Séance du 22 décembre 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pastor pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Ce texte revient en nouvelle lecture au Sénat, après avoir une nouvelle fois été profondément remanié par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a rétabli le dispositif initial du projet de loi, à savoir l'instauration de deux catégories de chiens susceptibles d'être dangereux.
Les amendements déposés par la Commission et adoptés par le Sénat ont supprimé de nouveau ce dispositif clef de voûte du projet de loi, ce qui enlève tout sens au texte.
Pendant ce temps, la population attend, s'impatiente même parfois face à l'augmentation des incidents et des accidents quelquefois graves qui se produisent régulièrement.
Je réitérerai donc la position du groupe socialiste sur ce projet de loi : il est temps - il y va de notre devoir de législateur - que le texte aboutisse et que les décrets d'application soient pris rapidement.
C'est pourquoi nous ne pouvons adhérer à ces propositions et nous nous prononcerons contre le texte tel qu'il a été modifié par le Sénat, en souhaitant que l'Assemblée nationale, dans l'ultime lecture qu'elle fera de celui-ci, le rétablisse définitivement dans l'esprit voulu par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois, le Sénat est saisi du texte relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux. Si ce dernier chapitre ne soulève pas de problème, les assemblées l'ayant adopté définitivement, en revanche, concernant le chapitre des chiens potentiellement dangereux, d'importantes divergences subsistent entre les deux assemblées.
C'est d'ailleurs cette différence d'appréciation qui a fait échouer la commission mixte paritaire, nous obligeant à une nouvelle lecture.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions du texte ni sur celles qui font l'objet du désaccord.
Je rappellerai simplement que le classement des chiens susceptibles d'être dangereux constitue la colonne vertébrale du texte, permettant de traiter le problème posé par ces chiens sur le plan tant de la prévention que de la répression.
Or, en supprimant cette distinction, le Sénat, sur l'initiative de la commission des affaires économiques et du Plan, fait disparaître les obligations pesant sur les détenteurs de chiens d'attaque, dits de la première catégorie. C'est contraire à la philosophie générale du texte proposé par le Gouvernement.
Aussi, dans ces conditions, comme lors des précédentes lectures, nous nous abstiendrons sur le texte.
Sur l'article 19 bis, concernant la validation des concours d'entrée dans les écoles vétérinaires en 1998, le Gouvernement a déposé hier un amendement tendant à ramener la procédure d'admission à deux ans et à assouplir les conditions de préparation au concours de 1999.
S'il s'agit certes d'un premier pas vers une réponse équitable au problème rencontré par les « reçus-collés » des concours de 1998, nous estimons toutefois que nous sommes encore loin de l'équité sur cette affaire et que l'école vétérinaire française aurait besoin d'une réforme en profondeur, sur le plan tant du contenu et de la forme des enseignements que de la procédure des concours et des examens.
Cela nécessiterait, de notre point de vue, de traiter la profession vétérinaire dans un texte spécifique et non pas à la sauvette, au détour d'un texte sur les animaux dangereux.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai le texte tel qu'il vient d'être amendé. Trente-cinq années de vie professionnelle m'ont en effet permis de considérer que la classification des chiens potentiellement dangereux relève un peu de l'illusion.
J'observe, par ailleurs, que les responsabilités des maires, déjà nombreuses en matière de police, de contrôle, etc., sont encore accrues.
J'ajoute, monsieur le ministre, que des textes existent déjà ; il suffirait simplement de les « toiletter » et, surtout, de les appliquer. Si nous souhaitons tous, bien sûr, protéger nos concitoyens des animaux dangereux, la classification paraît cependant, pour le moins, arbitraire.
S'agissant du concours d'entrée aux écoles vétérinaires, monsieur le ministre, qui sème le vent récolte la tempête. Des dispositions, fruit de l'imagination de je ne sais qui, ont abouti à plonger les candidats dans l'incertitude, dans un grand désarroi, et à perturber tous ces jeunes qui ont la vocation d'exercer notre belle profession.
Le Sénat a adopté l'amendement n° 17 du Gouvernement, ce qui signifie évidemment, comme M. le rapporteur l'a dit de façon très éloquente, que nous sommes d'accord pour qu'une solution soit recherchée afin de régulariser cette situation.
