile-de-France. Tel était l'objectif poursuivi, et il avait une logique.
Par la suite, ce fonds n'a servi que partiellement, car l'Etat n'a pas toujours été capable d'inscrire les crédits nécessaires pour réaliser des opérations.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est de l'argent qui dort !
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement ! A l'instar des fonds européens, ces crédits ne sont pas consommés ! D'ailleurs, lors de la discussion de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cela a été rappelé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai d'illustrer mon propos.
Cette taxe doit s'appliquer aux coopératives agricoles - il y en a en Ile-de-France ! - au stockage des agriculteurs. Or, il est bien difficile de maintenir des agriculteurs en Ile-de-France. Ces derniers ont payé de lourdes taxes, notamment en raison de la réalisation de grandes infrastructures. Va-t-on encore les taxer ? Une coopérative importante de Seine-et-Marne va payer, à terme, 9 millions de francs de taxe. C'est insupportable ! Ces mesures n'ont pas fait l'objet d'une réflexion suffisante. Tout le monde se plaint, mais le Gouvernement continue !
J'ai lu les débats de l'Assemblée nationale : sur tous les bancs, les députés ont dit que cette taxe était absurde. Néanmoins, on continue de la défendre. Je crois vraiment que cela débouche sur un non-sens total.
Ainsi, en dehors des grandes plates-formes notamment aéroportuaires, la création de plates-formes multimodales est prévue, en particulier dans le secteur de Roissy. Mais elles ne seront pas installées en Ile-de-France, à cause de cette taxe ; elles seront implantées en Belgique, ou ailleurs.
Nous perdrons donc un peu de compétitivité. Ce n'est certainement pas l'intérêt de la France de voir disparaître des entreprises !
On parle d'allégements de taxe professionnelle, mais, d'un autre côté, la politique que vous menez aura des effets redoutables pour un certain nombre d'entreprises. Il s'agit notamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un mauvais coup porté à l'agriculture d'Ile-de-France.
M. Daniel Hoeffel. Donc à l'Ile-de-France !
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !
Si vous voulez y maintenir une agriculture et empêcher que cette région ne compte que des terrains urbanisés, il ne faut certainement pas persévérer dans la voie que vous avez choisie. C'est mauvais pour l'aménagement du territoire !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas oublier vos responsabilités passées. Vous avez été un grand préfet de la région d'Ile-de-France. Alors, n'oubliez pas ce que vous avez été ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout ce qui a été dit va être redit par mes soins, mais tous ces propos n'en auront que plus de poids !
Nous nous trouvons, une fois de plus, devant un mélange d'arbitraire technocratique du ministère des finances, souvent dénoncé, et de méconnaissance de la réalité économique. Cette mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable, aggraverait, si elle était adoptée, les inconvénients fort pénalisants de la taxe sur les surfaces de bureaux.
Unanimement dénoncé par la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la fédération régionale de l'industrie hôtelière, la chambre de l'immobilier, de la construction et du bâtiment et même la fédération régionale des coopératives agricoles d'Ile-de-France - M. Hyest le disait à l'instant - cet élargissement de l'assiette de la taxe est un dur coup porté à des milliers d'entreprises de notre région.
Ce projet menace tout particulièrement les activités commerciales, de transport et de soutien logistique qui conditionnent le dynamisme économique.
A ne pas vouloir réduire son train de vie, l'Etat se trouve obligé de ponctionner tous azimuts. Cela ne nous étonne pas, mais les expédients budgétaires ne constituent pas une politique économique.
Frapper ainsi toutes les exploitations commerciales de plus de 300 mètres carrés et les entrepôts de plus de 500 mètres carrés, c'est étouffer l'activité en Ile-de-France, du café-restaurant au hangar agricole, car il faut cesser de penser aux prestigieuses surfaces de bureaux parisiens ou aux magasins des Champs-Elysées. Le problème est ailleurs, dans nos villes de banlieues comme dans les villages ruraux de Seine-et-Marne, ou les entrepôts de toutes les zones industrielles qui se sont, grâce à la volonté de développement des élus locaux, multipliés en Ile-de-France.
Non seulement notre région est frappée de manière discriminatoire - M. Huchon lui-même, président socialiste du conseil régional, a demandé la suppression de cette mesure - mais encore les critères de taxation retenus sont intrinsèquement mauvais. L'assiette adoptée, c'est-à-dire le mètre carré, indépendamment de son rendement financier et de la valeur ajoutée de ses aménagements, est, de surcroît, économiquement injustifiable.
Pour que l'Etat, selon ses dires, préserve ses moyens d'intervention en Ile-de-France - à quelles fins ? nous le demandons - le Gouvernement s'apprête ainsi à prélever, dès 1999, plus de 500 millions de francs supplémentaires sur l'économie francilienne. En 2004, la ponction nouvelle dépasserait ainsi 1,2 milliard de francs, soit une augmentation de un à dix en six ans.
C'est une véritable fiscalité de l'aménagement du territoire, sans cadre légal, qui s'instaure désormais. Dans toutes les régions où apparaîtront des déséquilibres en matière de logement, de transports et de routes, les Français vont-ils être ainsi rançonnés par une imposition rampante à géométrie variable ?
Faisant preuve de sagesse, mes collègues de la commission des finances ont rejeté cette extension de l'assiette de la taxe, considérant que cette réforme est contradictoire avec l'allégement de la taxe professionnelle, dont elle annulerait les effets sur tout un secteur d'activités. Dans certains cas, la ponction est deux fois supérieure à la part de taxe professionnelle fondée sur les salaires. En outre, cette réforme est susceptible d'encourager des délocalisations d'activités, précarisant un peu plus le niveau d'emplois.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter l'abandon de cette extension de la taxe. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai senti quelques doutes...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont plus que des doutes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... de la part des orateurs, pour la plupart d'Ile-de-France, à propos de la disposition que vous propose le Gouvernement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Elle est sévère !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais donc vous répondre.
M. de La Malène a parlé, à juste titre, d'un « malheureux article ». Ces mesures tirent leur origine - cela a été très bien dit par M. Angels, au nom de M. Delanoë - surtout de la réalité et remontent à 1995.
M. Christian de La Malène. On vous demande d'abroger cette mesure ! Si vous la trouvez mauvaise, abrogez-la ! Vous n'avez pas le courage de l'abroger !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur de La Malène, je vous ai écouté sans vous interrompre, laissez-moi donc vous répondre.
M. Christian de La Malène. Il ne faut pas dire de contre-vérités !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, et à lui seul.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Badré, je vois l'origine de ce malheur dans une disposition que le gouvernement de l'époque - c'était en 1995, je le répète - avait fait adopter et qui transférait de l'Etat à la région d'Ile-de-France des sommes inscrites au fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France.
M. Christian de La Malène. Abrogez !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne citerai pas de nom. Ce malheur a été programmé, puisqu'il a été prévu que le transfert porterait en effet, monsieur de La Malène, sur 1,2 milliard de francs en 2004...
M. Christian de La Malène. Abrogez !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et 600 millions de francs dès 1999.
M. Christian de La Malène. Abrogez !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun de vous en conviendra, particulièrement ceux qui sont sur le terrain et qui utilisent fréquemment les transports en commun, les besoins d'investissement dans les transports en Ile-de-France sont importants.
Que ce soit en matière de transports en commun ou d'infrastructures routières, il faut absolument continuer à équiper la région-capitale, et, je le dis très clairement au nom du Gouvernement, l'Etat, dans le cadre du contrat de plan Etat-région, doit être aux côtés de la région d'Ile-de-France à l'avenir, comme il l'a été dans le passé. Cela suppose que l'Etat dispose des moyens financiers nécessaires.
M. Christian de La Malène. Et voilà !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il est donc proposé par l'article 26 en débat - un débat assez vif, si je comprends bien - un rattrapage programmé d'une perte programmée de ressources pour l'Etat.
Précisément, monsieur Hyest, ce rattrapage, va-t-on le demander à la collectivité nationale ou à la seule Ile-de-France ? Le Gouvernement, estimant que la collectivité nationale, en payant 6,5 milliards de francs pour équilibrer le budget des transports en commun de l'Ile-de-France, faisait déjà un effort suffisant, a considéré que c'était à l'Ile-de-France de régler ce problème francilien. Il s'agit là d'un principe que certains peuvent juger critiquable mais que, personnellement, je trouve correct.
Sur le principe, donc, pas de problème.
En pratique, le Gouvernement a imaginé un dispositif que je qualifierai non pas de novateur, mais de nouveau puisque, pour rattrapercette somme de 1,2 milliard de francs qui manquera en 2004, l'effort programmé - je rappelle qu'on programme une recette pour remplacer une perte programmée elle aussi - est, d'abord demandé, à raison d'un gros tiers, aux bureaux par le biais de la majoration de la taxe sur les bureaux, soit 450 millions de francs à échéance 2004, puis, à hauteur de 400 millions de francs, aux locaux commerciaux. Le Gouvernement a veillé à ce que les petits locaux commerciaux, c'est-à-dire ceux dont la surface est inférieure à 300 mètres carrés ne soient pas touchés. Peut-être peut-on discuter du seuil : j'y reviendrai.
Un effort est également demandé aux activités de stockage - 350 millions de francs - là aussi en prévoyant une surface de stockage minimale. A ce propos, j'ai bien entendu la remarque de M. Hyest concernant les aires de stockage agricoles.
Telle était la proposition du Gouvernement. Pour préparer cette discussion, nous avons procédé à des consultations de professionnels - parce que le Gouvernement est, lui aussi, à l'écoute des professionnels et des acteurs de la vie économique ; il n'y a pas que les sénateurs. Nous en avons tiré la conclusion - la plupart d'entre vous semblent d'accord - que le principe de ce rattrapage était bon et nécessaire, afin que l'Etat puisse accompagner la région d'Ile-de-France, qui a donc désormais des moyens accrus. Je fais toute confiance à la région d'Ile-de-France pour utiliser au mieux cet argent.
Il est clair que la répartition de l'effort nécessaire demandé à l'économie francilienne est perfectible. Je peux vous annoncer que le Gouvernement va réfléchir avec les professionnels et avec les élus pour vous proposer un aménagement de la répartition de ce prélèvement d'ici à la fin de la discussion budgétaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il aurait été préférable d'aller plus vite !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je tenais à justifier un dispositif dont le « fait générateur » n'est pas de la responsabilité du Gouvernement, mais date de 1995. Le Gouvernement, à condition que le produit reste, est tout à fait ouvert à la discussion.
M. Christian de La Malène. Etes-vous contre « le fait générateur » ?
M. le président. Sur cet article, je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-45 est présenté par M. Jean-Jacques Robert.
L'amendement n° I-64 est présenté par MM. Badré, Hyest et Poirier.
Tous deux tendent à supprimer l'article 26.
Par amendement n° I-19, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 231 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 231 ter. - I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux est perçue dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines.
« II. - La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel sur de tels locaux.
« La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable.
« III. - Les locaux à usage de bureaux, pour lesquels la taxe est due, s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif.
« IV. - Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique.
« V. - Sont exonérés de la taxe :
« 1° Les locaux à usage de bureaux situés dans une zone franche urbaine telle que définie par le B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« 2° Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ;
« 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés.
« VI. - Les tarifs sont applicables dans les conditions suivantes :
« 1. Pour les locaux à usage de bureaux, un tarif distinct au mètre carré est appliqué par circonscription, telle que définie ci-après :
« - première circonscription : 1er, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 14e, 15e, 16e, 17e arrondissements de Paris et arrondissements de Nanterre et Boulogne-Billancourt du département des Hauts-de-Seine ;

« - deuxième circonscription : 5e, 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e, 20e arrondissements de Paris et arrondissement d'Antony du département des Hauts-de-Seine ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
« - troisième circonscription : départements de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne et du Val-d'Oise.
« Dans chaque circonscription, ce tarif est réduit pour les locaux possédés par l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes ou les établissements publics sans caractère industriel ou commercial, les organismes professionnels ainsi que les associations ou organismes privés sans but lucratif à caractère sanitaire, social, éducatif, sportif ou culturel et dans lesquels ils exercent leur activité.
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à :



1re CIRCONSCRIPTION

2e CIRCONSCRIPTION

3e CIRCONSCRIPTION







Année

Tarif

normal


Tarif réduit

Tarif

normal


Tarif réduit

Tarif

normal


Tarif réduit
1999 70 35 42 25 20 18
2000 72 36 43 26 21 19
2001 74 37 44 27 22 20
2002 76 38 45 28 23 21
2003 78 39 46 29 24 22
2004 80 40 47 30 25 23






« 3. A compter de l'année 2005, les tarifs de la taxe sont révisés annuellement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction.
« VII. - Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du paiement de la taxe, avant le 1er mars de chaque année, auprès du comptable du Trésor du lieu de situation des locaux imposables.
« VIII. - 1. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à la taxe sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
« 2. Le privilège prévu au 1° du 2 de l'article 1920 peut être exercé pour le recouvrement de la taxe. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° I-69 rectifié bis , présenté par M. Chérioux et tendant :
I. - A compléter in fine le V du texte proposé par l'amendement n° I-19 pour l'article 231 ter du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les locaux vacants depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition, en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus, à compléter in fine l'amendement n° I-19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant de l'exonération des locaux vacants est composée par un relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
III. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° I-19 pour l'article 26 de la mention : « I ».
Les quatre amendements suivants sont présentés par MM. Schosteck, Gerbaud, Le Grand, Oudin et les membres du groupe du RPR.
L'amendement n° I-192 a pour objet :
A. - Dans le I, premier alinéa du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts, de supprimer les mots : « , les locaux commerciaux et les locaux de stockage » ;
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-195 vise :
A. - 1° A supprimer les troisième et quatrième alinéas (2° et 3°) du III du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts.
2° En conséquence, à supprimer le b du I et les 2° et 3° du 2 du VI du texte proposé par cet article pour l'article 231 ter du code général des impôts.
B. - Pour compenser des pertes de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-193 tend :
A. - Dans le deuxième alinéa (1°) du V du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts, à supprimer les mots : « les locaux commerciaux et les locaux de stockage » ;
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-194 a pour objet :
A. - Après les mots : « ... 100 mètres carrés », de supprimer la fin du dernier alinéas du V du texte proposé par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts.
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-239 rectifié bis , MM. Delanoë, Angels, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le V du texte présenté par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Pour les locaux commerciaux et les locaux de stockage construits en application de l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation ;
« Pour les salles de spectacle et de théâtre privé ;
« Pour les hôtels une étoile, deux étoiles et trois étoiles ;
« Pour les locaux commerciaux des cafés et restaurants d'une superficie inférieure à 500 mètres carrés ;
« Pour les locaux des exploitations agricoles et de ceux destinés à stocker des produits agro-alimentaires ou agro-industriels d'une superficie inférieure à 1 000 mètres carrés. »
Par amendement n° I-119, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De rédiger comme suit le 2 du VI du texte présenté par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts :
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à :
« 1. Pour les locaux à usage de bureaux :


ANNÉE


1re CIRCONSCRIPTION

2e CIRCONSCRIPTION

3e CIRCONSCRIPTION









Tarif normal


Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit
1999 74 37 44 25 20 18
2000 76 38 46 26 21 19
2001 78 39 48 27 22 20
2002 80 40 50 28 23 21
2003 82 41 52 29 24 22
2004 84 42 54 30 25 23

« 2. Pour les locaux commerciaux :

ANNÉE

SURFACE TOTALE COMPRISE

entre 300 et 2 500 m²

TARIF REDUIT (APPLICABLE

aux 2 et 3 circonscriptions)

SURFACE TOTALE ÉGALE

ou supérieure à 2 500 m²


TARIF RÉDUIT
1999 12 6 30 15
2000 15 8 36 18
2001 18 9 42 21
2002 21 11 48 24
2003 24 12 54 27
2004 27 14 60 30

« 3. Pour les locaux de stockage :

ANNÉE

SURFACE TOTALE COMPRISE

entre 500 et 5 000 m²

TARIF REDUIT (APPLICABLE

aux 2e et 3e circonscriptions)

SURFACE TOTALE ÉGALE

ou supérieure à 5 000 m²


TARIF RÉDUIT
1999 7 4 14 7
2000 9 5 17 9
2001 11 6 20 10
2002 13 7 23 12
2003 15 8 26 13
2004 17 9 28 14


II. - En conséquence, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'instauration de nouveaux tarifs modulés sur les locaux à usage de buraux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage par le I du présent article sont compensées par un relèvement à due concurrence du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-240, MM. Delanoë, Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi la 2e colonne du tableau du 2° du 2 du VI du texte présenté par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts :

