Séance du 7 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° II-115, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 64, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence du droit de consommation prévu aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement concerne la réduction du prélèvement fiscal sur les plus-values portant sur des options de souscription ou d'achat d'actions, prélèvement qui est actuellement de 30 % et que nous souhaitons voir revenir à son taux initial de 16 %.
Il convient de rappeler qu'au-delà de ces taux figurent les 10 % de prélèvements sociaux.
M. Michel Charasse. L'étau se resserre ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient aussi de rappeler que, dans l'optique de la commission des finances, ce dispositif serait cohérent avec le rétablissement, auquel il faudrait procéder par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, du délai de portage - délai de un an - qui contraignait jusqu'en 1993, si je ne me trompe, les titulaires d'une option à en supporter effectivement le financement.
Sur ce sujet, à savoir les stock-options, la commission des finances, qui l'a étudié de manière approfondie au cours des années passées, est attachée à un principe, et c'est essentiellement sur ce principe que je voudrais mettre l'accent.
Les stock-options ne sont pas - et ne doivent pas être - pour nous une super rémunération sous-fiscalisée, dans la mesure où il s'agit, à nos yeux, d'une prise de risque.
En fait, il s'agit, pour des personnes qui participent à la création et au développement du fonds de commerce d'une entreprise, d'être associées au devenir et donc au capital de cette entreprise.
Or, pour que les choses aient un sens, il faut qu'il y ait effectivement prise de risque ainsi que nous l'exposons dans le rapport écrit, auquel je me permets, mes chers collègues, de vous renvoyer.
Selon la conception adoptée de manière continue au sein de la commission des finances depuis un certain nombre d'années - conception qui s'est exprimée par un rapport cosigné par M. Loridant il y a quelques années, ainsi, bien entendu, que par M. Arthuis - il y a lieu de demander aux titulaires de stock-options de prendre leurs risques. Toutefois, en contrepartie, dès lors qu'il s'agit d'un investissement réel en valeurs mobilières, il est logique que cet investissement soit traité, en ce qui concerne le régime des plus-values, selon le droit commun des plus-values sur valeurs mobilières, c'est-à-dire avec un taux de fiscalisation de 16 %, que vient grever le taux de 10 % au titre des prélèvements sociaux.
Mes chers collègues, c'est un amendement de principe que la majorité sénatoriale vous soumet, pour renouer avec une de ses positions constantes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un amendement de principe, a dit M. le rapporteur général, et je ne voudrais pas insister sur la situation un peu cruelle dans laquelle il se situe puisque, comme il l'a rappelé, il a rédigé avec M. Arthuis en 1995 un rapport sur les plans d'options que je pourrais qualifier de remarquable...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... mais qui a donné lieu au vote, par la majorité précédente, de dispositions qui n'ont pas permis d'instaurer pour les bons de souscription les stock-options, un régime fiscal et social équilibré.
La période 1995-1997 est donc de ce point de vue une période plutôt sombre, parce que ni l'équité ni l'efficacité n'y ont gagné.
M. Jean Chérioux. Il faut l'éclairer !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi, monsieur Chérioux, le Gouvernement, comme l'a annoncé M. le Premier ministre, le 12 mai dernier lors des assises de l'innovation, prépare un réaménagement complet du dispositif des bons de souscription de façon à le rendre parfaitement favorable à la création d'entreprises, à la création de richesses et à la création d'emplois.
Le Gouvernement travaille sur cette question dans un esprit d'efficacité et d'équité. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rejeter l'amendement n° II-115 présenté par M. Marini.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-115.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole contre.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les plans d'options de souscription ou d'achat d'actions dits stock-options sont un moyen utile d'intéressement des salariés, principalement des cadres, à la valorisation de leur entreprise. Ils sont très utiles, notamment lorsqu'une entreprise innovante a besoin de s'attacher les services de cadres de haut niveau.
Comme le mentionnait le rapport de nos collègues MM. Arthuis, Marini et Loridant, si la pratique des plans de souscriptions d'actions n'est pas condamnable en soi, elle a été de plus en plus détournée de son objet et ces derniers sont devenus, dans la réalité, de simples et significatifs compléments de salaires, en permettant dans certains cas à ses bénéficiaires de réaliser d'importantes plus-values, dans des conditions parfois peu transparentes et ne respectant pas le principe d'égalité devant l'impôt.
C'est pourquoi, dans la loi de finances pour 1996, un pas avait été fait dans le sens d'une prise en compte plus juste de ces stock-options en relevant le taux applicable de 16 % à 30 %.
