Séance du 15 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° 39, MM. Charasse, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne et Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 16 quindecies, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La prime versée par la Fédération française de football aux membres de l'équipe de France et de son encadrement technique, à l'occasion de la dernière rencontre donnant lieu à l'attribution de la Coupe du monde de football de 1998, est assujettie à une retenue égale à 15 % de son montant, libératoire de l'impôt sur le revenu.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Nous proposons de soumettre à une taxation atténuée la prime attribuée aux joueurs et à l'encadrement technique de l'équipe de France de football à la suite de la victoire en finale de la Coupe du monde.
Il s'agit en quelque sorte de clore un débat que nous avons ouvert le 23 novembre dernier avec un amendement de M. Foucaud.
Je ne reprendrai pas ici son vibrant plaidoyer avec la performance de notre grande équipe. Il est clair que les joueurs et l'encadrement méritent notre reconnaissance. Ainsi, comme cela avait été décidé pour les médaillés olympiques de Nagano, un geste - et non pas un énorme cadeau fiscal, comme l'a si bien dit notre collègue Michel Charasse le 23 novembre 1998 - doit être fait en leur faveur.
Pour qu'il y ait symétrie avec les vainqueurs aux jeux Olympiques, nous proposons que l'exonération ne porte que sur la prime versée pour la finale.
L'amendement de notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen, en exonérant de tout prélèvement les primes, créait une distorsion entre les joueurs résidant en France et les autres. En outre, le cas de l'encadrement technique n'était pas clairement traité. C'est pourquoi M. Foucaud avait retiré l'amendement présenté par son groupe.
Le groupe socialiste a donc déposé un texte incluant l'encadrement technique et aboutissant à une égalité de traitement entre les joueurs résidant en France et ceux qui évoluent dans des clubs étrangers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement, nous avons déjà abordé ce sujet intéressant le 23 novembre dernier, lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, à l'occasion de l'examen d'un amendement du groupe communiste républicain et citoyen visant à instaurer une franchise fiscale complète pour les primes en question... dont j'avais souligné le caractère social évident. (Murmures.)
Le dispositif qui nous est présenté aujourd'hui est un peu moins généreux, puisqu'il ne s'agit que d'un prélèvement libératoire de 15 %.
La commission a examiné avec attention cette question et rappelle qu'il existe en effet un précédent de cette nature pour les médaillés olympiques. Toutefois, ces derniers appartiennent, dans la plupart des cas, me semble-t-il, en théorie tout au moins, à la catégorie des sportifs amateurs.
M. Roland du Luart. Hum !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a bien compris que les auteurs de l'amendement voulaient veiller à ce que les membres de l'équipe de France - auxquels, bien entendu, nous sommes tous reconnaissants - qui ont conservé leur domicile fiscal dans notre pays - je n'ai pas de statistiques précises, mais il s'agit peut-être d'une minorité - ne soient pas défavorisés par rapport à leurs camarades qui ont délocalisé leur résidence fiscale, voire leur patrimoine.
M. Michel Mercier. C'est un aveu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a trouvé cet amendement intéressant parce qu'il prend en compte le risque et aussi la réalité des délocalisations d'assiette fiscale auxquelles les excès de notre fiscalité conduisent bon nombre de personnes sur lesquelles repose le dynamisme de notre pays. C'est vrai pour les sportifs et, probablement aussi...
M. Paul Loridant. Sortez les mouchoirs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les mouchoirs... Pas plus et pas moins pour les uns que pour les autres, mon cher collègue ! Quand il est question d'argent et de patrimoine, il faut veiller à maintenir l'équité.
La commission se réjouit de voir le groupe socialiste prendre très au sérieux les problèmes liés à la délocalisation fiscale d'un certain nombre de personnes ayant perçu, pour des raisons X, Y ou Z, des revenus importants du fait d'une activité elle-même particulièrment importante et décisive, comme ce fut le cas, à l'évidence, pour notre joie à tous, des membres de l'équipe de France de football, et souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous reprenons aujourd'hui un débat qui a déjà été vibrant. Comment traiter de façon exceptionnelle un événement qui fut lui-même exceptionnel : la victoire de l'équipe de France - sans oublier son encadrement technique - lors de la dernière Coupe du monde de football.
Nous avons vécu cette victoire comme le témoignage exemplaire d'une intégration sociale qui fait l'honneur de notre pays, et nous pensons qu'elle mérite la reconnaissance de la nation. Bref, nous avons cherché ensemble une solution.
L'amendement défendu par M. Dermerliat ne concerne en rien, comme M. le rapporteur l'a sous-entendu, les délocalisations fiscales. Si la moitié des joueurs de l'équipe de France jouent à l'étranger, c'est parce que ce sont de grands champions,...
M. Roland du Luart. Non, c'est parce qu'ils paient trop d'impôts en France !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... ce n'est pas pour se réfugier dans des paradis fiscaux, comme d'autres personnes dotées de patrimoines importants peuvent avoir la tentation de le faire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Les bras m'en tombent !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ils travaillent à l'étranger, pour la moitié d'entre eux, parce que ce sont de grands champions.
L'amendement n° 39 apporte une solution heureuse et, je crois, équilibrée. C'est pourquoi le Gouvernement s'y rallie, et lève donc le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 39 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. D'ailleurs, je voudrais, après avoir vu M. le président de la commission des finances hausser les épaules, rappeler que certains joueurs français qui jouent un temps à l'étranger reviennent ensuite jouer en France : c'est bien la preuve qu'ils placent leur avenir professionnel avant toute question d'évasion patrimoniale ou fiscale !
