Séance du 5 décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé pour le ministère de la culture en 1999 est relativement confortable : avec 15,67 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, il augmente de 3,46 % par rapport à l'année qui se termine, donc de plus de 546 millions de francs, soit nettement plus que les 2,2 % retenus par le Gouvernement pour le budget de l'Etat en général. C'est dans l'ordre des faveurs le neuvième budget et l'on frise, avec 0,941 %, 0,976 % hors effets de structure dus aux rebudgétisations, le mythique 1 %.
Pour les dépenses d'équipement, la présentation est un peu moins brillante : 3,52 milliards de francs pour les autorisations de programme, soit moins 4,91 % par rapport à 1998, qui a vu, il est vrai, un rattrapage de 20 %.
La Haute Assemblée se souvient certainement du valeureux combat de mon éminent prédécesseur, Maurice Schumann, pour augmenter de 70 millions de francs les dépenses en faveur du patrimoine qui sont, hélas !, en grande partie annulées par les gels de crédits sur la loi de finances de 1997.
Notons que, pour l'année 1998, l'effet de régulation budgétaire a été plus mesuré : moins 0,4 %. Globalement donc, madame la ministre, on peut considérer que vous vous en êtes bien tirée.
Mais ce qui compte dans un budget, ce n'est pas seulement la masse, ce sont aussi les priorités. A une époque où, dans la culture comme dans le reste, il faut dépenser mieux plutôt que dépenser plus, vous présentez un profil bas qui est plutôt sympathique... Vous faites peu de déclarations tapageuses et vous essayez de faire au mieux en dépit des crises qui agitent ce secteur sensible.
Les ministres de la culture sont une spécialité française qu'on tend à imiter : même les Allemands s'y mettent. Dans ce poste, on hésite toujours entre deux modèles : ministre de la parole, voire du prophétisme, et quelquefois de l'apparence, ou bien secrétaire d'Etat aux beaux-arts un peu amélioré. Vous n'êtes, madame, ni André Malraux, ni Jack Lang, ni non plus l'honorable André Cornu, de la IVe République.
Vous avez, comme tous vos prédécesseurs, deux missions essentielles : conserver l'acquis et encourager la création.
A lire votre budget ou vos déclarations, il est difficile de dire de quel côté vous penchez. Peut-être pensez-vous que cette dichotomie est artificielle.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je recherche l'équilibre.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Les deux principales réformes administratives que vous venez de mener à bien concernent en effet et le patrimoine et l'art en mouvement. Vous avez supprimé deux postes de directeur, ce à quoi nous ne pouvons qu'applaudir, pour constituer deux grands ensembles : la direction de l'architecture et du patrimoine, d'une part ; celle de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, de l'autre.
La première de ces fusions a été bien accueillie, car il est logique de penser la création architecturale à l'intérieur des ensembles immobiliers qu'il s'agit de conserver et d'embellir.
La seconde a pour elle la logique administrative : les mêmes techniques de subventionnement sont à l'oeuvre, les mêmes lieux accueillent les manifestations et les oeuvres d'aujourd'hui sont souvent syncrétiques, mêlant à la fois musique, danse et expression chantée ou parlée. Néanmoins les musiciens, en tout cas ceux de la musique dite classique, ont fait la grimace : M. Marcel Landowski, qui a beaucoup oeuvré pour le rattrapage de la France musicale, s'est demandé à haute voix ce que sont ces musiques actuelles qui semblent avoir vos complaisances.
En si bon chemin, vous avez entrepris aussi de rationaliser un peu votre maison. Vous vous munissez d'un établissement unique chargé de la maîtrise d'ouvrage de travaux culturels, l'EPMOTC, né de la fusion de l'établissement public du grand Louvre, qui achève sa tâche, et de la mission interministérielle des grands travaux. Et vous avez décidé de réduire vos sites centraux de seize à trois, désormais proches les uns des autres, opération qui se voit doter, en 1999, de 84,6 millions de francs, le coût total, études et travaux, du nouvel immeuble « Saint-Honoré Bons Enfants » étant estimé à près de 400 millions de francs, ce qui n'est pas rien.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Non, ce n'est pas rien !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Ces aménagements administratifs, dont l'intention est certainement louable, ont, soit dit en passant, deux inconvénients, que le rapport écrit analyse en détail : des modifications de la nomenclature budgétaire, qui rendent parfois difficile la comparaison d'une année sur l'autre, donc le contrôle du Parlement, d'une part, un goût excessif de la transversalité et des dénominations imprécises, d'autre part. A la direction de l'architecture et du patrimoine, vous avez créé un service de la connaissance, de la conservation et de la création ainsi qu'un service des enseignements, des publics et des réseaux. Tout cela n'est guère conforme aux principes de simplicité qu'enseignait Robert Catherine dans son classique traité sur le style administratif.
Dans la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, tout est résolument transversal : création et activités artistiques, enseignement et pratiques artistiques, d'une part, formation professionnelle et entreprises culturelles, de l'autre, telles sont les sous-directions.
Il faut descendre au niveau des bureaux et des trois comités, au rôle et aux pouvoirs mal définis, pour retrouver les disciplines musicales, chorégraphiques et théâtrales, qui méritent quand même quelque approche spécifique.
Il m'a fallu un entretien avec votre nouveau directeur, M. Dominique Wallon, dont la compétence et la passion culturelle sont bien connues, pour tenter d'approcher la part de ces disciplines - tenter seulement, car la déconcentration au profit des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, par ailleurs fort souhaitable, complique l'analyse. Je vous renvoie sur ce point aux pages dix-sept et suivantes de mon rapport écrit.
Si, en dépit de ce flou, j'essaie de préciser quelles sont les lignes de force de ce projet de budget, il me semble s'en dégager trois.
La première, incontestablement, tient aux réévaluations indiciaires de votre personnel. Ces dépenses, qui augmentent de 4,8 %, ne comportent pas de créations d'emplois. Aux mesures générales découlant des protocoles de la fonction publique, d'un montant de 31,7 millions de francs s'ajoutent 19,2 millions de francs de mesures spécifiques à la rue de Valois.
Tous les corps ou presque sont ainsi « repyramidés » et avantagés : cela va des directeurs régionaux des affaires culturelles et des conservateurs du patrimoine aux corps de surveillance et de gardiennage, en passant par les maîtres-assistants des écoles d'architectures, les attachés d'administration, les architectes urbanistes, les ingénieurs de services culturels, etc.
Je pense, madame la ministre, que vous avez eu beaucoup de chance d'obtenir l'accord du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour cette avalanche de mesures,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. ... et je vous en félicite.
Il faut noter une mesure intéressante relative à la réduction de l'emploi précaire, qui concerne 450 agents sous contrat à durée déterminée.
La deuxième priorité - mais comment pourrait-il en être autrement au ministère de la culture ? - concerne le patrimoine. Elle est relativement modeste - ses crédits croissent de 2,54 % - si on compare ce chiffre à l'augmentation globale de vos moyens, qui est d'un point supérieure.
Est-ce à dire que le patrimoine est sacrifié ? Porter un tel jugement serait excessif, si l'on considère le chapitre 56-20, qui concerne le patrimoine appartenant à l'Etat, où les autorisations de programme augmentent de 22,2 %. C'est pourtant bien le cas si l'on considère le chapitre 66-20, qui concerne les subventions d'investissement, dont les autorisations de programe diminuent de 33,6 %. Or ce chapitre intéresse aussi bien les églises de campagne, problème lancinant et souvent insoluble des communes rurales, que les châteaux privés, mais ouverts au public.
S'agissant des églises, je prendrai l'exemple de mon département, où elles sont presque toutes bâties en craie. Leur espérance de vie est de 400 ans, c'est-à-dire que celles qui ont été construites au xiie siècle se sont écroulées au xvie siècle et que celles qui ont été reconstruites au xvie siècle s'écroulent aujourd'hui. C'est un problème angoissant.
La vérité, c'est que les crédits affectés à l'entretien du patrimoine sont obérés par de grosses opérations, telles que la réfection du Grand Palais, dont le coût prévisionnel est de 878 millions de francs. Cette opération s'apparente pourtant plus aux grands travaux qu'à une opération patrimoniale classique, et c'est bien le poids de ces grands travaux qui, à la fois, explique la croissance et grève le budget du ministère de la culture. Cela est moins vrai en matière d'investissements, puisque les chantiers « mitterrandiens » touchent à leur terme et que le projet de l'actuel septennat, à savoir le musée des arts premiers, dont le coût est estimé à 1,2 milliard de francs, n'est doté, dans les projets de budget pour 1999 de la culture et de l'éducation, que de 189 millions de francs de crédits, au titre des études, des acquisitions et des investissements.
La situation est en revanche inquiétante en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, car sept établissements parisiens, dont le musée du Louvre et l'Opéra, absorbent à eux seuls 16 % du budget du ministère, contre 13 % voilà cinq ans. Du fait de cesprestigieux et coûteux grands établissements, en dépit des bonnes intentions proclamées de rééquilibrage, la part de Paris par rapport au reste de la France continue de dépasser 50 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est de plus en plus parisien !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Je voudrais à cet égard vous demander, madame la ministre, quelle sera la destination définitive de lieux qui sont sans affectation ou vont être libérés à plus ou moins brève échéance.
Quid du Palais de Tokyo, où l'on a dépensé 30 millions de francs pour installer une Maison du cinéma, qui a opté pour l'ancien American center ?
Quid du Musée des arts africains d'Océanie de la Porte-Dorée, avec ses locaux de prestige, rénovés dans le style « exposition coloniale » et son merveilleux aquarium ?
Le patrimoine bénéficie donc d'une priorité en demi-teinte, ce que confirme la non-reconduction d'une loi cadre, dont l'application avait été étalée dans le temps et qui n'a sans doute pas répondu aux espoirs que l'on avait mis en elle.
La troisième préférence, celle qui vous tient peut-être le plus à coeur, va aux spectacles vivants, avec leurs 110 millions de francs de mesures nouvelles. Vu la sensibilité à fleur de peau des entreprises culturelles concernées par les « arts de la rue », les « pratiques amateurs », les « musiques nouvelles », notamment, j'attendrai d'avoir acquis plus d'ancienneté dans ce rapport et d'avoir eu le temps de procéder à des investigations complémentaires pour me permettre de porter un jugement.
Dans un même ordre d'idée, d'ailleurs, concernant l'aide à la création artistique, le citoyen ou l'amateur peut éprouver quelque inquiétude quant à l'uniformité des choix esthétiques, et ce qu'il s'agisse des musées d'art modernes ou des fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC. Cet effet Caillebotte à l'envers, indéfiniment continué, à travers les avant-gardes successives, ne risque-t-il pas de faire courir à notre pays un krach patrimonial,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. ... si, brusquement, comme la bourse des valeurs, celle des valeurs esthétiques venait à subir un coup de tabac ? Certains essais récents, certaines polémiques dans la presse spécialisée le donnent à penser. J'aurai certainement l'occasion, dans les mois qui viennent, d'approcher vos collaborateurs - ou peut-être vous-même, si j'en ai la chance - pour connaître l'état de la réflexion à ce sujet.
Enfin n'est pas priorité dans ce budget, et on peut, semble-t-il, le regretter, la politique muséale, notamment celle des acquisitions.
La loi du 31 décembre 1992, qui limite à trois ans le refus de certificat d'exportation, et la jurisprudence Walter font néanmoins peser sur votre budget et sur le maintien de certains trésors nationaux en France des risques auxquels je sais que vous êtes sensible, madame la ministre, pour vous avoir entendue commenter en termes délicats le sauvetage, grâce à la Fondation du patrimoine, du portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes, par son beau-frère, Edouard Manet.
Quelques mots d'actualité, pour finir.
On parle un peu moins, depuis quelques jours, de l'affaire de la Bibliothèque nationale de France. Où en est-on ? Le problème informatique est-il en voie de règlement ? Pouvez-vous nous donner l'assurance qu'à bref délai une institution qui a coûté 8 milliards de francs en investissements au contribuable, et lui coûtera plus de 1 milliard de francs par an en fonctionnement, ne rendra pas aux lecteurs et aux chercheurs un service plus réduit dans le temps et moins satisfaisant dans les prestations que l'ancien site de la rue de Richelieu ?
J'ajoute qu'une crise comparable pourrait bien se produire lors de la réouverture du centre Georges-Pompidou, le 1er janvier 2000. Le budget de cet établissement a été présenté cette semaine au conseil d'orientation, en déficit de 10 millions de francs, ce qui n'est pas acceptable, et le président, Jean-Jacques Aillagon, parle même de décaler cette ouverture d'un semestre.
Je profite de cette occasion pour saluer notre collègue Marcel Vidal, qui a brillamment été élu président du conseil d'administration - avec ma voix d'ailleurs.
Par ailleurs, certains s'inquiètent de l'institution, préconisée par le rapport Borzeix, d'un droit sur les prêts de livre par les bibliothèques, droit qui serait collecté par une sorte de SACEM, organisme fort peu populaire dans nos villages,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. ... au bénéfice des éditeurs et des auteurs.
J'attire votre attention, madame la ministre, sur un très bel article du professeur Jacques Thuillier, du Collège de France, paru dans le dernier numéro de la Revue administrative : « La lecture publique a été organisée afin de propager la pratique de la lecture ; elle se justifie par sa mission ; c'est à ce titre qu'elle est financée par le contribuable (...). Le même contribuable ne peut à la fois payer pour promouvoir la lecture, puis payer pour emprunter les livres achetés de ses deniers. »
A l'Assemblée nationale, vous avez parlé, en réponse à une question au Gouvernement, d'une table ronde en janvier. Souhaitons qu'elle aboutisse à faire rentrer ce rapport dans le tiroir dont il n'aurait jamais dû sortir.
Enfin, pour terminer sur une note positive, je précise que notre délégation du Sénat pour l'Union européenne a accueilli avec intérêt le projet de la commission « Culture 2000 ». Aux programmes dispersés, Kaléidoscope, Ariane et Raphaël, succédera un instrument unique de programmation et de financement concernant des projets culturels d'une dimension véritablement communautaire. Quelle est votre position sur ce programme, qui serait doté pour la période 2000-2004 de 167 millions d'euros, et quel dispositif envisagez-vous pour que notre pays en ait sa juste part ?
Sous le bénéfice de ces observations un peu hétérogènes, comme le sont d'ailleurs les crédits du ministère, le rapporteur spécial que je suis vous propose d'adopter ceux-ci, préalablement affectés, dans le cadre du budget alternatif décidé par notre majorité sénatoriale, de deux amendements de réduction des crédits des titres III et IV. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me propose en examinant les crédits du ministère de la culture pour 1999 de leur apporter un double éclairage, en appréciant d'abord l'évolution globale de ce budget, puis les différentes actions qu'il permet de financer et qui sont le socle de la politique culturelle de notre pays.
Le budget du ministère de la culture s'élèvera pour 1999 à 15,700 milliards de francs, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances précédente.
Cette évolution est à comparer avec celle du budget de l'Etat, qui se situe à 2,2 %. Elle est dès lors satisfaisante et traduit l'effort soutenu engagé en faveur de la culture.
Je voudrais néanmoins avancer cette appréciation un peu rapide en faisant deux remarques qui donneront peut-être le sentiment d'un clair-obscur dans mon appréciation de la masse globale du budget.
Je commencerai par une critique : si l'on raisonne en termes d'engagement en tenant compte des autorisations de programme et non des crédits de paiement, l'augmentation réelle est ramenée à 1,5 %, ce qui reste appréciable mais dans des proportions plus raisonnables.
En revanche, l'augmentation des crédits se fait à structure budgétaire constante, le champ des compétences de l'exercice étant désormais stabilisé.