De plus, les stock-options sont soumis à cotisations sociales et au prélèvement de 10 %. Ainsi, l'imposition apparaît aujourd'hui équilibrée.
Le seul désavantage potentiel de cette imposition, c'est-à-dire le frein possible pour les entreprises innovantes, a été résolu par le système des bons de souscriptions de parts de créateurs d'entreprise.
En conséquence, l'adoption de cet amendement ne pourrait entraîner qu'un retour aux dérives antérieures qui font du dispositif des stock-options un complément de salaires moins imposé pour les cadres et les dirigeants de grande entreprise, et non un dispositif d'aide à l'innovation.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. Michel Charasse. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le rapporteur général, vous nous proposez que l'Etat, c'est-à-dire l'ensemble des contribuables,...
M. Michel Charasse. Ceux qui payent l'impôt !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... supporte le coût de portage des actions acquises à des conditions privilégiées par quelques capitalistes et, là, je pèse mes mots !
M. Jean Chérioux. Ce sont des travailleurs, pas des capitalistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur Chérioux, vous le savez très bien, il existe encore des riches et des pauvres dans notre pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si on vous suivait, madame Beaudeau, il n'y aurait que des pauvres !
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° II-115 de la commission des finances soulève une question quelque peu provocatrice.
On nous propose en effet de revenir au mode de taxation des plus-values pour l'ensemble des plus-values acquises par les détenteurs d'options d'achat d'actions, alors que cette même commission des finances du Sénat avait admis le principe d'une taxation à 30 % de ces plus-values.
On nous ressert, en quelque sorte, le plat passablement réchauffé, si je puis dire, des stock-options.
Selon le rapport de la commission des finances du Sénat, le système des stock-options est un « instrument particulièrement astucieux et efficace de fidélisation et de motivation des cadres » dans les entreprises du pays.
Et comment ! serait-on tenté de dire.
M. Jean Chérioux. Ce sont des cadres, pas des capitalistes !
M. Michel Charasse. Des cadres très hauts placés !
M. Jean Chérioux. Et alors !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On nous propose de revenir à un dispositif qui taxe à 16 % ce qui serait taxé à 54 %, après avoir été soumis à cotisations sociales, s'il s'agissait de salaires.
Il est tout de même étonnant qu'au moment même où l'on nous parle de budget réaliste on nous propose de laisser des gens comme M. Bébéar ou encore un cadre fidèle d'une filiale d'Alcatel - qui avait momentanément quitté son entreprise entre 1993 et 1995 pour tenter d'accomplir un destin national - réaliser, sur le dos de la collectivité, et d'abord sur celui des salariés de leur entreprise, une juteuse opération financière, et cela en toute légalité !
C'est la montée des prélèvements sociaux qui serait à la base, si l'on en croit le rapport de notre collègue M. Marini, de la proposition ahurissante que nous fait la commission des finances.
Pourquoi faudrait-il que ce qui est déguisé en investissements en capital et qui devrait être traité comme un élément de salaire parmi d'autres échappe au financement de la charge publique, et notamment de la protection sociale ?
L'affaire serait, si l'on peut dire, moins rentable qu'auparavant. Mais est-ce à la collectivité nationale, au travers d'un régime fiscal exorbitant du droit commun, d'assurer cette rentabilité ?
Nous ne voterons pas cet amendement n° II-115 de la commission des finances. Il a pourtant un avantage : celui de nous prouver que, quand certains parlent ici de baisses d'impôts, ils gardent d'abord les yeux rivés sur les problèmes de fins de mois des ménages les plus riches, ménages qui sont bien moins nombreux que ceux pour qui la fin du mois commence le 15 !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. M. le rapporteur général indiquait tout à l'heure que l'amendement qu'il présente au nom de la commission des finances est un amendement d'appel. Personnellement, j'adhère complètement à cette proposition.
Lors du débat sur la première partie du projet de loi de finances pour 1999, j'avais interpellé le Gouvernement, en la personne de M. le secrétaire d'Etat, sur la nécessité d'élaborer un ensemble de dispositifs fiscaux favorables pour la France qui gagne, j'entends par là les cadres, ceux qui s'expatrient, qui se battent, les chefs d'entreprise qui favorisent les innovations, qui développent la recherche et les créneaux nouveaux comme les nouvelles technologies, la biogénétique notamment.
Cet amendement constitue pour moi la première pierre de cet ensemble de dispositifs fiscaux absolument indispensables aux cadres dirigeants et innovateurs des entreprises françaises face à ceux qui travaillent en Europe.