M. Roland du Luart. C'est à mourir de rire !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce débat est assurément très éclairant !
Nous sommes tous très attachés au football, aux succès de l'équipe de France et à son exemplarité, et vous avez bien fait de rappeler que nous avons tous, y compris dans cette enceinte, été extrêmement fiers de cette équipe.
Mais nous voudrions bien que la qualité technique du football, pour parler de ce sport, continue à progresser et, pour ce faire, il faut que les meilleurs joueurs évoluent sur le sol national et ne s'en aillent pas à l'étranger. Peut-être les spécialistes - je cherche notre collègue président du groupe d'études sur le sport... je ne le vois pas -...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il est sur le terrain ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général... pourraient-ils constater que dans l'ensemble des championnats nationaux la France n'est pas toujours la mieux placée, en termes de qualités footballistiques. La raison en est peut-être que certains de ces très bons éléments exercent à longueur d'année, et durant une bonne partie de leur carrière, à l'extérieur de nos frontières.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour aller dans le sens que nous souhaitons tous d'un développement de ce sport populaire, sans doute serait-il bon de s'inspirer de certaines des idées de la majorité sénatoriale, favorable notamment à la baisse du barème de l'impôt sur le revenu, à la réduction des charges sociales, parce que c'est certainement la façon de rapatrier dans notre pays nombre de grands sportifs dont nous avons besoin ! (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils reviennent pour jouer la Coupe du monde !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela étant, sur l'amendement n° 39 rectifié, la commission des finances s'en remet, à l'évidence, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole et à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. M. le secrétaire d'Etat, au cours du long débat du projet de loi de finances, a, utilement d'ailleurs, attiré mon attention sur la finalité sociale qui devait présider à l'élaboration de la législation fiscale.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne perçois pas totalement la dimension sociale de ce que vous avez trouvé juste dans l'amendement que nous sommes en train de discuter.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est social par procuration !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Au cours de la discussion du projet de loi de finances, vous nous avez rappelés à ce qui pourrait être nos devoirs lorsqu'il s'agissait de certaines catégories de redevables dont les revenus pouvaient paraître élevés, ou de certaines catégories d'investissements - je pense notamment à l'amortissement Périssol, devenu Besson.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous me disiez, car je ne l'ai pas bien perçu - mais je suis perfectible ! - où est la dimension sociale de la proposition que vous soutenez avec tant de foi.
Je suis tout à fait d'accord avec M. le rapporteur général sur ceci : votre avis favorable sur cet amendement a une portée considérable, monsieur le secrétaire d'Etat ; il marque le soutien aux Français qui gagnent, aux Français qui font gagner la France.
Ces Français qui gagnent, il ne faut pas les pénaliser, il ne faut pas les inciter à aller à l'étranger... sinon pour conquérir des parts de marché. Il faut au contraire faire en sorte qu'ils continuent d'être fiers d'être français et qu'ils n'aient pas le sentiment d'être maltraités par leur pays.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes tous heureux de célébrer dans cet hémicycle la victoire de la France en finale de la Coupe du monde. Profitons de l'instant pour en tirer tous les enseignements, afin que la France soit championne du monde non seulement en football, mais aussi en économie et en emploi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Roland du Luart. Cela devient très intéressant !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. N'y a-t-il rien de social dans la volonté de la nation tout entière, par le biais de ses représentants élus, de rendre hommage à une équipe sportive qui a accompli une performance exceptionnelle ?
J'ajoute, et cela a été noté par les plus hautes autorités de l'Etat, monsieur le président de la commission des finances, que l'intégration sociale qu'incarne cette équipe de football mérite aussi quelque considération.
Sans vouloir prolonger ce débat, je reviens sur votre argument selon lequel nos joueurs vont jouer à l'étranger parce qu'ils se sentent fiscalement opprimés.
Tout d'abord, vous savez que, dans la coupe de l'Union européenne football-association, l'UEFA, nous avons trois équipes qualifiées sur les huit qui restent en compétition. Il nous reste donc d'excellents joueurs et d'excellentes équipes.
De plus, des étrangers jouent en France ! On ne peut pas être européen avec des convictions aussi sincères que les vôtres et dire que les Français doivent jouer en France et que les étrangers doivent jouer à l'étranger !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je suis bien d'accord avec vous !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous sommes ici pour honorer une équipe qui a été le flambeau de la France. J'espère que l'amendement déposé par le groupe socialiste sera adopté, parce qu'il apporte une marque de considération que nos footballeurs attendent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ce débat, nous l'avons déjà eu lors de la discussion de la loi de finances, et je m'exprime à nouveau contre cet avantage.
Il est tout à fait hypocrite de ne pas parler, à l'occasion des primes de matches, des transferts, qui constituent l'essentiel des rémunérations des joueurs professionnels de football, d'autant que, à cette occasion, les fonds empruntent souvent des circuits financiers internationaux un peu... complexes.
Par ailleurs, ne prendre en compte que la prime du dernier match n'a aucun sens. Je ne suis d'ailleurs pas certain que l'entraîneur Aimé Jacquet et les joueurs aient reçu une prime individualisée pour ce match.
Enfin, mes chers collègues, pensez aux autres sportifs, à tous ceux qui, dans l'année, ont réalisé des exploits tout aussi remarquables. Pensez aux escrimeurs, aux athlètes qui ont remporté de grandes compétitions mondiales et dont les rémunérations ne bénéficieront pas du même régime fiscal favorable. (MM. Bourdin et Miraux applaudissent.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis très étonné de ce débat, car, au fond, cet amendement assez anodin ne mérite ni tant d'honneur ni tant d'indignité.