SURFACE TOTALE COMPRISE ENTRE 300 ET 2 500 m²

10
12
15
18
22
27

Par amendement n° I-241, MM. Delanoë, Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi la deuxième et troisième colonne du tableau du 3° du 2 du VI du texte présenté par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts :



SURFACE TOTALE COMPRISE

entre 500 et 5 000 m²

SURFACE TOTALE

égale ou supérieure à 5 000 m²

5 10
7 12
9 15
11 18
13 22
15 27

Par amendement n° I-196, MM. Schosteck, Gerbaud, Le Grand, Oudin et les membres du groupe du RPR proposent :
A. - De supprimer le II de l'article 26.
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-45 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-64.
M. Denis Badré. Ma proposition radicale de suppression ne vous surprendra pas, compte tenu de la présentation générale que j'ai faite de l'article 26. Par cet amendement, je tiens surtout à marquer ma totale opposition à l'extension de cette taxe aux locaux commerciaux et aux entrepôts.
Vous nous disiez à l'instant fort justement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il fallait accentuer l'effort en faveur des transports en commun. Mais alors pourquoi les crédits des chapitres réservés à l'équipement dans ce domaine sont-ils réduits ? J'y vois une première incohérence. Vous nous dites qu'il faut les augmenter alors qu'ils sont en diminution dans le budget : je ne vois pas comment nous allons sortir de l'impasse.
Comme l'Etat diminue ses crédits réservés aux transports en commun, la région, elle, augmente les siens ; mais quand elle augmente ses crédits réservés aux transports en commun, et parce qu'elle ne peut pas tout faire, elle diminue d'autant ses crédits routiers ! Et que se passe-t-il quand elle diminue ses crédits routiers ? Nous débouchons sur une nouvelle incohérence : le déménagement des entrepôts doit précisément augmenter le trafic routier donc la demande de moyens routiers dans la région. Vous sembliez pourtant être d'accord avec nous sur ce point ! Seconde incohérence !
Tout cela démontre à l'évidence qu'il faut travailler encore cette mesure, comme vous nous avez indiqué que vous étiez prêt à le faire. En l'état, elle est franchement mauvaise. Il faut donc la supprimer. Si l'amendement n'est pas adopté, à tout le moins, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de revoir radicalement votre copie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-19.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avant de présenter cet amendement, je voudrais revenir quelques instants sur le principe même de cette disposition. M. le secrétaire d'Etat a fait une présentation de l'origine de l'affaire qui me paraît quelque peu simplifiée...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai, mais j'ai voulu faire court !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... sinon tronquée.
Je ne voudrais pas lasser la patience de la Haute Assemblée, mais je dois rappeler que le texte d'origine, à savoir la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en son article 73, prévoyait un régime transitoire. Je le cite : « Jusqu'en 1998 la région prendra en charge, à due concurrence des sommes transférées, les engagements de l'Etat financés par le fonds. » A la vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, que se passe-t-il entre le 31 décembre 1998 et le 1er janvier 1999 qui vous contraigne tout d'un coup à trouver une assiette fiscale et une recette supplémentaire ? Pourquoi vous faut-il trouver 1 200 millions de francs en 2004, sinon, tout simplement, du fait de la fin de cette période transitoire ? Mais n'aurait-il pas été possible de la prolonger ? N'aurait-il pas été possible de répartir différemment les efforts entre l'Etat et la région ? En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement, dans cette affaire, fait payer aux commerçants, aux hôteliers, aux professions du stockage, aux agriculteurs, bref à toutes les professions concernées sa propre faiblesse vis-à-vis du conseil régional d'Ile-de-France !
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A qui ferez-vous croire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il est impossible de trouver par redéploiement, dans un budget d'investissement de 9,5 milliards de francs - celui de la région d'Ile-de-France - la modique somme de 350 millions de francs en 1999 ? Car c'est bien cela, mes chers collègues, l'objet du débat, une discussion purement francilienne entre l'Etat et la région d'Ile-de-France, et une discussion que l'Etat n'a pas le courage d'arbitrer ! Et, n'ayant pas ce courage, il fait appel aux contribuables. C'est tellement plus simple ! Heureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a des professionnels qui s'expriment, qu'il y a des élus qui se font l'écho des préoccupations qu'ils entendent s'élever autour d'eux, et qu'il y a des assemblées parlementaires pour réfléchir et pour délibérer.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous imaginer un seul instant mettre en vigueur une telle taxe ? M. Christian de La Malène, tout à l'heure, vous disait, à la fin de sa remarquable intervention : « Au fond de votre coeur, vous n'y croyez pas. » Or j'en suis également persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas imaginer mettre en vigueur pareille mesure.
Arrêtons-nous un instant sur les dépenses puis sur les ressources.
Les dépenses, d'abord. En vérité, les infrastructures et donc les investissements dans le transport, sont des compétences conjointes de l'Etat et de la région.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous m'approuvez ? Je vous en remercie.
Jusqu'au 31 décembre 1998 - mais l'ancien préfet de région que vous êtes connaît ces questions merveilleusement bien - la région était obligée d'affecter les sommes reçues à titre de compensation de la perte de dotation globale de fonctionnement à certains investissements au lieu et place de l'Etat.
A partir du 1er janvier 1999, la région veut retrouver sa liberté de gestion et sa liberté de manoeuvre.
Il eût été possible, me semble-t-il, de négocier différemment et de ne pas faire ce cadeau à M. Huchon sur le dos des contribuables.
A présent, regardons les ressources.
Chacun peut le voir, les effets pervers sont nombreux. J'en parle avec d'autant plus d'aise que, si votre réforme se réalise, qui va gagner ?
Un sénateur du RPR. L'Oise !
Philippe Marini. L'Oise, absolument ! Et l'Eure-et-Loir, le Loiret...
Henri de Raincourt. ... l'Yonne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur de Raincourt, l'Yonne. Bref, les départements du grand Bassin parisien.
Or, sans doute est-il bon qu'on le dise, il est des activités qui peuvent se délocaliser et d'autres qui ne le peuvent pas.
Vous allez créer un effet de surcoût important sur les plates-formes logistiques, qui sont génératrices d'emplois. Vous allez les inciter à se délocaliser et, effectivement, si elles le font, vous allez créer des flux de transport supplémentaires, des nuisances supplémentaires et des besoins d'investissements supplémentaires. Il faudra alors majorer le FARIF, les crédits d'Etat et ceux de la région pour satisfaire ces nouveaux besoins d'investissements collectifs...
Mais il y a aussi des activités qui ne peuvent pas se délocaliser.
L'hôtellerie parisienne nous fournit un nombre d'exemples absolument remarquable. Dans Paris intra-muros, notamment - des exemples sont cités dans le rapport de la commission des finances - certains hôtels traditionnels, indépendants, occupent quelques milliers de mètres carrés et emploient quinze, vingt ou vingt-cinq salariés. Nous avons fait le bilan : que vont gagner ces gens-là avec votre prétendue baisse de la taxe professionnelle et que vont-ils perdre avec votre véritable taxe sur les locaux commerciaux ? Il est clair que, dans tous les cas de figure que nous avons examinés, les entreprises de cette nature acquitteront un surcoût beaucoup plus important que ce qu'elles pourraient gagner en économie aléatoire, et contestable, de taxe professionnelle.
Autres activités qui ne peuvent pas se délocaliser, les commerces qui ont des locaux de stockage, des réserves. Eh bien ! vous les piégez complètement. Il leur suffit de dépasser le seuil de 300 mètres carrés et d'avoir des réserves considérées comme locaux commerciaux pour se trouver assujettis à une taxe qui serait fortement croissante jusqu'en 2004.
Enfin, dans la « fenêtre de tir », on trouve notamment - vous ne l'avez peut-être pas voulu, mais le texte est ainsi rédigé - des stockages de produits agricoles. Je n'ai pas intérêt à insister, mais je le dis tout de même, car tous, ici, nous exerçons nos mandats dans l'intérêt national, monsieur le secrétaire d'Etat : en vertu de quel principe les silos de Seine-et-Marne seraient-ils surtaxés par rapport à ceux de l'Oise ? C'est complètement absurde !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Manifestement, tous ces effets, monsieur le secrétaire d'Etat, n'ont pas été sérieusement étudiés et anticipés.
Mais je ne vais pas poursuivre plus longuement, car la démonstration a été largement faite. La commission des finances vous propose, en résumé, un amendement tendant à refuser l'élargissement de la taxe aux locaux commerciaux et de stockage.
Nous ne souhaitons pas la suppression de l'article 26, car la rédaction que vous avez retenue pour la taxe sur les bureaux est techniquement meilleure que la rédaction précédente. Par ailleurs, nous admettons une certaine progression raisonnable de cette taxe, qui est un instrument de régulation économique justifié, alors que la manière dont les locaux commerciaux et de stockage sont traités dans cet article n'a pas de justification économique, j'espère avoir contribué à le démontrer.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission souhaite véritablement que cette question soit complètement reprise.
Nous nous sommes demandé s'il suffisait de baisser le tarif de 50 %.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons procédé à une simulation, nous avons écouté les professionnels, et il nous a semblé que ce n'était pas raisonnable : mieux valait refuser franchement cette extension de l'assiette.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que, dans cette affaire, l'avis de votre collègue Mme Lebranchu sera plus suivi que pour la manufacture de Morlaix !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'a-t-elle pas dit, en effet, que la superficie n'est pas un critère pertinent car il conduit à frapper de manière indifférenciée les entreprises sans tenir compte de leur chiffre d'affaires ?
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espère en tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, que, au-delà du débat politique, qui est bien naturel et légitime ici, vous accepterez d'entendre les préoccupations des nombreux professionnels et des élus qui se sont exprimés et qui espèrent vous avoir prouvé que la mesure que vous préconisez est véritablement une très mauvaise mesure. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° I-69 rectifié bis .
M. Jean Chérioux. Bien évidemment, si j'ai déposé ce sous-amendement, c'est que je suis tout à fait en accord avec la commission des finances et avec M. le rapporteur général, qui a si brillamment exposé ce problème.
Je constate que le Gouvernement, sans doute soucieux, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur général, d'améliorer la rédaction d'un texte qui date de 1989, propose, avec cet article 26, une nouvelle rédaction de l'article 231 ter du code général des impôts. Il aurait pu saisir cette occasion pour tenir compte des évolutions de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais il ne l'a pas fait.
En effet, le 29 juillet 1998, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur la loi relative à la lutte contre les exclusions, loi qui comportait une disposition cousine germaine de celle-ci, sauf qu'elle concernait les logements.
Au sujet de la fameuse taxe sur les logements inoccupés, figurant à l'article 51 de ladite loi, le Conseil constitutionnel a émis des réserves qui me paraissent instructives en considérant que ces locaux ne sauraient être assujettis : « pour les logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, doivent notamment être exonérés les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ».
Et vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la situation a beaucoup évolué depuis 1990, époque d'effervescence du marché qui a justifié cette loi, ainsi que l'ont rappelé de nombreux orateurs : depuis, le marché s'est effondré, provoquant la vacance de nombreux locaux de bureaux qui portent dorénavant la mention : « A louer » ou « A vendre ». Il suffit de se promener dans les rues de Paris pour le constater ! J'imagine que vous ne restez pas enfermé toute la journée dans les bureaux de Bercy,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous venons ici !
M. Jean Chérioux. ... qu'il vous arrive, à vous et à vos collaborateurs, de vous promener dans Paris !
M. Michel Charasse. Heureusement !
M. Jean Chérioux. Ces vacances sont une évidence, et il est non moins évident que la vacance s'accompagne du gel des recettes. Cela pose un problème, comme l'a d'ailleurs reconnu le Conseil constitutionnel.
Avec ce sous-amendement, je vous propose donc d'ajouter une exonération à celles qui figurent dans votre texte, afin d'exonérer les locaux vacants lorsqu'ils le sont depuis plus de deux ans et que cette vacance est indépendante de la volonté du contribuable.
Voilà, transcrite exactement dans ce texte, la décision prise par le Conseil constitutionnel le 29 juillet 1998. Je pense que ce point avait dû échapper à vos services lorsque vous avez été conduit à rediger ce texte, car je sais que vous êtes trop soucieux d'appliquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour ne pas en tenir compte. (M. le rapporteur général applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-192.
M. Jacques Oudin. Cet amendement vise à supprimer la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés et les locaux de stockage de plus de 500 mètres carrés prévue par cet article 26. En effet, cette mesure contribuerait à détériorer de manière significative l'attractivité de la région parisienne et à inciter les entreprises à se délocaliser.
Cet amendement vise à éviter de dégrader la situation des entreprises franciliennes par rapport à leurs concurrentes étrangères directes. Et c'est un provincial qui le dit !
M. le président. Le provincial que vous êtes, monsieur Oudin, peut-il défendre également les amendements n°s I-195, I-193 et I-194 ?
M. Jacques Oudin. Ces amendements sont défendus, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° I-239 rectifié bis . M. Bernard Angels. J'ai déjà expliqué notre position sur cet article.
L'extension proposée est trop large, trop rapide et, dans certains cas, contraire à des priorités par ailleurs défendues par le Gouvernement - je pense notamment à l'emploi - et auxquelles nous sommes très sensibles.
Il faut donc réajuster le dispositif et exclure - tel est l'objet de cet amendement - plusieurs secteurs.
En conséquence, nous proposons d'exclure de l'extension les restaurants et les cafés d'une surface inférieure à 500 mètres carrés, les hôtels une étoile, deux étoiles et trois étoiles, et les salles de spectacle et de théâtre privé. En effet, les entreprises concernées sont très créatrices d'emplois, notamment d'emplois peu qualifiés.
Il nous semble également nécessaire d'exclure de l'extension les entrepôts agricoles de taille moyenne. Le schéma directeur régional reconnaît, en effet, le rôle primordial et irremplaçable de l'agriculture dans l'aménagement de la région d'Ile-de-France. Là encore, leur taxation serait contradictoire.
Il nous faut donc modifier le texte proposé pour ne plus inclure ces secteurs dans l'assiette de l'extension.
M. Roland du Luart. C'est un amendement plein de bon sens, monsieur Angels !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-119.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Après d'autres, je rappelle que la redevance sur les bureaux a été instituée pour prendre en compte une partie de la spécificité de la région capitale.
La constitution effective de l'identité régionale francilienne, réalisée en 1976, a, entre autres caractères, d'avoir été conçue à l'origine en instaurant des ressources particulières.