De plus, les grands travaux étant, à l'exception du Louvre, achevés, la marge de manoeuvre du ministère s'en trouve accrue d'autant. La tentation a dû être grande d'amputer votre budget, madame la ministre, à due proportion. Je vous félicite d'avoir su défendre votre pré carré et empêcher ainsi qu'il ne soit une fois de plus une variable d'ajustement du budget de l'Etat.
J'ajouterai que, cette année - vous voyez que les éléments positifs l'emportent sur les éléments négatifs quant à l'appréciation globale de votre budget ! - les conditions d'exécution de la loi de finances, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial il y a un instant, se sont améliorées. Les mesures d'annulation des crédits n'ont été que de 60 millions de francs, prélevés en janvier 1998. Ces mesures étaient, au demeurant, tout à fait légitimes puisqu'il s'agissait de financer le plan d'aide aux chômeurs. La commission des affaires culturelles et moi-même ne pouvons que saluer cet effort, tout en espérant qu'aucune mesure de régulation budgétaire ne viendra atténuer la portée de ce que je viens de dire, notamment dans ce domaine essentiel qu'est celui des crédits affectés à la restauration du patrimoine.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Le seuil de 1 % n'est pas encore atteint, même si le budget s'en approche de très près. Encore faut-il ne pas donner à ce chiffre un caractère sacré. L'évolution des compétences du ministère en a réduit la portée mythique, d'autant que, à l'action de l'Etat en faveur de la culture, il convient d'ajouter celle, équivalente, des collectivités locales.
Il est important, au Sénat plus qu'ailleurs sans doute, de souligner la place éminente des communes, des départements et des régions dans le financement de la vie culturelle. Selon les derniers chiffres disponibles, l'effort consenti par les collectivités territoriales est en effet identique à celui qui est accompli par l'Etat.
Une telle situation rend d'autant plus nécessaire le développement d'un étroit partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales pour conduire de concert des actions, de sorte que la culture irrigue l'ensemble du territoire.
Cette augmentation globale de vos crédits, madame la ministre, est répartie également entre les dépenses ordinaires et les dépenses de fonctionnement.
Les dépenses ordinaires augmentent de 3,4 %. Elles permettront, pour ce qui est du titre III, qui définit les moyens de vos services, de résorber l'emploi précaire, démarche tout à fait louable.
Je voudrais souligner ici le fait que le nombre global d'emplois du ministère n'augmentera pas en 1999.
Dans ce même titre III, les subventions de fonctionnement versées aux établissements publics augmentent de 2,4 % ; en fait, il s'agit de 1,7 % puisque deux nouveaux établissements vont y émarger : le Centre national de la danse, d'une part, le Musée des arts premiers, qui se voit allouer 7,5 millions de francs, d'autre part.
Une préoccupation, néanmoins, se fait jour de plus en plus : le coût considérable des grands établissements publics issus des travaux que nous évoquions tout à l'heure et qui représente à peu près 15 % de ce budget. Ils pèseront d'autant plus lourd que nous souhaitons tous voir ces institutions fonctionner dans les meilleures conditions et accueillir le public d'une manière optimale.
Pour ce qui est du titre IV, le plus significatif, car il reflète les grandes orientations de la politique culturelle, il augmente de 3,6 %.
Il convient de noter que 60 % des dépenses d'intervention sont désormais déconcentrées. Cette évolution n'est pas nouvelle mais vous l'accentuez cette année puisque, l'an dernier, cette proportion était de 52 %. Cela signifie que les DRAC devront pouvoir faire face aux charges supplémentaires que vous leur conférez ; je vais y revenir.
Les principales actions financées sur le titre IV seront la lecture publique - et je m'en félicite - ainsi que le spectacle vivant, pour lequel un effort particulier est réalisé cette année ; sans doute cela correspond-il à une évolution des pratiques culturelles que l'on pouvait effectivement difficilement imaginer il y a quelques années.
Au-delà des chiffres, le renforcement des moyens d'action du ministère se traduira cette année par une double réorganisation. Au niveau national, je n'y insisterai pas, il s'agit du regroupement de deux directions : théâtre, musique et danse, d'une part, architecture et patrimoine, d'autre part. Au niveau régional, il s'agit de la déconcentration croissante des crédits gérés par les DRAC, que j'évoquais il y a quelques instants.
Cette déconcentration signifie que va se poser le problème des moyens dont les DRAC peuvent disposer pour faire face à leurs nouvelles responsabilités. Si l'on veut éviter d'accroître les coûts de fonctionnement - et je crois que nous sommes unanimes à estimer qu'il ne faut pas les augmenter - il faudra faire un effort considérable d'imagination pour simplifier et alléger les procédures, de manière que cette déconcentration puisse remplir sa vocation qui est d'accélérer le travail de chacun.
Les dépenses en capital augmentent de 3,5 % pour les crédits de paiement mais diminuent de 4,9 % pour les autorisations de programme.
Si l'on distingue le patrimoine historique de ce qui relève des autres dépenses, on constate une progression importante de l'effort de l'Etat concernant ses propres monuments. Cela est dû en grande partie à la nécessité de remettre en état le palais de Chaillot et le Grand Palais, pour lesquels 212 millions de francs sont prévus ; l'utilité de cette mesure est indiscutable. Il est à craindre, cependant, que ces travaux ne soient financés par un transfert dont pâtiraient les opérations partimoniales engagées soit par les collectivités soit par les propriétaires privés.
En ce qui le concerne l'action que l'Etat entend mener sur son propre patrimoine, je voudrais souligner, pour en féliciter le ministère, la nouveauté de deux orientations.
C'est d'abord la préservation du patrimoine du xxe siècle, dont le plus beau symbole est la rénovation de la villa Noailles de Mallet-Stevens, qui, dans quelques années, n'aurait plus été que ruines.
C'est ensuite l'inventaire et la protection renforcée du patrimoine industriel. Cela correspond à un souhait que j'avais émis dans un précédent rapport. Je ne peux aujourd'hui que me réjouir d'avoir été entendu, me bornant à regretter le retard pris par la France en ce domaine par rapport à des pays voisins comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, alors même que le patrimoine industriel, pour de nombreuses raisons, est essentiel dans notre pays.
Hors patrimoine, les crédits augmentent dans des conditions qui permettront de réduire la dette que l'Etat avait accumulée en plusieurs années envers les collectivités locales.
En contrepoint de cette avancée globale, il convient de juger ce budget en le mettant en regard de la pierre de touche que constituent les buts de toute politique culturelle et qui sont, à mes yeux, au nombre de trois.
Le premier est l'aménagement culturel du territoire.
Les grands travaux avaient, un temps, concentré l'effort de l'Etat en investissements sur Paris. Ne voyez là aucune critique, car ce qui a été fait à Paris a profité à l'ensemble de notre pays. Il convient aujourd'hui, ces grands travaux étant quasiment achevés, de rétablir l'équilibre.
A cet égard, l'examen du budget montre que le rééquilibrage se poursuit. Ainsi, au sein du titre IV, 73 % des crédits de l'Etat seront destinés à l'action culturelle en province.
S'y ajoute, là encore, la déconcentration des crédits qu'il conviendra de juger lorsque entrera en application la charte du service public, au 1er janvier prochain, de manière à garantir la nécessaire impartialité de la politique culturelle de l'Etat.
Quant à la politique d'implantation des équipements culturels, elle a pris du retard car, sur les 800 millions de francs prévus en 1994 par le CIAT de Troyes, seule une grosse moitié a été consommée, alors même que la période expire l'année prochaine. Il est à souhaiter qu'une politique de grands travaux en province puisse se poursuivre, voire s'amplifier.
Deuxième but : la démocratisation culturelle grâce à l'éducation artistique. Notre pays a, pendant longtemps, dans ce domaine, accumulé un retard qu'il s'efforce de combler. Vous avez, madame la ministre, souligné devant la commission qu'il s'agissait pour vous d'une priorité.
En 1999, les crédits concernés augmenteront de 2,4 % en dépenses ordinaires. Cette évolution est globalement satisfaisante.
Je nuancerai néanmoins ce jugement en indiquant que, si les grands établissements publics d'enseignement artistique en profitent, l'enseignement artistique dans le primaire et dans le premier cycle du secondaire n'est sans doute pas - mais il faut que les esprits évoluent sur ce point - aidé comme il le mériterait.
Enfin, troisième but d'une politique culturelle : la protection et la mise en valeur du patrimoine.
Le champ d'intervention de l'Etat ne cesse de s'accroître et la loi d'orientation du 31 décembre 1993 lui a solennellement confié cette charge.
Un seul chiffre, mes chers collègues : 39 600 immeubles sont aujourd'hui protégés et relèvent par conséquent directement de cette responsabilité de l'Etat. C'est dire l'ampleur, madame la ministre, de la mission de votre ministère à cet égard, mission qui répond à une attente des Français, comme l'a montré le succès des journées du patrimoine.
L'Etat n'est pas seul : les collectivités territoriales interviennent, les propriétaires privés aussi. La Fondation du patrimoine, créée sur l'initiative d'un rapport de notre collègue M. Hugot, doit permettre de développer le mécénat.
Il est néanmoins essentiel que l'Etat continue d'accomplir un effort considérable.
A cet égard, un point me préoccupe : la faiblesse des crédits destinés au patrimoine non protégé. Ce patrimoine, qui irrigue l'ensemble du territoire, pèse lourdement sur le budget des communes, car le passé leur a souvent légué des monuments qui représentent une charge démesurée par rapport à leurs capacités financières.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très juste !
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il est donc à souhaiter que, dans les prochains budgets, le patrimoine rural non protégé bénéficie de moyens substantiellement renforcés.
Ma dernière préoccupation, s'agissant du patrimoine au sens large, a trait à l'insuffisance - mais il convient d'aller au-delà du budget pour l'apprécier - des crédits d'acquisition des musées. Les trésors nationaux nous échapppent, compte tenu tant de l'évolution du marché de l'art que des règles juridiques qui découlent de la jurisprudence Walter. Certains d'entre eux ont pu être acquis mais d'autres sont partis définitivement à l'étranger.
Il faudra sans doute, madame la ministre, réfléchir pour l'avenir à un système différent d'acquisition des trésors nationaux, comparable à celui qui a cours dans la plupart des pays européens, de manière à aider nos musées à compléter leur collection.
La discussion est ouverte sur ce point, qui déborde d'ailleurs l'examen de vos crédits pour 1999.
Pour conclure, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'indique que, sous le bénéfice des observations que j'ai formulées, la commision des affaires culturelles a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le cinéma et le théâtre ont en commun de bénéficier de mécanismes de soutien public. Ces mécanismes, très différents dans leurs modalités, visent un même objectif : garantir la liberté de création et la diversité de l'offre culturelle.
L'année 1998 a été à nouveau l'occasion de réaffirmer qu'on ne saurait s'en remettre aux seuls mécanismes du marché et de la compétition économique pour atteindre les objectifs de la politique culturelle menée en ces domaines. Tel est du moins le sens que je donne, madame la ministre, à la décision du Gouvernement de ne pas reprendre les négociations de l'accord multilatéral sur les investissements.
La fermeté avec laquelle le Gouvernement a défendu l'exception culturelle a suscité en France un débat qui a souligné la pertinence de ce principe et qui a permis à nos principaux partenaires européens de prendre conscience des enjeux culturels d'une telle négociation. Nous nous en félicitons.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de budget qui concernent le cinéma et le théâtre.
Les crédits relatifs au cinéma s'élèveront en 1999 à 1 640 millions de francs, en augmentation de 4,8 % par rapport à 1998. Cette évolution significative s'inscrit dans un contexte favorable à l'industrie cinématographique.
La nouvelle phase de croissance que connaît depuis cinq ans le cinéma français se poursuit. La fréquentation progresse ; elle a atteint en 1997 son niveau le plus élevé depuis douze ans. De même, la création fait preuve de dynamisme et connaît un renouvellement accru : la moitié des films français produits en 1997 étaient des premiers ou des seconds films.
Le secteur de l'exploitation profite également de cette embellie : l'ouverture de salles nouvelles se poursuit à un rythme soutenu, et ce essentiellement grâce à l'essor des multiplexes.
A cet égard, je vous ferai part, madame la ministre, d'une interrogation. Si le développement des multiplexes contribue incontestablement au renouveau de la fréquentation, il entraîne en revanche un processus de concentration de l'offre qui ne sera pas sans conséquences sur la diffusion des oeuvres cinématographiques. La logique culturelle de ces implantations n'est pas encore suffisamment prise en compte - j'insiste sur ce point, comme l'ont fait plusieurs de mes collègues en commission, notamment Jack Ralite - et les mécanismes de régulation sont, de ce point de vue, imparfaits.
Dans cette perspective, nous serons attentifs aux conséquences de la réforme du soutien automatique à l'exploitation mise en oeuvre cette année et destinée à en accroître l'effet redistributif.
Je rappelle que cette réforme s'inscrit dans le processus de modernisation des aides à l'industrie cinématographique engagé dès 1996. Après la modification des mécanismes de l'avance sur recettes opérée en 1997, ce sont le soutien automatique à l'exploitation et la procédure de l'agrément qui ont été réformés cette année. Je formule le souhait que cette adaptation des mécanismes de soutien au secteur du cinéma soit poursuivie en 1999.
J'avais souligné, l'an dernier, au nom de la commission des affaires culturelles, l'intérêt de la politique de conservation et de valorisation de notre patrimoine cinématographique. A cet égard, je salue la décision de créer la Maison du cinéma, projet trop longtemps retardé, qui devrait voir le jour d'ici à l'an 2000, ainsi que l'effort d'investissement destiné à améliorer les conditions de stockage des films anciens ; pour être plus modeste, cette action n'en était pas moins nécessaire.
Si l'Etat joue un rôle prépondérant dans la politique du cinéma, les collectivités locales tendent à en devenir des partenaires actifs. A cet égard, l'action efficace conduite par le Centre national de la cinématographie pour développer la coopération entre l'Etat et les collectivités locales, afin de faire du cinéma un pôle de développement économique et culturel, me paraît essentielle.
Depuis 1989, 133 conventions ont été signées avec 126 collectivités territoriales. Cette coopération, qui s'est établie en premier lieu avec les communes et les départements, concerne désormais également les régions. Elle permet de développer des actions de promotion du cinéma, en particulier en faveur du jeune public.
Au-delà de cette politique de coopération, qu'il est nécessaire de poursuivre, les collectivités lcoales s'impliquent volontiers dans des actions en faveur de la diffusion du cinéma ou encore dans la construction ou l'acquisition de salles, comme en témoigne l'activité de l'association Ville et cinéma, dont je suis les travaux avec attention.
A cet égard, l'Association des maires de France, animée avec efficacité et simplicité par notre collègue Jean-Pierre Delevoye, dispose de toutes les compétences souhaitables pour stimuler cette démarche attendue par les municipalités, y compris dans une stratégie intercommunale.
Nous aurons donc le devoir de nous rapprocher de la commission chargée de suivre cette question à l'Association des maires de France.
Dans cette perspective, ne serait-il pas opportun de réfléchir à un assouplissement des règles juridiques qui limitent aujourd'hui les possibilités d'intervention directes des collectivités locales en faveur de l'industrie cinématographique ?
J'en viens aux crédits qui sont dévolus au théâtre.
Cette année, plus encore que l'an dernier, l'opacité du document budgétaire résultant de nouvelles modifications de la nomenclature rend très difficile, à la seule lecture du « bleu », l'identification des crédits consacrés au théâtre.
En outre, la fusion des directions du théâtre et du spectacle, d'une part, de la musique et de la danse, d'autre part, est venue compliquer encore la tâche. Parfaitement légitime, ce regroupement administratif ne facilite pas à l'évidence, dans l'immédiat, l'exercice du contrôle parlementaire. Ne pouvant vous fournir, faute d'informations nécessaires, un état détaillé des crédits du théâtre, je me contenterai de vous faire part de deux motifs de satisfaction et de deux motifs d'interrogation.