Mes chers collègues, même si l'intervention de M. Lachenaud n'est pas sans intérêt, je dirai que l'on est dans le symbolique plus que dans le social, monsieur le président de la commission.
Lors des derniers jeux Olympiques, je me souviens parfaitement de la grande émotion populaire qui régnait alors ! On estimait qu'il n'était pas normal que ces Français - il faut dire qu'ils étaient relativement peu nombreux - qui avaient gagné des médailles olympiques ne soient pas récompensés d'une manière ou d'une autre. Et le Parlement a décidé d'exonérer la prime olympique !
C'est une idée d'inspiration analogue qui avait motivé nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen lors de l'examen en première lecture de la loi de finances pour 1999. Mais ils avaient vraiment visé très large, puisqu'ils proposaient d'exonérer toutes les primes reçues à l'occasion de tous les matches, ce qui représente des millions et des millions de francs.
Ils allaient ainsi très au-delà du geste que le Parlement avait voulu faire autrefois à l'égard des médaillés olympiques.
Aujourd'hui, nous visons simplement la prime du dernier match. Et prévoyant un prélèvement libératoire de 15 %, nous alignons exactement le sort fiscal des joueurs résidents, c'est-à-dire de ceux qui paient leurs impôts en France, sur le sort fiscal des joueurs non résidents, ceux qui sont imposables à l'étranger...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut le faire pour les cadres !
M. Michel Charasse. Il reste, monsieur Lachenaud, c'est vrai, que l'on n'a pas pensé aux autres sportifs, dans les autres disciplines.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On y reviendra !
M. Michel Charasse. Mais, en l'occurrence, on est dans le symbolique. Que voulez-vous ? la Coupe du monde de football a donné à la France un renom formidable, dont les Français ont été très fiers.
J'ai ainsi pu entendre, lors d'une mission que j'ai accomplie en Afrique pour le compte de la commission des finances entre la fin du mois de juin et le 14 juillet, tous mes interlocuteurs - les chefs d'Etat, les chefs de gouvernement, les ministres... - m'interpeller ainsi : « Bravo la France ! C'est vraiment formidable ! » J'entendais crier dans les rues : « Zidane ! Zidane ! Zidane !... »
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne croyez pas qu'ils me confondaient avec Zidane ! Je vous rassure. (Rires et exclamations sur de nombreuses travées.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Charasse Je conclus, monsieur le président.
Il s'agissait de faire un geste. Est-il bon ? Est-il mauvais ?
Monsieur le président de la commission des finances, je connais votre élévation d'esprit : vous savez bien que ces garçons qui se sont battus pour la Coupe du monde sous le drapeau français, même s'ils n'étaient pas tous Français... (Vives exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voyons !
M. Michel Charasse. Vous voyez bien, mes chers collègues, que je ne suis pas suffisamment spécialiste !
Donc ils étaient tous Français, mais pas tous résidents fiscaux !
En tout cas, c'est parce que nous considérons que ces joueurs ont bien mérité de la patrie que la patrie reconnaissante leur accorde...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... la Légion d'honneur !
M. Michel Charasse. ... ce petit cadeau, pour ce dernier match qui a donné tant de joie au pays.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ce débat est singulier et surréaliste.
A l'occasion de la discussion de cet amendement « anodin, mais symbolique », la majorité sénatoriale, avec l'adresse que l'on reconnait à M. le rapporteur général,...
M. Michel Charasse. Et avec beaucoup d'habileté !
M. Paul Loridant. ... veut mettre en cause la fiscalité française sur le revenu dans son ensemble...
M. Roland du Luart. C'est la preuve par neuf de M. Charasse.
M. Paul Loridant. ... en faisant un beau dégagement sur la France qui gagne et sur le fait que, dans notre pays, on paie trop d'impôts.
Derrière ces remarques, il y a l'impôt proportionnel et non plus progressif !
Pour ma part, je souhaite que l'on en revienne au texte de l'amendement et au symbole qu'il représente.
Monsieur le rapporteur général, cet amendement a une portée considérable : il honore une équipe de France plurielle, composée d'authentiques citoyens français.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Roland du Luart. Heureusement que vous informez M. Charasse !
M. Paul Loridant. Certains de ces joueurs ont fait le choix d'être français, puisqu'on est français parce qu'on souhaite le devenir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est une chance et une fierté de le devenir !
M. Paul Loridant. Cette équipe n'a pas de caractère ethnique, comme certains ont voulu l'imaginer ; elle est composée d'authentiques citoyens français. Elle a travaillé non pas pour la réussite individuelle, mais pour un succès collectif, accompagnée d'un entraîneur issu d'un milieu populaire et qui avait le sens de l'élévation.
J'ajoute - et je terminerai sur ce point - que j'ai la chance qu'un des joueurs soit de ma commune. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Félicitations !
M. Paul Loridant. C'est l'un de ceux qui a marqué des buts.
Il est issu d'un milieu particulièrement défavorisé, mais il s'en est sorti grâce à l'école de la République d'une ville de banlieue, car il s'est entraîné dans un club sportif de la banlieue.
Cette équipe de France a montré que les banlieues aussi savent gagner. Or ce n'est pas toujours ce que montrent les médias lorsqu'ils parlent des banlieues. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. René Trégouët. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Notre collègue M. Charasse a employé des mots très forts et, finalement, on est en train de passer du social au symbole.
Au fur et à mesure que notre débat prend de l'ampleur, je crois qu'il est important de dire, comme vient de le faire avec force et avec grandeur le président de la commission des finances, que la France a besoin de gagner dans tous les domaines.
Sachez que l'on a tous été heureux que l'équipe de France l'ait emporté et soit la première du monde.