La dotation globale de fonctionnement en Ile-de-France, qui fait de la région capitale la seule des régions du pays à percevoir une part de ladite dotation, est une de ces spécificités. La loi Pasqua sur l'aménagement du territoire a d'ailleurs prévu l'extinction progressive de cette dotation, mais sans prévoir une ressource de remplacement clairement définie.
Dans le même temps, le fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France présente la particularité d'intervenir sur des questions importantes pour les équilibres régionaux. Le fonds est en effet sollicité pour la réalisation d'infrastructures de transport, la construction de logements sociaux ou encore - faut-il le rappeler - le bouclage de certaines opérations sur la voirie intérieure à la région. Des besoins particulièrement forts continuent de se manifester dans ces domaines. Ils justifient, je crois, un accroissement des ressources du fonds.
On peut donc admettre qu'une extension éventuelle de l'assiette, et donc des recettes du FARIF, soit mieux à même - avec, évidemment, une transparence renforcée de sa gestion - de répondre à ces nouveaux besoins de financement.
On peut également admettre - et c'est sans doute le sens même de l'existence de cet article - que cette extension des recettes du FARIF contrebalance la réduction et l'extinction de la dotation globale de la région d'Ile-de-France.
La question que je me pose, à l'instar de plusieurs de mes collègues, est la suivante : le choix opéré est-il judicieux et satisfaisant ? Nous ne le pensons pas. C'est ce qui nous a conduits à déposer cet amendement.
Un examen attentif de la quotité de la redevance sur les bureaux met en évidence que des taux différenciés d'imposition sont appliqués auxdits bureaux dès lors que leur situation géographique dans la région est différenciée.
On pourrait même en déduire, a priori, que l'existence de ces trois circonscriptions caractérise les inégalités géographiques et les nécessités de développement d'infrastructures auxquelles est à même de répondre le FARIF.
Nous pensons donc qu'il est nécessaire d'appliquer à l'extension de la taxe cette règle de modulatioin.
Quant à la question de savoir si cette mesure peut nuire tant au développement des activités commerciales qu'aux activités de location de bureaux, je voudrais ici souligner que, bien souvent, les entreprises sont de façon générale les principales bénéficiaires des aménagements réalisés avec le concours du FARIF et que l'équilibre de la présente loi de finances est loin, selon moi, de leur être défavorable.
Que pèse, en effet, l'extension de la taxe sur les bureaux devant la baisse de la taxe professionnelle, la réduction progressive de la majoration de l'impôt sur les sociétés ou encore l'extension du régime des micro-entreprises ?
Nous ne nions pas, contrairement à d'autres collègues, que des établissements tels que les petits hôtels auront à souffrir de cette situation.
M. Jean-Jacques Hyest. Et les coopératives !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est donc en toute connaissance de cause que nous estimons préférable, plutôt que de supprimer purement et simplement l'article 26, de retenir la solution que nous vous proposons avec l'amendement n° I-119, qui vise à réduire certaines redevances.
M. le président. La parole est à M. Angels, pour défendre les amendements n°s I-240 et I-241.
M. Bernard Angels. Nous proposons, avec l'amendement n° I-240, la modification des tarifs prévus. Nous sommes conscients que ceux que nous vous suggérons ne sont peut-être pas calculés avec toute la rigueur qui serait nécessaire, mais adopter cet amendement aurait le mérite d'indiquer une direction, la navette parlementaire nous permettant ensuite de trouver le bon calibrage.
Quant à l'amendement n° I-241, il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-196.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est lui aussi défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-64, I-192 à I-196, I-239 rectifié bis, I-119, I-240 et I-241 ainsi que sur le sous-amendement n° I-69 rectifié bis ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant de l'amendement n° I-64, je souhaite que ses auteurs acceptent de le retirer au bénéfice de celui de la commission, car nous poursuivons le même objectif.
S'agissant du sous-amendement n° 69 rectifié bis, défendu par M. Chérioux, la commission des finances y est tout à fait favorable pour les raisons que son auteur a lui-même fort bien exposées.
S'agissant des amendements n°s I-192, I-193, I-195, I-194 et I-196 de M. Schosteck et de ses collègues du groupe du RPR, ils sont d'effets identiques à celui de la commission. Ils seront donc satisfaits si ce dernier est adopté.
S'agissant de l'amendement n° I-239 rectifié bis, de MM. Delanoë, Angels et des membres du groupe socialiste, il s'agit, mes chers collègues, d'un effort méritoire de rectification du dispositif...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Très bien écrit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui, à notre sens, ne va pas tout à fait assez loin, mais qui témoigne du fait que nos collègues ont bien analysé, comme nous tous ici je pense, les effets pervers du dispositif tel qu'il est présenté. Mais la commission préfère son amendement.
S'agissant enfin de l'amendement n° I-119, défendu par Mme Beaudeau, la commission préfère également le dispositif qu'elle préconise. Plutôt que de restreindre l'extension de la taxe, il tend à reduire les tarifs de l'ensemble des rubriques. J'avais moi-même exploré cette piste, mais elle ne m'a pas paru pouvoir aboutir. L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements à l'article 26 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, s'agissant des amendements de suppression de l'article proposé par le Gouvernement, je réponds sans aucun état d'âme que, dans la région d'Ile-de-France, les besoins de modernisation des transports en commun et de sécurisation des gares et des trains sont criants.
M. Jean-Jacques Hyest. Ça, c'est vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si vous le reconnaissez, monsieur Hyest, c'est déjà un point positif.
M. Jean-Jacques Hyest. Mais le mode de financement n'est pas bon !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il existe aussi, monsieur Hyest, et Mme Beaudeau l'a fort bien rappelé, des besoins criants dans le domaine du logement social, et je souligne que le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France consacre 36 % de ses moyens au financement du logement social.
Par ailleurs, dans l'intérêt non seulement des quartiers en difficulté mais aussi de l'ensemble de la région, il est nécessaire de mettre en oeuvre une politique de la ville ambitieuse. Le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France consacre à celle-ci 10 % de ses crédits, et il pourrait faire davantage encore sans aucune difficulté.
Je crois donc que toute la région d'Ile-de-France - et même tout le pays, puisqu'il s'agit de la région capitale - a intérêt à ce qu'il règne, dans Paris et autour de Paris, une meilleure qualité de vie, une plus grande sécurité et une plus grande prospérité économique.
Après ce commentaire général, je relèverai un certain nombre de points positifs.
Le premier, c'est de constater que certains orateurs ont estimé que l'extension de la taxe sur les bureaux proposée dans cet article 26 pourrait contrarier les effets bénéfiques de la baisse de la taxe professionnelle.
Je me réjouis de voir que, tardivement certes dans notre débat, ils reconnaissent que la baisse de la taxe professionnelle peut avoir un effet bénéfique sur le développement de l'activité. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très insuffisant ! Cette baisse est plus que « mangée » !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le deuxième point positif, c'est que, dans l'amendement qu'il a déposé, M. Marini admet, avec un grand sens des responsabilités, que la taxe sur les bureaux pourrait, dans un objectif d'aménagement du territoire, être légèrement relevée. En ce sens, cet amendement est différent des amendements de suppression pure et simple que M. Badré notamment a soutenus.
Un troisième point positif réside dans les efforts - méritoires, a estimé M. le rapporteur général, et je partage tout à fait son avis - qu'a fournis M. Angels au nom de M. Delanoë pour contribuer à la réflexion que le Gouvernement a promis d'engager d'ici à l'adoption définitive du budget en vue d'améliorer l'assiette du prélèvement défini par l'article 26. Il a ouvert un certain nombre de pistes qui méritent d'être étudiées, et je dois transmettre le même compliment à Mme Beaudeau, qui a elle aussi orienté la réflexion dans un certain nombre de directions qui pourraient être éventuellement suivies, après étude, afin de perfectionner le dispositif.
M. Dominique Braye. Si ça peut rassembler la gauche !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Voilà pour les points positifs. Ils sont importants, mais ils sont peu nombreux.
Les autres points sont, soit entièrement négatifs - ce sont les amendements de suppression de l'article - soit en partie négatifs - ce sont les amendements de suppression de certains paragraphes ou alinéas. Sur ces amendements, l'avis du Gouvernement est bien entendu défavorable.
Je ferai un sort particulier au sous-amendement n° I-69 rectifié bis de M. Chérioux, qui s'appuie sur un raisonnement que je respecte mais que je ne partage pas dans sa totalité.
Vous avez dit, monsieur Chérioux, que le Conseil constitutionnel, cet été, avait considéré que les logements inhabités ne pouvaient être taxés au titre du prélèvement instauré par le Gouvernement dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions.
M. Jean-Jacques Hyest. Instauré par le Parlement, monsieur le secrétaire d'Etat ! C'est le Parlement qui vote la loi !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement, et je vous prie de m'excuser, ... dans le cadre de la loi qui a été proposée par le Gouvernement et votée par le Parlement. Je remercie au passage la Haute Assemblée d'avoir soutenu ce programme gouvernemental de lutte contre les exclusions.
Mais le parallèle, monsieur Chérioux, n'est pas fondé. L'impôt dont nous débattons ce soir est un impôt patrimonial, assimilable à l'impôt foncier. Or vous savez que ce dernier est prélevé - peut-être avons-nous une analyse différente, mais j'essaie d'échanger des arguments avec vous - que le bien immobilier soit occupé ou non.
Je ferai une autre remarque qui, peut-être, vous réconfortera : d'après les professionnels, l'immobilier parisien est en train de repartir ; j'espère donc que ces bureaux, qui sont vacants depuis quelque temps, vont trouver prochainement des preneurs.
Je conclus en demandant le retrait, sinon le rejet, de tous les amendements à l'article 26 : certains parce qu'ils apportent une réflexion constructive dont le Gouvernement s'efforcera de tenir compte d'ici à l'adoption définitive du budget ; d'autres parce qu'ils sapent le principe même d'une contribution de la région d'Ile-de-France à son propre aménagement.
M. le président. Monsieur Badré, votre amendement fait l'objet de deux demandes de retrait : de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat.
M. Denis Badré. Je suis plus sensible à la première qu'à la seconde, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Je m'en serais douté, monsieur Badré mais que leur répondez-vous ?
M. Denis Badré. J'ai proposé de supprimer purement et simplement l'article 26 pour bien marquer le caractère radical de mon opposition à l'extension de la taxe sur les bureaux. Etant donné que la commission des finances reprend à son compte cette opposition, à travers son amendement, je me rallie à celui-ci et je retire le mien.
M. le président. L'amendement n° I-64 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 69 rectifié bis.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. M. le secrétaire d'Etat met en avant le fait que cette taxe sur les bureaux s'apparente plus ou moins à la taxe foncière ; c'est possible. Mais je ne sais pas si c'est sous cet angle-là que le Conseil constitutionnel, qui en tout état de cause sera certainement saisi, sera amené à prendre sa décision. En effet, l'important, pour le Conseil constitutionnel, vous le constaterez à la lecture des considérants de la décision de cet été, est que l'on ne porte pas une atteinte indirecte au droit de propriété.
Or faire payer une taxe aux propriétaires de locaux vacants depuis deux ans est à l'évidence une atteinte au droit de la propriété !
Le considérant du Conseil constitutionnel est très clair : il fait état de « logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas de preneur ». C'est exactement le cas des bureaux. Je vous ferai remarquer qu'il faut, bien entendu, qu'il s'agisse de locaux vacants, mais depuis deux ans.
A l'évidence cette extension de la taxe porte atteinte au droit de propriété et c'est sous cet angle-là qu'il faut poser le problème au Conseil constitutionnel.
Quant à votre optimisme concernant l'évolution du marché des bureaux, je voudrais pouvoir le partager. Cela va en tout cas dans le sens de mon sous-amendement : en définitive, vous pourriez très bien l'accepter puisque, par définition, il ne devrait y avoir que très peu de cas où mon texte s'appliquerait. Mais, dans la mesure où il peut y avoir des victimes, il n'y a pas de raison qu'elles soient surimposées.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Quel talent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-69 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-19.
M. Christian de La Malène. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène. En dépit de ma grande expérience, hélas ! je suis un peu déçu par ce débat, et pour beaucoup à cause de vous, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Rires.)
Je suis déçu car vous n'avez pas défendu votre enfant !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Christian de La Malène. Vous avez dit : « Acceptez le principe et on verra ensuite. »
Vous avez consacré pas mal de temps à nous dire que ce n'était pas votre faute, mais la nôtre, parce que nous avions voulu faire de l'aménagement du territoire, que cela coûtait cher et qu'il fallait maintenant payer.
Telle a été votre réponse essentielle, monsieur le secrétaire d'Etat. J'en suis étonné. Je suis étonné qu'un membre du Gouvernement, responsable, comme tout le Gouvernement, de l'aménagement du territoire, vienne reprocher leur geste aux élus de la région parisienne, qui ont accepté de faire un effort pour la province.
Vous n'avez eu de cesse de nous le reprocher, disant : « Je suis contraint de créer ce nouvel impôt parce que vous avez pris cette décision en 1995. » Oui, vous avez dit cela, monsieur le secrétaire d'Etat, et cela m'a profondément choqué !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur de La Malène, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian de La Malène. Je vous en prie : je serai heureux de vous entendre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, ce qui a été décidé en 1995, ce n'est pas de transférer une somme de l'Etat aux régions qui en ont le plus besoin, mais de transférer une somme de l'Etat à la région d'Ile-de-France. Les considérations d'aménagement du territoire, en la matière, me paraissent donc difficiles à faire valoir. Je n'ai jamais reproché quoi que ce soit en la matière.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur de La Malène.
M. Christian de La Malène. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été heureux de vous entendre dire que vous abandonniez la position que vous avez soutenue tout à l'heure et qui consistait à nous faire porter le poids de décisions que vous étiez obligé de corriger. Vous êtes donc d'accord : nous avons bien fait de transférer ces sommes.
Il nous faut maintenant trouver un moyen. Mais, sur ce point, j'ai été déçu, car je n'ai rien entendu. Je vous ai simplement entendu dire que vous étiez ouvert à une discussion. En revanche, vous ne nous avez pas dit pourquoi cette taxe, pourquoi une telle assiette, pourquoi ces taux, pourquoi ces contribuables. Vous n'avez pas expliqué pourquoi ces surfaces, pourquoi ces commerces, pourquoi ces aires. Il s'agit pourtant d'éléments essentiels de l'impôt.
Votons-nous un principe d'impôt ou bien un impôt ? Je souhaiterais le savoir. Comme je ne le sais pas, je me ralliera à la position de la commission des finances.