Tout d'abord, s'agissant des deux motifs de satisfaction, la progression globale des crédits permet de consolider l'effort budgétaire engagé en 1998 en faveur du théâtre. Les dotations de fonctionnement des théâtres nationaux s'élèveront, en 1999, à 359 millions de francs, soit une progression de 2,7 %.
Par ailleurs, les subventions des institutions de la décentralisation théâtrale devraient bénéficier d'une partie des mesures nouvelles décidées en faveur du spectacle vivant dans une proportion que je vous demanderai, madame la ministre, de nous confirmer.
Les avancées significatives accomplies cette année afin de remédier aux difficultés structurelles du régime des intermittents du spectacle constituent un second motif de satisfaction. C'est un point extrêmement important.
Un accord destiné à limiter le recours au contrat à durée déterminée a été approuvé par les professionnels et l'article 6 de la loi du 2 juillet 1998 portant DDOEF a rendu possible la création d'un guichet unique pour la déclaration et le paiement des charges sociales.
En dépit de ces éléments positifs, la politique du théâtre pour 1999 n'est pas exempte d'incertitudes.
Le budget pour 1999 se caractérise par une plus grande déconcentration des crédits. Après la déconcentration, en 1998, de l'ensemble des crédits consacrés aux scènes nationales et de la plupart des crédits affectés aux compagnies et aux festivals, les crédits relatifs aux centres dramatiques nationaux seront, à leur tour, déconcentrés en 1999.
La mise en oeuvre de la déconcentration s'est heurtée, cette année, à des difficultés administratives qui se sont traduites, notamment, par un allongement des délais de versement des subventions. Je ne m'étendrai pas sur les difficultés qu'une telle situation peut entraîner pour l'activité des structures théâtrales, vous les connaissez aussi bien que moi.
Certes, la déconcentration répond à un besoin réel, mais elle ne sera profitable que si le ministère de la culture accompagne cette réforme d'une redéfinition du rôle de l'administration centrale. Cette dernière doit, plus que par le passé, se consacrer à sa fonction de conception et d'impulsion. En ce domaine, des progrès restent à accomplir.
L'élaboration de la charte des missions de service public devrait y contribuer. Ce texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1999, a vocation à s'appliquer à l'ensemble des structures théâtrales, y compris les théâtres nationaux. Nous serons donc, là encore, très attentifs aux conditions de sa mise en oeuvre, qui doit garantir la cohérence de la politique culturelle.
Enfin, les conséquences de la circulaire du 15 septembre dernier, destinée à clarifier le régime fiscal des associations, constituent un second motif d'interrogation. Les effets de ce nouveau régime fiscal sur les structures théâtrales, qui sont nombreuses à exercer leur activité sous statut associatif, sont en effet incertains.
Les mesures d'apurement du passé sont incontestablement positives et sauveront nombre d'associations. Mais, pour l'avenir, une lecture pessimiste de l'instruction fiscale s'impose, et il est à craindre que beaucoup d'associations ne soient imposées au titre des impôts commerciaux.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une mesure de compensation pour les associations culturelles qui se trouveraient dans ce cas : les collectivités locales pourront porter de 50 % à 100 % le taux de l'exonération de la taxe professionnelle dont elles peuvent bénéficier. Il est peu probable, cependant, que cette mesure permette de compenser le coût de la fiscalistion. Dans ces conditions, pour les associations soutenues par les collectivités locales ou par l'Etat, se posera, à terme, la question de la réévaluation de leurs subventions.
Le projet de budget pour 1999 traduit bien la volonté du Gouvernement de soutenir la création artistique et cinématographique. Cette volonté s'accompagne d'un souci de réformer et de moderniser les mécanismes de soutien, afin d'en accroître l'efficacité.
Compte tenu de ce constat, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique (Applaudissements.).
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 28 minutes ;
Groupe socialiste : 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 29 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, traditionnellement, quand on examine le budget de la culture, on parle chiffres et comptes et l'on s'essaie à voir les correspondances constructives qui existent entre ces chiffres et des finalités concernant les arts et la culture.
Incontestablement, le budget pour 1999 compte mieux et je sais l'opiniâtreté dont vous avez fait preuve, madame la ministre, pour obtenir ces 3,5 % supplémentaires ou, en d'autres chiffres, ces 525 millions de francs de mesures nouvelles.
Ici où là, j'ai cependant entendu la remarque critique sur le 1 % pas encore atteint. Je la partage en ce sens qu'il s'agit d'une symbolique, mais je répète ce que j'ai déjà dit l'an passé : le 1 % est un plancher et il faut l'utiliser plus comme un élan que comme un but.
Votre travail, madame la ministre, a cela de spécifique dans le travail gouvernemental qu'il concerne des domaines, notamment celui de l'art, dont le sens ne dépend pas du mot « utile ».
Georges Bataille, dans un court et phosphorescent petit livre, La Notion de dépense, écrit : « Chaque fois que le sens d'un débat dépend de la valeur fondamentale du mot utile, il est possible d'affirmer que le débat est nécessairement faussé et que la question fondamentale est éludée. » Et il poursuit : « L'utilité classique a théoriquement pour but le plaisir, mais seulement sous une forme tempérée. » Parlant notamment de l'art et du jeu, Georges Bataille ajoute : « Le plaisir est réduit, en définitive, à une concession, c'est-à-dire à un délassement dont le rôle serait subsidiaire. »
Précisément, il n'y a pas d'art tempéré. L'art n'a pas un rôle subsidiaire, il n'y a que des arts « luxe de l'inaccoutumance ». L'art résiste, convoque la pensée, travaille sur l'exception, toutes choses contraires au rôle d'invité du raccroc.
Il s'agit là de données incontournables au moment où le ministère décide d'être, entre autres, légitimement sensible aux arts de la rue, aux musiques amplifiées, à la démocratisation culturelle. Je souhaite, justement, à propos des musiques amplifiées, qui s'appellent aussi musiques actuelles ou musique techno, faire quelques remarques.
De tout temps, la musique, quelle qu'elle soit, et la machine ont été en relation. L'institut de recherche et de coordination acoustique-musique, l'IRCAM, en est la symbolique contemporaine, mais pas seulement. Parmi la jeunesse, il existe une grande familiarité avec la musique complice des nouvelles technologies. Il y a là une vitalité qui joue un vrai rôle dans la création vivante d'aujourd'hui et qui travaille la société à bras-le-corps, la société qui connaît malheureusement un certain « réensauvagement ».
Mais cette émergence qui s'exprime dans des musiques conceptuelles et dans d'autres musiques, notamment intuitives, connaît un problème, celui de la catégorisation de leur approche, avec ce que cela masque sur le plan des contenus et révèle sur le plan des tendances qui ne se reconnaissent pas, d'autant que le commerce s'en mêle abondamment.
C'est, bien sûr, pour le ministère une difficulté, que seule la référence à la création permet de maîtriser. Sinon, on parlerait de plus en plus de musique amplifiée, et il y aurait de moins en moins de musique. C'est non pas l'originalité, mais le nombre qui prendrait alors le dessus, le nombre utile, utile à quoi ? A un défilé qui se satisferait, voire fabriquerait de l'homme unidimensionnel qui écouterait toujours la même chose, alors que l'ordre du jour est l'homme multidimensionnel, y compris dans la plèbe, qu'il soit à la Florida d'Agen, à Uzeste, à l'Aéronef à Lille, à l'IRCAM, à Musica à Strasbourg ou au Conservatoire national de région d'Aubervilliers-La Courneuve, avec cette problématique de l'écoute si chère à Luigi Nono, de l'écoute des voies oubliées, réprimées, censurées, secrètes ou inconnues, des voies intérieures auxquelles la musique donne leur envol.
« Réveiller l'oreille », tout est là ! Evidemment, ce genre d'attitude ne correspond pas bien aux besoins du marché. C'est l'une des questions centrales, et je vous y sais confrontées, cherchant et construisant la parade, que les états généraux de la culture, pour leur part, appellent depuis bientôt douze ans une responsabilité publique, nationale et sociale, avec ses coordonnées processus : premièrement, audace de la création ; deuxièmement, élan du pluralisme ; troisièmement, obligation de production ; quatrièmement, maîtrise de la diffusion ; cinquièmement, atout d'un large public partenaire des créations, mais aussi s'exprimant et se formant - et là, comme ne pas évoquer l'éducation nationale qui ne comprend pas toujours assez, malgré une circulaire commune avec vous de juillet 1998, que l'enfant et l'artiste habitent le même pays, contrée sans frontières, lieu de transformation et de métamorphose ? - enfin, sixièmement, nécessité toujours plus vive de prendre en compte la dimension internationale, de « taper de ses dix doigts sur le clavier du piano du monde », selon la belle expression de Rosa Luxemburg, dont nous donnions ce matin le nom à un nouveau collège, à Aubervilliers, dans l'un des quartiers les plus pauvres de notre ville, le Landy, où l'on connaît « les belles manières d'être avec les autres », selon Paul Eluard.
Oui, responsabilité publique valable pour le secteur public comme pour le secteur privé !
A ce moment, je veux vous saluer, madame la ministre, car, face à la tentative de l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, de privatiser sans rivage la vie, donc la culture, d'en blesser l'indispensable pluralisme, ce qui a conduit au grand geste gouvernemental d'en récuser et l'esprit et le lieu, club des riches, de sa négociation, je veux témoigner, avec les états généraux de la culture et d'autres qui, inlassablement, depuis 1996, alertent à son propos, que vous avez, dès votre prise de fonctions, dit ce qu'il fallait dire dans un dialogue avec les artistes, dont je veux rappeler les étapes : le festival du cinéma européen de Strasbourg en septembre 1997, les rencontres cinématographiques de Beaune en octobre 1997, le festival de télévision de Biarritz en janvier 1998 et la réunion de l'Odéon en février 1998.
Avant vous, aucun ministre n'avait jamais combattu ni même évoqué l'AMI. Continuez, car une nouvelle étape arrive avec l'Organisation mondiale du commerce, étape dont l'issue dépendra beaucoup de l'attitude française face aux compromis de Londres du 18 mai dernier, qu'il faut rejeter avec vigueur et rigueur.
L'AMI a, en tous lieux et dans toute géographie, les mêmes défauts. Il faut rejeter le TEP avec la même force que celle qui vous a conduite avec nous, à Birmingham, en avril dernier, à refuser la convergence dérégulatrice de l'audiovisuel européen.
J'ai la conviction, madame la ministre, que nous sommes à un tournant de société et qu'il faut choisir nettement entre le marché qu'Alain Minc qualifie de « naturel comme la gravitation universelle », et les hommes et les femmes qui ne veulent plus supporter d'être la seule variable d'adaptation, d'adaptation à quoi ? A l'utile - je retrouve Georges Bataille - c'est-à-dire à l'économie-hégémonie.
Le statut de l'esprit comme le statut du vivant, c'est-à-dire le statut de la culture, est posé à la toute approche du xxie siècle.
Personne ne peut dire, même si les lords anglais ont répandu de l'espérance, qui l'emportera, du « réensauvagement » visible de l'humanité, de cette sorte de fascination du néant, de la barbarie, ou de la civilisation, avec en son coeur l'option d'autrui, c'est-à-dire l'ouverture au monde, la découverte de soi au travers de son semblable.
Vous avez un travail à la fois d'alerte et de construction à assumer, et je le vois dans trois pratiques politiques, avec toujours, en ligne de mire, la reponsabilité publique déjà évoquée.
Premièrement, la culture est le lieu de l'autonomie humaine. Votre fonction d'autorité, qui tient à la nature de l'Etat, doit s'éloigner dans ce domaine de toute instrumentalisation. C'est, je crois, le cas.
Deuxièmement, vous êtes l'Etat et, à ce titre, votre fonction d'autorité est un fait ; elle doit s'orienter à combattre les autres pouvoirs, notamment le marchand. C'est la source de lois régulatrices, d'une sorte de code de la route. L'Etat n'instrumentalise pas les arts, mais il doit empêcher les autres de le faire. En quelque sorte, votre attitude face à l'AMI doit être généralisée.
Troisièmement, vous devez alors favoriser la responsabilité publique et son coeur, le service public, avec ses dimensions, par exemple des critères inégalitaires pour faciliter l'égalité d'accès aux oeuvres de l'esprit.
Vous voyez que je suis pour les lois, y compris dans le domaine de l'audiovisuel, où une loi générale est nécessaire. Oui, je suis pour les lois, et les états généraux vont s'employer à contribuer à en écrire une sur l'audiovisuel à l'occasion d'une réunion qui se tiendra, le 18 février prochain, au Sénat, salle Monnerville. Oui, je suis pour les lois, pour la simple raison que je les préfère aux contrats, qui enregistrent seulement les rapports de force, alors que les lois sont une alchimie entre ces rapports de force et certaines valeurs.
Je sais que les patrons de l'audiovisuel privé disent ne pas vouloir de lois, mais ils ne sont pas la loi, même s'ils doivent être entendus, ainsi que beaucoup d'autres, avant de rédiger la loi, sans laquelle il n'y a pas d'avenir culturel de l'audiovisuel français et de l'audiovisuel européen.
C'est un immense chantier, et son succès a besoin d'un état d'esprit politique qui, habité par l'émancipation sociale, ne se résout jamais ni au consensus mou ni au monde séparé.
Mais, là, je dois dire que ce qui se prépare à Eurodisney ressemble beaucoup à un morceau d'AMI dans un morceau de Seine-et-Marne. Des rumeurs m'avaient alerté et j'ai rencontré, le 27 novembre, l'inspecteur des finances qui gère ce dossier. Par ailleurs, j'ai lu dans Les Echos du 2 décembre dernier l'annonce de la création d'un second parc Disney, qui serait un parc de cinéma, avec des studios de production de films d'animation, des studios de télévision et des studios de doublage, et tout cela à vol d'oiseau des studios de Montreuil, des studios de la SFP et de nombreux studios de doublage.
Dans Les Echos, il est lancé un appel gouvernemental pressant la Caisse des dépôts et consignation de contribuer à financer cette opération à hauteur de 4,5 milliards de francs. Les Echos évoquent une signature à la mi-décembre, autrement dit un contrat. Et la loi ? Et la responsabilité publique ?
Madame la ministre, je vous ai entendue au colloque de la fondation Jean-Jaurès sur la culture et l'Europe tenir à votre nouveau collègue allemand, que nous accueillions ensemble avec plaisir, mais qui était un peu débutant, de fortes paroles sur la façon d'être avec les Etats-Unis dans ce secteur de l'image. La salle, pluraliste, vous a applaudie. Agissez de même dans le cas que je viens d'évoquer qui, au-delà de sa réalité, prend figure de symbole.
Vous savez, vous qui avez, voilà plus de dix-huit mois, animé avec d'autres que vous respectez le grand rassemblement de Strasbourg pour les libertés, le poids de l'imaginaire dans les déterminations humaines.
Je suis de ceux qui pensent que nous manquons du nouvel imaginaire dont notre société a besoin pour vivre, surtout avec l'apparition des nouvelles technologies. Mais, précisément, votre ministère a une contribution capitale à y apporter, et, en ces moments de commémoration non sacralisante de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, rappelons-en l'article 27 :
« 1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
« 2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. »
Il y a là un « en-commun » qui nous est cher comme à vous-même, un « en-commun » à déplisser et à sauvegarder. Il est à déplisser, parce que le monde bouge et l'art, de ce point de vue, est un mutin. Il est à sauvegarder, parce que certaines valeurs sont pérennes, aussi éloigné du tout-Etat que du tout-privé, aussi éloigné du consensus mou et des mondes séparés que j'évoquais tout à l'heure. Nous devons travailler - tâche inouïe - à sortir du calcul des équilibres économiquement profitables et socialement tolérables. Notre ordre du jour, c'est la défense de l'infini, et cela passe par le sujet, les sujets, ces êtres qu'il faut replacer au centre de la société. C'est dur, c'est très dur à faire advenir.