Parallèlement, la France mériterait une grande place dans le monde, en particulier en ce qui concerne les nouvelles technologies.
Pourtant, des milliers de jeunes nous quittent chaque jour. Quand on visite les laboratoires américains, on rencontre des chercheurs français, des mathématiciens français : ils ont abandonné la France parce qu'on ne savait pas leur y faire une place et qu'on n'avait pas su créer un environnement favorable.
Je crains dès lors que la portée symbolique de cet amendement ne revienne à accorder plus d'importance à notre équipe de football qu'à notre équipe gagnante d'entrepreneurs, qui, malheureusement, est actuellement obligée de quitter notre pays.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je croyais que la noblesse d'un sport était de tout mettre en oeuvre pour la victoire, et que la grandeur de la victoire tenait au désintéressement.
Rabaisser, dans un débat parlementaire, cette victoire à une question de cadeau fiscal, au moment où tant et tant de nos concitoyens souffrent, ne me paraît pas servir la cause du sport, et je ne suis même pas persuadé que cela serve la cause des sportifs professionnels concernés.
Je suis même convaincu que leur joie d'avoir offert à notre pays une formidable victoire, qui est un manifeste pour l'intégration et qui prouve que la collectivité nationale a su rassembler des gens de différentes origines pour montrer à la face du monde que notre pays était capable de gagner, n'a rien à voir avec un quelconque cadeau fiscal, dont je ne suis pas persuadé qu'ils soient demandeurs.
Cela me paraît réduire la portée de leur victoire, alors que celle-ci était hautement symbolique. Pourquoi réduire les symboles à des questions d'argent ? (Tres bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Clouet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Clouet.
M. Jean Clouet. Je suis en train de me demander ce qui serait arrivé si nous avions perdu la finale ! (Rires.)
Aurait-on mis en berne les drapeaux sur tout le territoire ?
M. Paul Loridant. Oui !
M. Jean Clouet. Aurait-on surtaxé les joueurs sur leurs primes en amont ?
Je pense qu'il faut tout de même garder le sens des proportions, d'autant, je le rappelle, que ces joueurs ont reçu une marque d'intérêt et un hommage considérables en étant décorés de la Légion d'honneur !
Selon moi, ce débat est profondément ridicule. (MM. Bourdin et Miraux applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
Par amendement n° 42 rectifié, M. Loridant, propose d'insérer, après l'article 16 quindecies, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Il est inséré dans le code général des impôts, après l'article 39 quinquies GB, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - I. - Les entreprises d'assurance peuvent constituer en franchise d'impôt une provision destinée à faire face à la perte globale de gestion afférente à l'ensemble des contrats d'assurance sur la vie, de nuptialité, de natalité et de capitalisation.
« II. - Pour chaque ensemble de contrats stipulant une clause de participation aux bénéfices et un taux garanti identiques et au titre de chacun des exercices clos pendant la durée de ceux-ci, il est établi un bilan prévisionnel des produits et des charges futurs de gestion actualisés afférents à cet ensemble de contrats. Cette durée tient compte des opérations futures de rachat et de réduction, dans la limite de 80 % de la moyenne de celles intervenues au cours de l'exercice considéré et des deux exercices précédents.
« Pour l'établissement de ces bilans, sont pris en compte :
« - les produits correspondant aux frais de gestion prévus contractuellement, aux commissions de réassurance perçues pour couvrir de tels frais, ainsi qu'aux produits de placements résiduels après déduction des sommes prélevées sur ces produits pour couvrir les frais de gestion et des charges techniques et financières résultant des clauses contractuelles. Les produits de placements sont calculés en appliquant le taux de rendement pondéré de ces placements à la moyenne annuelle des provisions mathématiques afférentes aux contrats visés au I, calculée au titre des exercices concernés. Pour les obligations et titres assimilés, le taux de rendement pondéré est calculé sur la base de leur rendement hors plus-values jusqu'à la date d'amortissement, et pour le remploi des sommes correspondant au montant de leurs coupons et au prix de remboursement de ces titres, de 75 % du taux moyen semestriel des emprunts d'Etat. Toutefois, ce pourcentage est fixé à 60 % pour les remplois devant intervenir à compter de la sixième année suivant la date de la clôture de l'exercice considéré. Pour les autres actifs, ce taux est calculé sur la base de 70 % du taux de rendement pondéré moyen, hors plus-values, des obligations et titres assimilés constaté au titre de l'exercice considéré et des deux exercices précédents.
« - Les charges correspondant aux frais d'administration, aux frais de gestion des sinistres et aux frais internes et externes de gestion des placements retenus pour l'évaluation des produits, dans la limite du montant moyen des mêmes charges engagées au titre de l'exercice considéré et des deux exercices précédents.
« Le taux d'actualisation des produits et des charges futurs de gestion est le taux défini au troisième alinéa.
« III. - Le montant de la provision est égal à la somme des soldes débiteurs des bilans prévisionnels visés au II.
« IV. - La dotation pratiquée à la clôture de l'exercice considéré est, à la date de clôture de l'exercice suivant, comparée à la dotation qui aurait été pratiquée à la clôture de l'exercice considéré si les produits des placements avaient été calculés en retenant le taux de rendement réel de ces placements calculé au titre de ce dernier exercice. Lorsque la dotation effectivement pratiquée est supérieure, une somme égale au produit d'une fraction de l'écart global entre les deux dotations par le taux mentionné au premier alinéa du 3 du II de l'article 238 septies E constaté à la clôture de l'exercice considéré est alors comprise dans le résultat imposable de cet exercice. Cette fraction est égale à la somme des excédents de provisions constatés au titre de chacun des exercices couverts par la dotation en cause, diminués d'un cinquième de leur montant par exercice clos entre le premier jour du second exercice suivant celui au titre duquel la dotation a été pratiquée et la date de clôture de ces exercices, dans la limite des quatre cinquièmes de ces excédents. Pour l'application de la phrase qui précède, l'écart global est affecté en priorité aux excédents constatés au titre des exercices les plus proches. »
« B. - Les dispositions du A s'appliquent pour la détermination du résultat des exercices clos à compter du 31 décembre 1998.
