Séance du 10 décembre 1998







M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, un an après la forte mobilisation des chômeurs et des personnes en situation précaire de décembre dernier qui avait reçu un large soutien dans l'opinion publique, des femmes, des hommes et leurs associations font de nouveau entendre leur voix.
Parti la semaine dernière de la cité phocéenne, où plus de 20 000 personnes se sont mobilisées, le mouvement s'est étendu à d'autres régions.
Aujourd'hui, alors que nous célébrons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, symboliquement, les sans-emploi, les sans-logis, les personnes reléguées au rang d'assistés manifestent à Paris, à l'appel des associations de chômeurs.
Que ce soit le milliard débloqué l'année dernière par le Gouvernement, dépensé en l'espace de quelques mois, les coups de pouce consentis sur le RMI, l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, ou encore la création des CASU, les commissions d'action sociale d'urgence, votée dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, aucune de ces mesures n'a permis d'améliorer réellement le quotidien des six millions de personnes confrontées à de graves difficultés d'existence.
Les demandes d'hier demeurent toujours d'actualité.
Au-delà des revendications légitimes d'allocation exceptionnelle ou « prime de Noël », de revalorisation substantielle des minima sociaux, les chômeurs ont des exigences plus profondes que nous partageons.
Ils attendent du Gouvernement qu'il mène une politique sociale plus ambitieuse, qu'il réussisse à traiter les maux du chômage et de la précarité à la racine.
Pour lutter contre le chômage ou la grande pauvreté économique et sociale, le Gouvernement a déjà adopté des mesures importantes.
Madame la ministre, quand comptez-vous appliquer effectivement ces dispositifs qui figurent notamment dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ?
Par ailleurs, comment allez-vous traduire juridiquement vos propositions de taxer le recours abusif aux contrats à durée déterminée et à l'intérim ?
Enfin, comment interviendra le Gouvernement pour engager une réflexion d'ensemble sur notre système d'indemnisation du chômage ?
Son caractère dégressif, les conditions drastiques, durcies depuis 1995, d'ouverture des droits, contribuent à exclure du régime d'assurance chômage la majorité des chômeurs. Comment ne pas entendre leurs inquiétudes, voire leur colère ?
Madame la ministre, il est inacceptable que le Gouvernement réponde par la violence en faisant évacuer sans ménagement les locaux des ASSEDIC, comme ce fut le cas lundi dernier à Marseille, où un élu communiste, mon ami Joël Dutto, vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône, venu apporter son soutien, fut notamment blessé ; il ne peut non plus accepter la fermeture préventive de ces locaux.
Face à cette quête de dignité, à ces demandes légitimes des chômeurs en fin de droits, quelles sont les mesures urgentes qu'entend prendre le Gouvernement et quelles seront, à plus long terme, les réformes structurelles entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, si le Gouvernement entend les chômeurs, il les écoute aussi ! Il les écoute d'autant plus que, depuis le vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ont été mises en place des structures nationales et locales permettant aux organisations syndicales comme aux associations de chômeurs d'être entendues au niveau tant du ministère que de la plus petite agence locale pour l'emploi.
Par ailleurs, je voudrais vous rappeler que l'objectif numéro un du Gouvernement est la création d'emplois et la lutte contre le chômage. Ce n'est pas un hasard - nous avons d'ailleurs publié les chiffres ce matin - si, en un an, 350 000 emplois ont été créés, si notre pays compte 180 000 chômeurs de moins et si le chômage des jeunes a diminué de 15 %. Cela dit, nous savons que beaucoup restent sur le bord de la route, notamment ceux qui sont très éloignés de l'emploi.
A cet égard, je voudrais vous rassurer, monsieur le sénateur, et je vous ferai parvenir dans la journée un bilan sur ce point : s'agissant de mon département ministériel, qui concerne l'emploi, la santé et les affaires sociales, l'ensemble du programme de lutte contre les exclusions résultant de l'adoption de la loi d'orientation est déjà en application, à l'exception des dispositions visant l'insertion par l'économique, pour la simple raison que la loi elle-même prévoit leur application au 1er janvier 2000.
Ainsi, 10 000 jeunes sont déjà entrés dans le dispositif TRACE, trajet d'accès à l'emploi, qui a été mis en place au début du mois d'octobre. En outre, au titre des nouveaux départs, 70 000 personnes - chômeurs de longue durée, RMIstes, bénéficiaires de l'ASS - ont déjà été reçues par l'ANPE et sont entrées dans un parcours vers l'emploi et vers la qualification.
L'ensemble des textes concernant les contrats emplois consolidés - ces contrats vont permettre d'embaucher pour cinq ans, dans les jours qui viennent, les premiers chômeurs, payés à 80 % par l'Etat - les contrats emploi solidarité et le cumul entre un revenu d'assistance et une rémunération sont aujourd'hui entrés en application. Il en est de même pour la santé.
Pour ce qui est du logement et de l'endettement, secteurs qui ne dépendent pas de moi, la quasi-totalité des textes sont déjà sortis ou sortiront avant la fin de l'année.
Il faut donc dire très clairement ici que cette loi est déjà en application, ce dont nous nous réjouissons.
J'ajoute que nous terminerons, en fin de semaine prochaine, un tour de France qui nous a conduits à réunir des milliers d'élus, de fonctionnaires et de membres d'association en vue de mobiliser l'ensemble des régions.
Mon dernier point concerne l'urgence, car nous savons que certaines personnes sont en situation de détresse : les commissions d'action sociale d'urgence sont d'ores et déjà en place dans quatre-vingts départements et seront installées dans tous les départements avant le 15 décembre.
L'ensemble de ces CASU ont aujourd'hui les moyens de répondre, comme elles l'ont fait pour 600 000 dossiers l'année dernière, à l'urgence qui peut être demandée par les chômeurs de longue durée ou par les personnes en grande difficulté sociale. Je répète, au nom du Gouvernement, que si des problèmes survenaient dans une région ou dans une autre, tout serait fait pour les régler.
Par ailleurs, une consultation est organisée cette semaine sur le travail précaire, et les dispositions nécessaires à cet égard seront prises. Enfin, M. le Premier ministre prendra des décisions, s'agissant des minima sociaux. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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