Hier soir, j'étais à Dieulefit, à une rencontre organisée par Témoignage chrétien. J'y ai trouvé confirmation que, selon l'expression de Hölderlin, « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve ».
Votre personne, madame la ministre, est, j'en suis convaincu, du côté de « ce qui sauve ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours très difficile de succéder à M. Ralite, qui vient encore une fois de nous faire la démonstration de son talent. C'est pourquoi je laisse la parole à Ionesco, qui disait : « Celui qui ne comprend pas l'inutilité de l'utile et l'utilité de l'inutile ne comprend rien à l'art. » (Très bien ! sur toutes les travées.)
Après quatre ans d'immobilisme et de régression pendant lesquels le ministère de la culture avait été amputé de 20 % de ses financements, le présent projet de budget, madame la ministre, affirme, pour la deuxième année consécutive, la vocation de l'Etat à jouer son rôle dans le domaine culturel.
Votre action, vous l'avez voulu et dit, « est tendue vers la restauration du service public de la culture ».
Cette restauration se traduit en 1999 par une augmentation de 3,5 % du budget de la culture, après celle de 3,8 % en 1998. Pareille progression est supérieure à celle du budget général de l'Etat, fixée, elle, à 2,2 % ; elle montre que la culture est bien une priorité de ce gouvernement. On n'a jamais été aussi proche depuis 1993 du fameux 1 % symbolique.
Ce budget affirme la volonté d'un ministère plus présent et décidé à entreprendre des réformes. Il comporte trois axes prioritaires.
D'abord, l'administration culturelle va gagner en efficacité dans l'intérêt des artistes et des citoyens, grâce à la mise en place de deux grandes directions à l'échelon central, mais aussi par la poursuite du rééquilibrage entre Paris et la province.
Ensuite, de nombreuses actions seront menées pour rendre accessible à tous la création artistique, pour réconcilier l'art et le public, la création et la diffusion. C'est, en particulier, le but de votre charte des missions de service public, qui devrait être élargie aux autres secteurs de la culture.
Enfin, la politique de sauvegarde du patrimoine, si malmenée sous le précédent gouvernement, sera poursuivie.
Je dirai donc quelques mots, pour commencer, sur la réforme de l'administration culturelle.
L'année 1999 sera la première année pleine où fonctionneront les deux nouvelles directions, issues du rapprochement de plusieurs secteurs, à savoir, d'une part, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles et, d'autre part, la direction du patrimoine et de l'architecture.
Certes, les arts de la scène recouvrent des modes d'expression extrêmement diversifiés, en perpétuelle mutation. Je pense ici aux nouvelles formes que sont le théâtre de rue, héritage direct des amuseurs du Pont-Neuf ou du théâtre de foire du xviiie siècle, ou bien encore aux musiques actuelles.
Mais, au-delà des différences, le théâtre, la musique et la danse ont pour point commun d'être des arts de la rencontre avec les spectateurs et comportent des bases juridiques et économiques identiques. Citons, par exemple, la constitution en troupe, le régime des intermittents et la licence d'entrepreneur de spectacle dont nous redébattrons ici bientôt. Tous bénéficieront désormais d'un traitement commun.
C'est pourquoi je me félicite de ce rapprochement qui, tout en ménageant l'identité de ces disciplines, contribuera à mieux répondre aux demandes des artistes et des institutions. J'espère, au même titre, qu'il favorisera une meilleure répartition des financements entre le théâtre, la musique et la danse, car cette dernière discipline a été longtemps négligée au profit des deux autres. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques précisions sur cette question ?
Quant à la direction du patrimoine et de l'architecture, elle permet de concilier « mémoire et création », mais aussi « monument et ville ». Le paysage urbain sera ainsi mieux pris en compte parce que « l'important, ce ne sont pas les choses, c'est la relation entre les choses », disait déjà Braque. Il est souhaitable que des actions communes puissent être menées en matière de diffusion, afin que, comme le patrimoine, la recherche architecturale puisse être mieux connue du grand public.
J'ajoute que les crédits du patrimoine vont à nouveau augmenter, ce qui représente, en deux ans, une hausse de 42,5 %. L'accent sera mis sur l'achèvement et le démarrage d'importants travaux de restauration, comme la consolidation du Grand Palais ou l'installation de la cité de l'architecture et du patrimoine dans l'aile Passy du palais de Chaillot.
Puis-je néanmoins regretter que les travaux de l'Odéon soient encore repoussés de deux ans ? Il est vrai que le retard pris par vos prédécesseurs en matière de sauvegarde du patrimoine, madame la ministre, n'est pas sans conséquences négatives sur le montant global aujourd'hui nécessaire. C'est, parmi d'autres, l'une des raisons concrètes pour que le budget de la culture augmente encore sensiblement dans les années à venir, afin que la part dévolue au patrimoine ne pénalise pas les autres secteurs.
J'en viens maintenant à votre politique de rééquilibrage des crédits en faveur de la province. Elle passe par un double mouvement de déconcentration et de décentralisation.
Le déséquilibre entre Paris et la province - je quitte là un instant mes préoccupations d'élue parisienne - quoi-que encore trop important, tend à se résorber : en 1998, hors établissements publics, les crédits de l'Etat affectés à Paris s'élèvent à 39,1 % et ceux qui sont réservés à la province à 55,4 %, soit une hausse de 2 % en faveur de cette dernière par rapport à l'année 1997. Peut-être pourrez-vous nous préciser tout à l'heure, madame la ministre, la part effective de l'intervention de l'Etat en direction de Paris et de la province pour l'année 1999 ?
En ce qui concerne la déconcentration, comme vous le savez, mes chers collègues, c'est non pas de « moins d'Etat » qu'il s'agit, mais d'un Etat plus proche de nos concitoyens. Confier plus de crédits aux DRAC, c'est s'assurer d'une meilleure implantation locale des projets culturels comme des institutions, dans l'intérêt du public. C'est aussi assurer aux artistes un suivi plus personnalisé de leurs projets.
Mais la déconcentration suppose également, nous y reviendrons tout à l'heure, une augmentation des ressources humaines dans les DRAC, afin qu'elles puissent affronter leurs nouvelles missions. J'attire en particulier votre attention, madame la ministre, sur la DRAC d'Ile-de-France, qui fut pendant longtemps la grande oubliée de la déconcentration. Lui garantira-t-on, cette année, les moyens de ses missions ?
En ce qui concerne la décentralisation, vous avez décidé d'apurer la dette de l'Etat envers les collectivités territoriales, passif du précédent gouvernement. Je crois que ce geste est particulièrement apprécié au Sénat. Voilà qui permettra d'entamer, sur des bases saines, la négociation des prochains contrats de plan 2000-2006. Alors que les collectivités territoriales apportent désormais 70 % du financement de la culture, ces contrats renforcent et développent les réseaux culturels.
Dans les régions où des alliances scandaleuses ont amené la participation du Front national à l'exécutif, de nombreux artistes se sont vu privés de leurs subventions. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les mesures que vous envisagez pour faire face à ce grave problème ? Cette question se posera d'autant plus lors de la négociation des futurs contrats de plan Etat-régions. Je salue au passage votre initiative de créer un comité de vigilance pour la culture et la création. Il n'est pas concevable que, dans notre pays, on ose établir des listes noires, dans lesquelles sont nommément désignés les professionnels à réduire au silence.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il n'y a pas une liste rouge non plus !
Mme Danièle Pourtaud. Mon cher collègue, il ne faut pas plaisanter avec de tels sujets ! C'est vraiment trop grave.
M. Jean Chérioux. Arrêtez de donner des leçons !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mme Danièle Pourtaud. L'une des principales difficultés rencontrées par le ministère de la culture - nous l'avons vu au travers de récents mouvements de protestation - tient aux effectifs, tant en ce qui concerne leur nombre que leur affectation. Disons-le tout net : la situation n'est pas satisfaisante. Certes, les crédits en personnel augmentent de 4,8 %, mais il n'y aura pas, en 1999, de création d'emplois budgétaires.
La politique de redéploiement des effectifs au sein des DRAC comme des institutions culturelles permettra de parer au plus pressé. Mais qu'en est-il des musées ou d'établissement public comme la Bibliothèque nationale de France, dont une partie du personnel, vous le savez, madame la ministre, était en grève hier encore ?
Cependant, je salue les efforts réalisés depuis deux ans pour lutter contre la précarisation, à la fois par la réduction du nombre des vacataires et l'amélioration de leurs conditions de travail. Ainsi, 450 vacataires seront contractualisés en 1999 et 8 millions de francs permettront de cesser les recrutements abusifs limités à une période de trois mois. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser, à l'occasion de ce débat, les perspectives envisagées en ce domaine pour les années à venir ?
Venons-en à votre politique de démocratisation de l'accès à une création de qualité.
L'enjeu est de taille. En effet, seulement 16 % des Français âgés de quinze ans ou plus se sont rendus au théâtre au cours des douze derniers mois, 11 % à un concert de musique, 7 % à un concert de jazz, comme le montrent les derniers chiffres consacrés aux « pratiques culturelles des Français » publiés en juin dernier. Depuis cinq ans, ces chiffres n'ont pas changé et les écarts tendent à se creuser aux extrémités de l'échelle sociale.
Comment faire pour qu'un plus large public s'intéresse aux oeuvres produites ? Comment favoriser la création et, surtout, la diffusion d'oeuvres d'aujourd'hui destinées à un public d'aujourd'hui ?
C'est le fil directeur de votre action, madame la ministre, mais c'est un travail de longue haleine. A cet égard, je souligne l'augmentation de 4,3 % des crédits d'intervention du titre IV de votre ministère. C'est le spectacle vivant qui bénéficie de la plus forte progression, avec 110 millions de francs de mesures nouvelles, ce qui facilitera l'application de votre charte des missions de service public. Désormais, la subvention des opérateurs du spectacle vivant sera conditionnée par leur effort de diffusion. Vous avez ainsi réaffirmé que le meilleur doit aller au plus grand nombre, et en particulier aux plus démunis.
En effet, l'art est bien un vecteur de la réconciliation sociale. On connaît le voeu de Vilar : « réunir dans les travées de la communion dramatique le boutiquier de Suresnes, le haut magistrat, l'ouvrier de Puteaux et l'agent de change, le facteur des pauvres et le professeur agrégé ». Le théâtre, pour ne citer que lui, plus que national ou populaire, est avant tout un art collectif, capable de recréer le sentiment d'appartenance à la communauté des hommes ; certains diront la vanité d'une référence à ces fantômes du passé, mais quels fantômes ! Force est de constater qu'une telle ambition est bien ce qui fonde avec le plus de sens, pour toutes les formes d'art, l'intervention de l'Etat et le service public de la culture.
Tout cela nous ramène à la question cruciale de l'évaluation. En effet, c'est un fait, le poids des grandes institutions ne fait que croître et paralyse le renouvellement de la création. Les DRAC ne devraient-elles pas tendre vers davantage de transparence dans les critères d'attribution des subventions ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certainement !
Mme Danièle Pourtaud. Ne devons-nous pas continuer à promouvoir avec plus de résolution les initiatives « d'action culturelle » telles celles d'un Armand Gatti ou d'un Gérard Garouste ? Mais, il en est d'autres, à Paris en particulier, qui ne demandent qu'à être mieux connues.
Quoi qu'il en soit, nous sommes bien conscients que le nerf de la démocratisation de l'accès à la culture se situe en amont de la création, par la formation du public. L'école doit jouer un rôle plus important, ce qui passera, cette année, non seulement par l'augmentation des crédits alloués aux conservatoires et aux autres écoles artistiques, mais aussi par un renformcement des partenariats avec l'éducation nationale. Nous voudrions être certains, madame la ministre, que les crédits nécessaires à ce partenariat seront bien dégagés pour les prochaines années.
J'espère que tous ces éléments et ceux qui seront développés par mes collègues du groupe socialiste sauront vous convaincre, mes chers collègues, que ce budget est bien celui de la mise en oeuvre des réformes. Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, madame la ministre, la culture n'est pas un luxe ; elle doit cesser d'être considérée comme la danseuse de l'économie. Espérons que votre budget ne sortira pas dénaturé de cet hémicycle, car le groupe socialiste du Sénat souhaiterait le voter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La paroles est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'an dernier, je citais Yehudi Menuhin et la merveilleuse petite fable par laquelle il nous dit qu'une société est vivante dès lors qu'elle compte autant sur ses violonistes que sur ses comptables, et si elle veille à ce que ceux-ci se parlent, se comprennent et sachent travailler ensemble.
La culture, ce « supplément d'âme », relève évidemment de la transcendance. C'est donc plutôt le violoniste qui conduit l'homme à se dépasser, même au quotidien, surtout là où il vit. C'est bien ce supplément d'âme qui anime l'artiste reconnu, comme celui qui est simplement heureux d'exprimer de plus modestes talents, ou encore l'amateur qui se réjouit d'admirer l'oeuvre d'un autre.
Madame le ministre, votre domaine est bien d'abord perçu comme celui du violoniste. C'est celui du qualitatif et de ce qui n'a pas de prix. C'est dans ce contexte exaltant que vous devez, aujourd'hui, jouer la partition un peu plus ingrate du comptable, partition qui, vous allez le voir, est pourtant aussi exigeante.
Votre domaine est celui de l'artiste et de l'oeuvre. C'est pour eux que vous venez ici parler de politique, c'est-à-dire de l'organisation de la cité, donc aussi du rôle de l'Etat, de la responsabilité et de l'organisation de votre administration et, si possible, de projets.
Alors, pour situer notre débat, je souhaite tout d'abord présenter deux observations. D'une part, l'Union européenne procède essentiellement d'un enracinement dans la culture. L'Europe est d'abord culture ! D'autre part, la culture peut créer des liens suffisamment forts dans la société pour pouvoir représenter un des meilleurs moyens de lutte contre de nombreuses formes d'exclusion.
Assumons donc ensemble, face à ces deux exigences, le rôle du comptable. Vous me semblez vous-même assez satisfaite : votre budget augmente encore plus rapidement que la masse globale des dépenses de l'Etat. Tant mieux pour vous et pour le secteur que vous défendez ! Au risque de passer ici pour un esprit chagrin, je rappellerai tout de même que nous jugeons excessive la progression générale des dépenses de l'Etat puisque nous ne voulons ni vivre à la charge de nos enfants - à travers le déficit budgétaire - ni voir alourdir les prélèvements déjà lourds qui pèsent sur nos concitoyens et sur les enterprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Denis Badré. Cela dit, ceux qui sont attachés au développement des activités culturelles - et j'ai la faiblesse de me compter dans leur nombre - pourraient apprécier de voir votre budget dépasser 15,5 milliards de francs s'ils avaient la certitude que ce « placement » résulte d'un bon dialogue entre comptables et violonistes, et des meilleurs choix. Progression du budget signifie aussi exigences accrues, surtout lorsqu'il s'agit d'un domaine aussi emblématique que le vôtre !
Votre projet de budget ne doit donner lieu à aucune critique et doit vraiment préparer l'avenir. Malheureusement, nous avons toujours du mal à deviner votre stratégie. Nous cherchons vainement quelle vision vous guide.
L'inventeur, l'artisan, l'artiste, le créateur, professionnel ou amateur, ce sera toujours l'homme, qu'il travaille seul ou en atelier, dans une troupe, au sein d'un orchestre ou d'un choeur. Et qu'attend-il de l'Etat ou d'une collectivité territoriale ? Un climat favorable à la création, une reconnaissance et la promotion de son activité, que celle-ci lui permette de vivre, qu'elle procure à ces concitoyens ce « plus » d'humanité qui rend la société meilleure.