(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Quand une nouvelle taxe est détestable, il faut la supprimer. J'étais donc favorable à l'amendement n° I-64 tendant à supprimer l'article 26. Si je suis maintenant favorable à l'amendement n° I-19 de la commission des finances, c'est parce qu'il intègre implicitement la suppression de l'extension de cette taxe aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a un problème de procédure, voire un problème politique, comme vient de le dire M. de La Malène.
La Haute Assemblée peut-elle accepter que les modalités, la quotité, la localisation de la taxe, soient débattus non pas maintenant, devant le Sénat, mais dans une phase ultérieure de la procédure budgétaire, éventuellement sans les sénateurs ?
C'est un débat fantôme ! Nous ne savons pas sur quoi nous votons. Nous ne connaissons pas le texte qui sera finalement élaboré par le Gouvernement et par ses services et que nous retrouverons plus tard, sans pouvoir le modifier ou le contrer.
Nous ne pouvons pas accepter de débattre d'un texte dont nous ne connaissons pas les modalités précises. Plus concrètement, à propos d'une taxe, il nous faut savoir où on la paie, qui paie et combien, Or nous ne le savons pas.
Quant au FARIF, monsieur le secrétaire d'Etat, en tant qu'ancien préfet de la région d'Ile-de-France, vous connaissez parfaitement les mécanismes qui le régissent. Or, lors de la dernière discussion du contrat de plan, l'utilisation du FARIF a été intégrée dans celui-ci. C'est ainsi que la région d'Ile-de-France - je demande aux provinciaux d'écouter cet argument d'un Francilien, car nous avons été sensibles aux arguments qu'ils ont présentés - a financé à concurrence de 70 % les efforts engagés en matière de transports en commun et de transports routiers.
Comme l'a dit tout à l'heure M. Badré, il vous faudra, monsieur le secrétaire d'Etat, engager la discussion sur ce point avec le président de la région d'Ile-de-France au moment de la préparation du prochain contrat de plan. On verra alors si le rapport est de 70/30, si le FARIF est intégré ou pas et si ce fonds est doté d'un milliard ou de deux milliards de francs. Nous avons en effet cru comprendre que le président de la région d'Ile-de-France ne partageait pas votre point de vue à propos de la majoration du FARIF.
A cela s'ajoute le fait que, dans le Val-d'Oise, le FARIF, je n'en ai jamais vu la couleur, car il n'y a aucune transparence.
Le minimum, ce serait une cogestion entre l'Etat et les responsables de la région. Le minimum, ce serait une transparence autre que l'envoi d'un compte rendu, en général illisible, que nous ne recevons qu'après le déroulement des opérations, ce qui ne présente aucun intérêt.
J'en viens maintenant à l'aspect économique.
J'approuve les efforts de mes collègues du Val-d'Oise pour bricoler des dispositions quant à la localisation, la quotité ou l'assiette, et ce sans avoir d'engagement du Gouvernement et alors que la meilleure solution serait peut-être une majoration éventuelle de la taxe sur les bureaux.
Mais, mes chers collègues, vous travaillez ainsi contre votre secteur géographique. Je pourrais à cet égard citer - mais le respect de la confidentialité s'y oppose - un nombre extrêmement important d'entreprises situées dans ces zones particulièrement déprimées, au taux de chômage élevé, des entreprises de logistique, de stockage, des entreprises dont les activités sont liées, de manière lointaine d'ailleurs, à l'aéroport de Roissy, et qui envisagent de délocaliser leurs activités.
Mes chers collègues, vous allez vous engager dans un dialogue avec le Gouvernement, et, je vous le dis, vous serez « roulés dans la farine ». En effet, au total, une nouvelle taxe sera créée, mais elle portera sur des activités qui se délocaliseront, parfois même à l'étranger.
Je pourrais ainsi citer le cas d'une grande entreprise qui a hésité entre une implantation dans l'est du Val-d'Oise ou en dehors du territoire national...
M. Dominique Braye. C'est la même chose dans les Yvelines !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On pourrait aussi parler de l'aéroport de Roissy !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je ne vous comprends donc vraiment pas, mes chers collègues. Mais peut-être avez-vous reçu des assurances secrètes de la part du Gouvernement sur une bonne issue de ce débat !
Franchement, la meilleure solution, c'est l'amendement de la commission des finances, et je le voterai.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Le grand mérite de l'amendement n° I-19 de la commission des finances, c'est de faire apparaître deux aspects de ce texte, qu'il faut distinguer.
Le premier aspect concerne les bureaux, et je ne me refuse pas le moins du monde à voir dans les mesures concernant les bureaux des motivations qui peuvent avoir un impact en matière d'aménagement du territoire. Je n'y crois pour ma part que médiocrement, non pas seulement parce que je suis un élu parisien, mais parce que je ne sache pas que la taxation spécifique des bureaux en région parisienne ait jamais joué un rôle fort important dans l'implantation de ces bureaux dans d'autres régions. Ce sont en effet d'autres motivations, d'autres incitations qui ont joué.
Je ne peux empêcher certains de nos collègues d'autres régions ni de nombreux maires d'y croire eux aussi, et il est normal qu'ils ne soient pas frustrés dans leur conviction, une conviction de bonne foi, je le reconnais en tant qu'élu parisien.
J'adhère donc à la convention de la commission des finances qui consiste à dire : « Nous payons notre tribut à ce que d'aucuns considèrent comme indispensable à l'aménagement du territoire. » Je ne la conteste pas.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant des commerces et des surfaces de stockage, il n'existe aucune justification touchant à l'aménagement du territoire.
Dans d'autres circonstances, le Gouvernement a pu dire : « Je déshabille Pierre, cela va faire plaisir à Paul », ou : « Le malheur des uns va faire le bonheur des autres ». Mais, cette fois-ci, vous n'avez même pas cette trouble satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous ne pouvez pas soutenir un seul instant que la mesure concernant les commerces contribue à l'aménagement du territoire.
Voilà pourquoi j'approuve entièrement la distinction faite par la commission des finances.
Comment pourriez-vous soutenir qu'une charge supplémentaire pesant sur les locaux commerciaux ou sur l'hôtellerie dans la région parisienne est en quoi que ce soit favorable aux autres régions, peut en quoi que ce soit inciter ces commerces ou ces hôtels à s'installer autre part qu'à Paris ? C'est complètement absurde.
Il s'agit de commerces d'environnement, liés pour une grande part à la présence de la population ; vous ne les inciterez pas à se déplacer de cette façon.
Pour ce qui concerne l'hôtellerie, monsieur le secrétaire d'Etat, je considère vos mesures comme franchement contre-productives. On n'a pas le droit, quand on est le Gouvernement d'un pays qui vient de traverser et qui traverse encore une crise économique grave, de surtaxer certaines de ses activités les plus essentielles à sa prospérité.
C'est bien le cas du tourisme. Or vous ne pouvez pas séparer le tourisme à Paris du tourisme dans le reste de la France. C'est absurde, puisqu'il y a un effet d'attraction : les touristes viennent à Paris et, ensuite, ils vont visiter le reste de la France.
Franchement, monsieur le secrétaire d'Etat, cette disposition est malfaisante sur le plan économique. Personne ne peut soutenir le contraire.
Vous n'aboutirez qu'à diminuer la part de résultats que ces activités peuvent affecter à leur modernisation. Or il n'est pas digne d'un gouvernement de prodiguer ainsi des contre-incitations à la modernisation du secteur commecial et du secteur hôtelier. Je ne comprends pas comment une telle idée peut venir à l'esprit d'un gouvernement.
J'ajoute, et j'en terminerai par là, monsieur le secrétaire d'Etat, que je partage entièrement les considérations de forme qu'a développées M. Lachenaud. Il n'est en effet pas très convenable de proclamer ouvertement que le Sénat n'a aucune vocation à bénéficier du relatif désir de concertation du Gouvernement, que ce dernier ne s'adressera qu'à l'autre assemblée.
C'est à proprement parler inadmissible. Comme il est inadmissible que, vous adressant à M. le rapporteur général, vous lui disiez : « Vous coupez la poire en deux : moi, j'empoche la moitié et, l'autre moitié, je vais la faire couper en deux par l'Assemblée nationale. » C'est exactement votre façon de procéder !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Michel Caldaguès. Ce n'est pas normal. Aussi bien sur la forme que sur le fond, je désapprouve totalement votre position consistant à refuser pêle-mêle tous les amendements. Pour ma part, je voterai l'amendement de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je dois dire que j'ai écouté ces échanges avec quelque curiosité et je pense qu'on permettra à un provincial un peu ahuri par cette discussion de s'introduire dans un débat qui devrait normalement rester confiné à des élus parisiens ou de la région parisienne. (Murmures sur diverses travées.)
A l'origine - je m'en souviens puisque je devais être au banc du Gouvernement lorsque la taxe a été instituée, en 1990... ou 1991... - il s'agissait de taxer ce que la région parisienne avait de particulier et d'excessif par rapport aux autres villes, agglomérations ou régions, en matière d'activités privées ; il s'agissait de taxer un empilement coûteux pour la collectivité nationale d'entreprises et de bureaux, qui déséquilibrait l'économie française.
Puis, très vite, on a dérapé en taxant Paris - capitale, en imposant la taxe sur les institutions de la République : la présidence de la République, Matignon, le Parlement, les ministères, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, etc.
Il faut bien que les bureaux de ces institutions soient quelque part et, aller dans cette voie, revenait presque à dire : « Il faut les décentraliser en Lozère, ou ailleurs en province ; les affaires étrangères pourraient être dans les Hautes-Alpes, l'équipement autre part, cela faciliterait sûrement les choses pour le fonctionnement de l'Etat ! »
On sait pourtant ce qu'il en est dans les Etats qui ont une double capitale, comme l'Afrique du Sud, avec une partie au Cap, notamment le Parlement, et le reste même pas à Johannesburg mais à Pretoria...
Dans la foulée, on a taxé les mairies ; il y en a dans toutes les villes de France. Mais, avec ce raisonnement tordu, on a fini par dire : « Ce n'est pas normal que les mairies de Paris ne soient pas taxées. »
M. Denis Badré. Des mairies, il y en a même dans les banlieues !
M. Michel Charasse. Et on a abouti à une situation où on a fait payer au contribuable national, parmi lequel il y a certes le Parisien, mais aussi tous les autres, ainsi qu'au contribuable local une deuxième taxe, c'est-à-dire qu'en dehors de la TVA qui, jusqu'à présent, était la seule taxe sur la taxe, on en a créé une : c'est l'impôt qui finance une deuxième taxe !
On finira, en suivant le même raisonnement, par demander demain aux capitales régionales de payer des taxes analogues pour irradier sur l'ensemble des régions. On est bien parti pour cela !
M. Michel Caldaguès. Ça, c'est sûr !
M. Michel Charasse. Et on poursuit aujourd'hui, mes chers collègues, en taxant d'une manière que je considère comme quelque peu aveugle - mon ami M. Angels l'a bien expliqué tout à l'heure ; il n'a pas été le seul, mais son raisonnement était très clair - non pas ce que la région parisienne peut avoir d'excessif, mais ce qu'elle a de normal. Il faut bien qu'elle ait des hôtels, il faut bien qu'elle ait des commerces, il faut bien, pour ces commerces, qu'il y ait des entrepôts... !
Voilà que, là, on taxe d'une manière telle qu'on peut considérer qu'on fait de Paris un cas particulier alors que, dans toutes les grandes villes de France, il y a des commerces, des entrepôts, des hôtels.
Qu'est-ce qui nous restera après cela ? Je vais le dire à ceux qui ont inventé cette extension, ou qui y pensent : selon moi, vous finirez par nous demander de rétablir l'impôt sur les portes et fenêtres, parce que, figurez-vous, à Paris, il y en a plus que partout ailleurs ! (Sourires.)
M. Gérard Braun. Et sur les chiens !
M. Michel Charasse. Je ne suis pas sûr, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel ne finira pas par considérer, à un moment ou à un autre, qu'on ne peut pas trop s'éloigner du droit commun, en tout cas à n'importe quelles conditions, ni taxer ce qu'on trouve également un peu partout en France, c'est-à-dire une mairie, des commerces, des hôtels-restaurants...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Michel Charasse. En tout cas, du seul point de vue de l'unité de la République, je ne suis pas sûr que nous ne prenions pas des risques. Mes amis et moi-même ne les assumerons pas en votant même le rafistolage de l'article 26 que nous propose la commission des finances.
Je crois que mieux vaudrait réfléchir - et ce sera peut-être la navette qui le permettra - à une solution consistant à taxer le « plus » que rapporte, plus que partout ailleurs, si je puis dire, au secteur des affaires le fait d'être installé dans la région parisienne !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le débat a pris un ton un peu vif, mais cette vivacité ne me dérange pas.
Je voudrais répondre à un certain nombre d'orateurs que, si je suis ici, c'est bien pour débattre avec la Haute Assemblée de ce projet du Gouvernement ! Toutefois, certains le comprendront, j'écoute avec plus d'attention les explications relatives aux amendements qui tendent à améliorer le texte que celles qui portent sur les amendements de suppression. D'ailleurs, dans le cas d'un amendement de suppression, le message est suffisamment simple, monsieur Caldaguès, et clair, monsieur Badré !
Sachez que j'écoute, et que le débat que nous avons ce soir aidera le Gouvernement à améliorer le prélèvement qui est suggéré.
Certains pensent - mais je crois qu'ils prennent des craintes que je qualifierai non pas d'ancestrales, mais de traditionnelles, pour des réalités - que, par cette taxe, le Gouvernement a en quelque sorte l'intention de punir la région d'Ile-de-France de son dynamisme dans les domaines touristique, commercial, etc. Ce n'est absolument pas le raisonnement du Gouvernement.
M. Dominique Braye. Si ce n'est pas l'intention, c'est en tout cas le résultat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. A titre personnel et en tant que membre du Gouvernement, je ne pense pas en tout cas que le fait de taxer des commerces, des hôtels et des activités de stockage favorisera le départ de ces activités vers d'autres départements ou régions périphériques.
La justification est claire - je l'ai déjà exposée, mais peut-être dois-je la répéter ! -, elle consiste à faire en sorte que les bénéficiaires des infrastructures de transport participent au financement de celles-ci. Il est évident que les commerces, les bureaux et d'autres activités bénéficient des facilités de circulation tant des biens que des personnes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Croyez-vous qu'ils ne paient pas d'impôt ?
M. Michel Caldaguès. Ils paient déjà des impôts !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'en ai bientôt terminé, monsieur le président.
M. le président. Vous avez tout le temps, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mais je sens que certains sont impatients de parler, et je ne voudrais pas les contrarier !
J'estime simplement normal - il s'agit d'un argument qui a été cité, je crois, par Mme Beaudeau et par M. Angels au nom de M. Delanoë et qui me paraît raisonnable - qu'en Ile-de-France chacun contribue, à raison de ses facultés, au bon fonctionnement de cette région.
M. Michel Charasse. Y compris les usagers !
M. Jean Chérioux. « En fonction de ses facultés » !
M. Michel Charasse. Les transports, à Paris, sont moins chers qu'ailleurs !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, chacun sait que l'usager des transports parisiens paie moins que l'usager des transports collectifs lyonnais ou marseillais.
M. Jean Chérioux. C'est l'Etat qui fixe les tarifs de la RATP !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cela fait quelque temps, monsieur Chérioux ! Vous aurez certainement l'occasion d'en débattre avec M. le ministre des transports.
Je voulais vous donner très calmement ces explications. Ce débat est utile et il vaut, du point de vue du Gouvernement, autant que celui qui a eu lieu, ou qui aura lieu, à l'Assemblée nationale. Je ne fais en effet absolument aucune différence au sein du processus démocratique.
M. Dominique Braye. Il ne suffit pas de le dire !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'objectif du Gouvernement n'est pas de frapper la région d'Ile-de-France. Il est de parvenir à une juste contribution de ses activités économiques à la modernisation de ses transports.
M. Christian de La Malène. C'est pire que ce que j'imaginais !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 26 est ainsi rédigé et les amendements n°s I-192 à I-196, I-239 rectifié bis, I-119, I-240, I-241 et I-196 n'ont plus d'objet.
Les articles 27 et 27 bis ont été examinés en priorité le mardi 24 novembre.

