Séance du 5 décembre 1998







Par amendement n° II-34, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 10 137 200 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un amendement de même philosophie que le précédent, mais il porte sur un montant moindre, puisqu'il vise à réduire les crédits d'environ 10 millions de francs, à comparer avec le montant des dotations figurant au titre IV, qui s'élevait à 1 milliard de francs dans le projet initial.
Il faut rappeler que, si cet amendement est accepté, le titre IV n'en progressera pas moins de 30 millions de francs.
Il faut également rappeler, madame le ministre, que le collectif budgétaire dont nous allons être prochainement saisis conduit à constater, sur les crédits du ministère de la jeunesse et des sports comme sur ceux d'autres ministères, des réductions, c'est-à-dire des annulations de crédits prononcées en cours d'exercice.
J'ai ainsi relevé qu'au chapitre 43-91 relatif au sport, à l'issue du collectif budgétaire, les crédits diminueront de 15 millions de francs pour l'année 1998, ce qui constitue, si je ne me trompe, une baisse supérieure à celle que nous avions adoptée, dans des circonstances analogues, l'année dernière.
Ces quelques précisions ont pour objet de relativiser, s'il le fallait, la portée de nos votes.
Je voudrais ajouter maintenant deux considérations de portée générale.
Notre collègue M. Sérusclat a évoqué le contexte économique général et la croissance. Ainsi qu'il a été dit ce matin à l'occasion de la discussion d'un autre budget, la majorité sénatoriale n'a pas voulu retenir d'autres hypothèses économiques que celles qui ont été retenues par le Gouvernement.
Nous sommes cependant bien obligés de constater que c'est le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui-même qui indique que nous ne sommes peut-être plus sur un chemin de croissance à 2,7 % du produit intérieur brut, ce qui naturellement, en cours d'année, si une telle nouvelle venait à se confirmer, conduirait, madame le ministre, à des annulations de crédits, vraisemblablement d'un ordre de grandeur égal ou supérieur à ce que la majorité sénatoriale propose aujourd'hui.
Enfin, même si les considérations comptables ne sont pas les seules dont nous devions débattre, et j'en conviens, il n'en reste pas moins qu'il faut affronter certaines réalités.
M. le président de la commission des finances a dit sur ce sujet, sur l'endettement des générations futures, ce qu'il faut retenir et ce qui est essentiel. Mais il est d'autres débats qui vont nous obliger à admettre une réalité ingrate.
Je ne citerai qu'un exemple, les retraites, sur lesquelles le commissaire au Plan vient de transmettre un rapport aux organisations professionnelles.
Madame le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis de longues années, dans un document officiel, la perspective envisagée, c'est l'allongement de la durée de la vie active, c'est-à-dire l'éventualité de repousser au-delà de 60 ans la liquidation des droits à la retraite du régime général et dans les conditions de droit commun.
Si des problèmes de cette nature sont posés et si on les soumet au débat, c'est bien qu'ils reposent sur une réalité et sur des éléments concrets que nous devons prendre en compte, les uns et les autres, quelles que soient nos opinions respectives.
C'est donc dans ce contexte que la commission des finances, en ce qui concerne le titre IV du budget de la jeunesse et des sports, vous propose l'amendement n° II-34.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Si vraiment cet amendement ne va presque rien enlever à ce titre IV, ainsi que le dit M. le rapporteur général, s'il représente si peu de choses, on peut se demander pourquoi la commission des finances l'a déposé !
Plus sérieusement, je dirai que le Gouvernement, bien sûr, y est défavorable.
Je remercie l'ensemble des intervenants, toutes sensibilités confondues, d'avoir apporté leur soutien à la lutte contre le dopage, au développement de la vie associative et du sport notamment. Mais je note que, par ce soutien, ils nous demandent de dégager des moyens financiers.
Or, au titre IV, ils nous proposent de réduire les crédits qui touchent les postes FONGEP, le soutien à la vie associative et au mouvement sportif, la protection de la santé des sportifs, l'accès au sport, les coupons sport-loisir ? Ce serait regrettable.
Je ne fais jamais de triomphalisme à propos de ce budget, et, si je constate que, pour la première fois depuis dix ans, il est en augmentation et qu'il figure parmi les budgets prioritaires, je reconnais que nous n'avons pas encore les moyens de répondre aux attentes du mouvement associatif et sportif, et des jeunes.
Je pourrais citer bien des exemples pour illustrer mon propos. Je me bornerai à parler de la santé des sportifs. Aujourd'hui, grâce à ce projet de budget pour 1999, nous pouvons suivre sérieusement un peu plus de 600 sportifs. Or, des sportives et sportifs de haut niveau, il y en a 5 000. Pourquoi, d'ailleurs, se limiterait-on à ces derniers ? Nous devons en effet nous intéresser également aux jeunes amateurs, notamment.
