Séance du 5 décembre 1998







Par amendement n° II-25, M. Joyandet, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 5 698 500 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Les crédits du titre III du ministère de la ville s'établissent, dans le projet de budget pour 1999, à 114 millions de francs, en hausse de près de 32 %, alors que le Gouvernement ne nous a pas fourni d'indications précises sur la réforme de l'oganisation et des missions des services de la ville que peut laisser augurer une telle progression des moyens de fonctionnement.
La réduction forfaitaire de 5 % portera sur le chapitre 37-60 : « Moyens de fonctionnement des services en charge de la politique de la ville », et sur le chapitre37-82 : « Dépenses déconcentrées de modernisation et d'animation de la politique de la ville. »
A titre indicatif, je souhaiterais que l'effort d'économie pèse davantage sur les crédits de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, sur les crédits de communication et sur les dépenses déconcentrées d'animation notamment, qui enregistrent de fortes hausses, plutôt que sur les projets de service public de quartiers, qui progressent moins en termes relatifs alors qu'ils semblent les plus à même d'entraîner des améliorations concrètes sur le terrain, pour les habitants des quartiers défavorisés.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que l'économie de 5,7 millions de francs résultant de cet amendement ramènerait de 32 % à 26 % la hausse des crédits du titre III du budget du ministère de la ville, lequel devrait donc conserver des marges de manoeuvre très confortables !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement ne peut souscrire à cette proposition de réduction de crédits du titre III au moment même où la politique de la ville est relancée. Les moyens nouveaux qui sont demandés conditionnent, en effet, directement l'efficacité de cette politique et la capacité d'animation de l'Etat.
Je rappelle que les crédits du titre III de mon budget concernent non pas les dépenses de personnel mais les actions d'animation de la politique de la ville, par exemple la mise en réseau informatique, qui nous est souvent réclamée par l'ensemble des acteurs de terrain qui souhaitent pouvoir être en relation les uns avec les autres pour avoir un outil d'échange qui leur permette l'évaluation de chacune de leurs actions.
Je rappelle également que ces crédits permettent de donner du sens aux actions du Conseil national des villes, qui comprend les élus et les acteurs de terrain.
Je rappelle enfin que ces crédits permettent de donner plus de force à la formation des professionnels de terrain ou encore à la modernisation des services publics dans les quartiers.
Bref, l'ensemble de ces crédits du titre III permet sur l'année 1999 de renforcer l'action de l'Etat, de donner une véritable accélération à la présence de l'Etat dans le cadre de la politique de la ville pour mobiliser l'ensemble des acteurs et préparer dans de bonnes conditions, comme je le disais encore dans mon intervention, le débat qui doit se dérouler dans l'ensemble du pays en 1999 afin de préparer cette étape essentielle des contrats de ville sur la période 2000-2006.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-25.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes là au coeur d'un débat de fond. Le président de la commission des finances et les rapporteurs ont tenté, tout au long de l'examen des différents budgets, d'asseoir un argumentaire, mais cet argumentaire ne tient pas sur ces sujets qui, comme vient de le dire M. le ministre, nous renvoient à tant de drames, à tant de problèmes que l'on maîtrise mal et qu'il conviendrait de traiter avec beaucoup d'humilité.
On s'aperçoit en effet que, dans la recherche des solutions, on se heurte à des contradictions entre le quotidien, le moyen terme et le long terme. Dès lors, on voit très bien que, dans ce type de budget, la totalité des moyens doit être mobilisée.
C'est pourquoi nous sommes farouchement opposés à ce que le Sénat, après avoir réduit les crédits alloués aux emplois-jeunes, après avoir réduit les crédits du RMI, après avoir réduit les crédits de l'allocation de parent isolé - notons que, dans les quartiers difficiles, les parents isolés sont nombreux - réduise encore les crédits de la ville. Nous voterons malheureusement contre l'amendement n° II-25.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous votez à regret alors ?...
M. Guy Fischer. Ce n'est pas de voter contre cet amendement que je regrette, monsieur Marini, c'est de vous voir prôner une politique ultralibérale (Exclamations sur les travées du RPR) dans des secteurs aussi sensibles socialement, alors que, quand il s'est agi de traiter de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de l'avoir fiscal, votre majorité a généreusement défendu les privilégiés ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. C'est triste et scandaleux !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Il reste 26 % d'augmentation !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'intervention de notre collègue M. Fischer appelle de ma part deux remarques.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas d'argument ; c'est de la politique politicienne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous avez mal écoutés, madame Luc !
Ma première remarque sera pour relever une légère contradiction entre la logique dépensière de certains ministère, et ce que déclare aujourd'hui M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ignore si vous avez bien réalisé, mes chers collègues, que, entre le moment où s'est ouverte ici la discussion générale de ce projet de loi de finances et aujourd'hui, du temps s'est écoulé, des faits économiques se sont déroulés. Nous entendons aujourd'hui M. Strauss-Kahn déclarer : « Nous ne sommes plus sur le chemin des 2,7 % de croissance. » Cela a été dit, imprimé et répété.