Article 28



M. le président.
« Art. 28. - I. - L'article 158 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Les dispositions de cet article sont regroupées sous un I.
« 2. Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 45 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique. Cette disposition ne s'applique pas lorsque le crédit d'impôt est susceptible d'être utilisé dans les conditions prévues au 2 de l'article 146. »
« II. - Le premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. A la première phrase, les mots : "montant du crédit prévu à l'article 158 bis et attaché à ces distributions" sont remplacés par les mots : "crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis ". »
« 2. Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le précompte est égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au II de l'article 158 bis lorsque la société justifie qu'il est susceptible d'être utilisé. »
« 3. La dernière phrase est ainsi rédigée :
« Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires. »
« III. - 1. Les dispositions du I s'appliquent aux crédits d'impôt utilisés à compter du ler janvier 1999.
« 2. Les dispositions du II s'appliquent aux distributions mises en paiement à compter du ler janvier 1999. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-263, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° I-66, MM. Badré et Fréville proposent :
I. - De compléter le texte présenté par le 2 du I de l'article 28 pour le II de l'article 158 bis du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les dividendes ont donné lieu au versement du précompte visé au 1 de l'article 223 sexies et que les produits distribués correspondant à ces dividendes n'ont pas été prélevés sur la réserve spéciale des plus-values à long terme, le crédit d'impôt de 45 % est complété par un crédit d'impôt compensatoire égal à 10 % dudit précompte. »
II. - En conséquence, de supprimer le 2 du II de cet article.
Par amendement n° I-85, MM. Deneux et Fréville proposent de compléter le texte présenté par le 2 du paragraphe I de l'article 28 pour le II de l'article 158 bis du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt est égal à 50 % des sommes effectivement versées lorsqu'elles résultent de la détention de parts de sociétés coopératives, à l'exclusion du recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 16 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. »
Par amendement n° I-138, M. Loridant propose de compléter le texte présenté par le 2 du II de l'article 28 pour insérer une phrase après la première phrase du premier alinéa du I de l'article 223 sexies du code général des impôts par les mots suivants : « ... par des personnes autres que des personnes physiques ou dans les conditions du 2 de l'article 146 du code général des impôts, éventuellement par voie de restitution. »
Par amendement n° I-137, M. Loridant propose, après le II de l'article 28, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le troisième alinéa de l'article 223 sexies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'impôt sur les sociétés restant dû après imputation de l'avoir fiscal visé au II de l'article 158 bis est réputé constituer un bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal au sens du premier alinéa. »
La parole est M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-263.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission propose, cette fois-ci, la suppression de l'article 28, et je vais brièvement vous expliquer ses motivations.
Par cet article, le Gouvernement prévoit de réduire le montant de l'avoir fiscal de 50 % à 45 % du montant des produits distribués aux actionnaires personnes morales.
Pour mesurer l'effet de la mesure, il convient de rappeler que l'avoir fiscal n'élimine totalement la double imposition qui pèse sur les bénéfices distribués que lorsque deux conditions sont remplies simultanément : un avoir fiscal égal à la moitié des sommes distribuées, et un taux d'imposition des bénéfices des sociétés de 33,33 %. C'est en quelque sorte le point d'équilibre.
Aujourd'hui, la seconde de ces deux conditions n'est plus remplie. En effet, à la suite de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, dite MUFF, votée à l'automne 1997, le taux de l'impôt sur les sociétés a été porté à 41,66 %. L'avoir fiscal de 50 % n'efface donc plus totalement l'impôt sur les sociétés subi par les bénéfices distribués, et les dividendes font donc l'objet d'une taxation supplémentaire au taux de 7,3 % entre les mains des actionnaires, ce qui doit naturellement réjouir Mme Beaudeau et les membres de son groupe.
Conformément aux dispositions de la loi dite MUFF, le taux de l'impôt sur les sociétés sera ramené à 40 % en 1999. C'est une promesse tenue.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais mieux aurait valu ne pas augmenter ce taux à 41,66 %.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous avons été à bonne école !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela va réduire de 7,3 % à 6 % l'impôt supplémentaire payé par les actionnaires.
Loin de se satisfaire d'un tel allégement d'impôts, le Gouvernement nous propose aujourd'hui de diminuer, en contre-partie, le montant de l'avoir fiscal pour les seuls actionnaires personnes morales, ce qui devrait conduire à péréniser le prélèvement supplémentaire qu'ils doivent acquitter.
C'est donc, en quelque sorte, je le souligne, une sorte de manquement à la parole donnée lorsque le Gouvernement avait présenté l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés comme une mesure temporaire. En effet, il en reprend, dans une situation certes particulière,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous parlez du gouvernement de M. Juppé ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, je parle de celui de M. Jospin !
Vous aviez bien indiqué que le prélèvement sur les sociétés prévu dans la loi dite MUFF serait modéré.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On l'a fait pour 1999, vous le reconnaissez vous-même.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait, mais ce que je veux dire, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que, dans ce cas particulier, vous reprenez d'une main une partie de ce que vous avez donné de l'autre, en ce qui concerne les actionnaires personnes morales.
Je pense avoir montré par ces quelques chiffres qu'en accroissant la double imposition qui touche les revenus distribués cet article aura pour conséquence d'annuler en partie la baisse de l'impôt sur les sociétés, ce que la commission des finances ne peut pas admettre.
Le Gouvernement oublie en outre que les PME qui réalisent moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires n'ont pas été touchées...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... par les contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés de 15 %, puis de 10 %. Mais cette mesure de faveur, que vous leur avez consentie en 1997, se retourne maintenant contre elles avec l'article 28. Elles seront directement pénalisées par la baisse de l'avoir fiscal sans compensation d'aucune sorte.
Il s'agit d'une petite mesure anti-PME, certes, mais d'une mesure anti-PME tout de même ! Par ailleurs, elle institue un traitement différencié entre les actionnaires, selon qu'ils sont personnes morales ou personnes physiques, et une distorsion avec le précompte qu'il est proposé dans le texte, sous réserve d'ajustements difficiles à mettre en oeuvre, de calculer toujours au taux de 50 %.
Le Gouvernement rend ainsi encore plus complexes, mes chers collègues, un mécanisme qui ne se distinguait déjà pas par sa simplicité. Il m'a fallu une analyse approfondie pour en décrypter, avec l'aide précieuse des services de la commission, les détours quelque peu confus.
Enfin, la mesure proposée, qui a vraiment tout pour nous plaire, est rétroactive, puisqu'elle s'appliquerait à des distributions qui ont eu lieu en 1998 et qui ont été assorties d'un avoir fiscal à 50 %. Certaines d'entre elles ont pu déjà donner lieu au versement d'un précompte à 50 %.
On le voit bien, mes chers collègues, à partir de tous ces éléments que j'ai égrenés avec tristesse, la commission des finances ne peut que proposer la suppression de l'article.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-66.
M. Denis Badré. Cet amendement vise à annuler, par un crédit d'impôt compensatoire de l'excédent du précompte, l'effet de la réduction de 50 % à 45 % du taux de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués à des actionnaires autres que des personnes physiques. Il est donc motivé par le souci de respecter scrupuleusement le principe de l'égalité devant l'impôt.
La solution que je propose s'inspire d'ailleurs, pour atteindre cet objectif, du dispositif de remboursement du précompte prélevé sur les dividendes servis aux actionnaires non-résidents n'ayant pas droit au transfert de l'avoir fiscal. Elle ferait donc coup double en rétablissant aussi l'égalité entre résidents et non-résidents sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° I-85.
M. Marcel Deneux. L'article 28 du projet de loi de finances prévoit de réduire de 50 % à 45 % des sommes nettes distribuées le montant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes reçus par les sociétés, directement ou par l'intermédiaire de sociétés de personnes ou d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières, et utilisés à compter du 1er janvier 1999.
Dans sa présentation, le 22 juillet 1998, des grandes orientations des finances publiques pour 1999, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré avoir proposé cette réduction du taux de l'avoir fiscal des entreprises « afin que la fiscalité ne favorise pas les placements financiers spéculatifs des entreprises ». Or, les coopératives ne sont pas visées par cette proposition, car les personnes morales porteuses de parts sociales d'entreprises coopératives ne peuvent en aucune façon être concernées par de telles motivations.
En effet, d'une part, le fait d'être sociétaire d'une société coopérative implique par nature, l'existence d'un lien avec l'activité économique de cette société ; d'autre part, le capital des sociétés coopératives est composé presque exclusivement de parts sociales dont les caractéristiques sont fondalement différentes de celles des actions.
La combinaison de ces caractéristiques fait que le porteur de parts sociales d'une coopérative ne peut jamais espérer de profit spéculatif de sa souscription au capital social.
Il recevra au mieux un intérêt annuel limité, et il ne pourra céder ses parts qu'au prix où il les a achetées. En aucun cas il ne peut donc réaliser une plus-value sur ses parts sociales. Il ne peut pas non plus acquérir le contrôle de l'entreprise.
Dans ces conditions, il est légitime que les personnes morales détentrices de parts sociales d'entreprises coopératives non revalorisables continuent de bénéficier d'un avoir fiscal de 50 %.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour présenter les amendements n°s I-138 et I-137.
M. Paul Loridant. Je tiens d'abord à dire que je présente ces deux amendements à titre personnel, et qu'ils ne sauraient engager le groupe auquel j'appartiens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont plutôt de bons amendements !
M. Paul Loridant. Ces amendements techniques portent, il faut le reconnaître, sur un sujet particulièrement difficile.
L'amendement n° I-138 est un simple amendement de précision destiné à éviter des difficultés d'interprétation de l'article 28.
Quant à l'amendement n° I-137, je voudrais apporter les précisions suivantes.
L'article 28 de ce projet de loi de finances prévoit de réduire le taux de l'avoir fiscal attaché à certains dividendes : l'avoir fiscal passerait ainsi de 50 % du dividende à 45 %, afin d'alourdir la taxation de certains gains spéculatifs réalisés non pas par des personnes physiques, mais par des personnes morales, par des entreprises.
Cette disposition, dont je comprends tout à fait la motivation, pose toutefois des difficultés d'application. En effet, l'abaissement de l'avoir fiscal à 45 % du dividende conduit l'entreprise à payer un impôt complémentaire et donc à réduire le montant du dividende effectivement mis en distribution, quelle que soit la personne qui bénéficie de cette distribution.
Si l'objet est bien d'atteindre les sociétés qui procèdent à des placements que l'on peut qualifier de « spéculatifs », il convient, en revanche, de ne pas réduire en chaîne les sommes effectivement distribuées. C'est pourquoi une mesure de correction serait souhaitable. D'apparence complexe, elle est au fond très simple : il s'agit, non pas de revenir sur le dispositif proposé qui, à mes yeux, va dans le bon sens puisque l'entreprise reste redevable d'un impôt complémentaire sur le dividende perçu, mais de prévoir que cet impôt supplémentaire ne viendra pas en diminution de la masse distribuable aux actionnaires de cette société.
Il reste que, si le bénéficiaire de la nouvelle distribution est une personne morale, cette dernière ne bénéficiera que d'un avoir fiscal de 45 %. La pénalisation est donc maintenue, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elle est mieux ciblée sur les seules sociétés réalisant des gains spéculatifs sur le marché boursier, et non pas sur des personnes physiques.
Enfin, cette mesure de correction a pour effet supplémentaire de faire entrer des recettes dans les caisses du Trésor puisque les actionnaires bénéficiaires d'un dividende non réduit du montant de l'impôt payé acquitteront alors un impôt sur le revenu supérieur.
Telles sont les considérations techniques qui me font proposer cet amendement I-137, qui, à mon sens, vient améliorer la rédaction du texte initial et qui, vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, vient conforter le texte contrairement à l'amendement de la commission des finances qui, lui, tend à supprimer l'article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Badré, nous nous trouvons dans la situation inverse de celle que nous avons connue à l'article précédent, puisque c'est maintenant la commission qui propose la suppression et vous qui proposez l'aménagement.
M. Denis Badré. C'est précisément ce que je me disais !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, nos aspirations sont tout à fait identiques.
M. Deneux a formulé une remarque tout à fait justifiée, mais son amendement sera satisfait par le vote de l'amendement de suppression.
Les deux amendements présentés par Paul Loridant sont extrêmement judicieux : ils soulèvent des problèmes tout à fait pertinents avec une grande finesse technique. Je regrette donc que, dans l'hypothèse où l'amendement de suppression serait voté, il subirait un sort défavorable...
M. Paul Loridant. L'Assemblée nationale y remédiera.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cher collègue, nous sommes au Sénat. Mais peut-être y aura-t-il effectivement un député qui exprimera les mêmes préoccupations que vous !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-263, I-66, I-85, I-138 et I-137 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable, on le comprendra, à l'amendement de suppression totale, présenté par M. Marini, comme à l'amendement de suppression partielle, défendu par M. Badré.
Je ne vais pas reprendre l'explication du bien-fondé de l'article 28 ; je dirai simplement que le Gouvernement estime, avec la majorité plurielle qui le soutient, qu'il faut encourager les entreprises à se tourner - ce qu'elles font spontanément - vers des investissements productifs plutôt que vers des investissements financiers ; la création de 300 000 emplois intervenue cette année le montre à l'évidence. Mais, pour réduire certaines tentations exceptionnelles, la diminution de l'avoir fiscal rend un peu moins attractif l'investissement financier des entreprises non financières.
Je ferai deux remarques constructives à l'intention de M. le rapporteur général.
Tout d'abord, les PME distribuent des dividendes, c'est vrai, mais la plupart du temps elles le font à des personnes physiques et elles bénéficient, alors, de l'avoir fiscal inchangé de 50 %.
Ensuite, vous avez émis des critiques à l'encontre d'une légère rétroactivité. Bien qu'ayant été privé de la possibilité de participer à un certain débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, je peux vous dire que M. Sarkozy acceptait, lui, une petite rétroactivité ; vous pourrez donc dialoguer avec lui sur ce point.
A M. Deneux, je dirai en toute cordialité que, du point de vue fiscal, les sociétés coopératives sont exactement placées sur le même plan que les autres formes de sociétés. L'exception qu'il suggère ne paraît donc pas opportune au Gouvernement.
M. Loridant s'est placé dans un état d'esprit complètement différent. Il a, à titre personnel, proposé de très subtiles améliorations techniques. Je vais lui répondre rapidement ; un dialogue ultérieur pourra être engagé avec les spécialistes.
Je crois avoir compris l'intention de l'amendement n° I-138 : il s'agit d'abaisser le taux du précompte à 45 % lorsque l'avoir correspondant susceptible d'être utilisé par l'actionnaire ne s'élève plus qu'à 45 %.
L'article 28 tel qu'il est rédigé répond déjà à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
A propos du même amendement, je vous indique que, dans la situation où la société distributrice aurait acquitté un excédent de précompte, cas qui peut se produire, elle serait en droit d'en demander la restitution, comme il en va de tout impôt payé à tort, dans les conditions prévues aux articles bien connus R. 196-1 et suivants du livre des procédures fiscales.
Il me semble donc, monsieur Loridant, que votre amendement n° I-138 est déjà exaucé.
Quant à l'amendement n° I-137, il me semble moins justifié que le précédent car, du fait de la réduction de 50 % à 45 % du taux de l'avoir fiscal, les sociétés devront acquitter un impôt supplémentaire qui devrait logiquement venir diminuer leur capacité de distribution.
La solution que vous préconisez par votre amendement autoriserait en réalité des sociétés à distribuer sans précompte d'autres bénéfices que ceux qui proviennent de dividendes perçus.
Au surplus, votre amendement conduirait le Trésor à octroyer aux actionnaires personnes physiques de la société un avoir fiscal dont une partie ne correspondrait au versement d'aucun impôt, ce qui serait inacceptable.
Telles sont les quelques remarques assez techniques, mais qui rendent hommage à la qualité de votre réflexion, que je souhaitais faire sur vos deux amendements. Il me semble qu'après ces commentaires vous pourriez les retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-263.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la majorité de la commission des finances a décidé de remettre en question la réduction à 45 % de l'avoir fiscal des personnes morales.
Outre que l'application de cette proposition coûterait à peu près 1 milliard de francs, qu'il faudrait bien retrouver quelque part, elle ne nous paraît pas justifiée.
En effet, le taux de l'impôt sur les sociétés est, depuis 1993, fixé à 33,33 %.
Même lorsque l'on prend en compte les majorations exceptionnelles, on parvient pour 1999 à un taux d'environ 40 % pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs et de 36,67 % pour les autres.
Rien donc, dans les faits, si l'on considère l'avoir fiscal comme la récupération d'une double imposition, ne justifie le maintien du taux de cet avoir fiscal à 50 %, taux d'imposition historique de l'impôt sur les sociétés.
Pour notre part, nous considérons l'article 28 comme un premier pas dans l'application réaliste du dispositif de l'avoir fiscal.
C'est d'autant plus vrai qu'il ne s'est produit qu'un accroissement du montant des dividendes versés dans la foulée du processus de réduction du taux de l'impôt sur les sociétés.
Rappelons que l'existence de l'avoir fiscal obère singulièrement l'efficacité économique et sociale de l'impôt sur le revenu comme celle de l'impôt sur les sociétés, d'autant que les dividendes versés par les entreprises privées ont atteint, en 1997, le montant historique de 500 milliards de francs.
Nous ne voterons donc pas l'amendement n° I-263 de la commission des finances.
M. le rapporteur général s'inquiétait tout à l'heure du désordre qui régnait au sein de la majorité dite « plurielle ». Je lui répondrai simplement que les amendements que je dépose visent à enrichir et non à affadir le texte.
En ce qui me concerne, je veux affirmer haut et fort que j'approuve et soutiens un gouvernement qui s'engage à créer des centaines de milliers d'emplois-jeunes, à instaurer les 35 heures et à augmenter les minima sociaux. Vous aurez bien évidemment compris, mes chers collègues, que je ne puis soutenir le contraire.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Le dispositif proposé par l'article 28 est sans conteste compliqué et son application n'ira pas sans poser de problèmes, s'agissant notamment des non-résidents mais aussi de la mesure prévue en matière de précompte. Ce n'est pourtant pas une raison pour rejeter cet article, bien au contraire.
Le Gouvernement, en présentant ce dispositif, a un double objectif : d'une part, celui de taxer les gains spéculatifs réalisés sur les marchés boursiers et, d'autre part, celui d'inciter les entreprises à orienter leurs ressources vers des investissements créateurs d'emplois. C'est la raison pour laquelle il a choisi de ne viser que les personnes morales. Nous ne pouvons que souscrire à ces deux motivations.
Au demeurant, en analysant l'évolution du prélèvement fiscal dans le cadre de l'impôt sur les sociétés intervenue depuis les trente dernières années, force est de constater que l'avoir fiscal a eu un impact disproportionné.
En effet, il a contribué non seulement à atténuer la double imposition résultant de l'application de l'impôt sur les bénéfices, ensuite sur les dividendes, mais aussi à effacer en quasi-totalité, voire en totalité, la taxation au titre de l'impôt sur les sociétés.
Je rappelle qu'il n'existe dans le droit communautaire aucun principe impliquant cette neutralisation. Il n'y a aucune raison de poursuivre dans ce sens. Il est donc tout à fait positif, sachant par ailleurs que l'impact de l'article 28 est limité, de réduire la portée de l'avoir fiscal. Le groupe socialiste ne peut que se féliciter du fait que le Gouvernement l'ait inséré dans le projet de loi de finances.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-263, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 28 est supprimé et les amendements n°s I-66, I-85, I-138 et I-137 n'ont plus d'objet.

Article 28 bis



M. le président.
« Art. 28 bis . - I. - L'article 209 du code général des impôts est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - 1. Pour la détermination du résultat imposable des sociétés d'assurance mutuelles, le droit d'adhésion versé par un sociétaire au cours de l'exercice de son adhésion et inscrit en comptabilité au compte "fonds d'établissement" est considéré comme un apport à hauteur d'un montant égal au rapport entre le montant minimal de la marge de solvabilité exigée par la réglementation et le nombre de sociétaires, constaté à la clôture de l'exercice précédent. Lorsque la marge de solvabilité effectivement constituée est inférieure au montant minimal réglementaire, le premier terme de ce rapport est majoré du montant de cette insuffisance.
« 2. Les sommes prélevées sur le compte "fonds d'établissement" sont rapportées au résultat imposable de l'exercice en cours à la date de ce prélèvement, dans la limite de celles ayant bénéficié des dispositions du 1.
« 3. La disposition du 2 n'est pas applicable en cas d'imputation de pertes sur le compte "fonds d'établissement" ; les pertes ainsi annulées cessent d'être reportables. » - (Adopté.)

