Séance du 15 décembre 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je me bornerai à quelques brèves observations qui sous-tendent la position du groupe de l'Union centriste.
Très naturellement, ce projet de loi de finances rectificative pour 1998 intervient à un moment de l'année où, en dehors d'adaptations législatives habituelles, nous pouvons, plutôt que prévoir, constater l'état des finances publiques de notre pays.
De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait bénéficié d'importantes rentrées budgétaires nouvelles et imprévues, bref, comme vous l'avez dit vous-même, que l'année 1998 ait été une période de vaches grasses budgétaires.
M. Michel Charasse. Attention que les vaches grasses ne deviennent des folles ! (Rires.)
M. Michel Mercier. C'est vous qui le dites, monsieur Charasse. Mais peut-être n'êtes-vous pas très loin de la réalité, à voir ce que nous faisons du pactole dont nous disposons ! Et je vous remercie de m'avoir soufflé l'expression, que je n'aurais pas osé employer moi-même !
M. Michel Charasse. Oh !
M. Michel Mercier. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons en effet que regretter la façon dont le Gouvernement utilise le surplus de recettes fiscales dont il bénéficie.
On aurait pu penser que ces recettes nouvelles auraient servi à améliorer la situation budgétaire de notre pays, à diminuer notablement le déficit et la charge de la dette publique, en dehors des opérations liées à la diminution du taux de l'argent, et, en tout cas, à améliorer la situation patrimoniale de la France.
Nous constatons, pour le regretter, que le Gouvernement a décidé de ne pas diminuer les dépenses, ou, lorsqu'il le fait, il s'attaque aux dépenses d'investissement plutôt qu'aux dépenses de fonctionnement.
Après la discussion du projet de loi de finances pour 1999, consacré aux principes, nous en venons, avec la discussion du projet de loi de finances rectificative, aux réalités.
Pendant la discussion du projet de budget pour 1999, le Gouvernement - parfois vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, souvent vos collègues - n'a eu de cesse de stigmatiser la position adoptée par le Sénat à la demande de sa commission des finances, position qui consistait à voir où l'on pouvait réaliser des économies et comment faire pour gérer le mieux possible la maison France.
Je prendrai un exemple particulièrement pertinent qui montre bien que, tous ensemble, nous aurions pu faire du meilleur travail ! Les sénateurs ayant décidé de diminuer pour 1999 de quelque 6,2 milliards de francs les crédits du titre IV du budget de l'emploi, ils ont eu affaire à une semonce plus que sévère de votre collègue Mme la ministre chargée des affaires sociales qui, en substance, a alors déclaré ceci : Doit-on faire de même pour l'insertion des publics en difficulté, dont les crédits sont prévus au chapitre 44-74 ? Je le comprendrais assez mal, alors que vous avez parlé de votre préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de longue durée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez de diminuer non pas de 6,2 milliards de francs les crédits du titre IV mais de 7,5 milliards de francs les crédits de ce chapitre 44-74 relatif aux publics en difficulté et à l'insertion !
La commission des finances, tant dans ce projet de loi de finances rectificative pour 1998 que dans le projet de loi de finances pour 1999, a fait un travail de fond, un travail solide, sérieux, permettant finalement au Sénat d'adopter un ensemble de dispositions qui, telles qu'elles nous étaient présentées, avaient grandement besoin d'être améliorées.
Vous nous donnez en quelque sorte raison, monsieur le secrétaire d'Etat, avec la proposition que fait le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.
Je souhaite donc que, à l'avenir, la position du Sénat ne soit pas stigmatisée, médiatisée, alors même que le Gouvernement fait mieux encore dans la réduction des crédits pour l'insertion, sans d'ailleurs que nos collègues de la minorité sénatoriale y voient quoi que ce soit à redire !
