Séance du 5 décembre 1998







Par amendement n° II-8, M. Gaillard, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 239 992 434 francs.
En conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 59 728 728 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement du même type que ceux qui ont été présentés par la commission des finances tout au long de l'examen de ce projet de loi de finances, dans le cadre de l'élaboration d'un budget alternatif.
Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire - cela a choqué Mme le ministre et j'en suis désolé - il s'agit de réduire les crédits du titre III de 239 992 434 francs. Cette diminution est à peu près trois fois supérieure à celle sur laquelle s'engagent nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, et, si les motivations ne sont pas les mêmes, la démarche est identique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Les mesures d'économie proposées par la commission des finances me paraissent aveugles, discutables dans leur principe et en contradiction avec l'avis formulé par la commission des affaires culturelles du Sénat.
En ce qui concerne le titre III, une économie de 240 millions de francs est évoquée, soit une réduction de 1 % des dépenses de personnel, équivalant à 30 millions de francs, et une baisse de 5 % des autres dépenses de fonctionnement, soit environ 210 millions de francs. Or, annuler 30 millions de francs de dépenses de personnel, c'est supprimer 170 emplois au ministère de la culture, alors que je me suis battue pour n'en lâcher aucun. J'ai pu préserver les emplois, mais n'ai guère pu en augmenter le nombre, alors que ce ministère en aurait pourtant besoin. Par conséquent, supprimer 170 emplois par mesure d'économie, c'est aller à l'encontre du service public.
M. Franck Sérusclat. Tout à fait !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Annuler 210 millions de francs de dépenses de fonctionnement, cela revient à procéder à un certain nombre d'abandons : par exemple, annuler tous les crédits d'entretien des monuments historiques, qui représentent un montant de 79 millions de francs en base, annuler les mesures nouvelles sur les établissements publics, pour 84 millions de francs, annuler en plus 20 millions de francs sur les établissements publics, et, enfin, annuler 5 % des crédits de fonctionnement, soit à peu près 26 % de l'administration !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai bien entendu les réactions de Mme le ministre.
L'exercice dans lequel nous nous situons impose au ministère de la culture un effort de 288 millions de francs. Il n'est jamais agréable de devoir faire un effort. Aussi, madame la ministre, je vais vous proposer un choix.
M. le rapporteur spécial, notre collègue Yann Gaillard, a suggéré, avec la commission des finances, une réduction de 240 millions de francs des crédits du titre III et de 48 millions de francs des crédits du titre IV. Mais, à la vérité, vous pourriez faire d'autres économies que celles-là, à condition que vous nous apportiez 288 millions de francs.
J'ai consulté les rubriques de votre ministère et j'ai notamment constaté une similitude de chiffres assez étonnante. Il existe ainsi, à l'angle de la rue Saint-Honoré et de la rue des Bons-Enfants, un immeuble d'une surface d'environ 20 000 mètres carrés qui, appartenant au ministère des finances et dévolu au ministère de la culture, est inoccupé depuis 1989. Or il est prévu d'y réaliser 395 millions d'investissement pour réinstaller vos services. J'ai étudié quelles étaient les dépenses engagées à ce titre, mais je n'ai trouvé trace, madame le ministre, que de 10 millions de francs. Il est donc possible de faire une économie sur cette opération !
Si vous le préférez, nous sommes tout prêts à rectifier notre proposition en ce sens. Après tout, une opération qui attend depuis 1989 peut sans doute attendre une année de plus, surtout si c'est, finalement, pour la commodité des services centraux !
Cette suggestion, madame le ministre, nous vous la faisons pour montrer - mais d'autres exemples l'illustreraient sans doute - qu'il y a assurément, dans votre budget, des marges de manoeuvre.
M. Franck Sérusclat. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous le savons tous, il est possible de dépenser mieux et il n'est pas responsable de dire que, dans un budget, on n'a pas un sou à économiser, surtout au moment où l'on va très probablement se trouver dans la situation de devoir subir, comme c'est le cas d'année en année et comme, hélas ! ce sera peut-être le cas en 1999, des annulations de crédits en cours d'année.