Article 28 ter



M. le président.
« Art. 28 ter . - I. - Le I de l'article 216 du code général des impôts est complété par les mots et un alinéa ainsi rédigés : ", défalcation faite d'une quote-part de frais et charges".
« La quote-part de frais et charges visée à l'alinéa précédent est fixée uniformément à 2,5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. »
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, après les mots : "ouverts avant le 1er janvier 1993", sont insérés les mots : "ou clos à compter du 31 décembre 1998". »
Par amendement n° I-25, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous allons poursuivre notre travail de simplification de cette loi de finances, si vous le voulez bien, mes chers collègues.
L'article 28 ter a été introduit à l'Assemblée nationale pour financer notamment l'exonération de la TVA sur les terrains à bâtir.
Nous avons discuté hier matin très longuement de cette mesure, qui méritait quelques utiles correctifs. Il y aurait également beaucoup à dire de la ressource qui a été dégagée pour l'accompagner.
L'article 28 ter vise à rétablir un dispositif qui avait été supprimé par la loi de finances pour 1993 et qui obligeait les sociétés mères, dans le cadre du régime mère-fille, a augmenter leur bénéfice imposable d'une quote-part des frais et charges afférents aux dividendes versés par leurs filiales. Cette quote-part serait fixée dorénavant à 2,5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris, contre 5 % dans le régime antérieur à 1993.
Cet article opère clairement une régression par rapport à l'état atteint par le droit fiscal applicable aux entreprises en ce qu'il contribue à rétablir une double taxation sur les dividendes versés par une filiale à sa mère.
En outre, il vise des investissements qui, par nature, ne peuvent pas être spéculatifs, pour utiliser la terminologie de certains de nos collègues, puisqu'ils excèdent 10 % du capital : ce sont des participations stables dans des entreprises sur lesquelles une maison mère exerce une influence ou un contrôle.
Il convient de rappeler enfin que le régime mère-fille a pour objet d'éviter toute double taxation. Il est anti-économique de rétablir un impôt sur les dividendes versés par une filiale à sa mère.
Tels sont les éléments qui ont conduit la commission des finances à proposer la suppression de l'article 28 ter .
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il tend à supprimer une disposition qui est susceptible de rapporter une somme de 1 550 millions de francs et qui n'a rien de choquant puisqu'on en trouve de semblables dans la plupart des pays européens.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-25.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Notre groupe tient beaucoup à cet article 28 ter , qui remet en question, de manière intéressante, l'incroyable dispositif fiscal des sociétés mères et les processus de consolidation des résultats de groupe.
L'imposition des sociétés placées sous le régime des articles 223 A à 223 U du code généal des impôts a créé une importante distorsion de traitement entre les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés.
On rappellera en particulier que la dépense fiscale engendrée par l'ensemble des dispositions concernées est aujourd'hui supérieure à 30 milliards de francs, constituant donc une importante perversion du traitement fiscal des entreprises dans notre pays.
On peut, en fait, aujourd'hui, y distinguer trois catégories d'entreprises.
La première regroupe les exploitants individuels dont le revenu est soumis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, dont le taux marginal, on le sait, est supérieur à 50 %.
La deuxième comprend les sociétés qui ne sont pas intégrées dans un groupe et qui peuvent donc être imposées au taux de 36,67 % ou de 40 %, selon le niveau de leur chiffre d'affaires.
La troisième est constituée par les sociétés membres d'un groupe, qui bénéficient d'allégements sensibles de ce taux et qui peuvent avoir, même avec un chiffre d'affaires particulièrement élevé, une faible cotisation à acquitter.
Cet article 28 ter vise en particulier les sociétés mères de ces groupes, en inscrivant dans le cadre de l'article 223 B le pourcentage forfaitaire de prise en compte des frais et charges de gestion des sociétés mères au titre de leurs participations dans leurs filiales.
Le problème, bien entendu, pour notre commission des finances, est que la rédaction de l'article 28 ter fait référence à une quote-part de 2,5 %, dont le niveau, soit dit en passant, est assez proche de la réalité des charges considérées, alors que l'ancien article 216 du code général des impôts prévoyait une quote-part de 5 %.
Cette évolution paraît relativement faible en pratique, mais on mesure mieux la portée de l'article 28 ter quand on sait que ce dispositif concerne des groupes qui gèrent parfois plus de 10 milliards de francs d'immobilisations financières, notamment Vivendi ou Pinault-Printemps-La Redoute, que nous avons évoqués hier au sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Ce qui est sûr, c'est que la majorité de la commission des finances et le rapporteur général, se montrent une fois de plus très sensibles aux préoccupations des plus grandes entreprises.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-25, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 28 ter est supprimé.

Articles additionnels après l'article 28 ter



M. le président.
Par amendement n° I-199, M. César et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 28 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 72 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... . - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un associé, personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui exerce une activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est soumise à un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans les conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la dernière période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure s'applique sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou rachetés ou de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en cas de rachat, des associés présents dans la société à la date du rachat. Le bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison de la quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la société au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au premier alinéa. En cas de rachat des titres par la société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice, sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables.
« Ces dispositions s'appliquent aux transmissions et rachats de parts intervenues à compter du 1er janvier 1999. »
La parole et à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Lorsque la commission des finances a eu à examiner les amendements n°s I-199, I-200, I-202 et I-201 présentés par notre collègue M. César et les membres du groupe du RPR, elle a très sagement estimé qu'ils trouveraient mieux leur place dans le projet de loi d'orientation agricole et en a préconisé le retrait.
Je retire donc ces quatre amendements.
M. le président. L'amendement n° I-199 est retiré, ainsi que les amendements n°s I-200, I-202 et I-201.
Par amendement n° I-88, MM. Arnaud, Doublet, Bécot, Huchon, Branger, Belot, Souplet, de Richemont et Raffarin proposent d'insérer, après l'article 28 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 72 B bis du code général des impôts, un article ainsi rédigé :
« ... : Sur option de l'exploitant, les stocks d'eaux-de-vie et de spiritueux peuvent être comptabilisés en immobilisation à compter de leur sixième année de détention.
« II. - Les pertes de recettes résultant, pour l'Etat, de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Cet amendement concerne les stocks à rotation lente.
Nous le présentons alors que des négociations sont en cours entre les pouvoirs publics et les responsables du secteur du cognac et des eaux-de-vie, qui connaît depuis plusieurs années une crise très profonde, et que des mesures fiscales sont en préparation.
Le vieillissement des eaux-de-vie est une étape indispensable du processus d'élaboration et de commercialisation. Il nécessite un stockage prolongé.
Or la fiscalité agricole, malgré des aménagements successifs, n'est pas à même d'appréhender la réalité des ventes de stocks à rotation très lente. Il est anormal d'appliquer une fiscalité permanente à un produit vendu de façon exceptionnelle.
Toutefois, comme M. Oudin, je pense que cet amendement trouvera mieux sa place dans la discussion du projet de loi d'orientation agricole. En conséquence, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-88 est retiré.
Je rappelle que l'article 29 a été examiné le mardi 24 novembre.

Article 30



M. le président.
« Art. 30. - I. - Après l'article 266 quinquies du code des douanes, il est inséré les articles 266 sexies à 266 undecies ainsi rédigés :
« Art. 266 sexies . - I. - Il est institué à compter du 1er janvier 1999 une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes :
« 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coïncinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit ;
« 2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations d'incinération d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ;
« 3. Tout exploitant d'aéronefs ou, à défaut, leur propriétaire ;
« 4. a) Toute personne qui effectue une première livraison après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou qui met à la consommation des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées ;
« b) Tout utilisateur d'huiles et préparations lubrifiantes, autres que celles visées au a produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit.
« II. - La taxe ne s'applique pas :
« 1. Aux installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectées à la valorisation comme matière ;
« 2. a) Aux aéronefs de masse maximale au décollage inférieure à deux tonnes ;
« b) Aux aéronefs appartenant à l'Etat ou participant à des missions de protection civile ou de lutte contre l'incendie.
« Art. 266 septies . - Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par :
« 1. La réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ;
« 2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies , d'oxydes de soufre et autres composés soufrés, d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique, d'hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils ;
« 3. Le décollage d'aéronefs sur les aérodromes recevant du trafic public pour lesquels le nombre annuel des mouvements d'aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale à 20 tonnes est supérieur à 20 000 ;
« 4. a) La première livraison après fabrication nationale, la livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la consommation des lubrifiants mentionnés au a du 4 du I de l'article 266 sexies ;
« b) L'utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées au b du 4 du I de l'article 266 sexies .
« Art. 266 octies . - La taxe mentionnée à l'article 266 sexies est assise sur :
« l. Le poids des déchets reçus par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ;
« 2. Le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies ;
« 3. Le logarithme décimal de la masse maximale au décollage des aéronefs mentionnés au 3 de l'article 266 septies . Des coefficients de modulation prennent en compte, dans un rapport de un à cinquante, l'heure du décollage et les caractéristiques acoustiques de l'appareil ;
« 4. Le poids net des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes mentionnés au 4 du I de l'article 266 sexies .
« Art. 266 nonies . - 1. Le montant de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est fixé comme suit :



DÉSIGNATION DES MATIÈRES

ou opérations imposables

UNITÉ

de perception

QUOTITÉ

(en francs)


Déchets
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés . 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, dans lequel est située l'installation de stockage . 90
Déchets réceptionnés dans une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux . 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux . 120

Substances émises dans l'atmosphère
Oxydes de soufre et autres composés soufrés . 180
Acide chlorhydrique . 180
Oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote . 250
Hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils . 250

Décollages d'aéronefs
Aérodromes du groupe 1 . 68
Aérodromes du groupe 2 . 25
Aérodromes du groupe 3 . 5