Je tiens à remercier M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, qui ont travaillé de façon très sereine et extrêmement approfondie pour nous permettre d'adopter un projet de loi de finances rectificative pour 1998 tenant compte de la situation fiscale particulièrement bonne dont notre pays a joui cette année, ce dont nous nous félicitons - si le Gouvernement y est pour quelque chose, nous sommes prêts à le reconnaître et à l'en féliciter - et essayant de préparer l'avenir mieux que ne l'avait fait le projet de loi initial. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est sans trop d'étonnement que nous avons constaté que le projet de loi de finances rectificative pour 1998 avait connu quelques malheurs en passant par le Sénat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oh non !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est ainsi, par exemple, que les dépenses publiques ont été quelque peu réduites, dans une solide tradition de recherche d'économies budgétaires que la commission des finances de la Haute Assemblée s'est toujours fait fort de mener,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... comme pour faire oublier sa grande mansuétude dans l'allégement des contraintes fiscales pesant sur les plus hauts revenus et les entreprises.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les footballeurs !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le meilleur exemple de la démarche de la commission des finances nous est d'ailleurs fourni par le présent texte, puisque, en réalité, après avoir voté une minoration des dépenses et une modification de l'article d'équilibre, les amendements adoptés dans la seconde partie du texte conduisent à dégrader profondément le solde budgétaire global.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m'interroger sur la cohérence d'une démarche volontariste de réduction des déficits publics qui s'échafaude autour d'un accroissement de la dépense fiscale, et donc de moins-values importantes pour le budget général.
Pour notre part, nous nous sommes inscrits dans ce débat avec un souci essentiel : comment faire en sorte que les conditions soient réunies pour que la croissance soit le plus justement partagée et pour que le moteur de cette croissance, c'est-à-dire la consommation intérieure, ne connaisse pas de fâcheux ratés dans le courant de l'année 1999 ?
Notre amendement portant sur la question des minima sociaux et de l'urgence sociale - à laquelle il faut répondre - au travers d'une taxation plus équilibrée des revenus financiers, véritable pierre de touche de toute réforme fiscale dans l'intérêt du plus grand nombre, participait naturellement de cette démarche.
De la même manière, l'ensemble de nos amendements sur la question du plafonnement de la taxe d'habitation - quand bien même celle-ci sera concernée, ces prochains mois, par une réforme d'ensemble ! - tendaient à faciliter pour les ménages les plus modestes un allégement de leurs contraintes fiscales et créaient une marge de pouvoir d'achat supplémentaire pour certains.
Quant à notre position de principe sur la question des déductions professionnelles, elle demeure toujours valable, compte tenu des débats et de la nécessité, pour ce qui nous concerne, de prendre la juste mesure du statut professionnel qui en découle.
Nous espérons donc que, lors de la nouvelle lecture du texte à l'Assemblée nationale, après l'échec prévisible de la commission mixte paritaire, on pourra prendre en compte les principales préoccupations que nous avons exprimées dans ce débat.
En tout état de cause, nous ne voterons évidemment pas, vous l'aurez compris, le texte issu des travaux de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme nous l'avions dit lors de la discussion générale, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 présenté par le Gouvernement était un bon collectif.
L'évolution des finances publiques a été conforme aux prévisions et le déficit est même légèrement inférieur au chiffrage initial. Les ouvertures de dépenses et les annulations de crédits réalisées apparaissent conformes aux nécessités qui se sont fait jour en cours d'année et à une bonne maîtrise de la dépense.
La majorité sénatoriale a remis en cause plusieurs dépenses. Je ne reviens pas sur les motifs discutables de ces suppressions. Je note simplement que ces suppressions ont modifié ce collectif, et donc notre appréciation.
Le groupe socialiste émettra, en conséquence, un vote négatif.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Le groupe des Républicains et Indépendants votera le projet de loi de finances rectificative, tel qu'il a été modifié tout au long de ces débats.
Ces deux jours de discussion nous laissent une impression à la fois de travail tout à fait remarquable de la part de la commission des finances et de son rapporteur, de dialogue constructif avec le Gouvernement, mais aussi de méthode tout de même un peu brutale, qualifiée de « à la hussarde », et de délais très brefs pour l'examen d'un projet de loi de finances rectificative.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que le rapport vous décernait un brevet de vertu budgétaire. Tel n'était pas tout à fait le cas, et la discussion nous a permis de clarifier notre point de vue.
Notre point de vue est simple, et c'est la raison pour laquelle nous voterons le projet de loi de finances rectificative ainsi amendé.
Ma première observation, c'est que le débat qui devait avoir lieu sur le retournement et la modification de la conjoncture a été, une nouvelle fois, escamoté. Nous le regrettons.