Cela signifie que les recettes sur lesquelles est fondé le budget de l'Etat ne sont plus assurées comme elles pouvaient l'être il y a six mois, trois mois ou seulement un mois.
Mme Hélène Luc. Vous avez proposé des suppressions de crédits fondées sur ces chiffres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En conséquence, les différents ministères, vous le savez bien, devront en cours d'année, compte tenu du contexte économique et des contraintes - que vous approuvez ou non, mais qui existent - faire des économies.
Peut-être la vision de la majorité sénatoriale du Sénat est-elle une vision plus prudente et plus réaliste : il vaut mieux quand même dire la vérité que de vendre des illusions !
M. Marcel Debarge. Vous n'avez pas l'exclusivité de la vérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaut mieux construire des budgets raisonnables et réalistes plutôt que de tabler sur des ressources qui n'arriveront pas en totalité et voter des dépenses que l'on devra annuler pour partie ! C'est quand même une question de transparence dans le débat public. Qui fait progresser la transparence, sinon la majorité sénatoriale avec son budget alternatif ?
Mme Hélène Luc. Il y a de l'argent à prendre ailleurs ! On peut garder ce budget en l'état !
M. Michel Sergent. Oiseau de mauvais augure !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, pas oiseau de mauvaise augure !
M. Michel Sergent. Si !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre monsieur le rapporteur général, ainsi ne sera-t-il pas tenté de vous répondre ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'année dernière, M. Strauss-Kahn n'avait pas dit la même chose. Je me réfère simplement à ses dernières déclarations. Je ne veux surtout pas qu'on puisse dire que la commission des finances du Sénat comporte en son sein des oiseaux de mauvaise augure. C'est absolument faux ! Au contraire, nous avons fait preuve de beaucoup de discipline et de rigueur intellectuelle pour ne pas remettre en cause les hypothèses officielles de croissance, car c'est un mauvais signe de les remettre en cause. Or, qui les remet en cause aujourd'hui sinon le ministre lui-même dans ses déclarations ? Dès lors, mes chers collègues, nous avons le droit et le devoir d'en parler et d'en tirer les conséquences.
M. Philippe Madrelle. Lisez-le mieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ma seconde remarque concerne plus particulièrement la politique de la ville. Il faut rendre hommage au rapporteur spécial, M. Alain Joyandet, qui a étudié dans le moindre détail ce projet de budget et qui a proposé, sur un certain nombre de points, des réductions de crédits issues de son examen partagé par la commission des finances. Ces réductions visent des actions, des chapitres bien déterminés où nous avons vraiment la conviction - vous pouvez la partager ou non, mais l'examen a été fait au fond - que des économies sont possibles, sont utiles et sont nécessaires, tout en ayant, bien sûr, le souci de respecter les finalités sociales des actions indispensables pour nos quartiers, pour nos villes et pour nos départements. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Allez dire cela aux chômeurs de Marseille qui manifestent en ce moment !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dois-je une nouvelle fois rappeler que l'examen budgétaire consiste à examiner tous les crédits du budget de la ville ?
Mme Hélène Luc. Mais oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, 93 % des crédits seront votés sur la proposition de M. le rapporteur général à l'article 44 du projet de loi de finances. Cela s'appelle les services votés, et les services votés ne font généralement l'objet d'aucune discussion.
Mais la commission des finances, sous la responsabilité, s'agissant de votre ministère, d'Alain Joyandet, a examiné la totalité des crédits de votre projet de budget ; elle ne vous fait pas l'offense de ne s'intéresser qu'aux mesures nouvelles. La discussion de ce matin ne porte que sur les mesures nouvelles. Or, ce qui est important pour apprécier l'ampleur de la politique menée, c'est d'examiner la totalité des crédits.
Je m'explique en prenant l'exemple de l'amendement n° II-25. Nous ne discutons pas des 86 millions de francs de services votés. Vous allez mener une politique avec ces 86 millions de francs ; si les actions sur lesquelles porte notre proposition de réduction de crédits méritent d'être mises en oeuvre, rien ne vous empêche d'agir puisque vous, Gouvernement, vous exécutif, vous avez budgétairement la possibilité de les maintenir.
L'ordonnance organique ne permet au Parlement que de discuter des mesures nouvelles. Il faut, mes chers collègues, que vous en acceptiez tout de même le principe, à défaut de quoi notre discussion perd tout son sens.
J'entends de votre part, monsieur le ministre, que le Sénat, par la limitation de l'augmentation des crédits qu'il propose - tout le monde parle de réduction de crédits, mais en réalité, mes chers collègues, il s'agit d'en limiter l'augmentation - empêcherait le Gouvernement de mener sa politique.