Lubrifiants, huiles et préparations
lubrifiantes dont l'utilisation

génère des huiles usagées

Lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes . 200

« 2. Le montant minimal annuel de la taxe relative aux déchets est de 3 000 francs par installation.
« 3. La majoration applicable aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux ne s'applique pas aux résidus de traitement des installations d'élimination de déchets assujetties à la taxe.
« 4. Le poids des oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote est exprimé en équivalent dioxyde d'azote hormis pour le protoxyde d'azote.
« 5. Les aérodromes où la taxe générale sur les activités polluantes est perçue en application du 3 de l'article 266 septies sont répartis dans les trois groupes affectés d'un taux unitaire spécifique mentionnés dans le tableau ci-dessus en fonction de la gêne sonore réelle subie par les riverains, telle qu'elle est constatée dans les plans de gêne sonore prévus au I de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit.
« 6. La masse des aéronefs est prise en compte par son logarithme décimal.
« Art. 266 decies . - 1. Les lubrifiants mentionnés au a du 4 du I de l'article 266 sexies donnent lieu sur demande des redevables à remboursement de la taxe afférente lorsque l'utilisation particulière des lubrifiants ne produit pas d'huiles usagées ou lorsque ces lubrifiants sont expédiés à destination d'un Etat membre de la Communauté européenne, exportés ou livrés à l'avitaillement.
« 2. Les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies , membres des organismes de surveillance de la qualité de l'air prévus par l'article 3 de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, sont autorisées à déduire des cotisations de taxe dues par elles au titre de leurs installations situées dans la zone surveillée par le réseau de mesure de ces organismes les contributions ou dons de toute nature qu'elles ont versés à ceux-ci au titre de l'année civile précédente. Cette déduction s'exerce dans la limite de 1 million de francs ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues.
« Art. 266 undecies. - La taxe visée à l'article 266 sexies est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties et sanctions prévues en matière de douanes. »
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des articles 266 sexies à 266 undecies du code des douanes.
« III. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est habilitée à contrôler et à recouvrer la part de la taxe générale sur les activités polluantes assise sur les déchets mentionnés au 1 de l'article 266 octies , sur les substances émises dans l'atmosphère mentionnées au 2 du même article et sur le décollage d'aéronefs mentionnés au 3 du même article.
« IV. 1. Les articles 22-1 à 22-3 de la loi n° 75-663 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ne s'appliquent plus aux déchets mentionnés à l'article 266 octies du code des douanes reçus à compter du 1er janvier 1999.
« 2. L'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit est ainsi rédigé :
« Art. 16 . - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie contribue aux dépenses engagées par les riverains des aérodromes pour la mise en oeuvre des dispositions nécessaires à l'atténuation des nuisances sonores dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« 3. Au I de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée, les mots : "visé aux articles 16 et 17 de la présente loi" sont remplacés par les mots : "mentionné au 3 de l'article 266 septies du code des douanes".
« 4. Au II de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée, les mots : "l'utilisation du produit de la taxe destinée" sont remplacés par les mots : "l'affectation des crédits budgétaires destinés".
« 5. Les articles 17, 18 et 20 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée ne s'appliquent plus aux décollages d'aéronefs mentionnés au 3 de l'article 266 septies du code des douanes postérieurs au 31 décembre 1998.
« V. - A compter du 1er janvier 1999, les recettes et dépenses résultant de la perception et de l'utilisation de la taxe instituée par l'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 précitée, et de la taxe instituée par l'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée sont comptabilisées dans la comptabilité générale de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
« VI. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie reverse au Trésor public les sommes perçues par elle à compter du 1er janvier 1999 au titre des deux taxes mentionnées au V dès lors que ces sommes se rapportent à des déclarations portant sur l'année 1998 et sont exigibles en 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par cet article, il nous est proposé de procéder à une modification sensible de la législation en matière de fiscalité environnementale.
Il s'agit, en effet, de mettre en place une taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, destinée à permettre de financer le budget de l'Agence de l'environnement et pour la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au travers d'une dotation budgétaire et non plus au travers de la perception de taxes affectées, instituées au fil des différentes lois « environnementales » dont nous avons débattu ces dernières années.
Cet article tend donc notamment à mettre en place une fiscalité proche de ce qu'elle devrait être dans quelques années, dans le cadre de l'harmonisation des fiscalités de différents pays de l'Union européenne.
Sur le fond, la TGAP présente cependant la particularité d'être une stricte application du principe pollueur-payeur, qui a, entre autres, pour conséquences celle de reporter sur le consommateur final le poids réel de la taxe ; il s'agit là du mécanisme que nous connaissons avec la TVA.
On peut concevoir que la lutte contre la pollution et pour la protection de l'environnement et des sites naturels aient besoin de moyens financiers adaptés, eu égard aux enjeux. Pour autant, les seules voies à retenir doivent-elles être celles de la fiscalité indirecte, qui tend à dédouaner de leurs responsabilités les véritables pollueurs ?
Il est d'ailleurs préoccupant, de notre point de vue, que la mise en place de la TGAP ouvre la voie à une rebudgétisation massive d'un certain nombre de recettes destinées à la protection de l'environnement, et singulièrement celles qui permettent le fonctionnement des agences de l'eau.
Les documents budgétaires font apparaître que le produit attendu de la taxe générale se révèle supérieur au montant de la dotation versée à l'ADEME, ce qui n'est pas tout à fait rassurant au regard des perspectives réelles de financement des actions à venir en faveur de la protection de l'environnement.
Le développement de l'action publique pour la protection de l'environnement impose manifestement d'autres mesures que celle qui consiste à unifier le régime fiscal des ressources de l'ADEME.
Les débats sur le taux de TVA affectant la collecte et le traitement des déchets ou encore les réseaux de chaleur ont été très révélateurs à cet égard.
Nous ne voterons donc pas cet article du projet de loi, mais nous nous abstiendrons, pour des raisons que chacun comprendra, sur les amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. J'ai l'impression que nous serons nombreux à être du même avis sur cet article, car la création de cette TGAP n'est pas une bonne chose.
Quatre grands principes se trouvent véritablement bafoués, et d'abord un principe de droit.
Pour lutter contre les pollutions, le Parlement a voté un certain nombre de lois : concernant l'ADEME, trois lois, auxquelles s'ajoutent deux décrets ; s'agissant de la politique de l'eau, deux lois, qui ont été votées à la quasi-unanimité, en 1964 et en 1992.
Et voilà que, par ce simple article d'une loi de finances, la totalité de la structure du dispositif que le Parlement a mis des mois à élaborer va disparaître ! Je tenais à le souligner.
Deuxième principe également foulé au pied : le principe pollueur-payeur. Le système des taxes est tel que le pollueur paie à concurrence des quantités qu'il pollue. Quoi qu'on en dise, la taxe générale des activités polluantes entraîne une rupture de ce lien.
Troisième principe mis à mal : le principe d'efficacité. En effet, notre droit actuel permet d'affecter des recettes à un organisme. de désigner un organe de décision chargé de l'affectation de ces recettes en vue d'actions déterminées. C'est cela qu'a voulu le Parlement.
Enfin, quatrième principe mis en cause : celui de l'affectation des ressources collectées à un objectif précis.
Quels objectifs vise, en l'occurrence, le Gouvernement ?
Il s'agit d'abord, comme l'a dit fort justement Mme Beaudeau, d'une budgétisation de l'ensemble des ressources. Celle-ci se traduira par une centralisation, alors que, depuis trente ans, nous affirmons la plus grande efficacité de la décentralisation.
Mais le Gouvernement a un deuxième objectif encore plus dangereux : la dilution des ressources.
Auparavant, on collectait 100 pour affecter 100 à la lutte contre les pollutions. Désormais, on va collecter 150, mais on n'affectera pas 150 à la lutte contre les pollutions. Il s'agit de la mise en oeuvre de la théorie, totalement absurde à mes yeux, du deuxième dividende. On prend sur ceux qui polluent pour affecter à des actions qui n'ont plus rien à voir ou qui n'ont qu'un lointain rapport avec la pollution. On dilue les ressources dans la dilution des actions.
Le troisième objectif est de surtaxer. D'ailleurs, Mme Beaudeau l'a bien dit : l'ADEME aura plus de ressources. Mais ce n'est pas tout ! Avec une taxe générale sur les activités polluantes - lisez l'excellent rapport établi par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances - il y a là, comme on dit, un gisement potentiel de taxation considérable. Je me demande comment nous allons pouvoir respecter les critères de Maastricht.
Le Gouvernement nous dit que nous aurons des garanties en contrepartie. Aucune des garanties qu'il nous propose n'est sérieuse. Elles sont toutes illusoires !
On nous dit qu'une loi de programmation sera votée par le Parlement. Nous connaissons le sort qui est réservé aux lois de programmation, n'est-ce pas, monsieur le spécialiste des lois de programmation militaire ! (M. Jacques Oudin s'adresse à M. Serge Pinçon).
On nous dit qu'il y aura un compte spécial du Trésor. Bien entendu, aucun des organismes spécialisés dans la lutte contre la pollution n'aura un droit de regard sur la gestion de ce compte spécial du Trésor, pas plus d'ailleurs que le Parlement, alors que nous pouvions, au contraire, contrôler l'efficacité et la réalité de l'action des organismes.
Enfin, on nous dit que nous aurons des contrats pluriannuels. Au moment où nous négocions des contrats entre l'Etat et la région, cette référence ne peut que nous faire sourire.
Bref, au-delà de la mise à mal du système de l'ADEME, c'est toute la politique de l'eau qui sera remise en cause, ce qui est encore plus grave.
Cette politique de l'eau est fondée sur trois principes essentiels : une gestion par bassin, une gestion autonome et l'affectation des ressources à des dépenses.
Il n'y aura plus ni autonomie ni affectation. Il n'y aura bientôt plus que des services extérieurs du ministère de l'environnement qui seront les agences de bassin vidées de leur structure et de leurs possibilités d'actions.
Bref, nous nous dirigeons vers une boulimie financière de l'Etat face à tous les secteurs qui peuvent encore fonctionner parce qu'ils s'autofinancent.
En France, deux secteurs investissent efficacement des milliards de francs : il s'agit du secteur des autoroutes et de celui de l'eau. Pour mettre la main sur ce que j'appelle ces deux grands « magots », l'année dernière, l'Etat avait inventé « Routes de France ». Cet organisme était chargé de collecter l'ensemble des recettes des péages des autoroutes pour les affecter à un compte plus important, où les recettes budgétaires - au demeurant en diminution - auraient été regroupées pour mener une vaste politique routière, laquelle aurait tué la politique autoroutière.
Nous assistons là au même phénomène. On met la main sur les 12 milliards de francs des redevances des agences de bassin, non pas pour conduire la politique de l'eau mise en place par le Parlement au travers des lois de 1964 et 1992, mais pour mener une politique de l'environnement dite durable qui, en fait, n'aura pour effet que de mettre à mal l'ensemble de l'action que nous avons voulu engager depuis trente ans pour lutter contre les pollutions et pour mener une bonne politique de l'eau. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon analyse est identique à celle des deux précédents intervenants.
Conformément au souhait de la commission des affaires économiques et du Plan, émis le 12 novembre dernier, j'interviens aujourd'hui pour faire état de son avis défavorable sur la création de la taxe générale sur les activités polluantes.
En effet, trop d'incertitudes et d'inquiétudes sont liées à la mise en oeuvre de cette taxe.
Tout d'abord, à l'inverse de la plupart des taxes environnementales existantes, le calcul de cette taxe est totalement déconnecté du coût de la prévention ou des réparations des atteintes à l'environnement. Cette déconnexion voulue par le Gouvernement remet en cause la pérennité des crédits affectés à la lutte contre la pollution.
Ensuite, cette taxe remet en question le processus de gestion décentralisée de l'environnement. S'agissant de l'eau en particulier, cette taxe met fin à un dispositif partenarial et autonome qui associe les élus, les usagers et les acteurs économiques responsables des pollutions émises et qui sert, en fait, de modèle pour le projet de directive cadre de l'eau.
Enfin, la théorie du « double dividende » de cette taxe est peu pertinente, puisque l'obtention du premier dividende, à savoir dissuader les pollueurs au travers d'un « signal prix fort » pour reprendre les termes mêmes de Mme la ministre, empêche l'obtention du second, à savoir l'allégement du volet fiscal qui pèse sur le travail grâce aux recettes engendrées par les écotaxes.
En effet, notamment dans le domaine de l'eau, cette taxe, pour remplir son rôle dissuasif, va se traduire par une hausse du prix à la consommation, en particulier sur les produits de base. De surcroît, si des hausses salariales viennent compenser cette perte de pouvoir d'achat, cela annulera alors les effets espérés du second dividende, à savoir la baisse des charges fiscales et sociales sur le travail.
M. Jacques Oudin. Et cela n'a rien à voir avec la pollution !
M. Jean Bizet. Tout à fait !
Pour toutes ces raisons et parce que trop de taxes écologiques tuent la protection de l'environnement, je soutiens, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, l'amendement de suppression de la commission des finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France s'est dotée, par deux lois fondamentales votées en 1964 et en 1992, d'une politique de l'eau cohérente et efficace. Les finalités de cette politique sont la préservation durable des ressources, la protection des milieux naturels, la mise en valeur hydraulique au bénéfice de tous les usagers et la résorption des pollutions que ceux-ci occasionnent.
Il est fait application de plusieurs principes.
Tout d'abord, le principe de responsabilité fait supporter à l'auteur d'une pollution ou d'un prélèvement une charge financière l'incitant à corriger son comportement, tout en le rapprochant des exigences réglementaires.
Ensuite, le principe de solidarité et d'autonomie affecte, sous le contrôle de l'Etat, les sommes perçues au titre de la taxe au financement d'ouvrages hydrauliques : assainissement et épuration des eaux usées, traitement et distribution d'eau potable, entretien et protection des cours d'eau, protection et captage des eaux souterraines.
Enfin, le principe d'unité d'action territoriale décentralisée et d'unité d'action temporelle est mis en oeuvre par les comités de bassins de manière concertée.
L'article 30 marque un changement de politique fondamental : le produit des taxes et redevances actuelles n'est plus affecté. A terme, non seulement les taxes actuellement perçues par l'ADEME, mais aussi, dès l'an 2000, l'ensemble des redevances pollution des six agences de l'eau seraient intégrées à la TGAP.
Cette façon de procéder, mise au point, encore une fois, sans concertation, sous couvert de l'instauration d'une future taxe européenne, dont on ne sait rien aujourd'hui, tend à supprimer l'effort de décentralisation réalisé par les gouvernements précédents. Le fait même d'utiliser la loi de finances pour engager cette réforme fondamentale permet d'éviter un débat sur le fond avec les élus de la nation.
L'adoption de cet article 30 aurait pour résultat d'annuler non seulement le travail patient ainsi mené depuis trente ans, mais aussi de placer les collectivités locales dans l'incertitude quant au financement des mises en conformité de leurs équipements selon les normes européennes d'ici à 2005.
La logique unificatrice, et donc centralisatrice, qui est à l'origine de la création de la TGAP, c'est que l'eau serait traitée de la même façon d'ici à l'an 2000. Or, ce qui fait la force du système actuel, c'est justement son action permanente en faveur de l'environnement, en impliquant, par la concertation, tous les acteurs concernés, et en permettant à la fois une grande efficacité financière et une meilleure rentabilité sociale.
Demain, si l'article 30 est voté, les produits des taxes seront reversés à l'Etat, qui en disposera selon ses besoins du moment.
Ne remettons pas en cause, mes chers collègues, ce modèle de bonne gestion qui est cité dans le monde entier comme la référence d'organisation citoyenne et qui est proposé comme modèle de gestion de l'eau à l'échelon communautaire.
Refusons donc, comme le propose M. le rapporteur général, dont je salue l'excellent travail, de nous engager dans cette voie aventureuse.

