Séance du 2 décembre 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui avait fait l'objet de la part du Sénat, en première lecture, d'un examen approfondi, en dehors de tout esprit de polémique. Je note à ce propos que les amendements, adoptés sur l'initiative de mon collègue et ami Claude Huriet, portant sur le droit de substitution donné aux pharmaciens et la définition du générique n'ont été que très partiellement repris par l'Assemblée nationale.
Je le regrette, mais je me félicite par ailleurs du rétablissement du texte voté par le Sénat en première lecture. Le projet de loi ainsi modifié répond aux préoccupations de mon groupe parlementaire.
Tout d'abord, s'agissant de la politique familiale, il nous semble indispensable de faire un véritable geste politique à l'égard des familles, et donc d'accroître l'effort social de la nation en leur faveur. La période actuelle est en effet marquée par les incertitudes de la conjoncture. Ainsi, l'année 1999 s'annonce plus difficile que prévu sur le plan économique et social.
Mais au-delà de ces aléas, un malaise certain est perceptible au sein des associations familiales, alors que le Gouvernement tente toujours d'obtenir l'adoption du projet de loi instaurant le PACS, dont la mise en oeuvre engendrerait une dépense évaluée à une dizaine de milliards de francs, soit l'équivalent du coût du versement des allocations familiales dès le premier enfant.
Nous souhaitons en outre le maintien des majorations pour âge des allocations familiales selon les modalités actuelles. L'amendement correspondant avait été voté dès la première lecture, sur l'initiative de mon collègue et ami Jacques Machet, rapporteur pour la famille.
Un autre aspect majeur du projet de loi appelle également des correctifs : je pense évidemment à l'ensemble du dispositif de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
En ce qui concerne la cessation d'activité des médecins, un report d'un an de la réforme envisagée nous semble indispensable. Sans remettre en cause les principes guidant cette réforme, il faut absolument éviter un « effet couperet », et donc prévoir des dispositions transitoires.
En revanche, malgré les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, le principe même de sanction collective doit, à nos yeux, être rejeté. Nous sommes donc favorables à un système individualisé, dans un cadre conventionnel et régional. Mais rien ne s'oppose concrètement à cette individualisation des contrôles et des éventuelles sanctions.
Le régulation des dépenses de médecine de ville doit être fondée sur une responsabilisation de tous - praticiens, médecins-conseil, gestionnaires des caisses, sans oublier bien sûr les assurés eux-mêmes.
Enfin, s'agissant de la transparence des prix des prothèses dentaires, la solution proposée par le Sénat paraît équitable et logique. Elle consiste à lier cette nouvelle mesure à la réforme de la nomenclature prévue le 1er juillet dernier et repoussée à plusieurs mois, apparemment sur l'initiative du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, tel qu'il a été modifié par le Sénat.
M. Bernard Murat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Comme mon collègue Jean-Louis Lorrain, j'essaierai d'apporter ma pierre à la nouvelle lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. J'ai parlé tout à l'heure des veuves, mais je n'ai pas cité de chiffre : on compte, en France, 2,5 millions de veuves. Voilà qui fait réfléchir ! (Eh oui ! sur les travées socialistes.)
Or, sachez que sur le prélèvement de 0,10 % du montant inscrit sur la fiche de paie de chaque salarié, un très petit pourcentage va aux veuves, et le reste est attribué aux personnes âgées. Il est donc nécessaire que nous réfléchissions encore.
Par ailleurs, comme l'a dit M. Jean-Louis Lorrain, nous avons rétabli, en adoptant l'amendement n° 14, l'article 13 bis , introduit par le Sénat en première lecture, qui maintient, pour chacun des enfant à charge, à partir de dix ans et de quinze ans, à l'exception du plus âgé, la majoration pour âge des allocations familiales. Le rapporteur de la commission des affaires sociales, pour la famille, y est particulièrement sensible.
Voilà deux dispositions très importantes pour la vie de nos familles, qui en ont terriblement besoin.