« C. - La perte de recettes résultant des dispositions des A et B ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement, dont le caractère technique ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, concerne l'assurance sur la vie.
Les sociétés d'assurance vie sont tenues de constituer, sur le plan comptable, une provision technique dite « provision de gestion », qui est définie à l'article R. 331-3 du code des assurances et dont l'objet est de couvrir l'ensemble des charges de gestion future des contrats non couvertes par des chargements sur primes ou par des prélèvements sur produits financiers prévus par ceux-ci.
Le montant de cette provision est déterminé en fonction des données du contrat, puis réajusté chaque année en fonction de l'évolution des produits financiers escomptée à la fin de chaque exercice.
Sur le plan fiscal, compte tenu du caractère aléatoire des charges et des produits futurs de gestion pris en compte pour la détermination du montant de la provision, la provision de gestion ne remplit pas toutes les conditions posées par le 5° de l'article 39-1 du code général des impôts pour être admise en déduction des résultats imposables.
Cette difficulté appelle l'adoption d'un texte de loi pour en autoriser la déductibilité.
Ce texte revêt une grande importance. En effet, la situation de certaines sociétés d'assurance vie est fragilisée par l'exacerbation de la concurrence sur un marché désormais arrivé à maturité, et nous avons en tête les sinistres qui ont pu toucher certaines compagnies d'assurances.
Cette situation conduit les entreprises à comprimer leurs prélèvements au titre des frais de gestion, alors que la baisse des rendements obligatoires réduit tendanciellement leurs capacités à servir des taux élevés aux assurés.
Dans ce contexte, le rôle de la provision de gestion est déterminant pour éviter que ces comportements très concurrentiels ne mettent en péril, à court terme, la solvabilité des sociétés d'assurance.
L'objet de l'amendement n° 42 rectifié est précisément de permettre aux sociétés d'assurance d'avoir un comportement de gestion prévoyant et de prévenir les éventuels sinsistres qui pourraient survenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission admire la technicité de notre excellent collègue,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Et c'est un orfèvre qui parle ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui nous soumet un article additionnel de deux pages rédigé de manière juridiquement impeccable, et d'ailleurs très proche des préoccupations récemment exprimées et des conclusions récemment émises par le rapport Lambert sur l'avenir de l'assurance.
Tout évolue, et il est effectivement important que nos entreprises, notamment celles du secteur de l'assurance vie, demeurent compétitives. A cet égard, il s'agit ici d'aligner le droit fiscal sur le droit comptable, l'administration fiscale n'admettant pas jusqu'à présent en franchise fiscale les provisions constituées par les sociétés d'assurance en conformité avec les normes prudentielles européennes. La provision globale de gestion dont il est question ici vise à couvrir l'ensemble des charges de gestion lorsque les frais de gestion versés par les assurés sont insuffisants.
Mes chers collègues, la commission des finances n'a pas eu le temps nécessaire pour réaliser une expertise approfondie de ce dispositif. Mais, d'une part, elle l'a rapproché des propositions du rapport Lambert et, d'autre part, elle estime avoir des raisons de penser que ce dispositif est proche des préoccupations des milieux professionnels concernés.
Il est donc tout à fait justifié d'émettre un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après l'excellent commentaire de M. le rapporteur général, le Gouvernement est, lui aussi, favorable à cet amendement.
Il est effectivement important que les sociétés d'assurance vie qui sont présentes en France et qui doivent affronter une concurrence internationale de plus en plus aiguë aient la possibilité de constituer des provisions de gestion, ainsi que le propose M. Loridant avec l'amendement n° 42.
En conséquence, je lève le gage correspondant.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 42 rectifié bis.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié bis , accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 quindecies.
Par amendement n° 52, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16 quindecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - II est inséré dans le code des assurances un article L. 132-16-1 ainsi rédigé:
« Art. L. 132-16-1. - La valeur de rachat d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit sur sa tête par un époux commun en biens constitue un propre pour celui-ci en cas de dissolution par décès de la communauté conjugale avant le terme du contrat si, à la date de la dissolution de la communauté, le contrat prévoit l'attribution du bénéfice en cas de vie et en cas de décès à l'un ou l'autre des époux et si le conjoint du souscripteur a consenti à l'opération.
« Aucune récompense n'est due à la communauté en raison des primes payées par elle, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées, eu égard à l'importance des revenus des époux ou qu'elles ne constituent un apprauvrissement excessif de la communauté ».
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux contrats en cours, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord exprès du conjoint du souscripteur, dès lors que l'entreprise d'assurance l'en a informé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et que ce conjoint ne s'y est pas opposé dans un délai de trois mois à compter de la réception de cette information. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement relatif aux contrats d'assurance vie non dénoués lors de la dissolution par décès des communautés conjugales.
Cet amendement compliqué recouvre une situation qui, malheureusement, peut frapper certains couples au moment du décès de l'un de ses deux membres.