(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la taxe générale sur les activités polluantes constitue l'une des innovations majeures de cette loi de finances. La TGAP rompt avec la logique qui prévalait jusqu'alors en matière de fiscalité environnementale. En effet, la fiscalité actuellement en vigueur est fondée sur des taxes fiscales ou parafiscales affectées. Selon le principe pollueur-payeur, les pollueurs doivent participer au financement de la réparation des dommages occasionnés par les pollutions qu'ils ont émises.
Ce système de l'affectation de la taxe est, en apparence, un bon système. Néanmoins, il comporte des effets pervers : il dénature quelque peu le principe de pollueur-payeur, en permettant au pollueur d'assimiler le paiement de cette taxe à un « droit à polluer ». En un mot, il n'encourage pas les comportements « vertueux ».
La taxe générale sur les activités polluantes vise à éviter cette dérive et à redonner toute sa force au principe de pollueur-payeur, en déconnectant le niveau de la taxe des montants nécessaires à la réparation des dommages. Bref, il s'agit d'en faire une taxe incitative.
Le premier dividende de cette taxe est donc écologique : la taxe doit agir comme un signal-prix renchérissant les comportements jugés à risque pour l'environnement.
Cette taxe est amenée à évoluer. Elle est universelle. Elle s'appliquera, à terme, à l'ensemble des activités polluantes. J'ai, à ce propos, un regret à formuler. L'instauration de la TGAP est l'occasion de revoir la taxe sur les déchets. Compte tenu des nouvelles orientations du Gouvernement en ce domaine, il m'aurait semblé utile de taxer le stockage interne des déchets industriels et, en revanche, de ne pas augmenter le taux du stockage des déchets ultimes. Cette mesure aurait été moins pénalisante pour les collectivités locales qui accomplissent des efforts en ce domaine. J'aimerais, sur ce point, avoir l'avis du Gouvernement.
En dépit de nombreux avantages, la création de cette taxe est contestée par la commission des finances. La commission craint une mainmise de l'Etat sur le produit de la TGAP, une banalisation de cette taxe qui, traitée comme une recette ordinaire, servirait à financer non plus les actions en faveur de l'environnement, mais simplement à abonder le budget de l'Etat.
Cette crainte n'est pas infondée. Néanmoins, le Gouvernement s'est engagé à mettre en place des garde-fous : d'une part, les produits de la TGAP seront encaissés sur un compte d'affectation spéciale ; d'autre part, l'Etat s'engage à pérenniser le financement des agences qui interviennent dans les domaines de l'environnement - agences de l'eau, ADEME - par la signature d'un contrat d'objectifs pluriannuel.
Enfin, je dirai que, le meilleur garde-fou, c'est la volonté du Gouvernement de prendre à bras le corps les questions environnementales, pour promouvoir un développement durable, créateur d'emplois.
Sur ce point, le projet de loi de finances est exemplaire : en 1999, les crédits en faveur de l'environnement augmenteront de 110 % grâce à la TGAP et de 16 % hors TGAP ; 140 emplois et 8 000 emplois-jeunes seront créés au service de l'environnement.
Dès lors, j'avoue ne pas comprendre la position de la commission qui, d'un côté, craint, à terme, une perte de ressources globales pour l'environnement et, de l'autre, propose de supprimer non seulement la TGAP, mais également les crédits destinés à financer de nouveaux emplois dans le domaine de l'environnement.
L'autre critique porte sur l'intégration des redevances de l'eau en 2000 dans la TGAP. La majorité sénatoriale en fait une opposition de principe, subodorant là une atteinte à la décentralisation.
Là encore, le Gouvernement a été clair. Il ne s'agit nullement de remettre en cause les fondements du système français de l'eau : gestion décentralisée par bassin versant et autonomie des acteurs de bassin. La ministre de l'environnement l'a réaffirmé : « Je ne souhaite pas la recentralisation des agences de l'eau. Je souhaite que, gérant des sommes très importantes - 12 milliards de francs -, les agences de l'eau soient le plus efficace possible. »
Il lui paraît, en revanche, essentiel d'associer le Parlement à la définition de la politique de l'eau, qu'il fixe le cadre dans lequel seront définies des redevances, et qu'il valide les programmes pluriannuels d'action des agences.
Quoi de plus normal, mes chers collègues ! N'est-ce pas au Parlement de voter l'impôt et de contrôler l'usage qu'on en fait ? Or le système n'est pas exempt de critiques : complexité, opacité des modes de calcul des redevances, manque de qualité, pollutions persistantes, prix trop élevé... Le Commissariat général du plan et la Cour des comptes ont mis en lumière ces dysfonctionnements.
L'eau est une ressource rare ; elle appartient à notre patrimoine national. Justice et démocratie sont les maîtres mots qui guident l'action du Gouvernement en ce domaine.
Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement de suppression de la taxe générale sur les activités polluantes.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-68 est déposé par MM. Richert, Hérisson, Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-205 est présenté par M. Bizet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° I-251, MM. Mauroy, Allouche, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 30 pour l'article 266 nonies du code des douanes, par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration prévue pour la taxe sur les déchets ménagers ne s'applique pas pour les collectivités locales qui ayant fermé leur usine d'incinération pour les mettre aux normes sont obligées temporairement de déposer leurs déchets en décharge. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-38.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après ces excellents exposés, ma tâche sera facile. Je voudrais rappeler, en quelques mots, les différents risques que recèle le dispositif qui nous est présenté.
Il s'agit, d'abord, du risque de pertes de ressources globales pour l'environnement ; ensuite du risque de créer une nouvelle machine à taxer ; enfin du risque de dilution du système des redevances de l'eau, auquel nous sommes pourtant attachés.
Voyons d'abord le risque de pertes de ressources globales pour l'environnement.
En premier lieu, des crédits spécifiques consacrés à l'environnement et financés par les différentes taxes, risquent d'être absorbés par le budget de l'Etat. Actuellement, les taxes sont affectées à l'ADEME, ce qui permet de garantir le pérennité de son action.
Il est clair que nous allons assister à une banalisation, la TGAP devenant une recette fiscale ordinaire. Certes, un mécanisme d'affectation au sein d'un compte spécial du Trésor sera prévu - M. Loridant aura le plaisir d'en rapporter un de plus ; il doit y en avoir déjà quarante-trois - mais il est possible que les ressources tirées de taxes relatives à l'environnement servent une autre cause. C'est le fameux « second dividende » qui a été évoqué, non pas seulement par notre collègue M. Jacques Oudin, mais aussi par un certain nombre de responsables proches du Gouvernement qui nous ont beaucoup inquiétés.
En deuxième lieu, compte tenu de la budgétisation du financement de l'ADEME, ses crédits pourront subir, le cas échéant, les régulations budgétaires qui ne s'appliquaient pas jusqu'ici aux ressources issues des différentes taxes.
En troisième lieu, il était un principe tout à fait responsabilisant et mobilisateur, celui de l'implication des payeurs dans la gestion du système. Or il semble bien que l'on veuille atténuer les effets de cette approche judicieusement contractuelle.
Mais j'en viens au deuxième risque : la taxe générale sur les activités polluantes pourrait devenir une véritable machine à taxer. Large assiette, faible taux, c'est la porte ouverte à toutes les tentations des ministres du budget. Pourront-ils y résister ? Au surplus, une hausse de la TGAP, impôt qualifié d'écologique, sera favorablement perçue par l'opinion publique, alors que l'objet de cette augmentation des taux ne sera pas forcément l'amélioration de l'environnement mais peut-être plutôt l'amélioration des ressources budgétaires de l'Etat !
Le même risque est encouru en matière d'élargissement de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, la notion d'activités polluantes pouvant, à la limite, être étendue à volonté. Dans ces conditions, la création de la TGAP peut se traduire par une augmentation des dépenses que viendrait financer la ressource ainsi facilement perçue et facilement majorée.
J'en viens, en troisième lieu, au risque de dilution. Nous sommes très inquiets, monsieur le secrétaire d'Etat, quant au devenir du système de financement des agences de l'eau. Un grand nombre de sénateurs, dont nous sommes, sont opposés au principe d'une intégration des redevances de l'eau dans une taxe générale, estimant qu'il s'agirait là d'une recentralisation. Or il faut préserver l'originalité du système des agences de l'eau et des comités de bassin. En conséquence, la création de la taxe générale sur les activités polluantes donne un signal dans le mauvais sens et fait peser un risque grave pour l'avenir.
Voilà pourquoi la commission, à partir de l'analyse qu'elle en a faite et après avoir écouté un certain nombre de spécialistes, estime devoir proposer la suppression de l'article 30. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-68.
M. Denis Badré. Je considère qu'il a été défendu.
M. le président. La parole est à M. Bizet, pour défendre l'amendement n° I-205.
M. Jean Bizet. Je considère également que cet amendement a été défendu.
M. le président. la parole est à M. Miquel, pour défendre l'amendement n° I-251.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à ne pas appliquer l'augmentation de la taxe sur les déchets ménagers aux collectivités locales qui ont été amenées à fermer leur usine d'incinération pour les mettre aux normes et qui sont provisoirement obligées de déposer leurs déchets en décharge. Afin de ne pas pénaliser ces collectivités qui subissent des surcoûts de traitement liés à ce dispositif, il est proposé de maintenir la taxe à 40 francs, au lieu de la passer à 60 francs.
M. Gérard Braun. C'est moins cher en décharge !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, qui a bien pris en compte la suggestion du groupe socialiste, préfère toutefois son amendement de suppression. Mais elle sera intéressée par l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la plupart de vos interventions, vous avez formulé des craintes sur l'avenir des agences de l'eau. Mais elles ne sont pas concernées par ce projet de loi de finances ! Notre responsabilité est de débattre de ce qui est dans la loi de finances et non de ce qui pourrait y être.
Il n'est pas question, dans le projet de loi de finances qui vous est soumis, de toucher en quoi que ce soit aux agences de l'eau.
M. Jacques Oudin. Ne dites pas cela ! Ce n'est pas vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas dans le texte.
M. Jacques Oudin. Mme Voynet a dit le contraire !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Voynet, mon estimable collègue, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a engagé une concertation.
M. Jacques Oudin. Justement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Et parce que cette concertation commence, son résultat ne peut pas figurer dans le projet de loi que vous êtes en train de discuter.
M. Jacques Oudin. On verra !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pour imiter M. le rapporteur général des finances, je dirai que, après le riche exposé de M. Miquel, ma tâche sera facile ! Il est vrai que Mme Voynet entend réfléchir à l'avenir des agences de bassin, non pour les remettre en cause en leur principe mais pour instituer en la matière plus de transparence - en matière d'eau, c'est la moindre des choses - (Sourires) et aussi associer le Parlement à la définition des grandes orientations des politiques de l'eau. Qu'y a-t-il à redire à cela ? Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler d'ici un an. Mais, pour l'instant, le Gouvernement est dans une phase de dialogue, d'écoute et pas du tout de décision. Vous pouvez nourrir des craintes pour l'avenir, c'est votre droit, c'est peut-être aussi votre tempérament, mais ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur général, il y avait des taxes affectées. Il y a maintenant une seule taxe. Certes, le Gouvernement a supprimé cinq taxes, mais cette simplification devrait vous réjouir, car ces taxes ne vont pas se dissiper dans je ne sais quels sables administratifs. Elles vont être entièrement affectées à l'ADEME dont le budget, ainsi que M. Miquel l'a dit, passera de 1,3 milliard de francs à 1,9 milliard de francs, sans compter la taxe générale sur les activités polluantes. Il est donc clair que le Gouvernement entend consacrer à la dissuasion de la pollution et à la réparation des dégâts qu'elle occasionne des moyens financiers accrus.
Quel est l'intérêt de la confluence de ces taxes ? Auparavant, une taxe sur le bruit ne pouvait financer que des actions sur le bruit. De même, une taxe sur l'eau polluée ne pouvait financer que des travaux de propreté dans le domaine de l'eau. Désormais, dans le cadre d'un contrat pluriannuel passé entre l'Etat et l'ADEME, contrat dont le Parlement sera évidemment informé, il y aura, à partir d'une ressource globale, une stratégie d'ensemble de lutte contre la pollution.
Monsieur le rapporteur général, vous dites : « large assiette, faible taux ». Je vous ai entendu, antérieurement, énoncer ce principe presque avec des sanglots dans la voix. Je pensais donc que vous auriez félicité le Gouvernement mais, évidemment, avec votre tempérament pessimiste, vous y avez vu l'amorce de je ne sais quelle machine à taxer. Il n'y a pas de « machination » dans le projet gouvernemental !
En somme, pour faire simple, le projet du Gouvernement est un bon projet.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela n'apparaît pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Chacun y voit ce qu'il veut. Il est le début d'un processus dans lequel la nation et le Parlement, évidemment, engageront une action résolue contre la pollution pour que notre société évolue dans un environnement plus propre.
Je ne parlerai pas de la pollution dans les grandes villes. En la matière, des initiatives ont été prises avant ce gouvernement et d'autres le seront après. Ce qui est proposé va tout à fait dans le bon sens.
L'amendement n° I-251 de M. Miquel revient à opérer une distinction entre les centres d'incinération et les décharges.
Je comprends la motivation de cet amendement, mais son adoption serait source de difficultés pratiques de contrôle et de recouvrement et constituerait, malgré tout, une entorse au principe d'égalité.
Donc, tout en comprenant le message que vous voulez adresser, et que je transmettrai à l'ensemble du Gouvernement, monsieur Miquel, je ne crois pas que l'amendement tel qu'il est rédigé, soit le plus approprié, raison pour laquelle je vous demande de le retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le Parlement a adopté trois lois : la loi du 13 février 1992 sur le stockage des déchets ménagers et assimilés ; la loi du 2 février 1995 sur les déchets industriels spéciaux ; la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, textes adoptés quelles que soient les majorités, vous l'aurez remarqué. Et, chaque fois, le Parlement - il l'a fait dans d'autres domaines - a retenu la solution de l'affectation des ressources à un organisme spécialisé dans la lutte contre la nuisance ou la pollution considérée comme gage de la plus grande efficacité.
C'est un principe qui a régi notre droit de l'environnement pendant trente ans. De même que, pendant trente ans, nous avons construit des autoroutes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pas assez !
M. Jacques Oudin. Maintenant, vous changez les principes et, de surcroît, vous voulez stopper la construction des autoroutes. C'est votre droit, forcément. Comme l'a dit un jour Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, la nation a changé de majorité, c'est bien pour changer de politique. Dont acte ! Mais vous ne nous en voudrez pas de penser qu'une politique qui avait eu une certaine efficacité pouvait bien continuer.
M. Marc Massion. Ce sont les Français qui n'en veulent plus !
M. Jacques Oudin. Quant à dire qu'il n'est pas question d'étendre cette taxe à l'eau, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourriez témoigner plus de considération pour le Parlement. Enfin, ce n'est pas possible ! Mme la ministre a elle-même annoncé que cette taxe - « taxe générale » sur les activités polluantes - allait s'appliquer à l'eau. Elle a commencé les consultations. Elle a d'ailleurs dû reculer voilà deux jours.
J'ai moi-même réuni dans cette maison les représentants de la communauté nationale de l'eau ; les représentants de toutes les agences et de tous les organismes qui s'occupent de l'eau étaient présents. Eh bien ! à part les quelques auteurs du projet, tout le monde était contre. En effet, les mesures que vous nous proposez vont à l'encontre de tous les principes que nous avons mis des années à mettre en oeuvre.
Quand je pense que vous souhaitez affecter à un budget de l'Etat qui supporte 236 milliards de francs de déficit des recettes à hauteur de quelques dizaines de milliards de francs en espérant qu'elles repartiront toutes vers la même destination, alors que le fondement même de la théorie du deuxième dividende est qu'une partie des recettes doit être dissociée de l'objectif de lutte contre les pollutions, je considère que vous prenez vraiment les parlementaires pour des naïfs !
Dans ces conditions, je pense que notre devoir, en la matière, est de refuser une orientation de cette nature, car elle va contre l'environnement, contre la politique que nous avons menée depuis trente ans, et elle ne vous permettra certainement pas d'atteindre les objectifs que vous dites vouloir atteindre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il y a effectivement un mystère, monsieur le secrétaire d'Etat ! La semaine dernière, nous avons lu - et nous croyions que le Gouvernement était unanime et solidaire - que Mme Voynet commençait à comprendre qu'une TGAP intégrant des redevances sur l'eau constituait une erreur.
C'est effectivement une erreur, une erreur qui a entraîné la protestation de toutes les agences de bassin. Dois-je vous rappeler que le directeur de l'agence de bassin Normandie - Région parisienne, l'une des plus importantes agences, a démissionné ?
M. Jacques Oudin. Il a été renvoyé !
M. Jean-Philippe Lachenaud. En effet, mon cher collègue !
Alors que le système des agences de bassin est un système décentralisé, on a l'impression qu'à la différence d'Alexis de Tocqueville, qui disait qu'une démocratie est riche de ses corps intermédiaires, vous êtes gêné, monsieur le secrétaire d'Etat, par tous les corps intermédiaires décentralisés et dotés de ressources autonomes. Il vous faut centraliser, il vous faut étatiser !
Lorsque nous l'avons auditionnée, Mme Voynet ne s'en est pas cachée, au demeurant, en réclamant plus de fonctionnaires, plus de centralisation pour la politique de l'eau et la politique de l'environnement. Ce n'est pas ainsi que nous mènerons une politique de l'environnement efficace !
Nous sommes très déçus par la manière dont s'engage la réforme de la fiscalité écologique. Franchement, je crois qu'il aurait mieux valu constituer un groupe de travail, y faire participer des élus, des industriels, des membres du Sénat et de l'Assemblée nationale, pour essayer de dégager les vraies pistes d'une fiscalité écologique.
Vous ne nous avez en tout cas absolument pas convaincus en disant que les redevances sur l'eau n'étaient pas intégrées. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé et l'amendement n° I-251 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 30

M. le président. Par amendement n° I-160 rectifié, M. Adnot propose d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est ainsi modifié :
« I. - Dans le premier alinéa de cet article, les mots : "non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit" sont supprimés.
« II. - Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« L'exploitant d'une installation exclusivement utilisée pour le stockage des déchets que l'entreprise produit est exonéré de la taxe visée au premier alinéa lorsque la quantité de déchets stockés dans cette installation est, au total, en diminution. »
« III. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités d'évaluation des quantités de déchets réceptionnés ou stockés sont fixées par décret. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° I-161, M. Adnot propose d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est ainsi rédigé :
« Lorsque l'installation de stockage dans laquelle sont réceptionnés les déchets n'est pas la plus proche de leur provenance ou est située en dehors du périmètre du plan correspondant d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 20-2, le taux fixé à l'alinéa précédent est majoré de 50 %. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 31



M. le président.
« Art. 31. - I. - L'article 39 AC du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 39 AC . - Les véhicules automobiles terrestres à moteur dont la conduite nécessite la possession d'un permis de conduire mentionné à l'article L. 11 du code de la route, ainsi que les cyclomoteurs, acquis à l'état neuf avant le ler janvier 2003, et qui fonctionnent, exclusivement ou non, au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié, peuvent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de la date de leur première mise en circulation.
« Toutefois, pour les véhicules mentionnés au premier alinéa immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, cette disposition s'applique à la fraction du prix d'acquisition qui n'excède pas la somme mentionnée au troisième alinéa du 4 de l'article 39. »
« II. - Dans l'article 39 AD du code général des impôts, le mot : "exclusivement" est remplacé par les mots : ", exclusivement ou non,".
« III. - Dans le B du II et dans le B du III de l'article 29 de la loi n° 96-1236 de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, les mots : "entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "avant le 1er janvier 2003".
« IV. - Dans l'article 39 AF du code général des impôts, les mots : "entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "avant le 1er janvier 2003". » - (Adopté.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Barnier une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (E - 1171).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 87, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999), dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des affaires culturelles et à la commission des affaires sociales.

11

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. René-Georges Laurin un rapport, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Claude Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés, portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers (n° 19, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 85 et distribué.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le public (n° 24, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sour le n° 86 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 26 novembre 1998 :
A dix heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Articles additionnels après les articles 31 à 43 et état A (à l'exception des articles 40, 40 bis, 41, 41 bis et des articles additionnels après l'article 41 bis et après l'article 42).
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Vote sur l'ensemble de la première partie.
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 35).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 36).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 37).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 38).
Mme Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 68, tome XII).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 39).
Fonction publique et réforme de l'Etat et article 79 bis (appelé en priorité) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 29).
Aménagement du territoire et environnement :
1. Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 4).
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 68, tome XI).
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 26 novembre 1998, àzéro heure cinquante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 60 (1998-1999), autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagements du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, dont la commission est saisie au fond.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 61 (1998-1999), autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, dont la commission est saisie au fond.
M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 62 (1998-1999), autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale des Nations unies le 21 novembre 1947, dont la commission est saisie au fond.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Dominique Leclerc a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 18 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence d'orientation agricole.

COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES TERRITORIALES

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 25 novembre 1998, relative à la consultation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, sur les projets de loi portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998.
Ce document a été transmis aux commissions compétentes.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Régime fiscal des établissements
d'enseignement supérieur privés

383. - 25 novembre 1998. - M. Jean-Paul Hugot appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'application de l'instruction fiscale du 15 septembre 1998 portant sur le régime fiscal des organismes sans but lucratif aux établissements d'enseignement supérieur privé organisés en association et régis par la loi du 1er juillet 1901. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour contrecarrer la menace évidente contre la liberté d'enseignement et donc contre l'équilibre de l'enseignement supérieur français qu'entraînerait l'application de cette instruction à ces établissements.

Construction de l'autoroute A 89
Bordeaux - Clermont-Ferrand

384. - 25 novembre 1998. - M. Xavier Darcos attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le retard apporté à la réalisation de l'autoroute A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand. Les travaux de cette autoroute, d'une longueur de 288 km - dont 111 km affectant directement la Dordogne et traversant 90 communes - devaient débuter selon un échéancier prévu entre le deuxième trimestre 1996 et l'été 1998. Or, le dernier bulletin de septembre 1998 publié par la Société des autoroutes du sud de la France et intitulé : Le Journal de l'autoroute A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand précise : « Il n'y a plus aucun calendrier de retenu pour l'axe Mussidan - Brive, alors que celui-ci n'était déjà pas respecté ». En conséquence, préoccupé par l'actuel enclavement de la Dordogne, il souhaite connaître le détail des engagements financiers précis retenus par le ministère afin que le retard constaté pour le financement de l'autoroute A 89 ne pénalise davantage les Périgourdins.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 25 novembre 1998


SCRUTIN (n° 13)



sur l'amendement n° I-238, présenté par M. Bernard Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à modifier l'article 23 du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (augmentation des taux de réduction de droits sur les donations).


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 98
Contre : 219

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
Contre : 17.
Abstention : 1. _ M. Jacques Pelletier.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Contre : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 51.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Faure, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Contre : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Contre : 6.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat


René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet


Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Abstention


M. Jacques Pelletier.

N'a pas pris part au vote


M. Gérard Delfau.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour l'adoption : 98
Contre : 216

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.