Ma deuxième observation, c'est que, si la loi de finances est certainement très rigide, en raison du poids des services votés, des mesures acquises, il reste néanmoins des marges de manoeuvre, marges de manoeuvre qui, dans la loi de finances rectificative, s'élèvent à un peu plus de 20 milliards de francs, les annulations étant intervenues, cette année, dès le mois de janvier.
Cela nous conforte dans notre conviction qu'une autre politique budgétaire est possible, d'autant que les décisions qui interviennent en cours d'année vont dans le sens de ce que nous proposons, nous, au moment du débat budgétaire, c'est-à-dire la réduction des dépenses, la réduction du déficit et le freinage de la croissance des dépenses publiques.
Ma troisième observation, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que, vraiment, ce n'est ni le lieu ni le moment, dans un collectif budgétaire de 1998, de présenter des dépenses qui portent sur les années 1999 et 2000 !
L'annulation de crédits, à hauteur de 2,8 milliards de francs, proposée par la commission des finances et votée par le Sénat est donc entièrement justifiée. Un collectif ne doit pas comporter des dépenses pour l'avenir. C'est d'ailleurs contraire à l'ordonnance de 1959. Lesdites dépenses doivent figurer dans le projet de loi de finances pour 1999 et, ensuite, pour respecter le principe de l'annualité budgétaire, dans le projet de loi de finances pour l'an 2000.
Le débat d'aujourd'hui a également montré très clairement que le collectif budgétaire était un mauvais véhicule pour la réforme fiscale. Vous l'avez d'ailleurs reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque, d'entrée de jeu, vous avez déclaré qu'il valait mieux ne pas mettre dans ce collectif budgétaire la réforme des bases cadastrales.
En revanche, d'autres textes touchant à la réforme fiscale - le statut des journalistes, la réforme du droit de bail - ont été intégrés dans la loi de finances rectificative. Cela a donné lieu à des textes pas très bien rédigés, difficilement améliorables, sources de contentieux et de difficultés d'interprétation, et sur lesquels le Sénat n'avait pas la même position que le Gouvernement.
Pour l'avenir, il vaudrait mieux que les textes de réforme fiscale figurent dans la loi de finances initiale ou dans des textes spécifiques de réforme fiscale, plutôt que d'être présentés, un peu à la sauvette, il faut bien le dire, dans les collectifs budgétaires.
Telles sont nos observations, telles sont nos conclusions et, en définitive, telles sont toutes les raisons qui nous conduisent à voter le projet de loi de finances rectificative tel qu'amendé par le Sénat à la suite du rapport tout à fait remarquable de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il serait discourtois, en cet instant, de commenter les explications de vote. Aussi vais-je m'en abstenir.
Le Gouvernement a présenté un collectif budgétaire qui a respecté l'objectif de déficit fixé il y a un an - il l'a même amélioré de 3 milliards de francs - qui a utilisé des économies de constatation qui n'étaient pas forcément décelables dès le début de l'année 1998, comme certains l'ont dit, pour financer des dépenses courantes imprévues et qui a utilisé des marges fiscales pour apurer des dettes qui existaient depuis longtemps et pour anticiper des baisses d'impôt.
Le Sénat, dans sa majorité, a amendé ce projet conformément à son souhait d'exprimer, avec une constance que je respecte, une autre politique dans le domaine budgétaire. C'est son droit.
Je dirai simplement, en conclusion de ces deux jours de débat, que chacun d'entre nous a défendu ses convictions avec ses arguments, avec un ton courtois et avec la volonté d'améliorer certains articles lorsque cela était possible et souhaité de part et d'autre.
J'en terminerai en remerciant le président de la commission des finances, M. Lambert, qui a toujours fait régner la rigoureuse sagesse qui est la sienne, M. le rapporteur général, dont le talent m'a comme d'habitude émerveillé, pour sa connaissance détaillée de l'ensemble des dossiers complexes que nous examinons ensemble, mais aussi les valeureux sénateurs de la minorité comme les courtois sénateurs de la majorité.
Je ne saurais oublier, enfin, les présidents de séance, qui ont mené nos débats dans la grande tradition de la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 54:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 219
Contre 99

6