L'Etat doit jouer, dans ce domaine, un rôle très original : de régulateur et de faciliteur bien sûr, de mentor et de formateur certainement, de mécène souvent, d'appui à la création et à l'expression probablement. Il doit aussi accompagner les efforts de tous ceux qui, à travers la culture, tissent des liens sociaux dans les associations, les quartiers, les villes ou les entreprises. La collectivité nationale, enfin, ne doit pas oublier que la culture représente un réservoir d'activités et d'emplois : 3 millions de personnes travaillent pour la culture ou en vivent dans l'Union européenne, dont 500 000 dans le seul secteur de la musique...
Compositeurs, auteurs ou interprètes, instrumentistes ou luthiers, aquarellistes ou fabricants de couleurs, costumiers, éclairagistes ou acteurs, metteurs en scène ou vendeurs, notamment, tous exercent de vrais métiers. Ils contribuent au produit intérieur brut du comptable. Ils apportent de la richesse sociale.
Leur engagement dans la cité doit être favorisé de manière durable afin qu'ils soient vraiment en situation de donner à leur art le meilleur d'eux-mêmes. Il faudrait pour cela, dans ce secteur aussi, une forme de « pacte de stabilité et de croissance ».
Dans un tel cadre, la recherche d'un statut satisfaisant et durable pour vos personnels nous semble sans doute plus urgente et importante que bien des projets. Madame le ministre, le rythme actuellement soutenu des grèves dans votre secteur - dans les musées ou les bibliothèques, notamment - traduit, me semble-t-il, un vrai désarroi. Je pense qu'il a retenu votre attention. Qu'allez-vous faire pour traiter les problèmes rencontrés par vos vacataires ? Avant de parler d'emplois-jeunes, ne faut-il pas traiter le problème de l'emploi précaire dans votre administration ?
Au-delà de celle-ci, et plus généralement, tout ce qui concerne les formations dans le secteur de la culture doit être privilégié : formation des jeunes en liaison avec l'éducation nationale, formation professionnelle aussi. Je le disais voilà un an, et je le répète car je vois très peu de progrès sur ce point. Je crains même, au contraire, que la création d'une direction du spectacle ne pousse à donner priorité à l'événement. Je ne vois pas pourquoi l'Etat assume ses devoirs lorsqu'il s'agit de former ingénieurs, médecins ou juristes, et se repose en grande partie sur les communes lorsqu'il s'agit de former les professionnels de la musique. Ce n'est pas la ville de Nanterre qui porte l'université du même nom. Pourquoi le contribuable de Ville-d'Avray est-il appelé à participer, dans une proportion croissante d'ailleurs, au financement des formations professionnelles assurées par l'Ecole nationale de musique et de danse de cette ville ?
C'est doublement malsain.
D'une part, cela accrédite en effet l'idée que ces formations au rabais débouchent sur des métiers au rabais ou à part. Nous ne sommes pourtant plus au temps de l'excommunication des saltimbanques !
D'autre part - et c'est plus grave - la pérennité de ces formations est à tout moment menacée puisqu'elles dépendent du bon vouloir des communes qui peuvent être à court de moyens ou procéder à de nouveaux choix.
Madame le ministre, nous sommes ici au coeur d'un vrai problème : « qui fait quoi ? » D'importants efforts sont consentis par vous-même, par nos villes, nos départements et nos régions. Ne les laissons pas gaspiller. Malheureusement, beaucoup de ces efforts se perdent. Des initiatives souvent généreuses et de qualité retombent, faute de suivi, en provoquant alors amertume et frustration.
Après avoir été encouragées à s'engager dans des actions séduisantes, nos communes sont ensuite abandonnées à elles-mêmes. Seules en face de réalisations évidemment intéressantes, elles s'épuisent à essayer de poursuivre...
Nous sommes bien dans un domaine où, comme ailleurs, décentralisation et déconcentration s'imposent, dans l'intérêt même de la culture. Pour le groupe de l'Union centriste, c'est bien sur ce point, plus que sur une augmentation de votre budget, que vous devez porter l'effort principal, si vous voulez accroître l'efficacité de l'action de votre ministère. Dans l'obscurité actuelle, ce sont en effet toujours nos villes qui se trouvent finalement seules face aux problèmes des uns et des autres. Jusqu'à quand pourront-elles effectivement faire face ? Avant de lancer de grandes actions nationales, plus ou moins spectaculaires, il faut bien voir que la culture, c'est d'abord le terrain. Avant d'engager une action nouvelle quelle qu'elle soit, veillez à éviter la fermeture des bibliothèques de quartier ou des conservatoires de musique.
Une réelle décentralisation doit donner un cadre « pour aider à gérer », et non des contraintes qui découragent. Si votre direction du spectacle doit d'abord donner priorité aux formations, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, elle doit ensuite s'efforcer d'accompagner et d'encourager les initiatives locales. La culture, ce n'est pas l'Etat. Ce n'est pas non plus nos villes. C'est « dans » nos villes et surtout « avec » nos villes, et c'est parfois « avec » l'Etat.
C'est dans cet esprit aussi que nos monuments historiques doivent être gérés : d'abord pour le public auquel ils appartiennent. C'est en particulier vrai pour le parc de Saint-Cloud dont j'aurai sans doute très prochainement l'occasion de vous reparler : contrairement aux engagements pris par votre prédécesseur, les communes riveraines ne sont que très inégalement associées à la réflexion et aux choix d'aménagement faits par le parc. C'est certainement dommage à beaucoup d'égards !
C'est dans cet esprit, enfin, que je cherche actuellement comment faire pour que l'une de nos plus grandes cantatrices puisse apporter son concours à sa ville - la mienne - en encadrant la classe de chant lyrique de notre école de musique. Sur le plan général, il faut évidemment des conditions de diplômes et des grilles d'emplois. Mais il faut aussi, surtout dans ce domaine de la culture, que les responsables locaux disposent de marges de manoeuvre et d'espaces de liberté.
C'est en effet, madame le ministre, mes chers collègues, surtout dans ces espaces de liberté que pourra s'épanouir pleinement ce supplément d'âme qu'apporte la culture. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part des observations que notre collègue Ambroise Dupont m'a demandé de présenter à l'occasion de l'examen des crédits du ministère de la culture.
Auparavant, je voudrais, à titre personnel, faire une réflexion de portée générale pour relativiser certains chiffres. Vous détenez, madame la ministre, 0,97 % du budget général de l'Etat. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de culture française, sinon, il n'y aurait pas d'industrie française puisque le budget du ministère de l'industrie ne représente que 0,94 % du total du budget !
J'en reviens aux remarques de M. Ambroise Dupont.
Depuis plus de vingt ans, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE, remplissent la mission que leur a confiée la loi du 7 janvier 1977 : « contribuer à développer l'information et la participation du public à la formation des intervenants de la construction, le conseil aux candidats qui désirent bâtir et, enfin, l'aide aux collectivités locales et aux administrations publiques ».
L'assistance à la maîtrise d'ouvrage est largement appréciée des collectivités locales, en particulier en milieu rural, aussi bien pour la préparation d'opérations d'urbanisme que pour l'amélioration de la qualité architecturale des constructions publiques.
Les CAUE ont, en outre, contribué à l'application de plusieurs textes législatifs, en apportant une assistance pédagogique aux collectivités publiques et aux particuliers.
Mais leur intervention, efficace et discrète, se heurte à l'interprétation littérale de la loi que donnent certaines administrations.
Celles-ci proposent ainsi souvent, à la satisfaction générale, des modules de formation destinés aux élus ou aux fonctionnaires concernés par l'urbanisme et l'architecture.
Or, une divergence d'interprétation de la notion de gratuité des prestations des CAUE est apparue entre vos services, madame la ministre, et les services déconcentrés du ministère de l'économie et des finances. Certains trésoriers-payeurs généraux ont même estimé que la loi interdisait la signature de conventions de formation assorties de contributions financières entre les collectivités publiques et les CAUE.
Or la plupart des CAUE manquent de moyens.
C'est pourquoi il paraît indispensable d'envisager une modification de leur champ de compétences et une clarification de la loi sur l'architecture en raison de l'importance de leur mission dans le domaine de la formation.
Cette question est cruciale car, d'ores et déjà, nombre de CAUE ne survivent que grâce à l'aide que leur apportent les départements. Convenez, madame la ministre, qu'il serait singulier que les départements puissent accorder une subvention aux CAUE, alors même que les trésoriers-payeurs généraux refuseraient leur visa pour des conventions rémunérant des activités qui, à l'évidence, ne peuvent être prises en charge par le secteur concurrentiel.
On doit d'ailleurs souligner que, loin d'être les concurrents des architectes et des urbanistes, les CAUE jouent bien souvent un rôle précurseur en matière d'urbanisme et suscitent de nouvelles commandes pour le secteur libéral. Il suffit, par exemple, d'évoquer les progrès considérables réalisés dans nombre de départements en matière d'aménagement des coeurs de villages.
Il ne s'agit donc nullement de fausser la concurrence au détriment des architectes ou des urbanistes mais, tout simplement, de permettre la mise en oeuvre d'opérations échappant au domaine du marché.
Madame la ministre, vos services préparent une réforme de la loi du 7 janvier 1977 sur l'architecture, ce dont il faut se féliciter.
Il est nécessaire que ce texte conforte les CAUE dans leur mission et qu'il modernise leur statut, tout en précisant de façon claire les contours de la notion de gratuité du conseil en architecture. Le service public dévolu au CAUE se doit d'être confirmé et développé.
Il y aurait également lieu de clarifier les relations qui peuvent exister entre les CAUE et les architectes des Bâtiments de France, au goût parfois impérieux et juridiquement sans appel. Les avis requis du service des Bâtiments de France sont parfois contradictoires avec ceux du CAUE. Il convient donc de clarifier l'opposabilité des différents avis, pour éviter que les pétitionnaires ne soient empêchés de réaliser leurs projets faute d'un accord précis sur leurs demandes. Trop souvent, le projet qu'ils présentent n'est pas remis en cause, mais la longueur de la procédure n'en exerce pas moins un regrettable effet de blocage. De fâcheuses conséquences s'ensuivent pour l'économie locale, sans compter l'incompréhension que ces contradictions entre services publics suscitent chez les usagers. Il faut porter remède à cette situation. Où en est, madame la ministre, la commission d'appel dont nous avons prévu la création ?
Plusieurs membres de la Haute Assemblée, de tous horizons politiques, ont manifesté, devant le retard constaté, leur préoccupation face aux problèmes que rencontrent les CAUE. Tous sont désireux que le Gouvernement procède à une réforme dans un délai qui ne saurait excéder le terme de l'année à venir, faute de quoi ils devraient prendre eux-mêmes une initiative de portée législative.
Depuis plus de vingt ans, les CAUE mènent une action sur le terrain. Ils ont été, en matière d'architecture, des agents de sensibilisation des acteurs locaux dans un domaine dont la loi de 1977 souligne à juste titre l'intérêt public.
Il vous appartient donc, madame la ministre - je ne doute d'ailleurs pas de votre démarche - de marquer, par un engagement politique clair, votre politique à cet égard. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'interviendrai sur deux points bien précis : les architectes des Bâtiments de France et les CAUE.
Madame la ministre, je souhaiterais tout d'abord vous interroger sur la procédure nécessitant l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.
En juillet 1993, notre collègue Jacques Pelletier avait pris l'initiative, en tant que médiateur de la République, de déposer une proposition de réforme qui demandait l'institution d'un dispositif d'appel dans les procédures nécessitant l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.
L'adoption par le Sénat, le 21 mai 1996, de la proposition de loi, déposée par Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés, répondait aux préoccupations du médiateur.
L'Assemblée nationale était saisie de la proposition au début de 1997 et, le 28 février, était promulguée la loi n° 97-179 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés. La procédure d'appel est désormais possible pour le maire ou pour l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation ou le permis de construire. Elle s'effectue auprès du préfet de région qui, après consultation de la commission régionale du patrimoine et des sites, créée par l'article 1er de la loi en remplacement de la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique et du collège régional du patrimoine et des sites, émet un avis se substituant à celui de l'architecte des Bâtiments de France.
Toutefois, la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme est subordonnée à la parution d'un décret d'application qui doit préciser la procédure et fixer la composition, les attributions et le mode de fonctionnement de la commission du patrimoine et des sites instituée, dans chaque région, auprès du représentant de l'Etat.
Or, il me semble que le délai de rédaction de ces dispositions réglementaires se prolonge aujourd'hui de manière excessive.
Pourtant, dès la désignation du nouveau gouvernement, les ministres compétents ont été alertés sur le caractère urgent de ce dossier. Le médiateur de la République est intervenu à plusieurs reprises pour faire activer la sortie de ce décret. De nombreux parlementaires vous ont interrogée, madame la ministre, sur les délais de mise en oeuvre de la loi du 28 février 1997. Les réponses ont longtemps été dilatoires, voire contradictoires, et c'est peu dire que les nombreux engagements successifs sont restés lettre morte. Sans vouloir en dresser la liste exhaustive, on peut ainsi relever que, le 28 octobre 1997, notre collègue André Egu avait obtenu pour réponse à sa question orale sans débat que le projet de décret serait présenté au Conseil d'Etat dans les premières semaines du mois de décembre 1997. Cependant, le 26 janvier 1998, M. Guy Lengagne s'était vu répondre à sa question écrite que la consultation entre les ministères concernés, nécessaire s'agissant d'un projet de décret, était en cours.
Puis, le 19 mai 1998, notre collègue Joseph Ostermann avait obtenu l'engagement que le projet de décret serait transmis au Conseil d'Etat dans les tout prochains jours et qu'il devrait donc être publié avant l'été.
Enfin, le 11 juin dernier, revenant à la charge par une nouvelle question orale, notre collègue André Egu avait appris que les arbitrages étaient rendus et que les décrets seraient bientôt signés : « c'est une affaire de jours », aviez-vous même ajouté, madame la ministre.
Nous sommes conscients du fait qu'un décret devant faire l'objet d'une concertation interministérielle ne peut pas être pris en quelques semaines. Mais nous sommes aujourd'hui au début du mois de décembre, vingt-deux mois après la promulgation de la loi et, à ma connaissance, le décret tant attendu n'a toujours pas paru.
Je sais qu'un projet a été examiné par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat le 6 octobre dernier : il semble désormais nécessaire de faire diligence pour que le décret soit publié tout prochainement. C'est le souhait et l'attente des parlementaires et de tous les élus locaux de notre pays.
En outre, je souhaiterais savoir quelles sont les dispositions prises pour que la loi du 28 février 1997 soit applicable dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, comme l'a parfaitement souligné notre collègue Jean Clouet, qui se faisait l'interprète de la pensée de M. Ambroise Dupont, avec lequel nous avons beaucoup travaillé ces derniers mois sur les CAUE, nous ressentons, dans nos départements, de vives inquiétudes quant au présent et à l'avenir de ces instances. Malgré le travail remarquable qu'elles réalisent, spécialement en milieu rural, elles connaissent de graves difficultés financières.
Dans certains départements qui ont choisi de porter le taux de la taxe à son plafond, le produit recouvré est inférieur à 500 000 francs !
Sur les quatre-vingt-quatre départements ayant institué la taxe, soixante-quatre l'ont fixée au taux maximal : c'est bien la preuve que les ressources sont insuffisantes. Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions, d'envisager un élargissement de la base de la taxe ou un accroissement de son taux maximal ? On nous a toujours opposé, sur ce point, des arguments techniques qui ne m'ont pas convaincu. Au surplus, l'Etat, qui interdit aux départements de dépasser la plafond de 0,3 % de la valeur des ensembles immobiliers ayant fait l'objet d'une autorisation de construire, n'assume pas ses responsabilités financières.
