Séance du 22 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° 37, MM. Bordas et Gouteyron proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Des antennes médicales de lutte contre le dopage sont agréées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des sports. Elles organisent, de façon anonyme, si les intéressés le demandent, des consultations ouvertes aux personnes ayant eu recours à des pratiques de dopage ou présentant des pathologies liées à de telles pratiques.
« Elles leur proposent, si nécessaire, la mise en place d'un suivi médical.
« Les personnes ayant bénéficié de ce suivi médical peuvent demander au médecin qui les aura traitées un certificat nominatif mentionnant la durée et l'objet du suivi.
« Les conditions d'agrément et de fonctionnement des antennes médicales de lutte contre le dopage sont fixées par décret. »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement, n° 41, présenté par Mme Luc, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et tendant :
A. - Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 37, pour insérer un article additionnel après l'article 1er, après les mots : « de façon anonyme, », à insérer les mots : « et gratuite ».
B. - A compléter le même texte par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de ressources résultant de la prise en charge par la caisse d'assurance maladie des consultations visées au premier alinéa est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, à faire précéder le premier alinéa de la mention « I ».
La parole est à M. Bordas, pour défendre l'amendement n° 37.
M. James Bordas. J'ai rappelé tout à l'heure dans quelles circonstances le président Gouteyron et moi-même avons été amenés à déposer cet amendement.
Nous n'avons pas été convaincus ni par l'orthodoxie juridique ni par l'efficacité de la procédure d'alerte médicale. La commission n'en est pas moins très consciente du problème de santé publique que représente le dopage qui, comme l'avait dit lors de la première lecture M. François Lesein, connaît à la fois un développement quantitatif, car il tend incontestablement à se répandre, en particulier ches les jeunes, et une aggravation qualitative, car il met en oeuvre des produits de plus en plus dangereux.
On ne peut donc plus se contenter de s'en remettre à la prévention ni même à la sanction des « tricheurs », que le projet de loi organise par ailleurs.
Ce que nous vous proposons, madame la ministre, est inspiré, comme je l'ai dit, de l'expérience du « numéro vert » que vous avez mis en place, mais aussi du système de lutte contre le sida prévu par la loi du 30 juillet 1987.
Les événements récents ont eu au moins une conséquence positive : on parle de plus en plus du dopage et de ses effets, souvent très graves, parfois mortels. Beaucoup de sportifs tentés par le dopage ou qui y ont eu recours s'inquiètent et souhaitent être informés et conseillés : c'est ce que montre le nombre d'appels reçus par le « numéro vert ».
Il ne faut surtout pas les dissuader de rechercher cette information ni leur faire craindre, s'ils demandent de l'aide, d'être dénoncés ou sanctionnés. Ce serait le meilleur moyen de les enfermer dans le circuit du dopage et des médecins qui en sont, hélas ! les acteurs ou les complices. Ce serait aussi le meilleur moyen de renforcer la « loi du silence ».
Nous vous proposons donc d'organiser, à partir des moyens existants, des « antennes médicales de lutte contre le dopage », qui seraient des centres de consultation auxquels pourraient s'adresser les victimes du dopage. Comme dans le cas des consultations de dépistage du sida ces victimes pourraient le faire anonymement : c'est, je crois, essentiel pour qu'elles aient confiance et pour qu'elles osent parler de leurs problèmes.
Ces antennes médicales seraient des structures très légères, qui ne prendraient pas elles-mêmes en charge les personnes concernées mais qui pourraient les diriger vers des médecins, ou mettre en place à leur intention un suivi médical.
Il serait extrêmement souhaitable, à notre avis, qu'il puisse en exister au moins une par région.
Tel est l'objet de cet amendement, sur lequel la commission a bien voulu donner un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre le sous-amendement n° 41.
Mme Hélène Luc. L'amendement n° 37 vise à mettre en place des antennes médicales placées sous l'autorité conjointe du ministère de la santé et du ministère de la jeunesse et des sports.
C'est là une innovation importante, qui place le dopage mais aussi, plus largement, la santé des sportifs dans le champ de la santé publique.
Pour rompre avec la solitude des sportifs s'étant adonnés à un moment de leur vie au dopage, MM. Gouteyron et Bordas posent le principe de l'anonymat.