Si cet amendement est si relatif, il est donc déposé pour des motifs politiques.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est une question de proportion !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Or, selon moi, ce ministère, qui joue un rôle considérable, n'a pas besoin qu'on lui ampute ses moyens !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-34.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Lors de mon intervention dans la discussion générale de ce projet de budget, j'avais proposé, au nom de mon groupe, que 50 % du produit de la croissance - et les propos que vous avez tenus aujourd'hui ne m'ont pas fait changer d'avis, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, ces fruits de la croissance existent - soient utilisés pour remettre la machine en route, par l'augmentation de la consommation et la création d'emplois. Alors que, je le rappelle, 15 % seulement de cette croissance sont utilisés pour financer l'augmentation des dépenses, la majorité sénatoriale veut diminuer encore des crédits déjà insuffisants.
Puisque, aujourd'hui, c'est la journée consacrée au Téléthon, je voudrais évoquer ce qui s'est passé à Choisy-le-Roi et qui se passe d'ailleurs dans toutes les villes de France, mais qui a directement trait au sport.
Les animateurs de la jeunesse et des sports, qui ont pu le faire parce qu'ils disposaient de personnel, ont aidé un club de voile à se développer à Choisy-le-Roi, où nous avons la chance de posséder un très grand plan d'eau. Et ils sont aujourd'hui trois cents à voguer sur le plan d'eau. Pendant trente heures, ils se battront pour aider les jeunes en difficulté.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Voilà de la générosité sincère, qui n'a pas besoin de l'argent des générations futures !
Mme Hélène Luc. C'est de la générosité sincère, mais il faut des crédits pour cela.
Je ne supporte pas que l'on veuille réduire les crédits relatifs à ces postes d'éducateur sportif, alors que l'on manque encore de personnels de proximité.
Pour aider ces jeunes des cités qui ont envie de faire du sport et qui sont souvent en échec scolaire, il faut des éducateurs spécialisés, des moniteurs.
Si l'on croit aux effets bénéfiques du sport - moi, j'y crois, et la Coupe du monde a bien montré que j'avais raison - donnons les moyens au ministère de la jeunesse et des sports de mener la politique dont la France et les jeunes ont besoin.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Après l'intervention de Mme la ministre, le problème a été très nettement posé de la contradiction fondamentale qui existe entre les souhaits, voire les demandes, exprimés dans les interventions des uns et des autres et les conséquences d'une telle réduction des crédits de ce ministère !
J'ajouterai un autre paradoxe : celui qui ressort des interventions du président de la commission des finances, M. Lambert, et du rapporteur général, M. Marini, paradoxe qui fait état de leur souffrance morale ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président de la commission a commencé par dire qu'il avait le souci de respecter les positions de Mme la ministre, et Mme la ministre elle-même. Mais respecter, c'est déjà accepter !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes courtois !
M. Franck Sérusclat. Quand on veut contrarier, on ne respecte plus !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je n'ai pas envie de tirer des chèques sur le compte de mes enfants !
M. Franck Sérusclat. En fait, il fait état d'un tourment profond, car il est obligé d'appliquer une règle générale à un moment où il a évidemment bien conscience qu'elle tombe mal, qu'elle s'applique à faux.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais vous tirez des chèques sur le compte de vos enfants !
Mme Hélène Luc. Il y a de l'argent ailleurs ! N'en prenez pas sur ces crédits !
M. Franck Sérusclat. Monsieur le président, vous relirez calmement vos propos et vous constaterez que vous avez fait état de ce tourment et de cette souffrance qui sont les vôtres, à savoir d'être obligés d'appliquer de façon générale une décision de principe purement politique qu'il vous faut assumer ! Il n'y a d'ailleurs pas de raison que vous n'en assumiez pas les conséquences !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans votre commune, vous appliquez des principes généraux à votre budget !
M. Franck Sérusclat. Vous n'auriez pas fait cette même démarche si le Gouvernement n'était pas celui de la gauche plurielle ! (Nouvelles exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) C'est évident !
Au contraire, vous auriez adopté sans rien dire les propositions faites par ledit gouvernement, même si elles avaient été identiques à celles d'aujourd'hui !
Je me permets d'insister, même si Mme la ministre a déjà expliqué les conséquences directes d'une telle baisse de crédits, sur le fait que, effectivement, le nombre des postes FONJEP va être réduit.
Cela va surtout diminuer la participation du ministère à la protection de la santé des sportifs, à la lutte contre le dopage, à l'accessibilité des activités sportives et associatives - je pense au coupon-sport, au coupon-loisirs et au ticket-sport - autant d'éléments qui sont vraiment perceptibles pour chaque individu !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est un moulinet qui tourne !
M. Franck Sérusclat. Mais, monsieur, moi aussi je dis ce que je pense, tout comme vous l'avez fait vous-même tout à l'heure !
Ce n'est pas un moulinet qui tourne ! C'est une réflexion qui se veut juste ! Et je regrette de devoir vous le dire, mais c'est votre réflexion - relisez-là ! - qui me permet de tenir ces propos !
Voilà la raison pour laquelle, cette fois encore, nous voterons contre cet amendement. Mais comme la majorité de droite du Sénat va l'adopter, nous allons devoir voter contre un projet de budget qui est pourtant le reflet de projets excellents, lesquels ne pourront être concrétisés par vote faute en raison d'un manque de moyens ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-34, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 41:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 215
Contre 99

Mme Hélène Luc. Heureusement, l'Assemblée nationale rétablira les crédits !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 54 710 000 francs ;