Ce texte sur les stock-options a maintenant plus de quatorze ans d'âge. Vous n'allez pas nous répéter pendant trois, quatre, cinq ans de suite que c'est nous avons fait l'erreur de majorer la fiscalité sur les stock-options ! Il faut au contraire examiner ce problème sans esprit de polémique et avec un regard résolument tourné vers l'avenir afin de trouver le meilleur dispositif fiscal pour la France qui gagne et pour l'avenir de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de l'importance du sujet, d'ailleurs fort bien mis en relief par notre collègue M. Lachenaud, compte tenu également de certains arguments que j'ai entendus, développés notamment par Mme Beaudeau, et s'agissant d'un amendement de principe, pour cette raison, et pour cette raison seulement, la commission souhaite que le Sénat s'exprime par scrutin public. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Du moins ce sera clair et il faut que chacun prenne ses responsabilités ! (Nouvelles exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-115, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue des suffrages 151
Pour l'adoption 202
Contre 99

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 64.
Par amendement n° II-149, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Tregouët proposent d'insérer, après l'article 64, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du b du 1° de l'article 209 OA du code général des impôts, les mots : « ouvrant droit à l'avoir fiscal » sont supprimés.
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Cet amendement vise à mettre le régime fiscal des parts OPCVM-actions détenues par les entreprises en conformité avec nos obligations communautaires en supprimant la condition relative à l'avoir fiscal.
En effet, cette condition vide de sa portée l'ouverture du dispositif aux actions de toute société de l'Union européenne, dont le principe est posé par le a ) de l'article 209 OA du CGI.
De plus, cette mesure, au coût budgétaire réduit, éviterait de nombreux contentieux inutiles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis la loi de finances pour 1993, les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés sont, en principe, imposables chaque année au titre de la valorisation des parts ou actions d'OPCVM qu'elles détiennent en France ou à l'étranger, alors que, auparavant, les plus-values n'étaient imposables que lors de la cession de ces parts.
Toutefois, afin de ne pas remettre en cause les efforts visant à renforcer les fonds propres des entreprises, les titres des OPCVM essentiellement placés en actions dont l'actif est composé pour 90 % au moins d'actions ou de certificats d'investissements émis par des sociétés de l'Union européenne et dont les dividendes ouvrent droit à l'avoir fiscal ont été exemptés de la mesure que j'évoquais.
Ces deux conditions visent à exclure les montages qui reviendraient à transformer des produits d'actions en revenus de taux. La condition qui impose que les dividendes des actions figurant dans l'actif des OPCVM exonérés ouvrent droit à l'avoir fiscal vise à éviter que les actions logées dans l'OPCVM ne recouvrent en réalité d'autres sociétés de capitalisation ayant un actif composé de produits de taux.
Toutefois, cette condition apparaît démesurément restrictive puisqu'elle prive du bénéfice de la mesure les OPCVM dont l'actif est constitué d'actions de sociétés situées dans des Etats membres de l'Union européenne qui n'ont pas institué un crédit d'impôt équivalent à l'avoir fiscal, ce qui est le cas de la plupart des pays de l'Union européenne.
Il apparaît donc opportun de supprimer ladite condition, et c'est ce à quoi tend l'amendement présenté par M. Cazalet et pour lequel la commission des finances a formulé un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est sensible au problème posé par l'amendement que M. Cazalet vient de défendre.
Il s'agit d'une disposition technique d'une grande complexité, chacun l'aura compris, qui nécessite un examen approfondi. Cet examen étant en cours, je propose que l'on en reparle ultérieurement. Dans cette attente, je vous suggère, monsieur Cazalet, de retirer cet amendement. Dans le cas contraire, je serais dans l'obligation de demander le retrait.
Soyez assuré que l'appel lancé par le biais de cet amendement a été entendu par le Gouvernement, qui réfléchit sur cette question.
M. le président. Monsieur Cazalet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Auguste Cazalet. Je le retire, monsieur le président, (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Fauchon. Vive Cazalet !
M. le président. L'amendement n° II-149 est retiré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de l'intérêt de la proposition de notre collègue M. Oudin, je voudrais demander à M. le secrétaire d'Etat de bien vouloir procéder à une étude qui ne soit pas trop longue, de telle sorte que nous puissions reprendre ce sujet à l'occasion d'un prochain texte.
Peut-être le projet de loi de finances rectificative viendra-t-il en discussion un peu trop tôt, monsieur le secrétaire d'Etat, pour vous permettre de tenir les réunions nécessaires. Je souhaite toutefois que cette question soit réexaminée rapidement, compte tenu de l'ouverture d'esprit dont vous avez bien voulu faire preuve.

Article 64 bis