Actuellement, l'article L. 132-16 du code des assurances dispose que, lorsque l'un des conjoints décède alors qu'il avait souscrit un contrat d'assurance vie sur sa tête et au bénéfice de son conjoint en cas de décès, le capital versé au titre de ce contrat constitue un bien propre pour le conjoint survivant et, donc, un bien exonéré de droits de succession.
Or, la Cour de cassation a, par son arrêt Praslicka du 31 mars 1992, considéré que, suite au divorce d'époux mariés sous le régime de la communauté de biens, un contrat d'assurance vie souscrit par un des époux et non dénoué doit être intégré dans l'actif de la communauté, chaque époux ayant droit à la moitié de la valeur du rachat du contrat.
Depuis lors, des hésitations se sont produites en ce qui concerne les transpositions de cette jurisprudence aux liquidations par décès des communautés conjugales.
Afin de mettre un terme aux incertitudes existantes qui posent, vous l'imaginez fort bien, des problèmes humainement douloureux, puisque l'un des deux conjoints est décédé et que l'autre ne sait pas quel sera le traitement fiscal du contrat d'assurance vie, il est proposé de préciser le sort des contrats d'assurance vie non dénoués lors de la dissolution par décès des communautés conjugales et, partant, la situation de la valeur de rachat de ces contrats au regard des droits de mutation à titre gratuit.
Ainsi, la valeur de rachat d'un contrat d'assurance vie souscrit sur sa tête par un époux commun en biens constituerait un bien propre pour celui-ci en cas de dissolution par décès de la communauté conjugale avant le terme du contrat dès lors, notamment, qu'à la date de la dissolution de la communauté le contrat en cause prévoit l'attribution de son bénéfice en cas de vie et en cas de décès à l'un ou l'autre des époux et que le conjoint du souscripteur ait consenti à l'opération.
Une telle modification législative permettra de régler les contentieux en cours. Tout le monde pourrait être favorable à cette clarification technique, qui aura des résonances humaines importantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est vraiment pas très enthousiaste à l'égard de cet amendement du Gouvernement, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, vous nous soumettez, à ce stade de la discussion, un dispositif juridique très complexe, alors qu'il n'est pas très facile d'approfondir le sujet dans les délais qui nous sont impartis.
De plus, comme nos collègues s'en sont rendu compte en écoutant vos explications, monsieur le secrétaire d'Etat, le sujet est plus juridique que fiscal et concerne plus le droit civil que les produits d'épargne.
Enfin, cette disposition, qui n'est fiscale que par certaines de ses conséquences, est vraisemblablement assez proche de ce que l'on appelle un cavalier budgétaire.
Il est donc manifeste que la commission ne peut adhérer à votre proposition, des éléments d'analyse juridique, surtout, nous conduisant à mettre en question votre démarche, et que son avis est défavorable.
Quant au fond, c'est-à-dire les évolutions que vous voulez voir réaliser par ce biais au sein de notre droit civil, il est bien évident que le président de la commission des finances sera beaucoup plus compétent que je ne puis l'être pour exposer les réserves qui sont à l'origine de cet avis défavorable.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, en nous proposant de modifier le code des assurances, en réalité vous modifiez le code civil.
Vous savez que le code civil prévoit la non-mutabilité des conventions matrimoniales, c'est-à-dire que, lorsque nous nous marions, il convient que les conventions matrimoniales auxquelles nous souhaitons nous soumettre - le régime légal en l'absence de contrat de mariage - soient stables ; c'est l'intérêt du couple et des tiers qui traitent avec le couple.
Or, par le biais d'un amendement - qui n'a d'ailleurs pas été retenu par la commission des finances de l'Assemblée nationale, je vous le signale au passage - M. le secrétaire d'Etat nous propose subrepticement d'arranger les affaires de personnes en difficulté par la modification du code des assurances qui, en fait, va totalement à l'encontre du principe de la non-mutabilité des conventions matrimoniales.
Si nous suivions cette proposition du Gouvernement, les époux mariés, ou l'un d'entre eux, pourraient utiliser l'épargne de la communauté légale à laquelle ils sont soumis, n'ayant pas fait de contrat de mariage, pour en faire tout à coup un propre, ce qui, pour les civilistes, qui sont nombreux dans cette salle, est quand même un comble ! C'est, en effet, une modification du régime matrimonial.
Les modifications de régimes matrimoniaux sont prévues dans notre droit civil, mais elles sont assorties de règles assez exigeantes, en particulier celle de l'homologation par le tribunal de grande instance. Chacun sait d'ailleurs de quelles précautions ces homologations sont précédées.
Il arrive même que les magistrats commandent une enquête spécifique, enquête qui conduit la gendarmerie à visiter chacun des enfants pour voir si la modification du régime matrimonial n'a pas d'effet sur les droits légitimes qu'ils estiment devoir protéger. Donc, encore une fois, cette homologation est précédée d'un examen extrêmement attentif du magistrat.
Voilà que M. le secrétaire d'Etat va faciliter considérablement notre tâche ou, en tout cas, la tâche de ceux qui vont vouloir transférer une partie du patrimoine de la communauté dans le patrimoine propre de l'un des époux.
Nous ne méconnaissons pas la difficulté que soulève M. le secrétaire d'Etat. En effet, lorsque le souscripteur de l'assurance décède le premier, le bénéficiaire a l'avantage, au titre de la fiscalité qui régit l'assurance vie, d'être exonéré de droits de succession sur la somme qu'il perçoit. Mais les choses deviennent plus difficiles lorsque le bénéficiaire décède avant le souscripteur.