L'aide de l'Etat aux CAUE qui est inscrite dans le budget du ministère de la culture est dérisoire ! Elle s'élève à environ 4 millions de francs, destinés au financement des vacations des architectes consultants. Cette aide est d'ailleurs le plus souvent versée avec retard ! Ne serait-il pas envisageable de la contractualiser sur plusieurs années ?
Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, d'envisager un versement de la subvention aux seuls départements qui ont porté la taxe au taux plafond ? La maxime « Aide-toi, le Ciel t'aidera » doit s'appliquer aux CAUE.
J'en viens, madame la ministre, à la situation des architectes consultants. Ces architectes étant des vacataires, ils n'ont aucune forme de carrière : leurs contrats à durée déterminée ne durent souvent que de six à huit mois. Leurs rémunérations, qui n'ont pas été revalorisées depuis sept ans, sont très modestes : 235 francs pour une demi-journée dans un département que je connais bien !
En outre, les contrats types qui sont signés lors de leur recrutement sont manifestement inadaptés : songez que le nombre de vacations est limité à douze par personne et par mois, si bien que les CAUE doivent faire appel à plusieurs architectes qui n'interviennent au total jamais plus de six jours par mois !
De ce fait, les architectes consultants ne peuvent pas percevoir les prestations d'assurance maladie, alors même qu'ils y cotisent en tant que salariés, car le nombre d'heures qu'ils consacrent aux CAUE est inférieur au minimum nécessaire pour ouvrir droit aux prestations sociales.
Cette situation est-elle satisfaisante, madame la ministre ? Si vous la jugez, comme moi, particulièrement choquante, qu'entendez-vous faire pour y remédier ?
Certains CAUE ont tenté de sortir de cette situation calamiteuse en réalisant des prestations de formation. Mais voilà que les services de l'Etat donnent une interprétation si réductrice du principe de spécialité que les collectivités locales elles-mêmes ne sont plus en mesure de pallier la carence de l'Etat.
Madame la ministre, vos services ont entamé une réflexion sur le devenir des CAUE. Sachez que plusieurs membres du Sénat sont très désireux de connaître son état d'avancement, voire, mieux encore, d'y être associés.
Je souhaite que vous présentiez rapidement des propositions. Je souligne cependant que les conclusions du rapport présenté voilà trois ans par M. Christian Vigouroux, conseiller d'Etat, ont d'ores et déjà fait le point sur l'essentiel des problèmes que j'ai évoqués.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler, pour conclure, l'une des observations que formulait le rapport précité : « Les CAUE ne sont pas conçus pour survivre. Pour animer, innover, ils doivent disposer des moyens de leur indépendance ou mieux vaut les dissoudre. L'Etat a tout à perdre en laissant vivoter des structures en assistance de survie artificielle. »
Ces propos, madame la ministre, demeurent, hélas ! toujours d'actualité ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'intervenir sur deux thèmes concernant, l'un, l'éducation artistique, l'autre, le patrimoine ; en effet, ce sont là, à mon sens, deux piliers du secteur culturel qui fait actuellement l'objet de nos débats.
S'agissant tout d'abord de l'éducation artistique, je souhaiterais, madame le ministre, que vous puissiez nous définir encore plus clairement le rôle spécifique de votre ministère à l'égard de la cause nationale qu'est l'éducation artistique des jeunes générations. Il importe à mon avis que le ministère de la culture joue à cet égard un rôle croissant pour la bonne raison que le secteur de l'éducation nationale est de façon très dominante le domaine de l'enseignement.
Sans jouer sur les mots, je dirai que le mot « enseignement » comporte le mot « signe » : il s'agit bien d'une démarche relative à la langue, à la façon de concevoir le monde tel que cela s'exprime par le discours.
L'enseignement, c'est mettre en signes, fabriquer de la signification. Par là même, nous voyons bien que l'enseignement est, de façon un peu caricaturale, unidimensionnel par le fait même que bien des aptitudes des jeunes concernant le sens critique, le sens d'autrui - ou bien tout simplement le sens des talents qui peuvent se manifester autrement que par la conscience intellectuelle - semblent rester parfois un peu en friche.
Indéniablement, la culture, les arts permettent d'offrir l'éducation, au sens complet, pour le jeune dans la société moderne.
D'abord, inévitablement, l'éducation artistique incite à la pratique des arts.
Cette pratique doit d'ailleurs faire partie intégrante de l'éducation et favoriser ainsi le développement de cette intelligence de la main, de cette intelligence technique qui vient concurrencer l'intelligence spéculative et compléter la formation.
Mais je voudrais y ajouter une autre dimension, qui concerne plus précisément, à travers l'éducation artistique, la confrontation avec la création des formes, et pourquoi pas leur repérage en termes d'expression des styles, c'est-à-dire des autres manifestations de la diversité des civilisations et des hommes : on rencontre ainsi leur personnalité et on s'y accoutume par la pratique personnelle. C'est une façon de se découvrir et, en même temps, de comprendre autrui.
Enfin, par l'art, par l'éducation artistique, on accède aussi à l'estimation des valeurs, des valeurs artistiques, et par là même à la formation du jugement, voire du jugement critique.
L'art contribue, de la sorte, à former la capacité morale, la capacité d'appréciation. C'est donc à l'égard d'une conception très globale humainement, très exhaustive, que je pose l'exigence d'une éducation artistique plus complète.
C'est bien pourquoi je souhaite que le ministère de la culture puisse jouer un rôle croissant face à une éducation nationale - j'en suis membre, je puis donc en parler en toute complicité -, qui est exagérément tournée de façon logocentrique vers les disciplines spéculatives de l'intelligence, qui, hier, permettaient d'opposer dans la vie économique les cols bleus et les cols blancs.
Le ministre de la culture, en incitant toute une jeune génération à la pratique artistique, peut débloquer cette vision trop réductrice et permettre l'éclosion d'une culture plus large.
S'il est un domaine où nous attendons que les efforts du ministère soient accentués, c'est notamment pour seconder les collectivités territoriales, qui, notamment en matière de musique, de danse mais aussi d'arts plastiques, n'ont pas hésité à ouvrir, en formation post-scolaire ou en liaison avec l'éducation nationale, des formations extrêmement solides dont l'essentiel réside dans le fait qu'elles sont assises sur la rencontre entre le jeune et le créateur.
C'est surtout sur ce point que je voudrais insister, car le contact avec l'art peut passer soit par la forme de l'enseignement et la médiation de l'écriture et de la conscience intellectuelle, soit par la pratique directe.
Le rôle du ministère de la culture est donc de faire en sorte que, dans l'éducation artistique, le contact direct avec le créateur soit privilégié, dans la mesure où il permet, d'une part, au créateur de trouver sa place dans la société par de nouveaux moyens à côté de la production de l'oeuvre, et, d'autre part, aux jeunes générations de côtoyer le créateur. Ce contact peut ainsi être la clé même non seulement de la transmission des savoir-faire artisanaux ou artistiques, mais surtout de l'échange des passions dans la rencontre des enthousiasmes.
J'en arrive tout naturellement à la question que je souhaitais vous poser, madame le ministre : quel est, dans sa ligne de force, dans sa ligne directrice, le rôle que le ministère de la culture se donne en matière de développement de l'éducation artistique, notamment à l'égard de l'éducation nationale ?
Le deuxième point de mon intervention concernera le secteur du patrimoine, et plus particulièrement du patrimoine de proximité.
Nous savons que le patrimoine de proximité, qui fait le charme et la caractéristique de nos paysages urbains ou ruraux, est constitué de centaines de milliers d'éléments remarquables. Or il est bien clair que si l'Etat, qui a ouvert depuis près d'un siècle le grand chantier du patrimoine, s'est réservé les oeuvres majeures dites classées ou inscrites, il n'a pas fait de même vis-à-vis du petit patrimoine, qui est souvent resté en deshérence.
Ce dernier appelait une approche plus globale que celle que l'on connaît aujourd'hui et, trop souvent, le seul recours a été et demeure de s'adresser aux propriétaires, parfois de condition très modeste, ou de faire appel aux collectivités territoriales.
Cette hypothèse ne doit pas être rejetée, mais une autre idée a germé voilà quelques années dans notre pays - et le Sénat en a été le relais - qui a consisté à faire naître et croître un organisme susceptible de mettre au service du petit patrimoine un mouvement ascendant ordonné autour d'une fondation.
Vous avez tous reconnu la Fondation du patrimoine et, à ce sujet, madame le ministre, si l'administrateur de la Fondation que je suis sait que, aujourd'hui, les moyens et l'organisation nationale, régionale et départementale sont en cours de mise en place et sont désormais opérationnels, il considère néanmoins que nous devons avancer dans cette voie.
Il importe donc que la labellisation, disposition introduite dans le code général des impôts, soit enfin activée par la promulgation du décret d'application. Notre excellent rapporteur spécial, M. Nachbar, y a d'ailleurs fait allusion dans son rapport : aux termes de cette disposition, « sont déductibles du revenu imposable les charges foncières afférentes aux immeubles labellisés par la Fondation du patrimoine si ce label est délivré sur avis favorable du service départemental de l'architecture ».
Un dialogue s'est instauré à ce sujet entre les services des différents ministères et la Fondation et nous attendons que le décret tant espéré - il était prévu pour le deuxième semestre de 1998 - qui permettra à la Fondation de se tourner vers les propriétaires publics ou privés et de leur proposer d'accompagner leur développement, soit enfin publié.
Vous savez quelle est l'ambition de la Fondation : il ne s'agit pas moins que de mobiliser, par le mécénat notamment, quelque 2 millions de francs par département et par an. De la sorte, chaque année, sachant que les participations de la Fondation sont estimées à 20 % des chantiers, c'est environ un milliard de francs qui permettront l'ouverture de nouveaux chantiers patrimoniaux. Et, lorsque l'on compare, madame le ministre, ce milliard de francs avec les efforts de l'Etat, qui, en matière patrimoniale, tournent autour de 1,5 milliard de francs, on voit bien qu'il y a là un effet multiplicateur dont les retombées sont diverses. A terme, même Bercy devrait d'ailleurs se retrouver gagnant !
Pour cela, il faut investir dans le pari que les incitations du label de la Fondation à engager des chantiers nouveaux seront suffisamment fortes pour permettre l'ouverture de ces chantiers, et donc, vous l'avez bien compris, la capacité de développement des entreprises spécialisées ainsi que le maintien de l'emploi dans ce secteur très porteur où il importe d'avoir une continuité dans les commandes pour pouvoir garantir la formation des compagnons.
La question que je vous pose, madame le ministre, est donc la suivante : où en est la réflexion du ministère de la culture sur la Fondation du patrimoine, et le décret d'application va-t-il bientôt être publié ?
Je crois savoir que le ministère de la culture est particulièrement dynamique dans sa volonté de faire aboutir le dossier, mais le dialogue interministériel se poursuit : il est question d'un engagement à court terme qui permettrait de vérifier si les conséquences fiscales de cette labellisation auront l'effet escompté. Je conçois cette prudence, mais il faut prendre la décision qu'un certain nombre de signes, d'engagements - de la part non seulement de votre ministère, madame le ministre, mais aussi d'autres ministères - nous laissaient attendre pour 1998. Or nous ne voyons toujours rien venir. Il est vrai que Noël, c'est le 25 décembre ! Nous avons donc encore quelques jours à attendre.
Je vous remercie, en tout cas, de votre attention sur ces deux questions. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Madame la ministre, voilà un an, vous définissiez à cette tribune le pacte républicain en faveur de la culture.
Vous rappeliez alors le rôle fondamental de l'Etat dans la dynamique d'impulsion et de régulation de la politique culturelle, et vous indiquiez deux objectifs majeurs : la démocratisation de l'offre culturelle comme vecteur essentiel du lien social et l'impérieuse nécessité de mieux répartir cette offre sur l'ensemble du territoire national.
La politique que vous nous proposez s'inscrit bien dans cette orientation et dans cette « exception culturelle française », où l'Etat est au service de la création artistique et de sa diffusion auprès de l'ensemble des citoyens.
Avec une progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances de 1998, votre budget répond parfaitement à ces exigences. Ainsi, vous continuez à combler le retard pris précédemment, et vous vous rapprochez de l'objectif de 1 %, fixé par le Premier ministre dans son discours de politique générale du mois de juin 1997.
Après avoir entendu les différents intervenants, je consacrerai pour ma part le temps qui m'est imparti à trois sujets : la recherche de modes d'intervention et de financement plus pertinents entre l'Etat et les collectivités locales, la politique en faveur du patrimoine rural non protégé et, enfin, l'action au service de la musique.
L' Atlas des activités culturelles, publié par votre ministère, a mis en évidence la persistance de forts déséquilibres territoriaux entre les régions et les départements.
Il est vrai que les lois de décentralisation de 1982 n'ont pas expressément reconnu aux collectivités locales des compétences propres en matière d'action culturelle, à l'exception de la lecture publique et des archives.
Le constat qui s'impose aujourd'hui est révélateur : c'est celui d'un écart allant de 1 à 25 dans la part des dépenses culturelles des régions ou des départements.
L'offre et le maillage culturels sont donc très disparates et fortement liés à la volonté et aux choix politiques des collectivités territoriales et de leurs élus.
De ce fait, la volonté de l'Etat de mieux répartir cette offre culturelle et de la réguler est mise en échec, ce qui nous impose de réfléchir à des modes d'intervention et de partenariat plus pertinents pour réduire ces déséquilibres territoriaux.
Madame la ministre, vous avez fait des propositions très intéressantes dans ce sens.
Ce débat budgétaire doit nous donner l'occasion de les rappeler devant le Sénat, en souhaitant que la future loi d'orientation sur l'aménagement du territoire nous permette de concrétiser ces axes majeurs que vous avez tracés.
Outre les contrats de plan, des procédures contractuelles innovantes s'imposent, en effet, pour construire une politique ambitieuse d'aménagement culturel du territoire et pour relancer la politique d'équipements sur la base de compétences, d'objectifs et de financements clairement définis entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, vous avez émis l'idée très intéressante d'une prime à la coopération intercommunale pour donner aux villes-centres et aux bourgs-centres un rôle spécifique dans la création et la gestion d'équipements à vocation intercommunale.
Il s'agit donc bien de définir de nouvelles règles du jeu entre l'Etat et les collectivités territoriales pour corriger certains effets des lois de décentralisation, et je dois vous dire que le conseil général de l'Hérault, présidé par notre collègue André Vezinhet, souhaite s'engager, avec votre ministère - et, bien sûr, la direction régionale des affaires culturelles - dans cette expérience contractuelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les difficultés que rencontrent les maires ruraux pour entretenir et restaurer le patrimoine non protégé. M. Hugot vient d'y faire allusion.
C'est un exemple concret d'un objectif de partenariat qui pourrait être inscrit dans le cadre d'une convention entre l'Etat et un département ou une région. Nous sommes, en effet, régulièrement alertés par des maires contraints de laisser disparaître un patrimoine, parce que le budget d'une petite commune rurale ne permet pas de mener des actions de sauvegarde et de restauration.
Or si, au cours de ces deux dernières années, un important rattrapage des crédits destinés au patrimoine monumental a été accompli, il faut, hélas ! constater que le « petit patrimoine non protégé », situé notamment en milieu rural, ne bénéficie pas de moyens budgétaires suffisants.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Marcel Vidal. Nous devons donc veiller à l'abondement des crédits consacrés au patrimoine rural non protégé et, peut-être aussi, nous interroger sur le rôle que la Fondation du patrimoine pourrait jouer, car ne faut-il pas constater que son action n'a pas encore permis d'atteindre les objectifs qui présidaient à sa création ? Le « décollage » nous paraît très lent malgré l'enthousiasme manifesté voilà quelques instants par notre collègue Jean-Paul Hugot.