Telles sont les raisons primordiales pour lesquelles le groupe de l'Union centriste votera le texte élaboré par le Sénat en nouvelle lecture, tel qu'il a été présenté par M. Charles Descours. Je tiens d'ailleurs, au nom de mon groupe, à remercier notre collègue de tout le travail qu'il a accompli en tant que rapporteur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, décidément, chaque jour davantage, au Sénat, le bégaiement législatif tient lieu d'une deuxième lecture qui devrait être, en d'autres circonstances, l'instrument privilégié du dialogue entre les deux assemblées et le Gouvernement.
Puisque la commission, en la personne de son rapporteur, s'obstine à poursuivre sa tentative de réhabilitation politique à la poursuite désespérée de son électorat médical qui s'est senti trahi par le gouvernement Juppé, il n'y a rien à ajouter, aujourd'hui, à ce qui a déjà été dit en première lecture pour juger de cette tentative.
J'en viendrai donc, madame le ministre, à des considérations plus générales...
M. Alain Gournac. Il vaut mieux !
M. François Autain. ... sur les conditions dans lesquelles le Parlement est appelé à délibérer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
A l'évidence, vous avez contribué à améliorer sensiblement l'architecture du projet de loi, favorisant ainsi la clarté de nos débats.
A l'évidence aussi, l'information du Parlement est mieux assurée par des documents plus homogènes et plus précis à la fois. Il reste que cet instrument mérite sûrement d'être encore amélioré.
Pour être plus complet encore, le contrôle du Parlement sur le budget social de la nation doit s'exercer à chaque fois que les conditions de son consentement initial sont modifiées. Le législateur organique l'avait bien entendu ainsi en prévoyant la discussion éventuelle de projets rectificatifs. (M. le rapporteur opine.) Mais, comme c'est le cas en matière de dépenses publiques, le pouvoir réglementaire se substitue trop souvent, dans cette circonstance, au Parlement.
Pour être plus éclairé encore, le contrôle du Parlement doit s'exercer sur des choix parfaitement énoncés. A cet égard, les conditions de délibération sur l'équilibre général mériteraient d'être améliorées. A cet égard aussi, les comptes de la protection sociale ne doivent pas se résumer à ceux du régime général. A cet égard enfin, en se gardant toutefois de toute dérive et dans le respect des dispositions relatives aux « cavaliers » sociaux, on devrait pouvoir intégrer dans la loi de financement les articles qui, s'inscrivant à l'intérieur de la contrainte financière, contribuent à l'amélioration de la norme législative.
Précisément, pour être encore plus effectif, le contrôle du Parlement mériterait de s'exercer moins sur le rapport annexé et davantage sur une expression réellement normative des choix gouvernementaux.
Je regrette aussi que le temps n'ait pas été, jusqu'à présent, trouvé pour préparer nos concitoyens à nos choix annuels par l'organisation d'un débat d'orientation sur l'évolution de la protection sociale, préalable au débat d'orientation budgétaire, au printemps.
A cet égard, je salue l'initiative prise par les commissions des affaires sociales des deux assemblées de constituer des groupes de travail permanents destinés à mieux préparer nos travaux tout en poursuivant la réflexion que mes quelques propos avaient pour ambition d'introduire en conclusion de notre discussion.
Telles sont, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques remarques que justifiait encore, sur la forme - faute de revenir sans se répéter sur le fond - l'examen d'un projet de loi auquel le groupe socialiste aurait apporté toutes ses voix si, comme à son habitude, la commission ne l'avait, hélas ! dénaturé. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je me suis déjà expliquée tout à l'heure en faisant part des réserves du groupe communiste républicain et citoyen sur le texte du Gouvernement tel qu'il nous est revenu de l'Assemblée nationale. Je serai donc très brève.
J'ai souhaité insister particulièrement sur le financement et sur la situation des hôpitaux publics. Je crois qu'il était nécessaire de le faire, et j'espère ne pas avoir à refaire le même discours l'année prochaine.