La logique de votre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, consiste à faire du bien qui pouvait être à l'origine un bien de la communauté un bien propre au moment de la dissolution. Sur le plan fiscal, monsieur le secrétaire d'Etat, votre proposition ne me dérange pas. Après tout, puisque vous faites des cadeaux - on l'a vu pour les footballeurs - allons-y pour les souscripteurs d'assurance ! Mais alors, dites que, dans l'hypothèse où le bénéficiaire viendrait à décéder avant le souscripteur, l'opération s'analysera fiscalement - j'insiste sur ce terme - comme s'il s'agissait d'un bien propre. Dans ce cas, personnellement, je n'aurais aucun état d'âme, car je n'ai jamais confondu la fiscalité et la morale. Je considérerais que le Gouvernement choisit, pour que ce produit financier se vende dans de bonnes conditions, de l'assortir d'avantages fiscaux particuliers.
En revanche, je me battrai du plus profond de mes convictions pour que vous ne modifiez pas subrepticement le code civil. C'est trop précieux ! C'est la confiance légitime qui unit deux époux lorsqu'ils se marient !
Je sais bien qu'avec le PACS les choses vont changer. Mais, mes chers amis, nous sommes un certain nombre à croire que le couple doit vraiment bénéficier de protection : les conventions matrimoniales, même tacites, auxquelles ils ont souscrit en se mariant doivent être stables et les tiers, c'est-à-dire ceux qui, en toute bonne foi, contractent avec eux, doivent être assurés que leur régime matrimonial n'a pas fait l'objet de modifications.
Or la proposition que vous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, vise à permettre ces modifications sans que les tiers, en particulier, en soient informés.
Pour le bien du pays, pour la réputation du Gouvernement, il faut donc rejeter cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, le Gouvernement n'a pas l'intention de modifier subrepticement le code civil ; cet amendement reste strictement dans le domaine fiscal. Je tiens d'ailleurs à vous remercier de l'avoir présenté d'une façon plus claire : en vous écoutant, j'avais envie de l'adopter. (Sourires.)
Ainsi, lorsque deux époux ont souscrit un contrat d'assurance vie, si l'un des deux décède, il y a deux possibi-lités.
Si c'est le souscripteur du contrat d'assurance vie qui décède avant le bénéficiaire, dans ce cas, le capital est totalement exonéré de droits de succession ; soit dit par parenthèse, il s'agit là d'une exception au code civil prévue par le droit fiscal et le code des assurances.
Mais vous avez fort bien expliqué, monsieur le président de la commission, que l'amendement que présente le Gouvernement vise la situation inverse, c'est-à-dire le cas où le bénéficiaire du contrat d'assurance vie décède avant le souscripteur. Dans l'état actuel des choses, le capital correspondant n'est pas exonéré de droits desuccession.
Le Gouvernement propose qu'il y ait exonération, comme dans l'autre cas. Cet amendement ne touche absolument pas au code civil ; il institue simplement un parallélisme dans la situation fiscale des deux époux, que l'un ou l'autre soit souscripteur ou bénéficiaire, que l'un ou l'autre meure le premier.
Il s'agit d'une mesure de justice qui vise à étendre une disposition dérogatoire du code des assurances à la situation dans laquelle le bénéficiaire du contrat de l'assurance vie décède avant le souscripteur.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le président de la commission des finances, d'avoir si bien expliqué les problèmes concrets que cet amendement entend résoudre. C'est en pensant à ces problèmes concrets, qui seront ainsi réglés sans qu'il soit touché en rien au code civil, qui est beaucoup trop prestigieux pour que le Gouvernement le modifie à la sauvette, que je demande au Sénat de voter cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous sommes exprimés de manière tout à fait claire et précise sur cet amendement. Dire, comme cela figure à la deuxième ligne du texte proposé pour l'article L. 132-16-1 du code civil, que « la valeur de rachat constitue un bien propre » signifie bien que l'on apporte une modification au code civil.
Dès lors que cette modification est apportée subrepticement au code civil, il ne nous est pas possible de donner un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Au début, on a eu l'impression que cet amendement n'avait pas d'incidence fiscale. Ensuite, M. le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il avait bien sa place dans la loi de finances rectificative, qu'il avait effectivement un objectif fiscal, objectif auquel, personnellement, je suis favorable. Malgré cela, je suis conduit à suivre l'argumentation de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances.
En effet, il est indiqué, dans le premier alinéa de cet amendement, que la valeur de rachat constitue un bien propre. Si vous aviez écrit, monsieur le secrétaire d'Etat : « est considéré sur le plan fiscal comme un bien propre », cela changeait déjà la portée de l'amendement.
Quant à l'alinéa 2, il est tout aussi mauvais. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Vous avez indiqué que ces dispositions étaient destinées à mettre fin à des contentieux. Mais relisons cet alinéa : « Aucune récompense n'est due à la communauté en raison des primes payées par elle, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées, eu égard à l'importance des revenus des époux ou qu'elles ne constituent un appauvrissement excessif de la communauté. » On peut imaginer tous les contentieux que fera naître le fait d'apprécier si les primes sont manifestement exagérées, dans quelle proportion, comment et qui va contester le statut fiscal des primes versées ?
Telles sont les deux raisons d'ordre juridique qui me conduisent, d'une part, à souscrire à l'objectif de simplification et de clarification des contrats d'assurance vie entre époux et, d'autre part, à voter contre cet amendement. Par là même, je vous invite, monsieur le secrétaire d'Etat, à essayer de trouver une meilleure rédaction.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 55, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 16 quindecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du b du 1° de l'article 209-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Les produits des titres dont la valeur est retenue pour le calcul de la proportion mentionnée au a sont constitués directement par des dividendes prélevés sur des sommes à raison desquelles la société distributrice a été soumise à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt comparable visé à ce a ou sur des produits nets de participation ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères, et par les plus-values résultant de leur cession. »
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute qu'un amendement dont l'objectif était similaire a été défendu, voilà quelques jours, par notre collègue M. Cazalet, lors de l'examen de la seconde partie de la loi de finances. Cet amendement avait été retiré à la suite de votre engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, de résoudre le problème dans les plus brefs délais.