Mme Danièle Pourtaud. C'était surtout vrai avant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, peut-être sommes-nous partis, mes chers collègues, sur des estimations de croissance - et donc de recettes - qui nous conduisent à tabler sur une prospérité que nous n'aurons pas totalement, avec des dépenses que nous ne serons peut-être pas capables d'établir au plan prévisionnel !
Madame le ministre, l'exercice que nous vous demandons n'est certes pas agréable, pas plus qu'il ne l'est à vos différents collègues membres du Gouvernement, mais la majorité sénatoriale propose une vision différente de la politique économique et de la politique budgétaire. Elle considère que, dans ce pays, il est absolument inadmissible de continuer à emprunter pour payer une partie du fonctionnement de l'Etat. Ainsi, 70 milliards de francs sont empruntés pour payer le fonctionnement.
Vous ne pouviez pas conduire une telle politique lorsque vous étiez maire de Strasbourg ! Aucun maire ne peut le faire dans la commune qu'il administre, car une telle politique obère l'avenir et risque de surcharger, bien entendu, les générations futures pour lesquelles nous nous efforçons de travailler les uns et les autres.
L'exercice auquel nous nous livrons et que - c'est peut-être un peu la loi du genre - vous avez un peu caricaturé, dans ses conséquences, est en tout cas dû aux contraintes qui nous sont imposées par l'ordonnance de 1959 portant loi organique sur les lois de finances : nous ne pouvons toucher que les mesures nouvelles. Mais, bien entendu, l'effort qui est demandé est un effort global ! Si vous voulez le répartir différemment, madame le ministre, vous avez pour cela pleine liberté, dans les limites des compétences qui sont les vôtres.
M. Marcel Vidal. CQFD !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Ce qui nous sépare, monsieur le rapporteur général, c'est une question de philosophie.
Même si la nomenclature budgétaire de mon ministère est un peu compliquée - et je vous prie de m'en excuser - je pense quand même pouvoir dire que je vous ai présenté un budget en progression, avec un effort d'économies considérables.
J'ai toutefois entendu préserver d'abord les personnels, car je considère - et quelqu'un l'a dit à cette tribune - qu'ils travaillent parfois dans des conditions indécentes. Le ministère de la culture est en effet aujourd'hui éparpillé sur treize sites dans Paris, ce qui nous coûte cher. S'installer rue des Bons-Enfants, c'est un choix économique ! Ce lieu est vide depuis le déménagement des services des finances à Bercy, et Bercy ne voulait plus conserver cet immeuble dans son budget. Le ministère de la culture le traîne depuis lors, et il va réaliser une économie importante en rassemblant ses services dans ce site...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous pourriez le vendre !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le vendre ? Avec les contraintes urbanistiques actuelles, cela ne rapporterait pas grand-chose ! En revanche, monsieur le rapporteur général, comme il est situé à côté de la rue de Valois, il nous permettra d'abandonner treize sites, de limiter le montant des loyers et de donner enfin aux personnels la possibilité de se rencontrer pour travailler et accueillir le public.
Cette opération date, en effet, de 1989. M. Juppé avait alors donné son accord pour qu'enfin une décision soit prise. Croyez-vous normal - puisque vous avez le souci de l'argent public - de laisser un bâtiment se couvrir de mousse, d'herbe, se dégrader ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vendez-le !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. J'ai obtenu un arbitrage positif pour la réalisation de cette opération de regroupement desservices du ministère. En effet, je considère aussi que l'on ne peut pas demander aux autres de respecter le service public si l'Etat lui-même ne donne pas l'exemple. L'Etat doit respecter ses agents, mais aussi respecter les citoyens qui financent le service public.
M. Ivan Renar. Très bien !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Laisser nos personnels dans une situation indécente, ce serait entraîner une dépense inconsidérée, sauf à déclarer que l'on souhaite demeurer dans la pauvreté, la pénurie et l'éparpillement, empêchant ainsi toute rationalisation.
Je regrette, monsieur le rapporteur général, que vous considériez simplement les choses de manière comptable et que vous ne regardiez pas sur la durée l'économie réalisée. Ce n'est pas une dépense supplémentaire ! Il n'y a pas un fonctionnaire titulaire de plus, vous le savez bien.