Mais, de grâce, monsieur le ministre, ne changeons plus les règles d'un concours ! Un concours est un concours, et je ne voudrais pas voir porter atteinte au système d'admission dans nos grandes écoles ; certaines velléités semblent apparaître quant aux classes préparatoires et à l'admission dans les grandes écoles. De grâce, n'essayons pas, par des moyens plus ou moins avoués, de décrédibiliser des formations qui ont démontré leur efficacité dans notre pays.
L'Assemblée nationale va bien sûr, en dernier ressort, en revenir aux dispositions qu'elle a déjà adoptées à deux reprises. Nous aurons au moins pu lancer un avertissement et dire que les textes les plus simples sont les plus faciles à appliquer. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'inanité de la classification proposée ; je souhaite simplement bien du courage au Gouvernement pour appliquer ce dispositif, sachant que, d'ores et déjà, un certain nombre de propriétaires se préparent à cette classification et dressent des chiens, qui n'étaient pas dits « d'attaque », à devenir tels.
C'est le fameux délai de quinze jours, qui est, à mon avis, le point le plus important. Le projet de loi revient en effet sur ce délai fondamental, prévu voilà bien longtemps en fonction d'une maladie que nous n'avons pas encore éradiquée : la rage. Là aussi, bien des obstacles se lèveront à mon avis devant le Gouvernement.
Je voterai, pour ma part, le texte modifié par la Haute Assemblée.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je reviendrai simplement sur les deux points principaux de ce projet de loi.
S'agissant tout d'abord de la classification en deux catégories, nous avons dit ce que nous en pensions. Il faut maintenant voir comment les choses se passeront dans l'avenir. Deux possibilités s'offrent en effet au Gouvernement.
Si le Gouvernement choisit la solution a minima , il mettra dans la première catégorie le pitbull - et éventuellement une autre race, pour que le pitbull ne soit pas le seul chien visé - et, dans la seconde catégorie, deux ou trois races tels le rotweiller, l'american staffordshire, sans réserver de sort particulier aux autres chiens potentiellement dangereux. Nous aurons donc voté un projet de loi qui ne servira pas à grand-chose, si ce n'est à montrer à la population que nous avons tapé du poing sur la table, et que nous avons donc interdit les pitbulls. Mais n'oublions pas, monsieur le ministre, que la population regarde ce qui se passe sur le terrain et non ce qui est fait au Parlement ou au Gouvernement !
Si le Gouvernement choisit la position a maxima, il classera dans la première catégorie le pitbull, pour valider le texte qui va être voté par l'Assemblée nationale, et, dans la seconde catégorie, tous les chiens potentiellement dangereux, choisis selon des critères objectifs. Nous en reviendrons alors au dispositif du Sénat, assorti d'une petite variante : le pitbull sera classé dans la première catégorie, pour justifier cette dernière.
Je vous signale, monsieur le ministre, que très peu de nos collègues et de nos concitoyens savent ce qu'est un pitbull. J'ai pu voir récemment, à la télévision, une émission présentant les réactions de passants confrontés à un rotweiller montrant les crocs : « Vous avez vu ce pitbull ? », disaient-ils tous !
Si le Gouvernement opte pour la seconde possibilité, je lui souhaite bien du courage ! J'adhère en effet aux propos que viennent de tenir MM. Bernard et Dulait : nous disposons déjà de suffisamment de lois, d'ailleurs non appliquées, pour faire régner l'ordre dans nos derniers difficiles. Les élus de ces derniers savent bien que le fait d'ajouter au dispositif existant encore un texte, complexe à mettre en oeuvre, n'améliorera en rien la situation !
Le second point que je souhaite soulever vise les écoles vétérinaires. Si un dispositif transitoire a été mis en place par un précédent ministre de l'agriculture, M. Philippe Vasseur, avec les concours A, A I et A II, tous les dysfonctionnements inhérents à ce dispositif transitoire ont été le fait du gouvernement actuel, comme l'a rappelé M. Bernard. Ainsi, des changements ont eu lieu la veille du concours et les quotas A I n'ont pas été respectés sans que l'on sache pourquoi. Ces modifications ont légitimé les recours, les manifestations d'inquiétudes et la révolte des candidats en question.