J'attire aussi votre attention, madame la ministre, sur les moyens de fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles.
Vous avez, à juste titre, engagé une politique de déconcentration, indispensable si l'on veut atteindre l'objectif de contractualisation que je soulignais à l'instant.
Cette déconcentration appelle un renforcement des moyens en personnels, car il en va de la rapidité d'instruction des dossiers et de la qualité du service public. Notre collègue Danièle Pourtaud a souligné cet aspect avec netteté au cours de son intervention.
Un secteur mérite plus particulièrement un effort, celui des monuments historiques, car nous manquons cruellement d'architectes - ils sont littéralement dépassés - pour suivre, dans de bonnes conditions, les chantiers de restauration.
De plus, une commune, un département, une région, possède un patrimoine très dispersé géographiquement. Cette situation rend difficile le recensement et la valorisation, d'autant que les conservateurs expérimentés sont, encore aujourd'hui, en nombre très insuffisant. Il serait donc souhaitable de renforcer leurs effectifs, ce qui aurait pour effet de favoriser un meilleur suivi et un assouplissement des démarches administratives. C'est un point très urgent et fort important pour nos collectivités.
Avant de conclure, je soulignerai le réel soutien que vous avez décidé d'apporter à la musique, notamment aux musiques dites « actuelles », preuve, s'il en est une, de l'importance que le Gouvernement attache à la création en encourageant tous les genres, et à la démocratisation en suscitant l'intérêt de nouveaux publics.
Vous avez, par ailleurs, ouvert des perspectives très intéressantes de coopération avec l'éducation nationale qui augurent d'une approche nouvelle, dans le domaine de l'enseignement artistique et de la sensibilisation aux arts et à la création dès le plus jeune âge.
Ces choix s'accompagnent d'une forte augmentation des moyens alloués à la formation professionnelle des enseignants.
Là encore, c'est un réel motif de satisfaction, lorsque l'on sait que 70 % des intervenants dans les écoles de musique, par exemple, n'ont pas de qualification pédagogique reconnue par l'Etat.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, rapidement abordés quelques constats et des propositions.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai le voeu que soit bientôt consacré au Sénat un débat sur la culture. En effet, en raison de sa brièveté, le rendez-vous annuel de la discussion budgétaire ne permet pas d'évoquer tous les sujets de la politique culturelle qui passionne, nous en sommes convaincus, de nombreux membres de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur le sénateur, votre suggestion est bien retenue.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on s'en tient à une appréciation purement chiffrée, le projet de budget du ministère de la culture que le Gouvernement soumet à l'appréciation de notre assemblée est relativement satisfaisant.
Avec une progression déjà mentionnée de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998, les crédits affectés à l'action culturelle atteindront en effet 15,7 milliards de francs, soit 0,97 % des charges nettes de l'Etat pour 1999.
En accord avec plusieurs intervenants, je dis à mon tour qu'il convient de se féliciter de cette progression, même si l'objectif symbolique de parvenir à 1 % du budget de l'Etat, objectif systématiquement proclamé mais jamais atteint, ne sera pas, cette année encore, au rendez-vous.
Je tiens à rendre hommage à nos excellents rapporteurs, MM. Gaillard et Vidal, ainsi qu'à M. Nachbar qui est intervenu au nom de la commission des affaires culturelles. Je souligne d'autant plus la qualité de ce travail que la nomenclature budgétaire établie par vos services, madame la ministre, dissuadait la lecture par son caractère rébarbatif.
Nonobstant cette difficulté, M. Nachbar vient de présenter, avec autant de mesure que de talent, l'économie générale de votre budget. Ses conclusions, contrairement aux documents que vous nous avez fournis, étaient à la fois claires et précises. Elles me dispenseront de m'appesantir sur l'ensemble des choix et des options autour desquels vous avez entendu bâtir votre projet de budget.
Je voudrais donc profiter de mon intervention pour évoquer trois points qui me paraissent essentiels en matière d'action culturelle et qui, me semble-t-il, témoignent du fait que, derrière des présentations chiffrées plutôt flatteuses, se cachent souvent des réalités qui le sont moins.
Ces trois sujets - que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer l'année dernière à cette tribune - ont trait à l'enseignement artistique, d'une part ; à la politique de protection et de défense de notre patrimoine, d'autre part ; à la nécessité d'une politique ouverte sur l'étranger, enfin.
Madame la ministre, le budget global dévolu aux enseignements artistiques est en quasi-stagnation, ce qui est franchement désolant. En effet, si 38 millions de francs supplémentaires sont effectivement inscrits à ce projet de budget, ce qui constitue une progression modeste de 2,7 %, il n'est en revanche prévu qu'une hausse d'à peine 1 % des crédits d'intervention.
Vous conviendrez avec moi que ces chiffres paraissent nettement insuffisants dans un budget destiné à mettre en oeuvre une politique culturelle qui a fait de la démocratisation sa priorité. Ces chiffres contrastent d'ailleurs sévèrement avec ceux de l'année dernière, où votre département ministériel avait consenti un effort plus sensible en la matière, puisque vous aviez programmé des augmentations de 6,9 % en dépenses ordinaires, et de plus de 40 % en autorisations de programme.
Cette stagnation, qui peut être considérée comme une absence de volonté d'appliquer la loi du 6 janvier 1988 sur les enseignements artistiques, ne correspond en rien aux immenses besoins d'une jeunesse dont il ne faut pas s'étonner que le niveau de formation et de préparation à la connaissance des arts soit si faible.
En tout état de cause, la modestie de votre projet de budget, dans ce domaine capital, me paraît d'autant plus étonnante qu'elle s'accompagne d'un désengagementmassif des interventions de l'Etat en faveur de l'aménagement des rythmes scolaires, lesquels présentaient justement l'avantage de sensibiliser les plus jeunes aux différents aspects de l'activité culturelle.
J'aborderai maintenant la deuxième partie de mon propos, qui concerne votre politique du patrimoine.
En effet, il est regrettable de constater que l'effort consenti l'an passé en faveur du patrimoine connaît un relâchement sensible dans le projet de budget que vous nous proposez. Les crédits pour 1999 n'augmentent, en effet, que de 2,7 %, soit moins que l'augmentation générale du budget ; les subventions d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques diminuent de près de 25 %, et l'effort budgétaire se limite aux travaux effectués par l'Etat sur ses propres monuments. Ce dernier point est d'autant plus surprenant que, si mes souvenirs sont exacts, vous aviez agi différemment l'année dernière.
Je tiens à souligner, madame la ministre, à l'instar d'orateurs qui m'ont précédé, que je regrette beaucoup ce choix, puisque le patrimoine devrait constituer une véritable priorité de la politique culturelle. Les conséquences de cette orientation doivent nous alerter : en effet, comme je vous l'avais déjà fait remarquer l'an passé, le patrimoine représente un outil important, et peut-être même essentiel, d'aménagement du territoire et de rayonnement culturel.
De ce point de vue, je regrette naturellement que les crédits destinés aux grands projets régionaux connaissent, eux aussi, un net ralentissement - 76 millions de francs pour 1999 contre 165 millions de francs en 1998 - ce qui ne permet pas de rétablir l'équilibre qui devrait exister entre Paris et la province, équilibre largement plombé par la disproportion qui existe entre les coûts faramineux des équipements culturels parisiens et les crédits dévolus aux actions en région.
A cet égard, et je m'éloigne quelques instants de mon sujet, je vous ai adressé récemment une question écrite sur la situation ubuesque dans laquelle se trouve placée la Bibliothèque nationale de France dont le coût - il convient de le rappeler - s'élève à ce jour à 8 milliards de francs, pour des résultats dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas brillants. Mais peut-être pourrez-vous, madame la ministre, éclairer le Sénat sur ce sujet.
Je souhaiterais, pour conclure, madame la ministre, attirer votre attention sur un troisième point, qui me paraît tout à fait fondamental aujourd'hui.
Il me semble, en effet, que la révolution des échanges que le monde connaît actuellement exige que soit mise en place une politique culturelle délibérément ouverte sur le monde qui nous entoure. Notre pays, en effet, a trop souvent tendance à adopter une attitude de repli, un peu frileuse, que je crois très sincèrement préjudiciable.
Notre culture doit, à tout prix, éviter de s'enfermer à l'intérieur de sa tradition particulière, et ce, même si cette dernière s'est toujours prévalue, à juste titre, d'une vocation universelle. A l'inverse, notre politique culturelle doit s'ouvrir aux autres sociétés, tant au sein de l'Union européenne que dans le reste du monde.
L'enjeu d'une telle ouverture est de favoriser l'accès de nos concitoyens à des cultures qu'ils ignorent, et sans lesquelles la pleine compréhension du monde qui les entoure devient difficile, voire impossible.
Je suis convaincu, madame la ministre, que la préservation de notre langue et que la diffusion de notre culture ne passeront que par la capacité de notre pays à s'ouvrir aux autres et à participer avec ces derniers à des projets de création d'envergure européenne ou internationale.
A cet égard, je crois qu'il est indispensable de porter une attention toute particulière à l'ensemble des associations culturelles françaises, qui, à l'étranger, oeuvrent à la promotion des relations entre la France et les autres pays. Ces liens prennent la forme de manifestations diverses - expositions, concerts, rencontres, etc. - et ne peuvent perdurer qu'à la condition que notre pays soutienne l'ensemble de ces initiatives. Pour me rendre fréquemment sur le terrain, à l'étranger, je peux témoigner que les organisateurs se sentent trop souvent isolés et qu'ils ne bénéficient pas toujours de l'aide qui leur serait nécessaire.
J'ai, lors d'une précédente intervention, plaidé pour l'inscription d'une ligne de crédits à ce sujet au budget du ministère de la jeunesse et des sports. Mais Mme la ministre ne m'a pas répondu.
Je sais très bien que le ministère des affaires étrangères couvre tout, mais il serait très utile pour nous, représentants des Français de l'étranger, et pour les Français de l'étranger, qu'une ligne budgétaire retrace clairement les actions menées en ce domaine. Je constate tous les jours le dévouement et le dynamisme de ces communautés françaises, je ne voudrais pas qu'elles soient oubliées par votre département. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La paroles est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la ministre, pour les présidents de conseils régionaux, la culture est certainement l'un des bons dossiers de la contractualisation. Cela est si peu courant que cela mérite d'être souligné !
En effet, en matière culturelle, globalement, quand on fait le point de l'ensemble des dossiers dans ce pays, on voit que les contrats ont souvent été créatifs et qu'ils sont mieux réalisés que pour beaucoup d'autres ministères ; je ne parle naturellement pas du ministère de l'équipement, qui est très loin de ces objectifs, ni de bien d'autres encore...
Mais c'est votre budget qui nous intéresse aujourd'hui. Les régions, globalement, participent activement avec les autres collectités territoriales à la politique culturelle - cela a été dit par M. Nachbar et par M. le rapporteur spécial - et ce dans un partenariat positif et constructif.
J'ai réagi tout à l'heure aux propos d'une collègue qui a évoqué les difficultés rencontrées par certaines régions.
Dans votre lutte contre le Front national, madame la ministre, je vous sais sincère. Je vous ai vu à Strasbourg. Je souhaite vraiment que notre pays comprenne que la culture est le meilleur des antibiotiques contre le Front national.
M. André Maman. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je souhaite que le pays comprenne que c'est la culture qui peut aujourd'hui convaincre les jeunes de repousser l'extrémisme. (Applaudissements.)
Je l'ai vu dans ma région. C'est Régine Chopinot, ce sont les Francofolies de La Rochelle, c'est Philippe Herreweghe, c'est Yannick Jaulin, c'est le festival de musique métisse d'Angoulême, c'est tout le folklore à Confolens qui, globalement, sont les meilleures réponses aux thèses de l'extrémisme.
Mais comme le déclarait hier, à Rennes, M. le Président de la République en évoquant la loi électorale, veillons à ce que ces messages ne soient jamais teintés d'arrière-pensées ou de manque de sincérité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Franchement, si l'on veut convaincre les jeunes, qu'on laisse manifester les artistes, qu'on les laisse parler à la jeunesse de ce pays. Que MM. Frêche et Queyranne cessent de manifester en tête des cortèges en arborant leurs écharpes. Ces élus montrent bien que ceux qui veulent des places aujourd'hui utilisent des crises pour leurs propres combats politiques. Laissons la culture s'exprimer. Laissons les jeunes écouter les artistes, et nous verrons que la culture l'emportera.
Cette culture qui nous rassemble aujourd'hui est sans doute, pour nous, le premier des combats - je terminerai tout à l'heure sur ce point - pour peu que, comme vous le faites, madame la ministre, à Strasbourg et dans votre ministère, ce combat soit sincère.
Votre projet de budget m'inspire trois réflexions.
D'abord, prenez donc, madame la ministre, la tutelle des métiers d'art.
Ces métiers sont en situation très grave dans notre pays. Cette tutelle est aujourd'hui partagée par plusieurs ministères, et celui qui est chargé de l'artisanat n'a pas les moyens de traiter les problèmes de ce secteur qui est tellement important, non seulement pour la culture de notre pays, mais aussi pour son économie.
Pensez aux difficultés que connaissent les restaurateurs des monuments historiques et bien d'autres, les luthiers, les artisans du bois ou du verre, tous ces professionnels qui travaillent avec des techniques du xviie siècle et qui doivent payer les charges sociales du xxe siècle, voire du xxie siècle.
On n'a aucune chance de protéger durablement, dans notre pays, les métiers d'art, si on ne leur bâtit pas un statut d'entreprise culturelle, si on ne les soulage pas de leurs problèmes de gestion pour les aider à survivre.
Quand je vois les niveaux de TVA ou les menaces qui pèsent sur leur organisation, je me demande pourquoi on ne met pas les métiers d'art à l'abri des 35 heures, qui heurtent leur culture, eux, ces meilleurs ouvriers de France, eux, ces compagnons du devoir, qui mesurent leurs chefs-d'oeuvre en nombre d'heures de travail.
Pourquoi faire peser cette menace sur eux ? Limitons le débat à d'autres professions, et protégeons ces métiers, qui relèvent davantage de la culture que de tout autre secteur.
Je crois vraiment que nous devons travailler sur le statut des entreprises culturelles, afin de les aider à se développer dans une compétition qui est trop dure pour elles.
Ma deuxième remarque, madame la ministre, portera sur un autre problème, aussi important à mes yeux, que j'ai eu à traiter en partie dans le passé, celui des multiplexes et de la participation de la culture à la désintégration d'un certain nombre de nos villes.
Nous avions lancé une première initiative, on a ensuite modifié les seuils, mais il faut aller plus loin. Aujourd'hui, ces multiplexes regroupent des salles de cinéma à la périphérie de nos villes, sur les parkings des grandes surfaces, à côté des fast-foods, au sein de cette société déstructurée dont la seule promesse est l'argent et le prix le plus bas, mais qui souffre en fait d'un manque de cohésion économique, sociale et culturelle.
Le territoire rural autour des villes s'appauvrit, les centres-villes s'asphyxient ; or il faut que la culture soit partout présente et qu'elle ne soit pas concentrée. Ne renouvelons pas, avec la culture, les erreurs qui, dans le passé, ont été commises avec les grandes surfaces, avec les hypermarchés, avec cette société de consommation qui, au fond, pour séduire, détruit en fait le tissu social.
La culture doit être partout sur notre territoire. Par conséquent, travaillons ensemble pour qu'elle participe à l'équilibre entre la ville et la campagne, à la cohésion territoriale.
A cet égard, je vous remercie, madame la ministre, de prêter attention à des projets qui concernent les centres-villes, parfois de moyenne dimension. Je pense notamment à l'auditorium implanté au coeur même de la ville de Poitiers : voilà le type de projet qui peut permettre de donner aux centres-villes cet accès à la culture dont ils ont besoin.