Par conséquent, je crois que votre argument n'est pas recevable, et je dirai même que vous êtes presque plus dur que Bercy, avec qui j'ai pourtant eu des mots pour parvenir à maintenir cet arbitrage.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est donc que le problème s'est posé !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je terminerai en citant M. Nachbar, qui a souhaité que le budget de la culture ne soit pas une variable d'ajustement du budget général de l'Etat. Or c'est exactement le contraire que vous venez de défendre ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut faire de la culture, pas de l'immobilier !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-8.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir nous ramène à celui que nous avons eu l'autre soir sur l'enseignement, sur l'enseignement supérieur puis sur la recherche.
Napoléon avait créé le Sénat conservateur. Il ne croyait pas si bien dire ! Toutefois, bien que conservateurs, vous ne conservez rien ! Vous venez de compatir en disant que le budget n'atteint pas 1 % du budget de l'Etat, et vous êtes en train de l'alléger de quelques dizièmes de points.
Dans ces temps de barbarie ordinaire, ce sont des crédits de civilisation que vous voulez supprimer, et vous êtes loin du général de Gaulle et d'André Malraux qui, ensemble, allaient inaugurer la maison de la culture de Bourges. Le général déclara alors : « La culture n'est pas qu'un refuge, une consolation : c'est la condition même de notre civilisation. »
M. Philippe de Gaulle. Que ne l'avez-vous soutenu !
M. Ivan Renar. Quel type de société allez-vous construire avec ce genre de proposition ? Vous nous dites que tout cela coûte cher, mais avez-vous conscience que l'absence de culture coûterait encore plus cher ? Aujourd'hui, une fois de plus, est à l'oeuvre la grande faucheuse sénatoriale de la logique comptable, glacée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Ivan Renar. Vous nous dites vouloir éviter demain une charge financière pour les générations futures, mais, une fois de plus, « c'est Mozart qu'on assassine » aujourd'hui, et pas seulement dans quatre régions françaises.
La culture n'est pas un luxe : elle est de première nécessité. Elle n'est pas un supplément d'âme - Mme la ministre l'a rappelé tout à l'heure - elle est l'âme même de l'être humain. Or c'est cela que vous touchez avec votre amendement.
Nous voterons résolument contre cet amendement culturicide.
M. Franck Sérusclat. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je me contenterai d'argumenter sur l'amendement tel qu'il nous a été présenté, sans tenir compte, dans un premier temps, de ce que nous a proposé de manière impromptue M. le rapporteur général.
Je constate avec regret que, par cet amendement, la majorité sénatoriale ne semble pas avoir bien compris combien la culture est importante pour nos concitoyens.
Prétendre amputer de 239,9 millions de francs les crédits de fonctionnement du titre III revient à diminuer, notamment, de 1 % - cela a été dit - les dépenses de personnel. Mme la ministre indiquait à l'instant que cela correspondait à la suppression de 160 emplois.
Est-ce bien cohérent, monsieur le rapporteur général, avec les augmentations de personnel que réclamaient avec véhémence tout à l'heure vos collègues MM. Denis Badré et Louis de Broissia ?
Nous savons bien, tous, que c'est exactement du contraire qu'aurait besoin ce budget, les acrobaties des redéploiements ayant forcément des limites quand il s'agit de personnels.
Le groupe socialiste s'opposera donc fermement à cet amendement et souhaite qu'il soit procédé à un scrutin public. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-8, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 42 :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 213
Contre 101

Par amendement n° II-101, MM. Renar et Ralite, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de réduire les crédits du titre III de 60 000 000 francs.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement est, en quelque sorte, un cri d'alerte.
Dans un secteur - la culture - fragilisé par l'envahissement du secteur marchand, l'emploi public est à même de répondre aux missions fondamentales du service public et constitue un rempart efficace à l'envahissement que je viens d'évoquer.
Or le ministère dont vous avez la charge, madame la ministre, est très largement frappé par les sous-effectifs, mais aussi par la précarité de l'emploi parmi les agents qui le servent.
Au sein des services ministériels, le nombre des vacataires en poste depuis plus de dix mois dépasse le millier.