Certes, un système provisoire était nécessaire pour mener à bien cette transition. Tel était l'objectif des concours A, A I et A II. Mais il n'aurait pas fallu changer les règles du jeu en cours de parcours ! Comme me l'a écrit un parent d'élève, « on ne modifie jamais un système électoral entre les deux tours de scrutin » ! On n'y arrive même pas, parfois, juste un peu avant les élections alors qu'il faudrait le faire !
En tout cas, nous sommes arrivés à une bonne solution, dont la première pierre a été posée ici même par M. Bernard, défendant l'amendement déposé par M. Bizet, ce dont je tiens publiquement à le remercier. Ce texte a été suivi de l'amendement n° 16, que j'ai proposé à la commission des affaires économiques et du Plan le 10 décembre dernier et qui a été repris par le Gouvernement.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir fait ce pas vers les écoles vétérinaires et les étudiants, et d'avoir mis un terme à cette délicate affaire et à cette situation douloureuse. Comme mes collègues, je vous souhaite bon courage pour l'application de ce nouveau texte, dont vous pourriez me dire qu'elle relève maintenant plus de la compétence du ministre de l'intérieur que de la vôtre ! Mais serait-ce vraiment une bonne réponse pour nos concitoyens ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je répondrai brièvement sur les deux points abordés par M. le rapporteur.
S'agissant tout d'abord de la classification en catégories, je dirai que, entre la solution a minima et la solution a maxima , il existe la solution raisonnable et intelligente ; nous verrons donc au cas par cas comment évoluent les différentes races de chiens : chiens potentiellement dangereux, chiens dangereux ou chiens très dangeureux. Si, par hasard, on observe dans l'ensemble de la population, comme vous semblez le craindre, monsieur le rapporteur, un phénomène de basculement, les gens, sous prétexte de l'interdiction et de l'élimination des pitbulls, se reportant sur une autre race, nous en prendrons alors acte. La loi n'établit pas une liste des races de chiens classées dans telle ou telle catégorie, et la souplesse du dispositif proposé nous permettra éventuellement d'apporter les modifications nécessaires pour prendre en compte une nouvelle situation.
Monsieur le rapporteur, je ne veux pas ouvrir de querelle sur la réalité de ce que vivent nos concitoyens, réalité qui serait à cent lieues de ce qui se passe dans cette assemblée ou dans l'autre. Il y a actuellement 40 000 pitbulls en France, et tout le monde sait ce que c'est. (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.) Si, monsieur le rapporteur ! Interrogez les gens autour de vous ! Je n'ai pas de doute sur le sujet. Il faut donc, à mon avis, prendre les problèmes tels qu'ils se posent à nous et les résoudre avec beaucoup de pragmatisme. C'est le sens des dispositions proposées par le Gouvernement.
S'agissant des concours des écoles vétérinaires, « qui sème le vent récolte la tempête », a dit M. Bernard. Moi, je n'ai rien semé ! Je récolte la tempête avec vous, si j'ose dire. (Sourires.)
M. le rapporteur a dit à l'instant que cette réforme a été engagée par Philippe Vasseur, qui a mis en place un dispositif transitoire. Ce sont les suites de cette réforme que nous gérons actuellement. Il a déclaré ensuite que le gouvernement actuel était responsable des dysfonctionnements du dispositif transitoire. Non ! Ce n'est pas vrai ! Si les quotas prévus par la réforme n'ont pas été remplis, c'est la faute non pas du Gouvernement ou de l'administration du ministère de l'agriculture - je les défendrai de toute façon et en toutes circonstances, car c'est pour moi une question de principe ! - mais celle des jurys, qui, souverains à cet égard, n'ont pas rempli les quotas. Ce n'est pas le ministre qui décide qui va être reçu ou non ! Telle est la réalité objective à laquelle nous sommes confrontés.
Pour ce qui est de l'avenir, le gouvernement actuel a décidé la fin des quotas. C'est clair, il n'y aura plus de quotas, le Gouvernement a pris ses responsabilités, ce qui devrait apaiser vos inquiétudes.
Telles sont les deux précisions que je voulais apporter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

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