Ma troisième remarque concernera les nouvelles technologies.
J'ai assisté récemment, lors d'un grand salon universitaire, à des échanges, sur Internet, entre des universités du bout du monde. On avait réussi, grâce aux technologies les plus modernes, à mettre en contact deux spécialistes. Mais la conversation était d'une pauvreté insigne :
Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui ?
Qu'est-ce que vous allez faire demain ? (M. Maman s'esclaffe.)
On voit bien que l'échange sans message n'est pas toujours vertueux. Il faut donc faire en sorte d'inclure un contenu dans les nouvelles technologies, afin que la technique et la technologie ne soient pas tout. Sans culture, la communication est insuffisante.
Donc, dans ce domaine-là, faites en sorte que le ministère de la culture soit en avance.
Vous avez vous-même, pour votre propre ministère, mis en ligne un grand nombre d'informations. C'est important. Des efforts significatifs ont été réalisés sur Internet par le ministère de la culture. Il faut avancer dans cette culture de l'image et de l'information.
Sur les politiques de l'image et du numérique, vous devez aussi nous faire connaître rapidement les conclusions du rapport de l'inspecteur général, M. Imbert.
Il y a là aussi des formations à bâtir pour les jeunes afin qu'ils aient cet accès au contenu de la communication, et pas simplement à la technologie.
Je suis quelque peu inquiet quand je vois dans le budget que la nouvelle Ecole nationale supérieure des métiers de l'image est dotée d'une subvention de fonctionnement de 34 millions de francs, plus 7 millions de francs cette année. Je trouve que ces « danseuses » et d'autres grands projets - le Fresnoy - sont quand même, pour le ministère de la culture, bien coûteux.
M. Ivan Renar. Le Fresnoy n'est pas une danseuse, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Raffarin. Moi qui suis un grand républicain et qui veux l'égalité des chances... (M. Ivan Renar proteste) ... je souhaite que l'ensemble des jeunes de ce pays aient un égal accès à la formation.
Quand on voit un certain nombre de coûts par étudiant, on se demande par moment si l'équité, si l'équilibre sont bien respectés ! (M. Yvan Renar s'exclame.)
Oh ! je sais, vous pouvez, vous, être favorable aux politiques d'excellence. Vous pouvez, par là, rejoindre l'ultralibéralisme de certains qui voudraient qu'il y ait des pôles exceptionnels.
M. Ivan Renar. N'importe quoi !
M. Jean-Pierre Raffarin. Moi, je suis un vrai républicain et je souhaite que l'ensemble des jeunes puissent avoir accès, dans des conditions équilibrées sur l'ensemble du territoire, à une éducation qui puisse refléter les besoins de formation et d'insertion de tous.
M. Ivan Renar. Vous préférez être égalitaire pour tous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes très gêné sur cette affaire, monsieur Renar !
M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Raffarin, et à lui seul.
Veuillez poursuivre, monsieur Raffarin.
M. Ivan Renar. Il ne fallait pas mettre en cause le Pas-de-Calais !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je fais des voeux de succès pour le Fresnoy. Je n'en veux pas au Fresnoy, monsieur Renar, mais permettez quand même que, globalement, lorsque l'on analyse un budget, on fasse en sorte que l'ensemble des territoires puissent être traités selon un principe d'équité.
Je termine, madame la ministre, en disant que, au fond, en cette fin de siècle, la création, sous toutes ses formes, est sans doute le projet national qu'il faut développer pour notre pays.
On le voit bien, dans le domaine économique, dans le domaine social, dans le domaine culturel, nos forces ne sont aujourd'hui pas suffisamment puissantes pour assurer à notre pays la pérennité de son rayonnement.
On constate dans notre économie, dans nos entreprises, dans nos forces sociales et nos forces culturelles qu'un certain nombre de menaces pèsent : si nous ne faisons pas de la création - création de richesses, création de projets, création d'initiatives - une véritable ambition nationale, notre pays ne tiendra pas dans le prochain siècle toute sa place.
Il faut donc que la création soit une priorité pour la culture, qui doit montrer le chemin, mais aussi pour l'ensemble des activités.
Création de projet, création d'entreprises, création d'initiatives, cette création vous devez la porter comme étendard parce que c'est le ministère de la culture qui peut le mieux montrer la synthèse de la création dans toutes ses fonctions.
Et nous, politiques, que pouvons-nous faire pour encourager cette vocation du pays à être un pays créateur ?
Nous devons injecter du lien, créer de la solidarité, créer ce lien qui permettra à notre territoire d'être le plus fertile possible, d'être le plus fécond possible.
Madame la ministre, la culture n'est-elle pas ce lien fertile dont notre pays a besoin pour franchir la ligne du troisième millénaire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Madame le ministre, mes collègues de la majorité sénatoriale, comme ceux qui représentent notre minorité parlementaire, ont souligné avant moi la progression encourageante des crédits de la culture - 9,3 % en crédits de paiement - même si votre collègue du budget, ou le Premier ministre, aurait pu vous faire le cadeau d'être le ministre du 1 % : trente-trois millièmes manquent pour que le 1 % soit là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il aurait fallu encore plus couper !
M. Louis de Broissia. Nous enregistrons avec satisfaction la progression des crédits déconcentrés en province - 17 % - qui permettront le rapprochement de l'action culturelle vers les bénéficiaires dans toutes les régions et pas seulement à Paris : le métro à dix-huit heures, comme disait le général de Gaulle, ou le bus dijonais à la même heure !
Nous avons noté aussi l'augmentation des crédits qui sont accordés aux spectacles vivants ainsi que la fusion des directions du théâtre et de la musique, d'une part, du patrimoine et de l'architecture, d'autre part.
Mais je tiens à présenter trois remarques et, après mes collègues, à revenir sur le problème du patrimoine.
Il est vrai que le patrimoine monumental bénéficiera d'une croissance budgétaire de 2,54 %, mais, d'autres collègues l'ont dit avec talent avant moi, en particulier, M. Jean-Paul Hugot, cette stabilité relative se fera au détriment du patrimoine rural ou urbain non protégé.
De surcroît, madame le ministre, vous faites ce que votre prédécesseur, M. Jack Lang, avait tenté de faire un moment : vous tournez le dos à la loi de programme.
Je regrette l'abandon de la technique de la loi de programme alors que ce type de texte conditionne la survie de très nombreuses actions durables, en particulier en faveur des métiers du patrimoine et, par ailleurs, les relations entre l'Etat, les régions, les départements et les communes. Une loi de programme apporte en effet un éclairage de longue durée, et je regrette que vous n'en ayez pas parlé.
J'aimerais aussi, madame le ministre, revenir sur la question du personnel de la culture.
Notre groupe a reçu une délégation intersyndicale du personnel de votre ministère et je suis obligé de vous dire que ce qui se produit dans votre ministère ne serait pas supporté au conseil général de la Côte-d'Or que j'ai l'honneur de présider : en effet, un emploi sur cinq y est un emploi précaire !
S'il en était ainsi dans nos collectivités territoriales, nous aurions des observations désobligeantes des chambres régionales des comptes. Or, c'est ce que vous faites puisque, au minimum, 1 200 emplois permanents sont occupés par des vacataires, des vacataires à titre permanent.
L'intersyndicale du ministère de la culture exprime donc sa lassitude devant le lâchage du ministère, qui n'assume pas ses missions et se contente d'un service minimum.
Que direz-vous dès lors, madame le ministre, à votre collègue Mme Aubry, qui s'apprête à imposer une taxe sur les emplois précaires ?
Par ailleurs, le budget du ministère de la culture est-il sincère, puisqu'il n'y est pas prévu de payer cette taxe éventuelle ? Cette dernière question, je la pose évidemment de façon sarcastique, vous l'avez bien compris.
Je conclus toutefois que si les moyens en équipement du budget de la culture peuvent paraître relativement satisfaisants, les moyens en personnels, qui permettraient de faire vivre ces équipements, feront cruellement défaut.
Je veux maintenant évoquer un sujet sur lequel certains de mes collègues sont intervenus : les bibliothèques et la lecture publique.
La directive européenne 92/100 du 19 novembre 1992 porte sur le droit de location et de prêt des oeuvres qui sont couvertes par le droit d'auteur et institue le principe du prêt payant. Vous avez souhaité qu'une négociation s'engage et qu'un rapport soit confié à M. Borzeix. Ce rapport qui, si j'ai bien compris, a été enterré, préconiserait un financement forfaitaire par les usagers.
Permettez-moi de vous rappeler que ce sont les collectivités du premier degré, les communes et les départements, assistées des régions qui paient le plus lourd tribut quant aux bibliothèques en milieu rural et en milieu urbain défavorisé.
Nous souhaitons que, comme l'Espagne et comme l'Italie, qui ont utilisé le droit de dérogation prévu à l'article 5 de cette directive européenne, vous puissiez faire en sorte que la France déroge au droit exclusif de prêts publics compte tenu de nos objectifs de promotion culturelle.
En conclusion, madame le ministre, après l'avis favorable de la commission des affaires culturelles de notre Haute Assemblée, après nos interventions, vous devriez être un ministre de la culture relativement heureux. Tant mieux ! Parce que, au titre de la communication, nous le verrons nuitamment, vous apparaissez bien lâchée par tous les vôtres ! Dans ce domaine de la communication, votre parcours ressemble à une montée politique au Golgotha.
Je souhaite, nous souhaitons tous, que la culture soit le plus beau champ de rassemblement des Français, celui auquel appelait notre collègue Raffarin.
Au temps d'André Malraux, et donc du général de Gaulle, madame le ministre, l'argent était compté, mais l'ambition portait haut la France et la culture ne servait pas d'alibi à des arrière-pensées politiques.
Madame le ministre, au-delà des discussions budgétaires, associez tous les Français à cette ambition culturelle diverse, ramifiée, innovante. Associez tous les élus locaux, des régions, des départements, des communes. Alors votre ambition pourrait être facilement la nôtre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, dernier orateur inscrit, que puis-je dire qui n'ait pas déjà été dit ? Il est difficile de trouver des points nouveaux pour attirer votre attention sur certains des caractères qui me semblent revêtir une importance plus grande que celle qui est ressortie d'autres interventions.
Certes, tout le monde a parlé du seuil de 1 % presque atteint par votre projet de budget ; les 0,033 % qui restent sont, nous le savons, les plus difficiles à atteindre ; il serait bon néamoins d'y parvenir.
Mais je suis convaincu que le Gouvernement auquel vous appartenez a bien cette intention, à terme, de doter votre ministère de 1 % du budget général de l'Etat, étant donné la place indiscutable de la culture dans le développement de l'homme.
J'aborderai deux points qui ont évidemment déjà été évoqués, mais en faisant d'autres propositions à votre intention.
Le premier concerne le développement de l'enseignement artistique pour tous, en particulier à partir de l'école maternelle et primaire, où tout enseignement doit commencer pour, ensuite, au cours du cursus scolaire, se développer sur la base de ces acquis.
L'enseignement artistique amateur en milieu scolaire me semble devoir être développé, ainsi que la capacité, chez les enseignants, de cerner la personnalité d'un enfant, personnalité qui s'exprime dans une activité artistique avec plus d'originalité et de pertinence quelquefois que dans les activités scolaires stricto sensu .
Cette formation des enseignants n'est pas facile à mettre en place. Dans la commune de Saint-Fons, où j'ai exercé la responsabilité de maire pendant un certain temps, des accords - approuvés, d'ailleurs, par l'inspection académique - ont été signés à cette fin, en particulier avec les animateurs de l'école de musique, de façon à faire naître un certain nombre de réflexions, à susciter l'habitude d'aider à cette émergence de personnalité dont je parlais à l'instant.
Les partenariats avec l'éducation nationale, mais aussi avec les ministères de la jeunesse et des sports et de la ville, sont des occasions de rassembler des idées, de comparer des applications pratiques en ces domaines.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce développement de l'enseignement artistique à partir du niveau scolaire pour l'aborder et inciter à sa poursuite à travers le rôle des nouvelles techniques d'information et de communication.
Nous sommes à une époque où un moyen extraordinaire d'écrire, de dessiner, de communiquer en général est mis à la disposition de notre société. J'ai eu l'occasion - et peut-être vous-même également - de découvrir au Centre international de création audiovisuelle, à Montbéliard, les initiatives qui existent dans ces domaines de la création.
Personnellement, j'ai éprouvé des difficultés à passer de mon apprentissage et de mon bagage culturel personnel au bagage culturel actuel, en essence et en évolution, à comprendre l'intérêt, dans les milieux urbains dans lesquels je vivais, du rock et du rap. Ces formes de musique ne correspondaient pas à ma conception de cette dernière. Or ce sont ces éléments nouveaux qu'il faut avoir le courage d'intégrer car ils représentent effectivement, contrairement à la réaction spontanée que l'on peut avoir, une forme nouvelle d'expression.
Je pense à un domaine auquel je suis très fermé jusqu'à présent : les nouvelles musiques, les musiques intuitives de toutes natures. Hier, j'ai préféré écouter la Troisième symphonie de Saint-Saëns. Bien d'autres choses que j'écoute à la radio, par exemple, m'apparaissent comme des bruits, mais je n'ai pas le droit de porter un jugement négatif sur un domaine qui évolue.
Je sais qu'à l'époque de Mozart certains se sont rebellés contre l'utilisation, qu'ils jugeaient excessive, du violon dans sa musique. Aujourd'hui, qui condamnerait ce musicien ? Qui mettrait Mozart à l'index ? (Sourires.)
C'est donc une difficulté majeure, mais également un enjeu important que de savoir accepter, voire aider à se développer ce qui nous paraît extrêmement confus à un moment donné et très différent de ce que nous avons jusqu'à présent pris l'habitude d'entendre.
Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sachant l'importance que vous y accordez, sur ces nouvelles techniques d'information et de communication - c'est mon second point - notamment la numérisation des livres.
Cette technique permet sans nul doute une utilisation à distance d'ouvrages que l'on ne peut pas avoir à portée de main. Elle présente aussi l'avantage d'une consultation sur écran sans avoir à tourner les pages, ce qui évite de dégrader les ouvrages qui sont fragiles.
Dans ce domaine, il y a des efforts importants à faire et des moyens à trouver, car les nouvelles techniques d'information et de communication sont sûrement un vecteur essentiel, pour les années qui viennent, dans les domaines de l'éducation, de l'acquisition de la culture fondamentale et de la relation à celle-ci, cet accès à la connaissance n'étant pas pour autant gratuit ni même bon marché.
Voilà les deux sujets sur lesquels je voulais intervenir au terme d'un débat au cours duquel ont été développés beaucoup de points de vue, d'orateurs de droite comme de gauche. De toute façon, on a bien senti des points d'accords, des perspectives communes. Je n'en veux pour preuve que la conclusion de M. Nachbar, représentant la commission des affaires culturelles, qui a déclaré que cette commission avait voté votre budget tel qu'il lui avait été présenté.
Les membres de cette commission vont toutefois se trouver confrontés à une situation difficile et ambiguë.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas inédit ! Vous en avez maitenant l'habitude !
M. Franck Sérusclat. En effet, par principe, comme nous l'avons vu tout à l'heure, des amendements de réductions de crédits vont être présentés...
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Par les communistes aussi !
M. Franck Sérusclat. ... par la commission des finances. Ils estimeront que les décisions sont regrettables, mais ils les voteront quand même !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les communistes demandent la suppression de 60 millions de francs !
M. Franck Sérusclat. De ce fait, nous ne pourrons pas voter votre projet de budget, ainsi tronqué. Mais, madame la ministre, vous savez que nous sommes parfaitement en accord avec vos initiatives et vos projets. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)