Les mouvements de grève à la Bibliothèque nationale de France, mais aussi l'inquiétude des personnels au sein d'établissements aussi prestigieux que le Musée du Louvre, la Manufacture nationale de Sèvres, le Centre Georges-Pompidou sans évoquer les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, - mais j'y reviendrai - justifient que des moyens nouveaux soient affectés au recrutement de personnels partout où les missions de service public sont mises à mal.
J'ai rencontré les représentants du personnel et mon ami Jack Ralite leur a rendu visite. Nous avons été frappés par leur haute conscience professionnelle. Or l'impulsion d'une politique culturelle offensive implique le concours et l'appui d'un personnel qualifié pouvant assurer ses missions sans la crainte de situations précaires, qui sont en outre un obstacle à la continuité du service public.
En ce qui concerne les services déconcentrés, la situation des DRAC est particulièrement préoccupante, comme en témoigne l'exemple de la direction du Nord - Pas-de-Calais. Cette direction est classée au quatrième rang en termes de volume de tâches, mais au quinzième rang en termes d'effectifs.
Ces derniers sont restés stables depuis 1991, alors que les responsabilités se sont accrues. Aujourd'hui sera-t-il possible de faire face aux nouvelles responsabilités liées à la déconcentration ?
Le déficit en postes est estimé à cinquante-trois. La DRAC Nord - Pas-de-Calais compte soixante-six agents, pour une population de 4 millions d'habitants dans une région riche de créations et de diffusions culturelles.
Ce déficit en postes pose un double problème, celui des conditions de travail des agents de l'Etat, celui de la place et du poids de l'Etat en région, et vous me permettrez d'insister sur ce point.
Je suis, comme vous vraisemblablement, attaché à un développement de l'investissement culturel des collectivités locales, de toutes les collectivités. Mais comment y parvenir, si l'Etat lui-même ne montre pas l'exemple ?
Les élus ont trop souvent l'impression que l'Etat cherche à se décharger de ses propres responsabilités. L'insuffisance de l'implication de l'Etat en région est vécue comme un signe de désengagement. Cela est d'autant plus vrai qu'aux problèmes d'effectifs s'ajoutent les insuffisances financières et les inégalités de traitement.
Pour rester dans la région qui me sert d'exemple, comment expliquer l'insuffisance de l'implication de l'Etat ? Le Nord - Pas-de-Calais, qui est la région qui consacre le plus de francs par habitant à la culture, est en dernière position des régions métropolitaines, avec l'Ille-de-France, en matière de crédits déconcentrés. Il y a là, madame la ministre, sans vouloir plaider la cause d'une situation contre une autre, plus qu'une anomalie, une injustice. Je ne me plains pas, je porte plainte !
Afin de donner dès cette année un signe fort de votre volonté de mettre un terme à cette situation, nous vous proposons d'adopter notre amendement qui vise à réduire de 60 millions de francs les crédits du chapitre 31-90 liés à des rémunérations non principales...
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Réduire », j'ai bien entendu « réduire » ?
M. Ivan Renar. Laissez-moi poursuivre, monsieur le rapporteur général ! ... pour les affecter au chapitre 31-01 qui concerne les moyens en personnels, notamment la rémunération principale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai failli avoir peur !
M. Ivan Renar. C'est là la portée symbolique de l'amendement que nous vous proposons.
En outre, la création de nouveaux équipements culturels, que nous soutenons par ailleurs, devrait appeler une réflexion sur les moyens à mettre en oeuvre afin de leur permettre de fonctionner au mieux. M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, qui a été déposé très récemment.
Si l'intention de notre collègue est claire, il n'en demeure pas moins que nous ne votons ni sur un objet d'amendement ni sur un exposé des motifs, nous nous prononçons sur un dispositif. Or le dispositif consiste à proposer une réduction des crédits du titre III qui viendra s'ajouter à celle que le Sénat vient de voter.
Puisqu'il vous est impossible de donner au Gouvernement une injonction de procéder à un transfert de crédits, il ne peut y avoir qu'une réduction de crédits. Le dispositif de votre amendement se limite à cela. Doit-on aller jusqu'à-là ? Peut-être ? Je ne sais pas. Hésitant entre le vote et le rejet de cet amendement, qui nous paraît réduire tout de même excessivement les crédits, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, lorsque M. le président Lambert ou le rapporteur général que je suis vous parle de l'ordonnance organique, vous nous regardez d'un oeil critique, voire ironique. Eh bien ! monsieur Renar, l'ordonnance organique, vous venez de la rencontrer car, pour solliciter le changement d'affectation d'une dépense, vous n'avez qu'une seule possibilité : déposer un amendement visant à réduire des crédits.