Nous reprenons à notre compte le souhait de voir ces structures légères mises en place dans chaque région, mais nous suggérons que les consultations ainsi prodiguées soient gratuites.
Le dopage, nous le savons, ne concerne pas seulement les sportifs professionnels ayant des revenus suffisants.
La gratuité permettrait de renforcer le dispositif en le rendant accessible à tous les sportifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 41 et sur l'amendement n° 37 ?
M. James Bordas, rapporteur. Nous souhaiterions, bien sûr, que le Sénat adopte le sous-amendement n° 41 (sourires), mais vous comprendrez que la commission ait dû décider de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
Quant à l'amendement n° 37, l'avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Sur le sous-amendement n° 41, je ne peux, monsieur le rapporteur, que m'en rapporter à moi-même, puisque je suis le seul membre du Gouvernement ici présent, et, dans l'état actuel des choses, j'y suis défavorable.
Cela étant, j'espère que la mise en place de la couverture maladie universelle permettra de régler le problème qui est ici posé.
Sur l'amendement n° 37, l'avis du Gouvernement est, en revanche, favorable.
Je voudrais, à cette occasion, préciser que les appels qui parviennent au numéro vert sont souvent de véritables appels au secours de sportifs de haut niveau ou de sportifs amateurs qui cherchent des lieux où trouver un véritable conseil. Les personnes écoutantes ont dû, à plusieurs reprises déjà, diriger des sportifs vers des antennes médicalisées, parce que leur état, tel qu'ils le décrivaient, le nécessitait. Les antennes médicales de proximité permettront donc à ces sportifs de trouver des conseils et des soins, si nécessaire.
Il faut savoir, par ailleurs, que nombre des sportifs qui appellent le numéro vert avouent qu'ils n'osent pas se confier à leur famille, à leur entourage sportif et parfois même à leur médecin du sport. Je suis donc tout à fait favorable à la mise en place de ces antennes.
M. le président. Madame Luc, le sous-amendement n° 41 est-il maintenu ?
Mme Hélène Luc. Que dois-je faire ? (Sourires.) Je pense vraiment que ces consultations devraient être gratuites.
Madame la ministre, parce que je n'abandonne pas cette idée, à laquelle, vous venez de le dire, vous souscrivez aussi, j'aimerais que vous me promettiez - et je sais que vous tenez les promesses que vous faites - de voir avec vos collègues du Gouvernement, donc avec d'autres départements ministériels, s'il est possible de faire en sorte qu'un jour on puisse arriver à une telle gratuité, car il faudra y arriver. (Mme le ministre opine.)
Dans ces conditions, je retire le sous-amendement n° 41.
M. le président. Le sous-amendement n° 41 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Je veux revenir un instant sur le sous-amendement n° 41. Il me paraît effectivement sage de ne pas lier les deux dispositifs. Je crains fort, en effet, compte tenu de la procédure employée, que la mise en place du dispositif de l'amendement n° 37 ne soit un peu longue. Si l'on y ajoute un problème de financement, ou plus précisément de remboursement, les délais seront encore plus longs. Je remercie donc Mme Luc d'avoir retiré son sous-amendement, et ce dans un souci d'efficacité.
Dans un premier temps, il faut effectivement mettre en place au moins une cellule, à titre symbolique, pour prouver tout à la fois qu'il y a un besoin et que le dispositif fonctionne. Ensuite, je crois avec M. le rapporteur qu'il conviendra d'en prévoir une par région. Une telle mesure me paraît essentielle, indispensable pour que les sportifs reprennent confiance vis-à-vis du corps médical et vis-à-vis du monde sportif en général.
Madame le ministre, croyez bien que cette assemblée veillera, d'ici à six mois, à l'application des mesures proposées par MM. Bordas et Gouteyron, car c'est le minimum que nous puissions exiger. Sachant que vous ne pouvez pas tout faire - d'autres ministères sont concernés - nous vous aiderons dans cette tâche.
Il faut que, pour 1999, ces cellules apparaissent dans un maximum de régions, quitte à ce que nous examinions, lors des discussions budgétaires de l'année prochaine, si un problème de financement ou de remboursement se pose - parce que ce n'est pas certain - afin, le cas échéant, de légiférer en faveur de ceux qui éprouveraient des difficultés financières.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Article 1er bis