J'espère aussi que l'année qui vient nous permettra d'avancer, en particulier en ce qui concerne la réforme des cotisations patronales.
Sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il nous est revenu de l'Assemblée nationale, nous nous serions probablement abstenus, comme l'ont fait nos collègues au Palais-Bourbon. Tel qu'il a été amendé aujourd'hui, et comme j'ai eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, nous ne pourrons que voter contre.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et je ne reprendrai pas en cet instant les différents arguments qui ont été échangés. Je tiens cependant à répondre à quelques-uns de ceux qui se sont exprimés, notamment à M. Autain.
Tout d'abord, si nous pouvons discuter de façon très approfondie - même si nous ne sommes pas toujours d'accord - des problèmes que pose le financement de la sécurité sociale, c'est bien parce que, en 1996, une initiative a été prise par la majorité de l'époque. Il faut tout de même le reconnaître ! Ainsi, une révision de la Constitution est intervenue afin de formaliser la procédure d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Nous devons en effet essayer de maîtriser des dépenses qui sont considérables et qui posent des problèmes à toutes les majorités, qu'elles soient de droite ou de gauche.
Sur l'objectif de maîtrise des dépenses, des convergences peuvent apparaître entre la majorité et l'opposition, mais aussi entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement. Et, si des divergences existent sur les moyens, je constate néanmoins que ceux qui sont actuellement proposés ressemblent - à s'y méprendre pour certains - à ceux qui avaient déjà été mis en place.
Cela signifie que nous avons sans doute évolué de notre côté. Si nous ne l'avions pas fait, vous nous auriez reproché de persévérer dans l'erreur !
Cela étant, vous nous avez reproché de bégayer. Mais, dans cette affaire, qui bégaye, sinon la majorité à l'Assemblée nationale et l'opposition au Sénat, que l'on a pas vu beaucoup évoluer sur les différents problèmes que nous avons à examiner ?
Ainsi, en commission mixte paritaire, nous avons cherché par tous les moyens, utilisant pour cela deux procédures différentes dans l'ordre d'examen des articles, de trouver un certain nombre de points d'accord, même si nous savions, certes, que cet accord serait partiel dans la mesure où nous imaginions bien que nous nous heurterions à un moment donné à des difficultés qui ne nous permettraient pas d'aboutir à un texte commun.
J'aimerais, à ce stade ultime du débat, évoquer l'avenir des lois de financement de la sécurité sociale.
Nous souhaitons conduire une réflexion - nos collègues de l'Assemblée nationale ont d'ailleurs un projet qui va dans le même sens - sur un certain nombre d'aménagements dans les procédures pour que nous soyons à même d'examiner plus en détail et de façon plus sereine - les quelques jours de débat dont nous disposons ne nous le permettent guère - les mesures qui nous sont proposées chaque année en la matière. Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur Autain, la commission a décidé hier matin de créer un groupe de travail chargé d'examiner toutes les modifications que nous pourrions être amenés à proposer.
Quant au dépôt éventuel d'un projet de loi rectificatif en cours d'année, évoqué par M. Autain, nous le souhaitons également, car les lois de financement s'appuient sur un certain nombre d'hypothèses économiques qui, même si nous le souhaitons tous, ne se réalisent pas toujours. Il faut donc pouvoir, en cours d'année, « rectifier le tir ».
Pour m'en être entretenu avec mon homologue de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, je puis vous dire également que le groupe de travail que j'évoquais à l'instant est prêt naturellement à se concerter avec nos collègues députés. Les propositions qu'il formulera auront d'autant plus de chances d'aboutir.
Je remercie, en conclusion, nos différents rapporteurs. Ils ont effectué un travail souvent difficile, soutenus en cela par nos collaborateurs de la commission des affaires sociales.
Je vous adresse également mes remerciements, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, parce que cette discussion s'est déroulée, dans l'ensemble, dans un bon état d'esprit, même si nous avons toujours su que, sur certains points, nous n'arriverions pas à nous rejoindre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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