C'est ce que vous avez fait : vous avez déposé un amendement de réduction des crédits, accompagné d'un objet, et vous l'avez défendu avec talent.
Sur cet amendement, ainsi que vient de l'indiquer M. le rapporteur spécial, la commission des finances ne peut que s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, nous faisons le même constat que vous : le ministère de la culture souffre d'une insuffisance d'emplois permanents, je l'ai dit il y a quelques instants. La précarité, qui résulte de l'application de remèdes médiocres, chaque fois que le ministère de la culture a développé son activité, est une plaie que je déplore et qu'il faut panser. Je me suis donc fixé pour priorité de titulariser les vacataires permanents et de régler aussi les situations les plus dramatiques des vacataires à temps partiel.
Je n'ai pas obtenu pour 1999, lors de l'arbitrage sur les effectifs de l'Etat, de création nette d'emplois. Toutefois, dans la mesure des moyens mis à ma disposition, j'ai réussi à stabiliser à 380 le nombre de vacataires dans les établissements publics et à atténuer, sans malheureusement la supprimer, la précarité des agents qui travaillent dans les services de l'Etat. Il s'agit d'éviter le recrutement de vacataires pour une durée inférieure à trois mois afin de ne pas avoir à supporter les indemnités de chômage. J'ai trouvé cette situation lorsque j'ai pris en charge ce ministère. Il sera mis fin à cette pratique en 1999 grâce à une mesure nouvelle de 8 millions de francs.
Ma lutte pour obtenir des créations d'emplois pour le ministère de la culture se poursuit et je suis confiante dans les arbitrages à venir. Mais elle est difficile car, vous le savez, plusieurs services de l'Etat connaissent un déficit d'emplois. Je pense à l'éducation nationale ou à la justice.
Quant à l'amendement que vous avez déposé, s'il réduit les crédits de vacation et augmente à due concurrence les crédits de rémunération des agents de l'Etat, il ne crée pas pour autant d'emploi budgétaire. S'il était adopté, mon ministère devrait renoncer au concours de plusieurs dizaines de vacataires qui tiennent à leur emploi. En fait, les crédits de rémunération destinés aux fonctionnaires, puisque l'effectif ne peut pas augmenter, seraient inemployés.
Monsieur le sénateur, j'ai entendu votre cri d'alarme, mais, en l'occurrence, il n'est pas de bonne méthode de réduire les crédits de mon ministère en laissant des sommes inemployées.
Quant à dire qu'ajouter cette réduction de crédits à celle qui a été précédemment décidée sur l'initiative de la commission, ce serait peut-être un peu trop, cela m'amène à vous livrer la réflexion suivante.
J'ai calculé en pourcentage ce que représente pour le budget de la culture la réduction de crédits qui a été décidée par le Sénat : 55 % des 524 millions de francs de mesures nouvelles ont été supprimés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, il faut calculer sur l'ensemble de votre budget !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. En moyens de fonctionnement et en moyens d'interventions, les sommes dont vous avez voté la suppression représentent plus de la moitié des mesures nouvelles du budget de la culture.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Prenez les services votés, faites le total !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général : c'est la moitié des efforts prioritaires décidés au niveau de l'Etat. A ce rythme, ce n'est pas une législature mais dix qu'il faudra pour atteindre le 1 % pour le budget de la culture !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne sacralisez pas les chiffres !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-101.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse mais aussi des efforts que vous faites pour tenter d'apporter une solution honorable aux problèmes des personnels. Aussi, vais-je retirer cet amendement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon, comme c'est étrange !
M. Ivan Renar. ... en remerciant nos deux rapporteurs de m'avoir fait rencontrer ce soir l'ordonnance organique, même s'ils l'ont traduite de façon délicieusement canaille. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. L'amendement n° II-101 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.) M. le président. « Titre IV : 209 587 238 francs ».