J'ai cru comprendre que la question avait peut-être un peu évolué au cours de contacts préparatoires, et c'est d'ailleurs pour favoriser cette évolution que je dépose cet amendement portant article additionnel après l'article 16 quindecies .
L'objet de l'amendement est de corriger une ambiguïté du dispositif prévu à l'article 209-0 A du code général des impôts à l'égard des OPCVM investis principalement en actions : SICAV ou fonds communs de placement.
L'article 14-1 de la loi de finances pour 1993 avait prévu que l'exception au principe de prise en compte des écarts de valeurs liquidatives était applicable aux parts ou actions d'OPCVM français ou établis dans un Etat membre de l'Union européenne dont les fonds sont principalement investis en actions émises par des sociétés elles-mêmes européennes et soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.
La loi ajoute qu'il doit s'agir de titres rémunérés par des dividendes ouvrant droit à l'avoir fiscal. Cette seconde exigence crée un doute sur l'extension du dispositif aux actions de sociétés européennes dans la mesure où l'avoir fiscal n'existe à proprement parlé que dans notre pays. Il n'existe dans l'Union européenne aucun dispositif équivalent par lequel l'actionnaire bénéficierait d'un avoir fiscal égal à 50 %, ou désormais 45 % pour certains actionnaires, du dividende distribué.
Or, il n'est pas concevable que seules les parts ou actions d'OPCVM principalement investis en actions françaises puissent bénéficier de l'exception législative. Ce serait peu cohérent à l'heure de la mise en place de l'euro.
L'objectif de la mesure d'origine, qui consistait à taxer les gains latents sur les revenus monétaires dégagés par l'intermédiation des OPCVM, resterait respecté si l'exception concernait la détention de titres de capital de société européennes rémunérés par des dividendes non déductibles du résultat fiscal des sociétés émettrices ou par la redistribution des revenus de leur participation ouvrant droit au régime des sociétés mères et filiales.
Il est proposé de mettre fin à cette ambiguïté en prévoyant que les titres éligibles à cette exception sont ceux dont les produits sont constitués par des dividendes tels que définis ci-dessus et par les plus-values des cessions de ces titres.
De la sorte, les actions des sociétés européennes pourront être effectivement prises en compte, comme il est normal dans le cadre de l'Union européenne.
Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission vous soumet cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement réédite un appel qui nous a déjà été adressé d'examiner cette question, dont M. Marini a bien montré le côté techniquement délicat.
J'ai pris l'engagement que le Gouvernement allait étudier cette question. Elle est trop délicate pour être examinée dans un délai aussi court. Je vous propose, monsieur le rapporteur général, que nous en reparlions l'an prochain. Au bénéfice de cet engagement, je vous incite...
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'euro, c'est le 1er janvier !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est dans quinze jours.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... à retirer votre amendement, sinon j'en demanderai le rejet.
M. le président. Acceptez-vous de retirer votre amendement, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, je le maintiens.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 quindecies.
Par amendement n° 44 rectifié, M. Ballayer et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 16 quindecies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le cinquième alinéa du 2° de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est ainsi modifié :
« 1. Le nombre : "24" est remplacé par le nombre : "32" ;
« 2. Le nombre : "27,90" est remplacé par le nombre : "37,20" ;
« 3. Le nombre : "83,50" est remplacé par le nombre : "111,33" ;
« 4. Le nombre : "87,40" est remplacé par le nombre : "116,50". »
La parole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. La grande distribution devrait être l'un des secteurs les plus favorisés par la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle.
En contrepartie, le présent amendement prévoit de relever d'un tiers les taux d'aide au commerce et à l'artisanat qui pèse sur les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés dont le chiffre d'affaires est au moins égal à 3 millions de francs.
Le rendement de cette taxe était de 1 045 millions de francs en 1997, et il devrait être de 1 159 millions de francs en 1998.
L'augmentation des taux prévue par le présent article devrait rapporter 350 millions de francs supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est certain que les grandes surfaces devraient bénéficier de la suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle. Toutefois, elles contribueront au financement de cette réforme de la taxe professionnelle par le biais de la modification du mode de calcul de la valeur ajoutée ou par celui de l'augmentation de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
Il y aurait donc lieu de revoir cette question et de réexaminer les incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur la répartition des activités commerciales entre les différentes formes de distribution.
N'étant pas en mesure de présenter aujourd'hui un avis définitif, la commission demande à M. Ballayer de bien vouloir, dans l'immédiat, retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Ballayer, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur général ?
M. René Ballayer. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié est retiré.
Par amendement n° 60, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16 quindecies, un article ainsi rédigé :
« Le III de l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° .... du ....) est supprimé. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les amendements n°s 59 et 60 ont pour objet de lever des gages qui avaient été prévus aux articles 5 et 8 du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale pour 1999 et qui portaient, comme tous les gages, sur les droits de consommation du tabac.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 60 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 quindecies.
Par amendement n° 59, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16 quindecies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° .... du ....) est supprimé. »
Le Gouvernement a déjà défendu cet amendement.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement, par cohérence avec le vote intervenu, il y a quelques instants, sur l'amendement n° 23 à l'article 16 quindecies.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

II. _ AUTRES DISPOSITIONS

Article 17