Vous souvenez-vous, chers collègues socialistes, des cris d'orfraie que nous avons entendus l'année dernière lorsque nous avons procédé aux réductions de crédits ?
Vous souvenez-vous, puisque vous en avez subi tant de souffrances, quel était le montant total des crédits réduits ?... Je n'entends pas de réponse... Il s'élevait à 21,3 milliards de francs.
Combien le Gouvernement que vous soutenez va-t-il annuler de crédits dans le collectif dont nous allons engager la discussion la semaine prochaine ?... Combien ?...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il va annuler 21,13 milliards de francs !
Mes chers collègues, l'année dernière vous nous avez dit que nous n'avions pas de coeur, que nous réduisions aveuglément les crédits sur tous les ministères qui faisaient l'objet d'une discussion. En fait, nous n'avons fait que notre travail et, à quelques dizaines de milliers de francs près, notre calcul était bon, puisque le Gouvernement va vous proposer l'annulation des crédits correspondant à la somme que nous avons décidé d'annuler l'année passée. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Allez le dire aux chômeurs de Marseille !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. J'entends bien tous ces chiffres, monsieur le président de la commission des finances, mais, sans vouloir mettre en cause la perspicacité de votre commission, j'estime que le parallélisme va être obtenu sans pour autant que le chemin que vous avez suivi l'année dernière soit exactement celui qu'a arpenté le Gouvernement.
Je m'explique. L'année dernière, déjà, la question de savoir si l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement était la bonne ou pas avait suscité des débats au Sénat. De nombreuses voix, à l'Assemblée nationale également, s'étaient élevées pour relever que le taux de 3 % était complètement déraisonnable et que le Gouvernement allait bâtir un budget sur de fausses hypothèses économiques. Or la croissance va certainement dépasser les 3 % annoncés.
Monsieur le rapporteur général, le ministre de l'économie et des finances a eu l'occasion de faire remarquer dernièrement qu'un certain nombre d'indices relatifs à la conjoncture économique ne sont pas bons mais que c'est certainement parce que l'ensemble des enquêtes réalisées ont porté sur les mois de juillet, d'août et de septembre, en particulier, période pendant laquelle la perception de la crise asiatique était la plus forte, ce qui a amené un certain nombre de décideurs à suramplifier les différents signaux émis par les pays asiatiques, voire par l'Amérique du Sud à ce moment-là.
La question posée est de savoir s'il s'agit ou non d'un trou d'air. Compte tenu des mouvements qui sont intervenus depuis et des différents résultats qui viennent d'être annoncés, je pense que ces chiffres ne constitueront qu'un trou d'air.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Souhaitons-le !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Certes, mais je voudrais exposer la seconde partie de ma démonstration, monsieur le rapporteur général.
A un moment donné, même si elles peuvent être corrigées, les annonces faites par le Gouvernement en matière budgétaire sont importantes pour le maintien du moral et de la confiance.
Nous savons tous qu'un certain nombre de chefs d'entreprise se posent actuellement des questions sur le niveau des exportations parce que le moteur des exportations connaît quelques ratés. Et il serait stupide de nier les répercussions que pourrait avoir la crise monétaire que nous avons connue ces derniers mois sur les exportations.
A partir du moment où ces chefs d'entreprise craignent que les exportations puissent baisser, si nous ne maintenons pas le pouvoir d'achat de l'ensemble de nos concitoyens et si nous ne prenons pas certaines décisions concernant la dépense publique, ne croyez-vous pas que nous risquons de provoquer un trou d'air plus important que celui que nous constatons ?
J'ai salué avec une grande satisfaction la décision prise conjointement par l'ensemble des banques européennes et consistant à baisser les taux d'intérêt, parce que cela sera bon pour l'investissement. (M. André Maman s'exclame.)
Mais il ne pourra y avoir investissement que si les chefs d'entreprise constatent qu'ils pourront satisfaire une demande. Si cette demande n'est pas aussi élevée qu'on aurait pu le souhaiter à l'extérieur en raison de la crise, il faut que nous, au moment de la présentation du budget, nous soyons en situation de démontrer comment nous pouvons renforcer et maintenir la consommation et la dépense intérieures parce qu'elles seront facteur de décisions et d'investissements, de décisions positives de la part des entreprises. C'est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre les uns et les autres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons à la fois économiques et symboliques, compte tenu de l'attente qui existe, notamment dans les quartiers les plus en difficulté, compte tenu de l'année où vous avez souhaité, les uns et les autres, que l'accent soit mis sur la politique de la ville par la désignation d'un ministre et par le renforcement des moyens de cette politique, je pense que la symbolique de la réduction des crédits est malvenue. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le sentiment que nous nous sommes quelque peu écartés du budget de la ville et que nous avons repris, dans une certaine mesure, la discussion générale du budget.
M. Marcel Debarge. Est-ce un mal ?
M. le président. Pas du tout !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-25, repoussé par le Gouvernement.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 221 000 000 francs. »